Rapport IA et Éducation 2024-2025 PDF
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2024
Christian Bruyen et Bernard Fialaire
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Ce rapport examine le rôle croissant de l'intelligence artificielle (IA) dans l'éducation, en se concentrant sur les possibilités et les enjeux de son intégration. Il discute de l'enseignement adaptatif, du suivi des apprentissages en temps réel et de l'aide à l'évaluation, en soulignant l'importance d'accompagner les enseignants et les élèves dans cette transition technologique. Le rapport souligne également la nécessité d'une approche équilibrée et de définir des lignes directrices claires pour l'utilisation de l'IA en éducation.
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LE RAPPORT RAPPORT N° 101 (2024-2025) L’IA ET L’AVENIR DU SERVICE PUBLIC RAPPORT THÉMATIQUE # 3...
LE RAPPORT RAPPORT N° 101 (2024-2025) L’IA ET L’AVENIR DU SERVICE PUBLIC RAPPORT THÉMATIQUE # 3 IA ET ÉDUCATION Christian Bruyen et Bernard Fialaire, rapporteurs Si le numérique a depuis longtemps fait son entrée à l’école et dans les apprentissages, le rôle croissant joué par l’intelligence artificielle (IA) vient bouleverser les approches de l’éducation en ouvrant considérablement le champ des possibles, notamment depuis le lancement de ChatGPT par OpenAI en 2022 et le développement fulgurant des systèmes d’IA générative. La question n’est en effet plus de décider s’il faut faire une place à l’IA dans l’éducation – elle y a déjà fait irruption – mais de savoir comment accompagner les développements en cours et répondre aux enjeux de l’éducation par et à l’IA. Enseignement adaptatif, suivi des apprentissages en temps réel, aide à l’évaluation, ingénierie pédagogique : nombreux sont les cas d’usage dans lesquels l’IA pourrait apporter une contribution majeure aux pratiques d’enseignement, avec des perspectives pleines de promesses pour une école plus inclusive. Cependant, malgré les efforts réalisés pour intégrer l’IA dans l’éducation, l’appropriation des outils par les acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, établissements –, loin d’être systématique, apparaît encore très inégale. Utilisée massivement par les plus jeunes générations, l’IA générative reste encore peu employée dans le reste de la communauté éducative. Les inquiétudes exprimées mettent en évidence la nécessité d’accompagner les enseignants par la définition de lignes directrices claires et stratégiques et de bâtir un cadre de confiance fondé sur une approche équilibrée. Pour l’avenir, trois axes principaux se dégagent : mieux accompagner les acteurs de l’enseignement par la définition d’un cadre d’usage et un accès facilité aux outils disponibles ; former plus massivement et favoriser l’émergence d’une culture citoyenne de l’IA, à l’école et en dehors de celle-ci ; évaluer les outils, approfondir la recherche et expérimenter. Il s’agit d’assurer les enseignants de leur place toujours centrale dans le processus éducatif, de démythifier l’IA, mais aussi de faire la démonstration scientifique de la capacité de l’IA, en particulier l’IA générative, à favoriser la montée en compétences des apprenants et de transformer efficacement les façons d’enseigner. 30 OCTOBRE 2024 QUELQUES DÉFINITIONS D’INTÉRÊT GÉNÉRAL Intelligence artificielle (IA) : terme apparu en 1956 qui, dans son sens actuel, désigne un programme informatique (algorithme) fondé sur l’apprentissage automatique, ou apprentissage machine (machine learning). Cette technique permet à la machine d’apprendre par elle-même à effectuer certaines tâches à partir d’un ensemble de données d’entraînement. Elle repose sur une approche statistique (IA connexionniste), par opposition à l’informatique « classique » (IA symbolique), qui consiste à suivre une suite de règles logiques préétablies (de type « SI… ET… ALORS… »). Algorithme classique (IA symbolique) Apprentissage automatique = IA Phase 1 : entraînement Phase 2 : utilisation Recevabilité d’un amendement Reconnaissance visuelle (chat) (art. 40 de la Constitution) par apprentissage automatique supervisé Apprentissage profond (deep learning) : perfectionnement de l’apprentissage automatique grâce à une organisation en réseaux de neurones artificiels, où chaque « neurone » est une fonction mathématique qui ajuste ses paramètres au fur et à mesure de l’entraînement. Les progrès sont spectaculaires à partir des années 2010 du fait de 3 facteurs : la sophistication des modèles, la disponibilité des données, et surtout l’explosion de la puissance de calcul. L’IA est désormais présente dans de très nombreuses applications de notre quotidien. Traduction Imagerie Véhicule Assistant Biologie, Météo, Analyse automatique médicale autonome vocal chimie climat financière 2 IA générative : modèles d’IA comme ChatGPT spécialisés dans la création de contenus originaux et réalistes, en réponse à une instruction formulée en langage naturel (le prompt). Le contenu peut être du texte, mais aussi du code informatique, un fichier Excel, une image (Dall-E, Midjourney), un fichier audio ou vidéo (Sora), etc. Grands modèles de langage ou LLM Source : fipaddict (large language models) : modèles d’IA spécialisés dans le traitement du langage naturel, dans toutes les L’IA générative est langues. Entraînés sur d’immenses probabiliste, d’où quantités de textes, ils établissent des les « hallucinations » relations mathématiques entre les mots et les notions sous-jacentes, à partir de calculs de probabilités. Les IA génératives sont construites sur des LLM (ex. modèle GPT-4 pour ChatGPT). Le lancement de ChatGPT, fin 2022, par la 50 millions d’utilisateurs société OpenAI a provoqué dans le monde en 1 mois pour ChatGPT entier une prise de conscience du potentiel Facebook, Spotify : 4 ans de l’IA générative. Ce robot conversationnel (chatbot) permet à chacun 100 millions d’utilisateurs d’accéder à un modèle à la fois : chaque semaine dans le monde Généraliste : il peut traiter tout type de demande, là où la plupart des modèles sont spécialisés dans une 1 Français sur 3 tâche précise ; a déjà testé ChatGPT 1 sur 7 chaque semaine IFOP 2023 Multimodal : il peut générer différents contenus (texte, image, graphique, etc.), faire une recherche en ligne ou exécuter un programme informatique ; 50 % des travailleurs qui utilisent l’IA générative le font sans autorisation Ergonomique : les échanges se font simplement (dans un chat), en langage naturel, et ne demandent aucune compétence technique particulière ; + 250 à 420 Md€ de PIB sur 10 ans en France Peu coûteux : 22 € par mois pour le modèle le plus soit plus que toute l’industrie puissant du marché (GPT-4), gratuit pour GPT-3.5. COMMISSION IA 2024 GPT-4 Claude 3 Gemini 1.5 Llama 2 Mistral 7B OpenAI Anthropic Google Meta Mistral AI Mars 2023 Mars 2024 Février 2024 Juillet 2023 Septembre 2023 Propriétaire Propriétaire Propriétaire Open source Open source Quelques grands modèles de langage (LLM) concurrents de ChatGPT/GPT-4 3 AVANT-PROPOS À l’instar des révolutions technologiques générales que furent la machine à vapeur, l’électricité ou encore Internet, l’intelligence artificielle (IA) pourrait profondément changer la façon dont nous vivons et travaillons, et ceci dans tous les Christine Lavarde domaines. Pourtant, dans le secteur public, les Présidente de la délégation expérimentations restent à ce jour limitées, les annonces à la prospective modestes, et la parole très prudente. Pour l’État, les collectivités territoriales et les autres acteurs publics, le potentiel de l’IA générative est immense. Bien utilisée, elle pourrait devenir un formidable outil de transformation de l’action publique, rendant celle-ci non seulement plus efficace – qu’il s’agisse de contrôle fiscal ou de diagnostic médical – mais aussi plus proche des citoyens, plus accessible, plus équitable, plus individualisée et finalement plus humaine – avec une capacité inédite à s’adapter aux spécificités de chaque élève, de chaque demandeur d’emploi, de chaque patient ou de chaque justiciable. Pour autant, le secteur public n’est pas un secteur comme les autres. Si l’IA n’est qu’un outil, avec ses avantages, ses risques et ses limites, son utilisation au service de l’intérêt général ne pourra se faire qu’à condition que les agents, les usagers et les citoyens aient pleinement confiance. La confiance, cela passe d’abord par la connaissance : par son approche sectorielle, la délégation espère contribuer à démystifier une technologie qui suscite encore beaucoup de fantasmes, et à en montrer concrètement les possibilités comme les limites. La confiance, c’est aussi et surtout l’exigence : une IA au service de l’intérêt général, c’est une IA au service des humains (agents et usagers), et contrôlée par des humains (citoyens). C’est aussi une IA qui s’adapte à notre organisation administrative et à notre tradition juridique, et qui garantit le respect des droits et libertés de chacun. C’est, enfin, une IA qui n’implique ni dépendance technologique, ni renoncement démocratique. LES RAPPORTEURS Christian Bruyen Bernard Fialaire Sénateur (app. LR) Sénateur (RDSE) de la Marne du Rhône 4 SOMMAIRE I L’IA DANS L’ÉDUCATION : UN POTENTIEL D’INNOVATION CONSIDÉRABLE POUR L’ACCÈS AU SAVOIR ET LES APPRENTISSAGES............................................. 7 1. Des applications nombreuses au soutien des élèves, des enseignants et du système éducatif...................................................................................................... 7 A. L’IA comme nouvel assistant pédagogique de l’enseignant......................................... 7 1. L’enseignement différencié, le suivi des apprentissages en temps réel et l’aide à l’évaluation............ 7 2. L’ingénierie pédagogique..................................................................................................................... 10 B. Un tuteur particulier disponible à tout moment pour l’élève ?..................................... 11 1. Le soutien à l’apprentissage et l’aide aux devoirs............................................................................... 11 2. Les perspectives pleines de promesses de l’IA pour l’apprentissage inclusif..................................... 13 C. L’IA pour la gestion et le pilotage du système éducatif.............................................. 14 1. L’orientation......................................................................................................................................... 14 2. Le repérage des élèves en difficulté.................................................................................................... 14 3. Le suivi de la participation des élèves................................................................................................. 15 2. Un recours encore très inégal et en ordre dispersé................................................. 17 A. Un recours important chez les jeunes, des pratiques très hétérogènes chez les enseignants...................................................................................................... 17 B. La France au niveau international : une position intermédiaire.................................. 19 II POUR UNE INTÉGRATION EFFICACE ET RESPONSABLE DE L’IA DANS L’ÉDUCATION : ACCOMPAGNER, FORMER, ÉVALUER................................... 22 1. Une vision stratégique d’ensemble et un cadre d’usage qui restent à préciser, un climat de confiance à bâtir........................................................................................ 22 A. Des principes directeurs consensuels fixés au niveau international........................... 22 B. Des efforts certains pour intégrer l’IA dans l’éducation en France............................. 23 1. Le succès mitigé des outils mis à la disposition des enseignants dans le cadre des P2IA................ 23 2. Les limites des grands modèles de langage dans le cadre scolaire................................................... 25 3. Se servir en classe d’une IA maîtrisée et conforme aux principes éthiques....................................... 26 4. Les efforts pour développer des ressources sur l’IA en éducation pour les enseignants................... 28 C. mais un climat de confiance qui manque à l’appel..................................................... 29 2. Éthique, accompagnement, formation et recherche : réunir les conditions d’une IA source d’innovation dans l’éducation............................................................ 31 A. Quels scénarios de déploiement de l’IA dans l’éducation ?....................................... 31 B. Pour une intégration efficace de l’IA dans l’éducation : mieux accompagner, former, évaluer............................................................................................................... 33 AXE N° 1 : MIEUX ACCOMPAGNER LES ACTEURS DE L’ENSEIGNEMENT......................................................... 33 a) Partager une doctrine et un cadre d’usage conciliant liberté pédagogique et innovation............... 33 b) Réfléchir avec les enseignants à la transformation des manières d’enseigner et d’évaluer.......... 34 c) Apprendre à apprendre et maintenir une motivation intrinsèque à apprendre................................ 34 d) Mieux accompagner les enseignants dans le déploiement des solutions d’IA mises à leur disposition en leur permettant de les expérimenter en conditions réelles...................... 35 e) Faire des choix techniques permettant à chaque enseignant d’accéder facilement aux outils d’IA éducatifs qu’il souhaite parmi un ensemble de solutions référencées........................ 35 5 AXE N° 2 : FORMER À L’IA ET FAVORISER L’ÉMERGENCE D’UNE CULTURE CITOYENNE DE L’IA...................... 36 a) Inclure l’IA dans la formation initiale et continue des enseignants et des autres professionnels de l’éducation....................................................................................................................................... 36 b) Doter les élèves et les citoyens d’une culture générale de l’IA....................................................... 36 AXE N° 3 : ÉVALUER LES OUTILS ET POURSUIVRE LA RECHERCHE................................................................ 40 a) Garantir une évaluation indépendante des technologies d’IA mises à la disposition des enseignants et des élèves dans le cadre scolaire........................................................................ 40 b) Approfondir la recherche sur les effets de l’IA générative et poursuivre les expérimentations...... 40 c) Réfléchir à un renforcement du recours à l’IA pour le pilotage de la politique éducative............... 41 3 AXES POUR UNE INTÉGRATION RESPONSABLE ET EFFICACE DE L’IA DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF...................................................................................... 42 1. Mieux accompagner les enseignants......................................................................... 42 2. Former à l’IA et favoriser l’émergence d’une culture citoyenne de l’IA.................. 42 3. Évaluer les outils et poursuivre la recherche............................................................ 43 6 I L’IA DANS L’ÉDUCATION : UN POTENTIEL D’INNOVATION CONSIDÉRABLE POUR L’ACCÈS AU SAVOIR ET LES APPRENTISSAGES Qu’il s’agisse de personnaliser l’enseignement en l’adaptant à l’élève ou d’épauler les enseignants dans la conception des cours et l’évaluation des apprentissages, les cas d’usage de l’IA dans l’éducation sont nombreux. Cependant, faute de cadre structuré, l’appropriation de ces outils par les acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, établissements –, loin d’être systématique, apparaît encore très inégale. 1. DES APPLICATIONS NOMBREUSES AU SOUTIEN DES ÉLÈVES, DES ENSEIGNANTS ET DU SYSTÈME ÉDUCATIF La littérature scientifique et les institutions proposent plusieurs typologies possibles des usages de l’IA dans l’éducation 1. De façon schématique, trois principaux domaines d’application peuvent être retenus selon que la technologie vient au soutien de l’enseignant, de l’apprenant ou du système éducatif. Ces catégories peuvent naturellement se chevaucher dès lors que les utilisations sont parfois partagées entre plusieurs acteurs. A. L’IA COMME NOUVEL ASSISTANT PÉDAGOGIQUE DE L’ENSEIGNANT 1. L’enseignement différencié, le suivi des apprentissages en temps réel et l’aide à l’évaluation Le laboratoire d’apprentissage de l’Inria fournit une grande variété d’activités possibles avec l’aide de technologies d’IA : « l’apprentissage personnalisé étape par étape, le regroupement dynamique des apprenants pour un travail en classe plus efficace, l’analyse des écrits des élèves et l’évaluation automatique, les chatbots d’assistance aux élèves, la génération automatique de tests, le suivi des résultats d’apprentissage des élèves, la gestion de tâches administratives telles que l’organisation des cours ou la réponse aux questions courantes » 2. Parmi les usages possibles de l’IA par l’enseignant, les technologies permettant de personnaliser l’enseignement en l’adaptant au profil de l’apprenant font partie des plus prometteuses. Dans le cadre de cet apprentissage « adaptatif », le système peut, à partir de l’analyse de données d’apprentissage, par exemple des résultats de réponses à des questionnaires, modifier son fonctionnement pour s’ajuster à l’utilisateur et sélectionner des contenus et un niveau de difficulté appropriés. 1 Voir notamment la revue de littérature réalisée par la direction du numérique pour l’éducation (DNE) du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse : Intelligence artificielle et éducation. Apports de la recherche et enjeux pour les politiques publiques, janvier 2024 : https://edunumrech.hypotheses.org/files/2024/04/MEN_DNE_brochure_IA_2024_web_fr.pdf. 2 Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. Inria Learning Lab, FUN MOOC, Intelligence artificielle pour et par les enseignants. Explorer et soutenir l’utilisation éclairée de l’IA dans l’éducation : https://www.fun- mooc.fr/fr/cours/intelligence-artificielle-pour-et-par-les-enseignants-ai4t/. 7 Avec cette approche individualisée ou différenciée, les connaissances de l’élève, ses appétences, ses capacités, mais également, s’agissant notamment de l’apprentissage des langues, son contexte socioculturel, peuvent être mieux pris en compte. L’enseignant peut rendre le processus d’apprentissage plus ludique en s’appuyant, pour chaque élève, sur le juste équilibre entre un exercice trop facile, facteur de démotivation, et un exercice trop difficile, source de découragement. Il s’agit de viser la zone proximale de développement (ZPD) 1, c’est-à-dire l’espace cognitif situé entre la zone d’autonomie et la zone de rupture, dans lequel l’élève reste mobilisé, car il se sent capable de réussir une tâche avec une aide appropriée. « Quand on peut, on veut ! »* La zone proximale de développement * Richard Prawat, ancien directeur du département de psychologie de l’éducation de l’Université du Michigan (1989) Dans le cadre de ces nouveaux outils, un tableau de bord permet aux enseignants d’organiser et de suivre les apprentissages en classe et à la maison en gardant une vue d’ensemble des travaux effectués par les élèves et de leur progression. L’objectif poursuivi est l’amélioration du processus de remédiation. 1 Telle que conceptualisée par Lev Vygotski. 8 L’exemple de « MIA Seconde » : un outil d’apprentissage adaptatif pour un enseignement différencié Outil de remédiation en français et en mathématiques, MIA Seconde, développé par la start-up française « Evidence B », devrait être généralisé à tous les lycéens de seconde à la terminale, selon les annonces du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. Ce service propose diverses modalités de travail permettant aux élèves de s’entraîner individuellement ou en groupe, en classe ou à la maison. Les professeurs peuvent sélectionner des exercices pour créer des parcours personnalisés, former des binômes pour encourager la collaboration, proposer des modules choisis par l’IA selon les résultats des tests de positionnement, et consulter une banque de ressources pour des activités pédagogiques supplémentaires. L’IA fournit des indications sur les exercices pour lesquels l’élève a hésité ou rencontré des difficultés, ses forces et ses axes d’amélioration, et peut ainsi aider l’enseignant dans ses choix pédagogiques. Le tableau de bord facilite le suivi individualisé des élèves, montrant leur progression et le temps passé sur chaque activité. Les modules couvrent des thématiques fondamentales, avec des exercices spécifiques pour les élèves en grande difficulté, comme « Réapprentissage du sens des nombres » ou encore « Fluence de décodage de la lecture » en français. Dans le même ordre d’idées s’agissant de l’apprentissage des langues, les outils de suivi conversationnel permettent aux enseignants d’identifier des textes appropriés pour une langue particulière afin de générer des phrases, paragraphes ou exemples de conversations favorables à une interaction avec les apprenants et ainsi de mettre en place un tutorat personnalisé en compétences linguistiques. Ces techniques d’analyse fondées sur l’IA, aujourd’hui nombreuses (par exemple, ClassPad Learning), peuvent rendre les enseignants plus réactifs en les aidant à faire passer les élèves d’une tâche à l’autre lorsqu’ils travaillent seuls ou en groupe, toujours dans le sens d’une personnalisation des apprentissages et du maintien de l’engagement des élèves. En fournissant un retour d’information continu pendant l’apprentissage, les IA contribuent au processus d’évaluation formative en aidant les enseignants à faire le point sur les acquis de chaque élève et les compétences précises à cibler. Dans la salle de classe, l’enseignant a alors la possibilité de suivre les apprentissages en temps réel et de « traiter une classe de 25 comme une classe de 12 », selon l’expression d’Arthur Mensch 1. 1 Audition de M. Arthur Mensch, cofondateur de l’entreprise Mistral AI, lors de son audition du 22 mai 2024 par la commission des affaires économiques du Sénat : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20240520/affeco.html. 9 2. L’ingénierie pédagogique Le rôle d’ingénierie pédagogique joué par l’IA générative revêt une importance croissante. Les possibilités offertes par la multimodalité ou la génération augmentée par récupération (RAG) permettent la mise en place d’interactions riches et variées à partir de corpus choisis par l’enseignant : les systèmes multimodaux permettent d’enrichir les propositions interactives faites aux utilisateurs en intégrant différentes formes de données (combinaison de textes, d’images, de sons ou de vidéos) ; la RAG (pour « Retrieval-Augmented Generation ») permet quant à elle d’améliorer la génération de contenu en intégrant des informations externes. Cette approche combine la génération de texte et la récupération d’informations. Des sources pertinentes sont extraites d’une base de données par un système de recherche, puis un contenu est généré de manière fluide. Le recours aux technologies d’IA générative peut ainsi servir à concevoir ou co-concevoir un programme d’enseignement, un plan de cours, une séquence pédagogique, à faciliter l’élaboration de matériel éducatif (quiz, grilles d’évaluation, tests, activités interactives) et à venir au soutien de la créativité (exemple de ClassPoint AI). Quiz sur la Révolution française conçu avec ChatGPT 10 Il s’agit en quelque sorte, pour l’enseignant, d’« augmenter » sa pédagogie en l’enrichissant d’idées nouvelles, de contenus ou de choix d’illustrations, en étant assisté dans la scénarisation du cours. Certains outils, tels que « Nolej IA » ou encore « Redmenta », permettent de transformer un support de cours statique en présentation interactive, plus mobilisante pour les apprenants. L’exemple de « Nolej IA », outil de transformation des supports de cours « Nolej IA » est une application qui permet de transformer des supports de cours statiques en contenus interactifs, qu’il s’agisse de vidéos, flashcards ou encore de quiz formatifs. Cet outil permet aux formateurs de générer rapidement des ressources favorisant les interactions et de stimuler l’attention des élèves en classe plus longtemps. « Nous voulons redonner le pouvoir aux professeurs, qu’ils puissent s’adapter à leurs classes, aux groupes et varier les activités sur un même sujet », explique Nejma Belkhdim, cofondatrice de Nolej IA 1. Cet outil est disponible dans l’environnement numérique de travail (ENT) de certaines académies où des expérimentations sont en cours. En automatisant certaines activités, par une assistance aux tâches rédactionnelles ou la réalisation de certaines évaluations, l’IA pourrait permettre de libérer du temps pour les enseignants qui le souhaitent. Ces derniers pourraient se concentrer davantage sur la pédagogie et les élèves qui connaissent le plus de difficultés. Plus généralement, dans un contexte où les tâches administratives se multiplient, cette technologie apporte de la souplesse dans les choix pédagogiques et permet aux enseignants de décider dans quel champ ils souhaitent le plus s’investir. B. UN TUTEUR PARTICULIER DISPONIBLE À TOUT MOMENT POUR L’ÉLÈVE ? 1. Le soutien à l’apprentissage et l’aide aux devoirs Si les EdTech ont progressé dans la personnalisation de l’apprentissage, avec les systèmes de tutorat individuel qui identifient les connaissances des élèves et leurs lacunes afin de leur proposer des exercices pour progresser, le plus souvent en lien avec l’enseignant, les élèves ont également de plus en plus facilement accès à des chatbots génératifs. Il s’agit de tuteurs virtuels permettant de répondre à leurs questions en temps réel, ou de programmes informatiques simulant une conversation écrite ou orale. Tout se passe comme si l’élève était assisté par un coach particulier pour l’acquisition de connaissances ou le développement de compétences, à son rythme. En facilitant l’accès à des informations utiles extraites d’une vaste quantité de données, de nombreuses applications d’IA générative sont utilisées comme aide aux devoirs ou pour les activités d’écriture (Course Hero, Brainstory, Quillbot, Plume). Il peut s’agir d’obtenir des résumés d’ouvrages, d’identifier des ressources pertinentes ou de trouver une source d’inspiration pour amorcer une tâche rédactionnelle. Si ces technologies ont été développées avec une visée éducative, il n’en va pas de même de ChatGPT, qui est pourtant l’IA générative la plus utilisée par les apprenants malgré son caractère généraliste. 1 NOLEJ. (s. d.). NOLEJ. https://nolej.io/. 11 ChatGPT 4.0 ou le nouveau « coach » numérique préféré des élèves L’entreprise américaine OpenAI a récemment annoncé l’arrivée de ChatGPT-4o (o pour omni), une avancée majeure dans le domaine de l’IA conversationnelle. Cette nouvelle itération promet de redéfinir la manière dont les machines interagissent avec les humains, offrant des capacités inédites. Selon OpenAI, ChatGPT-4o est un « nouveau modèle phare qui peut raisonner à travers l’audio, la vision et le texte en temps réel » 1. Ce modèle étant théoriquement accessible à tous en raison de sa gratuité, il éveille une grande curiosité parmi les utilisateurs. Aide-moi à apprendre ma leçon ! L’une des caractéristiques les plus impressionnantes de ChatGPT-4o est sa capacité à s’adapter à différents styles de conversation et à comprendre le langage naturel dans ses différentes nuances. Grâce à des algorithmes de deep learning, la nouvelle version offre un potentiel immense pour fluidifier et personnaliser les « conversations » entre les humains et les machines. En effet, il est désormais possible d’interagir avec ChatGPT-4o de vive voix, « comme on le ferait avec un ami », et d’exploiter ses nombreuses nouvelles fonctionnalités : assistant vocal, traducteur, résolution de problèmes et d’équations, compréhension visuelle et auditive avancée, code, génération d’images, personnalisation du modèle… Ces caractéristiques en font une technologie très attractive pour les élèves et les étudiants, qui peuvent y trouver un soutien scolaire personnalisé disponible en permanence, et plus largement, un outil pour l’apprentissage tout au long de la vie et la formation continue. 1 « Hello ChatGPT-4o = », OpenAI, 13 mai 2024 (https://openai.com/index/hello-gpt-4o/). 12 2. Les perspectives pleines de promesses de l’IA pour l’apprentissage inclusif Dans le cadre de l’éducation inclusive et de la prise en compte des situations de handicap, l’IA peut contribuer à rendre les environnements d’apprentissage plus accessibles en venant au soutien des apprenants ayant des besoins spécifiques. Des technologies utilisant l’IA peuvent par exemple être mobilisées pour aider les individus souffrant de déficiences auditives ou visuelles. Peuvent notamment être employés des outils d’assistance adaptés, comme l’activation de sous-titres ou les traducteurs automatiques en langue des signes, pour les apprenants sourds et malentendants, ou encore les lecteurs d’écran, la description audio-générée et la conversion de texte en paroles, pour les apprenants malvoyants. Ces outils pourraient leur permettre de poser des questions et de communiquer comme les autres apprenants. Le recours à l’IA pour la détection précoce et l’accompagnement des élèves souffrant de troubles ou de difficultés d’apprentissage est également prometteur. En effet, l’analyse de certaines données comme des vidéos de réalisation d’activités d’apprentissage ou des données neurophysiologiques (rythme cardiaque, dilatation pupillaire) peut aider à identifier des apprenants souffrant de divers troubles et permettre une individualisation de leur parcours d’apprentissage. Dans le domaine particulier de la prise en charge des troubles du développement, des applications ont été développées afin d’aider les enfants atteints de troubles du spectre autistique (TSA) à communiquer plus aisément et à favoriser leur concentration. Ces technologies peuvent traduire la parole en texte et fournir des images ou des pictogrammes visant à faciliter l’expression des émotions et l’intégration sociale. S’agissant plus directement de l’apprentissage, des systèmes de formation intelligents ont permis à des enfants souffrant de TSA avec ou sans déficience cognitive d’améliorer leurs compétences de calcul dans les échanges monétaires, selon des résultats similaires à ceux observés chez des enfants dits « neurotypiques » 1. Ces résultats montrent que pour ces élèves qui requièrent un accompagnement éducatif personnalisé, certaines IA éducatives seraient un soutien utile pour les enseignants spécialisés dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) par exemple. L’avenir de l’IA et des robots dans l’accompagnement des enfants souffrant de TSA Des technologies d’IA ont été mises au point pour faciliter les interactions avec des enfants souffrant de certains troubles du spectre autistique (TSA). En réduisant l’appréhension et la peur du jugement que ressent souvent l’enfant autiste à l’idée de parler avec un adulte, des applications d’IA peuvent en effet aider les enfants autistes à communiquer plus aisément. C’est le cas du robot « Kaspar », développé par l’Université du Hertfordshire au Royaume-Uni, dont l’objectif est d’interagir avec des enfants autistes pour les accompagner dans le développement de compétences sociales fondamentales comme l’imitation ou l’acquisition de gestes du quotidien à travers le jeu, ou du robot « QTrobot », développé par l’entreprise Luxai. 1 Mazon, C., Sauzéon, H., « Utilisation des technologies mobiles auprès des enfants avec TSA », Autisme et usages du numérique en éducation, 2022 13 Ces technologies semblent prometteuses pour le maintien en milieu scolaire ordinaire où la nécessité d’adapter les rythmes d’apprentissage et le temps passé avec l’enseignant apparaît fondamentale. Capables de percevoir des signaux invisibles à l’œil humain et d’analyser le comportement des enfants autistes en classe, elles pourraient un jour aider les enseignants dans l’adaptation de leur approche pédagogique, comme cela a déjà été envisagé avec les outils numériques de façon plus générale 1. Les enfants autistes bénéficieraient à la fois d’un apprentissage sur mesure et d’une relation en tête-à-tête plus approfondie avec l’enseignant. Cette perspective pleine d’espoir apparaît cependant encore lointaine, les technologies concernées étant pour l’heure cantonnées à la relation thérapeutique 2 ou à la sphère privée et leur coût étant particulièrement prohibitif. Le niveau de preuve d’efficacité reste par ailleurs à renforcer. C. L’IA POUR LA GESTION ET LE PILOTAGE DU SYSTÈME ÉDUCATIF L’analyse des nombreuses données éducatives par l’IA peut enfin venir faciliter la gestion des structures éducatives, qu’il s’agisse de l’orientation des élèves ou de l’adaptation des programmes scolaires par la prise en compte des parcours et du cursus des apprenants. L’IA est ici utilisée comme outil de diagnostic, de planification et d’allocation des ressources. 1. L’orientation Des outils d’aide à l’orientation basés sur l’IA peuvent servir à la construction de parcours personnalisés et venir en appui du pilotage des politiques éducatives. La plateforme nationale de préinscription en première année de l’enseignement supérieur, Parcoursup, permet ainsi depuis 2018 aux candidats de formuler des vœux d’admission dans des formations et de proposer aux décisionnaires, sur le fondement d’un algorithme national, d’algorithmes locaux et d’algorithmes d’apprentissage, des classements pédagogiques lorsque les capacités d’accueil d’une formation ne permettent pas de satisfaire les souhaits de l’ensemble des candidats. Cependant, comme l’ont montré les débats sur Parcoursup, en raison de leur approche déterministe et des risques de biais et d’erreurs inhérents aux technologies d’IA, ce type de systèmes, qui entrent dans la catégorie des IA à haut risque en vertu de la réglementation européenne, exige des efforts d’explicitation et de transparence accrus 3. 2. Le repérage des élèves en difficulté L’OCDE fait par ailleurs état de systèmes d’alerte précoce utilisant des données administratives pour identifier les élèves à risque de décrochage et indique que « bien qu’il soit difficile d’identifier un ensemble pertinent d’indicateurs précoces, certains systèmes montrent une grande précision et une réflexion approfondie sur les raisons du décrochage » 4. 1 Dascalu, C.-M., & Garnier, P., « Le défi des outils numériques dans la scolarisation des élèves avec autisme : entre les besoins cognitifs des élèves et les approches pédagogiques des enseignants », Handicap et apprentissages scolaires : conditions et contextes. Recherches en éducation, 2015 : https://journals.openedition.org/ree/6748. 2 Gouzien-Desbiens, A. & Leroy-Depiere, C., « Enquête sur la scolarisation des élèves avec TSA de la maternelle au collège : identifier des points de vulnérabilité récurrents pour mieux accompagner leur scolarité ». La nouvelle revue - Éducation et société inclusives, 89-90, 2, 89-109, 2021 : https://doi.org/10.3917/nresi.090.0089. 3 Voir notamment le rapport du Conseil d’État Intelligence artificielle et action publique : construire la confiance, servir la performance, août 2022. 4 OCDE, Perspectives de l’OCDE sur l’éducation numérique 2021, chapitre 9 : https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/d5fe6bd0- fr.pdf?expires=1721054588&id=id&accname=guest&checksum=81BE18397AC3E2BA2CA4E4D5FE3DFEB9. 14 Des méthodes de traitements massifs de données, des modèles d’arbres de décision ou de réseaux bayésiens peuvent en effet être utilisés pour identifier les apprenants en difficulté ou ceux qui ont une probabilité élevée de l’être et, en conséquence, être plus réactif dans leur accompagnement par un travail sur les leviers de motivation ou d’autres facteurs de risque susceptibles de faire basculer dans l’absentéisme ou le décrochage. Dans le même esprit, selon les usages en développement répertoriés par l’Unesco, certains systèmes d’IA générative pourraient effectuer des diagnostics à partir de conversations avec les utilisateurs, en identifiant des problèmes psychologiques ou socio-émotionnels, mais aussi des difficultés d’apprentissage. 3. Le suivi de la participation des élèves D’un usage beaucoup plus controversé, des innovations technologiques se concentrent sur l’évaluation de la participation et de la motivation des élèves1, en classe ou à distance, par l’analyse des mouvements oculaires ou d’autres caractéristiques du visage, allant jusqu’à l’utilisation de capteurs physiques et physiologiques comme cela est expérimenté en Chine. En cas de détection d’une baisse d’engagement, l’enseignement serait adapté. Ce cas d’usage pose naturellement des questions éthiques. L’élève « augmenté » ou l’avancée de trop : vers les limites éthiques de l’IA dans l’éducation La question de l’apport des neurotechnologies à l’éducation fait l’objet d’une attention croissante. Ces neurotechnologies comprennent des outils et techniques qui interagissent directement avec le système nerveux humain pour modifier ou améliorer ses fonctions. Dans le contexte éducatif, cela pourrait inclure des interfaces cerveau-ordinateur (« brain-computer interfaces »), la stimulation cérébrale et le neurofeedback. Ces technologies visent à optimiser la concentration, la mémoire et les capacités d’apprentissage. L’intégration de ces technologies avancées dans l’éducation ne peut que susciter des réserves, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants. L’IA pourra-t-elle, en synergie avec ces neurotechnologies, analyser les données neurophysiologiques pour adapter les contenus éducatifs en temps réel ? Ajuster les tâches en fonction de l’état de distraction ou de fatigue pour maintenir la concentration et la motivation ? Fournir des feedbacks précis sur les performances cognitives ? Il va de soi que l’idée d’implanter des dispositifs dans le cerveau des enfants ou d’utiliser des techniques de stimulation cérébrale, qui convoque la vision de l’élève augmenté, inspirée du concept de l’homme augmenté, soulève de nombreuses questions inquiétantes. Aussi, la collecte de données neurophysiologiques comporte des enjeux cruciaux de confidentialité et de sécurité tandis que la surveillance constante et l’intervention directe dans le fonctionnement du cerveau ne peuvent rester sans effet sur le développement mental et émotionnel des enfants. Les possibilités offertes par la combinaison des neurotechnologies et de l’IA dans l’éducation doivent être abordées avec la plus grande prudence. Le tableau ci-après fournit une vue d’ensemble des différents cas d’usage possibles de l’IA dans le milieu éducatif. Les systèmes répertoriés se caractérisent par des degrés de disponibilité et de déploiement très variables et, pour certains d’entre eux, par des objectifs et des usages nettement controversés au regard de l’éthique si bien que leur adoption n’apparaît clairement pas souhaitable. 1 Ibid., chapitre 10. 15 Typologie des systèmes d’IA pour l’éducation selon Holmes & al. 1 IA au service des élèves Systèmes de tutorat intelligents L’élève suit un programme (séquence d’activités, de tests) qui s’adapte à sa progression et son niveau en analysant les réponses données. L’enseignant dispose parfois d’un tableau de bord pour suivre l’avancée. Applications assistées par l’IA (par Le système résout automatiquement un problème (mathématique ou traduction exemple, mathématiques, synthèse linguistique). vocale, apprentissage des langues) Simulations assistées par l’IA (par Il s’agit de modèles d’apprentissage par le jeu, de réalité virtuelle ou de réalité exemple apprentissage par le jeu, augmentée, qui peuvent être utilisés à des fins éducatives. réalité virtuelle, réalité augmentée) IA pour aider les apprenants ayant Ces technologies s’adressent aux élèves souffrant de troubles d’apprentissage ou de des troubles d’apprentissage situations de handicap. Certaines contribuent au diagnostic (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), dyslexie, dysgraphie). Robots utilisés pour accompagner des enfants souffrant de troubles autistiques. Rédaction automatique d’essais Génération de textes en réponse à un prompt grâce aux LLM (large language models) Agents conversationnels L’élève interagit avec un programme informatique qui simule et traite une conversation (chatbots) humaine orale ou écrite. Des assistants digitaux évoluent pour personnaliser leurs réponses à mesure qu’ils collectent et analysent des informations. Évaluation formative automatique Applications qui utilisent le traitement en langage naturel (TLN), la sémantique et d’autres technologies d’IA pour fournir des commentaires critiques sur les devoirs des élèves Orchestrateurs de réseaux Systèmes qui permettent à des apprenants d’être mis en relation avec des tuteurs d’apprentissage humains, évalués par d’autres apprenants engagés dans le même programme d’apprentissage, en fonction des questions posées, dans une démarche d’entraide soutenue par l’IA Systèmes de tutorats basés IA qui simule le dialogue entre l’apprenant et son tuteur, selon une méthode de sur le dialogue questionnement socratique appuyant l’apprenant dans son cheminement Environnements d’apprentissage Les apprenants sont encouragés à construire leurs propres connaissances en explorant exploratoire les ressources mises à leur disposition dans leur environnement d’apprentissage. Assistant d’apprentissage tout au Technologie qui suivrait l’apprenant tout au long de sa vie dans un objectif long de la vie assisté par l’IA d’apprentissage continu IA au service de l’enseignant Détection de plagiat Technologie permettant de mettre en évidence des textes ayant un style d’écriture similaire à celui d’un texte existant ou d’une intelligence artificielle générative de textes Curation intelligente du matériel Technologie permettant d’effectuer une veille sur un domaine d’activité donné puis de d’apprentissage sélectionner l’information considérée comme pertinente avant de la proposer de façon claire et organisée à une audience cible Surveillance de la classe Technologies qui permettent de surveiller les comportements des élèves en classe, par exemple les mouvements oculaires afin de s’assurer de leur attention Évaluation sommative automatique Évaluation et notation des travaux des élèves par l’intelligence artificielle, comprenant éventuellement des conseils aux élèves pour corriger leurs erreurs IA d’assistance de l’enseignement Aide dans l’évaluation des travaux, par exemple par la reprise de remarques déjà (y compris assistant d’évaluation) formulées précédemment, pour un gain de temps Orchestration de la salle de classe Aide pour organiser les activités en tenant compte des contraintes de temps et d’espace notamment IA au service des institutions Admissions (par exemple, Technologie qui faciliterait les processus de sélection par la prise en compte de sélection des élèves) plusieurs paramètres liés au profil du candidat Planification des cours Aide à l’organisation des emplois du temps Identification précoce Aide à l’identification des apprenants en risque d’absentéisme ou de décrochage des décrocheurs e-Proctoring Surveillance des examens à distance (caméras et microphones assistés par l’IA pour surveiller les visages et les mouvements de clavier et souris) 1 Holmes, W., Tuomi, I., « State of the art and practice in AI in education », European Journal of Education, 2022. Traduction par Bocquet, 2023. Repris et adapté de Intelligence artificielle et éducation, apports de la recherche et enjeux pour les politiques publiques, direction du numérique pour l’éducation (DNE) du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, janvier 2024. 16 2. UN RECOURS ENCORE TRÈS INÉGAL ET EN ORDRE DISPERSÉ A. UN RECOURS IMPORTANT CHEZ LES JEUNES, DES PRATIQUES TRÈS HÉTÉROGÈNES CHEZ LES ENSEIGNANTS Si les applications potentielles de l’IA dans l’éducation sont nombreuses, le recours à ces outils innovants reste très inégal. Il est largement engagé chez les jeunes, mais globalement faible chez les enseignants, dont l’acculturation se fait encore en ordre dispersé. Les informations dont disposent les services ministériels ne permettent pas de disposer d’un recensement exhaustif des usages de l’IA par les enseignants et les élèves. Cependant, les témoignages recueillis et les renseignements collectés dans diverses enquêtes convergent : marqué par un certain fossé générationnel, l’usage de l’IA est déjà massif chez les plus jeunes et il n’en est qu’à ses balbutiements dans les pratiques enseignantes. 90 % Sans surprise en effet, la prévalence de l’IA générative dans les habitudes des jeunes générations enregistre un niveau élevé : un sondage réalisé auprès de lycéens des élèves de seconde ont déjà scolarisés en région Nouvelle-Aquitaine révèle ainsi utilisé l’IA générative pour que plus de 90 % des élèves de seconde l’avaient déjà s’aider à faire leurs devoirs utilisé pour s’aider à faire leurs devoirs 1. L’enquête effectuée par l’agence Heaven en juin 2024 2 indique également que 85 % des jeunes âgés de 18 à 21 ans avaient utilisé l’IA générative au cours des six mois précédant l’enquête, l’usage étant qualifié d’également « bien avancé » chez les 13-14 ans. Utilisation des outils d’IA générative chez les jeunes de 18 à 21 ans 75% Je l'utilise Je le connais 46% 42% 33% 25% 27% 26% 26% 26% 23% 18% 19% 11% 10% 9% 6% 6% 5% Chat GPT My AI Copilot Dall-E Gemini Gamma Perplexity Claude Midjourney (dans (Microsoft, (ou Bard) Snapchat) Bing…) Source : Heaven, 499 répondants de 18 à 21 ans, juin 2024 1 Équipe Flowers de l’Inria, juin 2024. Pierre-Yves Oudeyer, « IA générative, société et éducation : En quoi l’IA générative représente-t-elle un enjeu dans la formation des citoyens ? », septembre 2024. 2 Agence Heaven, Premiers usages de l’IA chez les jeunes. Baromètre « Born AI », juin 2024. 17 83 % des jeunes interrogés ont recours aux outils d’IA générative dans le cadre de leur scolarité ou de leurs études. Près de la moitié des utilisateurs y auraient recours pour la révision de leurs cours 1. Parmi les outils d’IA générative, ChatGPT s’impose comme le modèle dominant, affichant une prévalence d’utilisation de 75 % des sondés, en particulier pour réaliser des synthèses, des traductions, voire la création de textes. L’utilisation de l’IA générative est encore très corrélée à la tranche d’âge : une enquête Ifop/Talan indique que près de 70 % des 18-24 ans l’utilisent personnellement contre 47 % des 25-34 ans et seulement 22 % des 35 ans et plus 2. Cependant, les pratiques évoluent très vite : en un an, le nombre d’utilisateurs aurait crû de 60 %. Lorsqu’ils sont interrogés sur leur perception des outils d’IA générative, les élèves sont enclins à relever la patience infinie de ces systèmes, leur bienveillance, et le fait qu’ils se mettent à leur portée, sans jugement de valeur. Dans l’enseignement supérieur, selon les résultats d’un sondage de novembre 2023 de l’Institut Sphinx pour le logiciel Compilatio 3, plus de la moitié des étudiants (55 %) déclaraient utiliser un outil d’IA générative au moins occasionnellement. S’agissant des objectifs poursuivis, 43 % déclaraient avoir recours à l’IA comme d’un assistant à la rédaction, seuls 28 % d’entre eux reformulant néanmoins le texte produit avant de livrer leur travail. À l’inverse, 56 % des enseignants l’enseignement supérieur disaient connaître les de outils d’IA sans jamais les utiliser et 9 % ne les 8% des enseignants du supérieur connaissaient pas, 8 % en utilisaient régulièrement utiliseraient régulièrement et 27 % occasionnellement. Au total, 65 % des l’IA générative enseignants n’utilisaient pas d’IA générative. Au sein de l’Éducation nationale, en l’absence de démarche structurée et de cadre d’usage partagé, le recours des enseignants à l’IA résulte largement d’initiatives individuelles ou d’expérimentations à petite échelle malgré la mise à disposition d’outils par le ministère au titre de la stratégie pour l’IA déployée depuis 2018. En effet, selon les informations collectées, les outils institutionnels demeurent globalement méconnus et les usages avancés sont rares. L’intégration des outils d’IA dans la pédagogie reste largement fonction de l’appétence de chacun. Les technologies d’IA qui ne respectent pas les exigences de la réglementation sur la protection des données (RGPD) n’étant pas accessibles dans l’enceinte des établissements scolaires, elles ne peuvent être utilisées pour préparer les enseignements que dans la sphère privée. Dans ce contexte, une fracture significative persiste entre adultes et adolescents. Dans l’enseignement supérieur, où prévaut le principe d’autonomie des établissements et où les pratiques et avancées apparaissent très hétérogènes, plusieurs grandes écoles s’organisent pour prendre en compte les usages de l’IA et réfléchir aux moyens d’enseigner l’IA et d’enrichir les enseignements par l’IA. 1 Gamma (préparation d’exposés ou de présentation PPT), Quizlet (création de fiches de révision) ou Photomath (résolution d’exercices de maths à partir de la photo du problème). 2 Ifop pour Talan, « Baromètre 2024 Les Français et les IA génératives », avril 2024. 3 Le Sphinx, en partenariat avec Compilatio, spécialisé dans la prévention de la fraude académique, Enquête nationale au sujet de l’IA dans l’enseignement. Enseignants et étudiants confrontent leurs regards sur l’IA, enquête réalisée en France auprès de 1 242 enseignants et 4 443 étudiants du 21 juin au 15 août 2023. 18 Certaines d’entre elles, en particulier les écoles de management comme « Neoma Business School » ont mis en place des outils d’apprentissage adaptatif et des stratégies de formation à l’IA de l’ensemble des étudiants et des enseignants. Cependant, ces développements restent encore l’apanage de quelques établissements précurseurs disposant des moyens adéquats et la diffusion d’une culture de l’IA reste globalement balbutiante. B. LA FRANCE AU NIVEAU INTERNATIONAL : UNE POSITION INTERMÉDIAIRE Malgré les études réalisées par l’Unesco et l’OCDE sur le déploiement de l’IA dans les différentes parties du monde, les éléments permettant de situer la France dans une perspective internationale ou au sein de l’Union européenne restent relativement peu fournis. S’agissant de la formation des enseignants à l’IA, selon les données de l’enquête réalisée par l’Unesco en 2023 sur l’utilisation de l’IA pour l’éducation par les gouvernements1, seuls sept pays (Chine, Espagne, Finlande, Géorgie, Qatar, Thaïlande, Turquie) avaient déclaré avoir élaboré ou être en train d’élaborer des cadres ou des programmes de formation sur l’IA à l’intention des enseignants : « Cela montre clairement que dans la plupart des pays, les enseignants n’ont pas accès à une formation bien structurée sur l’utilisation de l’IA dans l’éducation. » Seuls quatre pays (Chine, Jordanie, Malaisie, Qatar) avaient par ailleurs indiqué que leurs autorités avaient validé et recommandé des outils assistés par l’IA pour soutenir l’accès inclusif des apprenants handicapés. En ce qui concerne plus spécifiquement l’IA générative, une enquête internationale du Capgemini Research Institute révèle que, dans l’enseignement secondaire, la majorité des enseignants ont expérimenté ChatGPT à titre professionnel, les proportions allant de 52 % pour Singapour et les Pays-Bas à 70 % pour les États-Unis. Plus d’un tiers des utilisateurs y ont eu recours pour gagner du temps dans leur travail. En ce qui concerne l’accès à ChatGPT, les pratiques divergent fortement : 48 % des enseignants sondés indiquent que leur école a limité, voire bloqué, son utilisation, par exemple en la proscrivant pour les devoirs ou en bloquant l’accès sur les réseaux et appareils scolaires. De manière générale, on observe néanmoins une prise de conscience de l’importance de l’IA générative en tant que compétence clef sur le futur marché du travail et de ses effets considérables sur les méthodes d’apprentissage et d’évaluation. L’enquête conclut en effet que 58 % des enseignants du secondaire estiment que la capacité à interagir avec les systèmes d’IA constituera une compétence requise pour les emplois de demain, la proportion d’enseignants partageant ce point de vue étant un peu plus élevée au lycée (62 %) qu’au collège (46 %). Cette vision prédomine aux États-Unis (74 %) et au Royaume-Uni (70 %), relativement loin devant la France (49 %). Ces chiffres semblent refléter une culture de l’IA comparativement plus ancrée dans le domaine éducatif des pays anglo-saxons, en particulier les États-Unis et le Royaume-Uni. 1 Unesco, Survey for the governmental use of AI as a public good for education, 2023. 19 L’intelligence artificielle dans l’éducation au Royaume-Uni et aux États-Unis Le Royaume-Uni se distingue par une adoption proactive de l’IA dans l’éducation. Le Gouvernement a notamment développé des stratégies nationales pour l’IA, en incluant l’éducation comme un secteur clé. Les « UK AI Strategy » 1 et « UK Digital Strategy » 2 mettent en avant l’importance de l’IA pour améliorer le fonctionnement des systèmes éducatifs. Ces stratégies visent à garantir que les technologies de pointe soient utilisées pour personnaliser l’apprentissage, améliorer les résultats scolaires et préparer les étudiants aux défis futurs dans un monde de plus en plus numérique. Divers projets pilotes ont été lancés avec des entreprises pour tester l’efficacité de l’IA dans les salles de classe. Par exemple, l’entreprise Century Tech crée des plateformes d’apprentissage qui aident les enseignants à identifier les lacunes des élèves et à adapter leurs méthodes d’enseignement. En outre, le gouvernement britannique soutient activement la formation des enseignants pour qu’ils soient en capacité d’utiliser efficacement les technologies basées sur l’IA. Des programmes de développement professionnel continu (DPC) sont mis en place pour aider les éducateurs à se familiariser avec ces nouvelles technologies et à les intégrer dans leurs pratiques pédagogiques. Le Royaume-Uni met également l’accent sur la recherche, notamment au sein de ses universités, telles que celles d’Oxford et de Cambridge. Par exemple, l’Oxford Internet Institute explore l’utilisation de l’IA pour analyser les données d’apprentissage et prédire les résultats scolaires. À l’Université de Cambridge, le Centre for Data-Driven Discovery (C2D3) utilise l’IA pour personnaliser l’apprentissage et optimiser les interventions éducatives. L’université ouverte du Royaume-Uni a développé le système « OU Analyse » qui permet d’identifier des étudiants risquant d’échouer à un examen afin de les orienter précocement vers un système de tutorat. Dans un rapport publié en janvier 2024, le Parlement britannique appelle à la poursuite de ces efforts de recherche et de formation tout en insistant sur les enjeux de protection des données et de réduction des inégalités numériques 3. Aux États-Unis, l’intégration de l’IA générative dans le système scolaire en est encore à ses débuts, mais des initiatives et des utilisations croissantes de cette technologie sont visibles dans divers contextes éducatifs. L’accent est mis sur la capacité à rechercher des informations, développer un esprit critique et collaborer en groupe, des compétences essentielles pour l’adoption de technologies avancées comme l’IA générative. Des start-up éducatives comme Socratic by Google utilisent l’IA pour fournir des explications détaillées et générer des réponses aux questions des élèves en temps réel. Ces outils permettent une interaction immédiate et personnalisée dans l’objectif de contribuer à un apprentissage autonome des étudiants. L’intégration de l’IA générative dans les universités américaines est également en pleine expansion. Plusieurs se sont investies dans la recherche sur l’IA dans l’éducation. Stanford a exploré l’utilisation de modèles de langage génératifs pour aider les étudiants en rédaction, particulièrement dans les cours de composition. Ces outils assistent les étudiants dans la génération d’idées, la structuration de leurs essais et l’amélioration de leur style d’écriture. 1 Department for science, innovation and technology, National AI Strategy, 2022 : https://www.gov.uk/government/publications/national-ai-strategy. 2 Department for Digital, Culture, Media & Sport, UK Digital Strategy, 2022 : https://www.gov.uk/government/publications/uks-digital-strategy/uk-digital-strategy. 3 Felix j., Webb L., « Use of artificial intelligence in education delivery and assessment », UK Parliament POST, 2024 : https://post.parliament.uk/research-briefings/post-pn-0712/. 20 De son côté, Harvard 1 utilise l’IA générative pour aider les chercheurs et les étudiants dans la recherche académique. Des outils comme Semantic Scholar, qui utilisent des modèles d’IA pour résumer et analyser des articles de recherche, facilitent l’exploration de grandes bases de données de littérature scientifique. Le système éducatif américain étant en outre plus enclin à utiliser les IA facilitant la correction de copies, la recherche porte également sur le renforcement qualitatif de ces systèmes, à l’instar de Writing Pal développé par l’Arizona State University qui fournit des commentaires individualisés pour améliorer les qualités rédactionnelles des étudiants. Enfin, l’University of Central Florida a développé TechLivE, qui permet aux enseignants de tester leurs pratiques pédagogiques dans le cadre d’une simulation avec des avatars d’élèves. Dans le cadre de « France 2030 », des efforts substantiels sont désormais réalisés afin d’accroître la diversité et les capacités d’accueil des formations d’excellence à l’IA dans l’enseignement supérieur. Afin d’encourager l’émergence de pôles de formation de rang mondial dans le domaine de l’IA, les 9 universités et grandes écoles sélectionnées en mai 2024 dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « IA-clusters » piloté par l’Agence nationale de recherche (ANR) proposent, outre un écosystème de recherche sur une grande variété de sujets, des formations complètes spécialisées en IA. Le projet « PRAIRIE » de l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL) vise en particulier à fédérer des acteurs académiques et industriels autour de la recherche en IA tout en proposant des formations innovantes (masters, doctorats) pour répondre aux enjeux futurs de l’IA. Parallèlement, le dispositif « Compétences et Métiers d’Avenir » (CMA) doit permettre d’accélérer l’adaptation des formations aux besoins des filières économiques concernées et de développer significativement les places de formation, en particulier dans les écoles d’ingénieurs et de management. 1 https://www.harvard.edu/ai/teaching-resources/ 21 II POUR UNE INTÉGRATION EFFICACE ET RESPONSABLE DE L’IA DANS L’ÉDUCATION : ACCOMPAGNER, FORMER, ÉVALUER Dans un contexte où le marché de l’IA dans l’éducation connaît une expansion importante, soulevant des questions sociétales et éthiques majeures, des principes directeurs consensuels ont été fixés au niveau international pour orienter les politiques publiques. Il faut reconnaître à la France le mérite d’avoir pris la mesure de l’importance des développements en cours et d’avoir entrepris des actions pour intégrer l’IA dans le service public de l’éducation. Cependant, il manque des lignes directrices claires et un cadre de confiance qui permettraient de tirer tout le parti des potentialités permises par l’IA et d’entrevoir une « hybridation » réussie des pratiques d’enseignement. Pour l’avenir, une attention accrue devra être portée à l’accompagnement et la formation des acteurs, l’émergence d’une culture citoyenne de l’IA et la poursuite de l’évaluation des outils disponibles et de la recherche. 1. UNE VISION STRATÉGIQUE D’ENSEMBLE ET UN CADRE D’USAGE QUI RESTENT À PRÉCISER, UN CLIMAT DE CONFIANCE À BÂTIR A. DES PRINCIPES DIRECTEURS CONSENSUELS FIXÉS AU NIVEAU INTERNATIONAL De grandes orientations ont été définies par les institutions internationales pour encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’éducation. En vertu du consensus de Beijing 1 adopté par l’Unesco, les parties prenantes sont notamment invitées à : planifier l’IA dans les politiques de l’éducation, en gardant notamment à l’esprit le caractère pluridisciplinaire de l’IA et de ses effets ; mettre l’IA au service de l’autonomisation des enseignants et de leur enseignement, l’éducation devant continuer de reposer essentiellement sur l’interaction et la collaboration humaines ; soutenir le développement de nouveaux modèles et envisager l’application de solutions d’IA novatrices lorsque les avantages l’emportent clairement sur les risques ; développer les valeurs et compétences nécessaires dans la vie et au travail à l’ère de l’IA ; exploiter le potentiel de l’IA pour offrir à tous des possibilités d’apprentissage personnalisé tout au long de la vie ; 1Unesco, Consensus de Beijing sur l’intelligence artificielle et l’éducation, « Planifier l’éducation à l’ère de l’IA : un bond en avant », 16-18 mai 2019. 22 promouvoir une utilisation équitable et inclusive de l’IA dans l’éducation ; veiller à une utilisation éthique, transparente et vérifiable des données éducatives et des algorithmes ; garder à l’esprit l’absence d’études systématiques sur les effets des applications de l’IA dans l’éducation et adopter une approche interdisciplinaire de la recherche sur l’utilisation de l’IA dans l’éducation. “ Il convient d’apporter des « réponses politiques appropriées visant à intégrer systématiquement l’intelligence artificielle (IA) dans l’éducation […] et à utiliser l’IA comme un levier afin d’accélérer la mise en place de systèmes éducatifs ouverts et flexibles, offrant à tous des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ” équitables, pertinentes et de qualité ». Unesco, 2021 Ces principes directeurs ont été approfondis dans les travaux ultérieurs de l’Unesco, qui a notamment mis au point un « guide pour les décideurs publics » 1. Leur esprit est partagé par les institutions européennes (Conseil de l’Europe et Union européenne) qui ont également élaboré un cadre éthique sur l’utilisation de l’IA. Au sein de l’Union européenne, le règlement européen sur l’IA (« AI Act ») dont l’entrée en vigueur échelonnée est fixée au 1er août 2024, constitue la première législation générale au monde en la matière. Elle privilégie une approche fondée sur les risques en classant les systèmes d’IA en quatre niveaux (risque inacceptable, haut risque, risque spécifique en matière de transparence et risque minimal). S’agissant de l’éducation, les systèmes d’IA qui contribuent à déterminer l’accès ou l’affectation aux établissements d’enseignement ou à évaluer les étudiants sont classés parmi les utilisations à haut risque. Parmi les applications interdites figurent notamment les systèmes de reconnaissance des émotions dans les établissements d’enseignement ou encore les systèmes de notation basés sur le comportement social ou les caractéristiques personnelles. B. DES EFFORTS CERTAINS POUR INTÉGRER L’IA DANS L’ÉDUCATION EN FRANCE En France, l’Éducation nationale s’est emparée du sujet de l’IA dès 2018 dans le cadre de la stratégie du numérique pour l’éducation et de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA), rattachée au volet « maîtrise de technologies numériques souveraines et sûres » du plan France 2030. Des moyens non négligeables ont été consacrés à la définition de services numériques s’appuyant sur l’IA et à l’élaboration de ressources permettant aux enseignants de se former à l’IA. 1. Le succès mitigé des outils mis à la disposition des enseignants dans le cadre des P2IA Plusieurs outils numériques intégrant des techniques d’IA, élaborés dans le cadre de partenariats d’innovation (P2IA), ont été mis à la disposition des professeurs des écoles pour accompagner l’apprentissage personnalisé du français et des mathématiques. Les dépenses associées à la première vague de P2IA s’élèvent à 17,76 millions d’euros à ce jour, incluant l’acquisition des licences d’utilisation. 1 Unesco, IA et Éducation, Guide pour les décideurs publics, 2021. Unesco, Enseigner l’intelligence artificielle au primaire et au secondaire. Une cartographie des programmes validés par les gouvernements, 2023. Unesco, Orientations pour l’intelligence artificielle générative dans l’éducation et la recherche, 2024. 23 Les premiers partenariats d’innovation en intelligence artificielle (P2IA) Un premier marché public portant sur un partenariat d’innovation pour cinq services numériques pédagogiques basés sur l’IA a été lancé en 2018. Co-conçus par des entreprises de la filière EdTech, des laboratoires de recherche et des équipes pédagogiques (Dane, IEN, ERUN) dans le cadre d’adaptations continues à partir de retours d’expérience, ces services permettent de proposer une différenciation des exercices et d’évaluer régulièrement les compétences des élèves de CP, CE1 et CE2 en français et mathématiques. Le nombre d’utilisateurs potentiels est estimé à 53 000 professeurs et 1,3 million d’élèves. Outil d’adaptative learning pour la reconnaissance vocale, fondé sur un algorithme proposant à l’élève des exercices individualisés qu’il réussit majoritairement, selon une progression lui permettant d’entrer dans un cercle vertueux d’apprentissage Service d’assistance à l’enseignant se présentant sous la forme d’une plateforme d’apprentissage en ligne pour le français fournissant des parcours personnalisés et adaptatifs Outil d’assistance à l’enseignant lui permettant de mettre en place un parcours d’apprentissage adaptatif par groupe d’élèves, l’analyse régulière des résultats permettant de reconfigurer les groupes et d’évaluer les apprentissages Outil permettant à l’élève d’interagir oralement avec une IA qui lui fait découvrir des concepts mathématiques et lui propose des entraînements seul ou en groupe Service d’assistance aux élèves et aux enseignants pour la personnalisation des apprentissages. La technologie d’IA repose sur les raisonneurs pour construire de nouvelles informations à partir d’un modèle web sémantique et sur le machine learning pour affiner les algorithmes grâce aux actions des utilisateurs. Trois nouvelles séries de P2IA sont en cours de construction ou en projet avec : le lancement en 2024 d’un partenariat pour le cycle 3 (classes de CM1, CM2 et de 6e) en français, mathématiques et en langues vivantes (anglais, espagnol, italien et allemand), avec un budget dédié de 16 millions d’euros ; la publication imminente d’un partenariat pour les apprentissages fondamentaux des élèves du cycle 4 du collège et du lycée et pour les enseignants (assistance dans le suivi et analyses, évaluations et corrections, productions d’activités d’enseignement), avec un budget de 20 millions d’euros ; un projet de partenariat destiné aux enseignants du secondaire et éventuellement du supérieur (jusqu’à BAC+3), portant sur les « gestes enseignants » et visant à acculturer et outiller les enseignants pour les accompagner dans leurs pratiques professionnelles. Les services proposés incluraient les évaluations, en particulier les corrections de productions écrites ou orales réalisées par des élèves individuellement ou en groupe. Cette assistance permettrait d’accompagner les élèves dans les épreuves du brevet, du baccalauréat et, le cas échéant, du premier cycle du supérieur. Le service proposé s’appuierait sur un « mix » de technologies d’IA, dont de l’IA générative. Le budget prévisionnel est estimé à 14 millions d’euros. 24 68 M€ Budget prévisionnel des 4 P2IA conclus, en cours d’instruction et en projet De réels efforts sont ainsi réalisés pour la mise en place d’outils définis selon une logique participative, au plus près du terrain. Cependant, le nombre d’utilisateurs reste très variable si l’on se réfère au nombre de licences utilisées. Les services disponibles n’ont pas tous à ce jour connu une pleine montée en puissance. Services numériques P2IA cycle 2 Nombre de licences utilisées au printemps-été 2024 Lalilo 25 428 Navi 5 044 Adaptiv’Math 5 822 Mathia 6 431 Smart Enseigno 2 978 D’autres ressources acquises dans le cadre de la commande publique sont par ailleurs proposées aux enseignants, telles que « Captain Kelly », assistant vocal pour l’apprentissage de l’anglais à l’école élémentaire (du CP au CM2) permettant notamment de développer la compréhension orale et la prononciation 1. En dehors de ces outils, le ministère de l’éducation nationale identifie près d’une vingtaine de services d’IA utilisés de façon éparse dans le cadre d’initiatives individuelles pour les mathématiques, les lettres, les sciences ou encore les langues vivantes. 2. Les limites des grands modèles de langage dans le cadre scolaire Pour l’ensemble des ressources existantes, les services ministériels se montrent particulièrement vigilants sur la question du traitement des données à caractère personnel. Au-delà des services numériques qu’il fait développer ou qu’il soutient, le ministère souligne en effet ne pas être en mesure d’identifier des IA qui soient conformes aux exigences juridiques et éthiques dans les usages scolaires des élèves. Il s’agit notamment des enjeux liés à la mise à jour des données, aux biais, aux possibles erreurs factuelles, au droit d’auteur ou encore à l’absence d’informations sur les sources utilisées. Le ministère a d’ores et déjà indiqué, s’agissant de l’IA générative, que ChatGPT « n’est pas utilisable dans un cadre scolaire, seules sont possibles des utilisations à titre individuel, sous le régime du contrat privé » 2. 1 Il s’agit d’une application mobile qui utilise plusieurs solutions d’IA : elle peut analyser la voix humaine à travers un microphone pour la comparer à un modèle linguistique calibré pour les enfants francophones, puis catégorise la production selon qu’elle est acceptable, perfectible, ou incorrecte, afin de répondre de manière adaptée. Elle est également capable de reconnaître une image qu’on lui montre parmi les centaines de flashcards fournies avec la solution. 2 Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, direction du numérique pour l’éducation, bureau du soutien à l’innovation numérique et à la recherche appliquée, Intelligence artificielle et éducation. Apports de la recherche et enjeux pour les politiques publiques, janvier 2024. 25 Ignorant si d’autres applications complémentaires ou concurrentes comme Bing Chat (moteur de recherche de Microsoft qui intègre GPT-4) ou Perplexity respectent les règles du RGPD, il invite les enseignants à ne pas les faire utiliser directement par les élèves, d’autant plus que les conditions d’utilisation de ces services peuvent évoluer rapidement. Les LLM : une performance élevée qui ne doit pas cacher leurs limites pour un usage scolaire Les grands modèles de langage (LLM) sont des réseaux de neurones entraînés sur de grandes quantités de données. Il s’agit de modèles probabilistes, capables de prédire la suite d’une série de mots. La pertinence des LLM est liée à leur sensibilité au contexte. Capables de fournir des réponses structurées dans n’importe quel langage et dans tous les formats, ils fluidifient les liens entre l’humain et la machine. Ces modèles sont souples, le fine-tuning permettant de les modifier par une deuxième phase d’entraînement pour les adapter à nos besoins. Cependant, même après un entraînement qui permet de les améliorer afin d’en faire des outils efficaces dans une large variété de tâches, les LLM présentent toujours des limites : - ils n’ont pas de mémoire à court terme, c’est-à-dire des conversations passées ; - du fait de leur caractère probabiliste, ils peuvent répondre différemment à un même prompt ; - les données dont ils dépendent sont souvent périmées, car liées aux données utilisées lors du premier entraînement ; - leur grande envergure peut avoir pour corollaire un coût élevé et une lenteur dans la génération de réponses ; - en raison de leur caractère généraliste, ils nécessitent des données spécifiques pour bien répondre dans un contexte particulier comme la salle de classe ; - enfin, les LLM peuvent halluciner, notamment parce qu’ils ont tendance à répondre à un prompt même quand ils ne savent pas. 3. Se servir en classe d’une IA maîtrisée et conforme aux principes éthiques Dans ce contexte, le développement d’un service d’IA générative souverain dédié à l’éducation est en cours avec le projet OpenLLM France. Celui-ci s’inscrit dans l’ambition plus vaste d’élaborer des « communs numériques » via un appel à projets financé par les crédits d’investissement de France 2030. L’objectif poursuivi est de se fonder sur des corpus de données d’apprentissage publics et ouverts, des algorithmes documentés pour en assurer l’explicabilité et de proposer une licence d’utilisation libre. Les premiers usages en classe sont attendus courant 2024 dans les académies volontaires pour une utilisation plus généralisée à la rentrée 2025. 26 L’enjeu de la sensibilité et de la qualité des données est ainsi pris en compte, avec la nécessité d’accéder à des modèles d’IA formés sur des données validées au niveau institutionnel ou par les enseignants eux-mêmes. Sans attendre l’élaboration de ce modèle, une initiative intéressante a vu le jour au sein de l’académie d’Aix-Marseille avec la mise au point expérimentale d’un petit langage de modèle (SML) mobilisable directement en classe, « IA AnSu ». Il s’agit de « reprendre le pouvoir » face aux Gafam en gardant la maîtrise du système. Cette expérimentation bénéficie de l’intérêt fort pour l’IA de la direction régionale académique du numérique éducatif (Drane) de l’académie d’Aix-Marseille et de la mobilisation de la communauté de réflexion en éducation autour de l’intelligence artificielle (Creia). « IA AnSu » : une expérimentation dans l’académie d’Aix-Marseille Comment faire pour que l’IA devienne un agent utile en classe ? C’est la question posée par le projet « IA AnSu » engagé fin 2023 par la direction régionale académique du numérique éducatif (Drane) de l’académie d’Aix-Marseille. Ce projet consiste à utiliser les propriétés du LLM, en l’occurrence celui de Mistral, pour l’adapter à des besoins éducatifs et en faire un assistant éducatif en classe au collège. À l’issue d’un travail d’éducation du modèle, comportant à la fois une optimisation du contexte (enrichissement des informations) et celle de son comportement, les auteurs du projet ont mis au point un modèle de langage plus petit, plus rapide et plus économe en ressources. 27 Source : Alexandre Castanet et Jean-Baptiste Civet (Drane Paca), https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_11193342/fr/ansu-une-ia-slm-en-classe Une refonte en profondeur du modèle doit aboutir à une interface didactique grâce à une bonne ergonomie facilitant le prompt, dotée d’un indice de performance appelé « Score DNB » fondé sur des tests corrigés par un humain, nourrie de cours pour assurer une pertinence et dotée d’une posture pédagogique qui lui permet de se spécialiser (fine-tuning). Chacun de ces aspects doit faire l’objet de tests en classe. L’interface pourra être personnalisée en fonction des besoins spécifiques des enseignants et des élèves. L’objectif est de pouvoir se servir d’une IA maîtrisée de bout en bout, experte, conforme au RGPD et frugale. Pour l’utilisateur, les avantages d’AnSu sont qu’elle utilise le langage naturel, adopte une forme dialectique avec des questions/réponses et peut jouer différents rôles (assistant pédagogique, correcteur, répétiteur, exerciseur, manuels scolaires…). L’outil doit s’adapter à tous les niveaux jusqu’au lycée et à toutes les disciplines. Il peut répondre à une diversité de profils et de besoins. Question piège permettant d’évaluer la sensibilité au contexte : c’est quoi un polo crocodile ? Réponse de AnSu : Un polo crocodile est en réalité une référence à la marque de vêtements « Lacoste ». Cette marque a été créée par le célèbre joueur de tennis français René Lacoste dans les années 1930. Le crocodile est le symbole et le logo de la marque, il est brodé sur les polos qu’elle produit. Source : Alexandre Castanet et Jean-Baptiste Civet (Drane Paca) La construction du projet doit se poursuivre grâce aux retours d’expérience de « testeurs ». 4. Les efforts pour développer des ressources sur l’IA en éducation pour les enseignants Au-delà des outils, des initiatives visant à valoriser l’IA auprès des enseignants et aider la communauté éducative à acquérir une compréhension générale sur l’IA ont vu le jour dans le cadre de coopérations transfrontalières, à l’instar du projet européen « Intelligence artificielle pour et par les enseignants » (AI4T). 28 Il s’agit d’un projet Erasmus+ de trois ans, développé par la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg et la Slovénie, pour étudier et encourager l’utilisation de l’IA par les enseignants du cycle secondaire en mathématiques, en sciences et en anglais. Ce projet a débouché sur la mise à disposition d’un MOOC accessible en cinq langues et fournissant un ensemble cohérent de ressources sur l’IA en éducation. De façon complémentaire, un manuel ouvert, élaboré par la Chaire Unesco RELIA a été publié en octobre 2022 puis actualisé en janvier 2024 pour tenir compte de l’arrivée des IA génératives 1. Le réseau Canopé, opérateur du ministère chargé de la formation continue des enseignants depuis 2020, s’est quant à lui engagé dès décembre 2022 de manière proactive dans des actions de formation à l’intelligence artificielle en proposant des ressources pédagogiques ainsi que des études relatives aux IAG 2. Enfin, le ministère indique qu’un guide des usages numériques actuellement en préparation devrait être disponible durant l’année scolaire 2024-2025 avec des exemples d’usages pédagogiques et didactiques intégrant l’IA. Du côté de l’enseignement supérieur public, les services d’ingénierie pédagogique des universités privilégient les démarches de remontée et de valorisation des initiatives individuelles ainsi que les échanges de bonnes pratiques. Certaines grandes écoles ont adopté des stratégies de formation plus vastes de leurs personnels aux enjeux de l’IA. C. MAIS UN CLIMAT DE CONFIANCE QUI MANQUE À L’APPEL Malgré cela, la déstabilisation et les incertitudes engendrées par le développement rapide des systèmes d’IA générative, couplées au retard pris dans la définition d’une doctrine d’usage partagée, sont de nature à renforcer les inquiétudes exprimées par certains acteurs de la communauté éducative, dont plusieurs n’hésitent pas à souligner l’impréparation des écoles, et plus largement de la France. Les craintes qui s’expriment plus ou moins fortement chez une partie des enseignants sont multiples. Elles portent à la fois sur l’avenir du métier d’enseignant et la question de la souveraineté du système éducatif français au regard des technologies utilisées ainsi que sur les conséquences de celles-ci sur les compétences les plus fondamentales que chaque élève est censé acquérir durant sa scolarité. Est notamment pointée l’absence de démarche claire et structurée pour définir l’équilibre à privilégier entre la préservation de la liberté pédagogique et la réflexion d’ensemble sur les usages de l’IA, les bonnes pratiques, l’intérêt pédagogique des applications ou encore les supports utilisés. De nombreux enseignants s’interrogent su