Techniques d'analyse - Polycopie Université Oran 1 Ahmed Ben Bella - PDF
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Université d'Oran 1 - Ahmed Ben Bella
2022
Kherroub Djamal Eddine
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Ce polycopié présente les techniques physiques d'analyse, notamment la chromatographie, la spectroscopie UV et IR, pour les étudiants en génie des procédés et en chimie. Il comprend les principes, les intérêts et les champs d'application de ces méthodes. L'auteur aborde la chromatographie en phase liquide et gazeuse (HPLC, GC), la spectroscopie UV-Vis et la spectroscopie IR.
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République Algérienne Démocratique et Populaire Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique Université d’Oran 1 Ahmed Ben Bella TECHNIQUES D’ANALYSE NOTES DE COURS : Les principales méthodes physiques d’analyse : chromatog...
République Algérienne Démocratique et Populaire Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique Université d’Oran 1 Ahmed Ben Bella TECHNIQUES D’ANALYSE NOTES DE COURS : Les principales méthodes physiques d’analyse : chromatographie, spectroscopie UV et spectroscopie IR Principe, intérêt et champs d’application Bases de l’analyse et du contrôle des matières DR KHERROUB Djamal Eddine premières et des produits formulés Département de chimie 2021-2022 c réface Ce document constitue une première approche de l'étude des techniques physiques de caractérisation des espèces chimiques. Ce support pédagogique est destiné aux étudiants en premier cycle en génie des procédés et en chimie. Il peut également servir aux étudiants : de pharmacie, de master en chimie ou en génie chimique, de licence et de master en biologie. Ce polycopie regroupe les méthodes chromatographiques et spectroscopiques d'analyse les plus utilisées pour identifier ou quantifier les produits de synthèse organiques ou les produits naturels. Il est le résultat des enseignements que j’ai effectué dans le module de techniques d'analyse pour le niveau L3 en génie des procédés. Les cours sont présentés d'une façon éclairée, différents exemples de spectres sont donnés pour faciliter la compréhension et combler les lacunes issues du manque des travaux pratiques dans ce module. Le polycopie est composé de trois chapitres : 1- Méthodes chromatographiques ; 2- Spectroscopie moléculaire UV ; 3- Spectroscopie infrarouge IR. La lecture de cette version améliorable et évolutive pourra être complétée par la consultation des ouvrages de base listés à la fin de ce document. L'auteur sera particulièrement attentif aux remarques, suggestions et corrections susceptibles d'améliorer le fond et la forme de ce support. Table des matières Chapitre 1 : Méthodes chromatographiques 1 Introduction..888..8888...88..888.8..888888888. 1. Aspects généraux de la chromatographie........8888888888. 3 1.1. Concepts généraux de la chromatographie analytique888.8...88 3 1.2. Le chromatogramme88888888..888888888...888. 7 1.3. Pics d'élution de forme gaussienne888888888.88...888. 8 1.4. Théorie des plateaux888888888888888888888.. 9 1.5. Coefficient de partage de Nernst (K)888888..88....88.8...8 11 1.6. Paramètres de rétention..88888888888888...8888... 11 1.6.1. Temps de rétention888888888888..8888..88888 11 1.6.2. Volume de rétention (ou volume d'élution) VR88888888888 11 1.6.3. Volume mort VM 888888888888888..88..888..8... 12 1.6.4. Facteur de rétention (ou de capacité) k 88888888...8...88... 12 1.7. Facteur de séparation (ou de sélectivité) entre deux solutés.888.... 12 1.8. Facteur de résolution entre deux pics88888888888888. 13 1.9. Optimisation d'une analyse chromatographique8888888888 14 1.10. Classification des techniques chromatographiques88888888.. 15 1.10.1. Chromatographie en phase liquide (CL)8888888888888. 16 1.10.2. Chromatographie en phase gazeuse (CG)888888888888. 17 2. Chromatographie en phase liquide à haute performance (HPLC)88.. 19 2.1. Début de l’HPLC8888888888888888888888..... 19 2.2. Concept général de l’HPLC888888888888888888... 20 2.3. Pompes et gradient d'élution888888888888888888. 21 2.3.1 Pompes888888888888888888888888888. 21 2.3.2. Gradients de basse et haute pression88888888888888. 23 2.4. Injecteurs88888888888888888888888888.. 24 2.5. Colonnes88888888888888888888888888.. 25 2.6 Phases stationnaires888888888888888888888.. 27 2.6.1. Le gel de silice, le matériau majeur pour les phases actuelles888... 27 2.6.2. Silice greffée8888888888888888888888888 30 2.6.3. Autres phases stationnaires de polarité variable888888888... 32 2.7. Phases mobiles88888888888888888888888... 32 2.8. Détecteurs88888888888888888888888888 34 2.8.1 Détecteurs spectrophotométriques888888888888888.. 35 2.8.2 Détecteurs de fluorescence888888888888888888.. 35 2.8.3 Détecteurs de fluorescence888888888888888888.. 36 2.9. Evolution et applications de la HPLC88888888888888.. 36 3. Chromatographie d’exclusion stérique (CES)88888888888 38 3.1. Principe de la CES8888888888888888888888.. 39 3.2. Phases stationnaires et mobiles8888888888888888... 41 3.3 Courbes d'étalonnage888888888888888888888 42 3.4. Instrumentation888888888888888888888888 42 3.5. Applications de la CES88888888888888888888.. 43 3.6. Analyse de la distribution du poids moléculaire8888888888. 44 3.7 Autres analyses88888888888888888888888... 45 4. Chromatographie en phase gazeuse (CG)888888888888. 45 4.1. Composants de l’installation GC8888888888888888.. 46 4.2. Gaz vecteur et régulation de débit888888888888888... 46 4.3 Introduction de l'échantillon et chambre d'injection88888888... 48 4.3.1 Introduction de l'échantillon888888888888888888... 48 4.3.2. Injecteurs88888888888888888888888888.. 49 4.4. Four à commande thermostatique888888888888888... 51 4.5. Colonnes88888888888888888888888888.. 52 4.5.1. Colonnes à garnissage88888888888888888888.. 52 4.5.2. Colonnes capillaires8888888888888888888888 53 4.6. Phases stationnaires888888888888888888888.. 54 4.6.1. Polysiloxanes888888888888888888888888... 55 4.6.2 Polyéthylène glycols (PEG)888888888888888888... 56 4.6.3. Phases stationnaires solides888888888888888888. 56 4.7. Détecteurs88888888888888888888888888 58 Chapitre 2 : Spectroscopie moléculaire UV Introduction 8888888..888..8888888888..888.. 60 1. La région spectrale UV/Vis et l'origine des absorptions8888.88.. 61 2. Le spectre UV/Vis 888..88888..888888...888888.. 61 3. Transitions électroniques de composés organiques 888888....... 62 3.1. Transition σ→σ*88888.8888888.88888888888 63 3.2. Transition n→σ*88888888.888888888888888. 64 3.3. Transition n→π*888888888888888888..88888 64 3.4. Transition π→π*88888888888888888888888. 65 3.5. Transition d→d*88888888888888888888888.. 65 4. Groupes chromophores88888888888888888888. 65 5. Instrumentation888888888888888888888888 67 5.1. Sources de lumière8888888888888888888888. 67 5.2. Systèmes dispersifs et monochromateurs888888888888.. 68 5.2.1. Instruments séquentiels88888888888888888888. 68 5.2.2. Instruments simultanés88888888888888888888.. 68 5.3. Détecteurs88888888888888888888888888 68 6. Types de spectrophotomètres UV/Vis88888888888888. 70 7. Analyse quantitative : loi de l'absorption moléculaire88888888 70 7.1. Loi de Beer-Lambert888888888888888888888... 70 7.2. Additivité des absorbances8888888888888888888 71 8. Méthodes d'analyse quantitative8888888888888888.. 73 9. Analyse d'un seul analyte et contrôle de pureté8888888888 74 10. Analyse de multi-composants (AMC)88888888888888.. 76 11. Colorimétrie visuelle par transmission ou réflexion88888888... 77 Chapitre 3 : Spectroscopie Infrarouge IR Introduction 88888888888888...8..888888888 78 1. L'origine de l'absorption de la lumière dans l'infrarouge888888... 79 2. Absorptions dans l'infrarouge888888888..8...888888.. 80 3. Bandes rotationnelles-vibratoires dans l'IR moyen 88888888.. 81 4. Bandes caractéristiques des composés organiques888.88888 82 5. Spectromètres et analyseurs infrarouges888888888888... 84 5.1. Spectromètre infrarouge à transformée de Fourier (IRTF)88888.. 86 5.2. Analyseurs infrarouges88888888888888888888.. 89 6. Sources et détecteurs utilisés dans le moyen IR888888888... 90 6.1. Sources de lumière8888888888888888888888. 90 6.2. Détecteurs88888888888888888888888888 90 7. Techniques d'analyse d'échantillons888888888888888 91 7.1. Matériaux optiques8888888888888888888888. 91 7.2. Procédures de transmission888888888888888888.. 92 7.3. Techniques utilisant la réflexion pour les échantillons solides8888 93 8. Spectroscopie d'imagerie chimique dans l'infrarouge8888888... 94 9. Comparaison des spectres8888888888888888888 95 10. Analyse quantitative8888888888888888888888 96 10.1. Analyse quantitative dans le moyen infrarouge8888888888. 97 10.2. Analyse quantitative dans le proche infrarouge8888888888. 98 Abréviations Acronymes Cs : Concentration molaire du soluté en phase stationnaire. CM : Concentration molaire du soluté en phase mobile. H : Hauteur équivalente. L : Longueur de la colonne. tM : Temps mort. tR : Temps de rétention. tR’ : Temps de rétention réduit. VR : Volume de rétention. VM : Volume mort. mT : Masse totale. mS : Masse en phase stationnaire. mM : Masse en phase mobile. R : Facteur de résolution. HPLC : Chromatographie en phase liquide à haute performance. ID : Diamètre intérieur. MS : Spectrométrie de masse. Rf : Facteur de retardement. SP : Phase stationnaire. MP : Phase mobile. RMN : Résonance magnétique nucléaire. HAP : Hydrocarbures aromatiques polynucléaires CES : Chromatographie d’exclusion stérique. CPG : Chromatographie par perméation de gel. GC : Chromatographie en phase gazeuse. PEG : Polyéthylène glycols. K : Coefficient de partage. k : Facteur de rétention. UV : Ultraviolet. Vis : Visible. Etot : Energie mécanique totale. Eélec : Energie électronique. Evib : Energie de vibration. Erot : Energie de rotation. I0 : Lumière incidente. I : Lumière transmise. OM : Orbitale moléculaire. T : Transmittance. A : Absorbance. Iiso : Point isobestique. h : Constante de Plank. c : Vitesse de la lumière. IRTF : Infrarouge à transformée de Fourier. KBr : Bromure de potassium. ATR : Réflectance totale atténuée. Sj : Somme de déférences des absorbances. N : Nombre de franges d'interférences. LH : Liaisons hydrogène. Abréviations Symboles grecs σ : Ecart type. σ2 : Variance. Ɛ : Coefficient d’absorption molaire. λ : Longueur d’onde. λmax : Longueur d’onde maximale. : Fréquence du rayonnement. ̅ : Nombre d’onde. yiref(j) : Absorbance au point i du spectre j de référence. yiinc : Absorbance au point i du spectre de l’échantillon à identifier. : Rapport de phase. CHAPITRE I Méthodes chromatographiques 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Introduction Qui a inventé la chromatographie, l'une des techniques de laboratoire les plus utilisées ? Cette question suscite des controverses. Dans les années 1850, Schönbein a utilisé du papier filtre pour séparer partiellement les substances en solution. Il a constaté que toutes les solutions n'atteignent pas la même hauteur lorsqu'elles sont montées dans le papier filtre. Goppelsröder (en Suisse) a trouvé des relations entre la hauteur à laquelle monte une solution dans le papier et sa composition chimique. En 1861, il écrit : « Je suis convaincu que cette méthode s'avérera très pratique pour la détermination rapide de la nature d'un mélange de colorants, surtout si l'on utilise des réactifs convenablement choisis et caractérisés ». Même si tous deux ont fait un travail précieux pour le progrès de la chromatographie sur papier, il est de tradition d'attribuer l'invention de la chromatographie moderne à Michael Tswett, peu de temps après 1900. A travers ses publications successives, ce qui fait de lui un pionnier, même s'il n'est pas l'inventeur de cette importante méthode séparative. Son domaine de recherche concernait la biochimie des plantes. À cette époque, on pouvait facilement extraire la chlorophylle et d'autres pigments des plantes d'intérieur, généralement des feuilles, avec de l'éthanol. En évaporant ce solvant, il restait un extrait noirâtre qui pouvait être remis à nouveau en solution dans de nombreux autres solvants et notamment dans l'éther de pétrole (on dirait maintenant solvants polaires ou non polaires). 1 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Cependant, on ne comprenait pas bien pourquoi ce dernier solvant était incapable d'extraire directement la chlorophylle des feuilles. Tswett a avancé l'hypothèse que, dans les plantes, la chlorophylle était retenue par certaines forces moléculaires se liant au substrat foliaire, empêchant ainsi l'extraction par l'éther de pétrole. Il entrevoyait ici le principe de l'adsorption. Après avoir tiré cette conclusion, et pour tester cette hypothèse, il a eu l'idée de dissoudre l'extrait de pigment dans de l'éther de pétrole et d'ajouter du papier filtre (cellulose), en remplacement du tissu foliaire. Il s'est rendu compte que le papier recueillait la couleur et qu'en ajoutant de l'éthanol au mélange on pouvait ré-extraire ces mêmes pigments. Dans le prolongement de ses travaux, il a décidé de procéder à des tests systématiques avec toutes sortes de poudres (organiques ou inorganiques). Pour gagner du temps il avait réalisé un montage qui lui permettait de faire plusieurs dosages simultanément. Il plaça les poudres tassées à tester dans les tubes étroits et il ajouta à chacun d'eux une solution des pigments dans l'éther de pétrole. Cela lui a permis d'observer que dans certains tubes les poudres produisaient des anneaux superposés de couleurs différentes, ce qui témoignait que la force de rétention variait avec la nature des pigments présents. En rinçant les colonnes avec une sélection de solvants appropriés, il pouvait collecter certains de ces composants séparément. La chromatographie moderne était née. Un peu plus tard, en 1906, il a publié un travail de recherche (paru dans Berichte des Deutschen Botanische Gesellshaft, 24, 384), dans lequel il écrit le paragraphe généralement cité : « Comme les rayons lumineux dans le spectre, les différents composants d'un mélange de pigments, obéissant à une loi, sont résolus sur la colonne de carbonate de calcium et peuvent alors être mesurés qualitativement et quantitativement. J'appelle une telle préparation un chromatogramme et la méthode correspondante la méthode chromatographique ». 2 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.1 : Montage de Michael Tswett 1. Aspects généraux de la chromatographie La chromatographie - le processus par lequel les composants d'un mélange peuvent être séparés - est devenue l'une des principales méthodes analytiques pour l'identification et la quantification des composés à l'état gazeux ou liquide. Le principe de base repose sur l'équilibre de concentration des composants d'intérêt, entre deux phases non miscibles. L'une est appelée phase stationnaire, car elle est immobilisée à l'intérieur d'une colonne ou fixée sur un support, tandis que la seconde, appelée phase mobile, est forcée de traverser la première. Les phases sont choisies de telle sorte que les composants de l'échantillon aient des solubilités différentes dans chaque phase. La migration différentielle des composés conduit à leur séparation. De toutes les techniques analytiques instrumentales, cette procédure hydrodynamique est celle qui a la plus large application. La chromatographie occupe une position dominante dans l'analyse moléculaire. 1.1. Concepts généraux de la chromatographie analytique La chromatographie est une méthode physico-chimique de séparation de composants au sein de mélanges, liquides ou gazeux, au même titre que la distillation, la cristallisation, ou l'extraction fractionnée. Les applications de cette procédure sont donc nombreuses puisque de nombreux mélanges hétérogènes, ou ceux sous forme solide, peuvent être dissous par un solvant approprié (qui devient, 3 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES bien entendu, un composant supplémentaire du mélange). Un processus chromatographique de base peut être décrit comme suit (Figure 1.2) : Figure 1.2 : Étapes de base de la chromatographie. a) introduction de l'échantillon; (b) début d'élution; (c) récupération des produits après séparation 1. Un tube de verre creux vertical (la colonne) est rempli d'un solide en poudre fine approprié, ce qui s’appelle « phase stationnaire ». 2. Au sommet de cette colonne, un petit volume du mélange d'échantillons à séparer en composants individuels est placé. 3. L'échantillon est ensuite repris par addition continue de la phase mobile qui traverse la colonne par gravité, en entraînant avec elle les différents constituants du mélange. Ce processus est appelé « élution ». Si les composants migrent à des vitesses différentes, ils se sépareront les uns des autres et pourront être récupérés. Cette procédure de base, réalisée sur colonne, est utilisée depuis sa découverte à grande échelle pour la séparation ou la purification de nombreux composés (chromatographie préparative sur colonne), mais elle a également évolué vers une technique analytique autonome, notamment une fois-là l'idée de mesurer les temps de migration des différents composés comme moyen de les identifier avait 4 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES été conçue, sans qu'il soit nécessaire de les collecter. Pour ce faire, un dispositif optique a été placé en sortie de colonne, qui indiquait la variation de la composition de la phase d'élution avec le temps. Cette forme de chromatographie, dont le but n'est pas simplement de récupérer les composants mais de contrôler leur migration, Ce nouveau processus est apparu depuis 1940 bien que son développement était relativement lent. L'identification d'un composé par chromatographie se fait par comparaison : Pour identifier un composé qui peut être A ou B, une solution de cet inconnu est coulée sur une colonne. Ensuite, son temps de rétention est comparé à ceux des deux composés de référence A et B précédemment enregistrés avec le même appareillage et les mêmes conditions expérimentales. Le choix entre A et B pour l'inconnu se fait par comparaison des temps de rétention. Dans cette expérience, une véritable séparation n'avait pas été effectuée (A et B étaient des produits purs) mais seule une comparaison de leurs temps de migration a été effectuée. Dans une telle expérience, il y a cependant trois points défavorables à noter : la procédure est assez lente ; l'identification absolue est inaccessible ; et le contact physique entre l'échantillon et la phase stationnaire pourrait modifier ses propriétés, donc ses temps de rétention sont finalement la conclusion. Cette méthode de séparation, utilisant deux phases non miscibles en contact l'une avec l'autre, a été entreprise pour la première fois au début du XXe siècle et elle est attribuée au botaniste Michael Tswett et qui est également attribué à lui l'invention des termes « chromatographie » et « chromatogramme ». La technique s'est considérablement améliorée depuis sa première exploitation. De nos jours, les techniques chromatographiques sont pilotées par des logiciels informatiques, qui utilisent des colonnes miniatures très efficaces capables de 5 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES séparer des nano-quantités d'échantillon. Ces instruments comprennent une gamme complète d'accessoires conçus pour assurer la reproductibilité des expériences successives par la maîtrise parfaite de différents paramètres de séparation. Ainsi, il est possible d'obtenir, lors des analyses successives de même échantillon réalisées en quelques heures, des enregistrements reproductibles à la seconde près (figure 1.3). L'enregistrement essentiel obtenu pour chaque séparation est appelé « chromatogramme ». Il correspond à un diagramme en deux dimensions tracé sur un papier graphique ou un écran qui révèle les variations de composition de la phase mobile éluante à sa sortie de la colonne. Pour obtenir ce document, un capteur doit être placé en sortie de colonne. Le signal du détecteur apparaît en ordonnée du chromatogramme tandis que le temps ou alternativement le volume d'élution apparaît en abscisse. L'identification d'un composé moléculaire uniquement par son temps de rétention n’est pas complètement suffisante. Une meilleure méthode consiste à associer deux méthodes complémentaires différentes, par exemple, un chromatographe et un deuxième instrument, tel qu'un spectromètre de masse ou un spectromètre infrarouge. Ces techniques couplées permettent la collation indépendante de deux types d'informations différents qui sont indépendants (le moment de la migration et « le spectre »). Ainsi, il est possible de déterminer sans ambiguïté la composition et la concentration de mélanges complexes dans lesquels la concentration en composés peut être de l'ordre du nanogramme. 6 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.3 : Le principe de l'analyse par chromatographie. Le chromatogramme ; graphe essentiel de toute analyse chromatographique, décrit le passage des composants. Il est obtenu à partir des variations, en fonction du temps, d'un signal électrique émis par le détecteur. Il est souvent reconstruit à partir de valeurs numérisées et stockées sur un micro-ordinateur pour être reproduites dans un format adapté à l'imprimante. Dans ce cas, le chromatogramme illustrant la séparation d'un mélange d'au moins trois composants principaux. A noter que l'ordre d'apparition des composés correspond à la position relative de chaque constituant sur la colonne. 1.2. Le chromatogramme Le chromatogramme représente la variation, avec le temps (rarement le volume), de la quantité d'analyte dans la phase mobile sortant de la colonne chromatographique. C'est une courbe qui a une ligne de base correspondant à la trace obtenue en l'absence d'élution d'un composé. La séparation est terminée lorsque le chromatogramme montre un nombre de pics chromatographiques correspond au nombre de composants dans le mélange à analyser (Figure 1.4). Un constituant est caractérisé par son temps de rétention tR, qui représente le temps écoulé depuis l'introduction de l'échantillon jusqu'à la détection du pic maximum sur le chromatogramme. Dans le cas idéal, tR est indépendant de la quantité injectée. 7 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.4 : Pic chromatographique Un constituant qui n'est pas retenu sera élué hors de la colonne au temps tM, appelé temps mort (ancienne désignation : t0). C'est le temps nécessaire à la phase mobile pour traverser la colonne. La différence entre le temps de rétention et le temps mort est désignée par le temps de rétention réduit du composé, tR’. Si le signal envoyé par le capteur varie linéairement avec la concentration d'un composé, alors la même variation se produira pour la zone sous le pic correspondant sur le chromatogramme. Il s'agit d'une condition de base pour effectuer une analyse quantitative à partir d'un chromatogramme. 1.3. Pics d'élution de forme gaussienne Sur un chromatogramme, le pic d'élution parfait a la même forme que la représentation graphique de la loi de distribution normale des erreurs aléatoires (courbe de Gauss : Figure1.4, Section b). Conformément à la notation classique, µ correspondrait au temps de rétention du pic d'élution tandis que σ à l'écart type du pic (σ2 représente la variance). Y représente le signal en fonction du temps x, issu du détecteur situé en sortie de colonne (Figure 1.4). C'est pourquoi les pics d'élution idéaux sont généralement décrits par la fonction de densité de probabilité. 8 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Y=. √ Y=. √ Cette fonction est caractérisée par une courbe symétrique (maximum pour x = µ) possédant deux points d'inflexion en x=+σ/−σ (figure 1.5). La largeur de la courbe aux points d'inflexion est égale à 2σ. En chromatographie, w1/2 représente la largeur du pic à mi-hauteur. La largeur du pic « à la base » est définie par w. Les pics chromatographiques réels s'écartent souvent de manière significative de l'aspect idéal gaussien. Il y a plusieurs raisons à cela. En particulier, il existe des irrégularités de concentration dans la zone d'injection, en tête de colonne. De plus, la vitesse de la phase mobile est nulle à la paroi de la colonne et maximale au centre de la colonne. Figure 1.5 Courbe de densité de probabilité de la fonction gaussienne 1.4. Théorie des plateaux Depuis un demi-siècle, différentes théories ont été proposées pour modéliser la chromatographie et expliquer la migration et la séparation des analytes dans la 9 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES colonne. Les plus connues sont celles utilisant une approche statistique (théorie stochastique). Pour expliquer le mécanisme de migration et de séparation des composés sur la colonne, le modèle le plus ancien, connu sous le nom de modèle théorique des plateaux de Craig, qui est une approche statique aujourd'hui jugée obsolète, mais il offrait autrefois une description simple de la séparation des constituants. Bien que la chromatographie soit un phénomène dynamique, le modèle de Craig considère que chaque soluté se déplace progressivement le long d'une séquence d'étapes statiques distinctes. En chromatographie liquide-solide, ce processus élémentaire est représenté par un cycle d'adsorption/désorption. La continuité de ces étapes reproduit la migration des composés sur la colonne, sachant que chaque étape correspond à un nouvel état d'équilibre pour l'ensemble de la colonne. Ces équilibres successifs constituent la base de la théorie des plateaux, selon laquelle une colonne de longueur L est découpée horizontalement en N petits disques fictifs en forme de plateaux de même hauteur H et numérotés de 1 à n. Pour chacun d'eux, la concentration du soluté dans la phase mobile est en équilibre avec la concentration de ce soluté dans la phase stationnaire. A chaque nouvel équilibre, le soluté a progressé dans la colonne sur une distance d'un disque (ou plateau). La hauteur équivalente à un plateau théorique (HETP ou H) sera donnée par l'équation suivante : = 10 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES 1.5. Coefficient de partage de Nernst (K) Le paramètre physico-chimique fondamental de la chromatographie est la constante d'équilibre K, appelée coefficient de partage, quantifiant le rapport des concentrations de chaque composé au sein des deux phases. ! " # ! $% & #% é () & & ! ! K= = ! " # ! $% & #% é () & " *!# Les valeurs de K sont très variables puisqu'elles peuvent être grandes (par exemple 1000), lorsque la phase mobile est un gaz ou petites lorsque les deux phases sont à l'état condensé. Chaque composé n'occupe qu'un espace limité sur la colonne, avec une concentration variable à chaque endroit, donc les vraies valeurs de CM et CS varient dans la colonne, mais leur rapport est constant. 1.6. Paramètres de rétention Les temps ou volumes de rétention sont utilisés en chromatographie pour différents objectifs, notamment pour accéder au facteur de rétention k et les paramètres thermodynamiques. Seules les expressions de base sont données ci- dessous. 1.6.1. Temps de rétention La définition des temps de rétention, temps mort (tM), temps de rétention (tR) et temps de rétention réduit (tR’) ont été données précédemment (paragraphe 1.2). 1.6.2. Volume de rétention (ou volume d'élution) VR Le volume de rétention VR d'un analyte représente le volume de la phase mobile nécessaire pour permettre sa migration dans toute la colonne depuis l'instant d'entrée jusqu'à sa sortie. Pour estimer ce volume, différentes méthodes (directes ou indirectes) peuvent être utilisées, qui dépendent de l'état physique de la phase mobile. Sur un chromatogramme standard avec le temps en abscisse, VR est calculé à partir de l'expression suivante, supposant que le débit F est constant. 11 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES +, = -,.. 1.6.3. Volume mort VM Le volume de la phase mobile dans la colonne (appelé volume mort) correspond au volume interstitiel accessible. Il est souvent calculé à partir du chromatogramme, à condition qu'un soluté non retenu par la phase stationnaire soit présent. Le volume mort VM se déduit de tM et du débit F : +/ = -/.. Parfois, dans le cas le plus simple, le volume de la phase stationnaire désigné par VS peut être calculé en soustrayant le volume mort VM du volume interne total de la colonne vide. 1.6.4. Facteur de rétention (ou de capacité) k Lorsqu'un composé de masse totale mT est introduit sur la colonne, il se sépare en deux quantités : mM : la masse en phase mobile et mS : la masse en phase stationnaire. Lors de la migration du soluté dans la colonne, ces deux quantités restent constantes. Leur rapport appelé facteur de rétention k, il est constant et indépendant de mT : 12 32 +2 +2 0= =. = 4. 1/ 3/ +/ +/ Le facteur de rétention, également appelé facteur de capacité k, est un paramètre très important en chromatographie pour définir les performances des colonnes. Bien qu'il ne varie pas avec le débit ou la longueur de la colonne, k n'est pas une constante car il dépend des conditions expérimentales. 1.7. Facteur de séparation (ou de sélectivité) entre deux solutés Le facteur de séparation permet la comparaison de deux pics adjacents 1 et 2 présents dans le même chromatogramme (Figure 1.6). L'espèce 1 élue plus 12 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES rapidement que l'espèce 2. L'équation suivante permet de calculer le facteur de 7 séparation α : α= 6 7 68 Figure 1.6 Facteur de séparation entre deux composés 1.8. Facteur de résolution entre deux pics Pour quantifier la séparation entre deux composés, une autre mesure est fournie par le facteur de résolution R. Contrairement au facteur de séparation qui ne prend pas en compte les largeurs de pic, l'expression suivante est utilisée pour calculer R entre deux composés 1 et 2 (Figure 1.7) : -, ; -, 9=2 < =< D'après la figure 1.10, il est clairement remarquable que la longueur de la colonne conduit à l'obtention des chromatogrammes de résolutions plus grandes. 13 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.7 Facteur de résolution R Figure 1.8 Effet de la longueur de colonne sur la résolution 1.9. Optimisation d'une analyse chromatographique La chromatographie analytique est essentiellement utilisée en analyse quantitative. Pour y parvenir efficacement, les zones sous les pics doivent être déterminées avec précision, ce qui nécessite à son tour l'analyse d'analytes bien séparés. Une certaine expérience en chromatographie est requise lorsque l'analyse 14 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES doit être optimisée, en utilisant toutes les ressources disponibles en termes d'appareils et de logiciels, qui prouvent simuler les résultats des modifications de température, de phases et d'autres paramètres physiques. En chromatographie en phase gazeuse, les séparations peuvent être si complexes pour déterminer à l'avance si la température doit être augmentée ou diminuée. Le choix de la colonne, sa longueur, son diamètre, la composition de la phase stationnaire et le rapport de phases (VM/VS) ainsi que les paramètres de séparation (température et débit), font partie des facteurs qui interagissent entre eux. La résolution et le temps d'élution sont les deux variables les plus importantes à considérer. Dans toutes les optimisations, le but est d'obtenir une séparation suffisamment complète des composés d'intérêt en un minimum de temps, sans toutefois oublier qu'il faudra du temps pour réajuster la colonne aux conditions initiales pour être prête pour la prochaine analyse. La chromatographie correspond en effet à une analyse de type lent. Si la résolution est très bonne alors l'optimisation consiste à gagner du temps dans l'analyse. Cela peut se faire par le choix d'une colonne plus courte. 1.10. Classification des techniques chromatographiques Les techniques chromatographiques peuvent être classées selon différents critères : en fonction de la nature physique des phases ; du procédé utilisé ; soit par les phénomènes physico-chimiques donnant lieu au coefficient de distribution de Nernst K. La classification suivante a été établie en tenant compte de la nature physique des deux phases impliquées. 15 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES 1.10.1. Chromatographie en phase liquide (CL) Dans ce type de chromatographie, la phase mobile est un liquide, appartient à la plus ancienne forme connue des méthodes préparatives de séparation. Cette large catégorie peut être subdivisée en fonction du phénomène de rétention. Chromatographie liquide/solide (ou chromatographie d'adsorption) La phase stationnaire est un milieu solide auquel les espèces adhèrent par le double effet de la physisorption et de la chimisorption. Le paramètre physico- chimique mis en jeu ici est le coefficient d'adsorption. Les phases stationnaires ont beaucoup progressé depuis l'époque de Tswett, qui utilisait du carbonate de calcium ou de l'inuline (un polymère de sucre ordinaire en poudre très fine). Chromatographie ionique (CI) Dans cette technique, la phase mobile est une solution tamponnée tandis que la phase stationnaire solide a une surface composée de sites ioniques. Ces phases permettent l'échange de leur contre-ion mobile avec des ions de même charge présents dans l'échantillon. Ce type de séparation repose sur des coefficients de distribution ionique. Chromatographie par perméation de gel (CPG) La phase stationnaire est un matériau contenant des pores dont les dimensions sont choisies en fonction de la taille des espèces à séparer. Ce procédé utilise donc une forme de perméabilité sélective au niveau moléculaire d'où son nom, filtration sur gel ou perméation sur gel selon la nature de la phase mobile, qui est soit aqueuse, soit organique. Pour cette technique, le coefficient de distribution est appelé coefficient de diffusion. 16 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Chromatographie liquide/liquide (ou chromatographie de partage, CLL) La phase stationnaire est un liquide immobilisé sur un matériau inerte et poreux, qui n'a qu'un rôle mécanique de support. L'imprégnation -la plus ancienne procédure d'immobilisation d'un liquide sur un matériau poreux- est une méthode aujourd'hui abandonnée en raison du risque élevé de lessivage de la colonne, que l'on appelle le ressuage. 1.10.2. Chromatographie en phase gazeuse (CG) Dans ce type de chromatographie, la phase mobile est un gaz inerte. Sa forme peut être subdivisée selon la nature des composants de la phase : Chromatographie gaz/liquide (CGL) Comme indiqué ci-dessus la phase mobile est un gaz et la phase stationnaire est un liquide immobilisé. L'échantillon gazeux doit être amené à son état de vapeur. En 1941, Martin et Synge ont proposé le remplacement de la phase mobile liquide par un gaz afin d'améliorer les séparations. De cette époque vient les véritables débuts du développement de la chromatographie analytique. Ici encore c'est le coefficient de partage K qui est impliqué. Chromatographie gaz/solide (CGS) La phase stationnaire est un solide poreux (comme le graphite, le gel de silice ou l'alumine) tandis que la phase mobile est un gaz. Ce type de chromatographie en phase gazeuse est très efficace pour les analyses de mélanges gazeux ou de composés à bas point d'ébullition. Le paramètre concerné est le coefficient d'adsorption. 17 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Chromatographie en phase supercritique (CPS ou CFS) La phase mobile est un fluide dans son état supercritique, tel que le dioxyde de carbone à environ 50 °C et à plus de 150 bars (15 MPa). La phase stationnaire peut être un liquide ou un solide. Cette technique combine les avantages de celles de chromatographie liquide/liquide et gaz/liquide. 18 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES 2. Chromatographie en phase liquide à haute performance (HPLC) De toutes les techniques chromatographiques dont la phase mobile est un liquide, la chromatographie liquide à haute performance (HPLC) est peut-être la plus connue. Son champ d'applications recouvre une large partie de la chromatographie en phase gazeuse, à laquelle s'ajoutent les analyses de nombreux composés thermolabiles, ou très polaires ou de haut poids moléculaire. Son succès tient également à la possibilité d'agir de manière très précise sur la sélectivité entre composés par un choix approprié de colonnes et de composition d'éluant, en exploitant les interactions soluté/phase. Bien que l'efficacité des colonnes HPLC soit inférieure à celles utilisées pour la chromatographie en phase gazeuse, de nouvelles phases stationnaires pouvant fonctionner selon plusieurs modes tels que l'appariement d'ions ou l'augmentation des interactions hydrophobes, révèlent d'autres possibilités de l'HPLC. Enfin, la miniaturisation de la technique (nanochromatographie) a facilité son association de travail avec la spectrométrie de masse. 2.1. Début de l’HPLC Chromatographie liquide à haute performance -souvent appelée par son abréviation HPLC- constitue une technique analytique à usage général dérivée de la forme la plus ancienne de chromatographie liquide préparative. La technique moderne est grandement améliorée en termes de sélectivité et de résolution grâce à la miniaturisation et à l'utilisation de phases stationnaires très élaborées. Ces phases comprennent des microparticules sphériques d'un diamètre de 2 à 5 µm, ou un matériau monolithique poreux qui entraîne une perte de charge importante sur la colonne. Une pression importante doit être exercée sur la phase mobile pour obtenir un écoulement continu. En repérant cette particularité, la lettre P de l'abréviation a longtemps correspondu au mot pression. 19 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES La migration forcée d'une phase liquide en contact continu avec une phase stationnaire se rencontre dans plusieurs techniques chromatographiques. Un des aspects particuliers à l’HPLC est celui des mécanismes de partition entre l’analyte, la phase mobile et la phase stationnaire. Ils sont basés sur des coefficients d'adsorption ou de partage. 2.2. Concept général de l’HPLC Une installation HPLC est composée de plusieurs unités spécialisées qui peuvent être trouvées en tant qu'entités distinctes ou être intégrées dans un cadre commun, généralement pour des raisons d'entrave (Figure 1.9). Un système de tubulure de très petit diamètre interne (0,1 mm) assure la circulation de la phase mobile entre les unités. Ces tubes de transfert sont en acier inoxydable ou en PEEK® (Polyétheréthercétone), un polymère coloré et souple, capable de résister aux solvants courants sous haute pression (jusqu'à 350 bars). Figure 1.9 Schéma simplifié des composants de l’HPLC Les faibles débits obéissent à la loi de Poiseuille. La vitesse maximale de la phase mobile se trouve au centre du tube alors qu'au contact de la paroi elle est nulle. Ceci produit une dispersion inévitable des composés. Pour améliorer les 20 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES séparations, le volume de la phase mobile à l'extérieur de la colonne est maintenu aussi bas que possible (10 % du volume mort de la colonne). 2.3. Pompes et gradient d'élution 2.3.1. Pompes Tous les systèmes HPLC comportent au moins une pompe pour forcer la phase mobile à traverser la colonne dont le garnissage est assez compact. Il en résulte une augmentation de pression à l'injecteur qui peut atteindre 20 000 kPa (200 bars) selon le débit imposé sur la phase mobile, la viscosité et la taille des particules de la phase stationnaire. Les pompes sont conçues pour maintenir le débit stable, en évitant les pulsations même lorsque la composition de la phase mobile varie. En général, Ces pompes doseuses de débit contiennent deux pistons en série, travaillant en opposition, pour éviter les interruptions de débit (figure 1.10). Figure 1.10 Schéma de la pompe alternative à double tête La façon la plus simplifiée d'expliquer le cycle de fonctionnement -sans tenir compte de la compressibilité des solvants- est comme suit : A partir du moment où le clapet de sortie du cylindre A se ferme et le clapet d'entrée s'ouvre, le piston en A, en reculant, aspire l'éluant à travers le clapet anti-retour d'entrée et la chambre se 21 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES remplit. Pendant ce temps le cylindre B est ouvert et son piston avance pour forcer la phase mobile vers l'injecteur et la colonne. Le volume déplacé par le piston B est la moitié de celui disponible dans la chambre du piston A. La chambre A étant pleine, la vanne d'entrée de A se ferme et la vanne de sortie correspondante s'ouvre. Le piston A avance maintenant et pousse le contenu de la chambre. Dans le schéma aussi, un graphique montrant les variations du débit avec le temps en fonction du mouvement des pistons. La présence d'une quantité non négligeable de gaz ambiants (N2, O2, CO2), dissous dans les solvants, peut perturber les séparations par modification de la compressibilité des phases mobiles ce qui conduit à la formation éventuelle de bulles. En particulier, l'oxygène peut interférer sur la durée de vie de la colonne tout en gênant le fonctionnement des détecteurs UV. Les solvants sont donc dégazés soit par ultrasons, bullage rapide d'hélium, soit par diffusion pour laquelle ils passent le long d'un tube polymérique de petit diamètre, perméable aux gaz, fonctionnant comme une membrane. Il est évident que ces pompes délivrent une série d'impulsions de la phase mobile. Le perfectionnement de la régulation du débit est obtenu par l'insertion d'un amortisseur de pression entre les pompes et l'injecteur. Plusieurs techniques ont été développées pour y parvenir. La technique mécanique la plus simple consiste à insérer entre la pompe et l'injecteur un gros serpentin de tube à alésage étroit, de plusieurs mètres de long. Sous l'influence d'une vague de solvant, le tube se déroule en augmentant légèrement son volume interne et en compensant la variation de pression. Le type d'amortisseur le plus courant est un amortisseur à membrane (figure 1.10), ayant généralement un volume d'environ 0,5 ml. La partie fermée est remplie d'heptane. La compressibilité de ce liquide est suffisante pour compenser les pulsations de la pompe à double piston avec un volume de piston d'environ 100 µL. 22 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Selon la conception, un instrument HPLC contient généralement deux pistons entraînés par le même moteur via une came excentrique commune ; cela permet à un piston de pomper pendant que l'autre se remplit (Figure 1.10). Ces pompes sont associées à une chambre de mélange et sont situées soit juste avant, soit immédiatement après. Ils sont capables de délivrer un éluant de composition fixe (mode isocratique), ou variable pour créer un gradient d'élution. Pour le second cas, le système doit compenser les différences de compressibilité du solvant afin que la composition imposée soit respectée. 2.3.2. Gradients de basse et haute pression Si la composition de la phase mobile doit varier dans le temps, comme dans une élution par gradient (une élution au cours de laquelle la composition de la phase mobile est modifiée au cours du processus d'élution, qui permet de séparer les constituants d'un mélange dont les temps de rétention sont très proches), alors plusieurs solvants sont nécessaires, et pour atteindre la composition souhaitée à une pression donnée, l'instrument doit compenser les différences de compressibilité du solvant. Lorsque le système contient une seule pompe, il doit être précédé d'une chambre de mélange à basse pression dans laquelle des vannes activées électroniquement permettent d'alimenter les solvants à une composition programmée. Alternativement, dans l'agencement haute pression, les installations contiennent plus d'une pompe, en fonction du nombre de solvants. La composition finale est obtenue avec une poignée en forme de T situé après la pompe mais avant la colonne (Figure 1.11). Lorsque plusieurs analyses sont à faire successivement, il faut éviter d'utiliser l'élution en gradient, en recherchant un compromis pratique au moyen d'un seul éluant de composition fixe. Ceci réduit le temps nécessaire après chaque analyse, car le rééquilibrage des deux phases à leur composition initiale -après une élution en 23 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES gradient- nécessite le passage d'un volume d'au moins dix fois le volume mort de la phase mobile. Figure 1.11 Schéma d'un système de mélange à haute pression (à deux pompes). Les pompes sont installées en mode binaire, ternaire ou quaternaire selon le nombre de solvants pouvant être mélangés entre eux (ici binaire) 2.4. Injecteurs En HPLC, l'injection d'un volume précis de l’échantillon en tête de colonne doit se faire le plus rapidement possible, afin de perturber le moins possible le régime dynamique de la phase mobile dont l'écoulement doit être stable de la colonne au détecteur. Ceci est réalisé par une vanne spéciale à haute pression, manuelle ou motorisée, possédant plusieurs voies d'écoulement, qui est située juste avant la colonne (Figure 1.12). Ce doit être un composant de précision capable de résister à des pressions supérieures à 30 000 kPa. La vanne fonctionne dans deux positions : - En position de charge, seule la communication entre la pompe et la colonne est assurée (Figure 1.13). L'échantillon contenu dans une solution est introduit à pression atmosphérique à l'aide d'une seringue dans une petite section courbée tubulaire nommée boucle. Chaque boucle a un petit volume défini. Ils sont soit intégrés dans le rotor de la vanne, soit connectés à l'extérieur du boîtier de la vanne. - En position d'injection, l'échantillon (qui est dans la boucle) est inséré dans le flux de la phase mobile par la rotation de 60° d'une partie de la vanne, reliant ainsi la 24 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES boucle d'échantillon à la circulation de la phase mobile. Des injections hautement reproductibles ne sont obtenues que si la boucle a été complètement remplie avec l'échantillon. Figure 1.12 A gauche, vue arrière d'une vanne d'injection (vanne présentant 6 entrées/sorties avec une boucle attachée) ; A droite, un assortiment de boucles de différents volumes Figure 1.13 Les deux étapes de l’injection. (a) Chargement de la boucle ; (b) Injection sur la colonne 2.5. Colonnes La colonne est un tube droit calibré en acier inoxydable qui mesure entre 3 et 15 cm de longueur et dont la paroi intérieure est parfois revêtue d'un matériau inerte tel que le verre ou le PEEK®. La phase stationnaire est maintenue dans la colonne entre deux disques poreux situés à chacune des extrémités (Figure 1.14). Le diamètre interne de la colonne, longtemps standardisé à 4,6 mm (nécessitant un débit de phase mobile compris entre 0,5 et 2 mL/min) est désormais plus étroit. Un large choix de colonnes existe désormais avec des noms tels que : narrow-bore (2–4 25 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES mm ID), microbore (1–2 mm), packed cappillaries < 1 mm, pour lesquels le débit descend à quelques µL/min et donc il nécessite des pompes et des détecteurs spéciaux. Ces colonnes étroites non seulement réduisent considérablement la quantité de phase mobile - quelques gouttes sont suffisantes pour éluer tous les composés -, mais améliorent également la résolution en diminuant la diffusion à l'intérieur de la colonne. Ils ont également une plus grande sensibilité et permettent aussi le couplage HPLC-MS. Afin de prolonger la durée de vie de la colonne, elle est souvent précédée d'une précolonne ou colonne de garde, courte (0,4 à 1 cm), et garnie de la même phase stationnaire que la colonne analytique (Figure 1.14). Cette précolonne, qui retient les composés de Rf = 0, est périodiquement modifiée. Il est également recommandé, avant l'analyse, de faire passer les solutions des échantillons à travers un filtre dont la taille des pores est inférieure à 0,5 µm. L'influence de la température sur la qualité de la séparation a été longtemps négligée. Désormais, les instruments HPLC sont équipés de colonnes (et donc d'éluants) dont la température est thermostatée. Cela améliore la reproductibilité des analyses et offre un paramètre supplémentaire de séparation à prendre en compte. Figure 1.14 Colonne standard et colonne de garde pour HPLC 26 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES 2.6. Phases stationnaires La phase stationnaire (SP) en contact avec la phase mobile (MP) est le deuxième milieu avec lequel les composés initialement dissous dans la phase mobile vont interagir. Sur la colonne il y aura autant d'associations particulières des trois constituants [MP/compound/SP] qu'il y a d'analytes dans l'échantillon. De nombreux matériaux organiques et inorganiques ont été testés pour être utilisés comme garnissage de colonnes. 2.6.1. Le gel de silice, le matériau majeur pour les phases actuelles Pour la majorité des applications, le gel de silice représente toujours le matériau de base utilisé pour emballer les colonnes HPLC. Il s'agit d'un solide rigide amorphe ayant une formule chimique SiO2(H2O)n (où n est très proche de 0), bien différente de la silice cristalline naturelle SiO2, qui n'en est qu'un lointain précurseur. Le gel de silice se présente sous forme de particules sphériques, parfois poreuses, d'un diamètre compris entre 2 et 5 µm. Ceci assure un garnissage compact et homogène de la colonne qui permet une circulation régulière de la phase mobile sans formation de voies préférentielles dans la colonne (Figure 1.15). Il est préparé dans des conditions d'hydrolyse contrôlée, par une polymérisation sol-gel d'un alcoxysilicate (par exemple le tétraéthoxysilane) sous forme d'émulsion, sous l'effet d'une hydrolyse catalysée par une base. Initialement, il se forme de petites particules de 0,2 µm, qui croissent de façon régulière par divers procédés pour former des sphères atteignant quelques micromètres de diamètre. - Récemment, un nouveau type de colonne est apparu. Nommé monolithique, il est garni d'un gel de silice poreux qui s'unit pour former une seule entité (Figure 1.15). Ce matériau est plus perméable aux solvants que les phases stationnaires de type billes traditionnelles, il conserve un rendement élevé même pour des débits 27 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES rapides de la phase mobile. Ces colonnes -désormais entièrement reproductibles- ont des performances équivalentes aux colonnes garnies. Le gel de silice est un matériau très polaire correspondant à un réseau tridimensionnel. Bien qu'il ne possède pas la structure bien ordonnée de la silice cristalline, il maintient l'arrangement tétraédrique de quatre liaisons autour de l'atome de silicium. Il s'agit d'un polymère inorganique réticulé (Figure 1.15) contenant un nombre variable de groupes silanol, qui ont résisté à la calcination finale. Ces groupes silanol sont responsables de l'effet catalytique acide de ce matériau car Si-OH a un pKa de 10, comparable à celui du phénol. Pour mesurer la concentration en groupes silanol, la résonance magnétique nucléaire à l'état solide (RMN 29Si) peut être utilisée, ou bien, de manière indirecte, en quantifiant la teneur en carbone des phases liées de manière covalente. Les caractéristiques de gel de silice dépendent de plusieurs paramètres, parmi lesquels : la structure interne, la taille des particules, la porosité (dimension et répartition des pores), la surface spécifique, la résistance à l'écrasement et la polarité. Les gels de silice courants utilisés en HPLC contiennent environ cinq groupes silanol par µm2. La surface spécifique est de l'ordre de 350 m2/g. Ils peuvent être non poreux ou poreux (taille des pores de l'ordre de 10 nm). Le volume de la phase mobile sur la colonne varie de 30 à 70 % du volume total de la colonne. On est loin des phases utilisées au début du siècle dernier par Tswett, qui étaient de la poussière de craie ou du sucre en poudre. 28 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.15 Gel de silice pour chromatographie. (a) Diagramme moléculaire présentant la structure 3D d'un gel de silice. (b) Particule poreuse. (c) Particule non poreuse utilisée pour des séparations rapides. (d) Images au microscope électronique de particules de gel de silice. (e) Gel de silice monolithique. (f) Préparation de grains sphériques de gel de silice via un sol-gel. - La préparation du gel de silice sous forme de grains irréguliers, utilisé en chromatographie préparative, se déroule de manière différente. Tout d'abord, il se forme de l'acide orthosilicique qui comprend le composé instable [Si(OH)4], par acidification à l'aide de silicate de sodium [Na2SiO3] (ancien nom de « pebble liquor » ou « water-glass ») obtenu à partir de sables purifiés définis par fusion alcaline. Cet acide orthosilicique instable se dimérise d'abord puis se polycondense progressivement en particules colloïdales à surface hydroxylée. Par agrégation, on obtient un hydrogel de silice gélatineuse dont la calcination donne des grains denses de gel de silice (xérogel). Certaines des réactions mises en jeu ici sont similaires à celles que l'on rencontre pour la préparation des phases solides microsphériques utilisées pour la chromatographie analytique. 29 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Le mode d'action du gel de silice est fondé sur l'adsorption (Figure 1.16), phénomène qui conduit à l'accumulation d'un composé à l'interface entre les phases stationnaire et mobile. Dans des cas plus simples, une monocouche se forme (appelée isotherme de Langmuir), bien que souvent une attraction et une interaction se produisent entre les molécules déjà adsorbées et celles encore en solution. Ceci contribue à l'asymétrie des pics d'élution. D'autres théories expliquent le phénomène de séparation par un simple ralentissement (en continu), à l'interface MP/SP qui est différente pour chaque analyte. >?@ = A@ → A >?@C = @ DE F G D F D F A >?@C HIIJ K>? @ LM HIIJ K @ C >?@>? @ CM HIIIJ >?@. @ N Acide orthosilicique 1 Acide orthosilicique 2 Gel de silice 2.6.2. Silice greffée Bien que possédant une grande capacité d'adsorption, le gel de silice dans son état le plus simple -tel que décrit précédemment- est de moins en moins utilisé pour l'analyse car ses qualités évoluent avec le temps, d'où un manque de reproductibilité des séparations. Pour de nombreuses applications, il doit être au moins réhydraté (3 à 8 pour cent d'eau) afin d'être désactivé. Pour remédier à cette situation et réduire la polarité souvent excessive du gel, les groupements silanol sont exploités afin de fournir des sites de liaison covalente pour les molécules organiques. Le gel de silice greffé, ainsi modifié, se comporte comme un liquide dans la mesure où le mécanisme de séparation dépend désormais du coefficient de partage au lieu du coefficient d'adsorption. Ces phases liées de manière covalente dont la polarité peut être facilement ajustée constituent les bases de la chromatographie de partage à polarité en phase inversée ou RP-HPLC, utilisée dans la majorité des séparations HPLC. Deux types de synthèses conduisent à des surfaces collées monomériques ou polymériques : 30 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.16 Schéma des monomères et polymères organiques greffés à la surface du gel de silice - Phases monomères (10-15 µm d'épaisseur) : elles sont obtenues par réaction d'un alkyl-monochlorosilane en présence d'un agent alcalin avec des groupements silanol de surface (Figure 1.16). Le RP-8 (diméthyloctylsilane) ou le RP-18 (groupes diméthyloctadécylsilane) sont ainsi préparés. Cependant, une partie des groupements Si-OH reste intacte et peut être à l'origine d'interactions polaires perturbatrices. Une réaction plus complète est obtenue avec d'autres réactifs silyles tels que le chlorotriméthylsilane ClSiMe3 ou l'hexaméthyldisilazane Me3SiNHSiMe3. Les sites qui restent non transformés sont généralement aussi inaccessibles aux réactifs qu'aux analytes. - Phases polymères (25 µm ou plus d'épaisseur) : On utilise ici un di- ou trichlorosilane en présence de vapeur d'eau qui provoque une polymérisation du réactif en solution avant dépôt et collage avec la silice. Une couche de polymère réticulé est obtenue. A l'échelle moléculaire, la 31 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES charpente finale du revêtement est difficile à imaginer : elle est mono ou multicouche. 2.6.3. Autres phases stationnaires de polarité variable Les gels de silice discutés précédemment contiennent des chaînes alkyles liées de 8 à 18 atomes de carbone. Ils sont polyvalents et donc très utiles. Or, pour améliorer la séparation de certaines classes de composés, la tendance est maintenant d'utiliser l'une des phases stationnaires spécifiques. Des chaînes linéaires sont liées à la silice portant des groupements aminopropyle, cyanopropyle, benzyle ou des ligands dipolaires qui confèrent une polarité intermédiaire à la phase stationnaire. Une amélioration est notée dans la séparation de très petites molécules polaires qui nécessitent des phases mobiles riches en eau. Par exemple, les sucres, les peptides et autres composés hydrophiles deviennent séparables dans ces conditions. Pour ces phases stationnaires modifiées, le gel de silice sert comme un support. 2.7. Phases mobiles Le degré d'interaction entre la phase mobile et la phase stationnaire, qu'elle soit normale ou inversée, affecte le temps de rétention des analytes. En principe, la polarité de la phase stationnaire peut conduire aux situations suivantes : - Si la phase stationnaire est polaire et la phase mobile est moins polaire, alors la technique est dite chromatographie en phase normale. - Si la phase stationnaire est apolaire, ou seulement faiblement polaire, alors la technique est appelée chromatographie en phase inversée (RP-HPLC) ou chromatographie sur phase hydrophobe. Une phase mobile polaire est choisie (le plus souvent de l'eau avec un solvant modificateur tel que le méthanol ou l'acétonitrile). En changeant la composition de la phase mobile et donc sa polarité, cela affecte les coefficients de partage K donc 32 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES les facteurs de rétention k des analytes (Figure 1.17). La principale difficulté pour le chromatographe est de faire le meilleur choix de la phase mobile en fonction des composés à séparer (Tableau 1.1). Figure 1.17 Relation entre la polarité et les temps d'élution pour la chromatographie en phase normale et inversée Les phases de silice greffées conduisent en général à une grande perte de polarité. Avec une phase de ce type, dont la fonctionnalité de surface ressemble à une couche de paraffine, l'ordre d'élution sera l'inverse de celui rencontré avec les phases normales. Avec un éluant polaire, un composé polaire migre plus rapidement qu'un composé apolaire. Dans ces conditions, les hydrocarbures sont fortement retenus. Cependant, les composés polaires eux-mêmes sont assez difficiles à séparer. Pour résoudre ce problème, il faut utiliser un gradient d'élution en diminuant progressivement la concentration en eau (polaire) au profit du solvant modificateur choisi (moins polaire). Par exemple, l'élution débute avec un mélange 80/20 pour cent eau/acétonitrile et se termine par la composition 40/60 pour cent pour eau/acétonitrile. C'est le domaine de la chromatographie d'interaction hydrophile. 33 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Tableau 1.1 Différents solvants utilisés en chromatographie en phase normale et phase inversée. Phase normale Phase inversée (classique) Non polaire Polaire Exemples : Exemples : Phase stationnaire - Silice greffée par une chaîne - C2H4CN alkyle - C3H6NH2 - C3H6N(CH3)2 - Diol Polaire Non polaire Exemples : Exemples : - Eau - n-hexane Phase mobile - Méthanol - Chloroforme - Acétonitrile - Ether - Tétrahydrofuranne 2.8. Détecteurs La chromatographie a rarement pour objet de déterminer la composition globale d'un échantillon, mais plutôt de mesurer la concentration d'un composé présent, pour laquelle il faut choisir un détecteur particulièrement bien adapté. Le détecteur universel n'est donc pas totalement indispensable pour l'analyse quantitative. Au contraire, cela peut même être un handicap conduisant à des chromatogrammes encombrés et indéchiffrables. Les aires relatives des pics d'un chromatogramme n'ont souvent rien à voir avec la composition molaire ou massique du mélange analysé. Cependant, le détecteur, quelle que soit sa nature, doit réunir un certain nombre de propriétés fondamentales. Il doit donner pour chaque composé d'intérêt, une réponse proportionnelle au débit massique instantané (indiqué par sa plage dynamique linéaire), être sensible, avoir une faible inertie, filtrer la plupart des bruits de fond et être stable dans le temps. Les méthodes de détection les plus utilisées sont basées sur les propriétés optiques des analytes : absorption, fluorescence et indice de réfraction. 34 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES 2.8.1. Détecteurs spectrophotométriques La détection est basée sur la loi de Beer-Lambert (A = Ɛλ.l.C). L'absorbance A de la phase mobile est mesurée en sortie de colonne, à une ou plusieurs longueurs d'onde du spectre UV ou visible (chapitre II). L'intensité de l'absorption dépend du coefficient d'absorption molaire de l'espèce détectée. Il est essentiel que la phase mobile soit transparente ou ne possède qu'une très faible absorption. L'aire d'un pic -sans tenir compte de ce paramètre spécifique- rend le calcul direct de la concentration impossible par un simple contrôle du chromatogramme. Les détecteurs spectrophotométriques sont des exemples de détection sélective. Pour les composés qui ne possèdent pas un spectre d'absorption significatif, il est possible d'effectuer une dérivatisation des analytes avant la détection. 2.8.2. Détecteurs de fluorescence Environ 10 pour cent des composés organiques sont fluorescents, en ce sens qu'ils ont la capacité de réémettre une partie de la lumière absorbée par la source d'excitation. L'intensité de cette fluorescence est proportionnelle à la concentration de l'analyte, tant que cette concentration est maintenue faible. L'application à la chromatographie en phase liquide a donné naissance à des détecteurs à fluorescence très sensibles et pour cette raison souvent utilisés pour l'analyse de traces. Malheureusement, la réponse n'est linéaire que sur une plage de concentration relativement limitée. Le domaine de ce détecteur sélectif, peut être étendu par l'application d'une procédure de dérivation pré- ou post-colonne pour rendre les substances d'intérêt détectables. Il existe un certain nombre de réactifs qui ont été développés spécifiquement pour synthétiser des dérivés fluorescents. Pour cette méthodologie, un distributeur automatique de réactifs est placé soit avant la colonne, soit entre la colonne et le détecteur pour effectuer une ou plusieurs 35 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES réactions sur les analytes de l'échantillon afin de les rendre fluorescents avant ou après injection. 2.8.3. Détecteurs de fluorescence Ce type de détecteur repose sur le principe de Fresnel de transmission lumineuse à travers un milieu transparent d'indice de réfraction n. Il est conçu pour mesurer en continu la différence d'indice de réfraction entre la phase mobile en amont et en aval de la colonne. Le détecteur d'indice de réfraction est l'un des détecteurs les moins sensibles. Elle est très affectée par les variations de température ambiante, de pression et de débit. La température du détecteur doit être réglée avec précision (à 0.001 °C) et la colonne doit être aussi thermostatée. Ce détecteur conduit à des pics à la fois positifs et négatifs, ce qui nécessite que la ligne de base soit fixée à mi-hauteur du graphique. De plus, ce détecteur ne peut être utilisé qu'en mode isocratique car en élution en gradient, la composition de la phase mobile évolue avec le temps, de même que son indice de réfraction. La compensation -facilement obtenue dans le cas d'une phase mobile de composition constante- n'est plus réalisable lorsque la composition de l'éluant en sortie de colonne diffère de celle en entrée. Par conséquent, il est souvent disposé en série avec d'autres détecteurs, en mode isocratique, pour donner un chromatogramme supplémentaire. 2.9. Evolution et applications de la HPLC Le succès de la méthode analytique en tandem HPLC-MS a permis à la chromatographie liquide de progresser vers la miniaturisation. En effet le problème principal pour un spectromètre de masse installé en sortie d'un chromatographe liquide est l'élimination de la phase mobile. Pour y faire face, soit la chromatographie liquide capillaire, soit la nano-chromatographie, deux améliorations de la technique 36 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES simplifient l'interfaçage d'un appareil à l'autre, et permettent de résoudre ce problème. L'adéquation des micro-colonnes à la HPLC a été révélée par l'amélioration des performances de séparation. Pourtant ce passage de la technique ne s'est pas effectué sans difficulté. Le micro-environnement nécessite de comprendre, des micro-débits de la phase mobile aux volumes de vide les plus faibles possibles, de la chambre de mélange des gradients au volume de la cellule de détection. Les micro- fuites des pompes conventionnelles sont à peu près de l'ordre des débits atteints en miniature. Un chromatographe personnalisé doit être utilisé ou un système conventionnel doit être adapté car la reproductibilité des gradients de débit est difficile à cette échelle. Un split contenant une seconde colonne garnie ou un long capillaire est généralement utilisé, qui agit comme un limiteur. Outre la réduction de l'échelle des quantités séparées, deux autres axes de progression sont à noter : 1. L'utilisation de phases stationnaires adaptées à des séparations particulières : sucres, HAP, amines, nucléotidese 2. Des études pour réduire le temps d'analyse tout en maintenant la qualité de résolution. Pour ce faire, on utilise des colonnes courtes avec des phases stationnaires formées soit de particules non poreuses de petit diamètre (3 µm ou moins), soit de réseaux poreux de gel de silice (colonne monolithique). Cela permet des débits plus rapides, puis des séparations plus rapides (Figure 1.18). Cette technique est le plus souvent utilisée dans les industries chimiques et dans des domaines tels que l'agroalimentaire, l'environnement, la pharmacie et la biochimie. 37 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.18 Chromatographie rapide. (a) Comparaison de deux chromatogrammes obtenus à partir du même mélange de composés. La colonne plus courte garnie de particules plus petites permet de gagner un temps appréciable pour des performances comparables. (b) Séparation de sept bloqueurs à l'aide d'une colonne courte et de petites particules. Les sept composés sont séparés en moins d'une minute. 3. Chromatographie d’exclusion stérique (CES) La chromatographie d’exclusion stérique (CES) est une méthode par laquelle les molécules peuvent être séparées selon leur taille en solution, se rapportant ainsi indirectement à leurs masses moléculaires. Pour ce faire, les phases stationnaires contiennent des pores à travers lesquels les composés sont capables de diffuser dans une certaine mesure. Bien que l'efficacité de séparation ne puisse jamais atteindre celle observée en HPLC, la CES est devenue un outil irremplaçable pour séparer les macromolécules naturelles afin d'étudier la distribution des masses de polymères synthétiques. Bien que la séparation des composés selon leurs tailles ne soit pas le procédé le plus efficace pour les petites et moyennes molécules, cette approche reste très utile dans l'industrie où les produits sont le plus souvent des 38 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES mélanges de composés de masses très différentes. L'instrumentation est comparable à celle utilisée en HPLC. Cette technique est désignée aussi par « Chromatographie par perméation de gel (CPG) ». 3.1. Principe de la CES La chromatographie d'exclusion stérique (CES) est basée sur la capacité des molécules de l'échantillon à pénétrer dans la structure très poreuse de type «bille» de la phase stationnaire. La séparation n'apparaît qu'en raison des différents degrés de pénétration. Les molécules de poids comparativement plus faible sont ralenties dans leur progression dans la colonne car elles peuvent entrer dans la phase mobile stagnante à l'intérieur des pores du garnissage (Figure 1.19). Cette méthode est appelée chromatographie par filtration sur gel (GFC) lorsque la phase stationnaire est hydrophile (la phase mobile étant aqueuse) et comme chromatographie par perméation de gel (GPC) lorsque la phase stationnaire est hydrophobe (la phase mobile étant un système non aqueux). Figure 1.19 Déplacement des molécules dans les diverses parties d'un gel Le comportement d'une molécule lors de son passage sur gel, peut être caractérisé par son volume d'élution (ou rétention) Ve. c'est le volume d'éluant qui est recueilli entre l'introduction de l'échantillon sur la colonne et son apparition dans l'effluent. 39 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES V0 est appelé le volume vide, il représente le volume de la phase mobile nécessaire pour transporter une grosse molécule supposée exclue des pores et VI est le volume accessible à une petite molécule qui peut pénétrer dans tous les pores du garnissage. L'expression générale qui donne le volume d'élution Ve est donc : + = +O = 4$ +! Où Kd est le coefficient de distribution, il représente une fraction volumique de pores disponibles pour des molécules d'une taille moléculaire donnée. Dans des conditions idéales sans interaction, le coefficient de distribution se situe dans l'intervalle 0 ≤ Kd ≤ 1. Les molécules qui sont plus grandes que les pores éluent au volume d'élution V0 (limite d'exclusion totale, Kd = 0) et les petites molécules qui peuvent pénétrer dans tous les pores éluent au volume Vt = V0 + Vi (Kd = 1) à la limite de perméation totale (Figure 1.20). Figure 1.20 Migration à travers la phase stationnaire. A gauche, description illustrative de la séparation en CES par un garnissage poreux selon la taille des pores. La partie non poreuse de la bille est inaccessible aux molécules de l'échantillon. A droite, un chromatogramme montrant la séparation de trois espèces (1, 2, 3) de tailles différentes. Les grosses molécules (exclues) 1 sont les premières à arriver suivies par les molécules de taille moyenne (accès partiel) 2, et enfin par les plus petites (accès complet) 3. 40 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES 3.2. Phases stationnaires et mobiles Les phases stationnaires en CES sont constituées de polymères organiques réticulés ou minéraux qui sont utilisés sous forme de billes poreuses rigides ou semi- rigides (3 à 20 µm). Les diamètres des pores sont compris entre 4 et 200 nm. Ces garnissages -appelés habituellement gels- doivent résister à la pression en tête de colonne et à la température jusqu'à environ 100 °C afin de permettre leur utilisation pour diverses applications. Une réduction du diamètre des particules réduit les passages interstitiels, rendant la migration plus difficile pour les grosses molécules exclues. Pour cette raison, il est préférable d'augmenter la taille des particules et de compenser en utilisant une colonne plus longue. Les colonnes standard ont une longueur de 30 cm (avec un diamètre interne de 7,5 mm). Leur efficacité N peut atteindre 105 plateaux/m. La chromatographie d’exclusion stérique se subdivise en deux techniques : - Chromatographie par perméation de gel : Le matériau de garnissage le plus souvent utilisé est un copolymère styrène-divinylbenzène (PS-DVB) avec une phase mobile organique telle que le tétrahydrofurane, un bon solvant pour la plupart des polymères. Le trichlorométhane ainsi que le trichlorobenzène chaud sont également utilisés pour dissoudre les polymères synthétiques qui ne sont pas solubles dans d'autres solvants. La CPG est principalement utilisée dans l'analyse chimique. - Chromatographie par filtration sur gel (CFG) : Les phases stationnaires doivent être hydrophiles. Certains sont basés sur une particule de base PS-DVB qui est rendue biocompatible avec un revêtement hydrophile contenant des groupes hydroxyle ou sulfonique. D'autres sont à base d'alcools polyvinyliques purs ou copolymérisés avec des polyglycérométhacrylates ou des polyacétates de vinyle. Ces garnissages sont appelés gels car ils gonflent au contact des phases mobiles 41 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES aqueuses. Des gels de silice poreux contenant des surfaces hydrophiles sont également employés (présence de groupements glycéropropyle) [≡Si(CH2)3–O–CH2CH(OH)CH2OH]. Les phénomènes d'adsorption K > 0 sont faibles, même pour les petites molécules. La CFG est principalement utilisé pour séparer les biopolymères (par exemple les polysaccharides) ou d'autres macromolécules biologiques hydrosolubles (par exemple les protéines). 3.3. Courbes d'étalonnage Pour un solvant donné, chaque phase stationnaire est décrite par une courbe d'étalonnage réalisée avec des étalons isomoléculaires de masses connues M : polystyrènes dans le THF, polyoxyéthylènes, pullulanes ou polyéthylèneglycols, etc. (Tableau 1.2). Les courbes représentant log M en fonction du volume d'élution ont une forme sigmoïde. Cependant, en combinant des phases stationnaires de porosités différentes, les fabricants peuvent proposer des colonnes mixtes dont la courbe d'étalonnage est linéaire sur une plus large plage de masses. Ces courbes sont assez indicatives car la taille et la masse ne sont pas des paramètres dépendants l'un de l'autre lors du passage d'un polymère à un autre. Tableau 2.2 Plage de perméation de trois gels pour divers composés standards. G2000 G3000 G4000 Standard pores de 12,5 nm pores de 25 nm pores de 45 nm Protéine globulaire 5000–100 000 10 000–500 000 20 000–7 000 000 Dextran 1000–30 000 2000–70 000 4000–500 000 Polyéthylène glycol 500–15 000 1000–35 000 2000–250 000 3.4. Instrumentation L'instrumentation est similaire à celle utilisée en HPLC à l'exception des colonnes qui sont plus grandes. Pour augmenter la résolution, il est d'usage d'utiliser deux ou trois colonnes, avec des porosités différentes en série. Le détecteur le plus couramment utilisé est le détecteur d'indice de réfraction, considéré comme universel puisque pour les polymères, une variation de l'indice de 42 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES réfraction est en première approximation indépendante de la masse moléculaire. Ce détecteur étant peu sensible, d'autres détecteurs lui sont parfois ajoutés. Ils sont basés sur l'absorption de la lumière (détecteur UV) ou la fluorescence ou la diffusion de la lumière. Ce dernier détecteur fournit une réponse plus uniforme à des analytes structurellement similaires que les détecteurs à absorption de lumière. Les utilisateurs peuvent créer un ensemble d'étalonnage universel à partir d'un seul analyte pour quantifier tous les analytes de la même classe. 3.5. Applications de la CES Les principales applications se trouvent dans l'analyse de polymères synthétiques ou de biopolymères car cette méthode permet la séparation de masses nominales allant de 200 à plus de 107 g/mol. L'absence d'interaction chimique avec la phase stationnaire -associée à un temps d'élution rapide et à la possibilité de récupérer la totalité des analytes- présentent de nombreux avantages. Le choix de la phase stationnaire la mieux adaptée à une séparation donnée se fait par consultation de la courbe d'étalonnage de différentes colonnes. La colonne de choix est celle qui présente une gamme linéaire sur les masses des composés formés dans l'échantillon (Figure 1.21). L'étalonnage doit être effectué avec le même type d'étalons, car les macromolécules peuvent avoir diverses formes de la pastille au fil (Tableau 1.2). 43 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES Figure 1.21 Détermination du poids moléculaire dans par CES. La colonne peut être calibrée en utilisant deux mélanges complémentaires d'étalons de polystyrène. Log du poids moléculaire est tracé en fonction du volume de rétention. Cette courbe est linéaire sur une large gamme de masses du fait de l'utilisation d'une phase stationnaire mixte. En bas à droite, conformation supposée d'un bâtonnet lipophile ou d'un polymère en spirale aléatoire en solution aqueuse. Le volume résultant est appelé volume hydrodynamique de la macromolécule. 3.6. Analyse de la distribution du poids moléculaire Les polymères synthétiques diffèrent des petites molécules en ce qu'ils ne peuvent pas être caractérisés par un seul poids moléculaire. Même à l'état pur, un polymère correspond à une répartition de macromolécules de poids différents. Les chromatogrammes CES et les aires de pic intégrées permettent de déterminer la distribution des poids moléculaires ainsi que la masse la plus probable et la masse moyenne. Cela suppose que la masse et les volumes moléculaires sont directement liés. De plus, l'étalonnage de la colonne doit se faire avec des étalons de la même famille et avec le même débit de la phase mobile. 44 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES 3.7. Autres analyses La CES -qui permet des séparations à grande vitesse- est utilisée pour l'analyse du contrôle de la qualité dans le cadre d'analyses d'échantillons de composition inconnue. Ces échantillons contiennent généralement des polymères et des petites molécules, ce qui est souvent le cas pour de nombreux produits commerciaux ou industriels comme les polymères biodégradables. Pour les composés organiques typiques, qui peuvent être facilement analysés par HPLC ou chromatographie gazeuse, les applications sont moins nombreuses, à moins qu'il ne s'agisse de sucres ou de polysaccharides tels que l'amidon, la pâte à papier, les boissons et certains produits pharmaceutiques. La CES avec colonnes de gel est largement utilisée pour les séparations aqueuses de biomolécules. 4. Chromatographie en phase gazeuse (CG) La chromatographie en phase gazeuse (CG) est une technique largement utilisée dont les premières applications remontent à plus de 60 ans. Depuis lors, le développement s'est poursuivi en utilisant au mieux l'extrême sensibilité, la polyvalence, les possibilités d'automatisation et la facilité avec laquelle de nouvelles analyses peuvent être développées. Étant donné que la séparation des mélanges de composés sur la colonne se produit alors qu'ils sont à l'état gazeux, les échantillons solides et liquides doivent d'abord être vaporisés. Ceci représente sans hésitation la plus grande contrainte de la chromatographie en phase gazeuse et joue contre ses avantages, puisque son utilisation est limitée à l'étude de composés thermostables et suffisamment volatils. Cependant, les applications sont nombreuses dans tous les domaines et le développement de la chromatographie en phase gazeuse à grande vitesse ou multidimensionnelle rendent cette technique encore plus attractive. Sa très grande 45 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES sensibilité permet de détecter des quantités de l'ordre de picogrammes pour certains composés. 4.1. Composants de l’installation GC Un chromatographe en phase gazeuse est composé de plusieurs composants dans un enchaînement spécial. Ces composants comprennent l'injecteur, la colonne et le détecteur, associés à un four thermostaté qui permet à la colonne d'atteindre des températures élevées (Figure 1.22). La phase mobile qui transporte les analytes à travers la colonne est un gaz appelé gaz vecteur. Le débit de gaz vecteur est contrôlé avec précision, il permet la reproductibilité des temps de rétention. L'analyse démarre lorsqu'une petite quantité d'échantillon est introduite sous forme liquide ou gazeuse dans l'injecteur, qui a la double fonction de vaporiser l'échantillon et de le mélanger avec le flux gazeux en tête de colonne. La colonne est généralement un tube à alésage étroit qui s'enroule sur lui-même avec une longueur qui peut varier de 1 à plus de 100 m, selon le type et le contenu de la phase stationnaire. La colonne -qui peut servir à des milliers d'injections successives- est logée dans un four thermostaté. En sortie de colonne, la phase mobile (gaz vecteur), traverse un détecteur avant de sortir dans l'atmosphère. Certains modèles de chromatographes en phase gazeuse de taille réduite ont leur propre alimentation électrique, ce qui leur permet de fonctionner sur le terrain. 4.2. Gaz vecteur et régulation de débit La phase mobile est un gaz (hélium, hydrogène ou azote) tiré d'une bouteille de gaz disponible dans le commerce. Dans le cas de l'hydrogène ou de l'azote, il est obtenu à partir d'un générateur sur site, qui fournit un gaz de très haute pureté. Le gaz vecteur doit être exempt de toute trace d'hydrocarbures, de vapeur d'eau et 46 1 CHAPITRE 1 METHODES CHROMATOGRAPHIQUES d'oxygène, car tous peuvent détériorer les phases stationnaires polaires ou réduire la sensibilité des détecteurs. Figure 1.22 Schéma simplifié des composants de La CG Pour ces raisons, le système de gaz vecteur comprend des filtres contenant un tamis moléculaire pour éliminer l'eau et un agent réducteur pour les autres impuretés. La nature du gaz vecteur n'a pas d'influence significative sur les valeurs des coefficients de partage K des composés entre les phases stationnaire et mobile, du fait d'une absence d'interaction entre le gaz et les solutés. En revanche, la viscosité du g