Notion de séparation des pouvoirs PDF

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Ce document traite de la notion de séparation des pouvoirs dans différents régimes politiques, y compris les régimes parlementaires, présidentiels et semi-présidentiels. Les exemples des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France sont présentés.

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CHAPITRE 3 ---------- ### SECTION I 1. **Notion de séparation des pouvoirs** Le terme de séparation est discutable **DÉFINITION** : Répartition / division et articulation de compétences plus ou moins distinctes entre les organes ayant deux principes de base : STATUER et EMPÊCHER - Identifica...

CHAPITRE 3 ---------- ### SECTION I 1. **Notion de séparation des pouvoirs** Le terme de séparation est discutable **DÉFINITION** : Répartition / division et articulation de compétences plus ou moins distinctes entre les organes ayant deux principes de base : STATUER et EMPÊCHER - Identification de « fonctions » étatiques : légiférer (parlement), exécuter les lois (gouvernement), appliquer le droit (Tribunaux). - Doctrine politique libérale (Montesquieu, Locke, etc.) associant la démocratie à la limitation du pouvoir (contre lʼabsolutisme royal) par division / répartition de celui-ci entre plusieurs organes. **Séparation des pouvoirs souple** : régimes parlementaires -\> dépendance des organes et responsabilité politique des organes (exemple USA) - Exécutif bicéphale (moniste - Dépendance des organes, chef du gouvernement désigné par le chef de l'Etat, par une majorité parlementaire - Responsabilité politique du gouvernement devant le parlement. Chaque organe peut mettre fin à l'existence de l'autre - Révocation -- dissolution (moyens d'action réciproques) - Collaboration « fonctionnelle », le Gouvernement a coijointement avec le Parlement l'initiative des lois, les ministres siègent parfois au Parlement. **Séparation rigide** : régimes présidentiels -\> indépendance forte des organes et absence de responsabilité politique des organes (exemple GB) - Exécutif monocéphale - Indépendance des organes fondée sur l'origine démocratique des mandats (élection populaire du gouvernement et du chef de l'Etat) - Pas de responsabilité politique de l'exécutif (chef de l'Etat) devant le parlement en cours de législature = pas de mécanisme permettant à un organe de mettre fin à l'existence de l'autre. - Pas de dissolution réciproque (mais veto = possibilité d'empêcher) - Spécialisation « fonctionnelle ». L'organe législatif a seule initiative des lois et les adopte, l'organe exécutif assure l'exécution des lois. **Séparation mixte** : régimes semi-présidentiels 2. **Différentes formes que peuvent prendre le législatif et l'exécutif** **Législatif **: - Monocaméral : Parlement d'une seule chambre - Bicaméral : Parlement divisé en deux chambres **Exécutif **: - Monocéphale : Le président incarne l'intégralité du pouvoir exécutif - Bicéphale : Distinction entre le chef de l'État et le chef du Gouvernement - Moniste : Régime parlementaire dans lequel le gouvernement n\'est responsable que devant le Parlement. Le chef d\'État, qu\'il soit monarque ou président de la République, n\'a qu\'un rôle mineur, symbolique ou honorifique dans le fonctionnement des institutions (Ex : Royaume-Uni, Italie et Belgique). - Dualiste : : Régime parlementaire est dit « dualiste », lorsque le gouvernement est politiquement responsable à la fois devant le parlement et devant le chef de l\'Etat. Ce dernier, qui joue un rôle politique actif est l\'héritier des anciens monarques absolus, qu\'il soit le roi ou le président (Ex : France et Allemagne) - Collégial : le pouvoir exécutif est incarné par un collège (Ex : CF en Suisse) 3. **Exemple des États-Unis comme régime présidentiel** - Exécutif monocéphale : président élu pour 4 ans au suffrage universel indirect ( grands électeurs - Il détient l'intégralité du pouvoir exécutif (nomme les secrétaires d'État) - Parlement bicaméral égalitaire (Congrès) : Sénat (100 membres), Chambre des représentants (435 membres) - Séparation stricte des compétences : statuer - Contre-pouvoirs institutionnalisés : empêcher - Le président dispose du véto législatif et a un droit de message devant le Parlement, le vice-président préside le Sénat - Le Sénat ratifie les accords internationaux, la nomination des secrétaires d'Etat, les juges fédéraux et les fonctionnaires importants - Le congrès dispose de la procédure d'impeachment (rare et difficile à aboutir) Une image contenant capture d'écran, Logiciel multimédia, diagramme Description générée automatiquement 4. **Exemple de la Grande-Bretagne comme régime parlementaire** - Exécutif bicéphale moniste -- Le roi a perdu toutes ses prérogatives - Le premier ministre (chef de son parti), nommé par le roi si majorité à la chambre des communes (sinon coalition mais rare) - Le premier ministre nomme des ministres et désigne le cabinet - Le gouvernement partage avec le Parlement l'initiative des lois, les ministres siègent au Parlement - Le Parlement dispose de la motion de censure, qui lui est dissout s'il n'accprde pas sa confiance à un nouveau gouvernement dans les 14 jours - Fixed-Term Parliaments Act (abrogé en 2022) : le 1er minister perd le droit de dissoudre le Parlement. La chambre des communes peut prononcer son autodissolution à la majorité des deux-tiers. ![Une image contenant texte, capture d'écran, logiciel, Logiciel multimédia Description générée automatiquement](media/image2.png) 5. **Exemple de la France comme régime semi-présidentiel** - L'exécutif est bicéphale et dualiste - Chef de l'État est élu au suffrage universel, dispose de pouvoirs propres, désigne et révoque le 1^er^ ministre, a un droit de message devant le parlement, peut dissourde l'Assemblée nationale - Le gouvernement est responsable politiquement devant l'Assemblée nationale. Il a l'initiative des lois et les défend devant le parlement. Il peut disposer de la question de confiance et les ministres ne siègent pas au Parlement - L'Assemblée nationale dispose de la motion de censure contre le gouvernement - Le Gouvernement peut faire passer un projet sans débat, sauf si une motion de censure valablement déposée est adoptée. 6. **Caractéristiques du régime politique Suisse** - Le régime politique Suisse n'est ni présidentiel, ni semi-présidentiel, ni parlementaire - L'exécutif est collégial, élu par L'AF pour 4 ans. Ce n'est pas un régime d'Assemblée, car il n'est pas le simple exécutant du Parlement - N'est pas politiquement responsable devant le Parlement et durant la législature - Ne dispose pas d'un droit de dissolution durant la législature - A l'inititative des lois conjointement au Parlement et joue un rôle important dans les phases pré-parlementaires et au sein du Parlement. - Le Parlement ne dispose pas de la motion de censure et ne peut donc révoquer le Gouvernement durant la législature **... Du point de vue de la séparation des pouvoirs** - Etat fédéral : les cantons sont des organes de l'Etat - Démocratie semi-directe : le corps électoral (organe de l'Etat) dispose des droits d'initiatives et de référendum Une image contenant texte, capture d'écran, Police, Marque Description générée automatiquement 7. **Composition et attributions des organes de l'État en Suisse** Cette section se limite à analyser ces trois organes **Le Parlement : Assemblée Fédérale -\> bicamérisme égalitaire** Conseil national : - 200 membres répartis proportionnellement par rapport à la population de chaque canton - Élus selon le système de la représentation proportionnelle - Élection simultanée pour 4 ans Conseil des Etats - 46 membres, deux par cantons et un par demi-canton - Élus selon le droit du canton (suffrage universel aujourd'hui) - En général majoritaire à deux tours - Élection pour « durée de législature » fixée par le droit cantonal, élection en principe simultanée Compétences de l'AF : - Révisions de la Constitution - Législatives - En politique étrangère (approbation traités) - Financières (budget) - Électorales - De haute surveillance - A l'égard des cantons Fonctionnement de l'AF - Parlement de « milice » - 9 commissions « thématiques » - 3 commissions « de surveillance » - Parlement fort sur le papier, faible autonomie du système politique « lobbying » - Champ politique : imbrication du personnel politique et des groupes d'intérêts Actions parlementaires : - Initiative parlementaire - Motion - Postulat - Interpellation - Question - Heure des questions **Compétences du Conseil fédéral** - Gouvernementales - Législatives - Administratives - Autres compétences **Tribunal fédéral :** - Autorité judiciaire suprême de la Confédération, dont le siège est à Lausanne - 35 -- 45 juges - A Lausanne : 2 cours de droit public, 2 cours de droit civil, 1 cour de cassation pénale, A Lucerne : 2 cours de droit social - Élection pour 6 ans par l'AF - Attributions comme juridiction constitutionnelle et juridiction suprême Tribunal administratif fédéral : - 61 juges pour 6 ans par l'AF - Statue sur les recours dirigés contre les décisions de l'administration fédérale Tribunal pénal fédéral - 11 juges pour 6 ans par l'AF - Statue sur les causes pénales que la loi soumet à la compétence de la Confédération 8. **Formule magique** C'est une manière de répartir les sièges au CF qui représenterait au mieux tout l'électorat sur le plan géographique, religieux et social. Entre les principaux partis du pays Deux radicaux, deux conservateurs, deux socialistes et un agrarien. 9. **Processus législatif suisse** I. Impulsion : venant soit du CF, des députés, des cantons ou du corps électoral II. Phase pré-parlementaire : Procédures de consultations et intervention de commissions extra-parlementaires et d'experts III. Phase parlementaire : Procédure parlementaire ordinaire IV. Phase référendaire : Votation populaire 10. **Procédure parlementaire suisse** ![](media/image5.png) CHAPITRE 4 ---------- 1. **Articulation territoriale de l'État** **DEFINTION** : Modalités institutionnelles de répartition et de diffusion du pouvoir étatique sur le territoire Sous deux formes : - État unitaire : Un seul pouvoir politique s'exerce sur l'ensemble du territoire - État composé : L'État est composé de plusieurs « États » (sous-ensembles institutionnels répartis sur le territoire et reliés entre eux de manière plus ou moins étroite 2. Ce qui distingue l'État unitaire de l'État composé **Etat unitaire :** Caractéristiques : - Un pouvoir politique homogène sur l'ensemble du territoire - Un seul ordre juridique - Une seule Constitution - Une législation uniforme - Une seule organisation gouvernementale, administrative et judiciaire - Correctifs visant à répartir le pouvoir entre le Centre et les agents locaux Déconcentration administrative : Technique consistant à insérer entre le centre politique et les administrés une cascade d'agents ou d'autorités qui exerceront en son nom certaines compétences déléguées par le Centre, selon ses instructions et une certaine marge de manœuvre. Ils sont nommés par le Centre, et contrôle ex ante et ex post de leurs décisions. (exemple : les préfets en France) Décentralisation : Technique consistant à répartir le pouvoir politique entre le centre et des institutions disposant d'une certaine indépendance dans l'exercice du pouvoir délégué. Cette indépendance repose sur la Constitution et la loi, les institutions agissent en leur nom propre et le contrôle du Centre s'effectue ex post, notamment sur la légalité des actes État composé : Association d'États qui aliènent une partie de leurs prérogatives à un centre politique. De l'extérieur, l'État composé apparaît comme un État lui-même constitué de plusieurs collectivités étatiques ou quasi-étatiques. Deux types : - Confédération d'États : juxtaposition d'États indépendants qui collaborent dans un certain nombre de domaines (défense, politique économique) - État fédéral : État souverain constitué d'États fédérés disposant d'une large autonomie et d'une organisation étatique complète impliquant un partage des pouvoirs avec le niveau fédéral. Définition : Association d'États qui se soumettent à un pouvoir central unique, mais qui conservent en partie une certaine autonomie. Se traduit par une structure étatique composée de deux niveaux juridiques complets 3. **Articulation territoriale de l'État unitaire décentralisé** 4. **Distinction Confédération d'États et État fédéral** Voit tableau objectif 7 chapitre 2 5. **Principes fondamentaux du fédéralisme et leurs modalités institutionnelles de base** Une image contenant texte, capture d'écran, Police, nombre Description générée automatiquement **Principe d'autonomie :** Étendue : Constitutionnelle, législative, judiciaire, administrative, fiscale et financière **Principe de superposition :** Le fédéralisme institue une hiérarchie entre les ordres juridiques, celui de l'Etat fédéral est supérieur à celui des Etats fédérés. Aspects : - Surveillance fédérale - Exécution fédérale - TF assure un contrôle judiciaire de la conformité du droit cantonal au droit fédéral - TF traite les différends entre cantons entre eux et avec l'État fédéral. - Garantie des Constitutions cantonales : Les chambres fédérales valident la conformité des constitutions cantonales au droit supérieur interne et externe. 4 conditions : I. Constitution démocratique (pas d'exigence sur la forme de la démocratie et du régime politique II. Adoption par le peuple III. Initiative populaire constitutionnelle possible IV. Respect du droit fédéral **Répartition des compétences** : 4 catégories de compétences : - Compétences fédérales exclusives : avec effet dérogatoire immédiat (=exclut de suite la compétence cantonale) ou avec effet dérogatoire différé (=ne supprime pas d'emblée toute compétence cantonale et attend la législation fédérale ) - Compétences fédérales concurrentes : Limitées aux principes (naturalisation ordinaire, aménagement territoire) - Compétences parallèles : Ex. bourses d'études, promotion des médias, etc. - Compétences cantonales « résiduelles » : Ex. aide sociale, formation, instruction publique, système de santé. Deux systèmes différents : - Système dualiste (USA) : forte différenciation des compétences entre les deux niveaux et administrations distinctes pour assumer des compétences et des tâches distinctes - Système plus complexe (CH -- Allemagne) : Fédéralisme « coopératif ». Au plan vertical : imbrication des compétences + fédéralisme d'exécution (les tâches sont déléguées aux cantons Au plan horizontal : coopération entre cantons Principe de participation : Objectif : Assurer aux États fédérés des voies d'accès dans l'exercice du pouvoir politique au niveau de l'État fédéral. Participation au pouvoir constituant, législatif, exécutif, et sur d'autres modalités. Au pouvoir constituant : La modification de la Constitution requiert l'intervention des États fédérés USA : les 2 procédures de révision font intervenir les États DE : les modifications doivent être approuvées par la majorité des 2/3 des membres de chaque Assemblée CH : la double majorité du peuple et des cantons est requise pour les révisions constitutionnelles Au pouvoir législatif : Les États fédéraux ont un parlement bicaméral. L'une des deux chambres incarne un principe de représentation populaire, l'autre incarne un principe de représentation des États fédérés. Le bicamérisme ici est égalitaire ou inégalitaire, plusieurs aménagements sont possibles selon la désignation, la composition et les compétences. Au pouvoir exécutif : les États fédérés peuvent intervenir dans la désignation de l'exécutif CH : le CF est désigné par l'AF + prise en compte de la diversité linguistique USA : Président élu par un collège de grands électeurs où chaque Etat dispose d'autant de sièges qu'il en compte au Congrès + scrutin majoritaire à un tour CA : Les États fédérés ont des représentants au sein du gouvernement fédéral. Chaque province a un ministre au moins 6. **Perspectives d'analyse système politique et champ politique** **Critique fonctionnaliste du fédéralisme : à quoi sert le fédéralisme** Avantages : - Répond à la diversité de la nation - Rapproche les citoyens du pouvoir - Vulgarise le pouvoir - Assure l'exercice du pouvoir aux minorités - Limite le pouvoir - Permet l'expérimentation au niveau local Inconvénients : - Structure institutionnelle complexe - Blocages, lenteurs et incohérence de l'action étatique - Porte atteinte à l'égalité des citoyens sur le plan fiscal, des prestations de l'Etat et de la représentation politique Fonctions : Réponse fonctionnelle à la diversité de la nation par intégration des conflits et donc accroissement de la légitimité du système politique Dysfonctions : Points de vetos dans le processus décisionnel (blocages) et ainsi déficit d'efficacité du système politique - Avec le temps, la fonction d'intégration remplie par le fédéralisme s'estompe et le déficit d'efficacité s'accroit. **Critique instrumentaliste : à qui sert le fédéralisme** -\> Au profit de qui le système politique fonctionne-t-il ? -\> Quel impact le fédéralisme a-t-il sur la structure du pouvoir ? Le discours « officiel » : - Justifie lʼinstitution = sacralisation/idéalisation de son origine : fonction dʼintégration des conflits. La pratique « réelle » des institutions : - Les minorités ne sont pas celles que lʼon pense. - Le fédéralisme fragmente l'espace politique et a empêché l'émergence d'une force politique nationale représentant le mouvement ouvrier. Et donc fonctionne au profit des partis bourgeois. - Il dilue les responsabilités politiques et empêche l'alternance. - Place la gauche dans une position subalterne. - Le fédéralisme « masque » le conflit **Constructivisme : Usages des institutions fédéralistes** Impact des institutions fédéralistes sur les acteurs : - Règles du jeu politique comme contraintes et opportunité pour les acteurs. - Elles sont envisagées à partir des pratiques. - C'est-à-dire des usages et des représentations (ou croyances), ainsi que des intérêts poursuivis par les acteurs. - Ces usages sont compris dans leur historicité (histoire/genèse des institutions). - Pas d'essence immuable de l'institution, qui se transforme et évolue, même si le cadre juridique reste identique. - Problématique de l'institutionnalisation de l'ordre politique. Exemples : - Le bicamérisme en 1848 : un compromis naturalisé. - Fédéralisme et construction nationale - L'unification tardive de la législation sur les droits politiques en Suisse : oppositions diverses liées à des intérêts électoraux sectoriels et des représentations concurrentielles de la « citoyenneté ». - Le fédéralisme fiscal et sa congruence avec une « politique des caisses vides » (Sébastien Guex). - L' « exception vaudoise » en matière de politique d'asile. - RPT (réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches) : introduction d'une logique économique venant se substituer aux croyances ordinaires à propos du fédéralisme. « Les prises de position des agents à l'encontre du processus de construction nationale résulte de positionnements et d'attentes àl'égard des institutions étatiques : ils construisent et modifient leur appréhension de la nation à partir de [leurs pratiques], de leurs préoccupations quotidiennes, au fur et à mesure que se transforment les rapports de force et les positions dans les secteurs d'activité dans lesquels ils sont engagés. Ce sont [les intérêts matériels et symboliques] qu'ils ont par rapport à l'introduction de diplômes et d'examens nationaux dans leur profession qui forgent leur appréhension du national, mais ces préoccupations pragmatiques n'excluent pas qu'ils développent une vision plus abstraite de la situation présente et future de la Suisse, qu'ils plaident la nécessité de se regrouper ou qu'ils défendent le respect des particularités régionales ». Muriel Surdez, Pour une archéologique politique de la nationalisation des diplômes, Lausanne, Thèse, 1998, p. 22. **CHAPITRE 5** -------------- ### **SECTION 1** 1. **Notion de démocratie, sens large et sens juridique** DEFINITION LARGE : Régime politique dans lequel le peuple participe à la gestion des affaires publiques, soit directement, soit indirectement, soit indirectement par l'intermédiaire de ses représentants. DEFINITION JURIDIQUE : Une méthode (Kelsen) : ensemble de règles et d'institutions qui confèrent au peuple la qualité d'organe de l'État. 2. **Trois principes de la démocratie et leurs dimensions juridiques** Trois dimensions du corps électoral dans l'exercice des droits politiques + au principe que chacune renvoie : - Composition =\> Universalité - Attributions =\> Égalité - Fonctionnement =\> Liberté 3. **Éléments principaux de ces dimensions** **Universalité **: Composition - Niveau fédéral ou cantonal - Conditions objectives : age, sexe, nationalité - Conditions subjectives : Suffrage censitaire ou capacitaire, Poll tax (USA), Condition de « dignité, Maladie mentale ou faiblesse d'esprit **Égalité:** "one man, one vote" -- Attributions - Élections et élegibilité - Référendum - Initiative - Droit de revocation **Liberté:** Fonctionnement - Formalités - Domicile politique - Procédures - Organisation des scrutins - Tenue des scrutins 4. **Quatre attributions « potentielles » du corps électoral** **L'élection :** Instrument de la démocratie représentative par lequel le corps électoral désigne des représentants pour siéger dans un organe de l'État. La fonction élective peut aussi appartenir à un organe de l'État L'élection est organisée selon des modes de scrutins : majoritaire, proportionnel ou mixte L'élection a lieu dans un circonscription (=division légale d'un territoire) **Le Référendum :** Instrument de la démocratie semi-directe par lequel le corps électoral est appelé à se prononcer sur un acte adopté/soumis par un organe de l'État. Le résultat positif de la votation est une condition de validité de l'acte sauf s'il est consultatif Typologie selon : - Rang/nature (constitutionnel, législatif, conventionnel ou financier ) - Obligatoire ou facultatif - Décisionnel ou consultatif - Effet : suspensif ou abrogatif - Majorité requise (simple, double, qualifiée) - Quorum de participation (Italie) **L'initiative populaire :** Instrument de la démocratie semi-directe par lequel une fraction du corps électoral peut demander l'adoption, la modification ou l'abrogation d'un acte étatique L'initiative peut aussi avoir pour objet l'adoption d'un principe (Ex : révision totale de la Constitution) Typologie selon le rang de l'acte avisé (constitutionnel, législatif, conventionnel) Ce rang peut déterminer le type de majorité requise, ou le nombre de signatures) **Le droit de révocation ou Recal :** Instrument de la démocratie par lequel une fraction du corps électoral peut demander la révocation d'un organe de L'État ou de l'un de ses membres ### **SECTION 2** 1. **Notion des modes de scrutin et ses deux catégories** DEFINITION : Ensemble de règles et institutions par lesquelles les voix des électeurs sont transformées en sièges à occuper par des candidats à des mandats électifs. Deux grandes catégories : Systèmes majoritaires : les sièges sont attribués aux candidats ou à la liste de candidats ayant obtenu la majorité des suffrages des électeurs Systèmes proportionnels : les sièges sont attribués aux listes de candidats proportionnellement au nombre de suffrages obtenus par chaque liste 2. **Modes de scrutin majoritaires** Cadre territorial : l'organisation du scrutin se déroule dans des circonscriptions électorales (découpage politique : gerrymandering) Uninominal ou plurinominal : les listes peuvent être bloquées ou ouvertes. Si les listes sont ouvertes -\> panachage, latoisage, cumul Un tour : majorité relative Deux tours : majorité absolue (+ de la moitié des voix) au premier tour, relative au second si ballotage (aucun des candidats n'a réuni la majorité, donc second tour avec que les meilleurs) Exemples : Scrutin majoritaire à un tour : GB chambre des communes, USA chambre des représentants et des membres du Sénat, RFA moitié du Bundestag Scrutin uninominal à deux tours : FR élections présidentielles et élection de l'Assemblée nationale Scrutin plurinominal à un tour : USA grand électeurs Scrutin plurinominal à deux tours : CE Suisse, Conseil d'Etat dans les cantons suisses, CN Suisse 3. **Modes de scrutin proportionnels** Cadre territorial : proportionnelle intégrale ou approchée Par définition : scrutin plurinominal de listes Un tour Questions à régler : - Listes (fermées, pré-ordonnées bloquées, ouvertes) - Apparentements entre listes - Attribuer des sièges à chaque liste Nombre de sièges proportionnel au nombre de suffrages obtenus Quorum de droit ou de fait (seuil) Apparentements et sous-apparentements parfois possibles entre les listes La répartition est effectuée selon un calcul : soit au plus fort reste (de suffrages non-utilisés), soit à la plus forte moyenne (rapport entre sièges/suffrages obtenus Listes bloquées : les sièges sont attribués dans l'ordre des candidatures figurant sur la liste Listes ouvertes : Le système de la liste pré-ordonnée non bloquée ou l'électeur peut changer l'ordre et les sièges sont attribués en fonction des préférences exprimées OU l'électeur peut modifier la liste (panachage, cumul, latoisage -\> pratiqué en CH) - Déterminer les candidats élus sur chaque liste 4. **Modes de scrutin en Suisse** Conseil National : Scrutin proportionnel - Circonscription : cantons - Garantie d'un siège par canton - Les sièges sont répartis proportionnellement à la population de chaque canton - Listes : vierges ou pré-imprimées - Apparentements et sous-apparentements autorisés (lorsque des partis s'allient) - Cumul, latoisage, panachage - Système impose de distinguer les suffrages de partis et les suffrages nominatifs - Système des apparentements **\ ** 5. **Logique des modes de scrutin** ![Une image contenant texte, capture d'écran, Police, nombre Description générée automatiquement](media/image7.jpeg) 6. **Impact des modes de scrutin sur la vie politique** Une image contenant texte, capture d'écran, Police, nombre Description générée automatiquement Les « lois » Duverger analysent l'effet des systèmes électoraux sur les systèmes partisans (nombre de partis, relations entre les partis et fonctionnement du système politique) \*2017 FR : transformations profondes du champ partisan \*\* : Émergence de formations politiques de la droite radicale en Europe Cercle vicieux : les systèmes politiques sont à l'origine des systèmes électoraux. Une fois les règles posées, elles agissent sur le système des partis et donc aussi sur le fonctionnement du système politique Les scrutins majoritaires favorisent une logique de compétition dans le système politique. Soit à travers le bipartisme, soit à travers la bipolarisation Les scrutins proportionnels, parce qu'ils favorisent le multipartisme, induisent au contraire une logique consensuelle dans le système politique (nécessité, mais difficulté à mettre en place des majorités de gouvernement) Il s'agit de tendances, qui peuvent être renforcées ou au contraire inhibées e fonction d'autres facteurs (structure sociale, autres règles constitutionnelles). L'émergence et la force des partis dépend plus largement des structures sociales (théorie des clivages sociaux de Lavaux et Rokkan) « La manière dont la règle sʼimpose à chacun, dont chacun se sent obligé de sʼy conformer, dépend ainsi des attentes que sa configuration suscite (\...). Cʼest de là dʼailleurs que découle son caractère dʼextériorité : bien que les joueurs contribuent à produire les effets de la règle électorale (en anticipant sur ses résultats ou en profilant des stratégies appropriées), celle-ci se donne toujours à voir comme imposée du dehors. Elle se présente comme une source indépendante dʼarbitrage et de régulation. Dʼoù une illusion dʼoptique souvent reconduite : une telle règle passe pour dicter des modèles de conduite, alors quʼelle ne fait en toute rigueur qu'être investie par des anticipations et des calculs déterminés par la structure du système partisan lui- même. » Olivier Ihl, Yves Déloye, Lʼacte de vote, Paris, Presses de Sciencepo, 2008, 211-212. ### SECTION 3 1. **Aperçu des droits populaires en Suisse** ![Une image contenant texte, capture d'écran, Police, diagramme Description générée automatiquement](media/image9.jpeg) 2. **Conditions d'utilisation du référendum** **Référendum obligatoire** Objets à double majorité : peuple et cantons - Révision Constitution (suspensif) - Traités internationaux - Lois fédérales urgentes (abrogatif) Objets à majorité populaire : - Initiatives portant sur le principe d'une révision totale de la Constitution - Initiative populaire conçue en terme généraux rejetée par l'AF - Le principe d'une révision totale de la Constitution, en cars de désaccord entre les deux chambres **Référendum facultatif** : Ordinaire (corps électoral) : 50\'000 signatures / 100 jours Extraordinaire (organe de l'État) : Huit cantons /100 jours Vote du peuple : - Lois fédérales et arrêtés fédéraux - Lois fédérales urgentes - Traités internationaux 3. **Conditions d'utilisation de l'initiative** **Initiative populaire :** [Révision totale de la Constitution : ] - 100\'000 signatures dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de l'initiative - Cette proposition est soumise au vote du peuple [Révision partielle de la Constitution : ] - 100\'000 signatures dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de l'initiative - Peut revêtir une forme de proposition conçue en terme généraux uu celle d'un projet rédigé - Peut être déclaré totalement ou partiellement nul par l'AF si elle ne respecte pas l'unité de la matière ou les règles impératives du droit international - Si accepté : soumise au peuple et cantons - L'AF en recommande l'acceptation ou le rejet. Elle peut lui opposer un contre-projet [Contre projet : ] - Les citoyens ont le droit de vote et se prononcent simultanément sur l'initiative et le contre-projet - Ils peuvent approuver les 2 projets à la fois, et peuvent indiquer en réponse à la question subsidiaire le projet au quel ils donnent la préférence dans le cas ou les deux seraient acceptés **Prise de position politique de l'Assemblée fédérale :** [Projet formulé en termes généraux (très rare) :] - Si l'Assemblée fédérale l'approuve, elle élabore le texte et le soumet au vote du peuple et des cantons (double majorité). - Si l'Assemblée fédérale désapprouve : vote populaire préalable - Si le vote populaire est négatif =\> fin du processus. - S'il est positif, l'AF élabore les dispositions constitutionnelles + référendum obligatoire avec double majorité. [Projet rédigé : ] - Assemblée fédérale doit le soumettre au vote du peuple et des cantons avec ou sans recommandation de vote. - Elle peut opposer un contre-projet direct ou indirect. - Si contre-projet direct, système du double oui + question subsidaire 4. **Analyse politique et juridique de la démocratie semi-directe en Suisse** Une image contenant texte, capture d'écran, Police, ligne Description générée automatiquement [Initiative : (cf. travaux de Jean-Daniel Delley) ] - Canal dʼinnovation - Donc relative ouverture du système politique. - Fonction tribunicienne + légitimité démocratique. - Mais risque de surcharge du système politique (excès dʼinputs). Encadrement du droit dʼinitiative via : - Nombre de signatures. - Invalidation possible de lʼinitiative. - Délais de traitement. - Contre-projet direct ou indirect + prise de position + campagne des autorités. [Référendum : (cf. travaux de L. Neidhart) ] - Canal dʼopposition. - Renforce la légitimité démocratique des actes étatiques (Constitution + lois). - Mais risque de blocage du système politique (déficit dʼoutputs). Le référendum remplit une fonction dʼintégration des oppositions dans le processus décisionnel, via trois mécanismes institutionnels : - Procédures de consultation dans la phase pré-parlementaire. - Perméabilité de l'Etat vis-à-vis de certains groupes d'intérêts. - Composition du Conseil fédéral + formule magique. **Les droits populaires sont-ils populaires ?** - Promesse sur le papier : les droits populaires élargissent la démocratie. - En réalité : identification de logiques sociales et politiques limitant leur exercice au profit des groupes dominants (inégalités matérielles et symboliques). [Inégalités matérielles : ] - Moyens financiers des groupes dʼintérêts. [Inégalités symboliques :] - Thématiques - Rapports de force « idéologiques » - Accès aux médias - Contraintes des droits populaires sur les mobilisations minoritaires (restriction du répertoire d ʼ action; bureaucratisation, auto-censure et intégration). Les droits populaires reproduisent des rapports de pouvoir dans les échanges politiques [Les droits populaires confirment lʼexistence dʼun cens caché (Daniel Gaxie) ou dʼune stratification politique : ] - Taux dʼabstention important (1/3; 1/3; 1/3). - Le niveau de participation et de maîtrise des enjeux varie fortement en fonction de l'appartenance sociale et du niveau d'instruction. - Dépossession politique importante : lorsque les votes sont exprimés, difficultés à décliner les enjeux, à rationaliser le contenu de l'opinion émise et à la rapporter aux positions constituées dans le champ politique. - Logique de production des votes plutôt conforme aux rapports de force idéologiques dans la société (Gaxie). « Loin d'être l'expression de la volonté populaire, les institutions de la démocratie semi-directe permettent d'imputer au Peuple une volonté qui s'est constituée ailleurs... »

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