Support de Cours Économie du Développement 2024-2025 PDF
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Institut universitaire d'Abidjan
2024
N’Banan OUATTARA
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Ce document est un support de cours d'économie du développement pour les étudiants de Licence 3 à l'Institut Universitaire d’Abidjan. L'année universitaire est 2024-2025. Le cours aborde les concepts de développement, croissance et sous-développement, ainsi que leurs causes et caractéristiques.
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Année universitaire 2024-2025 Economie du Développement Support de Cours Licence 3, Sciences Economiques Enseignant : N’Banan OUATTARA, Ph.D. en Economie [email protected] nbanan142@g...
Année universitaire 2024-2025 Economie du Développement Support de Cours Licence 3, Sciences Economiques Enseignant : N’Banan OUATTARA, Ph.D. en Economie [email protected] [email protected] 1 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Préambule Bienvenue au cours d'économie du développement de niveau Licence 3 en économie ! Ce cours vous ouvrira les portes d'un domaine passionnant de l'économie qui examine les défis, les opportunités et les dynamiques qui sous-tendent le processus de développement économique à l'échelle mondiale. Tout au long ce cours, nous plongerons profondément dans les théories et les modèles qui éclairent la complexité du développement économique et des inégalités entre les nations. Remerciements Nous remercions tous les enseignants du département des sciences économiques, en particulier Docteur Edouard Pokou ABOU (Chef du département d’économie), de même que les étudiants de niveau Licence 3 de l’Institut Universitaire d’Abidjan OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 2 Table des matières Introduction générale................................................................................................................... 3 Objectif du cours............................................................................................................................. 3 Importance du cours d'économie du développement...................................................................... 4 Plan du cours................................................................................................................................... 5 Chapitre 1 : Le Développement et le sous-développement........................................................ 6 1. Le développement................................................................................................................... 6 2. Le sous-développement et ces caractéristiques..................................................................... 14 3. Les indicateurs de mesure du développement....................................................................... 22 Chapitre 2 : Les causes du sous-développement...................................................................... 28 1. Le sous-développement comme retard : les théories libérales.............................................. 28 2. Les structures des PED comme obstacles à leur développement.......................................... 31 3. Le sous-développement comme conséquence de l’impérialisme......................................... 36 Chapitre 3 : Les approches dualistes........................................................................................ 40 1. Le dualisme et le décollage................................................................................................... 40 2. Le dualisme et les migrations (le modèle de Harris-Todaro)................................................ 42 3. Le secteur informel................................................................................................................ 45 Chapitre 4 : Pauvreté et inégalités............................................................................................ 49 1. Mesure de la pauvreté........................................................................................................... 49 2. L’inégalité ou pauvreté relative............................................................................................. 52 3. Croissance et inégalité : la « loi » de Kuznets....................................................................... 52 Chapitre 5: Les politiques de développement.......................................................................... 53 1. Les politiques publiques après les indépendances................................................................ 53 2. Les programmes d'ajustement structurel............................................................................... 55 3. L’émergence des économies asiatiques................................................................................. 59 3 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie 4. Diagnostic de la croissance................................................................................................... 63 5. Les nouvelles stratégies internationales de développement pour une croissance soutenable et inclusive.................................................................................................................................... 64 6. Quelques politiques pour favoriser une croissance plus inclusive........................................ 64 Chapitre 6 : Institutions, gouvernance et développement....................................................... 72 1. Analyse économique des institutions.................................................................................... 72 2. Bonne gouvernance et développement.................................................................................. 74 3. Théorie des capacités et bonne gouvernance........................................................................ 79 Références bibliographiques......................................................................................................... 82 OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 4 Introduction générale Comment expliquer qu’aujourd’hui encore la majorité de la population du globe vive dans la pauvreté et la précarité, alors que les progrès techniques et organisationnels semblent rendre la solution à portée de main ? Pour quelles raisons certaines parties du monde s’enrichissent-elles à des taux parfois sans précédent dans l’histoire de l’humanité, pendant que d’autres stagnent ou même régressent ? Ce sont ces problèmes que les économistes du développement cherchent à analyser. L’expression économie du développement a été utilisée pour la première fois en 1943 par Paul Rosenstein-Rodan (1902-1985), économiste autrichien. L'économie du développement, en tant que branche à part entière de l'économie, émerge à la fin de la Seconde Guerre mondiale au moment où les populations d’un grand nombre de pays encore colonisés, sur les continents africains et asiatiques, revendiquent leur indépendance et s’engagent dans des luttes de libération nationale. Elle se concentre sur l'étude des processus de développement économique et social des pays et des régions. Selon Arthur Lewis, on peut définir l'économie du développement comme l’« analyse de l’économie des pays les plus pauvres ». En effet, cette branche de l’économie vise à comprendre les facteurs qui influencent la croissance économique, la réduction de la pauvreté, l'amélioration des conditions de vie et le bien-être des populations dans les pays en développement. Après avoir été quasiment vouée à la disparition dans les années 1980 par les courants économiques néoclassiques dominants, l'économie du développement se trouve depuis quelques décennies réhabilitées, à la faveur notamment de la redécouverte, par les grandes institutions internationales, du phénomène massif de la pauvreté et des mécanismes qui la perpétuent. L’économie du développement se livre à un exercice compliqué, abordant des sujets de plus en plus multidisciplinaires tout en conservant un regard d’économiste. Objectif du cours Globalement, ce cours d'économie du développement de niveau Licence 3 en économie a pour objectif de permettre aux étudiants de : -Présenter la notion de développement et montrer comment elle a évolué; -Distinguer la notion de développement de celle de croissance; 3 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie -Identifier les caractéristiques du sous-développement d’une part, et les causes du sous- développement d’autre part; -Présenter les indicateurs de mesures du développement; -Présenter les notions de pauvreté et d’inégalités d’une part, et d’autre part, identifier les différentes façons de les mesurer et d’en analyser les dynamiques; -Présenter le fonctionnement des modèles de Lewis, de Feï-Ranis, et de Harris-Todaro; -Présenter la place de l’économie informelle dans les pays en développement; -Analyser les déterminants des migrations et identifier les impacts des migrations; -Analyser les effets des institutions sur la croissance et le développement; -Présenter le lien entre gouvernance et croissance; -Présenter les stratégies de développement mises en œuvre dans les pays en développement. Importance du cours d'économie du développement Le cours d'économie du développement est un élément essentiel dans le programme d'études en économie, en particulier au niveau de la Licence 3 en économie. Le cours d'économie du développement permet aux étudiants de comprendre les enjeux de développement auxquels sont confrontés les pays en développement. Les étudiants apprennent les théories et les stratégies visant à améliorer le bien-être des populations défavorisées, ce qui est une préoccupation majeure à l'échelle mondiale. En étudiant l'économie du développement, les étudiants sont encouragés à développer une réflexion critique sur les politiques et les approches actuelles en matière de développement. Cela les prépare à contribuer de manière informée au débat sur le développement dans le monde réel. Enfin, pour ceux qui envisagent de poursuivre une carrière dans des organisations internationales, des ONG, des agences gouvernementales ou des entreprises actives dans les pays en développement, une compréhension solide de l'économie du développement est essentielle. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 4 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Plan du cours Le présent cours est divisé en six chapitres. Le premier chapitre, « Le Développement et le Sous- développement », explique d’abord les concepts de développement, croissance et sous- développement. Les caractéristiques des pays sous-développés ou en développement sont ensuite présentés. Enfin, le chapitre s’achève avec les indicateurs de mesure du sous-développement. Le second chapitre, « Les causes du sous-développement », parcours les principales théories qui expliquent le sous-développement. Le troisième chapitre, « Les approches dualistes » discute des approches dualistes. Le quatrième chapitre « Pauvreté et inégalité » aborde les notions de pauvreté et d’inégalité. Le cinquième chapitre « Les politiques de développement » présente les politiques de développement après les indépendances et les stratégies de développement pour une croissance soutenable et inclusive. Enfin, le sixième chapitre « Institutions, gouvernance et développement » est consacré aux approches qui présentent le développement comme un changement institutionnel et cherchent à l’expliquer. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 5 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Chapitre 1 : Le Développement et le sous-développement L'évolution du monde moderne a donné lieu à des disparités économiques, sociales et humaines frappantes entre les différentes régions du globe. Certaines nations prospèrent avec des économies dynamiques, des systèmes éducatifs avancés et une qualité de vie élevée pour leurs citoyens, tandis que d'autres font face à la stagnation, la pauvreté et l'accès limité aux ressources essentielles. Ces réalités contrastées sont souvent désignées par deux termes distincts : le développement et le sous- développement. 1. Le développement 1.1. Définition Il existe plusieurs définitions sur le développement. Cependant, celle proposée par François Perroux (économiste Français) est la plus répandue. Pour ce dernier, le développement est : « la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global » (Perroux F., 1961). La définition de Perroux implique deux faits principaux : si la croissance peut se réaliser sans forcément entraîner le développement (partage très inégalitaire des richesses, captation des fruits de la croissance par une élite au détriment du reste de la population), il y a tout de même une forte interdépendance entre croissance et développement (le développement est source de croissance et nécessite une accumulation initiale). Enfin, le développement est un processus de long terme, qui a des effets durables. Une période brève de croissance économique ne peut ainsi être assimilée au développement. Pour Perroux, le développement ne se réduit pas simplement à une augmentation du produit intérieur brut (PIB) ou de la production économique. Il met plutôt l'accent sur l'amélioration globale des conditions de vie des individus, en tenant compte des aspects économiques, sociaux, culturels et humains. Cette vision généraliste du développement considère que le progrès économique doit aller de pair avec l'amélioration du bien-être social et de la qualité de vie de la population. Cela implique des investissements dans l'éducation, la santé, les infrastructures, l'emploi, la lutte contre les inégalités et la préservation de l'environnement. En mettant l'accent sur l'expansion des capacités humaines, François Perroux souligne l'importance de permettre aux individus d'avoir accès à l'éducation, aux OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 6 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie compétences et aux opportunités qui leur permettront de contribuer activement au développement de leur société. Certes, la définition du concept peut varier suivant les écoles de pensée qui la sous-tendent ou par les institutions internationales en fonction de leurs priorités politiques de développement. Mais, elle est toujours élaborée à partir de la pratique et intègre les diverses dimensions émises par François Perroux. Le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) définit le développement comme le fait d’« élargir l’éventail des possibilités offertes aux hommes ». Cette définition est inspirée de la théorie des « besoins essentiels (ou élémentaires) » créée dans les années 1970 au sein du Bureau International du Travail (BIT). Le développement y est caractérisé par la disponibilité d’un minimum de biens pour assurer la survie (alimentation, habillement, etc.) et de services de base comme la santé ou l’éducation. Les besoins essentiels sont définis par le fait qu’ils sont quantifiables, universels et facteurs de croissance économique. Le PNUD propose quatre critères pour mesurer le niveau de développement d’un pays : la productivité qui permet d’enclencher un processus d’accumulation ; la justice sociale : les richesses doivent être partagées au profit de tous ; la durabilité : les générations futures doivent être prises en compte (dimension à long terme du développement) ; le développement doit être engendré par la population elle-même et non par une aide extérieure. 1.2. Distinction entre croissance économique et développement Parfois, les termes de "croissance économique" et de "développement " sont utilisés de manière interchangeable pour décrire le processus global de développement, bien qu'il soit important de noter qu'il existe en réalité une distinction fondamentale entre ces deux concepts. La croissance économique se réfère à l'augmentation soutenue et durable de la production économique totale d'un pays ou d'une région sur une période donnée. Elle est généralement mesurée par l'accroissement du produit intérieur brut (PIB). La croissance économique se concentre sur l'expansion quantitative de l'activité économique, c'est-à-dire une augmentation de OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 7 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie la production de biens et de services dans une économie. Elle est souvent exprimée en pourcentage par an. La croissance économique est un indicateur important de la performance économique d'un pays et est généralement considérée comme une condition nécessaire pour améliorer le niveau de vie, créer des emplois et réduire la pauvreté. Cependant, elle ne prend pas en compte la répartition des revenus, les inégalités sociales, ni les dimensions sociales et environnementales du progrès. Ainsi, une croissance économique forte peut ne pas nécessairement se traduire par une amélioration équitable du bien-être de la population. Le développement, quant à lui, est un concept plus large. Il englobe (implique) non seulement la croissance économique, mais aussi des aspects sociaux, culturels, politiques et environnementaux. Le développement économique vise à améliorer la qualité de vie de la population, en mettant l'accent sur la satisfaction des besoins fondamentaux tels que l’accès aux services de base (éducation, santé), l’alimentation, le logement, l’habillement, la réduction des inégalités, le respect des droits de l'homme, la durabilité environnementale, etc. Contrairement à la croissance économique, le développement prend en compte les dimensions humaines et sociales du progrès, en cherchant à créer un environnement favorable à l'épanouissement de l'ensemble de la population. Cela implique des politiques et des investissements qui permettent une répartition plus équitable des bénéfices de la croissance, une amélioration des conditions de vie des plus défavorisés et une utilisation durable des ressources. Pour Gunnar Myrdal (1968), il s'agit d'un mouvement vers le haut de tout le corps social. En résumé, la croissance économique est une augmentation quantitative de la production économique (un phénomène quantitatif d’accumulation de richesses), tandis que le développement va au-delà de la croissance en incluant des dimensions sociales, environnementales et culturelles, visant à améliorer le bien-être global de la population (un phénomène qualitatif de transformation sociétale). Idéalement, un développement économique réussi devrait combiner une croissance économique soutenue avec des politiques et des mesures visant à favoriser l'équité sociale et la durabilité. 1.3. Du développement au développement durable ou la genèse du développement durable OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 8 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie La notion de développement est souvent accolée à de nombreux adjectifs censés préciser la dimension qui la différencierait de la croissance (« développement social », « développement humain », « développement durable »). La genèse du développement durable remonte aux années 1970, lorsque des préoccupations croissantes concernant les impacts environnementaux et sociaux du développement ont commencé à émerger à l'échelle mondiale. Plusieurs événements et idées clés ont contribué à façonner le concept du développement durable. L'un des premiers signes de la prise de conscience des limites de la croissance économique a été la publication du rapport "The Limits to Growth"1 en 1972 par le Club de Rome2. Ce rapport a mis en évidence les risques de la croissance économique non maîtrisée, notamment en ce qui concerne la disponibilité des ressources naturelles. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain à Stockholm en 1972 a été aussi un événement majeur qui a marqué le début de la prise de conscience internationale des questions environnementales. Elle a conduit à la création du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Le concept moderne de développement durable a été popularisé par le rapport "Our Common Future", également connu sous le nom de rapport Brundtland3, publié en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement des Nations Unies. Ce rapport a défini le développement durable comme "un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité pour les générations futures de satisfaire les leurs." Il a mis l'accent sur l'équilibre entre les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement. 1 "The Limits to Growth" utilisait des modèles informatiques pour analyser les conséquences de la croissance continue de la population mondiale, de l'industrialisation et de la consommation de ressources naturelles. Il mettait en évidence les limites physiques de la planète en termes de production alimentaire, d'énergie et de matières premières, suggérant que si ces tendances se poursuivaient, elles pourraient entraîner des problèmes graves, voire une catastrophe. 2 Le Club de Rome est un groupe de réflexion international fondé en 1968. Il est composé de scientifiques, d'universitaires, d'hommes d'affaires et d'autres experts issus de différents domaines. Le Club de Rome est principalement connu pour avoir publié en 1972 un rapport intitulé "The Limits to Growth" (Les Limites de la Croissance), rédigé par Dennis Meadows et d'autres chercheurs. Ce rapport a attiré l'attention sur les préoccupations concernant la croissance économique à long terme, les ressources naturelles limitées et les impacts environnementaux. 3 Le Rapport Brundtland, officiellement intitulé "Our Common Future" (Notre avenir à tous), est un rapport publié en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement des Nations Unies. La commission a été créée en 1983 et était présidée par l'ancienne Première ministre de Norvège, Gro Harlem Brundtland, d'où le nom du rapport. L'objectif de ce rapport était d'explorer les liens entre le développement économique, la protection de l'environnement et les problèmes sociaux, et de proposer une vision holistique pour l'avenir. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 9 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Par la suite d’autres événements et idées clés ont contribué à renforcer le concept du développement durable. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, également connue sous le nom de Sommet de la Terre de Rio, qui a eu lieu en 1992 au Brésil, a été un moment clé dans l'adoption du développement durable comme concept mondial. L'Agenda 21 et les Principes de Rio ont été adoptés lors de cette conférence, établissant des lignes directrices pour la promotion du développement durable à l'échelle mondiale. Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies, établis en 2000, visaient à améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables du monde. Ils ont mis l'accent sur des objectifs spécifiques liés à la réduction de la pauvreté, à l'éducation, à la santé, à l'égalité des sexes et à d'autres aspects du développement durable. Les Objectifs de développement durable (ODD), également connus sous le nom d'Agenda 2030, ont été adoptés en 2015 par les Nations Unies pour succéder aux OMD. Les ODD sont un ensemble de 17 objectifs qui couvrent un large éventail de domaines liés au développement durable, y compris la réduction de la pauvreté, l'éducation, la santé, l'égalité des sexes, la protection de l'environnement et la justice sociale. La genèse du développement durable est marquée par une évolution progressive des idées et des politiques, avec une reconnaissance croissante de la nécessité de concilier la croissance économique avec la préservation de l'environnement et le bien-être social. Le développement durable est désormais un cadre global pour orienter les politiques et les actions visant à améliorer la qualité de vie des générations actuelles et futures. 1.4. Les piliers du développement durable Le développement durable repose sur trois piliers interdépendants qui sont essentiels pour atteindre un équilibre entre les besoins présents et futurs de l'humanité, tout en préservant l'environnement. Ces trois piliers du développement durable sont d’abord (1) le pilier économique. Ce pilier se concentre sur la prospérité économique et la création de richesse. Il vise à satisfaire les besoins économiques des individus et des sociétés, à favoriser la croissance économique, à générer des emplois, à stimuler l'innovation et à améliorer le niveau de vie. Cependant, le développement économique durable reconnaît également la nécessité de prendre en compte la répartition équitable des bénéfices économiques, la gestion responsable des ressources naturelles et la minimisation des impacts environnementaux. Nous avons (2) le pilier social qui met l'accent sur le bien-être des populations et la justice sociale. Il vise à garantir l'accès équitable à l'éducation, à la santé, à OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 10 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie l'emploi, au logement, à la sécurité alimentaire, à la participation politique et à d'autres aspects de la qualité de vie. Le développement durable reconnaît l'importance de l'élimination de la pauvreté, de la réduction des inégalités, de la promotion de l'égalité des sexes, de la protection des droits de l'homme et de la participation démocratique dans la prise de décisions. Enfin, (3) le pilier environnemental qui met l'accent sur la protection et la préservation de l'environnement naturel. Ce pilier vise à minimiser les impacts négatifs sur les écosystèmes, à préserver la biodiversité, à réduire la pollution, à gérer de manière durable les ressources naturelles (comme l'eau, l'air, les sols, les forêts, les océans) et à atténuer le changement climatique. Le développement durable encourage une utilisation responsable des ressources naturelles afin de garantir leur disponibilité pour les générations futures. L’on doit noter que ces trois piliers du développement durable sont interconnectés et interdépendants. L'atteinte des objectifs dans l'un de ces domaines peut avoir des répercussions positives ou négatives sur les autres. Par exemple, une croissance économique non durable peut entraîner une dégradation environnementale et des inégalités sociales croissantes. De même, des politiques sociales équitables peuvent contribuer à la stabilité économique et à la protection de l'environnement. Le concept de développement durable vise à équilibrer ces trois piliers de manière à garantir un avenir viable pour les générations actuelles et futures. Il s'agit d'une approche globale qui reconnaît que le progrès économique ne peut pas se faire au détriment de la société ou de l'environnement, mais doit plutôt favoriser leur bien-être et leur durabilité à long terme. 1.5. Les objectifs du développement durable En 2015, après fusion des OMD et des engagements dans le domaine de l’environnement, il a été décidé de procéder de manière collaborative pour fixer un agenda 2030 reposant sur 17 « objectifs du développement durable (ODD) » pour la période 2015-2030. Contrairement aux OMD, les ODD concernent tous les pays, développés ou en voie de développement. Les 17 objectifs retenus sont les suivants : Objectif 1. Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde. Objectif 2. Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable. Objectif 3. Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 11 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Objectif 4. Assurer à tous une éducation équitable, inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. Objectif 5. Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles. Objectif 6. Garantir l’accès de tous à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau. Objectif 7. Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. Objectif 8. Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein-emploi productif et un travail décent pour tous. Objectif 9. Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation. Objectif 10. Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre. Objectif 11. Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables. Objectif 12. Établir des modes de consommation et de production durables. Objectif 13. Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions. Objectif 14. Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable. Objectif 15. Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité. Objectif 16. Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 12 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Objectif 17. Renforcer les moyens de mettre en œuvre le Partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser. -------------Quiz 1------------ 1-L’expression économie du développement a été utilisée pour la première fois par: a- par le président américain Harry Truman en 1949 b- par Alfred Sauvy en 1952 c-par Paul Rosenstein-Rodan en 1943 d-par François Perroux en 1961 2-La notion de développement est : a- identique à la notion de croissance ; b- une notion unidimensionnelle ; c- une notion familière aux économistes, puisqu’elle ne concerne pas les autres sciences sociales; d- une notion multidimensionnelle, certaines dimensions étant étudiées par d’autres sciences sociales ; e- identique à la notion de croissance illimitée. 3-Le développement durable est : a- un développement qui accélère l’augmentation du revenu sans réduire la biodiversité ; b- défini comme un développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité pour les générations futures de satisfaire les leurs ; c- défini comme un développement qui permettra aux générations futures un bien-être toujours croissant ; d- un type de développement qui implique un passage immédiat aux énergies renouvelables. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 13 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie 4-Les Objectifs de Développement Durable (ODD) introduits en 2015 se distinguent des OMD par : a- une couverture plus large des enjeux mondiaux b- Une focalisation exclusive sur les pays en développement c- une approche plus intégrée du développement durable d- une réduction de l'aide internationale 5-L'objectif de développement durable lié à la préservation de l'environnement est: a-Objectif 7 b-Objectif 11 c-Objectif 14 d-Objectif 17 2. Le sous-développement et ces caractéristiques 2.1 Les différentes appellations ou noms du sous-développement La notion de « pays sous-développé » est utilisée pour la première fois par le président américain Harry Truman4 en 1949, lors de son discours sur l’état de l’Union (« point IV »). Il y justifie l’aide que doivent apporter les pays riches aux pays pauvres afin d’endiguer la montée du communisme. C’est donc dans un contexte de guerre froide que se forge le débat sur les appellations des pays les plus pauvres. Par la suite, plusieurs dénominations vont se succéder (voir encadré 1). En 1952, la notion de « tiers-monde5 » est utilisée par le démographe et économiste 4 Le 20 janvier 1949, le président des États-Unis Harry S. Truman prononce le discours sur l’état de l’Union. À cette occasion, il désigne du doigt la grande pauvreté qui affecte la moitié de l'humanité. Dans le Point Quatre de son discours, il déclare : « Il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens dans le monde vit dans des conditions voisines de la misère. Ils n'ont pas assez à manger. Ils sont victimes de maladies. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour eux que pour les régions les plus prospères. » 5 L'expression tiers monde, ou tiers-monde, lancée en 1952, se rapporte à l'ensemble des pays africains, asiatiques, océaniens ou du continent américain en carence de développement. Les termes premier monde, second monde et tiers monde ont été employés pour regrouper les nations de la Terre en trois grandes catégories. Après la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN et le Pacte de Varsovie ont été considérés comme les deux grands blocs. Le nombre de pays faisant partie de ces deux blocs n’étant pas fixé de manière précise, on s’est finalement aperçu qu’un grand nombre de OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 14 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie français Alfred Sauvy pour qualifier les pays sous-développés. En faisant référence au tiers état de l’Ancien Régime, il entend dénoncer la marginalité dans laquelle se trouve ce troisième monde à côté des deux blocs en conflit et annoncer son émergence imminente en force politique mondiale. C’est l’époque où les pays pauvres s’allient dans un but commun : dénoncer la logique des blocs et revendiquer leur voix dans le concert mondial des nations. Ainsi, en 1955, la conférence de Bandoeng6 voit naître le tiers-monde comme mouvement politique : c’est le début du mouvement des « non-alignés », voie médiane entre les deux blocs américain et russe, qui revendique un « Nouvel Ordre Economique International » (NOEI). Cette revendication amènera l’émergence du « groupe des 777 » et la création de la CNUCED (conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) en 1964 au sein de l’ONU, qui se fait le porte-voix des revendications du tiers-monde pour un commerce plus équitable. Dans les années 1970, à côté de la notion politique de tiers-monde, l’ONU avance la notion de « Pays en Voie de Développement » (PVD), la notion de pays sous-développé étant considérée comme trop stigmatisante. Puis, dans les années 1980, s’impose l’appellation « Pays en Développement » (PED) qui est censée traduire le processus de progrès économique et social dans lequel sont engagés les pays pauvres. Elle traduit la volonté d’une approche optimiste et positive du développement. La notion de PED cohabite aujourd’hui avec celle du « Sud8 », qui insiste sur la localisation géographique des PED en opposition avec le Nord, ou bien encore avec la notion de « pays émergent » qui insiste sur le caractère imminent de leur développement, en particulier pour les pays les plus avancés dans leur développement. pays ne rentraient dans aucune de ces deux catégories. En 1952, le démographe français Alfred Sauvy invente le terme « tiers monde » pour désigner ces pays. 6 La conférence de Bandung (ou conférence de Bandoeng) s'est tenue du 18 au 24 avril 1955 à Bandung, en Indonésie, réunissant pour la première fois les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques. Cette conférence marqua l'entrée sur la scène internationale des pays décolonisés du « tiers monde ». Ceux-ci ne souhaitant pas intégrer les deux blocs qui se font face, menés par les États-Unis et l'URSS, choisissent le non- alignement. 7 Le Groupe des 77 (G-77) est une coalition de pays en développement qui ont pour objectif de promouvoir leurs intérêts économiques collectifs et de renforcer leur position dans les négociations internationales. Il a été créé en 1964 par 77 pays membres lors de la première Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) à Genève, en Suisse. Depuis lors, le nombre de membres a considérablement augmenté, et le groupe compte maintenant plus de 130 pays. Le G-77 cherche à réduire les inégalités économiques et à favoriser le développement durable dans le monde entier. 8 L'expression "pays du Sud" fait généralement référence aux nations en développement situées principalement dans les régions d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et d'Océanie. L'utilisation de l'expression "pays du Sud" est souvent associée à des discussions sur les inégalités mondiales, le développement économique, les droits de l'homme et d'autres enjeux liés au développement. Elle est souvent opposée à l'expression "pays du Nord", qui désigne généralement les pays industrialisés et développés situés principalement en Europe, en Amérique du Nord et dans certaines parties de l'Asie. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 15 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Encadre 1 Pays en développement : C'est l'une des appellations les plus courantes pour désigner les pays qui sont considérés comme étant en situation de sous-développement. Ces pays sont également parfois appelés "pays en voie de développement" ou "pays du Sud". Pays moins avancés (PMA) : Ce terme est utilisé par les Nations Unies pour désigner les pays qui sont confrontés à des défis particuliers de développement et qui ont un revenu par habitant relativement bas. Tiers monde : Cette expression était couramment utilisée pendant la Guerre froide pour désigner les pays qui ne faisaient pas partie du bloc occidental (premier monde) ni du bloc soviétique (deuxième monde). Cependant, cette terminologie est devenue moins fréquente après la fin de la Guerre froide. Pays émergents : Ce terme fait référence à des économies en transition qui connaissent une croissance économique rapide et une industrialisation, mais qui peuvent également faire face à des problèmes de développement et d'inégalités. Pays en développement arriérés : Cette appellation est parfois utilisée pour décrire les pays qui accusent un retard significatif dans leur développement économique et social par rapport aux pays développés. Pays du Sud global : Cette expression est utilisée pour désigner les pays situés principalement dans l'hémisphère sud et qui sont confrontés à des défis de développement. Pays en développement du tiers monde : Une combinaison de différentes expressions pour désigner les pays qui se trouvent dans une situation de sous-développement. Pays en voie de développement : Le terme "pays en voie de développement" est utilisé pour désigner les pays qui sont en train de progresser économiquement, socialement et humainement, mais qui n'ont pas encore atteint le niveau de développement des pays développés. Ces pays sont en transition entre les économies principalement agricoles et les économies industrielles, et ils cherchent à améliorer leur niveau de vie, leur bien-être et leurs conditions de vie pour leur population. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 16 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie 2.2. Définition du sous-développement Le développement est un phénomène récent. Il n’a concerné qu’un petit nombre de pays à partir du XVIIIe siècle lors de la révolution industrielle des pays d’Europe de l’Ouest. L’état qualifié aujourd’hui de « sous-développement » était donc la situation normale du monde avant cette époque. Qualifier la situation des pays ne connaissant pas de trajectoire de développement similaire aux pays occidentaux est apparu comme une nécessité lorsque, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il s’est avéré qu’une grande partie des nations du globe était de fait exclue du processus de développement, et que cette situation constituait un enjeu économique et politique. La notion de « sous-développement » a d’abord été définie en creux, comme une situation de non- développement. Un pays « sous-développé » connaîtrait donc des blocages qui empêchent le processus de développement de se mettre en place, en particulier l’industrialisation. Lever ces blocages par des stratégies de développement basées sur l’industrialisation et la sortie de la spécialisation agricole permettrait donc de sortir du sous-développement. Mais, le sous- développement ne peut se réduire au seul critère de la sous-industrialisation. La théorie des « besoins essentiels » met l’accent sur la notion de « manque » : un pays sous-développé est un pays où les besoins fondamentaux de l’homme ne sont pas couverts (alimentation, sécurité, santé, éducation…). Mais, il faut aussi insister sur les fortes inégalités internes dans les PED. De ce fait, selon Sylvie Brunel (géographe, économiste et écrivaine française), le sous-développement se manifeste par quatre critères : une pauvreté de masse ; de fortes inégalités par rapport aux pays développés mais aussi à l’intérieur du pays lui-même (hommes/femmes, urbains/ruraux…) ; l’exclusion du pays du commerce international, des connaissances scientifiques mondiales… mais aussi d’une partie de la population au sein même du pays (femmes, populations rurales…) ; l’insécurité, qu’elle soit environnementale, sanitaire ou encore politique, dans laquelle vit la majorité de la population. En résumé, nous pouvons définir le sous-développement comme la situation dans laquelle un pays ou une région souffre d'un niveau de vie inférieur à la moyenne, d'un accès limité aux services de OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 17 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie base tels que l'éducation, la santé et les infrastructures, ainsi que d'un faible niveau d'industrialisation et d'innovation technologique. 2.3. Quelques caractéristiques des pays sous-développés Les pays sous-développés ou les PED partagent certaines caractéristiques qui les distinguent des pays développés. Voici quelques-unes des principales caractéristiques des PED. 2.3.1. Des structures économiques et sociales désarticulées Les PED se caractérisent par une structure économique et sociale qui constitue un obstacle à leur développement (économie agraire, État faible, structure sociale très inégalitaire…). Le courant tiers-mondiste, en particulier, met en accusation le passé colonial des PED pour l’expliquer. En effet, la majorité des PED sont d’anciennes colonies. Ils ont donc hérité d’une structure économique et sociale désarticulée du fait que les pays colonisateurs ont orienté leur production en fonction de leurs propres besoins, provoquant un démantèlement des économies locales. Par exemple, dès le XIXe siècle, la Grande-Bretagne a imposé à l’Inde de se spécialiser dans la production et l’exportation de coton brut vendu aux entreprises anglo-saxonnes et l’importation de cotonnade (produit transformé), alors même que l’Inde disposait d’un tissu productif de cotonnade performant. Cette spécialisation forcée a provoqué l’effondrement de l’artisanat indien du coton. Ainsi, près de la totalité des exportations des colonies étaient à destination des pays colonisateurs. Les PED ont une structure économique déséquilibrée reposant sur un très fort secteur primaire peu productif et une très faible industrialisation. Leur production est peu diversifiée et, du fait de la faiblesse du marché intérieur, leurs exportations sont fort dépendantes de l’évolution des cours mondiaux. Ainsi, la colonisation a empêché le processus de révolution industrielle dans les colonies en leur assignant la spécialisation dans une économie agraire. De plus, la colonisation a aussi provoqué la déstructuration de l’organisation sociale. Les pertes humaines ont été très lourdes (entre 40 et 100 millions d’hommes perdus pour l’Afrique du fait de la traite des esclaves), ce qui a enrayé tout processus de développement économique. L’imposition violente de normes économiques et sociales occidentales (utilisation de la monnaie pour les échanges, remplacement des terres communautaires par des propriétés privées) a déstructuré l’organisation sociale et économique traditionnelle des pays africains et asiatiques, ainsi que la OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 18 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie cohésion sociale de ces régions. La colonisation a aussi redéfini les frontières, en particulier en Afrique, rendant parfois impossible l’émergence d’États-nations viables. Il ne faut cependant pas faire retomber toute la responsabilité du sous-développement sur la colonisation. Par exemple, certains PED n’ont jamais été colonisés (l’Éthiopie) et certains pays développés l’ont été (Canada, Australie). De plus, le pillage des ressources naturelles des colonies par les colonisateurs a été remis en cause par des travaux empiriques qui ont montré que les matières premières ont peu joué dans la révolution industrielle des pays développés. Le poids de la colonisation dans le sous-développement des ex-colonies dépend donc surtout de la situation initiale du pays avant qu’il soit colonisé (type de production, structure sociale…). 2.3.2. Les inégalités socio-économiques Les pays en développement sont souvent confrontés à des inégalités économiques et sociales importantes, où une petite partie de la population détient une grande partie des richesses et des ressources, tandis que la majorité de la population lutte pour satisfaire ses besoins de base. Simon Kuznets, économiste américain d'origine russe, a soutenu l’idée d’une opposition entre croissance et égalisation des revenus. C’est l’hypothèse du U inversé selon laquelle l’inégalité tendrait à augmenter dans les premières phases du développement, à partir d’une situation de relative égalité dans la pauvreté générale. La réduction de la pauvreté peut d’ailleurs aller de pair avec une aggravation des inégalités. Celle-ci ne diminueraient qu’après un certain seuil de développement, comme cela a été le cas pour les pays riches à partir des années cinquante. 2.3.3. Une forte croissance démographique et la maternité précoce Les PED se caractérisent par une forte croissance démographique du fait que leur transition démographique (passage d’un régime démographique à forte natalité et mortalité à un régime démographique à faible natalité et mortalité par l’intermédiaire d’un régime d’expansion élevée de la population) n’est pas achevée. En effet, les PED représentaient 1,7 milliard d’habitants en 1950, près de 5 milliards en 2000, et devraient peser entre 8 et 12 milliards en 2050 selon les prévisions de l’ONU. La fécondité dans les PED est forte. Dans de nombreux pays en développement, les taux de natalité sont plus élevés en raison de facteurs tels que la faible utilisation de la contraception, les normes sociales favorables aux familles nombreuses, et l'importance traditionnelle des enfants dans le OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 19 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie soutien aux parents âgés. Dans certaines sociétés, les croyances culturelles et religieuses peuvent encourager les familles à avoir des enfants en tant que norme sociale ou en tant que manifestation de la foi religieuse. Bien que la qualité des soins de santé puisse être variable dans les pays en développement, de nombreux progrès ont été réalisés pour réduire le taux de mortalité infantile grâce à l'amélioration de l'accès aux soins médicaux, à la nutrition et à l'hygiène. La structure démographique dans de nombreux pays en développement est caractérisée par une proportion élevée de jeunes, ce qui peut contribuer à une augmentation de la population, car une plus grande partie de la population est en âge de procréer. La maternité précoce, également connue sous le nom de maternité adolescente, est souvent considérée comme l'une des caractéristiques des PED ou des pays à revenu faible ou intermédiaire. Les facteurs tels que le mariage précoce, les pressions culturelles, l'accès limité à l'éducation et aux soins de santé, ainsi que la pauvreté, contribuent souvent à une maternité plus précoce. Les jeunes filles peuvent être mariées et avoir des enfants à un âge plus précoce dans certaines sociétés. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 20 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Encadré 2 La croissance économique entraine une baisse de la natalité pour les raisons suivantes : -La hausse de revenu fait perdre de l’importance au nombre des enfants, ceux-ci étant de moins en moins considérés comme une assurance pour les vieux jours (« les enfants, sécurité sociale du tiers monde ») ; -Dans le monde rural, le coût des enfants est faible ; ils sont même considérés très tôt comme une main d’œuvre supplémentaire. Par contre, les phénomènes d’urbanisation et d’industrialisation suscitent une augmentation de leur coût ; -La hausse du niveau d’éducation et surtout l’amélioration du statut social des femmes, qui peuvent se valoriser par le travail et plus seulement la maternité, se traduit également par une baisse de la fécondité. Le recul de l’âge de mariage et la diffusion de pratiques contraceptives agissent dans le même sens. Encadré 3 La démographie est-elle un obstacle au développement ? Depuis le XVIe siècle et les travaux de Jean Bodin (« Il n’y a ni richesse ni force que d’hommes »), diverses thèses s’opposent sur les conséquences de la démographie sur le développement. Les thèses anti- populationnistes comme le malthusianisme (issu de la pensée de l’économiste écossais Thomas Malthus, qui considérait au XIXe siècle que la forte croissance démographique était un obstacle à la croissance économique en freinant l’épargne et l’accumulation de capital) prônent un ralentissement de la croissance démographique pour permettre le développement. À l’inverse, les thèses populationnistes, comme celle de la « pression créatrice » de l’économiste danoise Esther Boserup, considèrent qu’un fort taux de fécondité incite le système économique à se moderniser à travers le progrès technique et est donc à terme source de productivité : l’accroissement de la population serait ainsi à l’origine des révolutions agricoles. La croissance démographique rapide dans les pays en développement peut avoir des conséquences économiques, sociales et environnementales importantes. Elle peut exercer des pressions sur les ressources naturelles, les infrastructures, les services de santé, l'éducation et l'emploi. Gérer cette croissance démographique de manière durable et équilibrée est un défi pour de nombreux pays en développement, car cela nécessite des politiques et des programmes appropriés en matière de planification familiale, de santé maternelle et infantile, d'éducation et d'emploi. Il est essentiel de reconnaître que la croissance démographique peut être à la fois une opportunité et un défi pour les pays en développement. Si elle est accompagnée de politiques appropriées de développement humain et économique, elle peut constituer une base pour la croissance économique et la prospérité future. Cependant, une croissance démographique incontrôlée peut également entraîner des pressions sociales et environnementales, qui nécessitent des mesures adéquates pour relever ces défis et améliorer la qualité de vie des populations concernées. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 21 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie 2.3.4. Accès difficile aux services de base, dépendance à l'agriculture et problèmes environnementaux Les PED ont souvent des taux d'alphabétisation et d'éducation plus bas par rapport aux PD. Un faible accès à l'éducation peut entraver le développement des compétences et la capacité des individus à s'engager dans des emplois plus productifs. Les PED font face à des problèmes de santé importants, tels que des taux élevés de mortalité infantile, des maladies transmissibles, des lacunes dans les systèmes de santé et des difficultés d'accès aux soins médicaux. Par ailleurs, de nombreux PED ont des infrastructures de transport, de communication, d'énergie et d'eau insuffisantes ou obsolètes, ce qui peut limiter le développement économique et social. Beaucoup de pays en développement ont une économie agricole prédominante, où une grande partie de la population est employée dans l'agriculture. Cependant, ces économies sont souvent vulnérables aux aléas climatiques et aux fluctuations des prix des matières premières. Les PED sont aussi confrontés à des défis environnementaux, tels que la dégradation des ressources naturelles, la déforestation, la pollution de l'air et de l'eau, et les effets du changement climatique. Retenons que les caractéristiques des pays en développement peuvent varier considérablement en fonction des facteurs économiques, géographiques, politiques et culturels propres à chaque pays. Ces caractéristiques sont également dynamiques et peuvent évoluer à mesure que ces pays progressent dans leur développement économique et social. 3. Les indicateurs de mesure du développement Les indicateurs pour mesurer le sous-développement et le développement permettre d'une part de mesurer les progrès réalisés et l’évolution économique et sociale d'un pays, et d'autre part, de disposer d’un système de classification des pays, des régions et des populations. A l’exception du PIB par habitant, les indicateurs de mesure ont en commun l’ambition de mesurer le développement en considérant ses nombreuses dimensions, et par conséquent, ils sont composés de plusieurs variables. Il existe de nombreux indicateurs, dont certains sont plus connus. 3.1. Le PIB/habitant OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 22 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Le PIB/habitant mesure le revenu moyen par habitant, il se calcule comme le rapport du PIB9 au chiffre de la population. Il est un indicateur du niveau de vie de pays qui permet d’évaluer ce qui serait la part de chacun si les fruits de la croissance étaient équitablement distribués. Le PIB/habitant donne des indications utiles sur les mouvements de productions de biens et services. Cependant, il ne mesure pas la qualité de la vie mais la quantité de bien produit. Dès lors, d’autres indicateurs semblent nécessaires si l’on veut mieux appréhender les différences de développement. 3.2. La mesure du développement au-delà du PIB Les insatisfactions face au caractère réductionniste de l’approche du développement en termes de PIB ont donné lieu à de multiples tentatives pour enrichir la mesure, dans deux directions principales : prise en compte de la dimension humaine d’une part, prise en compte de l’environnement de l’autre. En effet, le niveau de développement d’un pays ne se limite pas à son niveau de richesse économique, le développement ne se réduisant pas à la croissance économique. C’est pourquoi d’autres indicateurs appelés « indicateurs de développement » sont souvent utilisés. 3.2.1. L’Indicateur de Développement humain (IDH) Pour mieux prendre en compte les aspects sociaux du développement, les Nations unies (à travers le PNUD) ont commencé à publier en 1990 un indicateur de développement humain (IDH), sur la base des travaux de Mahbub ul Haq et d’Amartya Sen. L’élaboration et l’utilisation de cet indicateur marquent un progrès important dans l’approche du sous-développement et du développement. Il représente une sorte de rupture avec les approches du sous-développement et du développement couramment utilisé par les organisations internationales jusqu’aux années 90. L’IDH tient compte du revenu, mais aussi d’autres éléments de bien-être dans les domaines de l’éducation et de la santé. L’IDH a été modifié à plusieurs reprises, et à nouveau en 2011. C’est un indicateur composite qui intègre trois variables: -l’espérance de vie à la naissance10. Cette variable est utilisée comme indicateur de la situation sanitaire. 9 Le Produit Intérieur Brut exprime les richesses d’un pays, il est égal à la somme des valeurs ajoutées. 10 L'espérance de vie à la naissance est une mesure statistique qui représente la durée moyenne de vie qu'une personne peut s'attendre à avoir à partir du moment de sa naissance, en supposant que les taux de mortalité actuels restent constants tout au long de sa vie. En d'autres termes, c'est OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 23 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie -le niveau d’éducation. Il est exprimé par le taux d’alphabétisation et le taux brut de scolarisation primaire, secondaire et supérieur. -Le niveau de vie exprimé à travers le PIB réel par habitant, mesuré en PPA (parités de pouvoir d’achat). L’IDH est la moyenne simple des trois éléments, variant entre 0 et 1. De nombreux ouvrages ou annuaires statistiques comparent les classements des pays selon le PIB par tête et selon l’IDH. On constate des variations significatives dans le sens où certains pays bien classés selon le PIB par tête, se trouve moins bien classés selon l’IDH, et l’inverse aussi. 3.2.2. L’Indicateur Sexospécifique du Développement Humain (ISDH) Après plusieurs décennies de politiques de développement, les chercheurs et les décideurs ont fini par comprendre qu’il existe des inégalités fondamentales entre les sexes. L’objectif de l’ISDH est de mesurer ces inégalités et les écarts entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les variables de base qui composent l’IDH, à savoir la situation sanitaire, l’accès à l’éducation et le revenu. Plus l’ISDH est faible par rapport à l’IDH, plus les écarts et les inégalités entre les hommes et les femmes sont importants. 3.2.3. L’Indicateur de la Participation des Femmes (IPF) Cet indicateur mesure et évalue le niveau de participation des femmes dans divers aspects de la société, tels que la main-d'œuvre, la politique, l'éducation et d'autres activités socio-économiques. 3.2.4. L’Indicateur de la Pauvreté Humaine (IPH) L’indicateur de la pauvreté humaine (IPH) est une variante de l’IDH, dans la mesure où il est composé de trois variables dont deux identiques à l’IDH, à savoir l’espérance de vie et le taux d’analphabétisme. La différence entre les deux indicateurs porte sur la troisième variable : au lieu du revenu (ou plus précisément le PIB/ tête) comme le fait l’IDH, l’IPH utilise une variable concernant les conditions de vie. Les conditions de vie ne peuvent pas être exprimées seulement une estimation de la durée de vie moyenne d'une génération donnée, basée sur les taux de mortalité observés à un moment donné dans une population donnée. L'espérance de vie à la naissance est souvent utilisée pour évaluer la santé et la qualité de vie d'une population et pour comparer la longévité entre différentes régions ou pays. Elle est influencée par de nombreux facteurs, tels que l'accès aux soins de santé, les conditions de vie, l'alimentation, l'environnement et les avancées médicales. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 24 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie en termes de revenu, car elles relèvent aussi du domaine public. Cette troisième variable est « un sous indicateur composite comprenant lui-même trois variables : l’accès aux services de santé, l’accès à l’eau potable, et le pourcentage des enfants de moins de cinq ans victimes de malnutrition » (PNUD, 1997). La logique de cette variable est de rendre compte de ce que les services publics sont en mesure d’offrir (eau potable, infrastructures médicales, etc.). Une autre différence entre l’IDH et l’IPH est la suivante : l’IDH est un indicateur au niveau d’une communauté ou d’un pays, alors que l’IPH est un indicateur de mesure au niveau des individus à l’intérieur d’une communauté. 3.2.5. Le taux de mortalité infantile Le taux de mortalité infantile, également connu sous le nom de taux de mortalité des nourrissons, est un indicateur crucial utilisé pour évaluer la santé et le bien-être des enfants dans une population donnée. Il mesure le nombre de décès d'enfants de moins d'un an pour 1 000 naissances vivantes au cours d'une année donnée. Il représente une mesure essentielle de la qualité des soins de santé maternelle et infantile, de l'accès aux services de santé, de la nutrition, de l'hygiène et des conditions de vie dans une société. Un taux de mortalité infantile élevé est généralement indicatif de problèmes de santé et de développement socio-économique dans une région ou un pays. Des taux de mortalité infantile bas indiquent généralement de meilleures conditions de vie, une meilleure nutrition, un accès aux soins de santé et des pratiques sanitaires améliorées, contribuant ainsi à une meilleure survie et santé des nourrissons. On considère qu’un pays ayant un taux de mortalité infantile supérieur à 5% est en sous-développement. 3.2.6. Développement durable (ou soutenable) et environnement Un autre aspect qui différencie croissance et développement concerne l’environnement. De nombreux pays en développement fondent leur croissance sur l’exploitation de ressources non renouvelables (pétrole, minerais), ou n’assurent pas le remplacement des ressources renouvelables qu’ils exploitent (forêts). Il en résulte que les performances affichées en termes de croissance ne conduisent pas forcément à terme à un véritable développement, puisque ces performances sont synonymes d’épuisement des ressources, épuisement qui n’est pas pris en compte dans le calcul OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 25 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie du PIB. Un ensemble d’indicateurs environnementaux a été développé, dont les plus connus sont sans doute l’empreinte écologique11 ou empreinte carbone12. -------------Quiz 2------------- 1-La notion de « pays sous-développé » est utilisée pour la première fois par: a- Alfred Sauvy b- Harry Truman c- Gunnar Myrdal d- Armatya Sen 2-Le sous-développement est souvent associé à : a- une faible productivité agricole b- un accès limité à l'éducation c- une industrialisation rapide d- une forte croissance démographique 3-Le PIB : a- valorise l’état de santé de la population, et non les dépenses de santé ; b- ne prend pas en compte l’autoconsommation ; c- ne tient pas compte de l’épuisement des matières premières ; d- ne tient pas compte du travail domestique non rémunéré des femmes. 4- L’IDH : 11 L'empreinte écologique mesure l'impact global de l'activité humaine sur l'environnement, incluant la consommation de ressources naturelles et la production de déchets. 12 L'empreinte carbone quantifie la totalité des émissions de gaz à effet de serre (SES) ou carbone, exprimées en grammes, kilogrammes ou tonnes. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 26 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie a- intègre des dimensions non monétaires et monétaires ; b- intègre le PIB par tête parmi les trois indicateurs ; c- n’améliore pas tellement l’analyse car les dimensions monétaires et non-monétaires sont corrélées ; d- comprend le taux de chômage 5-Le nom de l'économiste ayant proposé l'Indicateur de Développement Humain (IDH) est; a- Arthur Lewis b- Gunnar Myrdal c- Samir Amin d-Tout ce qui précède est faux OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 27 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Chapitre 2 : Les causes du sous-développement L’origine du sous-développement a fait l’objet de controverses théoriques importantes dans la seconde moitié du XXe siècle. 1. Le sous-développement comme retard : les théories libérales Pour cette école, au lieu de se poser la question pourquoi le sous-développement, on devait s’interroger sur le processus de développement lui-même. 1.1. Les PED sur les traces des pays développés : la théorie des étapes de Rostow Dans les années 50, la croissance et le développement étaient synonymes, et la vision du développement était linéaire, et relevait du courant libéral. L’analyse libérale du sous- développement considère ce dernier comme l’expression du simple retard des pays pauvres qui n’ont donc qu’à copier le modèle de développement des pays riches. Une des premières théories représentatives de cette approche est la théorie des étapes de la croissance de l’économiste américain Walt Whitman Rostow, exposée dans son ouvrage de 1960 « The stages of economic growth : a non-communist manifesto » (Les étapes de la croissance économique : un manifeste non communiste). Selon la théorie des étapes de Rostow, il existe cinq étapes de la croissance. -La société traditionnelle : qui est une société agricole, stationnaire, où la terre est la seule source de richesse, où les sciences et les techniques ont peu d’impact, qui n’éprouve pas le besoin de changement, et où l’organisation de la production est déterminée par la tradition ancestrale. L’économie connaît donc un taux de croissance très faible ; -Les conditions préalables au développement : Cette étape se caractérise par de profondes mutations dans les trois secteurs non industriels : les transports, l’agriculture et le commerce extérieur. On assiste à la mise en place de structures favorables au développement notamment par le développement du système bancaire et la création de l'infrastructure nécessaire au développement industriel. Les idées et les comportements évoluent, des valeurs nouvelles favorables au progrès se diffusent, l’éducation se développe, le taux d’épargne et d’investissement augmentent, la technologie s’introduit dans la production et la productivité s’accroit ; un Etat centralisé assure le développement des infrastructures et un cadre juridique plus sûr, enfin le commerce se développe et les entrepreneurs apparaissent ; OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 28 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie - le « take-off » (décollage) : Le décollage est la période pendant laquelle la société finit par renverser les obstacles et les barrages qui s'opposaient à sa croissance régulière. Les anciens blocages et résistance au changement sont surmontées, le taux d’investissement double et dépasse 10% du revenu national, des industries motrices ont des effets industrialisants, l’Etat joue un rôle moteur et la croissance devient auto-entretenue et régulière ; -la « marche vers la maturité », où la technologie moderne et le progrès technique se répandent (diffusent) à toutes les activités économiques, l’échelle de production augmente, les fabrications se diversifient et s’étendent à tous les secteurs, notamment les biens de productions ; -l’âge de la consommation de masse : où les besoins essentiels sont satisfaits pour toute la population grâce à un accroissement des revenus, une classe moyenne nombreuse accède à la consommation de biens durables et atteint un niveau de vie élevé. La théorie de Rostow a été largement critiquée, notamment par les économistes américain Simon Kuznets et russe Alexander Gerschenkron. Les principales objections à ce modèle sont les suivantes : -Il présente une vision linéaire dépourvue de dynamisme. -Il n'explique pas les causes ni les mécanismes permettant de passer d'une étape à l'autre. -Le modèle retrace le schéma d'évolution des pays européens, mais il ne fournit ni d'explication des raisons du sous-développement ni d'indications sur les facteurs déclencheurs du développement. -Il néglige le fait que les pays sous-développés ne se trouvent pas dans le même contexte ni dans les mêmes conditions historiques que les pays européens. En réalité, la théorie de Rostow reflète la conception dominante du développement de son époque, selon laquelle le développement consiste en la modernisation des sociétés traditionnelles, en suivant le même processus que celui suivi par les pays européens. 1.2. Une trop faible spécialisation commerciale internationale L'analyse libérale a critiqué les politiques protectionnistes adoptées par de nombreux pays en développement. En se basant sur la théorie néoclassique du commerce international, qui trouve ses OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 29 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie origines dans les travaux de David Ricardo (économiste britannique d'origine portugaise) sur les avantages comparatifs et qui a été développée plus tard avec le théorème HOS (Hecksher-Ohlin- Samuelson)13, cette approche affirme que le sous-développement est principalement dû à une insuffisante intégration dans le commerce international. Selon cette perspective, le chemin vers le développement passe par la spécialisation dans les exportations. Selon cette théorie, les PED devraient se spécialiser dans la production pour laquelle ils ont un avantage comparatif par rapport à d'autres pays. Le théorème HOS précise que cet avantage comparatif dépend de la dotation en facteurs de production du pays en question, tels que la main- d'œuvre, les ressources naturelles et le capital technique. Quelle que soit la spécialisation choisie, elle serait mutuellement bénéfique pour le PED et ses partenaires commerciaux, à condition qu'elle se fasse dans le secteur où l'avantage comparatif est présent. Ainsi, la participation au commerce international par le biais de la spécialisation est considérée comme le moyen de parvenir au développement, tandis que le sous-développement résulte d'une utilisation insuffisante des avantages comparatifs des PED. Par conséquent, dans les années 1950, des auteurs tels que Jacob Viner (économiste canadien- américain) et Gottfried Haberler (économiste autrichien) ont encouragé les PED à se spécialiser davantage dans la production de matières premières. Ils ont argumenté que les gains provenant du commerce international leur permettraient d'importer des biens d'équipement, ce qui déclencherait leur processus de "takeoff" ou décollage économique. Leurs arguments se sont appuyés sur les succès observés en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ces théories ont ensuite été développées par des économistes tels que Bela Balassa (économiste hongrois), Anne Krueger (économiste américaine) et Jagdish Bhagwati (économiste indien-américain), qui ont formalisé la politique d'ouverture commerciale prônée par des institutions internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale dans les années 1980. 1.3. La théorie du cercle vicieux : la pauvreté auto-entretenue 13 Le théorème HOS, ou théorème Hecksher-Ohlin-Samuelson, est un concept fondamental en économie internationale qui explique comment les avantages comparatifs et les différences dans les dotations factorielles (c'est-à-dire les ressources telles que la main-d'œuvre, le capital et la technologie) influencent les modèles d'échange international et les motifs de commerce entre les pays. Ce théorème est nommé d'après trois économistes qui ont contribué à son développement : Eli Heckscher, Bertil Ohlin et Paul Samuelson. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 30 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie Ragnar Nurkse (économiste estonien) est à l’origine de cette théorie. Cette théorie voit dans la pauvreté la cause essentielle du sous-développement. Nurske a bien exprimé cette idée en 1953 avec sa célèbre formule « un pays est pauvre parce qu’il est pauvre ». L’économie des pays sous- développés se caractérise par la faiblesse des revenus, cause de la faiblesse de l’épargne et de la demande intérieure. L’insuffisance de l’épargne baisse le niveau d’investissement, ce dernier étant découragé par ailleurs par la faiblesse de la demande. C’est donc un cercle vicieux de la pauvreté, qui produit une chaîne de cercles vicieux : « les faibles revenus maintiennent la majorité de la population dans un état de malnutrition, sa productivité au travail reste donc faible, son revenu également ; la faiblesse du revenu national entraîne une faiblesse des dépenses d’éducation donc de formation de la main d’œuvre, donc des gains de productivité et donc de revenus. Dans cette perspective, selon Nurkse, le financement extérieur est un besoin absolu pour casser ce cercle vicieux et pallier l’insuffisance de l’épargne et déclencher le processus d’investissement. En revanche, les principales critiques sont les suivantes : -l’explication du sous-développement par le cercle vicieux de la pauvreté fait abstraction de l’environnement international ; -elle ignore la formation historique du sous-développement ; -De plus, ce modèle ramène le sous-développement à la seule dimension de la pauvreté, alors qu’on sait qu’il existe des pays riches mais sous-développés, comme c'est le cas des pays producteurs de pétrole. 2. Les structures des PED comme obstacles à leur développement 2.1. L’analyse structuraliste Le courant structuraliste naît au sein de la Commission économique pour l’Amérique latine des Nations unies (CEPAL)14, créée en 1948. Il est représenté par les travaux de l’économiste 14 La Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), en espagnol Comisión Económica para América Latina y el Caribe (CEPAL), est une commission régionale des Nations unies créée en 1948. Elle est également connue sous son acronyme en espagnol, CEPAL, qui est souvent utilisé pour la désigner. La CEPAL a son siège à Santiago, au Chili, et elle a pour mission de promouvoir le développement économique et social de la région de l'Amérique latine et des Caraïbes. Ses principaux objectifs comprennent l'analyse des politiques économiques et sociales, la fourniture de conseils politiques aux gouvernements de la région, la collecte de données économiques et sociales, ainsi que la promotion de la coopération régionale et internationale. OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 31 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie argentin Raul Prebisch, en particulier un article publié en 1950 en collaboration avec Hans Singer (économiste britannique d'origine autrichienne) et un rapport à la CNUCED en 1964 sur les causes du sous-développement de l’Amérique latine. Ce courant a donné lieu à plusieurs théories, et est considéré comme un des courants les plus importants des théories du développement, à cause de la volonté de rompre avec les analyses précédentes, souvent linéaires, et a-historiques. De nombreux économistes du développement appartiennent à ce courant théorique et ont contribué par leurs travaux à son enrichissement. On peut citer : le Suédois Gunnar Myrdal (prix Nobel en 1974), le Français François Perroux et Albert Hirschman (économiste germano-américain). Par ailleurs, les théories du courant structuraliste ont inspiré de nombreuses stratégies de développement dans les années 50 et 60, non seulement dans les pays d’Amérique Latine mais aussi dans d’autres pays en Afrique ou en Asie. Raul Prebisch considère que le sous-développement est la conséquence de la division internationale du travail qui engendre la polarisation du monde entre un centre (les pays riches) et une périphérie (les pays pauvres) : l’analyse « centre-périphérie ». L’avancée technologique et la position du centre lui permettent d’organiser à son profit les relations avec la périphérie. En conséquence, les pays de la périphérie se voient cantonnés à l’exportation des produits primaires pour le centre. De plus, le progrès technique a des effets différents sur les prix selon la structure de marché. Dans le centre, les marchés étant peu concurrentiels, la baisse des prix est limitée alors que dans la périphérie, les prix des produits primaires diminuent. En conséquence, les prix de leurs importations augmentant par rapport à ceux de leurs exportations, les pays de la périphérie s’appauvrissent en participant au commerce international. C’est à une véritable mise en accusation de la théorie traditionnelle du commerce international que se livre Prebisch. La spécialisation dans les produits primaires des PED et la dégradation des termes de l’échange sont la cause de leur sous-développement. Ce mouvement de pensée sera à l’origine de la revendication du nouvel ordre économique international (NOEI) à la CNUCED. Les calculs de Paul Bairoch (économiste suisse) semblent infirmer les thèses de Raul Prebisch sur la période qu’il étudiait (la première moitié du XXe siècle). Ces dernières ont d’ailleurs été fortement contestées par la suite par les libéraux. Cependant, on constate une dégradation des termes de l’échange15 des PED non exportateurs de pétrole depuis les années 1970, ce qui pourrait 15 Si indice>100 donc prix à l’exportation> prix à l’importation = amélioration des termes de l’échange OUATTARA N'Banan, Ph.D. en Economie 32 Support de cours d'économie du développement, Licence 3 Economie alors valider empiriquement les conclusions de Raul Prebisch, en particulier pour les PMA exportateurs de produits primaires. L’économiste français François Perroux est l’autre représentant de l’analyse structuraliste du sous- développement. Le monde s’organise selon lui dans des relations inégales de pouvoir entre les pays, certains pouvant orienter les échanges et la production à leur profit (« effet de domination »). L’économie mondiale est donc structurée en pôles d’influence entretenant des relations asymétriques entre eux basées sur des dominations. Cependant, si cette analyse se rapproche fortement de la thèse du centre et de la périphérie de Raul Prebisch, François Perroux ne considère pas que les relations de domination soient le fruit d’une action volontaire des États du « centre ». Il plaide alors pour la constitution de pôles de développement dans les zones dominées par l’intervention d’un État planificateur, proposition qui aura une forte influence sur les stratégies de développement des années 1950 et 1960. Si indice