Les Droits de la Personne en fin de Vie - PDF

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droit de la personne en fin de vie sédation profonde et continue droit médical fin de vie

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Ce document détaille les droits des personnes en fin de vie, ainsi que la sédation profonde et continue. Il explique lorsqu'elle est utilisée et les conditions pour cette procédure médicale.

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E – LES DROITS DE LA PERSONNE EN FIN DE VIE 2 – LA SEDATION PROFONDE ET CONTINUE Le droit à la sédation profonde et continue L’énoncé des dispositions législatives et règlementaires. En vertu de l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique, « à la demande du patient d’éviter toute souf...

E – LES DROITS DE LA PERSONNE EN FIN DE VIE 2 – LA SEDATION PROFONDE ET CONTINUE Le droit à la sédation profonde et continue L’énoncé des dispositions législatives et règlementaires. En vertu de l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique, « à la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants : 1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable, et dont le pronostic vital est engagé à court terme, présente une souffrance réfractaire aux traitements ; 2° Lorsque la décision du patient, atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement, engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, et, au titre de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L.1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie. La sédation profonde et continue, associée à une analgésie prévue au présent article, est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie règlementaire, qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies (…). L’ensemble de la procédure suivie est inscrit au dossier médical du patient ». L’article R.4127-37-3 du code de la santé publique (code de déontologie médicale) apporte des précisions complémentaires. Ainsi, « I – A la demande du patient, dans les situations prévues au 1° et 2° de l’article L.1110-5-2, il est recouru à une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, à l’issue d’une procédure collégiale, telle que définie au III de l’article R.4127-37-2, dont l’objet est de vérifier que les conditions prévues par la loi sont remplies. Le recours, à la demande du patient, à une sédation profonde et continue telle que définie au premier alinéa, ou son refus, est motivé. Les motifs du recours ou non à cette sédation sont inscrits dans le dossier du patient, qui en est informé ; II – Lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté et qu’un arrêt de traitement de maintien en vie a été décidé au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en application des articles L.1110-5-1, L.1110-5-2 et L.1111-4, et dans les conditions prévues de l’article R.4127-37-2, le médecin en charge du patient, même si la souffrance de celui-ci ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’à son décès, associée à une analgésie, excepté si le patient s’y était opposé dans ses directives anticipées. Le recours à une sédation profonde et continue, ainsi définie, doit, en l’absence de volonté contraire exprimée par le patient dans ses directives anticipées, être décidé dans le cadre de la procédure collégiale prévue à l’article R.4127-37-2. En l’absence de directives anticipées, le médecin en charge du patient recueille auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l’un des proches, le témoignage de la volonté exprimée par le patient. Le recours à une sédation profonde et continue est motivé. La volonté du patient exprimée dans les directives anticipées, ou, en l’absence de celles-ci, le témoignage de la personne de confiance, ou à défaut, de la famille ou de l’un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l’un des proches du patient est informé des motifs du recours à la sédation profonde et continue ». L’objet des demandes de sédation profonde et continue jusqu’au décès: la demande éminente pour souffrance réfractaire et la demande pour souffrance potentielle insupportable La distinction entre la demande éminente pour souffrance réfractaire et la demande pour souffrance potentielle insupportable. L’article L.1110-5-2 du code de la santé publique envisage la mise en œuvre de la sédation pour deux hypothèses qu’il convient de distinguer : « 1° Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une « souffrance réfractaire aux traitements » ; 2° Lorsque la décision du patient, atteint d’une affection grave et incurable, d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une « souffrance insupportable » ». La demande de sédation éminente pour souffrance réfractaire dont le pronostic vital est engagé. Dans ce premier cas de situation, la personne présente déjà une souffrance réfractaire aux traitements. La demande de sédation est éminente puisque plus aucun moyen ne parvient à altérer la douleur ressentie par le patient atteint d’une infection grave et incurable. La sédation constitue ainsi la dernière alternative de traitement permettant de limiter sa souffrance, laquelle doit être envisagée dans un bref délai puisqu’il s’agit de soulager la personne en fin de vie alors que son pronostic vital est engagé à court terme. La demande de sédation pour souffrance potentielle insupportable. Dans la seconde hypothèse, le malade, atteint d’une affection grave et incurable, est encore sous traitement et ne ressent pas a priori, à la lecture du texte de loi, la souffrance. En revanche, la décision d’arrêt de traitement, non seulement engage son pronostic vital à court terme, et est aussi susceptible d’entraîner une « souffrance insupportable ». Dans ce cas de situation, bien que la personne soit dans une situation difficile, puisque atteinte d’une affection grave et incurable, la demande semble moins imminente puisque l’arrêt du traitement potentiellement créé la souffrance insupportable, de même que le pronostic vital à court terme. La notion de souffrance reste relativement incertaine et aléatoire puisque le législateur utilise l’expression « est susceptible d’entraîner », ce qui revient à une anticipation éventuelle, aléatoire. Le professionnel de santé, préconisant cette pratique médicale, doit, par conséquent démontrer la potentialité d’une souffrance insupportable, ce qui renvoie à une appréciation médicale de celle-ci. Sa responsabilité professionnelle est d’autant plus importante qu’il lui est possible d’envisager une sédation sur une personne en se fondant sur une « susceptibilité », ce qui peut constituer une ouverture à une sédation plus volontiers admise et susceptible de dérives dans un contexte de gestion serré d’un service, de directives spécifiques au sein d’un établissement, d’incitations de l’entourage et même de convictions personnelles. L’examen préalable des trois conditions cumulatives de la mise en demeure de la sédation: affection grave et incurable, pronostic engagé à court terme et souffrance Les conditions cumulatives d’autorisation de la mise en œuvre de la sédation. L’article L.1110-5-2 du code de la santé publique impose la réunion de trois conditions cumulatives permettant la mise en œuvre, par le médecin, de la sédation : une affection grave et incurable; le pronostic engagé à court terme et une « souffrance réfractaire aux traitements » ou une « souffrance insupportable ». La difficulté est que ces différentes notions restent en pratique malaisées à appréhender. L’affection grave et incurable, notion évolutive potentiellement à risques de dérives Le législateur impose deux conditions cumulatives pour qu’une affection puisse justifier la mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. La difficulté est de pouvoir justifier la gravité d’une maladie. Sur quels critères se fonder ? Le législateur n’apporte pas de précisions, pas plus que le texte règlementaire, ce qui renvoie alors à des risques d’appréciations subjectives et, corrélativement, à de potentielles dérives. Outre les considérations scientifiques fondées sur le dernier état des connaissances, la gravité d’une maladie doit s’apprécier dans le temps et surtout en considération de chaque personne. En effet, d’un point de vue temporel, certaines maladies incurables dans le passé sont devenues soignables compte-tenu des prouesses biomédicales et technologiques. L’appréciation de l’incurabilité d’une maladie suppose alors que le professionnel de santé dispose de connaissances médicales à jour, obligation indispensable pour l’exercice de la médecine. L’article R.4127-11 du code de la santé publique dispose à cet effet que « tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu ». A défaut, en cas de doute, il lui est toujours possible de recourir à un tiers. A ce titre, l’article R.4127-32 du même code précise que « dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents ». La présence d’au moins un autre médecin lors de la procédure collégiale est à ce titre déterminante en termes de protection du patient. Le pronostic engagé à « court terme », une échéance vague et incertaine Aucune indication sur la signification du « court terme » n’est envisagée dans le texte de loi, ni même dans la partie règlementaire. Est-ce une question d’heures ? de jours ? de mois ? d’années ? Les médecins apprécient alors subjectivement, sans critères précis, le « court terme ». Des appréhensions hétérogènes peuvent en pratique apparaître d’une personne à l’autre, ce qui a pour effet de laisser s’instituer des pratiques variées selon les établissements et les professionnels de soins, certains acceptant le principe d’une sédation en prenant le décompte de quelques heures, alors que d’autres privilégient quelques jours, voire plus. De telles différences peuvent s’avérer préjudiciables et inégalitaires pour les patients en fin de vie, certains se voyant refuser la possibilité de recourir à la sédation, alors que d’autres, pour la même hypothèse, peuvent en bénéficier. Là encore, la procédure collégiale destinée à une certaine forme de concertation avec l’équipe collégiale prenant en charge le patient, et avec un médecin extérieur, a pour intérêt, pour le médecin, de mieux apprécier, pour chaque malade, le pronostic engagé à court terme, des différences significatives existant d’une personne à une autre. L’absence de définition précise de la notion de « souffrance ». Le législateur insiste sur le mot « souffrance » qu’il souhaite écarter à tout prix en se référant au départ à « toute souffrance ». Le problème est que, si la souffrance est le terme générique qui revient à plusieurs reprises dans l’article L.1110-5-2, elle n’est pas définie explicitement par le législateur. Qu’est-ce qu’une souffrance réfractaire ? une souffrance insupportable ? Par ailleurs, quelle est la signification de « toute souffrance » ? est-ce la souffrance physique ? morale ? psychologique ? sociale ? familiale ? Puisqu’il est fait référence à « toute souffrance », une souffrance sociale, familiale peut-elle être envisagée ? L’absence de précisions suffisantes sur la souffrance, potentiellement sources de dérives, de risques d’inégalités et de discriminations majeurs entre les patients. L’absence de précisions de la part du législateur, ou d’éléments explicatifs plus précis dans la partie règlementaire, sur la signification de la souffrance, laisse les professionnels de santé dépourvus d’éléments suffisants et objectifs leur permettant de fonder leur appréciation, qui reste alors nécessairement subjective. Faute de précisions, le risque est que les professionnels adoptent des interprétations différentes, divergentes, restrictives ou larges, ce qui peut alors avoir pour effet d’entraîner nombre de dérives en acceptant pas assez ou, au contraire, trop de pratiques de sédations profondes et continues jusqu’au décès, ce qui risque d’entraîner des inégalités majeures entre les patients. L’appréciation de la « souffrance réfractaire » aux traitements L’article L.1110-5-2 du code de de la santé publique, en se référant à la notion de souffrance réfractaire aux traitements, choisit un terme explicite qui laisse supposer que tout traitement ne suffit plus à apaiser la souffrance. Dès lors, c’est parce que la personne est atteinte d’une maladie grave et incurable et que les traitements envisagés ne permettent plus de répondre à la souffrance, qu’il est possible de légitimer la sédation profonde et continue jusqu’au décès. En cela, l’obstination déraisonnable s’exprime à travers des traitements impuissants à répondre à la souffrance de la personne dans le cas d’un maladie grave et incurable. L’appréciation de la « souffrance insupportable », complexe et source de dérives L’appréciation de la « souffrance insupportable », complexe et source de dérives. L’appréciation d’une souffrance insupportable est complexe puisqu’il n’existe pas d’indications législatives et règlementaires de cette notion. En résulte une appréciation subjective qui diffère d’une personne à l’autre, qui se justifie par la liberté médicale compte-tenu de la pratique et de l’expérience. La souffrance, qui reste malaisée à évaluer pour chaque individu, est personnalisée puisqu’elle est vécue et exprimée différemment. Là-aussi, des risques de dérives existent dans l’appréhension même de ce que signifie « insupportable » à l’égard du ressenti physique et psychologique de chaque patient d’autant que, dans le texte de loi, est évoquée « la susceptibilité » d’une souffrance insupportable, ce qui nécessite alors une anticipation de celle-ci, tâche encore plus difficile à réaliser pour le médecin. Celui-ci se trouve donc dans une situation complexe car il lui faut procéder à des analyses hypothétiques de l’anticipation de la souffrance compte-tenu de la connaissance de la maladie grave et incurable du patient qu’il traite, dans le continuum de sa prise en charge. A défaut de ne pouvoir démontrer ces trois conditions cumulatives, le médecin ne peut engager la mise en œuvre de la sédation.. Distinction importante à réaliser - La sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le cas d’une personne en état d’exprimer sa volonté - La sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le cas d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté La sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le cas d’une personne en état d’exprimer sa volonté La décision personnelle du recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès par la personne en état d’exprimer sa volonté à l’issue d’une procédure collégiale Selon l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique, « à la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue, provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre ». La demande de la sédation intervient à la fin du processus de la maladie grave et incurable, qui a donné lieu, au préalable à une succession de traitements thérapeutiques qui, in fine, se révèlent inefficaces pour lutter contre la maladie. A un certain stade, ils ne permettent plus de lutter contre la souffrance. Ils doivent être arrêtés pour éviter que la personne ne subisse d’obstination déraisonnable. La demande de sédation a ainsi pour objet d’éviter la souffrance qui se poursuit lors du processus de la maladie grave et incurable. La demande de sédation correspond à un cheminement individuel de la personne à l’égard de sa santé, accompagnée par le médecin et ses proches, dans l’appréhension de parcours dans la lutte contre la maladie, et plus spécifiquement de sa fin de vie dans la lutte contre la souffrance. La demande est initiée directement par le patient, certes atteint d’une maladie grave et incurable, le plaçant dans une situation de vécu difficile, d’autant qu’il est en fin de vie, mais bénéficiant d’un état de conscience suffisant pour s’exprimer et procéder à la demande de sédation et à l’arrêt consécutif des traitements. Le texte législatif reste, là aussi, équivoque puisqu’il ne mentionne pas explicitement la demande du patient à la sédation. Il mentionne seulement celle du malade d’éviter la souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable. Certes, est sous entendue la demande de sédation, pas exprimée explicitent par le texte législatif. L’article R.4127-37-3 du code de la santé publique (code de déontologie médicale) reprend la même expression « à la demande » : « I – à la demande du patient, dans les situations prévues au 1° et 2° de l’article L.1110-5-2, il est recouru à une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, à l’issue d’une procédure collégiale, telle que définie au III de l’article R.4127-37-2, dont l’objet est de vérifier que les conditions prévues par la loi sont remplies. Le recours, à la demande du patient, à une sédation profonde et continue telle que définie au premier alinéa, ou son refus, est motivé ». De nouveau, la « demande » du patient est mise en exergue, sans que l’objet de la demande soit explicitement précisé. La demande de sédation est pourtant distincte de celle de faire cesser la souffrance et de ne pas poursuive une obstination déraisonnable. Les dispositions législatives et règlementaires devraient, par conséquent, être retravaillées pour éviter toute ambiguïté, d’autant que la demande de sédation est une décision excessivement importante et grave, ce qui suppose aussi une action reconnue et explicite du médecin. Il est regrettable que celui-ci soit seulement indirectement visé par « il est recouru à une sédation », ce qui manque pour le moins de clarté à l’égard de ses obligations et responsabilités. L’accompagnement compassionnel de la demande de sédation Cette ultime demande d’un acte médical, la sédation, par la personne en fin de vie, est cruciale. Elle nécessite, de la part du médecin, beaucoup d’attention, d’humanité, de compassion, d’autant que le malade se place le plus souvent dans un état de grande souffrance psychique et physique, ce qui limite la capacité d’une réflexion posée et sereine. Ceci suppose une maturation importante de sa réflexion qui doit être donnée en connaissance de cause, suite à un enchaînement de discussions avec le professionnel de santé. ans ce sens, l’article R.4127-30 du code de la santé publique (code de déontologie médicale) dispose que « le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriées la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage ». L’accompagnement passe par l’attention, la discussion avec le patient pour l’inviter à progressivement prendre les dernières décisions précédant à sa fin de vie, ce qui constitue un élément indispensable et déterminant en matière de respect. Cette sollicitude, par l’accompagnement individuel, personnalisé, propre à chaque personne, va dans le sens de la dignité humaine posée par l’article 16 du Code civil. Le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis 129 « Contribution du Comité consultatif national d’éthique à la révision de la loi de bioéthique 2018-2019 » considère à ce propos que : « la communication avec une personne atteinte d’une maladie grave, dès lors que cette discussion contribue à l’information et au cheminement de la personne - mais aussi du soignant -, ce qui facilite le développement de son autonomie de décision, devrait être considérée comme un acte particulièrement important et complexe et, à ce titre, être valorisé ». La demande murie et consolidée avec la possibilité de refus et d’une possible rétractation jusqu’au moment de l’acte de sédation La demande, qui correspond à une sorte de consentement par anticipation, doit être murie et consolidée par le patient, avec la possibilité, à tout moment, de la refuser ou de se rétracter avant la réalisation de l’acte. Dans ce sens, l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique (code de déontologie médicale) dispose que « le recours, à la demande du patient, à une sédation profonde et continue, ou son refus ». Cet article pose explicitement la possibilité, pour la personne malade, de refuser l’acte de sédation, ce qui est aussi mentionné à l’article R.4127-36 selon lequel : « lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences ». Ceci va par ailleurs dans le sens de l’article 16-3 du Code civil posant le consentement de la personne comme élément majeur du respect de l’intégrité du corps. Les Conseillers de la Cour de cassation ont ainsi considéré, à l’occasion d’un arrêt du 19 mars 1997, qu’« il résulte de l’article 16-3 du Code civil que nul ne peut être contraint, hors les cas prévus par la loi, de subir une intervention chirurgicale ». Ceci a aussi amené les Conseillers d’État à considérer, lors d’un arrêt du 26 octobre 2001, que l’obligation pour le médecin de sauver la vie ne saurait prévaloir de façon générale sur celle de respecter la volonté du malade. En d’autres termes, le médecin doit toujours respecter le refus de sédation d’une personne, même s’il estime que cette option n’est pas la meilleure pour celui-ci. En revanche, l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique n’envisage pas explicitement la rétractation de la demande jusqu’au moment de la réalisation de la sédation, ce qui est regrettable en termes de protection de la personne. Cette disposition devrait, par conséquent, être complétée, d’autant que cette absence de précision règlementaire peut être préjudiciable pour les patients, puisque les médecins pourraient ne pas les informer de cette possibilité qui, en tout état de cause, même si elle n’est pas envisagée dans le texte, n’en demeure pas moins possible puisqu’elle est associée à la liberté du consentement qu’il est possible de modifier à tout moment jusqu’à la réalisation même de l’acte La procédure collégiale vérifiant que les conditions d’accès à la sédation sont réunies L’article R.4127-37-3 du code de la santé publique impose le recours à la procédure collégiale dans le cas d’une sédation envisagée à l’égard d’une personne apte à manifester sa volonté. Il dispose ainsi que : « I – A la demande du patient, dans les situations prévues au 1° et 2° de l’article L.1110-5-2, il est recouru à une sédation profonde et continue (…), à l’issue d’une procédure collégiale, telle que définie au III de l’article R.4127-37-2, dont l’objet est de vérifier que les conditions, prévues par la loi, sont remplies (…) ». Si la procédure collégiale a pour objet de permettre à l’équipe médicale de vérifier que le patient se trouve dans l’une des situations suivantes énoncées par l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique justifiant la sédation, à savoir être - soit atteint d’une affection grave et incurable, et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements, ou - soit être atteint d’une affection grave et incurable, dont l’arrêt d’un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable, l’article R.4127-37-3 pourrait être amélioré. Tout d’abord, il conviendrait de mentionner que la vérification, effectuée par l’équipe collégiale, se fait en concertation avec le médecin en charge du patient. Ensuite, devrait être précisé le rôle de l’équipe collégiale qui consiste en la vérification des conditions de la mise en œuvre de la sédation, laquelle doit obligatoirement être menée en aval, au moment même où le médecin envisage cette hypothèse pour le malade. Enfin devrait être mentionné que l’avis donné par l’équipe collégiale ne reste que consultatif et vient en support de la décision médicale du médecin optant ou non pour le choix de la sédation qu’il propose ensuite au patient. La procédure collégiale doit par conséquent être appréciée comme un appui, un soutien pour le médecin et ne saurait de quelque manière que ce soit s’y substituer. Le rôle du professionnel de santé est d’autant plus important que le recours à la sédation doit être motivé. Le recours à la sédation motivée L’article R.4127-37-3 du code de la santé publique mentionne que « le recours, à la demande du patient, à une sédation profonde et continue telle que définie au premier alinéa, ou son refus, est motivé ». Aucune précision n’est envisagée concernant le responsable de la motivation et le contenu même de celle-ci. Se pose la question de savoir qui motive la sédation ? Est-ce le patient qui demande la sédation ou le praticien qui, par le biais notamment de la procédure collégiale, est chargé de vérifier que les conditions de la sédation sont motivées ? Logiquement, il serait difficile d’imposer au patient la motivation de la sédation compte-tenu de son état et de son impossibilité de procéder à de telles investigations. Le médecin devrait prioritairement procéder à la motivation, bien qu’il ne soit pas explicitement visé dans les dispositions législatives et règlementaires. Ceci est d’autant plus justifié que les motifs du recours ou non à la sédation sont inscrits dans le dossier médical du patient, ce qui suppose l’intervention d’un professionnel de santé. La personne malade pourrait alors, le cas échéant, si elle le souhaite, apporter des précisions complémentaires dans le cas où elle le juge utile, notamment en complétant ses directives anticipées. Cette possibilité serait d’autant plus justifiée que la sédation constitue l’une des dernières demandes de la personne en fin de vie, avant la réalisation de celle-ci. La motivation du recours à la sédation doit démontrer que l’enjeu est d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable. Le professionnel de santé doit exposer que les conditions qui le mènent à envisager cet acte, à savoir une affection grave et incurable, un pronostic vital engagé à court terme et une souffrance réfractaire aux traitements ou une souffrance insupportable susceptible d’être entraînée par l’arrêt des traitements. Cet exposé rejoint la nécessité, pour tout praticien, de justifier l’ensemble de ses prises de décisions à l’occasion de son exercice médical, conformément aux données acquises de la science. La motivation du choix de la sédation par le médecin est d’autant plus consolidée qu’elle a été préalablement examinée de manière approfondie lors de la réunion de concertation avec l’équipe collégiale de soignants ayant eu l’occasion de discuter de la décision de la limitation ou de l’arrêt des traitements pour éviter toute obstination déraisonnable puis, lorsque cela s’avère justifié, des conditions de la mise en œuvre de la sédation. Cette transparence a pour objet de limiter toute situation floue dans la démarche de sédation qui devrait in fine être considérée comme un acte médical en tant que tel, préconisée en aval par le médecin, puis proposée au patient qui l’accepte ou pas. Ceci éviterait alors à ce dernier d’avoir à en faire préalablement la demande, ce qui est une prérogative artificielle exposée par la loi, ne correspondant pas à la pratique où le médecin propose et le patient dispose. La motivation doit aussi inclure la preuve de l’information délivrée au patient conformément aux dispositions mêmes de l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique (code de déontologie médicale) qui fait la demande de la sédation. Il serait par conséquent indispensable que les dispositions législatives et règlementaires soient retravaillées. Il en est de même de celles concernant la personne de confiance ou la famille ou l’un des proches. L’obligation d’informer la personne de confiance, ou à défaut, la famille ou l’un des proches du patient du motifs du recours à la sédation profonde et continue En vertu de l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique, il est prévu que « la personne de confiance, ou, à défaut, la famille ou l’un des proches du patient (soit) informé des motifs du recours à la sédation profonde et continue ». Cet article reste peu clair puisqu’il ne précise pas qui informe ? Logiquement, il doit s’agir du médecin, unique décisionnaire du recours à la sédation à proposer au patient. De même, le moment de cette information reste flou puisqu’il n’est pas non plus exposé dans l’article. Cette communication devrait être envisagée après que le médecin, en concertation avec l’équipe collégiale, ait vérifié l’exigibilité des conditions de la sédation et ait motivé le recours possible à la sédation. Ceci se justifie d’autant plus que différents échanges ont lieu entre le patient et la personne de confiance, ses proches, les membres de sa famille. Ceci nécessite que ces derniers soient préalablement informés de manière adéquate du processus de la sédation par le médecin, à condition toutefois que la personne en fin de vie ait préalablement donné son accord sur cette possibilité, l’article R.4127-35 du code de la santé publique disposant que « un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation (…) ». Un tel échange peut permettre à la personne malade de pouvoir en discuter avec ses proches, qui peuvent l’aider à mieux comprendre certaines informations, l’accompagner moralement, psychologiquement dans son cheminement de fin de vie pour prendre sa décision de demande de sédation avec plus de sérénité. A ce titre, l’article R.4127-34 du code de la santé publique dispose que « le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage ». Tout l’intérêt des explications claires apportées aux proches intervient dans la faculté de ceux-ci de pouvoir les communiquer au patient en l’accompagnant et en en discutant avec lui pour l’aider dans sa réflexion personnelle le menant à demander ou pas la sédation. Les motifs du recours ou non à la sédation inscrits dans le dossier du patient qui en est informé Selon l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique, « le recours, à la demande du patient, à une sédation profonde et continue telle que définie au premier alinéa, ou son refus, est motivé. Les motifs du recours ou non à cette sédation sont inscrits dans le dossier du patient, qui en est informé ». Là encore, le texte règlementaire n’apporte aucune décision sur qui explicitement doit procéder à l’obligation d’information. En toute logique, le médecin, responsable de la décision et de la mise en œuvre de la sédation, après concertation avec l’équipe collégiale, est la seule personne qui s’impose pour accéder au dossier médical du patient et pour préciser de manière explicite les motifs du recours à la sédation, son choix de préconiser la sédation, l’information du patient et sa demande. L’exposé des motifs de la sédation est en soit un élément protecteur de la personne puisqu’elle incite le praticien à bien justifier son choix. Cette transparence protège aussi le professionnel de santé en cas de contentieux susceptible de démontrer qu’il a correctement respecté le processus de sédation et, de surcroît, les conditions d’exigibilité de la sédation. La sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le cas d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté Le médecin explicitement visé pour la gestion de la sédation de la personne hors d’état d’exprimer sa volonté Au titre de l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique, « Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, et, au titre de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L.1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie ». Le praticien est explicitement visé, ce qui est opportun puisque sa présence est indispensable. En effet, l’acte de sédation constitue un acte médical intégré dans le processus de la relation médicale entretenue entre le médecin et son patient. La place fondamentale du médecin est aussi mentionnée à l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique (code de déontologie médicale) disposant que « II – Lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté et qu’un arrêt de traitement de maintien en vie a été décidé au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en application des articles L.1110-5-1, L.1110-5-2 et L.1111-4 et dans les conditions prévues de l’article R.4127-37-2, le médecin en charge du patient, même si la souffrance de celui-ci ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’à son décès, associée à une analgésie, excepté si le patient s’y était opposé dans ses directives anticipées ». Bien que cela ne soit pas précisé dans les dispositions légales et règlementaires, le médecin est principal décisionnaire et responsable de la mise en œuvre de la sédation. A ce titre, il doit - tout d’abord - s’assurer de l’existence de directives anticipées et, dans l’affirmative, vérifier si le patient avait exprimé sa volonté au titre de la mise en œuvre ou pas de la sédation. Si des mentions à ce sujet ont été portées dans les directives anticipées, il doit en tenir compte. Elles s’imposent à lui et à toute autre personne, particulièrement tous les membres de l’équipe médicale. En outre, il lui faut aussi déclencher la procédure collégiale permettant de procéder à la vérification des conditions légales autorisant la mise en œuvre de la sédation. Les directives anticipées privilégiant l’expression de la volonté anticipée de la personne hors d’état d’exprimer sa volonté Lorsque des directives anticipées ont été rédigées initialement, alors que la personne était encore apte pour exprimer sa volonté, et qu’elles portent sur le choix de la sédation, en tant qu’accord ou refus, elles sont prioritaires sur toute autre décision. Elles entrent dans le cadre de l’article L.1111-11 du code de la santé publique selon lequel « toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées dans le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux ». Cette priorité, reposant sur la décision préalable de la personne sur le recours, ou non, aux actes de sédation, est importante puisqu’elle permet le respect de sa volonté anticipée, alors même qu’elle n’est plus en mesure de le faire au moment où la sédation est envisagée. Ceci va dans le sens du respect de sa dignité. Les directives anticipées obligent ainsi le médecin à s’incliner devant la décision prise, de manière anticipée, par le patient. L’article L.1111-11 du code de la santé publique précise en effet que « les directives anticipées s’imposent au médecin pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Cette appréhension de la volonté anticipée du patient est d’autant plus essentielle qu’il s’agit de la dernière décision de la personne produisant effet alors même qu’elle n’est plus en état de s’exprimer. Le médecin doit par conséquent la respecter à partir du moment où les conditions légales de réalisation de la sédation sont réunies. La procédure collégiale chargée de vérifier les conditions d’application de la mise en œuvre de la sédation Selon l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique, « la sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie règlementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies (…) ». Cette disposition législative impose que l’équipe collégiale soignante intervienne en tant qu’organe « vérificateur » dès lors qu’initialement le patient n’a pas, par les directives anticipées, refusé l’acte de sédation, ce qui arrête à ce titre tout le processus de la mise en œuvre de la sédation, y compris la procédure collégiale de vérification. D ans le cas où les directives anticipées expriment la volonté du patient de recourir à la sédation, il revient alors à l’équipe collégiale de s’assurer que les conditions de la mise en œuvre de la sédation sont réunies. Elle n’intervient pas en tant qu’organe décisionnaire, mais en tant que « vérificateur », ce qui limite son pouvoir. Le médecin demeure, en effet, toujours le principal décisionnaire de l’acte de sédation, en tant que professionnel qui le réalise. Or, selon l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique, « le recours à une sédation profonde et continue, (…), doit, en l’absence de volonté contraire exprimée par le patient dans ses directives anticipées, être décidé dans le cadre de la procédure collégiale prévue à l’article R.4127-37-2 ». Cette disposition est floue dans la mesure où « être décidée dans le cadre de la procédure collégiale » ne mentionne pas qui doit le faire. Est-ce le médecin uniquement ? l’équipe collégiale exclusivement ? L’équipe collégiale et le médecin ? Le manque de clarté de cette disposition ne constitue pas un gage de sérénité pour les soignants qui peuvent se poser des questions quant à leurs obligations et à leurs responsabilités. Une telle incertitude se fait au final au détriment de la personne en fin de vie, n’étant plus apte à exprimer sa volonté. Il serait logique que le médecin soit le décisionnaire final après une réunion de concertation avec l’équipe collégiale dans la mesure où il est le principal exécutant de l’acte de sédation. A ce titre, il en assume la responsabilité. Des dispositions devraient être prévues en cas de conflit entre l’équipe collégiale et le médecin afin de renforcer la sécurité de la personne en fin de vie. Par conséquent, la possibilité de prévoir l’avis d’un autre praticien extérieur constitue une garantie complémentaire. En outre, le fait même que le praticien ait à motiver sa décision et que ses arguments soient consignés dans le dossier médical du patient doivent l’inciter à prendre un maximum de garanties. Reste à savoir si, dans de telles conditions, les médecins accepteront de continuer à pratiquer la sédation en considération des obligations légales à accomplir et des responsabilités consécutives. En l’absence de directives anticipées, le médecin chargé d’enclencher la procédure collégiale En cas d’absence de directives anticipées exprimant la volonté du patient de recourir ou pas à la sédation, le médecin doit enclencher la procédure collégiale. En effet, en vertu de l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique, « lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté, et, au titre de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’article L.1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie. La sédation profonde et continue, associée à une analgésie prévue au présent article, est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie règlementaire qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents sont remplies (…) ». L’article R.4127-37-3 du code de la santé publique (code de déontologie médicale) apporte des précisions: « II – Lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, et qu’un arrêt de traitement de maintien en vie a été décidé au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en application des articles L.1110-5-1, L.1110-5-2 et L.1111-4, et dans les conditions prévues de l’article R.4127-37-2, le médecin en charge du patient, même si la souffrance de celui-ci ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’à son décès, associée à une analgésie, excepté si le patient s’y était opposé dans ses directives anticipées. Le recours à une sédation profonde et continue, ainsi définie, doit, en l’absence de volonté contraire exprimée par le patient dans ses directives anticipées, être décidé dans le cadre de la procédure collégiale prévue à l’article R.4127-37-2. En l’absence de directives anticipées, le médecin en charge du patient recueille auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l’un des proches, le témoignage de la volonté exprimée par le patient (…) ». Là encore, il revient au médecin, chargé d’exécuter la sédation, de mettre en place la procédure collégiale afin qu’il soit procédé aux vérifications permettant d’établir que les conditions légales de la mise en œuvre de la sédation sont réunies. Comme exposé précédemment, les obligations et les responsabilités précises, à la fois du médecin et de l’équipe collégiale, restent floues. Il n’est pas clairement établi, par cette disposition règlementaire, que le praticien soit le décisionnaire final alors qu’il est pourtant chargé de mettre en œuvre la sédation. De même, si la disposition légale restreint les pouvoirs de l’équipe collégiale chargée de procéder à des vérifications, la disposition réglementaire prévoit qu’il soit « décidé » du recours à la sédation dans le cadre de la procédure collégiale. En cas de désaccord, la présence d’un troisième médecin extérieur peut s’avérer importante, ce qui a par ailleurs été relevé par le Conseil d’État ayant considéré qu’il « pourrait être envisagé, dans de telles situations, de faire varier les modalités de la procédure collégiale, notamment en prévoyant l’intervention d’un troisième avis médical, délivré par un médecin extérieur au service, et s’ajoutant à ceux du médecin en charge du patient et du médecin appelé en qualité de consultant, ou encore en permettant le recours à un dispositif de médiation. Une telle modulation de la procédure collégiale, à condition qu’elle préserve le dernier mot attribué au médecin par le législateur, pourrait être prévue par voie réglementaire ». Le médecin chargé de la sédation doit être reconnu comme principal décisionnaire de l’acte médical de sédation qu’il engage et dont il est responsable. In fine, il est regrettable que l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique ne l’envisage qu’en simple exécutant de l’acte de sédation, alors qu’il est bien plus. Cette disposition législative devrait, par conséquent, être complétée car, à défaut, faute de clarification, le médecin risque de minimiser sa participation et ses responsabilités alors même que celles-ci sont fondamentales. Au surplus, sa décision et sa responsabilité sont d’autant majeures puisqu’il lui faut décider de la mise en œuvre ou pas de la sédation d’un patient, même lorsque « la souffrance de celui-ci ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral ». Une telle décision est particulièrement lourde, ce qui justifie, là encore, une clarification du rôle du médecin. L’équipe collégiale doit se cantonner à une vérification comme le prévoit, à juste titre, l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique. Une disposition réglementaire ne saurait en aucun cas lui attribuer plus de pouvoir qu’elle ne peut en avoir, d’autant qu’en cas de contentieux, il serait difficile d’engager la responsabilité des membres de l’équipe collégiale. Ceci ne fait que conforter l’indispensable responsabilité du médecin chargé de la sédation. Faute de directives anticipées, il lui faut, au-delà de la vérification des conditions de mise en œuvre de la sédation, rechercher l’expression de la volonté de la personne en fin de vie en recueillant de témoignage de ce qu’elle aurait pu exprimer sur la sédation auprès de la personne de confiance, ou de la famille ou de l’un de ses proches. Le recueil, par le médecin, du témoignage de la volonté exprimée par le patient auprès de la personne de confiance ou de l’un d’un proche en cas d’absence de directives anticipées L’article L. 1111‐12 du code de la santé publique indique que « lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin a l'obligation de s'enquérir de l'expression de la volonté exprimée par le patient. En l'absence de directives anticipées (…), il recueille le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches ». L’article R.4127-37-3 du code de la santé publique précise qu’ «en l’absence de directives anticipées, le médecin, en charge du patient, recueille auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l’un des proches, le témoignage de la volonté exprimée par le patient ». Ces deux articles ont le mérite d’être précis. Cette demande témoigne de la volonté du législateur de tenir compte, autant que possible, du souhait émis antérieurement par la personne, devenue entre-temps, hors d’état de le faire. Le médecin doit rester attentif au contenu même du témoignage qui lui est apporté, qui ne doit pas correspondre aux aspirations des personnes consultées, mais qui doit reproduire la volonté de la personne pour laquelle la sédation est envisagée. Le témoignage ne lie pas le médecin dans la mesure où il existe toujours des risques que la personne de confiance ou que la famille, ou l’un des proches, privilégie ou pas la sédation pour d’autres finalités. Des dérives importantes sont en effet susceptibles d’aller à l’encontre de l’intérêt de la personne en fin de vie, telles que, notamment, des contingences religieuses, économiques et successorales ou encore une certaine fatigue psychologique des proches « souhaitant en finir » lors d’un processus long de fin de vie. Là encore, le rôle du médecin s’avère essentiel en matière de prise en considération ou non de ce témoignage compte-tenu de l’intérêt exclusif du patient pour lequel il doit décider de la mise en œuvre de la sédation. L’expression de la volonté, tout comme les réflexions engagées lors de la procédure collégiale lors de la vérification de l’équipe collégiale des conditions légales de la sédation, constituent des éléments importants de réflexion pour le professionnel de santé. Sa décision est d’autant plus importante qu’elle doit être motivée. La motivation du recours à une sédation profonde et continue L’article R.4127-37-3 du code de la santé publique dispose que « le recours à une sédation profonde et continue est motivé ». Dans la motivation, le médecin doit expliquer les différentes raisons qui l’ont amené à décider du recours à la sédation, la vérification du respect des conditions légales dans le cadre de la procédure collégiale, le recours du témoignage de la personne de confiance, de la famille ou de l’un des proches de la personne sur la volonté exprimée par la personne en fin de vie de recourir ou pas à la sédation. La motivation du choix de la sédation est majeure puisqu’elle permet de mieux appréhender les différents mobiles permettant de justifier la décision finale prise. Comme exposé précédemment, il est regrettable que le médecin, principal décisionnaire et exécutant de la sédation, ne soit pas explicitement visé, le flou de l’article R.4127-37-3 du code de la santé publique constituant un amoindrissement de la protection de la personne en fin de vie. La motivation doit, par ailleurs, être inscrite dans le dossier médical du patient. L’inscription de la procédure de sédation inscrite au dossier médical du patient Conformément à l’article L.1110-5-2 du code de la santé publique « L’ensemble de la procédure suivie est inscrit au dossier médical du patients ». L’article R.4127-37-3 du code de la santé apporte des précisions complémentaires, à savoir : « La volonté du patient exprimée dans les directives anticipées, ou, en l’absence de celles- ci, le témoignage de la personne de confiance, ou à défaut, de la famille ou de l’un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient ». Cette obligation d’inscription de la procédure de sédation est importante puisqu’elle permet d’intégrer de manière transparente dans le dossier médical l’ensemble des éléments ayant permis de conduire à la décision de la mise en œuvre ou pas de la sédation. La difficulté reste que là aussi, le médecin n’est pas directement désigné comme le responsable de l’inscription de ces différentes informations dans le dossier médical, ce qui est regrettable en termes de clarification et de protection de la personne en fin de vie. Quoi qu’il en soit, en cas de contentieux, les éléments insérés dans le dossier médical sont déterminants pour fonder ou non la responsabilité du médecin qui a tout intérêt à être extrêmement rigoureux dans l’exposé des éléments qu’il intègre dans le dossier. L’information de la personne de confiance ou de la famille ou l’un des proches du patient des motifs de la sédation En vertu de l’article R.4127-37-3 du code de la santé : « la personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l’un des proches du patient est informé des motifs du recours à la sédation profonde et continue ». Là encore, aucune indication n’est apportée sur qui est responsable pour communiquer cette information. Logiquement, il revient au médecin, chargé de mettre en œuvre de la sédation, d’y procéder. Cette information permet à la personne de confiance, la famille ou un des proche, le cas échéant, préalablement consulté, de connaître la décision finale qui est prise. Il est toutefois regrettable que cette disposition règlementaire prévoie qu’une seule personne soit informée : ou la personne de confiance, ou la famille ou l’un des proches. Certes, le fait même que la personne en fin de vie ait désigné une personne de confiance, témoigne de sa volonté de mettre en avant celle-ci, mais compte-tenu de l’importance de la décision de sédation, il paraît indispensable que non seulement la personne de confiance soit informée, mais aussi la famille et les proches. Outre la fonction d’information, est posée la question de savoir comment doit être communiquée cette information ? Aucune précision n’est apportée. Bien que l’information orale puisse être envisagée, il est recommandé qu’un support écrit, permettant de prouver l’exécution de cette obligation, soit envisagé à titre probatoire. Les lieux possibles de la sédation profonde A la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile, dans un établissement de santé ou un établissement mentionné au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Le droit d’un accompagnement par des bénévoles en fin de vie En vertu de l’article L1110-11 alinéa premier du code de la santé publique : « Des bénévoles, formés à l’accompagnement de la fin de vie et appartenant à des associations qui les sélectionnent, peuvent, avec l’accord de la personne malade ou de ses proches et sans interférer avec la pratique des soins médicaux et paramédicaux, apporter leur concours à l’équipe de soins en participant à l’ultime accompagnement du malade et en confortant l’environnement psychologique et social de la personne malade et de son entourage ». La charte des bénévoles L’article L1110-11 alinéa deux du code de la santé publique dispose par ailleurs que « Les associations qui organisent l’intervention des bénévoles se dotent d’une charte qui définit les principes qu’ils doivent respecter dans leur action. Ces principes comportent notamment le respect des opinions philosophiques et religieuses de la personne accompagnée, le respect de sa dignité et de son intimité, la discrétion, la confidentialité, l’absence d’interférence dans les soins ». La convention des associations de bénévoles avec les établissements Selon l’article L1110-11 alinéa trois du code de la santé publique : « Les associations qui organisent l’intervention des bénévoles dans des établissements de santé publics ou privés et des établissements sociaux et médico-sociaux doivent conclure, avec les établissements concernés, une convention conforme à une convention type définie par décret en Conseil d’État. A défaut d’une telle convention ou lorsqu’il est constaté des manquements au respect des dispositions de la convention, le directeur de l’établissement, ou à défaut le directeur général de l’agence régionale de santé, interdit l’accès de l’établissement aux membres de cette association. Seules les associations ayant conclu la convention mentionnée à l’alinéa précédent peuvent organiser l’intervention des bénévoles au domicile des personnes malades ».

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