Partie 3 - Chapitre 1: Démocratie et régime parlementaire PDF
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Ce document traite de la démocratie et du régime parlementaire, en se concentrant sur la genèse de la notion de démocratie, ainsi que sur l'évolution du concept. Il explore les aspects historiques et philosophiques de la démocratie, en particulier en Grèce antique. Le texte présente une analyse des différents types de démocratie, avec une attention particulière à la démocratie directe et à la démocratie représentative.
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08/11 TROISIÈME PARTIE LE RÉGIME POLITIQUE Chapitre 1 : Démocratie et régime parlementaire I. La notion de démocratie A. Genèse de la notion 1\. L'isonomie : la démocratie antique 2\. De l'égalité politique au self-government 3\. Démocratie, principe majoritaire et tyrannie de la majorité B...
08/11 TROISIÈME PARTIE LE RÉGIME POLITIQUE Chapitre 1 : Démocratie et régime parlementaire I. La notion de démocratie A. Genèse de la notion 1\. L'isonomie : la démocratie antique 2\. De l'égalité politique au self-government 3\. Démocratie, principe majoritaire et tyrannie de la majorité B. Evolution de la notion 1\. La démocratie libérale, pléonasme ou aléa de l'histoire ? 2\. « Démocraties illibérales » et « démocratures » II\. Démocratie directe et démocratie représentative A. « Démocratie représentative », un oxymore ? 1\. La représentation contre la démocratie 2\. La démocratie par la représentation B. Souveraineté nationale et souveraineté populaire 1\. L'opposition entre les deux sortes de souveraineté 2\. Les limites de l'opposition I. LA NOTION DE DÉMOCRATIE A. GENÈSE DE LA NOTION 1\. L'isonomie : la démocratie antique La démocratie trouve son berceau dans la **Grèce antique**, notamment dans certaines cité-états telles que **Athènes**. Cette démocratie repose sur le **principe d'isonomie,** qui correspond à l'égalité de partage des citoyens dans la confection de la loi. La démocratie athénienne apparaît au 6^e^ siècle avec J.-C. avec les réformes de Clisthène puis se renforce avec les réformes de Périclès au 5^e^ siècle. Cette démocratie se met en œuvre sur le **principe d'isonomie** et ce de manière paradoxale. En effet, on a un principe d'égalité et d'inégalité, une **égalité inégalitaire** : \- *égalité* : **Tout les citoyens participent à la prise de décision politique**. Pour Aristote, le principe fondamental de la démocratie c'est l'égalité : « *Si donc la liberté et l\'égalité sont, comme parfois on l\'assure, les deux bases fondamentales de la démocratie, plus cette égalité des droits politiques sera complète, plus la démocratie existera dans toute sa pureté* ». Cette égalité n'est **pas une égalité devant la loi** comme prévu par l'article 6 de la DDHC. L'isonomie c'est plutôt une **égalité de partage**, chaque citoyen reçoit de manière égale la possibilité de concourir au pouvoir politique. \- *inégalité* : Mais la démocratie athénienne est également très inégalitaire car elle procède une **société très fortement hiérarchisée**. On ne peut donc pas parler d'égalité devant la loi. Il y a **un certain nombre de personnes totalement exclues de toute participation quelque forme que ce soit à la chose publique** : les femmes, les esclaves et les étrangers à la cité. En réalité si on exclue les non-citoyens et qu'on ne prend en compte que les citoyens, la population est divisée en **4 classes sociales.** Cette division intervient **en fonction de la richesse et de l'éloignement** (les habitants des périphéries ne participent pas autant que les habitants de la cité). Seuls les habitants du cœur de la cité participent complètement aux institutions athéniennes. *Institutions athéniennes* (schéma *très* simplifié) : **Tout les citoyens participent à l'Ecclesia** mais l'égalité s'arrête-là puisque **tout les citoyens ne sont pas éligibles aux magistratures,** car pour y accéder il faut s'acquitter d'un cens (une somme d'agent). Il y a donc une discrimination envers les citoyens les plus pauvres. *Aspects de la démocratie* : \- **démocratie directe** : Tout les citoyens participent à l'Ecclesia. En réalité, **l'Ecclesia ne réunie que 10 % de la population** vu que les femmes, les étrangers et les esclaves sont exclus. On évalue donc le nombre de citoyens à entre 30 000 et 60 000 citoyens (le double voir le triple pour la population totale). **Dans les faits, l'Ecclesia réunie seulement 6 000 des citoyens.** L'Ecclesia est le **seul organe législatif et électif** (désignation des magistrats des autres organes). D'un point de vue législatif, l'Ecclesia se prononce sur tout les projets de loi que lui soumet la Boulé (sorte de parlement). On a un conseil de 500 membres qui convoquent l'Ecclesia pour lui soumettre les projets de loi (**l'Ecclesia n'a pas l'initiative législative**). Si l'Ecclesia approuve ces projets de loi, ceux-ci sont transmis aux nomothètes qui ont pour fonction d'adopter définitivement les lois (formalité). On a donc un rôle législatif important puisque **l'Ecclesia doit toujours approuver une loi pour que celle ci soit promulguée**. \- la modalité de désignation des magistrats est principalement le **tirage aux sort** : Pour nous, la modalité de désignation des gouvernants dans un régime démocratique c'est l'élection. **Dans la cité athénienne, l'ensemble des magistratures sont désignées par tirage au sort** (sauf une). Finalement, **seuls les chefs militaires sont élus**. Mais mis a part ça, l'ensemble des magistratures athéniennes sont désignées par tirage au sort. *SYNTHÈSE* : démocratie directe, tirage au sort, inégalité dans la société Les limites d'une telle configuration sont très visibles aux yeux des grecs de manière générale. Alors qu'aujourd'hui, la démocratie semble être l'évolution ultime de tout régime politique, en Grèce **pour les théoriciens politiques, la démocratie apparaissait comme un mode de gouvernement comme les autres susceptibles de beaucoup de dangers**. Aristote, alors qu'il vente les mérites de la démocratie, est tout a fait conscient des limites de celle-ci. Il met en éclair un paradoxe de la démocratie qui trouve encore des illustrations aujourd'hui : le principe directeur de la démocratie est l'égalité donc **plus le peuple participe à la chose publique, plus l'égalité de partage est importante et plus le régime est démocratique**. Cependant pour Aristote, plus le régime est démocratique, moins il est légitime. **Plus l'égalité est grande plus ce sera la majorité qui fera la loi**. Par conséquent, la majorité fera fluctuer la loi au gré des humeurs du peuple et il sera facile à une poignée d'hommes, **les démagogues**, de mouvoir le peuple dans une direction ou une autre ce qui pousse à la tyrannie. Poussé a son extrême, le régime démocratique dégénère en **tyrannie de la majorité**. On retrouvait déjà cette critique chez Platon qui affirme que la démocratie est toujours démagogue. Aristote affirme néanmoins que **des éléments aristocratiques (comme le cens) sont nécessaires pour assurer la légitimité du régime démocratique**. Cette notion de démocratie est donc assez éloignée de notre notion actuelle. Avec la modernité, elle va donc se modifier. 2\. De l'égalité politique au self-government De l'idée antique de démocratie il ne reste qu'une notion relativement minimale à la modernité. En effet, **la modernité abandonne l'idée d'isonomie** pour retenir une notion beaucoup plus minimale qui est l'idée de **pouvoir du peuple.** La démocratie est donc définie comme le **régime politique dans lequel le peuple exerce le pouvoir**. Dans toute la théorie politique moderne, la démocratie apparaît comme **un régime politique parmi d'autres**, à savoir celui ou le peuple tout entier exerce la souveraineté de manière directe. C'est ainsi que Hobbes, Locke, Montesquieu et même Rousseau voient la démocratie. Pour toutes les théories de la souveraineté, la démocratie est le **régime politique dans lequel le contrat social désigne le peuple comme titulaire de la souveraineté**. Mais dans certains régimes politiques, on aurait affaire à une monarchie ou à une aristocratie ou oligarchie. L'idée de démocratie qui existe à l'âge moderne est donc l'idée de **démocratie directe**. Hobbes et Locke interpréteraient nos institutions actuelles comme **aristocratiques** et non-démocratiques. La notion de démocratie suppose donc moins l'égalité politique que le fait que **le gouvernement soit le fait des gouvernés et procède des gouvernés**. Le peuple est à lui même son propre souverain, on parle donc de **self-government.** *Le cas de figure particulier de Rousseau* : La théorie de Rousseau est souvent qualifiée de théorie démocratique de l'État. Pour Rousseau, **un État n'est légitime que lorsque la souveraineté procède du peuple** ; or Rousseau n'emploie jamais l'adjectif démocratique pour qualifier sa théorie. Pour lui, **il n'y a jamais existé de véritable démocratie et il n'en existera jamais**. En effet par démocratie, Rousseau entend à peu près la même chose que ce que Locke, Hobbes et Montesquieu appellent démocratie. Mais il faut distinguer d'un côté le **principe de la souveraineté** et de l'autre la **forme du régime**. Pour Rousseau, le régime démocratique est celui dans lequel **le peuple exerce l'intégralité du pouvoir**. Or, pour lui, un tel régime ne saurait exister sauf dans des États très petits ; il maintient donc que l'assemblée du peuple a avant tout vocation à légiférer parce que autrement, le principe de la souveraineté du peuple serait violé. Mais pour Rousseau, cela ne veut pas dire que le régime politique soit nécessairement démocratique au sens que le peuple exerce la totalité des pouvoirs. Pour lui, **un État n'est démocratique que lorsque le peuple légifère** ; **les lois doivent être en nombre limité** mais en ce qui concerne l'exécution des lois, il convient que **le peuple délègue ses prérogatives de souveraineté à des organes définis** qui viendront exercer ces prérogatives **au nom du peuple.** Ce ne serait donc pas une démocratie au sens propre MAIS TANS MIEUX. Il faut donc un régime où **le peuple légifère** et où **un monarque ou une assemblée de personnes exécute les lois pour lui.** Alors même que le principe est toujours démocratique, la forme n'a pas à l'être puisque c'est impossible, ce serait même néfaste puisque **pour préserver le principe démocratique, il est bon que le régime ne soit pas démocratique**. Pour Rousseau, **la loi est l'expression de la volonté générale,** c'est-à-dire que le législateur n'exprime pas la volonté particulière de tel ou tel mais exprime la volonté générale de tous d'où pourquoi les lois doivent être **en petit nombre** et être **à portée générale**. Il est donc essentiel que l'exécution de la loi ne soit pas confiée au peuple car quand on applique la loi, on l'applique à des cas particuliers. **Il faut donc que le regard du législateur ne soit focalisé que sur le général**. Alors même que Rousseau est un théoricien de l'indivisibilité de la souveraineté, il est également un théoricien de la délégation de celle-ci. **On ne divise donc pas la souveraineté mais on délègue certaines prérogatives**. « *L'autorité souveraine étant partout la même, le même principe doit avoir lieu dans tout l'État, bien constitué, plus ou moins il est vrai, selon la forme du gouvernement.* » 🡺 Pour qu'un État soit bien constitué, **le pouvoir de souveraineté doit** **résider dans le peuple**. La notion rousseauiste de la démocratie est **paradoxale** mais traduit des difficultés auxquelles il est confronté quand il étudie le régime démocratique ; cette conception va nous obliger a réaborder notre rapport à la démocratie. 3\. Démocratie, principe majoritaire et tyrannie de la majorité Si on suppose que la démocratie est un gouvernement du peuple, ce gouvernement procède par un principe majoritaire. **La majorité a toujours juridiquement raison**. Rousseau indique que seul le contrat social doit recevoir consentement unanime. Au-delà de ce contrat primitif, la voie du plus grand nombre oblige toujours tout les autres. **Par le contrat social, on s'engage à obéir à** ***toutes*** **les lois.** Une clause du contrat social stipule que l'ensemble des citoyens s'engage à obéir aux lois y compris à celles pour lesquelles ils se seront trouvés dans la minorité pour leur conception. Ainsi, **de la majorité découle la volonté générale**. Rousseau est donc le théoricien de la démocratie majoritaire. Pour lui, ce principe est nécessaire à l'élaboration de la volonté générale. *Danger* : la **tyrannie de la majorité** « *Les démocraties sont naturellement portées à concentrer toute la force sociale dans les mains du corps législatif, le pouvoir législatif étant celui qui émane le plus directement du peuple* » (De Tocqueville) 🡺 La loi cristallise la souveraineté populaire puisque faire la loi est la principale prérogative de souveraineté. Cette **concentration des pouvoirs** fonde le **despotisme de la majorité**, c'est la principale objection faite à la démocratie. En effet, la démocratie si elle repose sur un principe majoritaire, doit également reposer sur une **protection efficace de l'égalité des citoyens** notamment devant la loi afin de ne pas tomber dans la tyrannie de la majorité et pour être légitime. Or, on voit qu'il est très facile à une majorité de circonstance de venir modifier les règles du jeu démocratique en **privant la minorité d'aujourd'hui de devenir la majorité de demain**. Il faut donc trouver des tempéraments au principe majoritaire qui permettent à la minorité d'aujourd'hui de devenir le cas échéant la majorité politique de demain. En ce sens, la démocratie va converger avec l'essor du **libéralisme politique**. Pour protéger la démocratie contre les excès de la majorité, il faut **garantir aux citoyens des droits civils et politiques** nécessaires à l'exercice même de la souveraineté. B. ÉVOLUTIONS DE LA NOTION 1\. La démocratie libérale, pléonasme ou aléa de l'histoire ? Le libéralisme et la démocratie sont aujourd'hui conçus comme **devant aller ensemble pour qu'un régime démocratique soit légitime**. *Jusqu'à quel point le libéralisme est il nécessaire au régime démocratique* ? Ces deux théories n'étaient **pas conçues pour aller ensemble**. Beaucoup de théoriciens libéralistes n'étaient pas des théoriciens de la démocratie. La démocratie libérale repose sur la fusion de la démocratie majoritaire et d'un courant libéral peu regardant du régime tant que les libertés étaient garanties. Le libéralisme politique suppose une certaine **liberté** selon les théoriciens ; Benjamin Constant distingue deux conceptions de la liberté : \- la **liberté des anciens** (que l'on retrouve en Grèce antique) pour laquelle **la liberté se confond avec l'exercice de la souveraineté démocratique** : « *La liberté consistait à exercer collectivement plusieurs parties de la souveraineté tout entière, à délibérer sur la place publique...* ». C'est donc une **liberté collective**, une liberté correspondant au fait de **prendre part collectivement à la délibération publique**. Cette liberté est compatible avec l'assujettissement complet de l'individu à l'autorité de l'ensemble. On retrouve cette notion chez Rousseau également. \- la **liberté des modernes** (chez Locke) : ce qui **protège l'individu contre la multitude** (= droits subjectifs) La conception antique de la liberté est donc la liberté en tant que principe de la démocratie (car liberté de participer a la chose publique) pas comme dans la monarchie ou l'aristocratie. La liberté moderne semble en tension avec la démocratie puisque celle ci suppose le **règne de le multitude,** d'où pourquoi les libéraux étaient partisans de démocratie représentative. La démocratie en est venue à s'identifier au **régime représentatif** qui a marqué le triomphe de la conception libérale de la démocratie (alors qu'à la base le libéralisme était conçu comme **anti-démocratique** puisque les libéraux se refusaient à céder les libertés individuelles au profit de la volonté de la majorité). Cette évolution intellectuelle a entraîné une vision progressive de la démocratie libérale. Autrement dit, aujourd'hui, les **droits et libertés** sont conçus jusqu'à un certain point comme **consubstantiels à la démocratie**. Aujourd'hui, la démocratie libérale repose sur le **libéralisme politique**, les libertés civiles et politiques et le **libéralisme économique**. La démocratie aujourd'hui repose sur une forme de libéralisme autant politique qu'économique : \- **libéralisme politique** : avec l'éclosion du régime représentatif, l'élection est devenue le cœur de la démocratie, les libertés politiques peuvent donc devenir des libertés individuelles. On a tout un panel de droits qui permettent au citoyen d'être impliqué dans le régime politique. La préservation de ces libertés est nécessaire au régime. \- **libéralisme économique **: l'économie de marché, le libre-échange des biens et des services sur le marché est le complément nécessaire de la démocratie libérale. On a l'idée selon laquelle les régimes politiques depuis la 2GM tendent tous vers une démocratie libérale de marché. 18/11 La **démocratie moderne**, une démocratie fondée sur le principe représentatif avec des élections, qui protège les libertés civiles et politiques mais également le libre-échange des biens et des services dans une économie libre de marché, est donc le **seul modèle de démocratie possible**. Néanmoins, on voit apparaître de nouveaux modèles politiques qui ne sont ni des dictatures, ni des démocraties libérales mais des **« démocraties illibérales » ou démocratures »**. **2. « Démocraties illibérales » et « démocratures »** Il existe un certain nombre d'États dans lesquels les gouvernants ont prétendu **dissocier le libéralisme et la démocratie**. Ces États revendiquent la démocratie au sens où ils tiennent des **élections régulières**. Cependant, un certain nombre des libertés ou des droits consubstantiels au libéralisme politique et économique ne sont **pas garantis**. Dès 1997, on parlait de **démocratie illibérale**. On aurait donc un **système politique démocratique mais illibérale, répudiant le libéralisme politique et jusqu'à un certain point, économique**. En Europe, ces États ont longtemps été la Russie et la Hongrie. La Hongrie est, depuis le début des années 2010, un exemple privilégié de démocratie illibérale. On peut y ajouter le cas de la Pologne même si il y a un an et quelques, une alternance en Pologne a fait sortir le pays de cette catégorie. Dans la plupart de ces cas de figure on a des **élections libres** (non truquées comme dans une dictature). Il y a donc la **possibilité d'une alternance** et dans ce cas, le pouvoir en place tentera de mettre en place des mécanismes visant à annuler les élections. C'est le cas en Russie où on peut alors difficilement parler de démocraties. On emploie alors le terme de **démocrature**. Dans d'autres cas comme la Hongrie ou la Pologne, **les élections sont libres mais les libertés demeurent limitées par une suppression des garanties des droits et des libertés**. Ainsi en Hongrie en 2011, une révision constitutionnelle est venue limiter considérablement les pouvoirs de la Cour constitutionnelle de Hongrie. Il n'y a donc rien d'anti-démocratique à cela : les citoyens ont bien élu des représentants. Le libéralisme politique est donc un principe distinct du principe démocratique et qui vient potentiellement tempérer les excès d'un régime démocratique. Il n'est pas pour autant nécessaire que la démocratie soit libérale. Les exemples de la Hongrie et de la Pologne montrent qu'il est possible que le peuple, à travers ses représentants, souhaite restreindre des droits. « Il y a **50 nuances de démocraties illibérales et de démocratures** » - T. Hochmann L'idée est de **modeler la société civile à l'image illibérale du gouvernement**. L'alternance est toujours possible (Pologne, Brésil) mais malgré tout demeure présente dans l'espace public l'idée selon laquelle les droits et libertés devraient être soumis à la discrétion du pouvoir démocratiquement élu. II\. DÉMOCRATIE DIRECTE ET DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE A. « DÉMOCRATIE REPRÉSENTATIVE », UN OXYMORE ? 1\. La représentation contre la démocratie Le concept classique de démocratie est celui de la **démocratie directe**. Le mode classique de désignation des gouvernants sur la base d'une délégation de la souveraineté est le **tirage au sort**. Et à cet égard, l'élection apparaît comme une **procédure aristocratique**. De ce point de vue, l'élection au suffrage universel (direct ou censitaire) apparaît comme **incompatible avec la démocratie**. « *La souveraineté ne peut être représentée par la même raison qu'elle ne peut être aliénée. Toute loi que le peuple n'a pas ratifié est personne est nulle ce n'est pas une loi* » (Rousseau). 🡺 Un système dans lequel le peuple transfère la souveraineté à un individu marque le passage d'une société libre au **despotisme**. Dès lors que le peuple est souverain, toute loi doit être ratifiée par lui. « *Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l\'est que durant l\'élection des membres du Parlement ; sitôt qu\'ils sont élus, il est esclave, il n\'est rien* » (Rousseau). C'est pourquoi le **régime représentatif** a été théorisé dès les débuts **contre la démocratie**. On en trouve un bon exemple sous la plume de James Madison dans le *Fédéraliste.* Pour lui, il faut prévenir la tyrannie de la majorité mais également **la tyrannie des minorités, les factions**. « *******Par faction, j'entends un certain nombre de citoyens formant la majorité et la minorité , unis et dirigés par un sentiment commun de passion ou d'intérêt, contraire aux droits des autres citoyens ou aux intérêts permanents et généraux de la communauté******* » Une faction est donc un **ensemble d'individu qui ne peut réaliser ses fins que par la négation des droits des autres membres**. Or, « *la démocratie pure -- j'entends par là une société composée d'un petit nombre de citoyens qui s'assemblent et se gouvernent eux-mêmes -- ne comporte aucun remède contre les maux des factions* ». Au contraire la démocratie pure aggrave ces maux puisqu'elle permet à un petit groupe de citoyens d'exercer une pression sur les autres, c'est la **démagogie** que l'on retrouve chez Platon et Aristote. **Le remède est donc, pour Madison, le régime représentatif**. C'est ainsi que Madison oppose d'un côté la démocratie, et de l'autre la république (le régime représentatif). La république permet « *de raffiner et d'élargir les vues publiques, en les faisant passer à travers le filtre d'un corps choisi de citoyens, dont la sagesse peut le mieux discerner le véritable intérêt de leur pays. Leur patriotisme et leur amour de la justice les retiendront de sacrifier celui-ci à des considérations temporaires ou partielles* ». On a bien cette idée que **le peuple gouverne par ses représentants** et que **les représentants savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui**. Le principe représentatif permet seul de s'assurer que ce qui est bon pour le pays sera effectué. C'est une négation du rousseauisme car la volonté générale ne peut se tromper pour lui. Pour Madison, il faut un **petit groupe d'hommes bien choisis qui puissent déterminer sans l'influence de factions ce qui est bon pour le pays**. 2\. La démocratie par la représentation Pourtant, au cours du 19^e^ siècle, on aura un **glissement sémantique**, c'est-à-dire que la notion de démocratie va petit à petit s'identifier avec ce à quoi elle était opposée. La démocratie directe apparaîtra alors comme un tempérament possible au régime démocratique. Mais un **régime ne sera qualifié de démocratique que lorsqu'il mettra en œuvre des élections régulières**. La raison à cela est **l'extension du suffrage vers le suffrage universel** tout le long du 19^e^ siècle. En France, la Révolution de 1848 acte le suffrage universel comme horizon indépassable de désignation des gouvernants. On s'accommode parfaitement avec le fait que ce suffrage soit censitaire et que de fait, une importante partie du peuple ne puisse prendre part au vote ou être élu. Ainsi, la revendication du suffrage universel va avoir pour objet de **redonner au peuple tout entier la capacité d'élire ses représentants**. On veut que ce soit LE PEUPLE, et non pas une portion de celui-ci, qui élise ses représentants. L'idée va être être de **démocratiser la représentation pour s'assurer que les représentants tirent bien leur mandat de l'ensemble du peuple**. La démocratie va alors se définir définitivement comme le régime par lequel les représentants sont élus par le peuple tout entier. L'idée défendue par Madison selon laquelle la démocratie pure ne peut exister que dans de petites cités et pas dans de grands États va céder la place à l'idée que certes, la démocratie directe n'est possible que dans des petits états mais **la démocratie peut exister dans de grands États pour autant que le régime soit égalitaire**. Il en résulte alors que la démocratie représentative, qui était au départ un oxymore, devient petit à petit un pléonasme dès lors qu'une démocratie pure devient, dans les vastes États nations de l'époque moderne, impossible. **La démocratie n'est plus simplement l'auto-gouvernement, c'est la représentation et le suffrage universel**. Ainsi, dès 1861, John S. Mill écrit : « *Le premier principe de la démocratie est la représentation proportionnée au nombre.* ». Cependant, pour que les minorités soient aussi représentées que les majorités, il faut qu'elles soient traduites par des **forces politiques qui canalisent l'opinion publique** dans tel ou tel sens. La démocratie représentative suppose aussi ce qu'on appelle **l'idée des partis politiques**. Lorsque l'on vote pour un homme, on peut voter pour la sagesse, l'expérience... Cela s'accorde bien avec l'aspect aristocratique de la représentation. Mais lorsque l'on souhaite que soient représentées des idées politiques, il faut que celles-ci aient une **structuration politique**. **La démocratie suppose donc des élections libres et régulières permettant l'arrivée au pouvoir de différents partis politiques et l'alternance entre ces partis**. Kelsen, *La démocratie : sa nature -- sa valeur *: « *Inévitablement \[...\], le peuple-sujet \[titulaire\] du pouvoir, le peuple législateur, et le peuple-objet du pouvoir \[\...\] ne coïncident pas. \[...\] La démocratie ne peut, par suite sérieusement exister que si les individus se groupent d'après leurs fins et affinités politiques, c'est-à-dire que si, entre l'individu et l'État, viennent s'insérer ces formations collectives dont chacune représente une certaine orientation commune à ses membres, un parti politique. La démocratie est donc nécessairement et inévitablement un État de partis* » DONC la démocratie repose sur un **régime représentatif**, un **suffrage universel** et une **alternance politique entre les partis.** Néanmoins aujourd'hui, **la démocratie représentative touche ses limites**. D'une part, lorsqu'on souhaite obtenir une **représentation strictement égalitaire**, cela entrave l'efficacité du gouvernement, mais de l'autre côté les **modes de scrutin habituels** entravent une véritable représentation. On assiste alors à un certain **retour en grâce de la démocratie directe** à travers plusieurs modèles ; le **referendum** est utilisé dans de nombreux pays afin de donner la parole au peuple, certains en usent de manière très régulière (Irlande, Suisse), et le **tirage au sort** permettrait d'éviter les excès de la démocratie représentative (assemblées citoyennes). 🡺 *Inconvénients* : le referendum peut être détourné à des formes plébiscitaires. Dans le modèle de la démocratie athénienne, le tirage au sort permettait aux citoyens de désigner les gouvernants, tandis que aujourd'hui, **le tirage au sort permet aux gouvernants de désigner des citoyens**. Cela leur permet de conférer à leur action une certaine forme de **légitimité** car ils peuvent dire que telle mesure qu'ils proposent a été proposée par des citoyens sans aucune couleur politique. Cela va donc avoir le même problème que le referendum = légitimer l'action du gouvernement. Aucun régime démocratique ne sera jamais véritablement satisfaisant mais il n'en reste pas moins « **le pire des régimes à l'exception de tous les autres** » - Churchill. B. Souveraineté nationale et souveraineté populaire La transformation de la souveraineté après la Révolution française a amené à déplacer la souveraineté du roi jusqu'au peuple. **En 1991, le roi n'est plus que le représentant du peuple**. La révolution française adopte l'idée rousseauiste selon laquelle celui qui est souverain en définitive c'est le peuple, et non le roi. Une démocratie directe est impossible, alors, comment satisfaire le principe de souveraineté du peuple tout en admettant que le peuple ne gouverne pas lui même ? Deux modalités ont été dégagées par Carré de Malberg : l'une se rapprochant de la **démocratie directe**, l'autre de la **démocratie représentative**. 1\. L'opposition entre les deux sortes de souveraineté - **La souveraineté populaire** La théorie de la souveraineté populaire est issue d'une inspiration rousseauiste puisqu'elle fait du peuple un **acteur réel exerçant sa souveraineté directement ou presque**. On la trouve bien illustrée dans la Constitution de 1793 (qui ne fut jamais appliquée en réalité). Cette théorie repose sur 3 éléments : 1\. Elle admet que le peuple doit désigner des délégataires mais que **le fait d'être électeur et éligible constitue un droit fondamental**. Cette théorie, la théorie de l'**électorat-droit**, suppose le **suffrage universel**. 2\. On n'a pas de démocratie directe mais des **éléments de démocratie directe**. On a des assemblées citoyennes, des referendums, le veto populaire. En définitive, on garde un droit de regard sur ce que font les représentants. 3\. Le **mandat impératif** = l'élu est un délégataire, pas vraiment un représentant. En effet, il se voit confier un mandat de faire un certain nombre de choses déterminées et si il ne le fait pas, il peut faire l'objet d'une révocation populaire. **Il n'est donc élu que pour autant qu'il réalise directement la volonté de ses électeurs**. Cependant, cela aboutit à fractionner la nation car chaque député représente une section du souverain. - La souveraineté nationale La souveraineté nationale fait de la nation une **fiction permettant de légitimer l'action des gouvernants.** Ce qui existe concrètement, c'est une collectivité d'individus (Sieyès). La nation est l'idée du **peuple présent, passé, futur** comme si il s'agissait d'un véritable acteur politique. Par conséquent, la nation en tant que telle ne peut avoir de volonté générale, c'est pourquoi **seuls les représentants peuvent vouloir pour la nation**. Par l'élection, les citoyens votent pour des représentants et donc désignent les personnes qui vont vouloir pour la nation. Leur action sera donc légitime dès lors que la nation aura voulu pour eux. Cette théorie repose sur 3 éléments : 1\) La théorie de l'**électorat fonction** : être électeur n'est pas un droit de chaque citoyen car élire est une fonction que tout le monde n'est pas fait pour exercer. 2\) Il ne peut pas y avoir d'élément de démocratie directe puisque le peuple n'existe pas : **le peuple ne peut vouloir qu'au travers de la nation**. 3\) La souveraineté nationale repose sur le **mandat représentatif.** Dès lors que seul le représentant peut vouloir politiquement, il n'est pas lié par les directives qu'il reçoit de ses électeurs. Le mandat est représentatif ainsi, le représentant peut **librement décider ce qu'il est bon de faire**. **Chaque représentant représente l'intégralité de la nation** et non pas simplement la section du peuple qu'il a élu. 21/11 **2. Les limites de l'opposition** *Les limites de l'opposition sont de 2 sortes* : \- point de vue historique : il apparaît que cette distinction soit davantage le fait d'une **reconstruction** ***a posteriori*** plutôt que le fait du débat juridique des assemblées constituantes de 1789. \- les notions de démocratie et de représentation, en étant arrivé à **fusionner**, empruntent en réalité au modèle de souveraineté à la fois nationale et populaire. - *CRITIQUE 1* : Michel Troper relève que, à la Révolution française, les notions de souveraineté populaire et de souveraineté nationale étaient souvent employées de manière **interchangeables ou synonyme.** Ainsi, Carré de Malberg insiste beaucoup sur l'article 3 de la Déclaration de 1789 : « *Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. *» 🡺 Consacre le principe de la **souveraineté nationale**. Carré de Malberg insiste sur l'idée selon laquelle **la nation n'est pas à proprement parlé souveraine car elle est une fiction**. Selon lui, ce qui réside dans la nation c'est l'**essence de la souveraineté.** La souveraineté nationale est le schéma dans lequel **l'essence de la souveraineté se trouve dans une fiction** mais **l'exercice de la puissance souveraine est confiée à des organes** (les pouvoirs constitués) qui l'exerceront au nom de la nation. Cette émanation est le **principe représentatif**. L'élection permet précisément de désigner certains individus comme émanant de la nation. Néanmoins, la nation n'est pas le peuple réel. Article 25 et 26 de la Déclaration de 1793 : « *XXV. La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.* *XXVI. Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.* » 🡺 L'article 25 consacre le principe de la **souveraineté populaire**. 🡺 L'article 26 insiste sur l'**indivisibilité du peuple** et sur le fait que le peuple s'exprime non pas à travers ses représentants mais à travers ses assemblées citoyennes. **Les termes de souveraineté nationale et de souveraineté populaire sont donc employés de manière interchangeable**. On voit donc qu'en réalité, les révolutionnaires français ne faisaient pas vraiment de distinction entre les 2 souverainetés. - *CRITIQUE 2* : Les évolutions de la démocratie et la mise en œuvre d'une conception représentative de la démocratie fait qu'en réalité, la plupart des régimes politiques sont des **régimes mixtes avec des éléments de souveraineté populaire et de souveraineté nationale.** On s'aperçoit que, dès la Révolution, on trouve de telles hybridités. La Constitution de 1793 (modèle pur de souveraineté populaire selon Carré de Malberg) est la **consécration du mandat impératif **: le député est élu avec un mandat précis, il doit faire ce pourquoi il est élu et ne doit pas décider de ce qui est bon pour le peuple ou pas. Il résulte de ce mandat que **le député représente la circonscription dans laquelle il est élu**. Or, la Constitution de 1793 dispose que « *chaque député appartient à la nation entière* ». On a donc un mandat impératif combiné à cette idée très proche de ce qu'on trouve dans le système représentatif que **chaque député représente la nation dans son entièreté et pas juste sa circonscription.** Donc, dès la Constitution de 1793 on trouve déjà des éléments de souveraineté nationale. Au fur et à mesure que la démocratie représentative devient le paradigme de la démocratie, on va avoir un rapprochement clair et net des deux notions. Article 3 de la Constitution du 4 octobre 1858 : « *La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du referendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.* » 🡺 On a dans la Constitution française des éléments qui relèvent de ce que Carré de Malberg appelait souveraineté nationale et populaire. **Le peuple exerce sa souveraineté par des représentants**. L'article 27 ajoute que tout mandat impératif est nul. Ainsi, lorsque le peuple exerce sa souveraineté par des représentants, on a affaire à une souveraineté nationale comme l'entend Carré de Malberg. Finalement, la souveraineté nationale est exercé par les représentants du peuple. Ainsi, il n'y a **pas de mandat impératif**. 🡺 Alinéa 2 de l'article 3 : Contrairement à la Constitution de 1793 qui affirmait l'indivisibilité du peuple, **la Constitution de 1858 indique clairement que la souveraineté nationale ne peut pas être manifestée par l'action d'une section du peuple**. ***BILAN** **CRITIQUE 2***: Quand la souveraineté est exercée par les représentants du peuple, on a affaire à la souveraineté nationale. Quand il y a referendum, c'est la souveraineté populaire. Lorsque les représentants agissent, ils veulent pour la nation, le peuple n'intervient pas dans ces choix. Néanmoins, quand un texte, un projet/proposition de loi est soumis à la ratification populaire, c'est la souveraineté populaire qui s'exerce. Lorsque le referendum a eu lieu et que le texte a été adopté ou rejeté, c'est le peuple qui a parlé. Cette évolution tient du fait que le régime représentatif s'est démocratisé par la conquête du suffrage universel. Aujourd'hui, on a un **mandat représentatif** (souveraineté nationale) mais également des **éléments de démocratie directe compatibles avec l'indivisibilité du peuple**. CONCLUSION OPPOSITION Si l'opposition décrit des modèles pures d\'organisation de la souveraineté, ces modèles purs n'ont en réalité jamais véritablement existé. La plupart reposent sur un mixte : mandat représentatif + électorat-droit. Cette hybridation est devenue la norme et les modèles purs sont l'exception.