Pauvreté : Pluralité des Approches et des Mesures (PDF)

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This document presents an overview of poverty, exploring various approaches and measurements in social sciences. It delves into the historical context of poverty, its evolution, and the different perspectives related to it.

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1- Pauvretés : pluralité des approches et des mesures Introduction La pauvreté a longtemps constitué un phénomène de masse (« pauvreté intégrée » au sens de Serge Paugam) Elle pouvait être auréolée d’une valeur spirituelle (avant le XI...

1- Pauvretés : pluralité des approches et des mesures Introduction La pauvreté a longtemps constitué un phénomène de masse (« pauvreté intégrée » au sens de Serge Paugam) Elle pouvait être auréolée d’une valeur spirituelle (avant le XIIIe siècle) avant de devenir un problème social Lutte contre la pauvreté : 1ères lois sur les pauvres (Poor Law) en Angleterre au début du XVIIe siècle. A partir de la fin du XVIIIe siècle, la pauvreté n’est plus envisagée comme une fatalité mais comme un problème dont les sociétés peuvent se sortir par le travail et l’éducation La question sociale qui se développe dans le courant du XIXe siècle remet en cause au moins en partie cette croyance Généralisation des lois d’assistance aux pauvres à partir du début du XXe siècle : Aide ou assistance sociale (En France, mise en place de l’Assistance médicale gratuite pour les plus pauvres en 1893, etc.) Introduction C’est dans le contexte de la mise en place de l’aide sociale que Georg Simmel, sociologue et philosophe allemand publie le texte Les Pauvres (1908), source d’inspiration de travaux actuels en sciences sociales « Ce n’est pas le manque de moyens qui rend quelqu’un pauvre, sociologiquement parlant, la personne pauvre est l’individu qui reçoit assistance à cause de ce manque de moyens » « il apparait clair que le fait de prendre aux riches pour donner aux pauvres n’a pas pour but d’égaliser les positions individuelles, pas plus, même dans son orientation, que de supprimer la différence sociale qui sépare les riches des pauvres. Au contraire, l’assistance se fonde sur la structure sociale, quelle qu’elle soit ; elle est en contradiction totale avec toute aspiration socialiste ou communiste, qui abolirait une telle structure sociale. Le but de l’assistance est précisément de mitiger certaines manifestations extrêmes de différenciation sociale, afin que la structure sociale puisse continuer à se fonder sur cette différenciation. Si l’assistance devait se fonder sur les intérêts du pauvre, il n’y aurait, en principe, aucune limite possible quant à la transmission de la propriété en faveur du pauvre, une transmission qui conduirait à l’égalité de tous. Mais, puisque ce but est le tout social (…) il n’y a aucune raison d’aider le pauvre plus que ne le demande le maintien du statu quo social » Introduction L’aide sociale fait rapidement l’objet de critiques : en tant que prolongement de l’ancienne charité privée, elle conduit à l’imposition d’un statut social dégradant (→ non-recours aujourd’hui) L’assurance sociale (Sécurité sociale, etc.) qui se développe surtout dans la 2ème moitié du XXe siècle et l’objectif de fournir un emploi salarié à quiconque conduisent à l’espérance de mettre fin définitivement à la pauvreté Cependant, sans que la pauvreté « historique » ne soit complétement supprimée, on voit se développer de nouvelles formes de pauvreté à partir des années 1970 constitutives de la nouvelle question sociale Introduction ci-dessous, uniquement la pauvreté monétaire est prise en compte Introduction Mais une pauvreté (monétaire) qui touche davantage certaines catégories sociales Introduction Montpellier …et certains territoires. Certains quartiers concentrent la pauvreté 1- Pauvretés : pluralité des approches et des mesures a – Les mesures de la pauvreté Pauvretés monétaires 2 pauvretés monétaires Pauvreté relative (France, Europe, etc.) : détermination d’un seuil de pauvreté par rapport à la situation de l’ensemble de la population (60% du niveau de vie médian en Europe) Pauvreté absolue (Etats-Unis, etc.) : détermination d’un panier de consommation (biens et services) estimé essentiel sur une période donnée en tenant compte des spécificités économiques et sociales (traditions, niveau de développement, etc.) Origine ancienne de cette approche de la pauvreté : Benjamin Rowntree, Poverty : A Study of Town Life (1901) : détermination d’un seuil de pauvreté correspondant au minimum hebdomadaire qui permette de garantir aux familles de mener une vie saine (apport calorique et nutritionnel de base) La Banque Mondiale produit depuis plus de 40 ans des données sur l’évolution de la pauvreté mondiale : seuil d’extrême pauvreté fixé à 1,90 $ / jour réévalué depuis 2022 à 2,15 $ / jour. Mais ce seuil d’extrême pauvreté est jugé trop bas Mesure alternative de la pauvreté absolue ici : 30 $ / jour 17% de la population mondiale vit avec plus de 30 $ / jour 91% de la population mondiale vit avec plus de 2,15 $ / jour Cartes et graphiques proposés par Max Roser Pauvretés monétaires Limites des mesures monétaires de la pauvreté Unidimensionnelles : revenu ou consommation Eléments non pris en compte de la propriété d’un logement, d’une voiture, etc. de la production domestique de l’incertitude économique et de la précarité des relations sociales (« capital social ») de l’offre de services publics Pauvreté absolue Evaluation du panier qui peut reposer sur des représentations sociales « biaisées » Pauvreté relative Détermination du seuil Concentration généralement de la population autour du seuil Si le revenu double pour toute la population, la pauvreté ne bouge pas Si le revenu augmente mais davantage pour les catégories sociales les plus aisées, la pauvreté augmente Pauvreté en conditions de vie Pauvreté en conditions de vie : Mesure l’absence ou la difficulté d’accès à des biens d’usage ordinaire ou à des consommations de base. On parle généralement de privation Ce n’est pas le manque de tel ou tel bien matériel de base qui définit la pauvreté, mais le cumul des difficultés d’accès Au niveau européen, pauvreté lorsque 5 privations parmi une liste de 13 C’est le sociologue Peter Townsend (dans The Concept of Poverty (1970)) qui a développé cette approche de la pauvreté en termes de conditions d’existence ou de privations. Privation : exclusion par rapport au mode de vie dominant tel qu’il ressort des pratiques sociales (alimentaire, habillement, etc.) 12 privations déterminées par Townsend : alimentation, habillement, chauffage et électricité, équipement du ménage, conditions de logement, conditions de travail, santé, éducation, environnement, activités familiales, activités de loisirs, relations sociales Limites : choix des privations et du seuil en dessous duquel on est considéré comme pauvre Pauvreté en conditions de vie Pauvreté subjective Pauvreté subjective S’appuie sur les jugements des personnes. Mesure du sentiment de pauvreté (de l’ordre de 13% en France selon l’enquête réalisée par Nicolas Duvoux – Approfondissement en TD) Question : « Et vous personnellement, pensez-vous qu’il y a un risque que vous deveniez pauvre dans les cinq prochaines années ? 1. Oui, plutôt 2. Non, plutôt pas 3. Je me considère déjà comme pauvre » Limites : « attentes » frustrées ou « goûts dispendieux » des personnes enquêtées Pauvreté subjective Pour Nicolas Duvoux, promoteur de la mesure de la Pauvreté subjective « Le subjectif nous donne (…) un meilleur accès à la compréhension des positions sociales et de la hiérarchie sociale. Pourquoi ? De nombreux travaux montrent que, dans l’évaluation du statut social subjectif, les personnes font entrer (…) une large palette de paramètres. Si je mesure la position sociale par le niveau de revenu, je n’aurai qu’un seul critère ; tandis que si je demande aux individus quelle est leur position sociale, ils mentionneront le revenu, mais aussi leur patrimoine, leur place dans la fratrie (le sentiment d’avoir mieux ou moins bien réussi que son frère ou sa sœur est un élément important dans l’évaluation de sa propre position sociale)... » Prise en compte également du rapport à l’avenir Au niveau collectif, la comparaison de la société actuelle avec celle des années 1960-1970 (Trente Glorieuses) montre un taux de pauvreté plus élevé durant les années 1960-1970 mais avec une croyance dans l’avenir. Aujourd’hui, la pauvreté est moins élevée, mais se diffuse un sentiment collectif d’insécurité sociale (davantage qu’une explosion des inégalités) Au niveau individuel, les personnes pauvres peuvent pour certaines être optimistes car elles perçoivent un avenir meilleur (ex : certains migrants) alors que des catégories sociales « moyennes » peuvent percevoir une dégradation de leur situation alors qu’elles sont dans des conditions d’existence meilleures 2 – De la déviance à la discrimination b – La discrimination La discrimination dans les sciences sociales L’étude des discriminations s’inscrit dans le cadre des inégalités sociales Les individus connaissent des processus d’assignation identitaire qui les rattachent de manière extérieure à des catégories d’appartenance (ex : origine ethnique, religion, orientation sexuelle, etc.) entrainant un traitement différencié Très tôt, aux Etats-Unis, les économistes se sont intéressés à L’économie des discriminations (Gary Becker -1957) : Les pratiques discriminatoires des entreprises doivent dans un cadre concurrentiel théoriquement disparaître car ne pouvant faire face aux entreprises concurrentes qui ne discriminent pas et présentent des coûts de production plus faibles Avec Kenneth Arrow (1972)) notamment, ils introduisent la notion de discrimination statistique. Dans un contexte où l’information est imparfaite, les agents utilisent les caractéristiques observables comme le groupe ethno-racial ou le genre comme indicateur pour en déduire des caractéristiques non observables à leurs yeux. Ainsi, un employeur peut croire qu’une catégorie sociale (la population noire, les femmes, etc.) en moyenne a une productivité plus faible, ce qui le conduira à discriminer cette catégorie, à qualifications observables égales. Ces croyances ex ante peuvent devenir autoréalisatrices. Il suffit que les agents y croient pour qu’elles deviennent réelles. La discrimination dans les sciences sociales Cependant, cette analyse de la discrimination statistique qui exonère en quelque sorte de toute responsabilité les agents mettant en place des pratiques de discrimination a été critiquée. Par exemple, « si la discrimination émane d’un raisonnement probabiliste dépourvu en soi d’intentions exclusionnistes, elle devrait se pratiquer par les employeurs indépendamment de leur appartenance ethno-raciale. Cela ne correspond pas à la réalité empirique ; ce sont les employeurs blancs qui discriminent surtout les candidats noirs ou issus de minorités » (Mirna Safi, Les inégalités ethno-raciales). C’est pourquoi pour beaucoup, les discriminations ne relèvent pas de la seule rationalité des agents et discrimination statistique et nécessitent de tenir compte des préjugés, des stéréotypes, etc., qui peuvent reposer sur des rapports de domination La discrimination dans les sciences sociales La notion de discrimination présente un important marquage juridique Peut-être définie ainsi comme « la distinction ou la différence de traitement illégitime : illégitime parce qu’arbitraire, et interdite parce qu’illégitime » (Danièle Lochak, 1987) Depuis l’introduction en 1972 du principe de non-discrimination fondée sur « l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », le droit français s’est étoffé avec notamment l’élargissement des motifs illégitimes et l’introduction de dispositions prohibant la discrimination en droit du travail On dénombre ainsi aujourd’hui 25 critères de discrimination : origine, sexe, situation de famille, grossesse, apparence physique, vulnérabilité particulière liée à la situation économique, nom, lieu de résidence, état de santé, perte d’autonomie, handicap, caractéristiques génétiques, mœurs, orientation sexuelle, identité de genre, âge, opinions politiques, activités syndicales, qualité de lanceur d’alerte, qualité de facilitateur de lanceur d’alerte ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, langue parlée (capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français), ethnie, nation, race prétendue, religion À la discrimination directe, a été ajoutée la discrimination indirecte : une norme ou pratique apparemment neutre a un impact défavorable sur les membres d’un groupe sur la base de l’un des critères précédents (ex : prime versée pour les employés à temps complet) La discrimination dans les sciences sociales La sociologie américaine a très tôt (années 1960 au moins) introduit cette notion de discrimination ; la sociologie française s’y intéresse depuis les années 1990. Plusieurs implications On ne raisonne plus sur les difficultés d’intégration en se centrant sur les attributs des personnes discriminées mais sur les blocages et les obstacles, donc sur le fonctionnement de la société elle-même pour comprendre ces inégalités de traitement La question de la discrimination décale l’analyse. On passe de la mise en cause des discours (ex : racisme) aux faits avérés (ex : racisme en acte) Il y a des spécificités contextuelles mais l’on peut trouver une transversalité aux logiques discriminatoires : par exemple l’essentialisation ou la naturalisation des identités liées à l’origine, au sexe, etc. Elles sont étudiées généralement dans les interactions sociales (approche relationnelle) et peuvent se cumuler ou se combiner (intersectionnalité) 2 – De la déviance à la discrimination Introduction Discrimination, stigmatisation voire déviance renvoient au thème des inégalités sociales Ces dernières comme la pauvreté, sont souvent réduites à leur dimension monétaire Or, les sciences sociales soulignent leur caractère multidimensionnel (ex : Max Weber étudiait la société à partir de critères économiques (monétaires), mais aussi de prestige (statut) et de pouvoir) Une inégalité sociale est le résultat d’une distribution inégale entre les membres d’une société, des ressources de cette dernière, distribution inégale due aux structures mêmes de cette société et faisant naître un sentiment, légitime ou non, d’injustice au sein de ses membres (Alain Bihr, Roland Pfefferkorn, Le système des inégalités (2008). Une inégalité est sociale dès lors qu’elle est produite par la société et s’inscrit dans les rapports que les groupes sociaux entretiennent entre eux. Schématiquement, on peut distinguer les inégalités matérielles (revenus, patrimoines, etc.) sociales et politiques (interactions sociales, pouvoir de se faire entendre et de défendre ses intérêts et ses droits, etc.) symboliques (diplômes, références culturelles, etc.) Introduction Les inégalités sociales peuvent renvoyer à des phénomènes de discrimination Dans cette situation, les personnes discriminées sont assignées à une identité, à un statut, à une fonction. Ces discriminations contraignent le développement de l’estime de soi et réduisent l’accès à diverses ressources sociales. Certaines ressources sont particulièrement valorisées dans nos sociétés modernes : diplômes, revenus, patrimoines, position professionnelle, accès à la consommation, accès à la culture, accès à la santé, etc. Les inégalités sociales peuvent se cumuler La notion d’intersectionnalité a été introduite par la juriste Kimberlé Williams Crenshaw à la fin des années 1980 pour souligner que les inégalités se conjuguent et se renforcent mutuellement (ex : les femmes noires subissent de multiples formes de domination) A la fin des années 2000, les sciences sociales l’ont reprise, en particulier les études sur le genre, pour insister sur l’imbrication des rapports sociaux Introduction Au fondement des inégalités sociales se trouve un sentiment d’injustice. Est-ce qu’une inégalité est légitime ? Plusieurs arguments ont été avancés historiquement pour justifier cette légitimité ; la critique de ces arguments est constitutive de l’étude des inégalités sociales L’inégalité est justifiée parce qu’elle repose sur un ordre extérieur et supérieur à la société (ordre naturel, divin, etc.). L’inégalité est une donnée et une nécessité non contestable L’inégalité est le prix à payer pour l’efficacité économique dans un contexte d’égalité des citoyens face à la loi (égalité formelle). L’égalité sociale serait synonyme d’inefficacité et de remise en cause des libertés individuelles La société offre une égale possibilité à tous les individus d’atteindre les meilleures places dans la hiérarchie sociale. Il y a égalité des chances. Les inégalités sociales ne sont que de simples inégalités d’aptitudes ou d’efforts des individus L’inégalité sociale est justifiée dès lors que la situation créée par celle-ci permet d’améliorer le sort des plus défavorisés par rapport à ce que serait une situation plus égalitaire (John Rawls, Théorie de la Justice (1971) Introduction 2 notions connexes aux inégalités sociales sont d’abord étudiées : la déviance et la stigmatisation La déviance est ici envisagée comme un processus social de catégorisation des personnes qui ne se conforment pas aux normes et aux valeurs dominantes La stigmatisation conduit à jeter le discrédit sur des personnes possédant des traits différents : physique, psychologique, culturel, etc. L’étude de ces 2 notions permet de plus, de présenter 2 sociologues importants : Howard Becker et Erving Goffman a – Déviance et stigmatisation La déviance : Introduction Non-conformité des conduites qui entrainent réprobation ou sanction sociales analysée comme des pathologies sociales dans la 1ère moitié du XXe siècle (école de Chicago) : indolence, lascivité, sexualité hors mariage, meurtre, vol, homosexualité, divorce, irréligion (forte influence de la morale et de la religion) viennent ensuite la pauvreté, l’alcoolisme, la délinquance juvénile, la prostitution, la toxicomanie, la délinquance en col blanc à partir des années 1950 (et la 2nde génération de l’école de Chicago), on parle de déviance et non plus de pathologies sociales : musiciens de jazz, prostituées, stripteaseuses, clochards, hippies, etc. la sociologie de la déviance a intégré également la maladie, le handicap physique, les groupes minoritaires, etc. La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Non une adhésion à des théories, mais à une démarche empirique (observations essentiellement). La réalité est trop complexe pour être appréhendée par une théorie Méthode inductive : consiste à ne pas adhérer à une théorie a priori mais à une démarche empirique (observations). Ainsi, les statistiques et les témoignages ne suffisent pas, il faut aller au contact direct des acteurs (Robert Park) Actions collectives (« étudier comment les gens font des choses ensemble ») : la société est envisagée comme un ensemble d’actions collectives. Etudier une action collective, c’est étudier la démarche des acteurs sociaux qui la réalise en y incluant l’univers de significations sur lesquelles ils s’appuient. Ces significations sont construites au cours des interactions entre les acteurs sociaux (processus) La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Les années 1960 voient se multiplier les études sur la déviance aux États-Unis Elles reposent sur un travail de terrain conséquent Elles analysent les relations entre les personnes et les groupes sociaux impliqués dans cette question de la déviance Elles remettent en cause l’idée courante alors selon laquelle les causes des conduites déviantes se trouvent dans les caractéristiques sociales et le milieu social des personnes développant des conduites déviantes ⇾ Robert Merton, « Social Structure and Anomie » (1938) : discordance entre objectifs légitimes offerts par la société et les moyens légitimes disponibles. Déviance lorsque utilisation des moyens illégitimes Observation participante Permet d’observer directement des pratiques et des comportements (≠ entretiens, questionnaires) Présence de longue durée sur le terrain (des mois, voire au-delà d’une année) : permet ainsi de disposer de nombreuses données et relativement exhaustives et d’étudier les variations des comportements et des points de vue suivant les situations Analyse des données faite de manière séquentielle (processus) (≠ méthode dite « hypothético-déductive » → Becker souligne même que cette démarche relève du mythe : les hypothèses sont développées dans le cours de l’analyse et non avant) Mais ce type de méthode n’est pas toujours applicable La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) La notion de déviance : introduite par les sciences sociales. Ainsi, ne disait-on pas déviant mais « C’est un voleur. C’est un fou. C’est une prostituée. C’est un drogué. La notion de déviant qui exprime ce qui est commun à tous ces individus. Et nous pouvons chercher ce qui est général dans ce processus. Voilà l’autre aspect dont les sciences sociales doivent rendre compte. Elles sont les seules à le faire ; le sens commun ne le fait pas » « les gens sont beaucoup plus déviants, au moins en imagination, qu’ils ne le paraissent. Au lieu de nous demander pourquoi les déviants veulent faire des choses réprouvées, nous ferions mieux de nous demander pourquoi ceux qui respectent les normes tout en ayant des tentations déviantes ne passent pas à l’acte » La déviance comme « étiquetage » n’est pas une propriété inhérente à certains comportements ou à certains acteurs, mais est une catégorie construite au cours des activités auxquelles prennent part toutes les parties impliquées dans les faits de déviance. Significations « construites » et non immanentes. Prendre en compte l’expérience des déviants « Mon livre avait deux attraits : il parlait de jazz et de marijuana. Et il est écrit simplement. Ce n’est pas du Pierre Bourdieu » La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Déviance Conduites que l’on appelle selon les cas « délits, vices, non-conformisme, singularité, excentricité ou folie » Sens plus large que la délinquance : sont qualifiés de déviants les comportements qui transgressent des normes acceptées par tel groupe social ou par telle institution. On inclut dans la déviance : les actes sanctionnés par le système juridico-policier, mais également les maladies « mentales », l’alcoolisme, etc. Non le fait de transgresser des normes sociales, mais celui d’être qualifié de déviant par autrui → Réaction des autres « La déviance n’est pas une qualité de l’acte commis par une personne mais plutôt une conséquence de l’application par les autres, de normes et de sanctions à un « transgresseur ». « La déviance n’est pas une propriété simple, présente dans certains types de comportements et absente dans d’autres, mais le produit d’un processus qui implique la réponse des autres individus à ces conduites » « Les groupes sociaux créent la déviance en inventant les règles dont l’infraction constitue la déviance, et en appliquant ces règles à certains individus qu’ils désignent ainsi comme des outsiders (…) Le déviant est un individu auquel cette désignation a été appliquée ; la conduite déviante est une conduite qu’autrui désigne de cette manière » La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) La déviance n’est pas non plus la manifestation d’une pathologie, d’une dysfonction, d’une désorganisation sociale ou le produit d’une « maladie » La déviance est donc le résultat d’interactions sociales « résultat d’un processus d’interaction entre des individus ou des groupes : les uns, en poursuivant la satisfaction de leurs propres intérêts, élaborent et font appliquer les normes sous le coup desquelles tombent les autres qui, en poursuivant la satisfaction de leurs propres intérêts, ont commis des actes que l’on qualifie de déviants » La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Conduite correcte Conduite incorrecte Perçue comme déviante Fausse accusation Déviant pur Non perçue comme déviante Conformité Déviant secret La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Ainsi, devient-on déviant dès lors que l’on est désigné comme tel. On parle de « construction sociale » parce que la déviance dépend de la vision que s’en font les acteurs. Les caractéristiques objectives des faits (comportements des individus) sont remplacées par les significations que les acteurs donnent aux comportements Réalité sociale : représentations des acteurs ( « théorème de Thomas » : « If men define situations as real, they are real in their consequences ») Processus conduisant à la déviance : transgresser une norme sociale ne suffit pas à la qualification de déviant. Plusieurs transgressions sont nécessaires → « carrière » de déviant La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Le processus conduisant à la déviance permet le renforcement de l’unité de la société ou des groupes sociaux non déviants par le rejet des déviants → le « marquage social » fournit à la société ou aux groupes sociaux la croyance dans la possession de règles de vie commune et donne le sentiment d’une existence sociale en tant que groupe Les déviants peuvent ainsi intégrés des groupes organisés : « La conscience de partager un même destin et de rencontrer les mêmes problèmes engendre une sous-culture déviante, c’est-à-dire un ensemble d’idées et de points de vue sur le monde social et sur la manière de s’y adapter, ainsi qu’un ensemble d’activités routinières fondées sur ces points de vue » → constitution d’une identité déviante qui permet le développement de justifications historiques, juridiques et psychologiques de l’activité déviante La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Exemple : Fumeurs de marijuana. Méthode : Entretiens On considérait que des prédispositions psychologiques conduisaient à consommer de la drogue. Or, c’est l’inverse qui se produit selon Howard Becker « ce ne sont pas les motivations déviantes qui conduisent au comportement déviant mais, à l’inverse, c’est le comportement déviant qui produit, au fil du temps, la motivation déviante » Technique qui permet de concevoir la drogue comme source de plaisir (« perception des effets ») Carrière qui conduit à un usage d’abord occasionnel puis régulier de la drogue La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Exemple : Musiciens de Jazz. Méthode : Observation participante Non proscrits par la loi, mais leur culture et leur mode de vie « sont suffisamment bizarres et non conventionnels pour qu’ils soient qualifiés de marginaux par les membres plus conformistes de la communauté » Constitution d’un groupe déviant avec le développement d’une culture spécifique, une sous-culture, qui leur permet de distinguer les non-musiciens (les « caves ») en particulier par leurs « manières de penser, de sentir et de se conduire qui sont à l’opposé de celles qu’apprécient les musiciens » Les musiciens deviennent convaincus qu’ils possèdent un « don » qui les différencie des « caves » La déviance - Howard Becker, Outsiders (1963) Entrepreneurs de morale : ce sont des groupes sociaux qui créent les normes dont la transgression répétée conduit à la déviance Individus qui créent les normes (objectif moral voire humanitaire) / Individus qui font appliquer les normes sociales « La déviance (…) est toujours le résultat d’initiatives d’autrui. Avant qu’un acte quelconque puisse être considéré comme déviant et qu’une catégorie quelconque d’individus puisse être étiquetée et traitée comme étrangère à la collectivité pour avoir commis cet acte, il faut que quelqu’un ait instauré la norme qui définit l’acte comme déviant (...)» « Il faut que la population ait été persuadée que quelque chose doit être fait à ce sujet. Pour qu’une norme soit créée, il faut que quelqu’un appelle l’attention du public sur les faits, donne l’impulsion indispensable pour mettre les choses en train, et dirige les énergies ainsi mobilisées dans la direction adéquate. Sans ces initiatives destinées à instaurer des normes, la déviance, qui consiste à transgresser une norme, n’existerait pas : elle est donc le résultat d’initiatives, à ce niveau (…) Une fois qu’une norme existe, il faut qu’elle soit appliquée à des individus déterminés avant que la catégorie abstraite de déviants que créée cette norme puisse se peupler » 2 – De la déviance à la discrimination b – La discrimination La discrimination dans les sciences sociales Difficultés à objectiver et à mesurer les discriminations Les données d’enquête font état des différences de situation (inégalités, etc.) mais non des différences de traitement dans un processus d’accès à une ressource 3 sources pour mesurer les discriminations Signalements spontanés des victimes de discrimination auprès d’institutions en charge de les écouter (Défenseur des droits, associations, etc.) Signalements sollicités par l’intermédiaire d’enquête (ex : Enquête Trajectoire et Origines (TeO)). Certaines enquêtes sont réalisées sur des échantillons représentatifs auprès des victimes (mais posent des problèmes de biais : non déclaration, etc.) Observations directes du comportement des discriminants en les confrontant à un couple de candidats identiques sauf pour un critère illicite : testing (ex : candidats fictifs - test par correspondance). Réalisation auprès d’un grand nombre de personnes, mais échantillon non représentatif La discrimination dans les sciences sociales En France, le domaine le plus couvert reste l’accès à l’emploi A partir de la méthode du testing, convergence des études pour souligner la discrimination en fonction de l’origine ethno-raciale et ces discriminations ne baissent pas depuis plus de 15 ans Constat similaire au niveau international Difficultés d’en tirer des conclusions générales car ces différentes études peuvent porter sur des métiers différents et dans des contextes différents Mais les études qui depuis 10 ans testent des métiers identiques (cadres administratifs et aides soignantes par exemple) montrent des résultats similaires c – Exemple : Le choix de ne pas avoir d’enfant Exemple : Le choix d’une vie sans enfant Etude des stratégies et des conséquences du choix d’une vie sans enfant : Charlotte Debest, Le choix d’une vie sans enfant (2014) Mouvement Childfree Peu d’études statistiques, on estime, cependant, qu’il y aurait entre 5 et 10% de la population qui ne souhaiterait pas avoir d’enfant pour les 20-39 ans en France et dans les pays occidentaux Mais de plus en plus de personnes expriment ce choix sans se cacher Exemple : Le choix d’une vie sans enfant 2 citations : « On parle beaucoup du non-désir d’enfant. Notamment chez les jeunes femmes. En même temps, la question des enfants qu’ils soient absents, présents, fantasmés, voulus, non-voulus, ça reste une affaire de femmes. Malgré les évolutions sur les droits des femmes, la maternité continue de constituer un petit peu la féminité et l’identité de ce qu’on attend d’une femme. D’ailleurs, on a tendance à ne pas considérer les hommes comme des acteurs à part entière de la parentalité. Sans doute parce que ça les arrange aussi. En tout cas, la parentalité construit encore la féminité alors que la parentalité ne construit pas la virilité » (Charlotte Debest) « la maternité, que nous la désirions, que nous la refusions, que nous nous y laissions entraîner, est au centre la condition qui nous est faite » (Collectif, Maternité esclave. Les chimères (1975)) Application de l’analyse de la déviance d’Howard Becker aux personnes qui font le choix d’une vie sans enfant ➔ Elles sont étudiées comme des Outsiders et suivent ainsi une carrière déviante Exemple : Le choix d’une vie sans enfant Ne pas vouloir d’enfant C’est s’écarter de la norme dominante qui veut que le désir d’enfant est une évidence C’est également se sentir « accusé » par la société et les générations qui nous ont précédé Méthode : entretiens biographiques avec 51 personnes (33 femmes et 18 hommes) âgées de 30 à 63 ans qui ne souhaitent pas ou n’ont pas souhaité avoir d’enfant ➔ points de vue des Outsiders Pression sociale qui n’est pas identique entre les femmes et les hommes : Les femmes sont considérées comme responsables de la (non) fécondité du couple Les hommes sont très rarement envisagés comme des acteurs de la (non) parentalité Exemple : Le choix d’une vie sans enfant 1ère étape : Exprimer son choix de non enfant Les personnes sont souvent renvoyées à la norme sociale qui veut que la constitution d’une famille est une étape obligée Mais ce sont surtout les femmes qui connaissent cette pression sociale 2ème étape : L’étiquetage. 3 stratégiques identifiées principalement chez les femmes Stratégie de contournement pour les plus jeunes (moins de 30 ans) : elles ne veulent pas d’enfant tout de suite ➔ Stratégie proche de celle mentionnée par Erving Goffman lorsqu’on cherche à masquer son stigmate Stratégie d’évitement pour les plus âgées (plus de 45 ans) : elles laissent planer un doute sur le caractère choisi ou subi de cette absence d’enfant Stratégie de confrontation normative : elles « revendiquent » ce choix et l’inscrivent parfois dans une volonté d’émancipation d’un destin biologique Exemple : Le choix d’une vie sans enfant 3ème étape : Prophétie auto-réalisatrice - On associe à ces personnes qui n’ont pas fait le choix d’avoir un enfant (caractéristique déviante) un ensemble de caractéristiques qui découlent de cette caractéristique déviante Elles seraient égoïstes Elles auraient une sexualité « débridée » expliquant ce non désir d’enfant Elles souffrent d’une incomplétude car la maternité est constitutive de leur identité 4ème étape : Intégration à un groupe déviant Après 30 ans, leurs relations amicales évoluent avec de plus en plus d’amis non-parents Selon les personnes sans enfant, « il semble que devenir parent provoque de nouvelles façons de penser, d’agir, d’organiser son quotidien et de prévoir son avenir qui met à distance les personnes qui ne sont pas parents et qui ne souhaitent pas le devenir » 2 – De la déviance à la discrimination a – Déviance et stigmatisation La stigmatisation - Erving Goffman Quelques ouvrages importants : La Mise en scène de la vie quotidienne (1959) Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux (1961) Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963) Les Rites d’interaction (1967) Les Cadres de l’expérience (1974) La stigmatisation - Erving Goffman – Les interactions sociales Débute une enquête de terrain en 1949 jusqu’en 1951 au nord de l’Ecosse dans les iles Shetland ; il soutiendra sa thèse en 1953 Objet : les formes élémentaires des interactions (conversations…) et non la structure sociale ou les rapports de pouvoir possèdent ses propres mécanismes de régulation qui permettent une relative stabilité de l’« ordre social » Mais fragilité de ces mécanismes jamais complètement garantis : « Il est souvent préférable de concevoir l’interaction non comme une scène d’harmonie mais comme une disposition permettant de poursuivre une guerre froide » « Je ne m’occupe pas de la structure de la vie sociale, mais de la structure de l’expérience individuelle de la vie sociale » (Les cadres de l’expérience) La stigmatisation - Erving Goffman – Les interactions sociales Interactions qui doivent être envisagées à plusieurs niveaux Niveau 1 A envoie un message à B et présume que B n’y verra qu’une information transparente B décode le message comme étant constitué d’éléments transparents et d’éléments « codés » mais présume que A ne saisira pas qu’il opère un tel décodage Niveau 2 A décode le décodage de B et sa supposition sur A. C’est du bluff : laisser croire qu’on est plus naïf qu’on est B comprend que A a compris mais qu’il fait comme s’il n’avait pas compris. Réajuste son comportement en conséquence et ainsi de suite La stigmatisation - Erving Goffman – Les interactions sociales Les interactions relèvent aussi de rites (modes d’emploi) manifestant un respect mutuel entre les acteurs. Il y a une forme de sacralisation des interactions sociales S’inspire du modèle théâtral et ensuite du modèle cinématographique afin d’analyser la logique des rôles qui structurent les interactions sociales Conventions, règles, cadres, etc. assurent la fluidité et la pérennité du monde social Dans chaque individu, il y a un acteur et un personnage : l’acteur (expression) est celui qui se met en scène pour devenir un personnage (impression) La Stigmatisation – Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963) « Chère mademoiselle Cœur Solitaires, J’ai seize ans maintenant et je ne sais pas quoi faire et j’aimerais bien si vous pouviez me dire ce que je dois faire. Quand j’étais petite ce n’était pas aussi grave parce que je m’étais habitué à entendre les garsons du quartier se moquer de moi, mais maintenant j’aimerais bien avoir des amis comme les autres filles pour sortir les samedis soirs, mais les garçons veulent pas de moi parce que je suis née sans nez, et pourtant je danse bien et j’ai un joli corps et mon père m’achète de beaux abits. Je reste assise à me regarder toute la journée et je pleure. J’ai un gros trou au milieu de la figure qui fait peur aux gens même à moi alors je peux pas en vouloir aux garsons de ne pas vouloir sortir avec moi. Mamam m’aime, mais elle pleure quand elle me regarde c’est affreux. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter un sort aussi horrible ? Même si j’ai fait des mauvaises choses c’était pas avant d’avoir un an et je suis née comme ça. J’ai demandé à papa et il a dit qu’il sait pas, mais que peut-être j’ai fait quelque chose dans l’autre monde avant ma naissance ou que peut-être j’étais punie pour ses péchés. Mais je ne crois pas parce qu’il est très gentil. Est-ce que je devrais me suicide » (Lettre d’introduction à Stigmate) La Stigmatisation – Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963) Stigmate : trait jugé anormal. 3 types « les monstruosités du corps – les diverses difformités » « les tares du caractères… manque de volonté, de passions irrépressibles ou antinaturelles, de croyances égarées ou rigides.. et dont on infère l’existence chez un individu parce que l’on sait qu’il est ou a été, par exemple, mentalement dérangé, emprisonné, drogué, alcoolique... chômeur, suicidaire ou d’extrême- gauche » « les stigmates tribaux que sont la race, la nationalité et la religion » Une approche relationnelle : C’est moins un attribut objectif qu’une étiquette apposée par les « normaux » « Il va de soi que, par définition, nous pensons qu’une personne ayant un stigmate n’est pas tout à fait humaine… nous pratiquons toutes sortes de discriminations, par lesquelles nous réduisons efficacement… les chances de cette personne » « Afin d’expliquer son infériorité et de justifier qu’elle représente un danger, nous bâtissons une théorie, une idéologie du stigmate fondée sur d’autres différences, de classe par exemple » La Stigmatisation – Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963) Distinction entre identité sociale réelle : attributs effectivement possédés identité sociale virtuelle : l’image que les autres se forment de l’individu, celle qu’autrui peut attribuer sur la base d’attributs manifestes Dans les interactions sociales, plusieurs configurations sont possibles : le « stigmatisé » offre une image dont il peut jouer à son profit ou, à l’inverse, tenter de corriger la portée en faisant valoir certains traits de son identité virtuelle. l’individu peut aussi chercher à dissimuler ces stigmates. Ainsi fréquemment, les personnes relevant d’une « catégorie stigmatique » tendent à se rassembler en petits groupes sociaux (associations, etc.) Les stigmatisés suivent généralement une trajectoire similaire, un processus de socialisation où « l’individu stigmatisé apprend et intègre le point de vue des normaux, acquérant par là les images de soi que lui propose la société, en même temps qu’une idée générale de ce qu’impliquerait la possession de tel stigmate » La Stigmatisation – Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963) Mais les stigmates et les regards sur ceux-ci ne sont pas figés et évoluent Il existe une très grande variété de stigmates C’est pourquoi il ne faut pas croire en l’existence d’un « ensemble d’individus concrets séparables en deux colonnes, les stigmatisés et les normaux », mais davantage en l’action « d’un processus social omniprésent qui amène chacun à tenir les deux rôles, au moins sous certains rapports et dans certaines phases de sa vie. Le normal et le stigmatisé ne sont pas des personnes mais des points de vue » 1- Pauvretés : pluralité des approches et des mesures b - Les politiques de lutte contre la pauvreté Repères historiques dans la lutte contre la pauvreté Pauvreté et exclusion sociale sont aujourd’hui devenues des catégories de l’action publique Il existe des interventions spécifiques de lutte contre la pauvreté : l’aide et l’action sociales Certaines politiques publiques qui n’ont pas la lutte contre la pauvreté comme objet permettent indirectement de réduire la pauvreté (exemples : l’assurance retraite) En France, c’est à la fin de la Seconde Guerre mondiale avec la création de la Sécurité sociale que se déploie l’Etat-Providence ou l’Etat social en France Les assurances sociales assurent une fonction de protection du travail davantage qu’une fonction de redistribution Si la lutte contre la pauvreté n’est pas leur objet, elles permettent de réduire la pauvreté, en particulier des retraités qui étaient les catégories sociales parmi les plus touchées durant les Trente Glorieuses. 2 prestations sociales ont été décisives : les allocations familiales (un tiers des revenus des catégories ouvrières durant les années 1950) et les pensions de retraite Repères historiques dans la lutte contre la pauvreté Mais l’Etat social se révèle moins efficace dans la lutte contre la pauvreté à partir des années 1970 face à certaines transformations économiques et sociales La flexibilisation des relations d’emploi (intérim, CDD, temps partiel contraint, etc.) Le participation croissante des femmes au marché du travail salarial La crise économique et le développement d’un chômage massif et de longue durée Des catégories sociales éloignées du marché du travail se retrouvent en situation de pauvreté. L’Etat social se révèle en incapacité d’apporter une protection à ces catégories sociales parce qu’il est organisé autour du travail principalement salarié et des droits sociaux qui lui sont rattachés (« société salariale ») Des associations (ATD Quart Monde, etc.) et d’autres acteurs (hauts fonctionnaires, etc.) militent pour le développement de dispositifs spécifiques de lutte contre la pauvreté La pauvreté devient progressivement une catégorie d’action publique avec notamment l’introduction de prestations sociales sous conditions de ressources (minima sociaux) Repères historiques dans la lutte contre la pauvreté Pour Robert Castel, les Trente Glorieuses ont correspondu à une société qui se structurait autour d’un continuum de positions salariales « qui sont à la fois différentes et structurellement reliées entre elles puisqu’elles font partie d’un même ensemble interdépendant » Le développement économique ne s’opposait pas au progrès social car il y avait un partage des bénéfices de la croissance entre les différents acteurs Les inégalités réelles n’étaient perçues comme insupportables car elles n’étaient pas figées et des perspectives de mobilité sociale ascendante pour les salariés existaient, qui par ailleurs bénéficiaient d’une couverture sociale (droits sociaux) quasi-inexistante avant 1945 Repères historiques dans la lutte contre la pauvreté Cette précédente régulation collective des positions sociales est remise en cause à partir des années 1970 ➛ Décollectivisation dans l’organisation du travail avec une individualisation croissante des tâches (ex : organisation en petites unités productives, recours aux contractuels et à la sous-traitance) Les individus sont invités à prendre leurs parcours professionnels en mains. Se développe une injonction à être un « entrepreneur de soi-même » Certains individus réussissent très bien, d’autres beaucoup moins soit parce qu’ils n’ont pas été formés à le faire ou parce qu’ils n’ont pas les « capitaux », les ressources, etc. ➛ Invalidation sociale Des individus sont ainsi renvoyés vers des formes inférieures de protections : ils ne sont pas intégrés dans le régime de l’emploi salarial et dans les dispositifs développés pour pallier les carences de l’emploi Repères historiques dans la lutte contre la pauvreté Intégration par le travail Zone d’intégration : emploi et support relationnel Zone de vulnérabilité Non-insertion par la : travail précaire et Insertion par la sociabilité sociabilité familiale relations sociales familiale et distendues Zone de Zone d’assistance : désaffiliation : absence d’emploi absence d’emploi mais bonne et isolement Non-intégration par le insertion sociale social travail Quelques données Quelques données Quelques données 1- Pauvretés : pluralité des approches et des mesures b - Les politiques de lutte contre la pauvreté RMI, RSA et activation des dépenses sociales Revenu Minimum d’Insertion (RMI) : création le 1er décembre 1988 pour lutter contre l’extrême pauvreté Prestation sociale sous condition de ressources, non-contributive, versée aux adultes valides au-dessus de 25 ans introduite pour couvrir les personnes totalement dépourvues de droits sociaux Lutte contre l’exclusion sociale, catégorie apparue durant les années 1970 pour désigner les personnes éloignées de la protection sociale qui est principalement accessible aux personnes qui travaillent Aide financière + démarche d’insertion, mais cette dernière fut très mal appliquée Prestation dite « différentielle » : L’intégralité des revenus doit être déclarée qu’on déduit de l’aide versée aux bénéficiaires. Revenus pris en compte : revenus d’activité, revenus de remplacement, pensions alimentaires, prestations sociales, héritages, dons, gains aux jeux, loyers d’un logement loué, valeur locative d’un logement non loué, revenus des capitaux et « revenus fictifs » de biens non productifs RMI, RSA et activation des dépenses sociales Projections initiales : 350 000 bénéficiaires. Or, 5 ans après sa création, on en comptait 900 000. Raisons ? Des personnes non connues des services sociaux et hébergées par des proches demandèrent à en bénéficier Durcissement des règles d’indemnisation du chômage qui conduit au cours des années 1990 à faire du RMI la 3ème composante de l’indemnisation du chômage après l’assurance chômage (assurance sociale) et l’Allocation Spécifique de Solidarité (ASS – aide sociale) RMI, RSA et activation des dépenses sociales Le RMI devient le Revenu de Solidarité Active (RSA) en 2008 : 2 RSA RSA activité : Cumul possible des revenus du travail et de l’aide sociale qui a notamment pour objectif de réduire le nombre de « travailleurs pauvres » : un travailleur est considéré comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté monétaire RSA socle : minima social pour les personnes sans activité Constat d’un non recours aux droits important Introduction de la Prime d’activité qui fusionne le RSA activité et la Prime pour l’emploi permet de réduire le nombre de travailleurs pauvres RMI, RSA et activation des dépenses sociales Critiques croissantes au début des années 2000 : « trappe à inactivité » Revenus de remplacement qui inciteraient leurs bénéficiaires à ne pas retourner sur le marché du travail et à s’enfermer dans l’inactivité Activation des dépenses sociales : faire en sorte que « le travail paye » Idée que le maintien dans la pauvreté procède d’un (l’assistance rapporterait au moins autant que le travail). En introduisant des incitations financières pour orienter les choix vers le travail, on pourrait réduire la pauvreté RMI, RSA et activation des dépenses sociales Les enquêtes montrent que le RSA a peu d’effet sur le retour à l’emploi. Plusieurs raisons du non-accès à l’emploi peuvent l’expliquer et qui contredisent l’idée d’un choix rationnel Les problèmes de santé (physique et psychologique) sont les plus cités Viennent ensuite le manque d’expérience professionnelle, de qualification, de diplôme ou encore des problèmes d’emploi du temps (pour la garde d’enfants par exemple) et de mobilité Cette activation des dépenses sociales pose 2 questions Alors que les incitations financières justifiant le maintien du RSA à un bas niveau n’ont que peu d’efficacité, ne serait-il pas légitime d’augmenter le RSA afin de ne pas enfermer les bénéficiaires dans des pièges à pauvreté ? Le montant du RSA constitue-t-il un outil de lutte contre la pauvreté ou un outil de paix sociale comme d’autres dispositifs historiques étudiés par Georg Simmel ? De nombreux chercheurs en sciences sociales soulignent qu’une part significative de bénéficiaires ne relève pas d’une politique de l’emploi mais d’une politique sociale. Comment expliquer le maintien de cette perspective de l’activation des dépenses sociales alors qu’elle est inefficace ? Conclusion - De l’exclusion sociale au déclassement Exclusion sociale, insécurité sociale… Le notion d’exclusion sociale a été introduite dès les années 1970 pour désigner de nouvelles formes de pauvreté. Les notions d’insécurité sociale ou encore de désaffiliation sociale (Robert Castel) ont été également utilisées pour qualifier le même problème social La notion de déclassement est aujourd’hui de plus en plus utilisée. Elle peut renvoyer selon Camille Peugny au déclassement intergénérationnel : la position sociale – professionnelle généralement – des enfants est moins favorable que leurs parents au même âge au déclassement scolaire : les emplois occupés ne sont pas à la hauteur des qualifications témoignant d’une hausse du nombre de diplômés plus rapide que les emplois qualifiés disponibles au déclassement intragénérationnel (au cours du cycle de vie) : un événement-rupture (chômage, etc.) provoque une dégradation des conditions de vie Conclusion - De l’exclusion sociale au déclassement Selon François Dubet, « la majorité des gens n’ont plus des destins sociaux, mais des parcours dont la trajectoire dépend largement de leur scolarité » Chaque individu est plus ou moins l’auteur de son propre parcours et ainsi la peur du déclassement se traduit de plusieurs façons : « il y a l’angoisse des parents quant aux résultats scolaires de leur enfant, car ils ont peur pour son avenir ; le ressentiment des « perdants » du système scolaire ; mais aussi des professions, des régions entières qui se sentent méprisées (…) C’est le reflet d’une transformation très forte de l’expérience des inégalités : naguère, les positions étaient réparties selon des destins injustes, mais elles étaient prévisibles et n’étaient pas vécues comme des échecs et des humiliations » 3 – De nouvelles perspectives : le « Sud » des sciences sociales Introduction Les sciences sociales développées dans les pays occidentaux sont aujourd’hui critiquées pour leur vision centrée sur l’occident Question : est-ce que les résultats auxquels elles aboutissent peuvent être étendus à des contextes et à des réalités au « Sud » → ces connaissances sont-elles universelles ? Ainsi, les couples tradition / modernité, communauté / société, etc. sur lesquels repose le développement des sciences sociales, ne procèdent-ils pas d’une vision évolutionniste et coloniale ? → Justification d’inégalités par les sciences sociales qui pourtant ont pu reposer sur des moyens coercitifs (colonisation, etc.) Par ailleurs, les sciences sociales au « Sud » ont existé (et existent) en même temps que se sont développées les sciences sociales au « Nord » → Exemple de la sociologie qui est enseignée en Amérique latine et au Japon dès la fin du XIXe siècle, en même temps que la sociologie aux Etats-Unis et en Europe. Introduction La colonisation a conduit, selon les historiens, a favorisé une description des sociétés colonisées reposant sur l’essentialisation → « les façons de penser l’Afrique et l’Asie nous renvoient à l’altérité coloniale, c’est-à-dire à l’invention de l’Ailleurs par les pouvoirs européens, lorsqu’ils cherchaient à signifier l’infériorité de l’Autre pour pouvoir légitimement l’exproprier, le dominer et le gouverner. Ce processus est à l’origine de l’essentialisation de groupes socio-politiques qui étaient bien sûr hétérogènes. Enfermés dans une catégorie qui résumerait toute leur identité,.. réduits à des entités prétendument homogènes et immuables. Un peuple organisait la gouvernance de ses territoires autour de lignages familiaux élargis ; il devenait une ethnie. Des populations pratiquaient une agriculture vivrière à laquelle était associée une certaine hiérarchie sociale ; elles devenaient traditionnelles » - Guillaume Blanc, Décolonisations. Histoires situées d’Afrique et d’Asie (XIXe-XXIe siècle) (2022) a – Etudes postcoloniales Etudes postcoloniales Décentrement du regard et de la pensée avec les représentations qui continuent d’informer l’ensemble des discours produits sur l’expérience coloniale et plus largement avec l’hégémonie persistante d’un récit occidental et des valeurs qui lui sont associées. La critique postcoloniale « déconstruit.. la prose coloniale, c’est-à-dire le montage mental, les représentations et les formes symboliques ayant servi d’infrastructures au projet colonial (…) La colonisation n’apparaît plus comme une domination mécanique et unilatérale qui force l’assujetti au silence et à l’inaction (…) Elle étudie des mécanismes de domination reposant sur l’intériorisation, par les colonisés, du statut d’infériorité qui leur était conféré (…) Quant à l’époque postcoloniale, elle analyse des multiples formes du legs colonial : les économies nationales et la mondialisation, les politiques publiques et l’importation de modèles institutionnels, les cultures et la hiérarchie entre celles dites supérieures et celles dites primitives, les sciences sociales et l’adoption de paradigmes occidentaux pour étudier les sociétés autrefois colonisées.. » (Achille Mbembe) Etudes postcoloniales Un ouvrage fondateur : Edward Saïd, L’Orientalisme (1978) L’Orientalisme désigne un style de pensée fondée sur la distinction (…) entre l’Orient et l’Occident Selon Saïd, ce que nous connaissons comme l’Orient n’est qu’une construction élaborée par l’Occident ; Il constitue encore une dimension considérable de la culture politique et intellectuelle moderne. L’expérience coloniale continue de produire des effets dans les anciennes métropoles tout autant que dans les anciens territoires coloniaux. Etudes postcoloniales Extraits. Edward Saïd, L’Orientalisme (1978). « L’Orient a presque été une invention de l’Europe.. L’orientalisme exprime et représente cette partie, culturellement et même idéologiquement, sous forme d’un mode de discours, avec, pour l’étayer des institutions, un vocabulaire, un enseignement, une imagerie, des doctrines et même des bureaucraties coloniales et des styles coloniaux » (…) Prenons par exemple la rencontre de Flaubert avec une courtisane égyptienne, rencontre qui devait produire un modèle très répandu de la femme orientale : celle-ci ne parle jamais d’elle-même, elle ne fait jamais montre de ses émotions, de sa présence ou de son histoire. C’est lui qui parle pour elle et qui la représente. Or il est un étranger, il est relativement riche, il est un homme, et ces faits historiques de domination lui permettent non seulement de posséder physiquement Kuchuk Hanem, mais de parler pour elle et de dire à ses lecteurs en quoi elle est « typiquement orientale ». (…) Ma thèse est que la situation de force entre Flaubert et Kuchuk Hanem n’est pas un exemple isolé ; elle peut très bien servir de prototype au rapport de forces entre l’Orient et l’Occident et au discours sur l’Orient que celui-ci a permis » (…) L’une des raisons qui m’ont poussé à écrire ce livre est mon expérience personnelle de ce sujet. La vie d’un Palestinien arabe en Occident, en particulier en Amérique, est décourageante. Il y rencontre un consensus presque unanime sur le fait que, politiquement, il n’existe pas ; quand on veut bien accepter son existence, il est soit un gêneur, soit un Oriental. Le filet de racisme, de stéréotypes culturels, d’impérialisme politique, d’idéologie déshumanisante qui entoure l’Arabe ou le musulman est réellement très solide, et tout Palestinien en vient à le ressentir comme un châtiment que lui réserve spécialement le sort » Etudes postcoloniales Débat international suscité par la publication de L’Orientalisme. Critiques : Informations partielles, données empiriques limitées, sources mal définies Surtout, on a reproché à Saïd de simplifier le problème à la faveur d’une lecture manichéenne de l’expérience coloniale qui essentialise les rôles de protagonistes sans faire droit à la diversité des expériences coloniales, de leurs contextes et de formuler une thèse simple transportable.. Mais ouvrage qui a été dépassé par la réception dont il a fait l’objet et par les commentaires qui ont accompagné sa publication. Les Etudes postcoloniales sont devenues un champ devenu rapidement difficile à circonscrire. Cependant, elles ont permis de poser de nouvelles interrogations et de déplacer le regard. Elles ont fait le choix de se soustraire à toute inscription disciplinaire. Analyses principalement des discours de l’expérience coloniale. Ce sont principalement des chercheurs issus du monde de la critique littéraire ou de l’histoire intellectuelle. Ils se confrontent moins aux réalités de terrain ou à la masse des connaissances accumulées b – Etudes subalternes Etudes subalternes L’historien indien Ranajit Guha (1983) rompt avec les traditions dominantes de l’historiographie indienne (sous l’Inde coloniale) : avec la version unanimiste du combat pour l’indépendance nationale minorant les antagonismes et majorant le rôle des élites mais aussi avec l’historiographie marxiste. Souhaite montrer que le peuple, les paysans principalement, n’est pas resté à l’écart de la contestation de la tutelle coloniale et qu’il l’a fait selon des formes et des modes d’action qui lui étaient propres et qu’il importe de reconnaître. Il est le sujet de sa propre histoire Subalterne (emprunt à Antonio Gramsci) : double dépendance à l’égard du colonisateur et des élites indiennes Etudes subalternes Il s’agit donc de retrouver le rôle des dominés et faire entendre leur voix. « Histoire par le bas » (Edward P. Thompson) → « tenter d’accéder au passé en s’ouvrant aux voix innombrables dont bruisse la société civile. Ces voix ténues sont noyées par le bruit dominant des injonctions étatiques. C’est pourquoi nous ne les entendons pas. Et c’est pourquoi il nous revient d’aller plus loin dans l’effort, d’inventer les moyens spécifiques et plus encore de cultiver le goût d’entendre les récits qu’elles portent et d’interagir avec eux. Car elles ont beaucoup d’histoire à raconter – des histoires incomparablement plus complexes que le discours étatique, et qui de fait s’opposent à ses modes d’abstraction et de simplification outrancière » Elites nationales : ont repris à leur compte le grand récit de la modernité que l’Occident a élaboré et qu’il a imposé au reste du monde : un récit commun aux Lumières, au développement du capitalisme, mais aussi aux analyses marxistes. → ne parviennent pas « à reconnaître, et encore moins à interpréter, la contribution du peuple par lui-même, c’est-à-dire indépendamment de l’élite, à la construction et au développement du nationalisme » Opposition entre mobilisations des élites et mobilisations populaires ; les premières seraient menées de façon verticale, appuyées sur les institutions et plus légalistes, alors que les secondes auraient pour relais des organisations horizontales (famille, caste, communauté..) et seraient plus spontanées et portées à la violence Limite : Est-ce que ce n’est pas essentialiser le subalterne ? Etudes subalternes Réception aux Etats-Unis. Il s’agit moins d’identifier les formes spécifiques de l’action et de l’expression des subalternes que de penser le rapport de subalternité dans sa plus grande généralité : critique de la vision occidentale fondée sur la croyance en une forme universelle de la raison et du progrès Gayatri Chakravorty Spivak, « Les subalternes peuvent-elles parler ? » (1988) : Nécessité de prendre en compte les différences entre les cultures. Il s’agit de contrer la vision occidentale, la mondialisation économique et politique moderne, etc. « la production intellectuelle occidentale est (…) complice des intérêts économiques internationaux de l’Occident » A la fin des années 1980, études postcoloniales et études subalternes convergent c – Les approches décoloniales Approches décoloniales Critiques de l’eurocentrisme et du récit moderniste qui sont au cœur des savoirs produits dans le Nord Nécessité de prendre en compte les histoires et les pensées locales Auteurs ? Enrique Dussel (philosophe argentin), Anibal Quijano (sociologue péruvien), Ramon Grosfoguel (sociologue portoricain) entre autres Réseau académique d’Amérique du Sud qui se constitue durant les années 1990 : Non une simple acclimatation aux études postcoloniale et subalterne Son objet d’étude n’est pas le colonialisme et ses effets durables sur les idées, les représentations sociales, etc. des sociétés postcoloniales mais les questions du pouvoir et du savoir qui émergent avec la colonisation européenne de l’Amérique latine. Ainsi, Enrique Dussel, soutient dans 1492. L’occultation de l’Autre (1992) : « la modernité (modes d’organisation de la vie sociale) n’a pas été sécrétée par des processus internes au développement de l’Europe, mais est surgi de la rencontre entre l’Europe et l’Amérique ». Approches décoloniales La « colonialité » du pouvoir pour Anibal Quijano (2000) : « est l’un des éléments constitutifs et spécifiques du modèle du pouvoir capitaliste. Elle s’appuie sur l’imposition d’une classification raciale / ethnique de la population mondiale qui constitue la pierre angulaire de ce modèle de pouvoir et elle opère à tous les niveaux, matériels et subjectifs, dans tous les milieux et toutes les dimensions de l’existence sociale quotidienne ainsi qu’à l’échelle sociétale. Elle surgit et se mondialiste à partir de l’Amérique » C’est un régime de représentation hiérarchisée et compartimenté du monde social La colonisation repose selon sur 4 piliers L’exploitation de la force de travail La domination ethno-raciale Le patriarcat Le contrôle des formes de subjectivité avec l’imposition (par l’éducation notamment) d’une orientation culturelle eurocentriste → La colonisation a pris fin, mais persiste des manières de faire et de penser coloniales : « dans des pays comme le Pérou, la pratique de la discrimination doit aujourd’hui se dissimuler, souvent mais pas toujours avec succès, derrière des codes sociaux qui se réfèrent aux différences d’éducation et de revenus, lesquelles sont précisément une des conséquences les plus claires des rapports sociaux racistes » (Anibal Quijano)

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