Les immunoglobulines 2024-2025 PDF

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WittyLemur9943

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Faculté de Médecine Ibn El Jazzar Sousse

2025

IB

Dr. Zeineb Ben Lamine Dr Mariem Ben Ahmed

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immunoglobulines immunologie anticorps médecine

Summary

Ce document est un cours d'immunologie sur les immunoglobulines pour l'année universitaire 2024-2025. Il couvre la définition, la structure, les caractéristiques des différentes classes d'immunoglobulines (IgG, IgM, IgA), ainsi que les propriétés fonctionnelles des fragments Fc et Fab. Il mentionne également la production des anticorps monoclonaux et leurs utilisations médicales. L'immunologie est une branche de la médecine.

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Les immunoglobulines 1 FACULTE DE MEDECINE IBN EL JAZZAR SOUSSE PCEM1 IMMUNOLOGIE Les immunoglobulines Dr. Zeineb Ben Lamine Dr Mariem Ben Ahmed Année universitaire 2024 – 2025 1 ...

Les immunoglobulines 1 FACULTE DE MEDECINE IBN EL JAZZAR SOUSSE PCEM1 IMMUNOLOGIE Les immunoglobulines Dr. Zeineb Ben Lamine Dr Mariem Ben Ahmed Année universitaire 2024 – 2025 1 Les immunoglobulines 2 Objectifs d’apprentissage : Ø Reconnaitre les immunoglobulines Ø Décrire la structure générale des immunoglobulines Ø Identifier les caractéristiques structurales des différentes classes et sous-classes des immunoglobulines Ø Discuter les spécificités fonctionnelles des différentes classes d’immunoglobulines Ø Évaluer les particularités fonctionnelles des fragments Fc et Fab Ø Distinguer les différentes propriétés antigéniques des immunoglobulines Ø Indiquer les éléments constitutifs des gènes des immunoglobulines Ø Expliquer l’origine de la diversité des immunoglobulines Ø Définir les anticorps polyclonaux et monoclonaux Ø Comprendre le principe de la production des anticorps monoclonaux Ø Citer les principales utilisations médicales des anticorps monoclonaux 2 Les immunoglobulines 3 LES IMMUNOGLOBULINES I. DEFINITION Les immunoglobulines (Ig) sont des glycoprotéines dotées d'une activité anticorps, capables de se lier spécifiquement à un épitope, déterminant antigénique unique. Effecteurs solubles de l'immunité humorale spécifique, elles sont produites par les lymphocytes B et excrétées par les plasmocytes. Chaque lymphocyte B produit des Ig d'une seule spécificité anticorps, permettant de reconnaître un seul épitope. Les Ig possèdent une dualité structurale expliquant leur dualité fonctionnelle : Parties variables : identiques et propres à chaque Ig, elles assurent l'activité anticorps. Portion constante : définit les cinq classes principales d'Ig (IgG, IgA, IgM, IgD, IgE), selon leur concentration sérique décroissante, et supporte leurs propriétés biologiques. Sous forme soluble dans le sang et les liquides extravasculaires, les Ig sécrétées exercent leur fonction d'anticorps. Ancrées à la membrane des lymphocytes B, elles forment le récepteur B (BCR), permettant la reconnaissance de l'antigène II. STRUCTURE GENERALE DES IMMUNOGLOBULINES Toutes les immunoglobulines (Ig), malgré leur diversité, partagent une structure commune basée sur le modèle de l’IgG monomère. Elles sont constituées de 4 chaînes polypeptidiques groupées en deux paires identiques : 2 chaînes lourdes (H) : spécifiques de chaque classe d’Ig (γ, α, μ, δ, ε) définissant les 5 classes principales (IgG, IgA, IgM, IgD, IgE), mesurant environ 50 kD 2 chaînes légères (L) : communes à toutes les classes, de type kappa (κ) ou lambda (λ), mesurant environ 25 kD (210 à 220 acides aminés). Dans une Ig, les deux chaînes légères sont toujours du même type. Les chaînes lourdes sont liées entre elles par des ponts disulfures, tout comme les chaînes légères avec les chaînes lourdes. Certaines classes d’Ig ont des sous-classes, comme les IgG (IgG1 à IgG4) et les IgA (IgA1 et IgA2) III. STRUCTURE FINE DES CHAINES LEGERES ET LOURDES DES IMMUNOGLOBULINES. 3 Les immunoglobulines 4 Chaque chaîne lourde ou légère comporte : Une région variable (proximale, côté N-terminal), caractéristique des Ig issues d’un même clone de LB. Une région constante (distale, côté C-terminal), relativement invariante. III.1. Chaînes légères (L) Longueur : 214 acides aminés. Région constante (CL) : acides aminés 108 à 214. Région variable (VL) : acides aminés 1 à 107, très variable entre les chaînes. III.2. Chaînes lourdes (H) Longueur : divisée en deux parties. o Région constante (CH) : environ 3/4 de la chaîne, côté C-terminal, composée de trois segments de 110 acides aminés chacun. o Région variable (VH) : environ 1/4, côté N-terminal, très variable d'une séquence à l'autre. Figure 1. Structure de base d’une immunoglobuline III.3 STRUCTURE DES REGIONS VARIABLES. 4 Les immunoglobulines 5 Dans les régions variables des chaînes lourdes (VH) et légères (VL), la variabilité n’est pas homogène. Elles contiennent 3 zones hypervariables appelées CDR (Complementarity Determining Regions) : CDR1, CDR2 et CDR3 : zones de variabilité maximale, séparées par des régions plus conservées formant la charpente: framework. Les CDR des chaînes lourdes et légères forment ensemble des boucles qui, juxtaposées, constituent le paratope, site anticorps complémentaire de l’épitope Figure 2. Structure des régions hypervariables III.4. NOTION DE DOMAINE ET DE SUPERFAMILLE DES IMMUNOGLOBULINES. 5 Les immunoglobulines 6 Les immunoglobulines (Ig) ont une structure organisée en domaines. Chaîne légère : 2 domaines – un domaine variable (VL) et un domaine constant (CL). Chaîne lourde : 4 domaines – un domaine variable (VH) et trois constants (CH1, CH2, CH3). Chaque domaine contient environ 110 acides aminés et est stabilisé par un pont disulfure intra-caténaire intra-chaîne rapprochant deux acides aminés d’environ 60 positions formant ainsi une structure de boucle. Les chaînes lourde et légère sont reliées par un pont disulfure inter-caténaire inter- chaîne entre CH1 et CL. Entre les domaines CH1 et CH2 se trouve une région charnière reliant les deux chaînes lourdes par des ponts disulfures. Cette région flexible facilite l’interaction avec les antigènes, mais est sensible aux enzymes protéolytiques. On regroupe toutes les molécules avec cette structure en domaines au sein de la superfamille des immunoglobulines, car descendant probablement toutes d’un gène ancêtre commun codant pour un domaine primitif « Ig-like ». Figure 3. Structure en domaines des Ig III.5. STRUCTURE TRIDIMENTIONNELLE 6 Les immunoglobulines 7 L'immunoglobuline (Ig) est composée de 12 domaines globulaires. Chaque domaine possède la même organisation spatiale générale : 2 feuillets B plissés formés de 7 brins antiparallèles réunis par des hélices alpha. Figure 4. Structure tridimensionnelle des Ig IV. CARACTERISTIQUES DES DIFFERENTES CLASSES D'IMMUNOGLOBULINES. IV.1. Les IgG. Les IgG représentent 70 à 75 % des Ig sériques humaines, avec une concentration moyenne de 12 g/L et un poids moléculaire de 160 kD (7 S en ultracentrifugation). Elles sont des monomères avec des chaînes lourdes γ, comprenant trois domaines constants et une région charnière. Les IgG sont les principaux anticorps circulants. Elles jouent un rôle clé dans l’opsonisation, la fixation du complément, la neutralisation des toxines bactériennes et des virus. C’est la seule classe d’Ig capable de traverser le placenta. Sous-classes d’IgG Il existe quatre sous-classes : IgG1, IgG2, IgG3, et IgG4, définies par leurs chaînes lourdes γ1, γ2, γ3, et γ4. Chaque sous-classe présente des propriétés biologiques spécifiques Les IgG4 ne fixent pas le complément, contrairement aux autres. La fixation aux récepteurs Fcγ varie selon la sous-classe. IV.2. Les IgM. Les IgM existent sous deux formes moléculaires : 7 Les immunoglobulines 8 - Pentamère sérique - Monomère à la surface du lymphocyte B IV.2.1. L’IgM sérique. Les IgM sont les plus volumineuses des Ig sériques, avec un poids moléculaire de 970 kD (19 S). Elles représentent environ 10 % des Ig sériques, avec une concentration moyenne de 1,6 g/L. Chaque molécule est composée de 5 monomères reliés par des ponts disulfures au niveau du CH3 Une chaîne J (pour "joining"), une glycoprotéine qui assure la polymérisation des 5 monomères. La chaîne lourde μ possède un domaine constant supplémentaire et comprend un domaine variable et 4 domaines constants, sans région charnière. Propriétés : Pouvoir agglutinant élevé : idéal pour regrouper les antigènes. Activation puissante du complément : confère un fort pouvoir lytique. Ces caractéristiques rendent les IgM efficaces contre la dissémination des micro-organismes par voie sanguine. Elles sont les premiers anticorps produits après une primo-immunisation et chez le nouveau-né. Figure 5. Les IgM pentamériques IV.2.2. Les IgM membranaires. 8 Les immunoglobulines 9 A la surface du lymphocyte B, l’IgM est la principale Ig membranaire, jouant le rôle de récepteur de l’antigène. Elle est présente sous forme de monomère, avec une différence structurelle à son extrémité carboxyterminale par rapport à la forme sécrétée : un segment hydrophobe supplémentaire permet son ancrage dans la membrane plasmique. La reconnaissance de l’antigène est identique pour les formes membranaire et sécrétée de l’IgM. IV.3. Les IgA. L'IgA existe sous deux formes principales chez l'humain : IV.3.1. L'IgA sérique. o Présente dans le sang, c'est la deuxième classe d'anticorps la plus abondante après les IgG (15 % des Ig totales, soit 2-3 g/L). o Forme : Monomère (poids moléculaire 160 kDa, un coefficient de sédimentation de 7S). o Sous-classes : IgA1 (majoritaire à 90 %) et IgA2. o Deux chaînes lourdes H avec trois domaines constants et deux chaînes légères L o Rôles : Défense immunitaire via la cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC), activation de la phagocytose et dégranulation des éosinophiles et basophiles. IV.3.2. L'IgA sécrétoire ou exocrine. o Principal anticorps des sécrétions (salive, larmes, muqueuses respiratoires et digestives, lait maternel). o Forme : Dimère (poids moléculaire 400 kDa, coefficient de sédimentation est de 11 S). o Synthèse : Deux monomères et une chaîne J (chaîne de jonction) produits par les plasmocytes des muqueuses Une pièce sécrétoire fabriquée par les cellules épithéliales par phénomène de transcytose et qui assure le transport de l’immunoglobuline à travers l’épithélium. o Rôles : Défense des muqueuses en neutralisant les toxines, virus et bactéries, et en empêchant leur adhésion aux cellules épithéliales. Les microbes piégés sont éliminés via le mucus. o Particularité : N'active pas le complément classique. o L'IgA sécrétoire est essentielle comme première ligne de défense des muqueuses face aux agressions extérieures. 9 Les immunoglobulines 10 Figure 6. Les IgA sécrétoires IV.4. L'IgD. L'IgD est un anticorps présent en très faible quantité dans le sérum, environ 0,03 g/L, soit 300 fois moins que l'IgG. Caractéristiques : Poids moléculaire : 184 kDa, coeficient de sédimentation de 7 S Forme : Monomère avec 2 chaînes lourdes (H) et 2 chaînes légères (L). Structure : La chaîne lourde possède 3 domaines constants et la région charnière plus longue. Rôle : Se trouve principalement à la surface des lymphocytes B, où elle est associée à des IgM monomères partageant la même région variable (VH) et la même chaîne légère. Joue un rôle clé dans l'activation et la régulation des lymphocytes B IV.5. L'IgE. 10 Les immunoglobulines 11 o La moins abondante des Ig, avec un taux sérique très faible (100 à 200 unités internationales, soit 100 000 fois moins que les IgG). o Cruciale dans les réactions d’hypersensibilité immédiate : choc anaphylactique, rhume des foins, asthme. o Participe à la défense contre les parasites (helminthes). IV.5.1. Structure et Propriétés. o Structure : Monomère avec 2 chaînes lourdes (ε) et 2 chaînes légères (L). o Domaine constant supplémentaire (CH4), pas de région charnière. o Poids : 188 kDa o Demi-vie sérique : très courte (2,5 jours), mais prolongée à plusieurs semaines ou mois lorsqu’elle est fixée aux mastocytes et basophiles. o Ne fixe pas le complément par la voie classique. IV.5.2. Récepteurs (FcεR) o FcεRI (forte affinité) : Présent sur les mastocytes, basophiles, éosinophiles et cellules de Langerhans. o FcεRII (faible affinité, CD23) : Sur les monocytes/macrophages, éosinophiles, plaquettes, lymphocytes T/B, mastocytes et basophiles. o Fonction principale o Grâce à ses récepteurs, l’IgE est au cœur des réactions allergiques et de la lutte contre les parasites 11 Les immunoglobulines 12 Figure 8. Les caractéristiques des Ig V. ONTOGENIE DES IMMUNOGLOBULINES. Le fœtus commence tôt à produire certains anticorps : les IgM apparaissent dès la 10ᵉ semaine, et de petites quantités d'IgG sont détectées dès la 12ᵉ semaine. En revanche, il ne produit pas d'IgA, IgD ou IgE. Seules les IgG de la mère traversent le placenta grâce à un transport actif. Cependant, ce transfert est limité pendant les deux premiers trimestres et augmente fortement à partir de la 20ᵉ semaine. Ainsi, les bébés prématurés sont moins protégés, surtout en cas de grande prématurité VI. RELATIONS ENTRE STRUCTURE ET ACTIVITE BIOLOGIQUE. Étant de nature protéique, les Ig peuvent faire l’objet d’un clivage par des enzymes protéolytiques. C’est l’étude des différents fragments obtenus après action de ces enzymes qui a permis d’élucider les relations entre la structure et la fonction de l’Ig. 12 Les immunoglobulines 13 VI.1. Fragments obtenus par dégradation enzymatique. VI.1.1. La papaïne La papaïne activée scinde l'IgG en trois fragments de taille voisine, en clivant la molécule au niveau de la région charnière, avant les ponts disulfures unissant les deux chaînes lourdes : - Deux fragments identiques dits Fab pour "Fragment antigen binding" - Un fragment dit Fc (fragment cristallisable) VI.1.2. La pepsine La pepsine, scinde, à pH 5, la molécule d'IgG aussi dans la région charnière, mais après les ponts disulfures unissant les chaînes lourdes. Il en résulte un seul gros fragment, appelé F(ab')2, tandis que la moitié carboxyterminale restante est clivée en plusieurs peptides dont le plus volumineux est appelé pFc. Figure 9. Dégradation enzymatique 13 Les immunoglobulines 14 VI.2. FONCTIONS DES IG. A la dualité structurale correspond une dualité fonctionnelle VI.2.1. PROPRIÉTÉS PORTÉES PAR LE FRAGMENT FAB DES IG : LE SITE ANTICORPS. Le site anticorps se trouve à l'extrémité amino-terminale des deux chaînes de l'Ig. La molécule est symétrique, avec deux sites anticorps identiques (paratopes). Ces sites sont formés par la coopération des chaînes légères et lourdes. L'ensemble des sites anticorps d'un individu constitue son répertoire B, qui lui permet de reconnaître divers déterminants antigéniques. VI.2.2. PROPRIÉTÉS PORTÉES PAR LE FRAGMENT FC. Le fragment Fc est le support de plusieurs activités biologiques très importantes qui confèrent à l'Ig ses propriétés effectrices. A la différence des chaînes lourdes, on ne connaît pas de fonctions biologiques associées au fragment CL. Ces propriétés résultent de l'existence de sites de liaison spécifiques sur les domaines constants pour différents types de molécules, solubles (complément) ou membranaires (RFc). VI.2.2.1. Catabolisme. La vitesse de catabolisme, ou la durée de vie des diverses classes d'Ig dans l'organisme est une fonction réglée par le fragment Fc. En effet cette durée de vie est approximativement la même pour le fragment Fc que pour l'Ig native, alors que le fragment Fab isolé est au contraire très rapidement catabolisé. Les IgG ont une demi-vie d'environ trois semaines. VI.2.2.2. Traversée du placenta Seules les IgG traversent le placenta dans l'espèce humaine, assurant le transfert de l'immunité humorale de la mère à l'enfant (immunité passive) : le sérum du nouveau-né renferme un taux d'IgG au moins égal à celui de sa mère. VI.2.2.3. Traversée des muqueuses. Cette propriété concerne principalement les IgA dans leur forme sécrétoire selon un mécanisme actif qui transfère le dimère d'IgA du chorion muqueux sous-jacent vers la lumière intestinale, pulmonaire, etc... Ce transport repose sur l'existence d'un récepteur spécifique qui reconnaît l'extrémité Fc des Ig polymères, qui est la pièce sécrétoire. VI.2.2.4. Fixation du complément. Seules les IgM et les IgG (sauf les IgG4) sont capables de fixer le premier composant C1q de la voie classique du complément. Encore faut-il pour déclencher l'activation que au moins deux 14 Les immunoglobulines 15 molécules d'IgG soient proches l'un de l'autre à une distance correspondant aux dimensions de la molécule C1q. Par contre, une seule IgM, par sa structure pentamérique, est capable d’activer la voie classique du complément. VI.2.2.5. Fixation aux récepteurs des fragments Fc (FcR). Ces récepteurs, exprimés variablement à la surface de différents types cellulaires, appartiennent tous, à l'exception du récepteur de faible affinité des IgE (CD23), à la superfamille des immunoglobulines. Selon le type de RFc, et en fonction de la cellule qui l’exprime, la liaison des Ig aux RFc peut entraîner : - la phagocytose après opsonisation - la cytotoxicité cellulaire anticorps dépendante (ADCC) - l’anaphylaxie : la dégranulation des mastocytes et des basophiles - la régulation de la production d’anticorps VII. L’ANTIGENICITE DES IG : LES DIFFERENTS NIVEAUX D'HETEROGENEITE DES IMMUNOGLOBULINES Les immunoglobulines (Ig) sont très hétérogènes et antigéniques, car elles possèdent différents épitopes capables de déclencher une réponse immunitaire. Cette hétérogénéité se divise en trois niveaux : VII.1. L'ISOTYPIE. Les isotypes sont des motifs antigéniques présents chez tous les individus d’une même espèce. Ils se trouvent dans les domaines constants des chaînes lourdes et légères. Ils définissent les 5 classes (IgG, IgA, IgM, IgE, IgD), les sous-classes (ex. IgG1, IgG2), et les types de chaînes légères (κ ou λ). VII.2. L'ALLOTYPIE. L'allotype est un motif antigénique qui ne s'observe, au sein d'une espèce, que chez un certain nombre d'individus donnés, et non chez tous, définissant des sous-groupes de population. Ils varient entre sous-groupes de population et se situent principalement dans les régions constantes des chaînes lourdes. Chez l’humain, les allotypes sont retrouvés dans : 15 Les immunoglobulines 16 o Les sous-classes d’IgG (Gm). o Une sous-classe d’IgA (Am). o Les chaînes légères κ (Km). Ces allotypes proviennent de gènes polymorphes et chaque individu hérite d’un allèle de chaque parent. Cependant, un lymphocyte B ne produit des Ig qu’avec un seul allèle actif. C’est le phénomène d'haploïdie fonctionnelle et est appelé exclusion allélique VII.3. L'IDIOTYPIE. Les idiotopes sont des épitopes situés dans les parties variables (VH-VL) des chaînes lourdes et légères des Ig. Ces motifs changent selon : o La spécificité antigénique des anticorps chez le même individu. o La combinaison VH-VL utilisée entre individus. L’ensemble des idiotopes d’une Ig constitue son idiotype, unique à chaque anticorps L’isotypie et l’allotypie sont des propriétés partagées par les autres protéines alors que l’idiotypie est une propriété particulière aux Ig. Figure 10. Antigénicité des Ig 16 Les immunoglobulines 17 VIII. GENES DES IMMUNOGLOBULINES. Le système immunitaire peut reconnaître un très grand nombre d’antigènes grâce à une grande diversité des anticorps. Cette diversité ne peut pas provenir d’un seul gène, comme le suggérait la biologie moléculaire classique. Elle repose sur des mécanismes de recombinaisons génétiques qui se produisent uniquement dans les lymphocytes B en différenciation. Organisation des gènes des immunoglobulines : 1. Les gènes des chaînes lourdes sont sur le chromosome 14. 2. Les gènes des chaînes légères κ sont sur le chromosome 2. 3. Les gènes des chaînes légères λ sont sur le chromosome 22. Recombinaison des segments géniques : Une région variable complète (V) se forme en combinant : o Deux fragments géniques (V et J) pour les chaînes légères. o Trois fragments géniques (V, D, et J) pour les chaînes lourdes. Chaque fragment génique existe en plusieurs exemplaires. o Les gènes V codent la région principale de la partie variable. o Les gènes J (jonction) codent pour la partie de liaison avec le domaine constant. o Les gènes D (diversité), spécifiques aux chaînes lourdes, codent quelques acides aminés situés entre les régions V et J. Pendant le développement des lymphocytes B, des fragments géniques sont choisis au hasard parmi les nombreux exemplaires disponibles (V, D, J). Ces segments sont ensuite réarrangés pour former un ARN messager qui sera traduit en chaîne d’immunoglobuline fonctionnelle. Ce processus permet une énorme variabilité des anticorps, essentielle pour reconnaître de nombreux antigènes. VIII.1. Loci des gènes des chaînes légères : - Pour les gènes des chaînes légères κ, il existe un seul gène C κ et plusieurs exemplaires de gènes Vκ et J κ sur l'ADN génomique. - Pour les gènes des chaînes légères λ, il existe 6 gènes C λ, plusieurs gènes V λ et gènes J λ. La production des chaînes légères des lymphocytes B se déroule en quatre étapes principales : 1. Recombinaison somatique : Un gène V et un gène J sont rapprochés au hasard dans l’ADN, avec excision de l’ADN entre eux. 2. Transcription : Cette nouvelle séquence V-J-intron-C est transcrite en un ARNm primaire 17 Les immunoglobulines 18 3. Épissage : L’intron est éliminé pour produire un ARNm mature. 4. Traduction : L’ARNm mature est traduit en une chaîne polypeptidique VIII.2. Loci des gènes des chaînes lourdes : L'organisation des gènes des chaînes lourdes est plus complexe que celle des chaînes légères. Voici les principales étapes : Locus IgH : Le locus des chaînes lourdes (IgH) s'étend sur 1350 kb et contient plusieurs gènes VH, plusieurs gènes JH et plusieurs gènes DH. Recombinaison : o Un gène DH se rapproche d'un gène JH, puis un gène VH se rapproche du complexe DH-JH. o Ce rapprochement forme un complexe VDJ qui est d'abord éloigné des gènes des parties constantes (CH). Transcription et épissage : o L'ARN messager primaire contient le complexe VDJ et les parties constantes. o Un épissage élimine les segments non nécessaires, produisant un ARNm final VDJC qui sera traduit en chaîne lourde. En résumé : Les chaînes lourdes nécessitent deux étapes de réarrangement génétique : d'abord D-J, puis V- DJ, avant d'être transcrites et traduites en chaîne polypeptidique. Il existe donc une étape supplémentaire pour les chaînes lourdes puisqu'il existe deux réarrangements : d'abord D-J, puis V-DJ. 18 Les immunoglobulines 19 Figure 11. Gènes des chaînes lourdes et légères des Ig Figure 12. Réarrangement des gènes de la chaîne lourde des Ig 19 Les immunoglobulines 20 VIII.3. Les mécanismes de réarrangement des gènes des Ig : Les mécanismes de réarrangement sont relativement complexes. On les retrouve de façon tout à fait comparable au niveau des chaînes constitutives du récepteur d'antigène des lymphocytes T (TCR). Le réarrangement se fait grâce à des enzymes de recombinaison (RAG-1 et RAG- 2 qui sont à la fois endonucléase et ligase) qui reconnaissent des séquences spécifiques RSS (Recombination signal sequence) en 3' des gènes V, en 5' des gènes J et flanque les 2 extrémités des segments D. Exemple : Mécanisme de réarrangement des segments VJ de la région variable des chaînes légères Étape 1 : La reconnaissance des séquences RSS (en aval du segment V et en amont du segment J) par les recombinases RAG-1 et RAG-2 Étape 2 : Le rapprochement spatial des segments V et J par association des complexes protéiques Étape 3 : Clivage de l’ADN par les enzymes de recombinaison RAG-1 et RAG-2 à la jonction entre la séquence RSS et la séquence codante dans les 2 sites (V et J) avec formation d’une structure en épingle à cheveux sur les 2 séquences codantes V et J Étape 4 : La réparation des cassures double brin de l'ADN générées par le complexe RAG est assurée par un système ubiquitaire de réparation de l'ADN appelé NHEJ (Non-Homologous EndJoining) : l'ouverture de la structure en épingle à cheveux Étape 5 : Suppression de nucléotides par une exonucléase et ajout de nucléotides par la Tdt : La Coupure de l'épingle à cheveux peut avoir lieu à différents endroit de cette épingle. A ce stade apparaît la possibilité d'ajouter par complémentarité (insertion) des nucléotides supplémentaires ou de soustraire des nucléotides (délétion) de la jonction V-J ou V-DJ. De plus, jusqu'à une quinzaine de nucléotides (N) sont ajoutés au hasard par une enzyme : la TdT (Terminal Deoxynucleotidyl Transferase). Ce phénomène induit un degré supplémentaire de diversité (diversité jonctionnelle) 20 Les immunoglobulines 21 Étape 6 : Formation du joint codant et du joint signal : Ligation des 2 séquences codantes V et J avec libération de la séquence intermédiaire sous forme d’un épisome qui sera dégradé Figure 13. Mécanisme de réarrangement des gènes des chaînes lourdes et légères des Ig VIII.4. Les mécanismes de diversité des Ig Il existe 5 mécanismes connus à l’origine de la diversité des anticorps : VIII.4.1. La Diversité germinale : Chaque gène VH, DH, JH ou VL, JL est présent sur le chromosome correspondant en de très nombreux exemplaires VIII.4.2. La diversité combinatoire La diversité combinatoire est gouvernée par le hasard du choix des segments constituant les régions variables. Les régions variables des chaînes lourdes (H) sont obtenues par l'association, dans un premier temps, d'un segment de jonction JH avec un segment de diversité DH, puis le réarrangement de cette association D-JH avec un segment variable VH, le tout aboutissant à la formation d'un segment VDJ. Les régions variables des chaînes légères sont générées par une unique étape de jonction des segments VL et JL pour former une séquence VJ 21 Les immunoglobulines 22 VIII.4.3. La diversité jonctionnelle Lors des processus de recombinaison V(D)J, la diversité jonctionnelle est le résultat des relatives imprécisions de coupure générées par le complexe RAG. La diversité jonctionnelle crée une variabilité supplémentaire dans les zones de jonction entre les segments géniques aussi par l’intermédiaire de phénomènes d’insertion ou de délétion de nucléotides, les insertions sont réalisées par l’enzyme Terminal Deoxyribonucléotidyl Transférase (TdT) après l’ouverture des structures en épingles à cheveux avant que les ligases ne rassemblent les bouts d’ADN VIII.4.4. La diversité associative résulte de l’association aléatoire entre une chaîne lourde et une chaîne légère VIII.4.5. L’hypermutation somatique Ce dernier mécanisme, intervenant lui au stade de lymphocyte B mature stimulé par son antigène spécifique, consiste en des mutations ponctuelles créées sur les segments codants pour les régions variables des chaînes lourdes et légères et qui touche préférentiellement les régions hypervariables. Ces mutations entraînent surtout une maturation d'affinité des anticorps. XI. Les Anticorps en Thérapeutique : Une Révolution Médicale Depuis plus d'un siècle, les anticorps thérapeutiques ont transformé la médecine, offrant des traitements précis et efficaces contre une large gamme de maladies. Ils représentent aujourd'hui une catégorie essentielle de biomédicaments, grâce à leur spécificité, leur tolérance accrue, et leur potentiel d'application dans des domaines variés. XI.1. Définition et Types Les anticorps thérapeutiques sont des protéines ciblant spécifiquement des antigènes, des substances exogènes ou anormales dans l'organisme. On distingue deux principales catégories: Anticorps polyclonaux : Mélanges d'anticorps produits par différents clones de lymphocytes B, reconnaissant plusieurs épitopes. Anticorps monoclonaux (AcM) : Anticorps identiques issus d'un seul clone de lymphocytes B, ciblant un seul épitope, offrant une spécificité exceptionnelle. XI.2. Évolution et Techniques de Production Les débuts remontent à la sérothérapie (années 1890), utilisant des sérums animaux. L'avènement des hybridomes en 1975, grâce à Köhler et Milstein, a révolutionné la production d'anticorps monoclonaux. 22 Les immunoglobulines 23 Hybridome : Fusion d’un lymphocyte B murin avec une cellule de myélome pour obtenir des hybridomes immortels produisant des anticorps spécifiques. Génie génétique : Production recombinante dans des cellules hôtes, permettant la création d'anticorps humanisés ou entièrement humains, mieux tolérés par le système immunitaire humain. XI.3. Mécanismes d'Action: Les anticorps monoclonaux agissent via plusieurs mécanismes, selon leur cible : 1. Anticorps neutralisants : Inhibent les cibles solubles comme les toxines bactériennes, virus ou cytokines pathogènes. 2. Anticorps antagonistes : Bloquent les récepteurs membranaires ou les molécules d'adhésion impliquées dans des processus pathologiques. 3. Anticorps cytolytiques : Induisent la destruction des cellules cibles via la cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC) ou l’activation du complément. XI.4. Applications Cliniques: Les anticorps monoclonaux sont utilisés dans divers contextes médicaux : Cancérologie - Ciblage des cellules tumorales (ex. anticorps anti-HER2 dans le cancer du sein). - Immunothérapie par anticorps inhibant les points de contrôle immunitaires (ex. anti- PD-1/PD-L1). Maladies auto-immunes: Neutralisation des cytokines pro-inflammatoires (ex. anti-TNF pour la polyarthrite rhumatoïde). Infections: Traitement de pathogènes résistants ou virulents (ex. anticorps contre le virus respiratoire syncytial). Transplantation d’organes: Prévention du rejet en bloquant les réponses immunitaires spécifiques 23 Les immunoglobulines 24 24

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