Programme de Physiotherapie PHT-1203 PDF
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Université de Montréal
Cyril Duclos, Ph.D.
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These notes cover the subject of muscle function in physiotherapy. The document discusses the structure, organization and function of muscle tissues, and the mechanics of muscle contraction.
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PROGRAMME DE PHYSIOTHÉRAPIE ÉCOLE DE RÉADAPTATION FACULTÉ DE MÉDECINE _________________________________________________ PHT-1203 _________________________________________________ _________________________________________________...
PROGRAMME DE PHYSIOTHÉRAPIE ÉCOLE DE RÉADAPTATION FACULTÉ DE MÉDECINE _________________________________________________ PHT-1203 _________________________________________________ _________________________________________________ Fonction musculaire en physiothérapie _________________________________________________ _________________________________________________ Cyril Duclos, Ph.D. _________________________________________________ Avant-propos Pour la Confédération Mondiale de la Physiothérapie (WCPT), les physiothérapeutes sont les professionnels idéaux pour promouvoir, guider, prescrire et diriger les activités physiques et les efforts associés, en tant qu'experts du mouvement et de l'exercice et grâce à une connaissance approfondie des pathologies et de leurs effets sur les différents systèmes biologiques humains. L'exercice promeut le bien-être et la santé physiques. C'est une intervention efficace pour la puissance, la force, l'endurance, la souplesse musculaires, ainsi que pour l'équilibre, la relaxation et l'atténuation des effets de nombreuses pathologies, des limitations physiques et de participation à la société (traduit de l'Énoncé de position de la WCPT, "Physical Therapists as Exercise Experts across the Life Span", juin 2007). Limitée au départ à la mesure et la diminution des incapacités, la physiothérapie est devenue une profession qui comprend l'examen, l'évaluation, le diagnostic et les interventions aux différents niveaux de fonctionnement (revoir la Classification Internationale du Fonctionnement dans un autre cours). Ses objectifs sont ainsi de prévenir, réduire ou éliminer les déficits, les limitations fonctionnelles et les restrictions de la participation à la société. Pour cela, le physiothérapeute se base sur ses connaissances scientifiques, remises à jour régulièrement, et ses habiletés et expériences cliniques pour aider la personne qui demande ses services à atteindre un niveau optimum de qualité de vie, en accord avec cette personne. Une des interventions de base, privilégiée, du physiothérapeute est ainsi les exercices destinés à améliorer spécifiquement certains déficits particuliers du patient, liés à la fonction musculaire, afin d'améliorer ses performances fonctionnelles dans son contexte de vie. Les exercices thérapeutiques peuvent se définir comme la réalisation d'un ensemble structuré de mouvements, de postures ou d'activités, destinés à réduire ou limiter les déficits, augmenter la fonction, améliorer la santé générale, la forme physique et le bien-être et pour lesquelles la fonction musculaire est essentielle. La fonction musculaire présente des capacités d'adaptation face aux contraintes, en particulier physiques et mécaniques, qui lui sont appliquées. En "stimulant" la fonction musculaire de façon répétée, à une intensité appropriée, les performances de cette fonction changent pour s'adapter au niveau de fonctionnement imposé par la stimulation. Nous verrons les "stimulations" sensorimotrices les plus appropriées pour améliorer la fonction musculaire dans le cadre de ce cours. Ces stimulations comprennent en général le conditionnement ou reconditionnement de l'endurance, en aérobie, l'entrainement de l'équilibre, de la coordination, de la souplesse, de la force, de la puissance musculaire, la prise de conscience de la posture corporelle, les gains d'amplitude articulaire, l'entrainement à la marche et aux activités fonctionnelles, etc… Les techniques de base que nous allons voir dans ce cours ciblent principalement des capacités de base : la capacité de mobiliser une articulation dans toute l'amplitude physiologique, et la capacité de production de force. Des capacités plus complexes comme l'équilibre, la coordination ou des activités fonctionnelles comme la marche seront évoquées plus en détails dans d'autres sigles de cours, plus tard dans votre formation. Afin de comprendre comment la fonction musculaire permet la production de force, nous allons commencer par présenter l'organisation du système musculo-squelettique, avec ses différents tissus, ainsi que la physiologie neuro-musculaire, décrivant la mise en action de ce système. © Cyril Duclos, août 2018, reproduction autorisée à des fins personnelles Physiologie musculaire et production de la force 1 Objectifs pour ce chapitre____________________________________________________ 1 2 Le muscle _________________________________________________________________ 1 2.1 Composition du muscle strié __________________________________________________ 1 2.2 Composition des myofilaments ________________________________________________ 3 2.2.1 Les filaments épais _________________________________________________________________ 3 2.2.2 Les filaments fins ___________________________________________________________________ 3 2.3 Organisation architecturale du muscle strié ______________________________________ 4 2.4 Morphologie _______________________________________________________________ 5 3 Organisation neuromusculaire________________________________________________ 7 3.1 Innervation motrice _________________________________________________________ 7 3.2 Innervation sensorielle _______________________________________________________ 7 3.2.1 Les fuseaux neuromusculaires ________________________________________________________ 7 3.2.2 Les organes tendineux de Golgi _______________________________________________________ 7 3.3 Déclenchement de la contraction : couplage excitation-contraction ___________________ 8 3.4 Mécanismes de la contraction : La théorie des filaments glissants ____________________ 8 3.5 Phénomènes électriques associés à la contraction _________________________________ 9 3.6 Les voies métaboliques ______________________________________________________ 11 3.6.1 Voie anaérobie alactique (non glycolytique) ____________________________________________ 11 3.6.2 Voie anaérobie lactique (glycolytique) _________________________________________________ 12 3.6.1 Voie aérobie (oxydatif) _____________________________________________________________ 12 3.7 Types d'unités motrices _____________________________________________________ 13 3.8 Tableau récapitulatif des caractéristiques des unités motrices ______________________ 14 4 Phénomènes mécaniques associés à la contraction musculaire (muscle isolé) _________ 15 4.1 Méthodes d'étude __________________________________________________________ 15 4.2 Modèle mécanique du muscle ________________________________________________ 15 4.3 Propriétés passives du muscle ________________________________________________ 16 4.4 Propriétés contractiles du muscle _____________________________________________ 16 4.4.1 Myogramme isométrique ___________________________________________________________ 16 4.4.2 Myogramme isotonique ____________________________________________________________ 19 4.5 Facteurs qui influencent la réponse mécanique du muscle _________________________ 19 4.5.1 La longueur du muscle _____________________________________________________________ 19 4.5.2 Le type de contraction _____________________________________________________________ 21 4.5.3 La vitesse du mouvement produit par la contraction _____________________________________ 21 5 Phénomènes thermiques associés à la contraction_______________________________ 23 5.1 Efficacité mécanique du muscle _______________________________________________ 23 5.2 Chaleur initiale ____________________________________________________________ 23 © Cyril Duclos, août 2018, reproduction autorisée à des fins personnelles 5.3 Chaleur de recouvrement ____________________________________________________ 23 6 La force musculaire développée chez l'Homme (muscle in situ) _____________________ 24 6.1 Aspects psychologiques _____________________________________________________ 24 6.2 Aspects mécaniques ________________________________________________________ 24 6.3 Aspects physiologiques ______________________________________________________ 25 6.3.1 Système nerveux __________________________________________________________________ 25 6.3.2 Système neuro-musculaire __________________________________________________________ 26 7 Références _______________________________________________________________ 30 © Cyril Duclos, août 2018, reproduction autorisée à des fins personnelles 1 Objectifs pour ce chapitre Suite à la lecture des notes et à la participation au cours sur ce chapitre, vous devriez : - connaitre la structure et l'organisation du tissu musculaire (composition des filaments, architecture, morphologie) - connaitre les mécanismes de la contraction musculaire (innervation motrice et sensorielle, théorie des filaments glissants, énergétique) - connaitre les phénomènes mécaniques associés à la contraction (modèle de Hill, secousse musculaire, relation force-longueur, relation force-vitesse) - connaitre les éléments qui affectent la production de la force chez l'homme 2 Le muscle Le muscle est le principal tissu humain capable de produire de la force sur commande du système nerveux central. Grâce à sa structure complexe, il peut transformer de l'énergie chimique en énergie mécanique. Cette énergie mécanique produit une tension entre les insertions du muscle qui permet le maintien et le contrôle de la posture du corps et de générer des mouvements des membres et du tronc pour interagir avec l'environnement et les personnes. La fonction motrice est possible en grande partie parce que le muscle contient des récepteurs sensoriels spécifiques. Ces récepteurs sont capables de transcrire les mouvements et les positions relatives des segments corporels, ainsi que les forces produites, en signaux nerveux nécessaires pour le contrôle des mouvements par le système nerveux central. Le muscle est ainsi une composante de la boucle sensori-motrice, élément de base, avec le système nerveux central, des capacités de mouvement chez l'Homme. Nous allons voir la structure et la physiologie du muscle strié. Les muscles lisses (permettant les mouvements des organes internes) et le muscle cardiaque ne seront pas étudiés dans le cours PHT-1203. 2.1 Composition du muscle strié La fibre musculaire est une cellule particulière, qui contient de nombreux noyaux 1 cellulaires. Elle est très fine (10 à 80 µm de diamètre) et peut être très longue (jusqu'à 25 cm). Dans la longueur de chaque fibre musculaire, des faisceaux de myofibrilles rendent possible la contraction musculaire. Les myofibrilles sont en effet composées des myofilaments d'actine et de myosine qui sont capables de développer de l'énergie mécanique. Disque Z Bande H Ligne M A) Bande Bande Filament sombre A claire I Filament de myosine d'actine (1) (2) B) (3) Disque Z Disque Z Disque Z Sections : Filament de (1) (2) (3) myosine Filament d'actine Figure 1 : Organisation des myofibrilles et striation, microscopie électronique (A) et schématisation (B) avec vues en coupe (1, 2 et 3). Le sarcomère est défini entre deux disques Z. Chaque myofibrille est divisée dans sa longueur en sarcomères, d'une longueur d'environ 2 µm, qui sont l'élément fonctionnel de base de la fibre musculaire. Ils sont délimités par des disques Z (de l'Allemand "zwischen" : entre). De chaque côté du disque Z, une bande apparait claire par rapport au reste, c'est la bande I (pour Isotrope, qui laisse passer la lumière). Au-delà, au milieu du sarcomère, une bande A (pour Anisotrope, qui bloque la lumière) est visible, plus sombre. En son milieu, une bande H, plus claire et une ligne M sombre, sont visibles. Les filaments de myosine sont répartis régulièrement dans la myofibrille et entourés par des filaments d'actine à leurs extrémités, les filaments d'actine s'imbriquant entre les filaments de myosine. Les filaments d'actine (fins) sont répartis de chaque côté du disque Z, formant ainsi deux demi-bandes I, jusqu'à l'extrémité des filaments de myosine. La bande A est formée par les filaments de myosine (épais) au centre du sarcomère, incluant la portion où les filaments d'actine sont présents. C'est cette alternance de bandes sombres et claires, due à l'organisation spatiale des myofilaments d'actine et de myosine, qui donne la striation des muscles striés (voir sections (1), (2) et (3) de la Figure 1). 2 Un système de tubules (tubules T) et de citernes (citernes terminales), associés en "triade", est présent autour de chaque myofibrille. Appelé réticulum sarcoplasmique, ce système permet la libération d'ions calcium Ca2+ dans les myofibrilles, pour déclencher et entretenir la contraction musculaire (Voir plus bas). 2.2 Composition des myofilaments 2.2.1 Les filaments épais Les filaments de myosine ou filaments épais sont composés de molécules de myosine polymérisées (Figure 2). Tête de myosine A) (basculée en pointillée) Queue de myosine B) C) Figure 2 : Schématisation des filaments de myosine ou filaments épais. A) protéine de myosine isolée, B) Organisation des protéines de myosine, C) Filament épais, composé de protéines de myosine polymérisées. Différentes chaines, légères et lourdes, sont organisées en une longue queue et une tête. Ces molécules sont organisées de façon à ce que les têtes soient placées à chaque bout des filaments épais, les queues étant associées au centre du filament épais, leur extrémité formant la ligne M au centre des filaments épais. D'autres protéines sont également impliquées dans la structure des filaments épais. La liaison entre la tête et la queue est mobile, permettant à la tête de basculer sur la queue. À cette charnière, la protéine de myosine a des propriétés hydrolytiques, et peut ainsi utiliser la molécule énergétique ATP pour produire la contraction (voir plus bas). La façon dont l'organisation spatiale des filaments épais dans la myofibrille est contrôlée n'est pas encore complètement connue. Parmi les protéines du cytosquelette, la titine a été décrite et semble primordiale pour maintenir les filaments épais en position dans le sarcomère. 2.2.2 Les filaments fins Les filaments d'actine, ou filaments fins, sont composés de différentes molécules dont 3 les plus importantes sont l'actine monomérique, la troponine et la tropomyosine (Figure 3). D'autres protéines assurent la structure de ces filaments fins, on parle de protéines de structure ou du cytosquelette. D'un point de vue fonctionnel, trois points sont à retenir : - Des sites actifs, de liaison avec les têtes de myosine, sont présents sur les molécules d'actine monomérique, - La tropomyosine cache ces sites de liaison, rendant impossible la liaison des molécules d'actine et de myosine au repos, - La troponine est sensible aux ions calcium (Ca2+). En leur présence, sa forme est modifiée, ce qui déplace aussi les molécules de tropomyosine. En se déplaçant, la tropomyosine libère les sites de liaison et permet ainsi la liaison, ou pont, actine-myosine ("cross-bridge"). A) B) C) Troponine Strie Z Tropomyosine D) Figure 3 : Schématisation des filaments d'actine ou filaments fins. A) Actine globulaire ou monomérique. B) Actine filamenteuse (organisée sur une protéine de structure). C) Filament d'actine. D) Filaments d'actine "en place" autour de la strie Z. 2.3 Organisation architecturale du muscle strié Comme nous l'avons vu, les myofibrilles, et leur réticulum sarcoplasmique, décrites ci- dessus sont organisées en faisceaux parallèles, dans les fibres ou cellules musculaires. La paroi des fibres musculaires est constituée par une membrane appelée sarcolemme, dont le réticulum sarcoplasmique est issu. Les cellules sont entourées également par du tissu conjonctif, appelé endomysium. Les fibres musculaires sont regroupées en fascicules, séparés par un tissu conjonctif appelé perimysium. Les vaisseaux sanguins et les nerfs nécessaires au fonctionnement musculaire sont regroupés dans ces fascicules. Les fascicules sont regroupés pour former le muscle, à l'intérieur d'une membrane conjonctive appelée épimysium. L'ensemble de ces tissus conjonctifs (endomysium, périmysium et épimysium), composés essentiellement de fibres d'élastine et de collagène, se regroupe aux extrémités du muscle pour former les tendons et les insertions musculaires sur les os. Le tissu conjonctif (les détails sur le tissu conjonctif sont présentés dans le cours PHT-1202) donne sa forme au muscle, mais surtout son élasticité et sa consistance. Il permet la transmission des forces, produites par l'interaction actine-myosine, au squelette pour générer le mouvement et la tension passive (la raideur) du muscle (voir section 4 3.5). Le terme fascia est utilisé de façon variable pour désigner l'épimysium, ou l'ensemble des tissus conjonctifs associés au muscle. Extrait de Patton K, Anatomy and Physiology, 7th edition, 2009, Mosby Elsevier 2.4 Morphologie Par l'organisation du tissu conjonctif décrit plus haut, un muscle peut présenter différentes formes, qui dépendent aussi des insertions du muscle sur le squelette par tendon ou insertion directe sur l'os. La masse du muscle, qui contient les fibres musculaires proprement dites, s'appelle le corps musculaire. Un muscle peut être : - fusiforme, en forme de fuseau, avec un tendon à chaque extrémité (ou insertion) d'un corps musculaire principal, - biceps, avec un tendon à une insertion, auquel s'attache un corps musculaire qui se divise en deux chefs et se termine chacun par un tendon à l'autre insertion, - triceps, avec un tendon, un corps musculaire qui se divise en trois chefs, qui se terminent chacun par un tendon, - quadriceps, avec un tendon, un corps musculaire qui se divise en quatre chefs, qui se terminent chacun par un tendon, - unipenné, les fibres musculaires s'insérant tout au long d'une lame tendineuse, ou d'une insertion osseuse, et non sur un tendon commun, - bipenné, les fibres musculaires s'insérant de chaque côté d'une lame tendineuse, et non sur un tendon commun, - segmenté, plusieurs corps musculaires s'enchainent les uns à la suite des autres, joints par du tissu tendineux, 5 - dentelé, plusieurs corps musculaires s'insérant directement sur différents os, sans tendon bien défini. Outre l'impact esthétique de ces différentes formes, elles ont un impact sur la fonction musculaire. L'orientation des fibres musculaires diffère entre ces différentes formes, et définit l'angle de pennation (angle formé entre la direction des fibres musculaires et la direction générale du muscle, ou ligne d'action) qui est associé à des longueurs de fibres musculaires plus ou moins longues. Les muscles avec un angle de pennation élevé ont un nombre de sarcomères enchainés plus petits (les fibres musculaires sont donc plus courtes), ont un pouvoir de traction sur le tendon plus important, alors que les muscles qui présentent un nombre important de sarcomères en série, i.e. de nombreux sarcomères bout-à-bout, avec un angle de pennation faible, produisent en effet des déplacements importants et rapides. Pour mettre en évidence ces différences, on peut calculer la surface de différentes sections du muscle. La section ale du muscle est faite transversalement à la direction générale du muscle. La section physiologique est faite transversalement à la direction des fibres musculaires. Ces deux surfaces sont équivalentes pour un muscle avec un angle de pennation nul (fibres parallèles à la ligne d'action du muscle), mais la surface de la section physiologique devient supérieure à la section transversale quand le muscle présente une pennation. La surface de la section physiologique est donc proportionnelle à la force maximale du muscle. Les valeurs mesurées sont entre 30 et 40 newtons par cm2 de section physiologique. Cette valeur ne dépend pas de l'âge, du sexe ou du muscle étudié. ATTENTION, la surface de section physiologique est souvent appelé Surface de section transversale (Cross-Sectional Area, CSA), qui sous-entend qu'il s'agit de la section transversale à la direction des fibres. 6 3 Organisation neuromusculaire 3.1 Innervation motrice Afin d'assurer la commande motrice nécessaire à la production de force et de mouvement, chaque muscle reçoit une innervation motrice. Elle est constituée des motoneurones alpha dont le corps cellulaire est situé dans la corne antérieure de la moelle épinière, et dont les axones sortent du canal rachidien par la racine ventrale et se dirigent vers le muscle par un nerf mixte en général. Le motoneurone se divise en un nombre variable de branches (entre 100 et 1000) pour faire synapse, appelée dans ce cas plaque motrice, avec un nombre variable (entre 100 et 1000) de fibres musculaires dispersées partout dans le muscle. La plaque motrice est en général au milieu de la fibre musculaire. Le nombre de fibres musculaires associé à un motoneurone dépend des groupes musculaires. Un groupe nécessitant beaucoup de précision comme les muscles extra-oculaires aura un nombre réduit de fibres musculaires associé à chaque motoneurone, alors que pour les muscles des membres inférieurs, le nombre de fibres par motoneurone est plus élevé. Une fibre musculaire n'est innervée que par une seule fibre nerveuse. L'ensemble constitué par un motoneurone et les fibres musculaires avec lesquelles il est connecté par une plaque motrice est appelé une unité motrice. C'est l'unité contractile fonctionnelle dans le sens que, pour provoquer la contraction d'un muscle, le système nerveux central peut théoriquement activer un motoneurone et toutes les fibres musculaires associées, mais pas seulement certaines fibres innervées par un motoneurone. Un autre type de motoneurone est nécessaire au fonctionnement musculaire. Il est important pour assurer la sensibilité aux mouvements et à la position. Il s'agit des motoneurones gamma, dit fusimoteurs. Ils innervent les fuseaux neuromusculaires, qui comprennent des fibres musculaires dites intra-fusales. Ces fibres musculaires intra-fusales permettent d'adapter la longueur et donc la sensibilité des fuseaux neuromusculaires, en particulier à la longueur du muscle dans lequel ils sont présents (voir plus bas), mais ne jouent pas de rôle direct dans la production de force. 3.2 Innervation sensorielle Deux types de récepteurs sensoriels ne sont présents que dans les muscles. Il s'agit des fuseaux neuromusculaires et des organes tendineux de Golgi. 3.2.1 Les fuseaux neuromusculaires Les fuseaux neuromusculaires sont des structures, présentes dans le muscle, qui sont sensibles à la longueur du muscle et à ses changements (sensibilité tonique et phasique). Deux types de fibres sensorielles, Ia ("Un A") et II ("Deux"), transmettent cette information au système nerveux central. Le fuseau neuromusculaire est, entre autre, à l'origine du reflexe myotatique, tel que le reflexe rotulien. Le message transmis par les fibres Ia active directement le motoneurone alpha du muscle stimulé et déclenche donc la contraction brève typique. Les fuseaux neuromusculaires sont sensibles à l'étirement du muscle dans lequel ils sont présents et transmettent ainsi des informations permettant la perception du mouvement et de la position des segments corporels. 3.2.2 Les organes tendineux de Golgi Ces récepteurs sensoriels sont encapsulés dans les tendons. Ils sont particulièrement 7 sensibles à la tension de ce tendon et sont ainsi considérés comme des éléments fournissant des informations sur la force développée par le muscle auquel ils sont associés. Ils sont entre autre à l'origine de reflexes facilitateurs ou inhibiteurs de la contraction, selon les conditions. https://youtu.be/gqGYoE 3.3 Déclenchement de la contraction : couplage excitation-contraction VFpUA Une fois que la commande motrice a atteint les corps cellulaires des motoneurones des muscles à activer (pool neuronal), et que l'influx nerveux global est suffisant pour activer les motoneurones, une série de potentiels d'action nerveux se propagent vers la plaque motrice. Une fois à la plaque motrice, le potentiel d'action nerveux provoque une entrée d'ions Ca2+ dans le bouton (pré-) synaptique. Ces ions vont alors déclencher la formation de vésicules remplies d'acétylcholine. Ces vésicules fusionnent avec la membrane des fibres nerveuses et libèrent ainsi l'acétylcholine dans la fente synaptique, espace entre la fibre nerveuse et la fibre musculaire. Au repos, la fibre musculaire présente une polarité négative. Les concentrations ioniques (Na+, K+, Cl-) sont maintenues dans la fibre et le milieu extérieur par des pompes à ions pour que la charge soit négative à l'intérieur de la fibre. On parle de potentiel de repos, à -80, -90 mV. L'acétylcholine libérée dans la fente synaptique se fixe sur les récepteurs post-synaptiques spécifiques. Cela provoque la dépolarisation de la fibre musculaire et un potentiel d'action musculaire (Figure) qui se propage sur la longueur de la fibre musculaire à partir de la plaque motrice à une vitesse de 3 à 5 m/s. Ce changement de polarisation déclenche les canaux Ca 2+ voltage-dépendant (i.e. dépendant de la polarité) du réticulum sarcoplasmique (revoir plus haut). D'où la libération des ions Ca2+ du réticulum sarcoplasmique dans l'ensemble du milieu cellulaire des fibres musculaires à proximité (grâce à l'organisation du réticulum sarcoplasmique en tubules et citernes). Les ions Ca2+ vont ainsi déclencher les mécanismes de contraction musculaire. Tout potentiel d'action nerveux qui déclenche la libération d'acétylcholine dans la fente synaptique de la plaque motrice induit un potentiel d'action moteur et une contraction des fibres musculaires associées à cette plaque motrice. C'est la loi du tout-ou-rien, due au mode de fonctionnement de la plaque motrice. Il faut aussi noter que la fente synaptique contient une forte quantité d'enzymes (acétylcholinestérase) qui détruisent l'acétylcholine pour libérer les récepteurs post- synaptiques et ainsi permettre une nouvelle fixation rapide d'acétylcholine ou l'arrêt de la contraction. une fois que le seuil est atteint la réponse est de même µV intensité 30 Figure 4 : Potentiel 0 d'action moteur 0 20 40 msec -50 Niveau du -80 potentiel de repos 3.4 Mécanismes de la contraction : La théorie des filaments glissants Le potentiel d'action a provoqué la libération du Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique. Ces 8 ions Ca2+ libres catalysent la formation des ponts actine-myosine (formation de complexes d'acto myosine) : le calcium se lie à la troponine, ce qui déplace la molécule de tropomyosine des sites qu'elle occupe sur les filaments d'actine. De cette façon, les sites actifs des filaments d'actine sont dégagés et permettent aux têtes des filaments de myosine de s'attacher à la molécule d'actine. La formation du pont actine-myosine provoque la déformation de la tête de myosine, qui bascule. Cette bascule de la tête provoque une traction sur le filament d'actine attaché à la tête de myosine. Le filament d'actine glisse entre les filaments de myosine. Le sarcomère, et donc la fibre et le muscle raccourcissent. Il y a donc production de force. Avec le basculement de la tête, la molécule d'adénosine di-phosphate (ADP) fixée au site enzymatique de la myosine est libérée. Une molécule d'adénosine tri-phosphate (ATP) peut alors être utilisée par le site enzymatique, qui lyse la liaison énergétique entre un phosphate inorganique (Pi), qui sera libéré, et le reste de la molécule d'ATP. Il en résulte la fixation de l'ADP ainsi produit (ATP ADP + Pi) sur la tête de myosine. Cela provoque le détachement de la tête de myosine de la molécule d'actine (rupture du pont) et la bascule de la tête de myosine en position initiale. Si la concentration en ions Ca 2+ est suffisante pour garder des sites actifs d'actine libres, la tête de myosine peut alors se fixer sur une molécule d'actine plus distante et recommencer ce cycle. Le cycle s'arrête quand la concentration en ions Ca2+ est insuffisante, du fait de l'absence de potentiels d'action transmis par la fibre nerveuse motrice et de différents mécanismes (pompe calcique, calséquestrine, …) qui ramènent les ions Ca2+ dans le réticulum sarcoplasmique. Ce mécanisme de couplage-traction-découplage, qui permet de faire glisser les fibres d'actine entre les filaments de myosine, et donc de produire de la force musculaire, est connu comme la théorie des filaments glissants, décrite par Huxley et collaborateurs en 1954. L'absence d'ATP serait à l'origine de la rigidité cadavérique. L'impossibilité de fixer une molécule d'ATP après la bascule de la tête de myosine fait que la tête de myosine ne peut pas se détacher et reste en position basculée, maintenant le muscle en situation "contracté". Dans le muscle vivant, c'est seulement la recapture des ions Ca2+ qui permet la relaxation, les molécules d'ATP sont toujours présentes en quantité suffisante. Les mécanismes de la contraction musculaire décrits ci-dessus s'appliquent en partie à la contraction excentrique. En contraction excentrique, les filaments fins ne se rapprochent pas de la bande H, comme en concentrique, mais s'en éloignent. Il n'y a ainsi pas besoin de faire pivoter les têtes de myosine. Celles-ci "glissent" entre les attachements successifs aux sites actifs des filaments d'actine. En formant ces ponts d'actine-myosine sans pivotement des têtes de myosine, la force produite limite le glissement excentrique ("s'éloignant du centre" du muscle) des filaments d'actine entre les filaments de myosine et donc crée une tension qui s'oppose partiellement à l'étirement musculaire, sans l'empêcher complètement. 3.5 Quelques définitions Contraction concentrique : Type de contraction pendant laquelle un muscle produit de la force en se raccourcissant. Contraction isométrique ou statique : Type de contraction pendant laquelle un muscle produit de 9 la force sans changer la position articulaire. Contraction excentrique : Type de contraction pendant laquelle un muscle produit de la force en s'allongeant. Amplitudes (ou course) de mouvement : Selon la longueur à laquelle un muscle produit une contraction, on parle : - d'amplitude interne, lors que le muscle travaille à une longueur plutôt courte, - d'amplitude externe, lorsque le muscle travaille à une longueur plutôt longue, - d'amplitude moyenne ou intermédiaire, lorsque le muscle travaille ni à une longueur importante, ni à une longueur courte, - d'amplitude totale, lorsque le muscle travaille sur tout son amplitude disponible. Les amplitudes interne, moyenne et externe représentent environ le tiers de l'amplitude totale. Notez que tous les types de contraction décrits en début de paragraphe peuvent être réalisés dans toutes ces amplitudes. 3.6 Phénomènes électriques associés à la contraction La propagation du potentiel d'action moteur le long des fibres musculaires se fait principalement par des échanges d'ions sodium (Na+), potassium (K+) et chlorure (Cl-) entre l'intérieur et l'extérieur de la fibre musculaire. Ces échanges ioniques sont à l'origine de phénomènes électriques mesurables. Il est possible d'obtenir expérimentalement l'activation d'une unité motrice (un neurone moteur et plusieurs dizaines de fibres musculaires associées). On peut alors mesurer ce qu'on appelle un potentiel d'action d'unité motrice (Figure 5) en implantant des électrodes d'enregistrement dans le muscle activé. La forme de ce potentiel d'action est associée à la méthode d'enregistrement utilisée et vient de l'activité électrique de l'ensemble des fibres musculaires associées dans l'unité motrice. Figure 5 : Potentiel d'action d'unité motrice 0 µV 200 µV 5 msec Lorsque plusieurs unités motrices sont actives, comme lors d'un mouvement volontaire, il est possible de mesurer cette activité électrique à la surface de la peau. On parle d'activité électromyographique (EMG, Figure 6). Elle correspond à la somme de tous les potentiels 10 d'action d'unités motrices, dont la fréquence est différente et qui ne sont pas synchronisées dans les conditions naturelles. Figure 6 : Enregistrement EMG de surface 3.7 Les voies métaboliques L'Adénosine Tri-Phosphate (ATP) est la source d'énergie utilisée par les muscles pour produire la contraction. Son hydrolyse en Adénosine Di-Phosphate et Phosphate inorganique dégage de l'énergie utilisable par le muscle pour faire pivoter les têtes de myosine (voir section sur les mécanismes de la contraction musculaire). Les stocks d'ATP sont continuellement reconstitués dans les cellules musculaires. Pour cela, différentes réactions sont possibles, en fonction du substrat (i.e. de la "source d'énergie") utilisé et disponible, ainsi que de la demande en énergie (durée et intensité de l'effort). On parle de voies métaboliques pour ces différentes réactions. 3.7.1 Voie anaérobie alactique (non glycolytique) La réaction la plus simple et la plus rapide pour recréer de l'ATP utilise la phospho- créatine (encore appelée phosphagène, créatine-phosphate, …). Le phosphate inorganique de la phospho-créatine est transféré à un ADP pour recréer un ATP, sous le contrôle catalytique de la créatine kinase (réaction de Lohmann). Cette réaction débute dès que le stock d'ATP du muscle diminue, quasiment sans latence. La puissance qui peut être développée avec cette voie métabolique est très élevée (environ 6000 Watts), de même que le travail total (30 kiloJoules). A travail maximal, la durée de production d'ATP par cette voie est de 5 secondes. Ainsi, c'est la voie essentielle pour le début de l'activité musculaire, quelle que soit son intensité. Dès qu'un effort musculaire est déclenché, cette voie est utilisée. Elle doit être complétée par les autres voies si l'effort continue. Les stocks de phospho-créatine sont recréés par phosphorilation de la créatine à partir de l'ATP produit par la respiration cellulaire, dans la mitochondrie. 11 6000 Processus anaérobique Puissance Alactique (Phosphocréatine) (Watts) Processus anaérobique 30 KJ lactique (Glucose sans O2) 3000 Processus aérobique 90 KJ (glucose ou acides gras avec O2) 1000 > 1000 KJ 10 60 2 10 30 120 SECONDES MINUTES Figure 7 : Représentation des capacités de production d'ATP par les différentes voies métaboliques 3.7.2 Voie anaérobie lactique (glycolytique) Dans cette réaction de glycolyse, le glycogène, stocké dans le foie et les muscles, est transformé en acide pyruvique et puis, en l'absence d'oxygène (anaérobie), en acide lactique (ou lactates). Des ions H+ sont également libérés et acidifient le muscle. Cette réaction s'accompagne de la phosphorilation d'ADP en ATP. Ce processus débute quand le stock de phospho-créatine diminue, dans les 5 secondes qui suivent le début de l'effort. La puissance maximale de ce système est d'environ 3000 W, et sa capacité maximale atteint les 90 kJ. Le travail à puissance maximal peut ainsi durer environ 30 secondes. Ces réactions ont lieu dans le sarcoplasme, le milieu intérieur de la cellule musculaire. 3.7.3 Voie aérobie (oxydatif) Cette voie est une voie complexe, utilisée dans la plupart des cellules pour produire l'énergie nécessaire aux différents mécanismes cellulaires, sous forme d'ATP. Elle comprend 4 étapes (glycolyse, oxydation du pyruvate, cycle de Krebs, chaine respiratoire (transport d'électrons et phosphorylation de l'ADP en ATP par le flux de protons)). Elle a absolument besoin d'oxygène pour fonctionner (aérobie). Elle produit du CO2, de l'eau et une grande quantité d'ATP 12 à partir des glucides, des acides gras, et éventuellement des acides aminés (protéines). Ce système est lent à démarrer (latence d'environ 2 minutes), à cause des adaptations respiratoires et cardio-vasculaires associées. La puissance développée par cette voie peut être mesurée en association avec la consommation maximale d'oxygène (VO 2 max). Elle est de l'ordre de 1000 W. Sa durée est théoriquement limitée par les substrats disponibles (glucides, acides gras et acides aminés). Cependant, c'est en général le système cardio-respiratoire qui limite la durée de travail possible avec cette voie. La latence de ce système est à l'origine de ce qu'on appelle la "dette d'oxygène", qui serait à l'origine de l'essoufflement une fois l'exercice terminé. Cet essoufflement permet d'apporter de l'oxygène supplémentaire (par l'augmentation du débit ventilatoire par rapport à la situation de repos) qui sera utilisé pour reconstituer les réserves de phospho-créatine et transformer l'acide lactique produit par la voie anaérobie lactique. La dette d'oxygène ne peut être évitée du fait de la latence de la voie aérobie. 3.8 Types d'unités motrices Les fibres musculaires ont une capacité différente d'utiliser l'oxygène. Cette capacité dépend du type d'unité motrice auquel chaque fibre appartient. Le type de chaque unité motrice est défini par le motoneurone associé à l'unité motrice. Même si toutes les unités motrices utilisent les trois voies métaboliques, elles ont des capacités oxydatives qui diffèrent, c'est-à-dire des capacités/efficacités différentes à utiliser l'oxygène et donc chaque voie métabolique. Trois types d'unité motrice sont décrits, même si il s'agit en fait d'un continuum selon leurs capacités métaboliques (entre oxydative et glycolytiques) : - Unité motrice lente, encore appelée type I, lente oxydative, tonique, "slow twitch, ST" - Unité motrice rapide glycolytique, encore appelée type IIb, phasique, Fast-Fatigable (FF), "fast twitch, FTb" - Unité motrice rapide oxydative glycolytique, encore appelée type IIa, phasique. Fast-Fatigue Resistant (FR), "FTa" Chaque unité motrice est spécialisée dans l'utilisation de certaines voies métaboliques grâce à une adaptation de ses composantes cellulaires (voir tableau ci-dessous). Cependant, elles doivent utiliser les trois voies pour avoir continuellement la possibilité de renouveler leur stock d'ATP. La proportion de chaque type d'unités motrices par muscle varie en fonction des groupes musculaires et peut être modifiée par l'inactivité ou l'entrainement. Par extension, un muscle qui est constitué principalement de fibres de type I est appelé un muscle lent ou tonique (comme le soléaire, qui peut maintenir une contraction pendant une longue période) alors que les muscles constitués principalement de fibres de type II sont appelés rapides ou phasique (comme le deltoïde). La composition selon les différents types d'unités motrices définit donc aussi les capacités du muscle à produire de la force. L'obésité et le diabète de type 2 entrainent une augmentation de la proportion d'unités de type II au dépend des unités de type I, et ce changement de proportion est lié à la résistance à l'insuline. De la même façon, l'âge et le manque d'activité physique sont associés à une transformation du type de fibres, ainsi qu'à une diminution des 13 capacités oxydatives et de la sensibilité à l'insuline. La reprise de l'activité physique peut améliorer la sensibilité à l'insuline. 3.9 Tableau récapitulatif des caractéristiques des unités motrices Type I (lente) Rapide glycolytique (Type IIb) Rapide oxydative (Type IIa) Activité Tonique Phasique Couleur Rouge Blanche Diamètre Motoneurones Petit Grand Diamètre fibres Petit Grand musculaires Réticulum sarcoplasmique Peu développé Très développé Vascularisation Très développée Peu à moyennement développé Mitochondries Nombreuses Peu à moyennement nombreuses Enzymes Oxydatives Glylcolytiques Tension Faible Importante Vitesse Lent Rapide Endurance Élevée Faible 14 4 Phénomènes mécaniques associés à la contraction musculaire (muscle isolé) Nous avons vu jusqu'à présent les mécanismes de la contraction qui permettent le raccourcissement des fibres musculaires. Nous allons maintenant voir comment la contraction se traduit en termes de force produite, de vitesse de raccourcissement, de longueur musculaire. Ces aspects mécaniques du muscle ont d'abord été étudiés sur le muscle dans son ensemble pour des raisons techniques (la fibre musculaire ne produit qu'environ 2 à 5 mN). Ultérieurement, les recherches ont concerné la fibre isolée. Il est également possible d'étudier les propriétés mécaniques d'une unité motrice en stimulant la fibre nerveuse innervant cette unité. Il s'avère que les phénomènes mécaniques observés à ces différents niveaux (muscle, fibres et unités motrices) sont très similaires. Les résultats présentés ci-dessous sont ceux obtenus pour le muscle entier isolé, c'est-à-dire qu'il est désinséré, avec ses tendons, de ses fixations osseuses. Il peut alors être maintenu dans un liquide physiologique approprié et, selon les cas, stimulé électriquement pour étudier ses propriétés actives, contractiles. Ses propriétés passives, c'est-à-dire "au repos" peuvent aussi être étudiées en l'absence de stimulation électrique. Les propriétés du muscle in situ, c'est-à-dire en place, dans le corps humain, seront présentées par la suite. 4.1 Méthodes d'étude Par sa structure, le muscle présente des caractéristiques différentes quand il est au repos et quand il est contracté. Pour connaitre ces caractéristiques, des mesures mécaniques sont réalisées sans contraction (propriétés passives) et avec contraction obtenues par stimulation électrique du nerf moteur ou du muscle lui-même (propriétés actives ou contractiles). Les changements de tension (force) et de longueur musculaire sont étudiés dans différentes conditions permettant de reproduire les différents types de contraction, isométrique, isotonique, excentrique, concentrique, dans différentes amplitudes. Pour cela, on varie le type de stimulation électrique utilisé, la charge contre laquelle le muscle isolé se contracte ou se laisse étirer passivement, ou la longueur à laquelle on impose la contraction isométrique. Toutes ces conditions donnent des courbes appelées myogrammes isotoniques, isométriques, etc, qui permettent de comprendre l'impact de ces différents facteurs sur la force produite par le muscle étudié. 4.2 Modèle mécanique du muscle Afin de simplifier l'interprétation des propriétés passives et actives des muscles, différents modèles de muscles ont été développés. Le modèle le plus répandu est le modèle de Hill (voir Figure 8 plus bas). Il comprend trois composantes : - La composante contractile, qui modélise la capacité des myofibrilles de se raccourcir, - La composante élastique série, qui représente l'élasticité des tissus conjonctifs aux extrémités de la composante contractile, i.e. principalement les tendons, - La composante élastique parallèle, qui représente l'élasticité du tissu conjonctif présent dans le corps musculaire, qui est étiré lorsque la longueur du muscle est supérieure à sa longueur de repos, et que la composante contractile est au repos ou en contraction excentrique. Composante contractile Composante Figure 8 : Modèle élastique série du muscle de Hill Composante 15 élastique parallèle Ce modèle permet d'expliquer plus simplement les phénomènes mécaniques mesurés et représentés par les myogrammes. 4.3 Propriétés passives du muscle Nous avons vu dans le chapitre sur l'organisation du muscle que le muscle contient des myofibrilles et différents tissus conjonctifs (endomysium, perimysium, épimysium, fascias, tendons, aponévroses). Les tissus conjonctifs sont des tissus élastiques ou visco-élastiques, c'est-à-dire qu'ils développent une tension, ou force, lorsqu'ils sont étirés. Ils donnent au muscle son élasticité. En fonction de leur position dans le muscle, ils participent à la composante élastique série ou parallèle. La force à exercer pour étirer un muscle au repos commence à augmenter à partir d'une longueur appelée longueur de repos (correspondant à une longueur des sarcomères d'environ 2 µm). Plus le muscle s'allonge, plus la force nécessaire pour l'allonger d'une même longueur augmente. Autrement dit, la relation tension-longueur d'un muscle au repos n'est pas linéaire. La tension n'est pas directement proportionnelle à la longueur. Pour un même allongement, le muscle (les composantes élastiques série et parallèle) résiste de plus en plus fort jusqu'à atteindre son point de rupture. On peut aussi dire que le muscle est plus rigide à des longueurs plus importantes (voir la notion de rigidité dans un cours ultérieur). La courbe qui relie la longueur à la force de résistance s'appelle courbe de tension passive (voir tension passive, Figure 11). 4.4 Propriétés contractiles du muscle Pour l'étude des propriétés contractiles des muscles isolés, il faut induire une contraction de façon artificielle par stimulation électrique. Le type de stimulation (impulsions simples ou répétées) et la fréquence utilisée sont les paramètres modifiés dans ces études. 4.4.1 Myogramme isométrique Impulsion unique : La stimulation du muscle par une seule impulsion électrique entraîne, après une période de latence, une augmentation rapide de la tension suivie d'une diminution plus lente. Cette réponse mécanique s'appelle une secousse musculaire (twitch). La secousse elle- même se divise en deux périodes: 1) une période de contraction qui va du début de l'apparition de la tension jusqu'à l'atteinte du maximum et 2) une période de relaxation qui va de ce maximum jusqu'au retour de la tension à la valeur zéro. Ce retour suit une courbe d'allure tangentielle si bien qu'il est difficile de déterminer quand la tension atteint réellement le zéro. Pratiquement, on définit plutôt le temps de demi-relaxation qui correspond au temps écoulé entre le sommet et l'instant où la tension atteint la moitié de la valeur au sommet. Chez l'humain, les périodes de contraction et de demi-relaxation varient entre 50 ms et 150 ms selon les muscles. Tant chez l'animal que chez l'humain, les muscles constitués principalement d'unités motrices de type I ont des temps de contraction et de demi-relaxation plus longs que les muscles composés d'unités motrices de type II, ce qui explique le nom d'unités motrices lentes et rapides (slow et fast twitch). La stimulation du muscle conduit presque instantanément à la contraction du muscle. Cependant, lors de la période de contraction, la tension s'établit progressivement jusqu'au pic. Cela s'explique par la présence de la composante élastique série (les tendons à chaque extrémité du muscle). Ces tendons amortissent la tension produite car ils doivent être étirés avant que la 16 force ne soit transmise aux points d'attache de ces muscles sur le myomètre (le dispositif utilisé pour maintenir le muscle et mesurer la tension produite) ou sur l'os quand le muscle n'est pas désinséré. Cela diminue aussi l'amplitude du pic de force. L'activité isolée des myofibrilles, lorsque tout le tissu conjonctif est retiré, s'appelle l'état actif, et n'est ainsi pas amorti par les composantes élastiques. L'établissement de la force est plus rapide (temps de contraction court) et l'amplitude du pic de tension plus important que pour la secousse du muscle entier. État actif Tension Secousse musculaire Stimulus Temps de Temps de électrique contraction relaxation A l'opposé, la présence de la composante élastique série permet de protéger le muscle en cas de changement brusque de la tension, dû à une perturbation externe par exemple. Impulsions répétées : Lorsqu'une seconde impulsion est appliquée avant la fin de la période de relaxation, le muscle développera une tension supérieure à celle de la secousse provoquée par un stimulus unique. Plus le second stimulus arrive tôt dans la période de relaxation, plus la tension sera élevée. Si plusieurs stimuli successifs sont appliqués, le muscle générera une tension croissante plus ou moins stable selon la fréquence de la stimulation. Il existe une relation entre la fréquence de stimulation et l'intensité de la contraction. La tension s'accroît d'abord linéairement avec la fréquence puis elle se stabilise à un niveau élevé pour des fréquences plus élevées. Quand la tension ne s'accroît plus malgré l'augmentation de la fréquence, le muscle est en tétanisation complète. Pour une fréquence de stimulation donnée, l'intensité relative de la tension dépend de la durée de la période de relaxation (pour être plus précis, on devrait dire de la durée de la décroissance de l'état actif). Pour les muscles composés majoritairement d'unités motrices de type I, la période de relaxation est plus longue que pour les muscles composés majoritairement d'unités motrices de type II. Par conséquent, la fréquence de fusion ou fréquence critique, (c'est-à-dire la fréquence à laquelle la tétanisation apparaît), est plus petite pour les muscles lents. En général, pour obtenir une tétanisation du muscle chez l'humain, une fréquence de stimulation supérieure à 20 Hz est nécessaire. 17 Fibre type I Fibre type II (lente) (rapide) Secousse Secousse isolée isolée Force produite Impulsions électriques Début de fusion des secousses Force produite Impulsions électriques Début de fusion des secousses Force produite Impulsions électriques Force produite Impulsions électriques Figure 9 : Secousses musculaires obtenues avec des stimulations électriques de fréquence croissante (de haut en bas), allant de la secousse isolée aux secousses fusionnées, pour les fibres de type I, à gauche, et de type II à droite. D'un point de vue clinique, on voit que la fréquence de stimulation des courants utilisés à des fins thérapeutiques (électrothérapie) est un paramètre essentiel pour déclencher une contraction musculaire. La tension développée durant la tétanisation est plus importante que celle mesurée au cours de la secousse unique pour deux raisons. La première est que le ou les premiers stimuli étirent de plus en plus la composante élastique série. Celle-ci devient de plus en plus rigide, si bien que la tension générée par les myofibrilles (composante contractile) est directement transmise au myomètre (son amplitude est proche de celle de l'état actif). Les autres stimuli ne font qu'entretenir l'état actif. La seconde raison est que les stimuli qui suivent le premier augmentent le niveau de l'état actif. La partie contractile du muscle se contracte donc avec une plus forte intensité pour un même stimulus. Chez l'animal, le rapport secousse/tétanisation peut atteindre 0.20 à 0.33, ce qui veut dire que la tétanisation a une intensité de 5 à 3 fois plus élevée que celle de la secousse. Les mesures effectuées chez l'humain indiquent des intensités de 7 à 16 fois plus élevées au cours de la tétanisation qu'au cours de la secousse. 18 4.4.2 Myogramme isotonique Impulsion unique : Quand un muscle est laissé libre de se raccourcir au moment de la stimulation (conditions isotoniques), le développement de la tension dans le muscle se manifeste par le déplacement de la charge fixée à un des tendons (l'autre est fixé au myomètre). Cependant, avant même de déplacer la charge, la contraction étire d'abord la composante élastique série. Puisque la charge est constante, l'allongement de la composante élastique série ne changera pas durant le déplacement. Si la charge représente une force plus petite que celle produite par le muscle, la charge sera d'abord accélérée pour atteindre une vitesse maximale (contraction concentrique). Par la suite, il y aura décélération de la charge car le muscle devient intrinsèquement plus faible aux longueurs plus courtes (relation force longueur présentée plus bas). Une fois le maximum de raccourcissement atteint à la fin de la période de contraction, la charge retournera à sa position initiale durant la période de relaxation. Impulsions répétées : La réponse est similaire à celle obtenue avec un stimulus unique, excepté que la phase de retour n'a pas lieu à moins évidemment d'arrêter la stimulation. De plus, le raccourcissement est plus important puisque la tension générée par le muscle est plus élevée. Le myogramme isotonique peut aussi être mesuré lorsqu'une charge supérieure à la force du muscle à une longueur donnée est ajoutée. Dans ces conditions, la charge étire le muscle contracté (contraction excentrique) avec une accélération momentanée au début, puis progressivement à vitesse de plus en plus lente. Quand la tension développée par le muscle équivaut au poids de la charge, encore une fois parce qu'un muscle plus long est plus fort (voir ci- dessous), cette dernière s'arrête. 4.5 Facteurs qui influencent la réponse mécanique du muscle 4.5.1 La longueur du muscle La tension développée par un muscle lors d'une impulsion unique ou de stimulation répétée dépend directement de la longueur à laquelle il est maintenu. Pour un muscle entier, c'est- à-dire incluant la composante contractile et les composantes élastiques, plus le muscle est long, plus la contraction produit une force élevée, pour une même stimulation électrique. Ceci est dû à l'addition des tensions active et passive, respectivement dues à la contraction musculaire et à l'élasticité du muscle. La tension active est en forme de U inversée (Figures 10 et 11). Un muscle très court ne peut pas produire de force (insuffisance active). En plaçant progressivement le muscle à des longueurs plus importantes, on peut mesurer une tension (qui commence autour de 50 % de la longueur de repos) qui est progressivement plus importante, jusqu'à atteindre un plateau autour de 90 % de la longueur de repos. Si le muscle se contracte à des longueurs plus importantes encore, la tension produite par la composante contractile commencera à diminuer autour de 110 % de la longueur de repos pour finalement être nulle autour de 180 % de la longueur de repos. 19 Figure 10 : Courbe de tension active A Tension B C C B D A D Longueur du 0 2 4 sarcomère (µm) Ces variations de tension produite s'expliquent directement par le niveau d'intrication des filaments fin et épais (Figure 10) : Pour une longueur très courte, les filaments d'actine sont complètement engagés entre les filaments de myosine, à tel point que la bande H n'existe plus. Il n'y a plus de possibilité d'attirer davantage les filaments d'actine entre les filaments de myosine par le pivotement des têtes de myosine. Le muscle ne peut pas se raccourcir plus, il ne peut pas créer de tension supplémentaire. Lorsque la stimulation électrique est appliquée à des longueurs supérieures, les filaments d'actine sont de moins en moins engagés entre les filaments de myosine. Il peut donc y avoir une tension générée par le pivotement des têtes de myosine. La tension qui peut être développée est donc maximale quand le nombre de têtes de myosine se situant en face de sites actifs de liaison actine-myosine est maximal. C'est le plateau de tension maximale : C'est le moment où le plus grand nombre de têtes de myosine peut produite une force. Ensuite, pour des longueurs plus importantes, la quantité de ponts d'actine-myosine pouvant se mettre en place diminue, expliquant la diminution de la tension maximale. A l'extrême, les têtes de myosine ne sont plus en regard des sites actifs de l'actine. Il n'y a plus la possibilité de former des ponts, et donc aucune tension ne peut être développée. Cette dernière situation ne se retrouve qu'en conditions expérimentales, avec "lésions" du tissu conjonctif. Pour le muscle in situ, l'amplitude définie par les contraintes articulaires empêche le muscle d'être étiré à de telles longueurs. Par ailleurs, comme nous l'avons vu dans une section précédente, la composante passive exerce également une tension qui change avec la longueur du muscle. La tension totale exercée par un muscle est donc égale à la somme des courbes tensions longueur active et passive. La courbe de tension totale montre ainsi une augmentation générale, non linéaire de la tension musculaire pour une même stimulation lorsque le muscle est plus long (Figure 11). 20 Tension Courbe de tension totale Figure 11 : Relation force-longueur ou tension-longueur Courbe de tension passive Courbe de tension active Longueur 50 100 150 (% longueur de repos) LA COMPRÉHENSION DE CETTE RELATION FORCE-LONGUEUR EST FONDAMENTALE POUR L'ÉVALUATION ET LA MISE EN PLACE D'INTERVENTIONS DESTINÉES À AUGMENTER LA FORCE MUSCULAIRE. 4.5.2 Le type de contraction La tension maximale mesurée lors d'une contraction musculaire dépend également du type de contraction. Une contraction excentrique développe davantage de tension qu'une contraction isométrique, et une contraction isométrique développe davantage de tension qu'une contraction concentrique, en partie à cause du mécanisme des filaments glissants (revoir sections à ce sujet). 4.5.3 La vitesse du mouvement produit par la contraction A cause du temps nécessaire à la formation des ponts d'actine-myosine et au pivotement des têtes de myosine, la force développée par le muscle dépend de la vitesse du mouvement produit par la contraction. Plus la vitesse est élevée, plus la force qui peut être produite est faible (Figure 12). La vitesse maximale concentrique est ainsi obtenue sans charge. Elle correspond à la vitesse maximale de formation des ponts d'actine-myosine et de pivotement de la tête de myosine. Ensuite, plus la charge augmente, moins le mouvement produit par la contraction est rapide. À un certain niveau de charge (qui dépend du muscle testé), il n'y a plus de mouvement (la vitesse est nulle). La contraction est isométrique et la charge correspond à la force maximale isométrique du muscle testé. Si la charge augmente encore, le muscle ne peut plus créer une force suffisante pour s'opposer au poids de la charge et la contraction devient excentrique. La tension produite est alors plus élevée que la force isométrique. Elle atteint rapidement un plateau pour des charges légèrement supérieures à la charge ayant permis la condition isométrique. La force maximale excentrique représente environ 140 % de la force isométrique. 21 La puissance étant le produit de la force par la vitesse, il s'avère, à partir de cette relation force-vitesse que la puissance musculaire maximale est obtenue pour une force égale à 30 % de la force maximale isométrique et à 30% de la vitesse maximale. Force maximale excentrique Tension Figure 12 : Courbe tension-vitesse Force maximale isométrique Vitesse maximale Vitesse Excentrique 0 Concentrique Isométrique 22 5 Phénomènes thermiques associés à la contraction 5.1 Efficacité mécanique du muscle Le concept fondamental de la conservation de l'énergie implique que l'énergie produite par les réactions chimiques doit être retrouvée sous diverses formes d'énergie. Dans le cas du muscle, il n'y a que 20 % de toute l'énergie produite qui est transformée en énergie mécanique. Les 80 % d'énergie qui restent sont dissipés sous forme de chaleur. Le rapport entre l'énergie mécanique générée et l'énergie totale produite au niveau du muscle représente l'efficacité du muscle, de l'ordre du 20%. La chaleur produite par le muscle est le résultat de plusieurs phénomènes qui permettent de diviser la chaleur dégagée par le muscle en deux périodes : la chaleur initiale et la chaleur de recouvrement. 5.2 Chaleur initiale Chaleur d'activation (ou de maintien ou de maintenance dans les contractions tétaniques) qui est associée avec l'état actif. Cette chaleur est présente dans tous les types de contraction. Elle est liée aux mécanismes d'utilisation de l'ATP. Chaleur de raccourcissement qui ne s'observe que durant la contraction avec raccourcissement. Elle est absente au cours de la contraction statique et dynamique excentrique. Chaleur de relaxation qui résulte de l'énergie emmagasinée dans les composantes élastiques-série au cours de la contraction. Cette énergie est libérée sous forme de chaleur quand le muscle se relâche : les composantes élastiques séries étirent alors la composante contractile du muscle. 5.3 Chaleur de recouvrement Cette chaleur s'observe sur de longues périodes et à faible intensité. Elle est associée à la reconstitution des réserves énergétiques du muscle (PC et glycogène). Elle survient après la contraction, quand le muscle ne se contracte plus. 23 6 La force musculaire développée chez l'Homme (muscle in situ) Précédemment, nous avons vu les mécanismes de la contraction musculaire, de l'activation du motoneurone alpha jusqu'à la production de force musculaire pour le muscle isolé. In situ, c'est-à-dire en place dans le corps humain, les conditions mécaniques et de contrôle musculaire sont modifiées respectivement à cause de la mécanique des articulations, et par le fait que la commande motrice dépend de nombreux facteurs chez l'homme. Nous allons donc voir en quoi les différentes propriétés mécaniques (relations force-longueur, force-vélocité, …) sont modifiées pour les muscles in situ. Cela permettra de mettre en place les principes à appliquer pour réaliser une évaluation de la force musculaire appropriée. 6.1 Aspects psychologiques La génération d'une force musculaire, maximale ou sous-maximale, implique un effort volontaire. En fonction des conditions psychologiques de la personne, la force produite représente une proportion plus ou moins importante de la force maximale que le ou les groupes musculaires impliqués dans le mouvement peuvent réaliser. La force maximale réelle d'un groupe musculaire, appelée force maximale absolue, ne peut ainsi être obtenue uniquement par stimulation électrique supra-maximale, c'est-à-dire à une intensité suffisante pour assurer une activation de la totalité des fibres du groupe musculaire évalué. C'est une procédure relativement douloureuse, qui peut mettre en évidence d'éventuels problèmes liés à la commande motrice ; elle est principalement utilisée en recherche. Par ailleurs, différentes études ont montré que la force maximale produite volontairement peut être augmentée sous hypnose ou en utilisant une rétroaction visuelle du niveau de force produit. Ces augmentations sont de l'ordre de 10 à 20 %, et ne permettent pas d'atteindre volontairement la force maximale absolue. Il existe donc bien des limites psychologiques et physiologiques à la production de la force maximale, probablement pour protéger le système musculo-squelettique. L'appréhension de la douleur est un autre facteur évident de l'impact psychologique sur la force musculaire. 6.2 Aspects mécaniques Les aspects mécaniques de la mesure de la force musculaire dépendent de la biomécanique de l'articulation testée, il est donc essentiel de maitriser le cours de biomécanique PHT-1303 pour bien comprendre les bases de l'évaluation de la force. L’évaluation de la force maximale consiste essentiellement à mesurer une force, ou moment, externe lors de la génération d’une force, ou moment, interne. En statique, l’équation d’équilibre qui établit le lien entre ces forces et moments est la suivante : Moment externe + Moment interne = 0 Moment externe = Moment interne (sans prendre en compte l'orientation) Force externe x Levier externe = Force interne x Levier interne Force externe = Force interne x Levier interne / Levier externe 24 La dernière équation montre que la valeur de la force externe est inversement proportionnelle au bras de levier externe. Par conséquent, pour un même moment interne, la force mesurée par un dynamomètre (un outil qui mesure une force) dépend directement de l'endroit où celui-ci est en appui sur le segment mobilisé par la force produite. Plus le dynamomètre est appuyé loin de l'articulation en jeu (i.e. plus le bras de levier externe est long), plus la force mesurée est faible puisque le moment reste le même. Pour mesurer la force, il faut donc prendre en compte le bras de levier externe, et le maintenir constant pour réaliser un suivi de bonne qualité de la force maximale d'un patient. Pour éviter de spécifier le bras de levier externe, i.e. la distance entre l'axe articulaire et l'axe du dynamomètre, on recommande de rapporter les mesures de force musculaire en termes de moment externe (le produit de la force mesurée par le bras de levier externe, en N.m. ou lb.pi) plutôt que de force (N ou lb). Toutefois, dans certaines évaluations où il est impossible de connaître la situation de l'axe de rotation (ex.: la préhension et les efforts linéaires), les valeurs sont données en unités de force absolue (Newtons). Si on mesure le moment produit par le groupe musculaire, celui-ci sera identique quel que soit le bras de levier. Des dynamomètres informatisés mesurent directement un moment de force, évitant ainsi les erreurs liées au bras de levier. Lors de l'évaluation de la force à une articulation, c'est la composante de rotation de la force produite qui est mesurée (moment). Au niveau de l'articulation, les effets de translation liés à la contraction musculaire déterminent des composantes de compression et de cisaillement. Ces forces internes peuvent être assez grandes par rapport aux forces externes qu'on mesure, car les bras de levier musculaires sont petits par rapport au bras de levier externe des dynamomètres. Il faut donc être prudent lors de la mesure de la force musculaire pour éviter que ces forces de compression et de cisaillement provoquent des lésions articulaires. 6.3 Aspects physiologiques 6.3.1 Système nerveux En plus de la motivation intrinsèque du sujet, la production de la force maximale peut être limitée par des mécanismes physiologiques qui inhibent normalement l'activation des unités motrices. Par exemple, la force de poussée des membres inférieurs est plus faible lorsque les deux membres participent à l'effort plutôt qu'un seul (la somme des forces produite par chacun des membres seul dépasse nettement celle de la force totale produite simultanément par les deux membres). Un phénomène semblable est noté au niveau de la préhension : si on fait la somme de la force de chacun des doigts, on constate qu'elle dépasse la force de préhension globale qui demande la participation simultanée de tous les doigts. La différence de production de force commandée par le système nerveux plutôt que par une stimulation électrique artificielle expliquerait également pourquoi certains groupes musculaires produisent plus de force lors d'une contraction dynamique concentrique que lors d'une contraction statique, ou lors d'une contraction statique que lors d'une contraction excentrique. Puisque ces résultats ne correspondent pas aux propriétés contractiles mesurées sur des muscles isolés, la différence est attribuée aux mécanismes inhibiteurs que le système nerveux met en jeu lors de la production de forces maximales chez l'humain. 25 6.3.2 Système neuro-musculaire Courbe force-temps Lorsqu'un groupe musculaire se contracte, en conditions isométriques, avec le maximum de force et le plus vite possible, la force maximale n'est pas atteinte instantanément (Figure 13). Pour atteindre 90 % de sa force maximale, il faut environ une demi-seconde. La principale cause de ce phénomène est la présence de la composante élastique série que le muscle étire avant de générer la force externe sur le dynamomètre, ainsi que la capacité du système nerveux central à activer rapidement et maximalement l'ensemble des unités motrices des muscles évalués. Ce délai peut être analysé par la vitesse maximale de croissance de force. Le temps nécessaire pour atteindre le maximum peut prendre jusqu'à trois à quatre secondes. A la fin de la contraction, la relaxation n'est pas instantanée. Ici aussi, la vitesse maximale de relaxation est un paramètre de mesure de la phase de relaxation. La croissance de force ne s'observe pas seulement dans les efforts statiques, mais aussi dans les efforts dynamiques. Vitesse maximale de Vitesse maximale de N.m croissance de force relaxation 100 Force maximale 50 Délai Figure 13 : Courbe force-temps 0 sec 0,25 0,5 0,75 1,0 1,25 1,5 La relation force-longueur Puisque les muscles s'insèrent sur les pièces osseuses, et que leur raccourcissement entraîne un changement d'angle de l'articulation, on doit obligatoirement étudier la relation force- longueur en mesurant la force maximale produite aux différents angles de l'articulation. On appelle courbe de force la description des forces mesurées en fonction des angles articulaires. Si le levier externe est constant, les courbes de moment maximal ont la même allure que les courbes de force. 26 Figure 14 : Relations force-longueur Moments N.m (N.m) 120 Fléchisseurs d'épaule 150 100 130 80 110 60 90 Extenseurs 40 de genou 70 150 120 90 60 30 0 -30 ° 30 60 90 120 ° Les courbes de force obtenues sur plusieurs groupes musculaires montrent bien l'influence de la relation force-longueur. La majorité des courbes ont leur sommet quand les muscles sont les plus longs (Figure 14, fléchisseurs d'épaule) et il semble que la longueur maximale des muscles chez le vivant corresponde à la longueur optimale décrite chez l'animal. Toutefois, quelques groupes musculaires produisent des courbes qui ont un sommet à des angles intermédiaires de l'articulation, comme les fléchisseurs du coude, les adducteurs d'épaule et les extenseurs du genou (Figure 14). Ces courbes ont cette allure à cause de l'influence prépondérante du bras de levier interne aux différents angles de l'articulation. La forme de la courbe de force externe mesurée pour l'extension du genou ne suit pas le profil habituel de la courbe force-longueur (Voir section précédente). Ce profil particulier est dû à la variation du bras de levier interne (Figure 15). La force interne (carrés noirs, figure de droite), développée par le muscle suit bien la relation force-longueur habituelle, montrant un muscle plus fort lorsqu'il est plus long. Par contre, le bras de levier interne (croix grises, figure de droite) change de longueur et est plus court à 0 et 90° qu'autour de 45°. Ces changements de longueur sont dus à la forme de l'articulation fémoro-patellaire. La courbe de moment externe, étant égale à celle du moment interne, qui est le produit de la force musculaire et du levier interne, montre ainsi un sommet à l'angle de 45° avec une diminution de part et d'autre du sommet. De l'angle de 45° à 0°, la diminution de la force externe est due à la fois à la diminution de la force du muscle (le quadriceps se raccourcit entre 45° et 0°, extension complète du genou) et au bras de levier interne plus court. Entre 45° et 90°, même si la force musculaire augmente (le quadriceps s'allonge), la diminution marquée du bras de levier interne provoque une diminution de la force externe entre 45° et 90°. On voit donc bien que la courbe de force du muscle en place, dans le corps humain (in situ), ne se comporte pas comme celle d'un muscle isolé. Le bras de levier interne, lié à la forme de l'articulation ou aux insertions du muscle sur les os (comme pour les fléchisseurs du coude ou les adducteurs d'épaule), peut avoir une influence majeure sur la force externe. 27 Figure 15 : Extenseurs du genou. Force et bras de levier externes (gauche). Force et bras de levier internes (droite). N N 380 Force 3000 Force externe interne 280 2100 Bras de levier interne Bras de levier externe 180 1200 0 45 90° 0 45 90 ° Le rôle de la longueur des muscles dans la production de la force externe peut aussi être démontré en allongeant les muscles bi-articulaires. Dans ce type d'expérience, le levier interne n'est pas modifié, alors que les muscles sont allongés par la position de l'articulation voisine à celle évaluée. Les résultats de ces expériences montrent que l'allongement entraîne une augmentation de la force externe (la force produite par le muscle lui-même n'augmente évidemment pas, il se contracte seulement à une longueur où il peut produire plus de force). Les types de contraction musculaire Puisque les muscles peuvent se contracter dans différentes conditions, i.e. statique, concentrique et excentrique, et que la force maximale produite dépend du type de contraction (excentrique > statique > concentrique), l'évaluation de la force peut être réalisée dans ces trois conditions. Il existe différents moyens pour mesurer ces différents types de force (dynamométrie manuelle, 1RM, dynamométrie isocinétique, voir notes de cours ultérieures). Chez l'humain, les recherches sur la force produite dans les différents types de contraction ont généralement confirmé les données obtenues chez l'animal, à savoir que la force d’une contraction concentrique est plus faible que celle d’une contraction de type statique qui elle-même est plus faible qu’une contraction de type excentrique. Cependant, il arrive parfois que la force excentrique soit plus faible que celle mesurée en statique. Ceci est particulièrement notable dans les amplitudes extrêmes de mouvement. De même, la force statique est parfois moins élevée que la force concentrique mesurée à basse vélocité. Il est probable que des phénomènes d'origine nerveuse centrale empêchent chez l'humain la production des forces très élevées rencontrées lors des contractions de type excentrique ou de type statique. 28 La force dynamique concentrique mesurée à basse vélocité est en relation avec la force statique en autant que les forces comparées soient celles mesurées à un même angle. Le mot "relation" signifie ici que la force dynamique représente une proportion constante de la force statique, proportion similaire pour toutes les personnes. Cela n'implique pas que la valeur absolue de la force soit la même pour les différents types de contraction. Les forces dynamiques concentriques mesurées à haute vélocité ne sont pas en relation avec les forces dynamiques concentriques enregistrées à basse vélocité et avec les forces statiques, principalement à cause de la relation force-vélocité. La vitesse de contraction La relation force-vélocité est globalement conservée chez l'homme par rapport à celle observée sur le muscle isolé. Dans les notes ci-dessus et les cours précédents, nous avons vu comment la mobilité est possible, autant en passif qu'en actif. Dans la pratique, le physiothérapeute sera confronté, dans la majorité des cas à des réductions de la mobilité passive et/ou active. Nous allons donc voir dans le prochain cours les principales causes de ces réductions de mobilité. 29 7 Références Lieber RL, Bodine-Fowler SC. 1993. Skeletal muscle mechanics: implications for rehabilitation. Physical Therapy 73(12):844-856. Neumann, Donald A. 2009. Kinesiology of the Musculoskeletal System: Foundations for Rehabilitation, 2nd Edition. Mosby, Chapitres 1 à 4 Pour plus de détails sur les récepteurs sensoriels musculaires : Livre de physiologie générale, tel que Bases neurophysiologiques du mouvement. Mark L. Latash, Paul Delamarche. Editions De Boeck, Paris. 2002. Disponible en ligne. http://books.google.ca/books?id=O_szKVd- mQMC&pg=PA52&lpg=PA52&dq=fuseaux+neuromusculaires&source=bl&ots=NFxkM- pF0i&sig=uEgX0DUe9UoY4H9PKBAzt86xih4&hl=fr&ei=L6KqSuaKHsnflAfw6OGrBg&sa=X&oi= book_result&ct=result&resnum=9#v=onepage&q=fuseaux%20neuromusculaires&f=false Théorie des filaments glissants Huxley AF, Niedergercke R. 1954. Structural changes in muscle during contraction; interference microscopy of living muscle fibres. Nature 173(4412):971-973. Huxley AF, Hanson J. 1954. Changes in the cross-striations of muscle during contraction and stretch and their structural interpretation. Nature 173(4412):973-976. Zierath JR, Hawley JA. 2004. Skeletal muscle fiber type: influence on contractile and metabolic properties. PLoS Biology 2(10):e348. 30