Partie 2 - Chapitre 1: La Notion de Constitution PDF
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This document explores the concept of a constitution, focusing on its historical and philosophical underpinnings. It examines the evolution of constitutionalism, specifically highlighting the influence of the Enlightenment, and the theories of those who contributed to defining it, including Locke and Montesquieu. The different conceptions of a constitution are also discussed and analyzed.
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30/09 DEUXIÈME PARTIE LA CONSTITUTION Chapitre 1 : La notion de Constitution I. La Constitution, norme suprême de l'ordre juridique A. Limiter le pouvoir par le droit 1\. L'essor du constitutionnalisme à l'âge moderne a\. Les racines intellectuelles : libéralisme et Lumières b\. Les mises en...
30/09 DEUXIÈME PARTIE LA CONSTITUTION Chapitre 1 : La notion de Constitution I. La Constitution, norme suprême de l'ordre juridique A. Limiter le pouvoir par le droit 1\. L'essor du constitutionnalisme à l'âge moderne a\. Les racines intellectuelles : libéralisme et Lumières b\. Les mises en œuvre : les Révolutions américaine et française 2\. Les limites du constitutionnalisme a\. État de droit et État légal b\. La *dead hand of the past* B. La notion de hiérarchie des normes 1\. La « théorie » de la hiérarchie des normes 2\. La hiérarchie des normes en droit français C. Principaux traits de la suprématie de la Constitution 1\. Limites à l'exercice du pouvoir politique 2\. Garantie des droits et libertés fondamentales a\. Droits-libertés et droits-créances b\. Effets juridiques des droits et libertés fondamentales II\. L'identification de la constitution A. Critères d'identification 1\. Le critère matériel a\. L'organisation politique de l'État b\. L'élargissement du champ de la matière constitutionnelle 2\. Le critère formel B. Constitutions écrites et coutumières 1\. L'opposition entre constitutions écrites et non écrites 2\. Les limites de l'opposition a\. La persistance de règles coutumières b\. Les conventions de la Constitution C. Identification des normes constitutionnelles françaises 1\. La reconnaissance du bloc de constitutionnalité 2\. Les composantes du bloc de constitutionnalité I. LA CONSTITUTION, NORME SUPRÊME DE L'ORDRE JURIDIQUE A. LIMITER LE POUVOIR PAR LE DROIT 1\. L'essor du constitutionnalisme à l'âge moderne **a. Les racines intellectuelles : libéralisme et Lumières** ⚠ **constitutionnalisme** = forme prise par les **conceptions libérales de l'État et du pouvoir** au cours du 18^e^ siècle dont on trouve un précurseur en la figure de **John Locke** 🠊 la théorie libérale de l'État procède du postulat selon lequel **les êtres humains possèdent de droits naturels antérieurs à la constitution de la société dont l'État a pour fonction d'assurer la garantie et l'effectivité** 🠊 chez Locke, cela prend la forme de l'idée d'un **contrat social** et d'une **limitation par les termes de ce contrat des pouvoirs de l'État** 🠊 cependant très rapidement dans la doctrine libérale cette présentation va apparaître louable mais **insuffisante** ainsi seront élaborés des **outils permettant de garantir et à protéger efficacement les citoyens contre l'abus de pouvoir **: \- outil n°1 = la **séparation des pouvoirs** (élaborée par Montesquieu dans *L'esprit des lois*) = la meilleure manière d'éviter l'abus de pouvoir est de diviser le pouvoir étatique et d'en conférer l'exercice à des organes différents \- outil n°2 = la **reconnaissance de droits fondamentaux** (= droits de l'homme, droits naturels) dont la garantie est apportée par la séparation des pouvoirs mais qui bientôt recevra une garantie supplémentaire, notamment juridictionnelle 🠊 ces deux outils du constitutionnalisme sont exposés dans l'Art. 16 de la DDHC : **« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution »** = la constitution est donc l'acte solennelle par lequel les pouvoirs de l'État sont séparés et une garantie est apportée aux droits fondamentaux 🠊 *le constitutionnalisme opère une modification dans la concept même de constitution* : \- **Conception organique de la Constitution** : la manière dont l'État est organisé (= le régime politique) : jusqu'à la modernité et même après, il faut entendre par constitution un régime politique constitué de telle ou telle manière. \- **Conception mécanique de la Constitution** : l'équilibre qui résulte de l'action réciproque des pouvoirs entre eux : Montesquieu évoque quant à la constitution d'Angleterre une **analyse de l'équilibre résultant de l'articulation des différents rouages des pouvoirs au sein du régime politique** britannique = **un état sans constitution (sans équilibre des forces) = despotisme** \- **Conception normative de la Constitution** (apparue avec la révolution américaine) : les règles de droit qui viennent organiser et limiter le pouvoir étatique : on s'est aperçu que l'équilibre voulu par Montesquieu pouvait facilement se dérégler et que **la constitution devait s'entendre comme une série de règles contraignantes venant limiter l'action des gouvernants en leur imposant des obligations** 🠊 point d'aboutissement = on confère à un juge le soin d'assurer le respect des limites imparties au pouvoir de l'État 🠊 cohabitation des conceptions mécaniques et normatives jusqu'à la 2GM : à partir de là, **c'est la conception normative qui l'emportera** 🠊 la constitution n'est pas quelque chose qui *EST* mais quelque chose qui *DOIT ÊTRE* **b. Les mises en œuvre : les Révolutions américaine et française** A partir des mêmes références, les Révolutions américaine et française vont très largement diverger. La mise en œuvre des principes constitutionnels va se faire en 2 sens différents : - **la Révolution américaine** 🠊 première véritable mise en pratique (réussie) du constitutionnalisme = Révolution américaine 🠊 révolte menée par les 13 colonies britannique en Amérique **contre la couronne britannique** a abouti à la **rédaction de la Déclaration d'Indépendance du 4 juillet 1976** = met en avant certains des éléments précédemment évoqués ##### 🠊 on retrouve une sorte de **profession de foi lockéenne, libérale**. On parle de postulat lockéen car l'indépendance est reliée aux libertés fondamentales dont parle Locke dans sa théorie sur les droits naturels. C'est une **révolte fiscale, contre les impôts confiscatoires votés et prélevés par le parlement anglais**. Les révolutionnaires américains prêtent une attention particulière aux abus du pouvoir législatif. Aux USA le pouvoir exécutif peut être limité par la loi. En revanche, le législateur est omnipotent. C'est donc **l'abus du pouvoir législatif** qui concentre les révolutionnaires. 🠊 *4 principes directeurs de la constitution américaine* : \- **forme fédérale du gouvernement** (séparation verticale des pouvoirs) : alors que le parlement britannique (la chambre des communes) était sensé représenter la totalité et l'universalité des communes britanniques, **les colonies américaines ne s'estimaient pas représentées au parlement britannique** et pouvaient donc protester contre des charges fiscales auxquelles ces colonies n'avaient pas consenti (***No taxation without representation***) = pour pallier les contestations, les constituants américains ont mis en place **2 niveaux de gouvernement pour que tout les citoyens soient partie prenante des décisions les concernant à tout les niveaux** \- **séparation horizontale** **des pouvoirs** (très inspirée de Montesquieu) avec un système de *checks and balances* (frein et contrepoids) = les pouvoirs de l'État étant séparés et divisés entre organes dotés de moyens d'actions et de contrôle réciproques \- **rédaction d'une charte des droits (*****bill of rights*****)** désignant les 10 premiers amendements de la constitution américaine et venant préciser et reconnaître les droits reconnus à tout les citoyens = **catalogue de droits fondamentaux précisés dans le texte constitutionnel et que les pouvoirs publiques doivent respecter** \- **essor du contrôle de constitutionnalité des lois ainsi que des autres actes étatiques** : les constituants américains souhaitaient limiter l'abus de pouvoir de l'autorité législative c'est pourquoi très tôt apparaît une **garantie juridictionnelle de la constitution** = on confie aux juges le soin de contrôler le respect par les pouvoirs publiques des individus (*bill of rights*) - **la Révolution française** 🠊 la France a connu 15 constitutions successives (alors qu'en Amérique il n'en existe qu'une seule depuis 1976) = mise en œuvre très différente des USA 🠊 **base philosophique = la même qu'aux US** (Art. 16 de la DDHC) 🠊 la mise en œuvre politique et juridique diffère : \- les révolutionnaires français avaient les yeux rivés sur les **abus du pouvoir exécutif** car en France, la monarchie absolue concentrait encore des pouvoirs que au Royaume-Uni, la pratique institutionnelle commençait déjà à dissocier DONC **la fonction la plus visible du pouvoir royaume est la fonction exécutive** = lettres de cachet par lequel le roi pouvait faire enfermer qui il veut = méfiance chez les révolutionnaires du pouvoir exécutif \- les révolutionnaires français **se méfiaient des juges des juridictions dont ils jugeaient excessive la pratique** sous l'Ancien régime = En effet sous l'ancien régime, le seul véritable contre pouvoir à l'arbitraire royale étaient les parlements (ancêtre des cours d'appel). Or ceux-ci s'opposent au roi et les révolutionnaires français voyaient là un danger majeur. Très tôt les révolutionnaires français ont entendu interdire aux juges de se mêler des affaires publiques (administration publiques ou législation). \- l'**influence de Rousseau + un certain culte de la loi** (légicentrisme) = l'Art. 6 de la DDHC dispose que **la loi est l'expression de la volonté générale** = ce qui va permettre aux citoyens de se prémunir de l'arbitraire de l'exécutif et des juges sera la loi identique pour tous et à laquelle tous sont soumis \- La DDHC impose au législateur le respect des lois. Article 5 **« la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société »**. Si la loi prohibe des actions positives à la société, la règle suppose la possibilité d'une violation. Mais dès lors que la loi est la volonté générale, il faut confier au législateur le pouvoir de garantir la liberté et d'en fixer les limites. **La loi est la voix de la volonté générale**. Il est donc impossible qu'elle vienne violer les droits fondamentaux. 🠊 traduction légicentriste des principes constitutionnalistes = la constitution n'est pas conçue comme un ensemble de normes juridiques devant recevoir une garantie juridictionnelle = **les règles que fixent la constitution sont entièrement laissées à l'appréciation du législateur** 04/10 🡺 **aucune limite juridique n'était impartie au législateur lui-même alors même que la DDHC lui imposait un certain nombre de devoirs** (voir cours précédent) = aucun mécanisme mis en place pour assurer ça 🡺 dès lors que la loi exprime la volonté générale, accorder le droit par exemple à un juge de contrôler la loi c'est **soumettre la volonté générale à la volonté particulière d'un juge** = le constitutionnalisme français s'est positionné contre le contrôle de constitutionnalité des actes du législateur 🡺 *exceptions* : l'**abbé Sieyès** (théoricien de la limitation des pouvoirs) part du principe que **l'ensemble des pouvoirs y compris le pouvoir législatif sont constitués** et qu'il convient donc de **contraindre chacun de ces pouvoirs à respecter la constitution** = le législateur n'est pas souverain car le véritable acte de souveraineté est le pouvoir constituant (= pouvoir de créer la constitution) = **le législateur doit être soumis à la volonté du constituant** et quand il outrepasse les limites imposées par le constituant, ces lois sont considérées comme nulles 🡺 Sieyès défend une forme de contrôle de constitutionnalité des lois au moyen d'un organe qu'il appelait **« jury constitutionnel » chargé de contrôler le respect par le législateur des règles constitutionnelles** *illustration des limites du constitutionnalisme* :\ - le constitutionnalisme peut se traduire soit sous la forme d'un **État légal**, soit sous la forme d'un **État de droit constitutionnel** \- la *dead hand of the past* = les décisions que nous prenons maintenant se trouvent contraintes par des choix effectués il y a des dizaines d'années par les rédacteurs de la constitution **2. Les limites du constitutionnalisme** **a. L'État de droit et l'État légal** R. Carré de Malberg distingue 3 configurations possibles de l'État : - **L'État de police** L'État de police est celui qui prévalait sous l'Ancien régime. C'est un État dans lequel **les pouvoirs ne sont pas ou peu séparés** et ou **le pouvoir exécutif pouvant changer la loi à sa guise n'est en réalité contraint par aucune règle de droit rigide**. - **L'État légal** Dans l'État légal, **on confit à un législateur suffisamment séparé de l'exécutif et du judiciaire la prérogative absolue et souveraine de faire la loi**, les organes administratifs législatifs et judiciaires étant tous soumis à la loi. Il y a donc une **hiérarchie entre les fonctions étatiques** et **la loi est placée au sommet de cette hiérarchie**. Les autres organes sont tous soumis à la loi et leur arbitraire est donc réduit à peu de chagrin par l'application universelle de la loi. C'est cette situation d'État légal qui caractérisait la France au moins jusqu'en 1958. L'État légal est une **première traduction du constitutionnalisme qui repose sur la limitation du pouvoir au moyen de la séparation des pouvoirs et de la garantie des droits**. L'État légal permet de **limiter le pouvoir en soumettant tout les organes de l'État a une loi unique pour tous**. Il permet ce faisant de **garantir que les droits des individus soient effectifs** puisque c'est la loi qui déterminera les règles relatives à l'expropriation et à son indemnisation permettant ainsi de garantir notamment le droit de propriété (droit sacré de l'homme). Cependant **le législateur n'est soumis à aucune limite juridique**. - L'État de droit / État de droit constitutionnel Dans l'État de droit, **l'ensemble des autorité étatiques y compris le législateur se soumettent au droit produit par l'État**. Cela permet donc le maintien du principe d'une soumission de l'administration à la loi produite par le législateur. Cependant, **l'État produit également d'autres règles de droit qui sont supérieures (en principe) à la loi elle-même**. Le droit de l'État correspond aux **traités**, aux **engagements internationaux** qu'il souscrit avec d'autres sujets de droit international (d'autres États). **On applique à l'ensemble de l'État les règles produites par l'État** (règles conventionnelles et constitutionnelles) Cependant, l'État et le législateur n'ont aucune limitation donc cette forme étatique suppose une **autolimitation pour assurer la garantie des droits**. *problème* : risque d'un **gouvernement des juges** b\. La *dead hand of the past* L'adoption d'une Constitution est un moment déterminant dans la vie d'une collectivité politique car il a pour vocation d'**orienter les choix politiques futurs**. Au fur et à mesure que les sociétés évoluent, **les choix constitutionnels peuvent s'avérer être des contraintes** pour l'action politique du présent. Si la constitution établie des principes qui doivent nécessairement venir guider les choix politiques actuels, **l'évolution de la société et celle des structures économiques et sociales** rendra nécessaire des choix politiques incompatibles avec ces principes constitutionnels. La constitution est la **manière pour le passé de contraindre les choix démocratiques actuels**. Ainsi, au fur et à mesure que l'on s'éloigne du moment constituant, **les acteurs démocratiques se trouvent prisonniers de ces choix du passé**. La solution est de **rendre la constitution facile à réviser**. Aux États-Unis, la constitution est extrêmement difficile à modifier, on ajoute une idéologie judiciaire très rependue appelée l'**originalisme**, idéologie selon laquelle **les dispositions de la constitution doivent être interprétés comme elles l'auraient été au moment de leur ratification**. Ainsi, non seulement la révision constitutionnelle est impossible mais en plus, **les juges s'estiment de plus en plus liés par le sens que la constitution avait lors de sa ratification** et non pas par le sens qu'elle possède aujourd'hui. De cette façon, **toute législation ambitieuse sur le contrôle des armes à feu aux États-Unis se retrouve contrainte par la jurisprudence de la Cour suprême** qui, se basant sur une interprétation originaliste de la constitution américaine, rendent ces législations **inconstitutionnelles**. La possibilité de réviser la constitution apparaît très prometteuse mais elle-même suscite des limites et des problèmes ; **si on a une constitution peu rigide et très facile a réviser, à quoi bon avoir une constitution puisque le législateur pourra la modifier à sa guise lorsqu'elle met un frein a ses choix politiques ?** 🡺 Si un partie hostile a l'IVG arrive au pouvoir en France, étant donné que la constitution est très difficile a réviser, cela permet d'éviter que ce droit ne soit modifier. *tension* : La constitution doit **contraindre les choix politiques** et **être difficile à réviser**. Néanmoins, si elle est trop difficile à réviser et si on l'entend comme on l'entendait à l'époque de sa ratification, cela **empêche des choix politiques pourtant démocratiques**. B. LA NOTION DE HIÉRARCHIE DES NORMES L'État de droit constitutionnel suppose l'existence de **normes hiérarchisées** où **chaque organe créateur de normes est soumis à des normes supérieures**. 1\. La « théorie » de la hiérarchie des nomes La **théorie de la hiérarchie des normes** est une notion souvent rattachées à **Kelsen** (l'un des plus grands théoriciens du droit du 20^e^ siècle). Celui-ci critique la notion d'État de droit. Pour lui, **la hiérarchie des normes ne peut obliger le législateur à respecter la constitution car une loi contraire à la constitution serait impossible**. La hiérarchie des normes suppose 2 idées intuitives : 1\) **Certaines normes sont supérieures à d'autres** parce que **certaines autorités normatives sont supérieures à d'autres**. 🡺 *exemple* : Lorsque le policier nous dit de traverser la rue, il émet une norme : on a le droit de traverser la rue. Néanmoins, cette norme n'est pas de la même importance qu'un article de la DDHC par exemple. 2\) **Les normes inférieures doivent se conformer aux normes supérieures**. La question est la suivante : comment assurer ce respect par la norme inférieure de la norme supérieure ? 🡺 C'est au juge qu'il convient de décider en cas de conflit, d'écarter ou non la norme inférieure. Dans un État de droit constitutionnel tel que la France, la constitution est au sommet de la hiérarchie des normes. De fait, **toutes les normes de l'ordre juridique sont inférieures à la constitution et toutes doivent se conformer à celle-ci**. Ainsi, un règlement peut être conforme à la loi, mais si celui ci est contraire à la constitution, alors il sera écarté. 2\. la hiérarchie des normes en droit français \- **Constitution** : Toutes les normes doivent la respecter \- **Traités internationaux **: ils NE SONT PAS supérieurs à la Constitution \- **Lois organiques **: précisent certaines dispositions constitutionnelles \- **Lois ordinaires** \- **Actes réglementaires** \- **Actes administratifs individuels** + actes juridictionnels *Disposition contestable* : \- **place des traités internationaux** : En droit international général, un principe (Art. 26 et 27 de la Convention de Vienne) veut que les États qui s'engagent soient obligés de les exécuter de bonne foi. Cela implique qu'un État ne puisse invoquer une règle de son droit interne, fut-elle constitutionnelle, pour faire échec a l'exécution d'un traité. **En cas de conflit entre norme constitutionnelle et norme conventionnelle, la norme conventionnelle l'emporte**. \- **normes du droit européen** : l'UE revendique la primauté de son droit sur le droit de l'ensemble des États-membres, fut-il constitutionnel. Un principe important et mis en avant est le principe de **primauté du droit de l'UE** (établie très tôt par la Cour de justice des communautés européennes dans un arrêt de 1964 *Costa contre Enel*). Ce principe de primauté s'étend à toutes les normes de droit des l'UE, non seulement aux traités (de Rome, Maastricht) mais également à l'ensemble des règles de droit privé adoptées par le législateur européen. Les juges internes étant juges de droit commun de l'UE lorsqu'ils sont confrontés à un conflit de loi, doivent selon la Cour de justice de l'UE **appliquer la norme européenne**. Finalement, ce conflit n'est pas résolu. En effet, **2 hiérarchies des normes sont possibles**. Cependant, pour désamorcer les conflits, dans la plupart des cas, **les cours constitutionnelles réservent un statut spécial au droit de l'UE** afin de minimiser les possibilités de conflit de normes. La plupart des cours constitutionnelles européennes reconnaissent que **les droits fondamentaux sont aujourd'hui plutôt bien garantis dans l'ordre juridique de l'UE**. Ainsi, la plupart des cours constitutionnelles acceptent de **renoncer au contrôle de constitutionnalité des normes européennes**. Cependant, les cours constitutionnelles gardent une réserve de compétences lorsque les normes en question sont très importantes. Cela permet de maintenir l'idée d'une **suprématie de la constitution dans l'ordre interne** mais en faisant confiance a l'ordre de l'UE. 07/10 C. PRINCIPAUX TRAITS DE LA SUPRÉMATIE DE LA CONSTITUTION\ 1. Limites à l'exercice du pouvoir politique La constitution est la **norme suprême de l'ordre juridique**. La constitution permet de **limiter le pouvoir en le soumettant a des normes**. Il en va particulièrement du pouvoir normatif des organes de l'État (le pouvoir d'édiction des normes). La constitution est donc l'**ensemble de normes qui va régler la manière dont les différents organes de l'État prendront/édicteront à leur tour des normes juridiques**. Elle vient répartir ces pouvoirs normatifs en confiant des fonctions normatives définies aux différents organes étatiques. La constitution vient également **fixer la procédure par laquelle les organes de l'État sont susceptibles d'édicter des règles de droit** 🡺 en France, c'est la Constitution qui **détermine les grandes règles de la procédure législative**, c'est-à-dire l'ensemble des étapes qu'un texte doit suivre pour être considéré comme une loi. Elle **répartie également les compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire**. La constitution vient déterminer les normes/règles en fonction desquelles les organes de l'État produiront à leur tour des normes/règles. **Aucun organe de l'État n'est souverain** puisque lorsqu'un organe de l'État édicte une règle, il le fait selon le manière prévue par la Constitution et selon les limites imparties à la compétence de cette organe. De la même façon, **le législateur n'est pas souverain** puisque la loi doit respecter les règles de procédure législative imposée par la Constitution. **Même le peuple français lorsqu'il est consulté par referendum législatif (Art. 11) n'est pas à proprement parlé souverain**. En effet, il ne l'est pleinement que par le biais d'un référendum constituant. Finalement, **aucun organe constitué par la constitution n'est souverain** car les normes que chaque organe prend doit respecter les compétences déterminées par la constitution elle-même. 2\. Garantie des droits et libertés fondamentales Une constitution a non seulement pour fonction de limiter l'exercice du pouvoir normatif des organes de l'État, mais elle a également pour fonction d'**apporter une garantie aux droits fondamentaux auxquels les pouvoirs publics ne peuvent porter atteinte**. La plupart des constitutions comportent un **catalogue de droits fondamentaux** (préambule, DDHC...) 🡺 nature exacte de ces droits ? effet juridique concert ? **a. Droits-libertés et droits-créances** D'un côté, on trouve les **droits de l'homme issus des Lumières et de la Révolution française** (1^ère^ génération) et de l'autre, une seconde génération de droit qui sont les **droits économiques et sociaux issus de l'État providence suite a la 2GM** (2^ème^ génération) \+ aujourd'hui, une 3^ème^ génération de droits fondamentaux plus diffuse et plus incertaine On a donc d'un cote des **droits-libertés** (1ère génération) et de l'autre des **droits-créances** (2^ème^ + 3^ème^ génération). - **Les droits-libertés **: Les droits-libertés sont des **droits DE faire quelque** chose. Ils supposent la liberté de faire ou de ne pas faire et **ne requière donc de la puissance étatique que l'absence d'une interférence** (la puissance étatique ne doit pas nous empêcher de réaliser ces actions). - **Les droits-créances **: Les droits-créances sont des **droits A quelque chose**. Ils supposent une **prestation de la part de la personne** publique, la mise en place d'une série de structures, de personnes permettant l'exercice de ce droit. 🡺 Les droits de 1^ère^ génération issus des Lumières et de la Révolution française sont précisés dans la **DDHC de 1789**. Ils **intéressent généralement l'individu dans sa quintuple qualité de justiciable, de citoyen, d'administré, de contribuable, et d'être humain**. Ces droits sont des droits civils et politiques. Droits qui intéressent... \- *le justiciable* : Ces droit sont des droits en matière pénale 🡺 La DDHC impose une série de garantie de l'accusé en matière pénale : **droit à la sûreté** (= droit a ne pas être détenu arbitrairement) (Art. 2), principe de **légalité des délits et des peines** « *nulum crimen* » (= aucun délit, aucune infraction ni aucune peine ne peuvent exister si ce n'est par les faits d'une loi préalable) (Art. 7 + Art. 8), principe de **présomption d'innocence** (Art. 9)... \- *le citoyen* : principe d'un **droit égal de tout les citoyens de participation à l'élaboration de la loi** (Art. 6) \- *l'administré* : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (Art. 15) \- *le contribuable *: égalité devant l'impôt (Art. 13), consentement a l'impôt (Art. 14) \- *l'être humain* : droits de propriété inviolable et sacré (article 17) + droits d'expression ett de communication (article 10 et 11) + droit a la liberté personnelle (article 2) Ces droits civils et politiques sont des **droits-libertés** n'exigeant qu'une simple abstention de l'État. Cependant **pour beaucoup, il s'agit de droits-créances** exigeant une prestation de la puissance publique. 🡺 *exemple* : le droit d'égale participation suppose l'organisation d'élections ou encore le devoir de reddition de comptes de la part de l'administration Les droits-libertés sont retreints a une sphère spéciale des qualités humaines. En effet, **ils n'envisagent pas les êtres humains comme des agents économiques et sociaux** excepté sous l'angle du propriétaire. Les droits de 2^ème^ génération **envisagent les hommes dans leur qualité de travailleurs, d'élèves, d'étudiants, de retraités, de chômeurs, d'entrepreneurs, de malades...** Cela traduit une modification de la conception que l'on se fait de l'intervention étatique. En effet, l'État n'est plus un simple gendarme, régulateur des rapports sociaux auquel on demande de ne pas trop interférer dans la sphère individuelle. Avec l'essor de l'État providence, **l'État doit réguler l'économie et apporter un correctif aux effets parfois indésirables de l'économie de marché**. C'est le pendant juridique de cette nouvelle conception économique de l'État. Ces droits de 2^ème^ génération sont illustrés dans le **préambule de la Constitution de 1946** qui établie un nouveau catalogue de droits tout en réaffirmant l'attachement du constituant aux principes de 1789. Y sont consacrés de **nouveaux droits économiques et sociaux** qui sont des **droits-libertés** (droit de grève, liberté syndicale) ne supposant pas de prestation concrète de l'État mais **un grand nombre sont des droits-créances**. Les **droits de 1**^**ère**^ **génération** résultent de la situation selon laquelle **l'individu subit la puissance étatique et a besoin de la limiter**. Les **droits de 2**^**ème**^ **génération** résultent de la situation selon laquelle **l'individu subit la puissance du marché et a besoin de l'État**. b\. Effets juridiques des droits et libertés fondamentaux **La DDHC** et le **préambule de 1946** ont été longtemps tenus pour des **textes de principes** fixant un objectif, une aspiration, des valeurs mais nullement des règles juridiques. **Aujourd'hui, ces droits sont enfin garantis.** En cas de conflits entre les droits, le juge effectue un **contrôle de proportionnalité **: il pèse le pour et le contre pour voir lequel l'emporte. Ces droits sont sujets de **limites** provenant par exemple de l'exercice d'autres droits. Le juge constitutionnel français peut faire entrer dans la balance des **critères exogènes aux droits eux mêmes** (*exemple* : le maintien de l'ordre public). L'effectivité juridique des droits amène à la limitation du champ d'application de ces droits fondamentaux. II\. L'IDENTIFICATION DE LA CONSTITUTION **A. CRITÈRES D'IDENTIFICATION** On a l'habitude d'effectuer une **distinction entre le critère matériel et formel et de la constitution**. *Au sens matériel* : l'ensemble des règles (quelle qu'en soit la source) qui portent sur l'organisation des pouvoirs étatiques et la garantie des droits fondamentaux. *Au sens formel* : l'ensemble des règles comprises et codifiées dans un document unique intitulé « Constitution ». Ces 2 critères ne coïncident pas toujours. En effet, il arrive qu'il y ai des **lois qui portent sur l'organisation de l'État et sur la garantie des droits mais qui** **ne sont pas écrites dans la constitution.** Bien qu'un pays ait une constitution formelle, **des règles matériellement constitutionnelles existent en dehors du texte formel**. Il arrive enfin que les dispositions que l'on trouve dans les constitutions formelles **n'aient matériellement rien à voir avec les pouvoirs étatiques ni la garantie des droits** (Constitution brésilienne du 5 octobre 1988 : article 242 paragraphe 2 le collège Pedro II est maintenu dans l'orbite fédérale). 1\. Le critère matériel a\. L'organisation politique de l'État Le principal critère matériel de la constitution est que **les règles concernent l'organisation de l'État.** La Constitution est l'ensemble des règles les plus importantes de l'État donc celles qui déterminent la forme même de l'État (unitaire, fédéral, régional...) et la forme de son gouvernement (répartition des pouvoirs, démocratie/dictature, république présidentielle/parlementaire). Ces règles sont **matériellement constitutionnelles**. \- Les règles relatives à la forme du gouvernement **répartissent les fonctions de l'État entre les différents organes de celui-ci** (varie en fonction du type de régime) \- Le critère d'importance des règles : Jusqu'en 1958, il n'était quasi pas fait mention dans la constitution des **collectivités territoriales**. A partir de quand quitte-t-on la matière constitutionnelle ? Les droits parlementaires, électoraux... font-ils partie de la matière constitutionnelle ? **Une constitution formelle peut rester silencieuse sur certains thèmes**. En effet jusqu'en 1946, le président du conseil n'apparaît pas dans la constitution. Pourtant, matériellement, son existence correspond a une règle constitutionnelle. Ainsi, il est souvent difficile de savoir ce qui a sa place ou pas dans la matière constitutionnelle : j**usqu'à quel niveau de détail faut-il descendre pour classifier une règle comme étant ou non constitutionnelle ?** b\. L'élargissement du champ de la matière constitutionnelle Au sens matériel, sont constitutionnelles l'ensemble des règles (quelle qu'en soit la source) qui portent sur **l'organisation des pouvoirs étatiques** et la **garantie des droits fondamentaux.** 2\. Le critère formel Le critère formel permet de couper court a la discussion. En effet, une règle sera dite constitutionnelle **si elle appartient a un document appelé « Constitution », adopté et modifié selon une procédure plus contraignante que celle qui préside a l'adoption des lois ordinaires**. La rédaction d'une Constitution formelle permet de résoudre cette ambiguïté (au Royaume Uni, c'est plus compliqué comme il n'y a pas de constitution écrite). **Seules les règles comprises dans la constitution sont constitutionnelles**. Néanmoins, **la jurisprudence du Conseil constitutionnel a aussi son importance**. En effet, beaucoup de droits ne sont pas mentionnés dans le bloc constitutionnel mais sont pourtant reconnus comme constitutionnels grâce a cette jurisprudence. B. CONSTITUTIONS ÉCRITES ET COUTUMIÈRES 1\. L'opposition entre constitutions écrites et non écrites Avec l'essor du constitutionnalisme et l'apparition du critère formel de la constitution, on en est venu a opposer **2 catégories de pays **: les pays disposant d'une **constitution écrite** et ceux n'en disposant pas. Lorsqu'un pays se dote d'une constitution écrite, l'ensemble des règles constitutionnelles seront identifiées au moyen du **critère formel**. En revanche, dans les pays ou il n'y a pas de constitution écrite, il n'y a pas de possibilité d'identifier la constitution au moyen du critère formel. On doit donc s'en remettre à un **critère matériel**, tel est le cas du Royaume Uni. *erreur 1* : Comme le Royaume Uni n'a pas de constitution au sens formel du terme, ses règles constitutionnelles sont non écrites = FAUX. 🡺 Elles se trouvent dans un **ensemble de coutumes** ainsi que dans des **textes de loi adoptés par le parlement ou, auparavant, par le roi** (*Bill of rights* de 1689). **Une partie de la constitution britannique est donc écrite** et il serait tout a fait possible de les rassembler dans un document unique appelé constitution. Seulement, c'est la que se situe la différence entre la France et le Royaume Uni : **l'ensemble de ces lois peuvent être modifiées par le législateur qui peut donc les abroger à sa guise**. Ainsi, le grand juriste du XIX^e^ siècle Albert Dicey disait que **l'acte d'union de 1707 et l'anodine loi sur les dentistes de 1878 avaient la même valeur juridique**. *erreur 2* : Comme les règles constitutionnelles ne sont pas identifiables au moyen du critère formel, alors il n'y a pas de constitution au Royaume Uni = FAUX. 🡺 Il existe au Royaume Uni **tout un ensemble de règles auxquelles les juridictions reconnaissent une valeur constitutionnelle** et qui constituent donc la constitution matérielle du Royaume Uni. Le fait que le Royaume Uni n'ai pas de constitution au sens formel ne veut pas dire qu'il n'a pas de constitution du tout. 🡺 **Cour suprême du Royaume Uni, décision** ***Miller*** **(no.2)** ***/ Cherry*****, 24 sept. 2019** : Although the United Kingdom does not have a single document entitled « The Constitution », it nevertheless possesses a Constitution, established over the course of our history by common law, statutes, conventions and practices. Since it has not been codified, it has developed pragmatically, and remains sufficiently flexible to be capable of further development. 14/10 2\. Les limites de l'opposition Même dans un pays de constitution écrite demeurent un certains nombres de règles, de normes pratiques, de conventions d'usage **non comprises dans la constitution de manière formelle**. \- **coutumes constitutionnelles** \- **conventions de la constitution** (emprunté au droit constitutionnel britannique) Il demeure néanmoins un **doute sur la valeur juridique** de ces coutumes et de ces pratiques. a\. La persistance de règles coutumières De la même manière qu'en 1804, la codification a entendu se substituer aux anciennes coutumes, **une constitution formelle entend mettre fin a des pratiques coutumières antérieures**. Pourtant de telles règles sont encore monnaie courante. En droit, une coutume est **une pratique, un comportement répété** auquel un certain consensus (*opinio juris*) attribue un caractère obligatoire (tout le monde agit de la même manière donc on en vient a penser que cette conduite est obligatoire). C'est donc une **règle qui émerge non pas parce qu'une autorité l'a promulguée mais parce que sa répétition l'a rendue obligatoire**. La coutume a longtemps été la source principale de droit avant d'être substituée par le droit écrit. Aujourd'hui dans la plupart des systèmes juridiques, la coutume est une **source marginale résiduelle de droit**. Cependant, elle est encore importante. En France, **bien qu'il existe une constitution écrite de règles constitutionnelles écrites et codifiées au sein d'un même document, il demeure des règles coutumières**. De manière générale, plus le texte est obscure et abstrait, plus il y a de règles coutumières dans les interstices du texte. Les règles coutumières sont **anciennes et parfois anodines**. 🡺 *exemple 1* : le Conseil des ministres se tient le mercredi 🡺 *exemple 2* : rien n'impose au Premier ministre de présenter la démission de son gouvernement à l'issue d'élections nationales notamment législatives. C'est donc une coutume nationale qui peut être dérogée mais traditionnellement, le Premier ministre le fera quand même. Parfois, la coutume constitutionnelle peut porter sur certains **aspects essentiels de l'organisation politique** : 🡺 *exemple* : le Président du Conseil (ancêtre du Premier ministre) a été la clef de voûte des institutions dans les régimes parlementaires qui se sont succédé entre 1850 et la IVe République. Cependant, il n'est mentionné dans aucun texte. Pourtant, aucun Président de la République n'aurait songé à s'abstenir de nommer un Président du Conseil. La coutume constitutionnelle a-t-elle une **valeur juridique** ? La coutume est-elle une **source de droit constitutionnel** ? De ces questions résulte l'opposition de **2 thèses extrêmes** : - **R.Carré de Malberg, « La Loi expression de la volonté générale »** *Le juriste ne peut pas parler de coutume « constitutionnelle » : car cette prétendue coutume constitutionnelle ne possède point juridiquement la force spéciale qui est la condition essentielle de la notion de Constitution. Nous ne saurions donc admettre la doctrine qui prétend qu'à côté de leur œuvre constitutionnelle si concise, les constituants de 1875 ont laissé subsister implicitement une Constitution coutumière, qui complète et étoffe la Constitution écrite.* 🡺 **Carré de Malberg s'oppose à reconnaître a la coutume « constitutionnelle » toute valeur constitutionnelle**. Pour lui, elle n'a aucune valeur juridique. - **R. Capitant, « *****La coutume constitutionnelle *****»** *La Coutume est le droit imprescriptible du présent à réaliser, de l'inquiétude à se renouveler, et, comme la conscience toujours mouvante et s'écoulant, tire de cette mobilité même de la permanence et l'identité de l'Être, ainsi, la coutume, au cours de l'Histoire, renoue la chaîne des constitutions brisées.* 🡺 Pour Capitant, **le droit ne se résume pas au droit écrit en vigueur à un moment t, il est le résultat de plusieurs siècles d'évolution progressive**. **La coutume constitutionnelle est le processus historique continu qui vient expliquer que la constitution écrite est telle qu'elle est**, elle donne un sens à la constitution écrite, les dispositions de la constitution écrite n'existent pas dans une sorte de vide historique, elle ne sont que la manifestation d'une coutume sous-jacente dont l'opération demeure tout au long de l'histoire. La coutume vient faire la jointure entre les différents régimes. *DONC* : NON, la coutume constitutionnelle n'a pas valeur juridique puisqu'**on ne peut pas l'évoquer devant un juge**. MAIS la coutume constitutionnelle **guide le comportement des acteurs constitutionnels**. Parfois, elle a même un impact plus important sur les acteurs constitutionnels que la constitution écrite. FINALEMENT, **pour comprendre de quelle manière les acteurs agissent, pour étudier un système juridictionnel**, la coutume est un élément essentiel. **b. Les conventions de la constitution** Les conventions de la constitution ressemblent fortement à la coutume. Ce sont une sorte de coutume mais il s'agit de **pratiques développées par les acteurs en marge du texte constitutionnel**. Néanmoins, les conventions de la constitution ont **3 traits spécifiques par rapport à la coutume constitutionnelle** : 1. La convention de la constitution procède **d'un accord, d'un consensus entre les acteurs ou forces politiques à un moment t**, alors que la coutume suppose une sorte de développement continu. 2. Cette pratique **n'a pas besoin d'être répétée pour que lui soit attachée un sentiment d'obligation**. Comme elle résulte d'un accord, elle peut devenir obligatoire au premier jour. 3. Il arrive souvent que la coutume soit ***contra legem** *: une coutume se développe souvent afin de neutraliser une disposition constitutionnelle, mais par une convention de la constitution, les acteurs décident de s'accorder pour **interpréter de manière parfois hétérodoxe une norme constitutionnelle**. AV Dicey, *Introduction à l'étude du droit de la Constitution* Les Conventions de la constitution sont les règles qui définissent la façon dont les pouvoirs discrétionnaires de la Couronne (ou des ministres en tant que serveurs de la Couronne) doivent être exercés. 🡺 En droit constitutionnel britannique, si l'on s'en tient aux règles coutumières, la Couronne conserve un certain nombre de pouvoirs que le roi se voit conféré par le droit coutumier ancestrale (la *Common law*) et que l'on appelle la **prérogative royale **; le roi peut à sa guise suspendre le parlement, le dissoudre, nommer le premier ministre, donner ou refuser son assentiment nécessaire à la promulgation d'un texte de loi... Cependant, avec l'apparition du régime parlementaire et un peu plus tard, la démocratie, les acteurs politiques se sont mis d'accord pour **restreindre considérablement le caractère discrétionnaire de ces prérogatives**. De cette façon, le roi ne peut nommer n'importe qui en tant que premier ministre, décider de dissoudre le parlement quand il le souhaite, refuser de promulguer une loi... DONC les conventions de la constitution sont les **conventions politiques qui viennent neutraliser le caractère discrétionnaire des prérogatives royales**. En France, en principe, dès lors qu'il y a une constitution écrite, il n'y a pas lieu d'y avoir de convention de la constitution : 🡺 *exemple 1* : Les 3 lois constitutionnelles qui formaient la constitution de la III^e^ République avaient mis en place un régime très favorable au Président de la République qui pouvait notamment **dissoudre la chambre des députés**. En 1877, une dissolution intervient sur fond de crise entre le président, monarchiste, et la chambre des députés, républicains. Le président démissionne 1 an et demi plus tard. Son successeur fait dès son élection lire un message affirmant **qu'il « ne s'opposerait pas à la volonté des chambres » et qu'il renoncerait au droit de dissolution**. En résulte alors la **constitution Grévy**, convention de la constitution sur laquelle les acteurs politiques se sont entendus pour supprimer ce droit. Finalement, même si la constitution n'a pas été modifiée, le président a quand même été privé de ce droit. 🡺 *exemple 2* : **Art. 8 al. 1 de la Constitution** Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. 🡺 Le Président de la République ne peut mettre fin aux fonctions du premier ministre que si celui ci présente sa démission. Cependant, **l'interprétation qui prévaut depuis 1862** dit que **lorsque le Président de la République demande à son premier ministre de démissionner, celui-ci s'exécute**. Les conventions de la constitution ne sont **pas des règles juridiques**. Cependant, une description de la constitution d'un État qui s'en tiendrait uniquement au texte constitutionnel manquerait un certain nombre de facteurs qui **expliquent le comportement des acteurs du gouvernement**. C. IDENTIFICATION DES NORMES CONSTITUTIONNELLES FRANÇAISES La France est un pays de constitution écrite. En France, la dernière constitution en date est celle du **4 octobre 1958**. Néanmoins, **celle-ci n'épuise pas le champ des normes formellement constitutionnelles**. Il y a au moins **3 autres textes qui ont une valeur constitutionnelle identiques à la Constitution elle-même** (la DDHC de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l'environnement de 2004). Ces textes ont une valeur formellement constitutionnelle car **ils sont mentionnés dans le préambule de la Constitution de 1958**. C'est une particularité française. Ainsi, on parle de **bloc de constitutionnalité**. 1\. La reconnaissance du bloc de constitutionnalité Jusque très récemment, il semblait évident que la Constitution se limitait aux articles numérotés de celle-ci. De cette façon, les textes renvoyés dans le préambule semblaient n'avoir qu'une force symbolique. Néanmoins, **suite au texte de 1958, cette conception a été amenée à évoluer**. Ainsi dans la décision du 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel fait référence au préambule de la Constitution de 1946 (lui-même référencé dans le préambule de la Constitution de 1958). Avec cette décision, le Conseil constitutionnel a dégagé un **« Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République » (PFRLR) **; celui de la liberté d'association. Le conseil constitutionnel reconnaît donc une valeur constitutionnelle au préambule de 1946. **A partir de 1971, il n'est plus possible d'ignorer la valeur juridique des textes auxquels le préambule de 1958 renvoie**. Les normes constitutionnelles en France ne se résument donc pas à la Constitution de 1958. Elles sont également présentées dans **la DDHC de 1789, dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans la Charte de l'environnement de 2004**. Ces textes + la Constitution de 1958 forment le bloc de constitutionnalité. 2\. Les composantes du bloc de constitutionnalité La première composante correspond à la **Constitution de 1958** et surtout, à son **préambule** : Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l\'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu\'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu\'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l\'environnement de 2004. 🡺 Le préambule de 1958 sert à attraire dans le champ des normes constitutionnelles la DDHC, le préambule de 1946 et la Charte de l'environnement. Par le seul fait de cette mention, ces normes acquièrent pleine et entière valeur constitutionnelle. - La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 La DDHC fait l'objet d'une référence directe dans le préambule de 1946 ainsi que celui de 1958. Elle fait partie de la première **Constitution de 1791**. Bien qu'elle ait longtemps été l'**arrière plan philosophique de l'ensemble des régimes libéraux** qui se sont succédé en France. 🡺 Depuis la décision du 27 décembre 1973, *Taxation* d'office, la DDHC de 1789 a pleine et entière valeur constitutionnelle et peut être invoquée devant le juge. - **Le préambule de 1946 rédigé à l'occasion de la Constitution du 27 octobre 1946** Le préambule vient **constitutionnaliser l'État providence** installé en France à l'issue du programme du Conseil de la Résistance. Il consacre donc des **droits économiques et sociaux**. On distingue 2 catégories de principes dans le préambule de 1946 : il énumère une certain nombre de principes, il renvoie à un certains nombre de principes. 1\. *les principes énumérés* : les **Principes Particulièrement Nécessaires à notre Temps (PPNT)** forment un nouveau catalogue de droit (droit au repos du vieux travailleurs, égalité homme/femme...) 2\. *les principes mentionnés* : le préambule de 1946 fait référence à des **Principes Fondamentaux Reconnus par les Lois de la République (PFRLF) non énumérés**, il appartient donc au juge de les dégager (cf article du 16 juillet 1971) 🡺 Pour ce faire, le juge met en œuvre une méthode d'identification des PFRLR : 1\. Il doit s'agir d'un **principe fondamental, une norme dotée d'un certain degré de généralité** et surtout doté d'une importance notable 2\. Il doit **être exprimé de manière sous-jacente dans un texte de loi antérieure à celui de 1946** (le Conseil constitutionnel recherche si une loi antérieure au 4 octobre 1946 exprime ce principe) 3\. **Cette loi elle-même doit être intervenue sous un régime républicain** 4\. Ce principe doit **avoir été maintenu vivace tout au long de l'histoire républicaine** (jamais été remis en question sous les différentes républiques) \+ en 2016, il a été ajouté qu'un tel principe doit intéresser les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou les pouvoirs publics 🡺 Le Conseil constitutionnel en a en tout reconnu 12 (indépendance des enseignants chercheurs par exemple) MAIS aujourd'hui, il préfère de plus en plus attacher le principe dégagé à une source textuelle telle que la DDHC. 18/10 - La Charte de l'environnement de 2004 incluse à la faveur d'une révision constitutionnelle de 2005 dans le préambule de 1958 La Charte de l'environnement comprend un certain nombre de droits et devoirs en matière environnementale. Ce sont donc des droits de 3^e^ génération. La Charte de l'environnement est à la fois un catalogue de **droits** et de **devoirs** (l'article 2 pose le devoir pour chacun de contribuer à la préservation de l'environnement) qui sont de **valeur normative inégale**. En effet, certains sont formulés en termes trop imprécis et trop vagues pour être véritablement contraignants. En réalité, 2 articles sont principalement appliqués par les juridictions, notamment le Conseil constitutionnel : **l'article 5**, qui consacre le **principe de précaution**, et **l'article 7**, qui créé un **droit de participation et d'information publique quand au décisions concernant l'environnement**. 3\. Les Principes à Valeur Constitutionnelle (PVC) et les Objectifs à Valeur Constitutionnelle (OVC) Il faut également évoquer toute une série de normes comprises dans le bloc de constitutionnalité et qui ne sont cependant pas déduites de dispositions textuelles précises. Ce sont les **Principes à Valeur Constitutionnelle (PVC)** et les **Objectifs à Valeur Constitutionnelle (OVC)**. Les PVC et les OVC sont 2 catégories de normes constitutionnelles dégagées par le juge constitutionnel sans qu'elles soient rattachées à un texte spécifique. Contrairement par exemple à la liberté d'expression et de communication, que l'on peut rattacher aux articles 10 et 11 de la DDHC, et contrairement aux PFRLR, des principes rattachés à des textes constitutionnels, les PVC et OVC sont un **ensemble de principes non rattachés spécifiquement à un texte mais qui sont néanmoins déduits par le juge constitutionnel d'une interprétation globale téléologique**. - Les Principes à Valeur Constitutionnelle (PVC) 🡺 *exemple 1* : Dans aucun des textes constitutionnels il n'y a de principe de sauvegarde de dignité de la personne humaine. Cependant dans sa décision bioéthique de 1994, le Conseil constitutionnel a dégagé un ce principe à valeur constitutionnelle. Il l'a dégagé à partir de l'esprit général de la constitution qui se déduit du tout début du préambule de 1946 : *Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d\'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.* Celui-ci ne proclame, en temps que tel, pas un principe normatif, mais de cette incipit, le Conseil constitutionnel va déduire une sorte d'esprit global de la constitution qui exigerait que soit protégé ce principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. 🡺 *exemple 2* : Dans l'article 2 de la constitution de 1958, on trouve la mention de la devise de la République française. Or, contrairement au principe de liberté, notamment au principe de liberté personnelle (mentionné dans l'article 2 de la DDHC) et contrairement au principe d'égalité (mentionné dans l'article 6 DDHC), le principe de fraternité lui n'est consacré par aucune norme de droit positif (la devise de la République n'étant pas en tant que telle une norme). En 2018, le Conseil constitutionnel a jugé alors qu'il se dégageait de l'esprit de la constitution, tel que manifesté dans la devise de la République, un principe de fraternité. *Différence PVC/PFRLR* : Lorsque le Conseil constitutionnel dégagé un PFRLR, il doit justifier que les étapes de la procédure ont bien été suivies. En revanche, un PVC est déduit par le Conseil constitutionnel des valeurs de la constitution, il n'y a pas de procédure spécifique. - Les Objectifs à Valeur Constitutionnelle (OVC) Contrairement aux PVC, qui ont une obligation de résultat, l'OVC entraîne une obligation des moyens. On a des OVC dégagés pas le Conseil constitutionnel, comme autant d'obligations de moyens qui pèsent sur les pouvoirs publics. Contrairement à la plupart des normes vues jusqu'à présent, ces OVC sont invoqués pour conforter qu'une loi est conforme à la constitution (et non pour invoquer qu'elle est contraire à celle-ci). Les OVC sont donc surtout utilisés pour justifier certaines atteintes portées par le législateur à des droits ou principes constitutionnels. C'est-à-dire que sans ces OVC, ces atteintes seraient anticonstitutionnelles, mais le fait qu'elles poursuivent ces objectifs suffit à dire qu'elles sont tout de même conformes à la constitution. 🡺 *exemple* : Le placement en centre de rétention des étrangers venus de l'immigration irrégulières est en réalité contraire au principe de liberté individuelle. De fait, s'il n'y avait pas d'objectif de limiter l'immigration irrégulière, ce placement serait contraire au principe de liberté individuelle, et donc anticonstitutionnel. Or, comme on a un objectif de restriction de l'immigration irrégulière, on peut atteindre à cette liberté ici.