Économie: Définition et concepts fondamentaux PDF

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Ce document de cours explore les définitions et les concepts fondamentaux de la science économique. Il décrit la macroéconomie et la microéconomie, ainsi que les agents économiques principaux. Ces notions permettent de comprendre les relations fondamentales qui structurent l'économie.

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CHAPITRE I : DEFINITION ET CONCEPTS FONDAMENTAUX DE LA SCIENCE ECONOMIQUE 1. Définition de la science économique L’économie n’est pas une discipline clairement définie. Ses frontières se déplacent constamment et leur définition est fréquemment un sujet de controverse. Selon, L. Robbins (1932) :...

CHAPITRE I : DEFINITION ET CONCEPTS FONDAMENTAUX DE LA SCIENCE ECONOMIQUE 1. Définition de la science économique L’économie n’est pas une discipline clairement définie. Ses frontières se déplacent constamment et leur définition est fréquemment un sujet de controverse. Selon, L. Robbins (1932) : « L‘économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens rares à usages alternatifs.» Pour E. Malinvaud (dans son ouvrage « Leçons de théorie économique « ) «L‘économie est la science qui étudie comment des ressources rares sont employées pour la satisfaction des besoins des hommes vivants en société ; elle s‘intéresse d‘une part aux opérations essentielles que sont la production, la distribution et la consommation des biens, d‘autre part aux institutions et aux activités ayant pour objet de faciliter ces opérations.» Comme la plupart des autres disciplines, l’économie est divisée en branches et sous branches. Au cours de ces dernières années, on a distingué deux branches principales : la macroéconomie et la Microéconomie. La macro-économie est le domaine de l’économie qui s’intéresse au fonctionnement de l’économie dans son ensemble. Elle étudie les comportements de groupes d’agents économiques. Ces comportements sont résumés par des grandeurs appelées agrégats : l’emploi global, le revenu national, l’inflation, l’investissement, le produit national. La micro-économie, quant à elle, est la branche de l’économie qui prend comme objet d’étude les comportements des agents économiques individuels (consommateurs- entreprises) et de leurs relations sur les différents marchés où s’échangent les produits et les facteurs de production. Les consommateurs sont considérés comme des offreurs de travail et demandeurs de biens et services. Par contre, les entreprises sont des demandeurs de travail et des offreurs de produits finis et de consommations intermédiaires. 2. Le problème économique Le problème économique se pose en termes simples : d'une part les besoins sont illimités, d'autre part les ressources (biens et services) sont limités, d'où la nécessité d'effectuer des choix. 1 La rareté des ressources économiques conduit consommateurs et producteurs à opérer des choix : Quels biens produire ? Comment produire ? Pour qui les produire ? Quels biens de consommation acheter compte tenu de leurs prix respectifs et du revenu disponible ? Combien de travailleurs l’entreprise doit-elle embaucher ? A quel niveau doit-elle fixer sa production ?... Pour répondre à ces interrogations, la science économique s'appuie sur des modèles mathématiques : le consommateur possède ainsi une fonction d'utilité, et le producteur une fonction de production. Le « programme » du producteur est de maximiser son profit sous contrainte de production, et celui du consommateur est de maximiser son utilité sous contrainte de son revenu. 3. L’objet de la science économique La science économique a objet d’étudier comment les agents économiques font face à la rareté des ressources vis-à-vis de leurs besoins illimités ? Autrement dit, comment satisfaire des besoins illimités avec des ressources limitées ? Elle se fonde sur le principe de la rationalité qui consiste à faire le choix optimal parmi les différentes possibilités. 4. Notion d’agent économique Un agent économique ou homo économicus c’est la forme la plus développée de la créature humaine qui fait suite à l’étape de l’homo sapiens. A ce stade, il est très doué d’intelligence, il a des désirs, des besoins, goûts et préférences, envies à satisfaire dont il choisit lui-même la manière et le processus pour y parvenir. Il entretient entre autres des relations d’échanges avec ses semblables sans ambiguïté, ni barbarie. Il est sensible à tout ce qui se passe autour de lui, autrement dit, à son environnement et à tout changement de ce dernier. Il désire établir son contrôle sur son environnement dans le but de le façonner selon ses désirs. Un agent économique ne produit pas tout ce qui est nécessaire à la satisfaction de ses besoins. Les agents tendent à̀ se spécialiser, certains apportent leur force de travail, d’autres leurs compétences et d’autres leur argent. Ainsi, l’activité économique traduit l’ensemble des opérations menées par les agents économiques (consommation, production, épargne…) a. Les entreprises Sont des unités dont l’activité́ réside dans la production de biens ou de services destinés à être revendus à̀ d’autres acteurs de la vie économique, la globalité́ du travail économique 2 ainsi que son impact social est entièrement le fait de l’entreprise, celle-ci est la principale créatrice de richesses et d’emplois. La résultante essentielle de l’entreprise est sa valeur ajoutée à travers la répartition. La valeur ajoutée rémunère tous les agents économiques concernés par l’entreprise (l’État, le personnel, les associés, les prêteurs,...) Une entreprise combine des moyens humains et matériels pour réaliser sa production. b. Les ménages Un ménage est constitué par tout individu ou groupe d’individus vivant dans un logement séparé ou indépendant. Les ménages ont dans la vie économique, la finalité́ principale de consommer des biens ou des services. Cependant, ils ont une fonction plus large : ils fournissent des facteurs de production aux autres agents (travail et capital), ils utilisent les revenus que leur procurent ces facteurs pour la consommation. c. Les administrations Elles regroupent les organisations dont l’activité́ principale consiste à produire des services non marchands :  Les administrations publiques : L'État, les collectivités locales, communes rurales et urbaines,... sont financés par les impôts et taxes.  Les administrations privées : syndicats et associations privées, sont financés par les cotisations de leurs membres, cotisations de L'État et par des dons (mécénats). d. Les institutions financières : Elles ont pour rôle de financer l’économie, leur mission s’ordonne au tour de trois fonctions principales :  La création de monnaie en accordant des crédits.  La mise en relation, des agents qui détiennent de la monnaie (les épargnants) et ceux qui dans le cadre de leur activité́ en ont besoin (les investisseurs).  La gestion des dépôts des particuliers et des entreprises. e. Le reste du monde 3 C’est toute l’économie, nationale et internationale. Les échanges entre l’économie nationale et internationale sont de trois ordres principaux :  Des relations commerciales ;  Des relations financières ;  Des relations monétaires. Actuellement dans le cadre de la mondialisation, des relations d’alliance et de partenariat se créent entre les États mais également entre les entreprises, dans cet ordre il y aura des échanges de savoir et de savoir-faire. 5. Les besoins économiques Un besoin c’est un désir, une envie, un souhait, …à satisfaire. La satisfaction d’un besoin procure à l’agent économique une certaine satisfaction, une sensation de bien-être. L'analyse micro économique suppose que la satisfaction de tout besoin exprimé par le consommateur se réalise par la consommation d'un bien dont le seul mode d'acquisition est l'achat libre et volontaire sur un marché. Il convient alors de s'interroger sur la notion de bien économique. 6. Les biens économiques Un bien économique est un bien qui peut faire l’objet d’une production en série dont la consommation permet la satisfaction d’un besoin. Il se caractérise par son utilité et sa rareté. Cette définition (qui n’est pas la seule) a le mérite d’exclure à la fois les biens libres et les biens non reproductibles. Les biens libres sont des biens en quantités illimitées et à un prix nul et dont la jouissance procure une satisfaction qui n’est pas négligeable. L’air, l’eau, le sable sur une plage sont des biens libres. Ces biens ne font pas l’objet de transactions. Or, dans la mesure où l’un des objectifs essentiels de la microéconomie est d’étudier comment se forme l’équilibre sur un marché, ces biens sortent de son champ d’analyse. 4 Les biens non reproductibles, comme les œuvres d’art ou les vins millésimés, font eux aussi l’objet d’analyses spécifiques, dans la mesure où le rationnement de leur offre entre dans la définition même de ces biens. CHAPITRE II : LES GRANDS COURANTS DE LA PENSEE ECONOMIQUE I. LA PENSEE ECONOMIQUE AVANT LE 16è SIECLE Trois points seront développés dans cette section : La pensée économique grecque, développée dans un contexte florissant où, le commerce maritime et autres types d’échanges de marchandises ont marqué l’ère du temps dès le 7e siècle Av. J.-C. ; La pensée économique arabe avec Ibn Khaldoun dans la prise en compte des faits économiques et sociaux et dans l’explication de l’histoire et avec El Makrizi dans l’explication des phénomènes monétaires ; Les mercantilistes ont développé les notions de richesse, de l’échange international, de développement de commerce et des métaux précieux 1. La Grèce, berceau d’une réflexion ou prémices d’une réflexion sur la pensée économique La pensée économique dominante, conventionnelle (celle des auteurs classiques et néoclassiques…) est construite en s’opposant à la pensée grecque. La pensée grecque est fondée sur un idéalisme. La vie de la cité est promue au rang d’une conduite sociale et politique idéale. Cette conception de la cité a conduit Platon à proposer la suppression de la propriété pour les classes supérieures de la société. Aristote défend au contraire la propriété. L’organisation économique et sociale préconisée par Platon « La philosophie de Platon constitue une tentative pour présenter une conception synthétique du monde en dépassant les contradictions des penseurs précédents ». Platon rejette le matérialisme des physiciens. Pour Platon, les lois humaines ne sont qu’une imitation, plus ou moins bonne de la justice idéale qui appartient au monde surnaturel. Dans ce cadre, il annonce une cité idéale dans laquelle règne la justice. Platon a développé une conception moraliste de l’économie et de la politique : « il faut écarter de la société toute possibilité de commettre des actes qui souillent l’âme de l’individu, avant tout l’activité commerciale ». 5 L’organisation économique et sociale préconisée par Aristote Aristote est un opposant farouche à la pensée de Platon. Il est l’adversaire du communisme prôné par Platon et même de l’égalitarisme que Platon défend dans les Lois. En ce qui concerne la propriété collective des biens, Aristote répond par la négation. « En général écrit-il, partager la vie d’autrui, mettre tout en commun, est pour l’homme une entreprise difficile entre toutes » ; il ajoute encore « les possesseurs de biens en commun ou en indivision ont entre eux des conflits beaucoup plus fréquents que les citoyens dont les intérêts sont séparés ». Aristote est l’adversaire de l’égalité des fortunes proposée par Platon dans les Lois. Il pose la question de savoir en effet les modes naturels de l’acquisition des biens : c’est l’agriculture, l’élevage, la pêche, la chasse et même le brigandage qui est une sorte de chasse. Dans toutes ces activités, il y a appropriation par l’homme des autres êtres vivants et « c’est nécessairement en de l’homme que la nature a fait tous les êtres vivants ». Aristote condamne par contre le commerce (le troc entre autres). Le commerce est condamnable dans la mesure où il aboutit au monopole source de disette et d’enrichissement sur le dos des autres. Il condamne aussi le prêt à intérêt et le travail salarié, c’est-à-dire le fait de vendre son travail contre de l’argent. Pour conclure, une limite à la pensée d’Aristote est que ce dernier rejette tout changement dans le devenir de l’histoire, Aristote est un conservateur ; il voit dans le principe des contradictions, un principe naturel. 2. La pseudo-pensée économique arabe Dans cette introduction liminaire, il faut clairement noter qu’il n’y avait pas vraiment une pensée économique arabe autonome bien développée ; il s’agissait tout simplement d’une pseudo-pensée. La pensée économique arabe, comme l’a été d’ailleurs son aînée grecque, restait liée amplement à la théologie et à la morale. La religion musulmane intervenait comme étant un fondement théorique et surtout éthique des structures économiques et du comportement des sujets économiques et sociaux. Deux auteurs (connus pour leurs travaux en histoire et en sociologie plus que dans le domaine économique) retiennent notre attention concernant l’analyse de certains phénomènes économiques et sociaux. Il s’agit en l’occurrence d’Ibn Khaldun et El Makrizi. Les rapports économiques et commerciaux du monde arabe avec le reste du monde. L’empire arabo-andalous a joué durant quatre siècles au moins (9ème – 12ème) un rôle important dans la floraison du commerce à travers les routes commerciales : les épices, la soie, les métaux précieux (or, argent), l’ivoire… Le développement du commerce au Moyen Orient et au nord de l’Afrique en liaison avec l’Asie (extrême orient), avec l’Afrique noire (Soudan) et avec l’Europe a permis la floraison des rapports commerciaux avec l’Europe à travers 6 l’Andalousie. Les grecs, très attachés à la terre, découvrirent le commerce ; et grâce à ce dernier, la Grèce, en s’ouvrant sur le sud de la Méditerranée a découvert l’ivoire en provenance de l’Afrique, les épices, les parfums et les étoffes (tissu) en provenance de l’Asie en transitant par l’Egypte, l’Ifriquia (Tunisie) et le Maroc. Bien avant la naissance de l’Islam, les arabes sont présents sur la scène du commerce international ; ils en maîtrisaient les techniques. Le développement de ce commerce était perturbé par la coexistence de deux éléments : les divisions tribales entre arabes eux-mêmes et les guerres entres les grands empires : les perses et les byzantins. L’empire arabo-musulman a marqué l’histoire par sa puissance militaire, économique, commerciale et politique ; sa décadence commence avec la décadence concomitante de Machrek et de Maghreb au 13e siècle. L’empire arabo- musulman a marqué l’histoire aussi par le développement des sciences de l’homme et de la nature. Une pensée économique et sociale était dépendante de la loi religieuse (charia) et de la théologie (le juge et l’Imam statuent sur les questions économiques, tels les impôts, l’usure, le monopole, le commerce équitable…). Le rapport de l’économique avec le fait religieux se veut un type de moralisation du marché, de l’équité entre les différents intervenants et d’une éthique sociale et religieuse. Les prémices d’une pensée économique, financière, historique et sociale ne se sont faits sentir qu’avec la pensée d’Ibn Khaldun et les réflexions d’El Makrizi sur la monnaie et les échanges commerciaux. II. LA PENSEE ECONOMIQUE A PARTIR DU 16è SIECLE 1. Les mercantilistes et leur doctrine L’expression d’économie politique a été utilisée, pour la première fois par un mercantiliste français, Antoine de Montchrestien en 1616. Développement du capitalisme, révolution idéologique et mouvement des idées Esprit du capitalisme et éthiques religieuses sont intimement liées. La thèse de Max Weber nous rappelle, que dans le contexte de la révolution idéologique du 17ème siècle : l’esprit du capitalisme adapte la religion protestante à ses fins pratiques, sous la forme du puritanisme (austérité extrême). Cette doctrine est composée d’individualisme, d’utilitarisme, d’hédonisme, de libéralisme et des valeurs de la révolution anglaise du 17ème siècle. Le capitalisme trouve sa rationalité dans l’éthique puritaine à l’occasion de cette révolution. En face, l’ancienne idéologie est faite de néo-papisme, des indulgences de l’église catholique de théologie traditionnelle, de méthode scolastique (relative à un dogme, à une école, à une orthodoxie), de pessimisme sceptique, de royalisme, de goût de la volupté (jouissance pleinement goûtée ; sensualité). 7 Winstanley, dénonce une division sociale de la culture entre, selon les termes de Hill (1977), les « spécialistes érudits et inutiles et les hommes actifs et sans instruction ». Un membre élu de la paroisse peut, selon lui, animer, tout à la fois, sans formation spéciale, des débats de théologie, de philosophie, de médecine, d’histoire et d’instruction civique. Selon Mathieu François-Régis, trois principaux caractères au moins déterminent la révolution idéologique du 17ème siècle en Angleterre : Elle est antiacadémique et sociale ; c’est la période de la Renaissance, un mouvement d’idées nouvelles est en train de se forger ; critique de l’église et de ses indulgences : c’est le temps de la réforme religieuse avec Luther, Calvin et Zwingli. Elle est générale, apportant à la plupart des sciences, dans l’explication du monde et la compréhension des sociétés un nouveau socle philosophique et méthodologique. Son caractère religieux est très prononcé. La révolution idéologique du 16/17ème siècle repose sur l’expérimentation, la quantification, la généralisation (méthode inductive). Cette révolution en Angleterre est très influencée par la pensée philosophique de Bacon, Hobbes, Hume et Locke. Ce qui est évident, dans la généralisation inductive dont la méthode fournie par Bacon sera largement reprise par Stuart Mill, c’est la régularité. Rien d’étonnant à ce que la crise soit si difficilement intégrable dans la tradition inductive des économistes. Aussi limitée qu’elle puisse paraître sur le plan scientifique, cette méthode a une valeur idéologique très importante. Elle accélère les remises en cause, en prouvant la matérialité des faits contre l’ancienne idéologie. L’apport méthodologique de Bacon (1561-1626) Quelles sont les propositions de Bacon ? Face à la conception passive, fataliste, hiérarchisée du savoir, il oppose une conception active, optimiste, très homogène. Face au cosmos des anciens, fini, ordonné, hiérarchisé, il conçoit une homogénéité du monde qui sera précisée par Galilée. Cette homogénéité est telle que, selon Bacon, « nous devons donc suivre l’unité de la nature et ne point en scinder l’étude ». L’influence de Hobbes L’apport méthodologique de Hobbes est controversé. Si Léo Strauss doute de son originalité, Mc Pherson sur la base de l’individualisme possessif en fait l’un des responsables de l’idéologie économique contemporaine. Hobbes,apporte de nombreux éléments méthodologiques et une trame philosophique complémentaire aux idées de Bacon. William Petty lui fera de larges emprunts (tout en contredisant ses théories politiques) de même que Jean Locke qui tentera d’en faire une synthèse. La philosophie naturelle chez Hobbes part des sensations. Celles-ci ne seraient cependant être spontanées. Dans le Léviathan, il rappelle que 8 la sensation ne saurait provenir des hommes eux-mêmes ou être insufflées par Dieu. La cause de la sensation c’est le corps extérieur ou l’objet. Sensation et image rémanente sont seulement des accidents, des qualités de certains mouvements qui, à leur tour, sont des accidents, des qualités des esprits. Les idées sont déterminées par les sociétés où elles se développent. Dans le processus de la connaissance, l’homme est l’obstacle principal car il reçoit les sensations, mais les interprétera difficilement. 2. La pensée économique de physiocrates La pensée économique des physiocrates (qu’on qualifie des fois de pensée agrarienne) s’inscrit dans un corpus théorique global qui est l’école libérale qui regroupe, entre autres, les classiques et les néoclassiques. Si nous revenions sur les idées des économistes de transition, nous retrouvons les prémices annonciatrices des écoles physiocratique et classique. Prenons, par exemple, l’expression qu’en donne Cantillon dans les premières phrases de son « Essai sur la nature du commerce en général »: « La terre est la source ou la matière d’où l’on tire la richesse; le travail est la forme qui la produit ». Cette expression aura de nombreux commentaires : la terre c’est la mère et le travail c’est le père si nous nous référons à l’analyse de la richesse classique. Dans l’analyse physiocratique, on insiste plutôt sur la terre, la seule à même de produire plus qu’elle ne coûte. La pensée physiocratique venait en réaction aux idées des mercantilistes en affirmant que ce n’est pas le commerce ni les métaux précieux qui font la richesse des nations, mais plutôt la productivité de la terre, principale force qui sous-tend la prospérité économique. A la base de la doctrine physiocratique se trouvent les idées suivantes : l’ordre naturel qui transcende les décisions juridiques et administratives, les droits de propriété, le produit net, la dépense, le circuit économique, l’économie stationnaire. Généralités sur les origines de la physiocratie Les précurseurs. Boisguilbert (Le Détail de la France, 1706 ; le Factum de la France 1707), Cantillon, Gournay (père de la formule laisser faire/ laisser passer) sont considérés comme des précurseurs de la physiocratie. Mais ces précurseurs ne se situent pas uniquement en France compte tenu de l’influence de l’agrarianisme anglais. Les principaux membres. 9 Dupont de Nemours (1735- 1817), prépare avec Turgot l’édit (acte législatif) sur la liberté du commerce des grains de 1764 ; inventeur de l’étiquette « physiocrate », sera amené à s’exiler aux Etats-Unis à la fin de sa vie... Le Mercier de la Rivière, théoricien politique, a été séduit, comme Diderot, par l’expérience de Catherine II en Russie et expose sa conception du despotisme éclairé dans l’« ordre naturel et essentiel des choses ». Victor de Riquetti, marquis de Mirabeau (1715-1783), a écrit « l’ami des hommes ou traité de la population » (1756) où il défend l’idée que la richesse dépend de la population qui dépend des subsistances, lesquelles dépendent de la terre...c’est donc la terre qui est à l’origine de toute richesse. Il rédige, avec Quesnay, l’essentiel de la « philosophie rurale » (1763). Le plus célèbre des physiocrates : François Quesnay (1694- 1774). D’origine modeste (son père issu de la terre est petit avocat au Parlement), il se lançait dans des études de médecine ; il devint chirurgien et médecin personnel de Madame la comtesse de pompadour puis du roi Louis XV. Il s’installe par la suite le lieu de l’école. Il écrit deux articles de l’encyclopédie (1751) : « fermiers » et « grains », le tableau économique (1758) et aussi « Le Droit naturel » (1765) qu’il publie dans le « Journal de l’agriculture, du commerce et des finances », journal dirigé par Dupont de Nemours. Le sympathisant le plus connu de Quesnay est Turgot (1727-1791), renonçant à la prêtrise et à l’enseignement, il devient intendant à Limoges où il effectue des recensements. Les idées physiocrates classiques ont été améliorées par la découverte de nouvelles théories : minimum physiologique, loi des rendements non proportionnels (ou décroissants). En effet, Turgot va s’intéresser à la question de la répartition. Il sera l’inspirateur des classiques (Smith) et des néoclassiques sur l’introduction de la loi de la valeur qui dépend selon Turgot de Besoin et de Rareté. Il s’intéresse aussi à l’emploi et aux entraves au commerce. En tant que ministre des finances, il a favorisé la liberté de la circulation des grains et il a préparé la mise en vigueur d’un impôt unique sur la terre. Dans son principal ouvrage Réflexions sur la formation et la distribution des richesses (1766), Turgot avance l’idée d’une spécialisation des classes : celle qui a la terre, celle qui a la force du travail et une troisième classe appelée classe stipendiée1(appelée plus tard classe stérile) qui vit sur le dos des autres classes. Les préceptes clés de la pensée des physiocrates 1 Corrompue. 10 La pensée physiocratique a toujours été source de confusion, de dilemmes ; elle a été même accusée de soutenir une pensée contradictoire. Car, on la conçoit à la fois sectaire (pensée nationaliste), monarchique (défendant en cela les rois de France), réactionnaire puisqu’elle préconise de retourner à l’ordre naturel et se situant à cheval entre le nationalisme et l’internationalisme et entre une pensée macro- sociale et une pensée individualiste. Elle commence ainsi par une réflexion sur la philosophie de l’homme puis des classes et finit par une réflexion sur les agrégats eux- mêmes. Cette pensée peut être résumée par deux ordres : L’ordre naturel : une certaine conception de la nature, de l’homme et de la société. Il existe des lois naturelles : « la législation positive consiste donc dans la déclaration des lois naturelles, constitutives de l’ordre évidemment le plus avantageux possible aux hommes réunis en société » (Droit Naturel). Les transgressions du droit naturel sont la source de tous les maux ajoutent les physiocrates. L’homme est soumis aux lois naturelles, mû par l’hédonisme (il est dans la nature humaine de chercher son intérêt personnel ; il est par définition égoïste). Ces idées confirment une certaine négation de l’histoire et une immuabilité de l’ordre des choses. La meilleure critique contemporaine adressée au droit naturel est celle de Rousseau dans le contrat social, la plus récente et la plus célèbre est celle de Rawls2 dans sa théorie de la justice. L’ordre économique : une critique implacable adressée aux mercantilistes sur la notion de l’enrichissement ; seule l’agriculture est créatrice d’un produit net, précisent les physiocrates ; libéralisme aidant, elle peut assurer un revenu très élevé. Ce produit net est visualisé, à travers les classes sociales, dans le tableau économique de François Quesnay. Pour les physiocrates la richesse ne se confond pas avec le stock monétaire car tout dépend de la consommation productive, celle qui liée, bien entendu, à l’agriculture. Elle ne se confond pas non plus avec la population. L’expression de Mirabeau est restée célèbre: « les hommes se multiplient comme des rats dans un grenier s’ils ont les moyens de subsister » ; celle de Jean Bodin l’est aussi : « il n’y a de richesse que d’hommes ». Les travaux de l’agriculture dédommagent des frais, payent la main d’œuvre de la culture, procurent des gains aux laboureurs et de plus, ils produisent les revenus des biens, les fonds (la rente foncière). Ceux qui achètent les ouvrages d’industrie, payent les frais, la main d’œuvre et le gain des marchands, mais ces ouvrages ne paient aucun revenu au-delà. L’industrie et le commerce sont stériles, et on ferait double emploi si, dans le but de calculer la valeur du produit national, l’on additionnait la valeur des biens agricoles et celle des biens industriels. L’ordre économique règle les rapports entre les trois classes fondamentales : classe productive, classe des propriétaires et la classe stérile. C’est ce que nous allons voir, à travers le tableau économique de François Quesnay, dans la troisième section. 2 Théorie de la justice (1971), Seuil, 1987. 11 Le tableau économique Deux versions du tableau économique3 de François Quesnay décrivent l’essentiel de la réalisation de produit net : la version de 1766 et la version de 1758. Le tableau lui-même étudie les flux de dépense entre les différentes classes sociales représentatives, il est typiquement macro-économique et on peut même l’interpréter au-delà de l’état stationnaire comme un phénomène multiplicateur. En fait, la nation se compose, selon Quesnay, de trois catégories représentatives : La classe productive est celle qui produit par la culture des terres, les richesses annuelles de la nation. Il s’agit en effet des fermiers qui font des avances : - avances primitives : dépense en capital fixe (outils, etc.) ; - avances annuelles : capital circulant (semences et salaires). La classe des propriétaires comprend le souverain, les propriétaires de terres et les décimateurs (les percepteurs de taxe sur les revenus de clergé au profit de roi). Elle subsiste par le revenu ou produit net qui lui est payé annuellement par la classe productive. Cette classe par sa distribution (naturelle) conditionne le développement harmonieux du pays. Il est donc nécessaire de protéger la « propriété foncière qui est le prolongement de la liberté individuelle... ». Ces propriétaires font aussi des avances, les avances foncières : fonds de terre ou infrastructures (de la part du souverain). Il faut noter que ces avances n’interviennent pas dans le tableau économique. La classe stérile : il s’agit de toutes les autres classes sociales dont les dépenses sont payées par la classe productive et celle des propriétaires. La classe stérile comprend entre autres, les artisans, les marchands, les manufacturiers et les soldats. A la suite des physiocrates, ont émergé plusieurs pensées économiques notamment celle développée par Adam Smith, David Ricardo… 3. Les classiques Adam Smith Depuis les auteurs de transition, une certaine liberté économique est prônée par l’ensemble des auteurs qui succèdent aux mercantilistes ; l’intervention de l’Etat est stigmatisée par les auteurs classiques et en particulier par Smith ; c’est un peu l’héritage de l’état naturel ou de l’ordre naturel que les physiocrates ont essayé de développer dans le domaine économique. Comme le disait Smith, la liberté est la condition de progrès. C’est avec Smith que se termine la prise en compte directe des auteurs qui l’ont précédé. Pour la majorité des historiens la publication de la « Richesse des Nations » marque le passage d’une pensée préscientifique à une pensée scientifique. Malheureusement, le cas de Smith permet-il d’illustrer une coupure dans le « Discours Economique. » En même temps, l’influence philosophique de l’époque ne se restreignit pas uniquement à celle de Hume ; 3 Appelé aussi le ZIZAK OU ZIGZAG. 12 Bacon, Hobbes, Locke influencent à leur tour la vision philosophique de Smith. De cette philosophie découlent deux principes : Le principe de l’utilité : l’homme agit toujours pour se procurer un plaisir et éviter une douleur, la peine ; Le principe de l’association des idées : le fonctionnement de l’esprit humain s’explique par l’action des forces qui lient une idée à une autre. Ces deux principes sont développés par Hume ; cependant ce dernier se heurte finalement au problème de l’obligation morale : si l’homme est uniquement guidé par son intérêt personnel, comment expliquer l’existence du sentiment du devoir. Ainsi Smith a développé une autre philosophie basée sur l’intérêt général et le devoir de l’homme vis à vis de la société. Selon Smith, l’homme est guidé par deux instincts : un instinct égoïste et un instinct altruiste Smith économiste : libéralisme et optimum social La main invisible et le laisser faire Selon Smith, la liberté doit être naturelle et que sa disposition dans la société doit être accompagnée d’une concurrence ; cette liberté agit comme une main invisible et assure un développement rapide et harmonieux de la société. En ses propres termes, Smith avance l’idée suivante : la recherche par chacun de son intérêt individuel permettra, en situation de concurrence, d’atteindre l’optimum général ; la main invisible du marché permet de concilier intérêt individuel intérêt général. La division du travail et la théorie des revenus ou de la répartition Selon Smith, l’opulence (abondance), naît de la division du travail. La division du travail est à l’origine de l’augmentation de la productivité. Exemple donné par Smith est la manufacture d’épingle : un ouvrier seul face aux différents tâches produit une seule épingle dans la journée, alors que 10 ouvriers assurant différentes tâches de processus de fabrication produisent 48 000 épingles dans la journée. Ceci est aboutit grâce à la précision dans l’exercice des tâches de la part des ouvriers, à l’économie du temps et au rôle de la machine. Selon Smith, la division du travail est une conséquence naturelle de l’échange. Selon Smith, la division du travail a deux limites essentielles : Limite de l’étroitesse du marché qui influence négativement sur le niveau de productivité ; La monotonie du travail : perte de la dextérité (habileté) et du travail intellectuel Salaires, profit et rente foncière 13 Selon Smith, le salaire correspond à la subsistance de l’ouvrier afin de reproduire la force du travail. Il ne peut être augmenté que si la richesse nationale augmente et que la demande du travail augmente. Selon Smith, le profit est un prélèvement sur la valeur créée par le travail. Selon Smith, le taux de profit tend à être le même pour tous ! ! ! Selon Smith, la rente est la différence entre le prix de la récolte, d’une part, et, d’autre part, la somme des salaires et de profits qui doivent être normalement payés pour obtenir cette récolte, étant donné les quantités de travail et de capital employées. Smith distingue en outre le travail productif et le travail non productif. La théorie de la valeur Smith distingue entre valeur d’usage d’un objet qui est sa capacité à être utilisée ; c’est-à-dire, son utilité et la valeur d’échange, c’est-à-dire, sa capacité à être échangée contre d’autres biens. Exemple donné par Smith dans le but de montrer le paradoxe de la valeur : l’eau et le diamant : l’eau est très utile n’a que peu de valeur d’échange ; le diamant inutile a une valeur d’échange très élevée. Comment se détermine donc la valeur d’échange d’une marchandise : Pour expliquer comment se détermine la valeur, Smith avance deux explications : dans la première, il recourt à la théorie de la valeur travail et dans la seconde, il recourt à une analyse en termes de coûts de production. Théorie de la valeur travail Deux notions importantes sont à la base de la théorie de la valeur travail : Travail incorporé C’est la quantité du travail nécessaire à la production d’un bien ; cette notion ne sera développée d’une manière convaincante qu’avec Ricardo ; Travail commandé La valeur d’une denrée quelconque est égale à la quantité de travail que cette denrée le met en état d’acheter ou de commander. Ce recours au travail commandé signifie simplement que si une heure de travail se paie 20 dirhams, un objet qui en vaut 100 permet d’acheter (commande), donc, 5 heures de travail. Mesure de la valeur 14 Pour Smith, le travail est la seule mesure universelle puisqu’il nous sert à comparer les valeurs des différentes marchandises. Le travail est donc considéré comme un bien étalon. Il est invariant ; il est in coût car c’est le prix réel de chaque chose. Prix naturel et prix du marché Smith définit les taux naturels du salaire, du profit et de fermage. Ce sont les taux moyens et ordinaires qui sont constatés pour un temps et lieu donnés. Le prix naturel est la somme des taux naturels correspondant au coût de production et autour duquel gravite le prix du marché. Le prix du marché est le prix actuel auquel une marchandise se vend communément. Echange international et l’avantage absolu Pour Smith, le commerce international est profitable à chaque nation ; il conduit à division internationale du travail. Sous l’effet de la concurrence, chaque nation doit se spécialiser dans les productions pour lesquelles détient un avantage absolu par rapport à d’autres nations. Cela veut dire qu’elle doit se spécialiser dans la fabrication des produits qui ont un coût de production plus faible en valeur absolue par rapport au coût de production du reste de monde. David Ricardo (1772-1823) David Ricardo né en Angleterre, fils d’un banquier israélite (d’origine portugaise) ; il travaillait comme courtier ; il se faisait élire membre du parlement britannique On peut considérer Ricardo comme l’économiste classique le plus complet ; il a marqué l’histoire de la pensée économique d’une manière très profonde ; il reste encore aujourd’hui une référence indiscutable pour la compréhension des phénomènes économiques. Son projet central n’était pas d’expliquer les prix relatifs mais de déterminer les lois qui règlent la distribution des produits de l’industrie. Il s‘intéresse au progrès technique et divise les changements techniques en deux catégories : Les innovations qui économisent la terre et celles qui augmentent la production d’une terre donnée par un emploi plus judicieux des assolements (rotation, succession et alternance des cultures) et de meilleurs engrais ; Les innovations qui économisent le capital et le travail en réduisant leurs doses, tels que le perfectionnement dans les instruments de l’agriculture, l’économie dans le nombre des chevaux employés dans l’agriculture et des connaissances pus étendues dans l’art de vétérinaire. Dans la théorie ricardienne, le libre échange tire essentiellement son importance du fait qu’il est une compensation à la décroissance des rendements de l’agriculture. 15 Pour Ricardo, le libre échange était une politique qui convenait à une nation manufacturière avancée qui cherchait à importer du blé bon marché pour faire le pain de ses travailleurs et des matières premières pour son industrie auprès de pays agricoles arriérés. 4. la pensée économique néoclassique L’école néoclassique est une réaction non seulement contre le marxisme et l’école historique allemande à travers leur démarche historique ou contre le positivisme de Comte, mais aussi est une réaction contre l’école classique en la réfutant sur un certain nombre de points comme la valeur, l’échange,…Les auteurs néoclassiques retiennent toutefois le libéralisme économique des classiques. L’innovation la plus importante réalisée par les néoclassiques est leur introduction des mathématiques dans l’économie. L’école ou le courant néoclassique s’est développé vers la fin du 19ème siècle. Trois auteurs, Jevons, Menger et Walras ont réalisé ce que l’on a appelé la « révolution marginaliste » qui désigne la mise en évidence de principe de l’utilité marginale et du calcul marginal. La contre critique néoclassique La contre-offensive des économistes, bien avant les premiers fondateurs de l’école néoclassique, a commencé avec Mill en réponse à Auguste Comte en disant qu’il existe une « sociologie déductive » dont l’économie politique est l’une des branches. L’économie politique peut se fonder sur des lois abstraites et universelles. La contre-offensive a commencé aussi avec des philosophes utilitaristes comme Bentham ; celui-ci affirme que la satisfaction liée à la consommation progressive d’un bien est décroissante. Nous trouvons par ailleurs les précurseurs aux néoclassiques qui rejettent aussi bien la méthode des économistes classiques (y compris Marx) que les propos réfutationnistes des positivistes quant au statut de l’économie politique. Enfin, c’est aux fondateurs de l’école néoclassique qu’incombaient l’édification d’une nouvelle science économique plus rigoureuse que sa devancière classique. Les précurseurs de l’école néoclassique Parmi les précurseurs à l’école néoclassique, on peut citer trois auteurs les plus connus : Thünen, Gossen et Cournot. Thünen, économiste allemand, est l’un des premiers4 à avoir employer le raisonnement à la marge dans le domaine agricole. En 1824, Thünen écrit la chose suivante : 4 Ricardo ou Malthus expliquaient avant Thünen que les prix des denrées agricoles dépendent du coût de production sur les terres les moins fertiles. En 16 « l’application de doses successives de travail sur une terre doit continuer jusqu’à ce que le rendement supplémentaire obtenu grâce au dernier travailleur employé soit égal en valeur au salaire qu’il reçoit ». Quelques années plus tard, en 1854, Gossen, psychologue et économiste autrichien, parlait de deux principes, baptisés, la première loi et la deuxième loi de Gossen : la première est relative à la décroissance de l’utilité marginale et la deuxième est relative à l’égalisation des utilités marginales des biens pondérés par leurs prix respectifs. Ces deux lois constituent les fondements de la théorie de consommateur qui va être parachevée par la suite par Jevons. Un autre précurseur aux néoclassiques mérite d’être cité ; il s’agit du mathématicien français Augustin Cournot (1801-1877). Alfred Marshall (1842- 1924) D’origine modeste, il gravit les échelons universitaires jusqu’à devenir Professeur à l’Université de Cambridge. Il apporte des contributions importantes à la théorie de la firme et une théorie synthétique de l’équilibre partiel. L’approche de Marshall consiste à raisonner sur l’offre et la demande d’un bien, c’est-à-dire d’un seul marché sans tenir compte de ce qui se passe sur les autres marchés. Léon Walras (1834-1910) La pensée de Léon Walras est restée méconnue à cause de son rejet par l ‘école libérale française. Né à Evreux, fils d’Auguste Walras, lui-même professeur d’économie (théoricien de la rareté), il aura des difficultés à intégrer une école d’ingénieur et deviendra critique d’art avant de postuler à des postes de professeur d’économie dans les universités françaises qui lui seront refusés. De ce fait, il enseignera à Lausanne à partir de 1870 (d’où le nom d’école de Lausanne) et publiera la première édition des « Eléments d’économie politique pure et théorie de la richesse sociale » en 1874 qui, au départ théorie de l’échange, sera complétée en 1877 par une théorie de la production, de la capitalisation et du crédit et enfin en 1900 par une théorie de l’épargne et de la monnaie. La conception walrasienne de l’économie politique D’après Walras, l’économie politique doit être fondée sur une doctrine capable de concilier le libéralisme, qui assure l’expansion de la production, avec le socialisme qui veut réaliser la justice. Cela est possible en distinguant dans l’activité humaine, d’un côté ce qui relève de la science, d’un autre côté ce qui relève de la morale. La science économique dira pourquoi la concurrence est le seul moyen d’assurer le d’autres termes, les terres marginales (les moins fertiles) ne peuvent être cultivées puisque leurs productivités marginales deviennent inférieures à leurs coûts marginaux. 17 développement de la richesse, la morale dira quand et comment on doit intervenir pour rendre juste la répartition de cette richesse. On reconnaît ici une position typiquement kantienne de Walras. Selon Kant, la politique et l’idéologie doivent se plier aux exigences de la moralité. Pour Kant, les êtres humains doivent être traités comme des finalités et jamais comme des moyens de fins arbitraires. Walras, en s’inspirant de Kant, distingue deux grands ordres de faits : les faits naturels et les faits humanitaires. Parmi les faits humanitaires, il faut distinguer deux types de faits : les faits résultant des rapports entre les personnes et les choses et les faits résultant des rapports de personnes à personnes. La première catégorie de faits c’est-à-dire, les faits naturels, relève du domaine de la science. Vilfredo Pareto : successeur de Walras à Lausanne La concurrence pure et parfaite est un modèle néoclassique, considéré comme le noyau dur de l’économie normative (ou de bien-être) dont le ténor principal n’est autre que Vilfredo Pareto (1848-1923). Selon cet auteur, les équilibres issus de régime de concurrence pure et parfaite sont des optima et peuvent à ce titre servir de référence pour l’ensemble des individus composant l’économie. Les deux théorèmes de bien-être Le critère de Pareto ne fait pas intervenir les prix ; il parle exclusivement de quantités de ressources disponibles de leur répartition. Or, les prix relatifs (ou les taux d’échange) interviennent de façon décisive dans l’affectation des ressources et de facto dans la répartition des revenus. Il s’avère donc intéressant de mettre en relation équilibres concurrentiels (prenant en compte le prix d’équilibre) et optima de Pareto. III. Les nouveaux courants de la pensée économique 1. La pensée Schumpetérienne Joseph Schumpeter (1883-1950), économiste autrichien publie dès 1908 un ouvrage sur la nature et le contenu de la théorie économique (Economic Doctrine and Method) qui lui a valu le meilleur jeune économiste à l’école de Vienne en Autriche. Menger et Böhm Bawerk ont été ses professeurs. Son livre célèbre, La Théorie de l’évolution économique (1912) présente déjà l’essentiel de ses thèses sur les cycles économiques et l’évolution du capitalisme et du socialisme. Schumpeter ne peut être considéré seulement en tant qu’économiste. Sa pensée englobe aussi le champ de l’histoire et des sciences sociales 18 Le rôle de l’investissement et de l’innovation dans la croissance et le développement économique Schumpeter reprend l’idée de Wicksell relative au rôle actif de l’investissement. Mais il la sépare des phénomènes monétaires retenus par Wicksell dans son analyse. En analysant les problèmes de la croissance, Schumpeter reprend en quelque sorte la veille tradition, classique, qu’on retrouve chez Quesnay, Smith ou Ricardo et qui a été négligée par les néoclassiques. Dans son ouvrage « La théorie de l’évolution économique », Schumpeter, suivant ses propres termes dit la chose suivante : « pour comprendre le processus de la croissance, il faut envisager d’abord le cas où cette croissance n’existerait pas ». Si la croissance n’existerait pas, cela veut dire que l’économie ne se modifierait pas d’une période à l’autre et il n’y aurait pas d’épargne nette ni d’investissement net ; le taux de l’intérêt serait nul. Cette situation est nommée par Schumpeter « le circuit économique ». Et c’est à partir de cette situation, que Schumpeter cherche à comprendre la croissance qu’il nomme « l’évolution » en posant la question de trouver la cause fondamentale entraînant le passage du « circuit » à « l’évolution ». Schumpeter distingue cinq catégories d’innovations : La destruction créatrice Selon Schumpeter, « les théories de la concurrence monopolistique et oligopolistique ainsi que leurs variantes populaires peuvent être utilisées de deux manières aux fins de soutenir la conception d’après laquelle la réalité capitaliste serait incompatible avec le rendement maximum de la production ».  La fabrication d’un bien nouveau ;  L’introduction d’une nouvelle méthode de production ;  L’ouverture de nouveaux débouchés pour un produit donné ;  La découverte d’une nouvelle source de matières premières ;  La réalisation d’une nouvelle organisation. Schumpeter parle à cet égard de la création d’une situation de monopole ; mais on peut parler aussi aujourd’hui de la refonte de l’organisation des entreprises au niveau de leur structure 2. La pensée économique de l’école de la régulation française La théorie de régulation est un courant de pensée qui met en avant l’idée selon laquelle le capitalisme ne cesse de connaître, et ce depuis un siècle au moins, des transformations d’ordre économique et institutionnel. A chaque transformation, lui correspond un mode de régulation spécifique. D’où le nom donné à la théorie. 19 L’école de la régulation est apparue, en France, dans les années 1970 avec des auteurs comme Aglietta, Boyer, Lipietz, Mistral, Saillard,… Cette école se base pour développer ses idées sur trois sources différentes : La tradition marxiste ; L’approche keynésienne ; L’apport de l’histoire économique et sociale. CHAPITRE III : LES AGENTS ECONOMIQUES ET LEURS RELATIONS L’ensemble des activités effectué par les différents agents économiques constitue les opérations économiques. Ces différentes relations se traduisent par des flux. 1. Les flux économiques Flux réels (ou flux physiques) : Mouvements de biens ou de services concret, bien réels. Flux financiers (flux monétaires) : c'est la valeur de ventes et d'achats dans une période donnée. 2. Le circuit économique Le circuit économique est une représentation de l’activité économique sous la forme de flux réels, monétaires et financiers qui mettent en relation des catégories d’agents économiques. Pour ce faire, les différents acteurs de la vie économique sont classés en cinq groupes appelés secteurs institutionnels, qui constituent la base de la comptabilité nationale. Ces groupes rassemblent les « unités » ayant des comportements économiques similaires caractérisés par leur fonction principale et la nature de leur activité 2.1 Circuit simplifié et fermé 20 Graphique1. Le circuit économique simplifié Entreprise s Revenus des facteurs Dépenses (salaires, revenus de Facteurs de Biens et des ménages la propriété) production services Ménages Le graphique 1 représente les principaux flux, réels d’une part (biens et services achetés ou vendus, facteurs de production tels que le travail ou le capital), et monétaires d’autre part (salaires versés, intérêts versés ou payés, paiements effectués pour les achats) retenus par la comptabilité nationale dans le cas simplifié d’une économie avec seulement deux secteurs institutionnels, les entreprises et les ménages. La partie gauche du schéma montre que les entreprises obtiennent des ménages des services de travail et de capital en contrepartie d’un paiement monétaire (le salaire et les intérêts et dividendes du capital si les ménages possèdent des actions et des obligations). Ainsi, à gauche du Graphique 3, des flux monétaires vont des entreprises vers les ménages pour rétribuer l’ensemble des facteurs de production que ceux-ci mettent à la disposition des entreprises. La partie droite quant à elle met en évidence l’achat de biens et services aux entreprises par les ménages et le flux monétaire qui en résulte, à savoir le paiement de ces achats. Si les ménages dépensent tous leurs revenus pour acheter des biens et des services produits par les entreprises domestiques, et si celles-ci dépensent tout ce qu’elles reçoivent des ménages pour leur acheter les facteurs de production dont elles ont besoin, et si la vitesse de circulation de la monnaie ne change pas, le circuit fermé de cette économie va se perpétuer indéfiniment. 21 2.2 Circuit économique ouvert, fuites et injections Contrairement au circuit fermé décrit ci-dessus, les choses ne sont pas aussi simples. Le circuit n’est pas aussi hermétique. On constate des fuites et des injections de certains flux, on parle alors d’un circuit économique ouvert. Graphique 2. Circuit économique ouvert Entreprises Injections Investissement Dépenses Exportations de l’Etat Rémunération des facteurs Dépenses de consommation Banques, etc. Etat Reste du Monde Facteurs de Biens et Epargne Taxes et Importations production services impôts Ménages Fuites Lexique Un stock est une quantité mesurée en un point du temps, tandis qu’un flux est une quantité mesurée par unité de temps. Stock et flux sont souvent liés. Le stock résulte de l’accumulation du flux, qui est la variation de ce stock. Par exemple, la richesse d’une personne est un stock ; son revenu et sa dépense des flux. Autre exemple, le nombre de chômeurs est un stock ; le nombre de personnes qui perdent leur emploi est un flux. 2.2.1 Les fuites Les fuites correspondent aux parties du revenu des ménages et des entreprises qui échappent au circuit fermé. En effet une partie seulement des revenus des ménages est dépensée pour 22 l’achat de biens et services domestiques ; de même une partie seulement de ce que reçoivent les entreprises domestiques est versée à des ménages du pays. Il y a, en pratique, trois catégories de fuites : l’épargne (S), les taxes et les impôts (T) et les dépenses en importations (M). L’épargne (S) : elle correspond à la part du revenu que les ménages décident de ne pas dépenser immédiatement et qu’ils sauvegardent pour une consommation future. Elle est généralement déposée dans des institutions financières (les banques, les caisses d’épargne, etc.). L’épargne nette des ménages, S (S pour savings), est la différence entre leurs dépôts et leurs retraits. Taxes et impôts (T) : lorsque les ménages paient des impôts, une partie des flux du circuit précédent est retirée. Contrairement à l’épargne qui résulte d’une décision volontaire, l’impôt est obligatoire : les ménages n’ont pas le choix. L’ensemble des taxes et impôts comprend la TVA qui touche la consommation, la taxe d’habitation, la taxe foncière, les impôts sur le revenu, etc. Remarque : Lorsque les ménages reçoivent des revenus de l’Etat, comme des allocations chômage, des pensions de retraite ou une bourse d’études, ces flux sont comptabilisés comme une taxe négative. Ce sont des transferts. Les importations (M) : les ménages achètent également des biens et des services produits par des entreprises étrangères ou par des entreprises nationales, mais dont la production a nécessité des biens intermédiaires ou des services importés. Ces types de consommation correspondent à des flux de devises (monnaie) à destination des pays étrangers. Remarque : le total des fuites correspond à la somme des flux de monnaie engagés dans ces trois catégories : S + T + M. 2.2.2 Les injections La demande qui s’adresse aux entreprises pour leurs biens et leurs services ne provient pas seulement des ménages domestiques. D’autres flux (provenant de l’extérieur du circuit fermé) existent. Ce sont les injections. Il y en a trois catégories : les investissements (I), les dépenses publiques des Etats (G) et les exportations (X). 23 Les investissements (I) : ils correspondent aux flux de monnaie que les entreprises obtiennent auprès des institutions financières. Les entreprises utilisent cet argent pour faire des investissements en capitaux fixes (nouvelles usines, nouvelles machines) ou constituer des stocks de produits finis ou semi-finis. Les dépenses des Etats (G) : lorsque les Etats achètent des biens et des services aux entreprises, cela correspond à une injection de monnaie. Il s’agit, par exemple, de construction de routes, d’hôpitaux, de barrages hydroélectriques ou d’écoles. Les exportations (X) : les exportations correspondent à tous les flux versés par les ménages, les Etats et les entreprises des autres pays aux entreprises nationales pour l’achat de leurs biens et de leurs services. Remarque : le total des injections correspond à la somme des flux de monnaie engagés dans ces trois catégories : I + G + X. 24 REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE ET WEBOGRAPHIQUE Abraham-Frois G., Economie politique, Economica, 1992 Blaug M., Histoire économique : origines et développement, Economica, 1984 Brémond J. et Gélédan A., Dictionnaire des théories et mécanismes économiques, Hatier, 1984 Chevalier J-M., Introduction à l’analyse économique, La Découverte, 1995 Denis H., Histoire de la pensée économique, PUF, 1991 Karl Marx, Le Capital, 4ème Edition allemande, Edition Sociales, 1978 Meyer P., Encyclopédie économique, Economica, 1984 Ricardo D., Principes de l’économie politique et de l’impôt, Calmann-Lévy, 1970 http://mapage.noos.fr/HISTOIREECONOMIQUE/revolutionideologique.htm 25

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