Brève Histoire de la Préhistoire PDF
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Ce document fournit un aperçu de la préhistoire, explorant les origines humaines et les découvertes paléontologiques. Il présente un aperçu des différents modèles qui cherchent à expliquer les premiers temps de l'aventure humaine.
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# Brève Histoire de la Préhistoire ## Prologue La préhistoire est une branche singulière de l'histoire. Elle cherche à nous raconter une épopée qui a duré des millions d'années et, tous les ans ou presque, de nouvelles découvertes entraînant de nouvelles hypothèses viennent remettre en cause l'épo...
# Brève Histoire de la Préhistoire ## Prologue La préhistoire est une branche singulière de l'histoire. Elle cherche à nous raconter une épopée qui a duré des millions d'années et, tous les ans ou presque, de nouvelles découvertes entraînant de nouvelles hypothèses viennent remettre en cause l'épopée comme on la racontait jusque-là. Cette science, qui parle des temps les plus anciens, est bien jeune, il est vrai. Il faut attendre le début du XIXe siècle pour que quelques savants européens, comprenant que les mystérieuses pierres taillées retrouvées ici et là depuis longtemps avaient été des outils, réussissent à s'extraire du récit imposé par la religion. Non, l'homme n'est pas une créature façonnée par Dieu à son image, apparue au moment de la Création, il y a 6 000 ans. L'homme est un primate comme un autre et les mystérieuses lois de l'évolution l'ont lentement transformé au cours des millénaires pour en faire cet être d'aujourd'hui qui a réussi, grâce à son intelligence - et parfois sa déraison - à dominer la planète. * Qui sont ses ancêtres ? * Où l'homme préhistorique est-il apparu pour la première fois ? * Par quel chemin est-il passé, pour réussir à s'imposer ainsi ? Depuis deux siècles seulement, on cherche des réponses à ces questions, et le matériel sur lequel s'appuyer est mince. Pour sortir de la nuit de l'oubli des centaines de milliers de millénaires, les paléontologues ne disposent ni d'archives écrites, comme les autres historiens, ni de cités en ruines, comme les archéologues, mais d'indices autrement fragiles : des cailloux et des restes d'ossements, parfois une simple phalange ou une dent cassée, exhumés des centaines de milliers d'années après parce que les hasards de la géologie les ont protégés. Ces éléments ne valent que tant qu'une autre dent plus ancienne, une autre phalange d'un autre type ne viennent semer le doute sur les hypothèses que la première découverte avait permis d'échafauder. Les éblouissants progrès de la génétique, survenus depuis le début du XXe siècle, l'amélioration des techniques de fouilles, la précision de la datation nous ont fait faire des bonds extraordinaires. Nul doute que notre siècle éclairera peu à peu les zones encore dans l'ombre. Il en reste beaucoup. Contentons-nous donc, dans ce chapitre introductif, de présenter très schématiquement l'état du savoir actuel sur les premiers temps de l'aventure humaine, et d'évoquer les divers modèles qui cherchent à les expliquer. ## Le Paléolithique La préhistoire, par convention, couvre les temps qui vont de l'origine de l'homme aux premières grandes civilisations¹. Depuis le XXe siècle, on la découpe en plusieurs grandes périodes caractérisées par le type d'outils utilisés par les hommes. La première, la plus longue, coïncide avec le temps où l'homme a taillé des pierres. C'est le paléolithique, c'est-à-dire l'ancien âge de la pierre (du grec palaios, ancien, et lithos, la pierre). Il commence avec l'apparition du genre Homo, la catégorie de primates à laquelle nous appartenons². Actuellement, on estime que cela nous place en Afrique, il y a entre 2,8 et 3 millions d'années - 2,8 Ma BP, comme écrivent les scientifiques, c'est-à-dire 2,8 millions d'années before present, avant le présent¹. Auparavant, il y eut les australopithèques, sorte de pré-humains, petits, presque bipèdes mais grimpant toujours aux arbres, qui s'étaient eux-mêmes différenciés des autres grands singes plus de 3 millions d'années auparavant, vers 6 Ma BP. Lucy, dont le squelette a été découvert en Afrique dans les années 1970, en est la plus illustre représentante mais on sait aujourd'hui qu'elle n'est pas notre ancêtre directe. Les premiers hommes sont nés de l'évolution d'une autre espèce d'australopithèques, cousine, donc, de celle de Lucy. Ils sont caractérisés par diverses particularités morphologiques, dont des mains à pouce opposable, un gros cerveau et une bipédie si évoluée qu'elle confère une aptitude à la course. Les deux premières caractéristiques expliquent sans doute le goût de cet Homo habilis – c'est le nom de la première des espèces humaines – pour les outils. Les premiers sont des galets grossièrement éclatés. La taille devient de plus en plus précise. Nos lointains ancêtres devaient utiliser bien d'autres matériaux, sans doute le bois ou les os, mais comment le savoir ? Tant de millénaires plus tard, les traces en sont évidemment perdues. Il y a 2 millions d'années, au hasard des changements climatiques et en pistant leur nourriture – le petit gibier, les charognes, dont au départ ils se nourrissent -, une poignée d'humains quitte l'Afrique et se répand peu à peu dans le continent eurasiatique. Peut-être appartiennent-ils à l'espèce Homo erectus, littéralement l'homme dressé. En tout cas, l'« homme de Pékin », dont les restes, vieux de 500 000 ans, ont été découverts dans les années 1920, dans une grotte non loin de la capitale chinoise, est un de ceux-là. Séparés, les descendants de ces premiers arrivants évoluent sur des millénaires et des millénaires jusqu'à former des espèces différentes. L'homme de Néandertal, qui habite l'Europe et l'Asie occidentale, est connu depuis sa découverte, au milieu du XXe siècle, dans une petite vallée allemande qui lui a donné son nom. On a mis longtemps à savoir où le classer. Était-il un ancêtre de l'homme moderne, un cousin ? Depuis le début du XXe siècle, la majorité des scientifiques estiment qu'il appartient à une des espèces du genre Homo qui se formèrent alors. Il en existe bien d'autres, reconnues très récemment. Ainsi le minuscule « homme de Florès », dont on a dégagé les restes en 2003 dans l'île indonésienne qui lui a donné son nom. Ou encore l'<< homme de Denisova », identifié en 2010 grâce au séquençage d'un morceau de phalange ramassé dans une grotte de Sibérie. Durant cette longue période, les hommes réussissent quelques bonds technologiques majeurs. Le plus important est la domestication du feu, qui permet de survivre aux grands froids, d'éloigner les animaux sauvages et de rendre la nourriture plus saine en la cuisant. ## Out of Africa Il y a environ 200 000 ans, au terme d'un nouveau processus d'évolution, apparaît la plus importante des espèces du genre Homo, tout au moins pour ce qui nous concerne. Il s'agit de la nôtre. Homo sapiens, l'homme savant. Dans la littérature scientifique on l'appelle aussi l'« homme moderne », ou l'« homme anatomiquement moderne ». Pas plus que celle de ses prédécesseurs, son origine géographique n'est fixée. Pour un grand nombre de paléontologues actuels, il serait né en Afrique, et aurait quitté ce berceau pour partir à la conquête du monde entier. Cette hypothèse porte le joli nom de modèle « out of Africa ». De fait, on trouve la trace d'Homo sapiens en Israël il y a 100 000 ans ; en Chine il y a 50 000 ans ; en Europe il y a 45 000 ans. A peu près en même temps, profitant du fait que les terres étaient beaucoup plus rapprochées qu'aujourd'hui, il réussit à s'installer en Australie. Bien plus tard, entre 16 000 et 13 000 BP, selon la thèse communément admise (mais très souvent remise en question), il franchit le détroit de Behring (entre la Russie et l'Alaska) qui formait alors une langue de terre ferme et investit l'Amérique, dernier continent à être peuplé par les humains. S'il est bien sorti d'Afrique il y a 100 000 ans, comme le veut la théorie que l'on vient d'évoquer, l'Homo sapiens a croisé bien d'autres Homo sur son chemin. L'homme de Néandertal, si l'on en croit les restes les plus récents de l'espèce, retrouvés dans le sud de l'Espagne, aurait vécu jusqu'en 26 000 BP. L'homme de Florès jusqu'en 18 000. Pendant des millénaires, Homo sapiens a donc cohabité avec eux, comme avec les autres Homo qui peuplaient l'Eurasie. * Comment s'est passée cette coexistence ? * Fut-elle pacifique ou guerrière ? * Le nouveau venu s'hybrida-t-il avec les prédécesseurs ? C'est une des grandes questions de la paléontologie contemporaine. Dans ce cas, ce métissage, puisqu'il implique des espèces différentes, aurait dû produire des humains différents. Ou alors sapiens a réussi à éliminer méthodiquement tous ses concurrents du genre Homo. * Comment ? * En commettant un génocide méthodique ? * En leur transmettant des maladies contre lesquels ils n'étaient pas immunisés, come les Espagnols avec les Indiens d'Amérique, au XVIe siècle ? * En triomphant des bouleversements climatiques fatals aux autres grâce à sa supériorité intellectuelle ? Mais cette supériorité est-elle si évidente ? Pendant longtemps, à cause de la lourdeur supposée de son faciès, on a fait de Néandertal, par exemple, le type même de la brute, du primitif à peine sorti de l'animal. On a découvert en l'étudiant plus précisément un être d'une grande sophistication, auteur d'importantes innovations dans le domaine des outils, et enterrant ses morts soigneusement, ce qui indique de profondes préoccupations spirituelles. Notons d'ailleurs qu'en ayant existé entre 250 000 BP et 26 000 BP, l'Homo neanderthalis forme à ce jour l'espèce humaine ayant eu la plus longue existence sur terre. Et si c'était l'hypothèse de départ qui était fausse, se demandent d'autres paléontologues ? Et si Homo sapiens n'était pas né d'un seul berceau africain, mais était le fruit de l'évolution qui s'est reproduite un peu à la fois dans des endroits divers du globe ? Ce ne serait donc qu'à force d'hybridation, de mélange qu'on en serait arrivé à l'existence de l'homme moderne ? ## Le Grand Bond en Avant Peu à peu – le fait est rare dans le règne animal – notre espèce est devenue la seule représentante de son genre sur la planète, et a pu poursuivre l'aventure qui mène jusqu'à nous. Elle a connu, elle aussi, de grands sauts technologiques, comme celle que les Anglo-Saxons appellent la « révolution cognitive », ou encore le « grand bond en avant ». Il aurait eu lieu à partir de 70 000 BP. Les outils sont toujours en pierre, mais n'ont plus grand-chose à voir avec les grossiers galets des débuts d'Homo habilis : le propulseur permet, comme son nom l'indique, de projeter une lance avec une grande force, et donc de conduire la chasse au grand gibier. L'invention de l'aiguille à chas, dont les premières trouvées datent de 30 000 ans, et, partant, l'invention de la couture permettent de faire un pas de géant dans la lutte contre le froid. Apparaissent avec cette révolution cognitive le langage articulé de même nature que les langues que nous parlons, le sens de l'abstraction, la religion ou encore les premières manifestations d'art, comme les splendides peintures pariétales (réalisées sur les parois des grottes). Parce que les premières découvertes se trouvaient en Europe occidentale, comme la grotte d'Altamira, en Espagne (avec des peintures datées entre 15 000 et 13 000 BP), et plus tard celle de Lascaux, en France (entre 18 000 et 15 000 BP), les Européens ont longtemps pensé que cette naissance de l'art était un phénomène leur appartenant. Il a suffi qu'on cherche ailleurs pour comprendre qu'il n'en était rien. On a découvert des œuvres magnifiques en Indonésie, en Argentine (remontant à 13 000 BP). En Afrique du Sud, des blocs d'ocre portant des stries datent de 77 000 BP. Elles prouvent l'intérêt des hommes d'alors pour ce précieux pigment. Après le temps de la pierre taillée, devenue elle aussi très perfectionnée, vient celui de la pierre polie. Elle permet de faire d'autres outils, plus précis, plus tranchants, qui servent aux nouvelles activités auxquelles se consacrent les hommes. Ce changement marque traditionnellement le passage à la nouvelle grande période de la préhistoire : le néolithique, ou nouvel âge de pierre¹. Il correspond à un autre changement si fondamental qu'il bouleverse du tout au tout la vie de l'espèce humaine... ## Le Néolithique Les raisons de ce bouleversement ne sont toujours pas clairement établies. On évoque un climat plus sec, qui entraîne une raréfaction du gibier, et la nécessité de trouver d'autres moyens que la chasse pour se nourrir. Ou une évolution démographique qui fait qu'on a besoin de stocks plus importants. Ou encore une transformation des terrains qui se prête à la nouvelle activité. Le changement lui-même ne fait pas de doute, nous n'en sommes toujours pas sortis. Jusqu'alors et depuis la nuit des temps, les hommes vivaient de chasse et de cueillette. Le seul animal dont ils avaient fait leur allié était le loup, devenu le chien qui les protégeait des bêtes sauvages et les aidait à la chasse. En quelques centaines d'années, ils apprennent à planter, à semer, à récolter et à élever les animaux pour en tirer le lait, la viande, la laine. Ils étaient prédateurs. Ils deviennent producteurs. C'est ce qu'un grand archéologue australien des années 1920 a baptisé la « révolution néolithique¹ ». Elle se passe au Proche-Orient vers 12 000 BP, avec la domestication des chèvres et des moutons, et les cultures de l'orge, du blé, des pois, des fèves, des lentilles. Elle se répand ensuite en Europe via les Balkans ou par la Méditerranée. Puis elle survient en Chine, vers 10 000 BP, quand s'étend la culture des deux piliers alimentaires de cette civilisation, le riz au sud et le millet au nord. Ensuite, on la retrouve vers 7 000 BP au Mexique et dans les Andes, où apparaissent les champs de haricot, de courge et de maïs ; puis, vers 5 000 BP, en Afrique, où l'on plante le millet et le sorgho. En quelques millénaires, cette révolution s'étend à toute la planète. Les chasseurs-cueilleurs sont repoussés toujours plus loin. ## Il Reste Aujourd'hui Encore... Il reste aujourd'hui encore, dans le cercle polaire, ou en Afrique centrale et australe, quelques rares populations pratiquant ce mode de vie qui semble appartenir à un autre temps. Il faut rappeler qu'il a été celui de l'humanité pendant plus de 99 % de son existence. Apparaissent les premiers villages. Le régime alimentaire permet d'accroître la population, mais il n'a pas que des bons côtés. Les sucres lents des céréales créent des caries dentaires, la promiscuité avec les animaux transmet de nouvelles maladies. Même la stature des individus change. L'Homo sapiens de la fin du paléolithique, celui qui peignait à Lascaux, mesurait en moyenne un peu plus d'1,80 mètre. Son descendant, qui doit se courber sur les champs, subir les années de disette dues aux mauvaises récoltes et lutter contre de nouvelles maladies parasitaires retombe à 1,63 mètre. Il faudra attendre la seconde moitié du XXe siècle pour qu'on retrouve la taille précédente. De toute évidence, de tels aléas n'empêchent pas le cerveau humain de fonctionner. Les inventions déterminantes se poursuivent. Voici bientôt celle des métaux. Depuis longtemps, les hommes en utilisaient quelques-uns à l'état natif, c'est-à-dire dans l'état où l'on peut les trouver dans la nature. Vers 10 000 BP, au Proche-Orient, ils comprennent qu'il est possible d'extraire le cuivre de son minerai, en le chauffant. C'est le début de la métallurgie. Elle progresse quand, des millénaires plus tard, on passe au bronze, qui est un alliage de cuivre et d'un peu d'étain. La technique est évidemment plus complexe, et la nécessité de disposer de deux métaux suppose déjà des réseaux commerciaux pour aller s'approvisionner, car il est rare d'avoir les deux sur place. Après, sans doute vers 4 000 BP, vient le fer, dont la production repose sur une maîtrise encore plus impressionnante des fourneaux. Du temps où les Européens écrivaient une histoire strictement européenne, on terminait la préhistoire avec ce passage sur les débuts de la métallurgie. Après l'âge de la pierre taillée (paléolithique) puis celui de la pierre polie (néolithique) viennent l'âge du cuivre, appelé aussi le chalcolithique, l'âge du bronze, puis l'âge du fer. Nul doute que ces techniques nouvelles, permettant la fabrication d'armes, d'objets nouveaux ont créé des changements importants. ¹-Jusque dans la seconde moitié du XXe siècle, il était entendu que l'entrée dans l’histoire, et donc la fin de la préhistoire, était la connaissance de l’écriture. Il existe pourtant de grandes civilisations sans écriture. C’est pourquoi cette césure a tendance à être abandonnée. ² - Les biologistes classent les êtres en les regroupant dans des ensembles ainsi subdivisés: le règne, l’embranchement, la classe, l’ordre, la famille, le genre, l’espèce. L’homme d’aujourd’hui appartient à l’espèce Homo sapiens, qui appartient au genre Homo, famille des hominidés (comprenant aussi des grands singes comme les bonobos, les gorilles, les orangs-outans, etc.), ordre des primates, classe des mammifères, sous-embranchement des vertébrés, règne animal. ¹-Pour les scientifiques ce « présent » renvoie précisément à l’année 1950, durant laquelle furent mises au point les premières datations utilisant la radioactivité, ce que l’on appelle la datation au carbone 14. ¹-Vere Gordon-Childe (1892-1957).