Séminaire de Doctrines Politiques - Les Critiques Féministes PDF

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UCLouvain Saint-Louis Bruxelles

Maxime Gaborit

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féminisme études féministes histoire du féminisme philosophie politique

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Ce document présente un séminaire sur les critiques féministes. Le document discute de la place des femmes dans les textes politiques et analyse les théories clés du féminisme avec des exemples historiques. Il inclut des notes sur Olympe de Gouges et Françoise Vergès, ainsi que sur les différents courants féministes, leurs critiques et leurs avancées.

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LES CRITIQUES FÉMINISTES De Olympe de Gouges à Françoise Vergès Séminaire de Doctrines Politiques Maxime Gaborit Question introductive Qu’est-ce que le féminisme ? Histoire féministe des doctrines politiques ou histoire politique des doctrines féministes ? Le féminisme pa...

LES CRITIQUES FÉMINISTES De Olympe de Gouges à Françoise Vergès Séminaire de Doctrines Politiques Maxime Gaborit Question introductive Qu’est-ce que le féminisme ? Histoire féministe des doctrines politiques ou histoire politique des doctrines féministes ? Le féminisme pas uniquement une « doctrine », c’est-à-dire ici un ensemble cohérent de considération sur l’état de l’ordre politique et ce qu’il devrait être Aussi une « méthode », ou une approche particulière Pendant cette séance : pas uniquement un regard sur les idées centrales du « féminisme » (à supposer que l’on puisse identifier quelques idées centrales, mais en quoi un regard féministe permet d’éclairer nouvellement les idées politiques Olympe de Gouges Née Marie Gouze, officiellement fille de Pierre Gouze, boucher à Montauban, et d'Anne Olympe Mouisset, son épouse, mais probablement la fille illégitime du marquis Le Franc de Pompignan. Femme politique et femme de lettre française Pionnières du féminisme français (le mot n’existait toutefois pas) Engagée également sur contre le racisme et en faveur de l’abolition de l’esclavage : – « La nature n'y avait encore aucune part [...], l'injuste et puissant intérêt des blancs avait tout fait. » (Réflexions sur les hommes noirs, 1788) Exécutée en novembre 1793 : – « Olympe de Gouges, née avec une imagination exaltée, prit son délire pour une inspiration de la nature. Elle commença par déraisonner et finit par adopter le projet des perfides qui voulaient diviser la France ; elle voulut être homme d'État, et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d'avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe » (Le Moniteur universel, 29 brumaire an II/19 novembre 1793). Débat sur son entrée au Panthéon Autrice de la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne en 1791) Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne (1791) Texte adressé à la Reine : Préambule – « Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il [l’homme] veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus » – L’adresse à la Reine dévoile également la position sociale spécifique d’Olympe de Gouge Mets l’accent sur l’absence des femmes dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen Revendication de droits véritablement universaux : pas de droits particuliers pour les femmes – Article I – Article VII : « Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la loi. Les femmes obéissent comme les hommes à cette loi rigoureuse. » Appelle au réveil des femmes : Postface : « Femme, réveille-toi ! » – « Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. » LES THÉORIES DU CONTRAT SOCIAL CONTRE LES FEMMES ? Carole Pateman, Le Contrat Sexuel, traduction de C. Nordmann, La Découverte, 2010. Un féminisme contemporain ? (I) Revendiquer des droits politiques pour les femmes Inégalités toujours présentes : – Matérielles : différences de salaires toujours existants, répartition genrée des tâches ménagères – Statutaires : Moins de femmes aux postes à responsabilités – Idéologiques : Représentation des femmes et des valeurs associées à la « féminité » toujours imprégnés d’une idéologie sexiste Un féminisme contemporain ? (II) La Femme ? Les « impensés » dans le texte de Olympes de Gouges (liés à l’époque d’écriture) – Ne mets pas en avant la construction qu’est l’opposition entre homme et femme (/!\ anarchronismes, le genre ne fait pas sens à l’époque d’Olympe de Gouges) « On ne nait pas femme, on le devient » (Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, 1949) L’idée d’une construction « sociale » du genre, qui est un fait sociologiquement avéré, ouvre la voie à ce qu’on appelle « études féministes », et qui dépassent les simples – Ne mets pas en avant les structures économiques de l’oppression des hommes sur les femmes Féminisme matérialiste (Christine Delphy, L’Ennemi Principal) – Ne questionne pas la binarité de la construction du genre Théorie Queer : penser « une politique féministe qui ne soit pas fondée sur l’identité féminine? » (Trouble dans le genre, Judith Butler) Carole Pateman, Le Contrat Sexuel, 2010. Paru aux Etats-Unis en 1988. Relecture critique des théories classiques du contrat social Dans la société actuelle, montée en puissance du langage du contrat Pour elle le schème du contrat, chez Hobbes, Locke ou Rousseau est un schème patriarcal, à abandonner si l’enjeu est d’instaurer une société libérée de la domination masculine. « Le contrat originel est un pacte indissociablement sexuel et social, mais l’histoire du contrat sexuel a été refoulée. Les descriptions courantes de la théorie du contrat social ne traitent pas de toute l’histoire et les théoriciens contemporains du contrat ne signalent pas que la moitié de l’accord manque. L’histoire du contrat sexuel concerne aussi la genèse du droit politique, et elle explique pourquoi l’exercice de ce droit est légitime – mais cette histoire concerne le droit politique comme droit patriarcal ou droit sexuel, c’est-à-dire comme pouvoir exercé par les hommes sur les femmes. La part manquante de l’histoire explique comment s’est établie une forme de patriarcat spécifiquement moderne. La nouvelle société civile créée par le contrat originel est un ordre social patriarcal. » (p. 21) Deux thèses : – L’interprétation classique qui fait des théoriciens du contrat des critiques de la conception patriarcale du pouvoir politique, est erronée. – Le contrat sexuel : le contrat social est un contrat sexuel, un accord passé entre les hommes en tant que groupe pour assujettir les femmes en tant que groupe, et plus spécifiquement pour se garantir un libre accès à leur corps. Lien avec le contrat de mariage Proche de l’argument de Joan Scott, La Citoyenne Paradoxale : en demandant à être incluses dans la citoyenneté, les femmes risquent de perdre leur qualité féminine ; – « En défendant leur identité féminine, elles risquent de se voir attribuer une citoyenneté de seconde zone : Lorsque le contrat et l’individu dominent entièrement sous la bannière de la liberté civile, les femmes n’ont plus d’autres choix que de (tenter de) devenir des reproductions des hommes. Dans le triomphe du contrat, la construction patriarcale de la différence sexuelle comme domination et assujettissement reste intacte, mais est refoulée. (p. 260) » Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe, 1949 Philosophe, romancière, essayiste française (1908-1986) Tome 1 : Le Faits et les Mythes – Homme l’absolu / Femme le relatif. – Perspective existentialiste à Refus du déterminisme – La Préhistoire et la question de la maternité – La chrétienneté : « L’idéologie chrétienne n’a pas peu contribué à l’oppression de la femme » (page 158) – L’échec de la Révolution française qui n’a pas amélioré le sort des femmes. Le code napoléonien revient sur les « minces conquêtes » (page 190) – « Toute l’histoire des femmes a été faite par les hommes. » (page 222) – Ensemble de mythes autour de la femme Tome 2 : L’expérience vécue – Aucune essence immuable des femmes. – « On ne nait pas femme, on le devient » (page 13) Pour elle, l'image de « la femme » comme une construction sociale aliénante, qui est imposée aux femmes dès leur enfance à travers une éducation qui les infantilise et les rend dépendantes des hommes. – Récit des différentes étapes de la vie d’une femme et de l’intériorisation de sa position subalterne L’Ennemi Principal, Christine Delphy, 1970 Christine Delphy, sociologue et féministe française, née en 1941. Tome 1 : Travail domestique comme mode de production à part, distinct du mode capitaliste L’exploitation économique des femmes résulte de l’articulation des modes de production A travers le mode de production domestique, elle analyse les rapports entre hommes et femmes comme un rapport d'exploitations entre des classes sociales. Le genre chez Christine Delphy Tome 2 : L’Ennemi principal, penser le genre Le genre précède le sexe (constructivisme) à C’est la pratique sociale qui transforme un concept, une catégorie de pensée, en fait physique Division du travail et rôles sexuels In fine, c’est à l’opposition de genre elle-même, qui vient avec la division du travail, qu’il faut s’attaquer « un construit social – que ce soit une institution particulière ou l’ensemble de l’organisation d’une société et d’une culture – ne fait pas qu’avoir des effets sur une réalité qui lui préexisterait : il est la réalité, la seule réalité. » Précuseure de l’'épistémologie du « point de vue » Trouble dans le genre, Judith Butler, 1990 Philosophe américaine, professeure à l’Université Berkeley (1956- …) Texte fondateur des études queer « Performance de genre » --> L’idée que le genre se fait dans chacune de nos actions Critique l’idée que la politique est affaire d’identité ou de sujet à représenter politique et dans le langage. Relecture de Beauvoir : selon elle, pour Beauvoir, les femmes constituent un manque contre lequel les hommes établissent leur identité. Mais nécessaire pour ça d’assumer qu’il existe une identité de Femme. Pour Butler, le genre est performatif : il n'y a pas d'identité derrière les actes censés « exprimer » le genre. Les actes constituent - plutôt qu'ils n'expriment, l'illusion d'une identité de genre stable. Pas une binarité de genre : le genre est en constante transformation Une politique de la parodie Françoise Vergès Politique et autrice française Nièce du juriste Jacques Vergès Engagement décolonial Autrice, notamment, de: – Le ventre des femmes : capitalisme, racialisation, féminisme, 2017 – Un féminisme decolonial, 2018 Un féminisme décolonial (I) Invisibilisation du travail des femmes racisé-e-s Nous vivons dans un monde qui tient grâce aux femmes racisé-e-s et surexploité-e-s. – Pourquoi le concept de racisé ? Qu’est-ce qu’il recouvre ? La vie des femmes blanches bourgeoise dépend de l’exploitation de femmes racisées. Qu’est ce que le fémonationalisme ? Les ambivalences du féminisme Un Féminisme décolonial (II) Qu’est-ce que le féminisme civilisationnelle ? « Il n’est pas « blanc » parce que des femmes blanches l’adoptent mais parce qu’il se réclame d’une partie du monde, l’Europe, celle qui s’est construite sur un partage racisé du monde ». « Il est bourgeois parce qu’il n’attaque pas le capitalisme racial. » Comparaison femmes/esclaves : masque les particularités historiques de l’esclave, invisibilise les non-blanc-he-s. Construit un imaginaire dans lequel les Non-Blanc-he-s peuvent être sauvés par les Blanc-he-s François Vergès critique les lumières et plus précisément l’opposition obscurantisme / Lumières, qui conduit à « accepter la racialisation du féminisme ». Le féminisme développementaliste : dans les années 1970, fondée sur les droits des femmes, basé sur le récit de développement occidental, au mepris des luttes des femmes non-blanches. Corollaire de l’institutionnalisation du féminisme. Souvent, cette conception du féminisme individualise un problème politique. Un féminisme décolonial (III) Les caractéristiques du féminisme décolonial: – Rejet de la classification classique des féminismes – Critique des épistémicides – Critique du féminisme civilisationnelle: – Privilégie la multidimensionnalité – Dénonce les privilèges blancs. – Vient des pays du Sud Global Conclusion Il n’y a pas UN FEMINISME, mais une pluralité de courants de pensées, de manières de l’aborder, de pratiques concrètes... Le féminisme ne se cantonne pas à un courant de pensées, c’est aussi un prisme, lié à un objet d’étude particulier, à partir duquel il est possible de lire les doctrines politiques classiques (Cf. Le Contrat Sexuel) Nous n’en avons aperçu ensemble qu’une infime partie. Plein d’autres, manières d’aborder les enjeux féministes ont été développées (critique de l’hétéronormativité ou du fémonationalisme, pensées écoféministes…)

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