Leçon 7 & 8- Convention Collective

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Panthéon-Assas University

Patrick Morvan

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Labor Law Collective Bargaining French Law Negotiation

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This lecture provides an overview of collective labor conventions in France, focusing on the formation process, constitutional principles, and applicable national/international law. It's a deep dive into the legal framework of collective bargaining, detailing specific examples and legal arguments.

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LEÇONS NOS 7 ET 8. – LES CONVENTIONS COLLECTIVES Textes : C. trav., art. L. 2221-1 et suivants 700. - Seront décrits la formation (Chapitre 1), l’effet (Chapitre 2), l’articulation (Chapitre 3) et la remise en question (Chapitre 4) des conventions collectives. CHAPITRE 1. – LA FORMATION DES CONVEN...

LEÇONS NOS 7 ET 8. – LES CONVENTIONS COLLECTIVES Textes : C. trav., art. L. 2221-1 et suivants 700. - Seront décrits la formation (Chapitre 1), l’effet (Chapitre 2), l’articulation (Chapitre 3) et la remise en question (Chapitre 4) des conventions collectives. CHAPITRE 1. – LA FORMATION DES CONVENTIONS COLLECTIVES 701. - Droit international et européen : le droit de mener des négociations collectives. La Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) « estime, eu égard aux développements du droit du travail tant international que national et de la pratique des États contractants en la matière, que le droit de mener des négociations collectives avec l’employeur est, en principe, devenu l’un des éléments essentiels du “droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts” énoncé à l’article 11 de la Convention, étant entendu que les Etats demeurent libres d’organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial aux syndicats représentatifs » ; cependant, « cette obligation n’emporte pas celle de conclure une convention collective »156. Aussi bien la Charte sociale européenne (art. 6 § 4) que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (art. 28) proclament le droit de négocier et de conclure des accords collectifs (V. Leçon n° 1). Pour la Cour EDH, ce droit est le corollaire de la liberté d’association et de constituer des syndicats. 702. - Droit constitutionnel : principe de participation des travailleurs et liberté contractuelle. Le Conseil constitutionnel rattache la négociation collective au principe de participation des travailleurs figurant au 8e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Loin de conférer une valeur constitutionnelle au droit à la négociation collective, il concède une grande liberté au législateur : celui-ci peut aussi bien laisser aux partenaires sociaux le soin de mettre en œuvre les normes législatives relatives aux conditions de travail que les autoriser à déroger à des règles légales d’ordre public. Cette conception a été synthétisée dans une décision du 29 avril 2004 : « Si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose en son 8e alinéa que : “tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises”, l’article 34 156 CEDH, 12 nov. 2008, Demir et Byakara c/ Turquie, n° 34503/97 (pts 154 et 149). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 79 sur 135 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; ainsi c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre ; « Sur le fondement de ces dispositions il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d’application des normes qu’il édicte ; « Le législateur peut en particulier laisser les partenaires sociaux déterminer, dans le cadre qu’il a défini, l’articulation entre les différentes conventions ou accords collectifs qu’ils concluent au niveau interprofessionnel, des branches professionnelles et des entreprises ; « Toutefois, lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu’il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d’ordre public, il doit définir de façon précise l’objet et les conditions de cette dérogation »157. Une décision du 29 novembre 2019 a cependant franchi un cap. Pour la première fois, le Conseil constitutionnel juge que, « en matière de négociation collective, la liberté contractuelle découle des 6e et 8e alinéas du Préambule de 1946 et de l'article 4 de la Déclaration [des droits de l’homme et du citoyen] de 1789. Il est loisible au législateur d’y apporter des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ». Dès lors, « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général » (ici, en mettant fin de plein droit à l’application de conventions collectives de branche rattachées à une autre par décision ministérielle, dans le cadre de la « restructuration des branches »)158. 703. - Le contenu et les modalités de conclusion des conventions collectives sont brièvement définis (§ 1). La loi impose certaines négociations qui deviennent obligatoires (§ 2). Les conditions de validité des conventions collectives obéissent à des règles minutieuses (§ 3). En l’absence de délégués syndicaux et donc d’interlocuteurs, la loi autorise des négociations atypiques (§ 4). § 1. – Contenu et modalités de conclusion des conventions collectives 157 158 Cons. const., 29 avr. 2004, décis. n° 2004-494 DC. Cons. const., 29 nov. 2019, décis. n° 2019-816 QPC, §§ 10 et 26. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 80 sur 135 704. - Objet. Une convention collective a vocation à déterminer les « relations collectives entre employeurs et salariés » et, plus précisément, à traiter de « l’ensemble de leurs conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que de leurs garanties sociales », « pour toutes les catégories professionnelles » de salariés (C. trav., art. L. 22211 et L. 2221-2). Un « accord collectif » est une convention collective traitant d’un ou de plusieurs sujets déterminés. 705. - Champ d’application territorial et professionnel. Les conventions collectives définissent leur champ d’application territorial. Il peut s’agir de tout le territoire national (y compris les départements d’outre-mer) ou bien seulement d’une région, d’un département ou du lieu où se situe une entreprise ou un établissement. Une convention collective nationale (de branche) ne s’applique à l’étranger (aux salariés expatriés) que si elle le prévoit expressément. Les conventions collectives définissent leur champ d’application professionnel « en termes d’activités économiques » (C. trav., art. L. 2222-1). L’applicabilité d’une convention collective (de branche) est déterminée par « l’activité principale exercée par l’employeur » (C. trav., art. L. 2261-2), c’est-à-dire l’activité économique réelle principale de l’entreprise. L’activité désignée dans l’extrait K bis (au travers du code APE) émanant des services du greffe du tribunal de commerce, où une société a été immatriculée, n’a que la valeur d’un indice : elle peut ne pas ou ne plus correspondre à l’activité réelle principale de l’entreprise. Bien plus, selon la jurisprudence, au sein d’une entreprise exerçant plusieurs activités, une application distributive de conventions collectives différentes est admise en cas d’exercice d’une « activité nettement différenciée dans un centre d’activité autonome » (un établissement, généralement) relevant d’une convention collective distincte de celle applicable à l’activité principale de l’entreprise. En outre, au sein de toute entreprise, un accord collectif (catégoriel) peut s’appliquer à une catégorie particulière de salariés (ex. : les VRP, soumis à la convention collective des VRP), quelle que soit la convention collective applicable à l’entreprise. Enfin, un employeur peut se soumettre volontairement à une convention collective qui ne lui est pas applicable. Il le fait généralement lorsqu’il ne relève d’aucune CCN. En pratique, la dénomination de la CCN apparaît sur les bulletins de paie remis au salarié. Cette décision a la valeur d’un engagement unilatéral de l’employeur ou d’un usage qu’il peut dénoncer, sous réserver d’informer les salariés concernés et le CSE dans un délai (de prévenance) suffisant pour engager une éventuelle négociation. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 81 sur 135 706. - Négociation. Une négociation collective doit se dérouler dans des « conditions de loyauté et confiance mutuelle » et une convention collective (d’entreprise ou, sinon, de branche) peut même avoir pour objet d’en définir la méthode, à savoir le calendrier, les informations partagées (surtout par l’employeur), les moyens alloués aux représentants syndicaux ou élus, un recours éventuel à une expertise, etc. (C. trav., art. L. 2222-3-1 et L. 2222-3-2). La méconnaissance du principe de loyauté peut entraîner l’annulation de la convention collective conclue (par exemple, lorsque l’employeur a retenu par devers lui des informations cruciales pour ses interlocuteurs syndicaux). Tous les syndicats représentatifs ayant désigné un délégué syndical dans l’entreprise doivent être invités à négocier un accord collectif (d’entreprise ou d’établissement). « La nullité d'une convention ou d'un accord collectif est encourue lorsque toutes les organisations syndicales n'ont pas été convoquées à sa négociation, ou si l'existence de négociations séparées est établie, ou encore si elles n'ont pas été mises à même de discuter les termes du projet soumis à la signature en demandant, le cas échéant, la poursuite des négociations jusqu'à la procédure prévue pour celle-ci »159. Des modifications peuvent être apportées à un projet d’accord collectif après la dernière séance de discussion (ce qui laisse supposer la poursuite de discussions séparées avec certaines organisations, “dans le dos” des autres) mais il est alors prudent d’établir au préalable un procès-verbal de désaccord, de prévoir un délai avant la signature et de soumettre le projet amendé à l’ensemble des syndicats en leur permettant de demander une reprise de la négociation. En droit pénal du travail, l’employeur qui omet d’inviter tous les syndicats représentatifs ou, pire, qui engage d’emblée la négociation avec les représentants élus du personnel (le CSE) alors qu’il existe des délégués syndicaux dans l’entreprise, commet le délit d’« entrave à l’exercice du droit syndical » (C. trav., art. L. 2146-1). 707. - Durée. Une convention est conclue pour une durée indéterminée ou déterminée. Si elle ne prévoit rien, sa durée est fixée à cinq ans (C. trav., art. L. 2222-4). Elle prévoit les formes selon lesquelles et le délai au terme duquel elle pourra être renouvelée ou révisée (C. trav., art. L. 2222-5), ses conditions de suivi et des clauses de rendez-vous (C. trav., art. L. 2222-5-1). De façon exceptionnelle, la Cour de cassation a admis la caducité d’un accord collectif qui avait perdu son objet. Mais, conformément à l’article 1186 du Code civil, un contrat valablement formé ne devient caduc que « si l’un de ses éléments essentiels disparaît ». Tel n’est pas le cas si son exécution devient plus onéreuse, notamment en raison de l’abrogation d’un texte légal qui avait accordé une exonération de charges sociales sur le versement d’une prime obligatoire160. 159 Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-18080 : il n'y avait pas eu de négociations séparées et la CGT « n'établissait pas avoir été victime de manquements caractérisant une déloyauté des autres parties ». 160 Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-10953. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 82 sur 135 Les conventions de branche et les ANI instituent une commission paritaire chargée de trancher les problèmes d’interprétation (C. trav., art. L. 2232-9 et L. 2232-4), sans préjudice du pouvoir du juge en ce domaine. 708. - Notification, dépôt, publicité, entrée en vigueur. Après signature d’une convention collective, la partie la plus diligente en notifie le texte à l’ensemble des organisations syndicales représentatives (C. trav., art. L. 2231-5). La convention fait l’objet d’un dépôt auprès des services du ministère du Travail. Depuis le 28 mars 2018, les accords collectifs d’entreprise, d’établissement ou de groupe sont déposés sur la plateforme en ligne TéléAccords qui transmet ensuite à la DREETS compétente (C. trav., art. L. 2231-6, art. D. 2231-2 et s.). Les conventions collectives conclues depuis le 1er septembre 2017 sont rendues publiques et versées dans la base de données nationale des accords collectifs (accessible en ligne)161, le cas échéant après avoir été expurgées de certaines parties (C. trav., art. L. 2231-5-1). Une convention entre en vigueur à partir du jour qui suit son dépôt (C. trav., art. L. 2261-1). § 2. – Les négociations obligatoires 709. - Le Code du travail (art. L. 2241-1 et suivants) impose aux partenaires sociaux d’ouvrir des négociations, périodiquement, sur des thèmes spécifiques. On notera à cet endroit que le Code du travail adopte ici un plan en forme de triptyque qui distingue : les règles d’« ordre public » (auxquelles on ne peut déroger par convention) ; les règles qui peuvent être définies par une convention collective encadrant cette négociation obligatoire (« champ de la négociation collective ») ; les règles applicables en l’absence de convention collective (« dispositions supplétives »). 710. - Négociation obligatoire en entreprise. Au moins une fois par an, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales, l’employeur engage une négociation : - « sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise » ; - sur « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » - et sur la « qualité de vie au travail » (C. trav., art. L. 2242-1 et s.). En outre, dans les entreprises ou groupes d’au moins 300 salariés, l’employeur engage, au moins tous les trois ans, une négociation sur la GEPP (gestion des emplois et des parcours 161 https://www.legifrance.gouv.fr/initRechAccordsEntreprise.do Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 83 sur 135 professionnels, qui porte notamment sur la GPEC [gestion prévisionnelle des emplois et des compétences], la formation professionnelle et la mobilité des salariés. Cf. art. L. 2242-20). Un accord portant sur ces négociations obligatoires peut allonger cette périodicité à quatre ans. L’employeur qui s’abstient d’ouvrir une négociation sur les salaires effectifs ou sur l’égalité professionnelle encourt une pénalité administrative infligée par le DREETS, égale au maximum à 10 % des exonérations de cotisations sociales (négociation sur les salaires) ou 1 % des rémunérations (négociation sur l’égalité professionnelle). Tant que la négociation est en cours, il est interdit à l’employeur d’arrêter des décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l’urgence le justifie (C. trav., art. L. 2242-4). En revanche, au terme de la négociation, si aucun accord n’a été conclu, il établit un procès-verbal de désaccord où sont consignées les mesures qu’il entend appliquer unilatéralement (C. trav., art. L. 2242-5). L’ensemble des négociations imposées au niveau de l'entreprise peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions (C. trav., art. L. 2232-33). 711. - Négociation obligatoire de branche. Les organisations syndicales et patronales liées par une convention de branche sont tenues de négocier périodiquement sur divers thèmes (C. trav., art. L. 2241-1 et s.) tels que : les salaires, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la GPEC ou la révision des classifications. Si un accord de branche a été conclu sur ces négociations obligatoires, elles peuvent n’intervenir que tous les quatre ou cinq ans. À défaut d’accord, les négociations obligatoires de branche sont annuelle (sur les salaires), triennale (sur l’égalité professionnelle ou la GPEC) ou quinquennale (sur la révision des classifications). § 3. – Les conditions de validité des conventions collectives 712. - La loi définit les conditions de validité des conventions d’entreprise (1°), des conventions de branche (2°) et des accords nationaux interprofessionnels (3°). 1°) Conventions d’entreprise 713. - Vocabulaire. L’expression « convention d’entreprise » recouvre les conventions et (sur des sujets particuliers) les accords collectifs conclus dans une entreprise, dans un établissement mais aussi au niveau d’un groupe (C. trav., art. L. 2232-11 et L. 2232-16). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 84 sur 135 714. - Signataires : accord collectif ou accord atypique. Dès lors qu’une convention est conclue entre un représentant de l’employeur et le représentant d’un syndicat représentatif (un délégué syndical), elle constitue une convention ou un accord collectif d’entreprise (sous les conditions de majorité exposées à l’article L. 2232-12 du Code du travail ; voir ci-après). La signature d’un représentant du personnel (membre de la délégation du personnel d’un “petit” CSE) ou d’une institution représentative du personnel (“grand” CSE, doté de la personnalité morale) ne suffit pas : l’accord conclu avec les élus du personnel est dit « atypique » et a la valeur juridique d’un engagement unilatéral de l’employeur. Il en est de même d’un engagement (par exemple, de verser une prime ou une indemnité) pris par le représentant de l’employeur devant les membres du CSE qui est ensuite consigné dans le procès-verbal de la réunion. « Un accord conclu avec les représentants du personnel n'a que la valeur d'un engagement unilatéral de l'employeur et ne peut s'appliquer que s'il est plus favorable au salarié que les dispositions de la convention collective »162. Un engagement unilatéral de l’employeur (à durée indéterminée), de même qu’un usage instauré dans l’entreprise, peuvent être dénoncés par l’employeur au terme d’une procédure extrêmement simple : « la dénonciation par l'employeur, responsable de l’organisation, de la gestion et de la marche générale de l'entreprise, d’un usage ou d’un autre accord collectif ne répondant pas aux conditions de l'article L. [2232-12] du Code du travail, est opposable à l'ensemble des salariés concernés, qui ne peuvent prétendre à la poursuite du contrat de travail aux conditions antérieures, dès lors que cette décision a été précédée d'une information donnée, en plus des intéressés, aux institutions représentatives du personnel, dans un délai permettant d'éventuelles négociations »163. Un accord de groupe (ou couvrant certaines sociétés du groupe) est généralement conclu entre un représentant de l’entreprise dominante et les syndicats représentatifs dans le groupe (C. trav., art. L. 2232-21). 715. - 50 % ou 30 % + référendum. La convention d’entreprise a une caractéristique notable mais assez trompeuse : elle est majoritaire. La validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections au CSE. Si cette condition n'est pas remplie mais que l’accord a été signé par des syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des suffrages, un ou plusieurs de ces signataires disposent d'un délai d’un mois pour demander qu’on organise une consultation des salariés (un référendum) « visant à valider l'accord ». L’employeur peut prendre la même initiative 162 163 Cass. soc., 19 nov. 1997, n° 95-43945. Cass. soc., 25 févr. 1988, n° 85-40821. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 85 sur 135 (sauf si tous les syndicats représentatifs s’y opposent). Au terme d’un délai supplémentaire de huit jours et en l’absence de nouvelles signatures syndicales permettant d’atteindre le seuil de 50 % des suffrages, le référendum est organisé par l’employeur dans le délai de deux mois. Participent au référendum et au vote « les salariés des établissements couverts par l’accord » (c’est-à-dire tous ceux travaillant dans les établissements où l’accord est censé s’appliquer, même s’il est inapplicable à certaines catégories du personnel). « L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ». Faute d’approbation, il est « réputé non écrit » (C. trav., art. L. 2232-12). La validité d’un accord collectif de groupe obéit aux mêmes conditions. Les taux de 30 % et de 50 % sont alors appréciés à l'échelle de l'ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de l’accord et la consultation des salariés, le cas échéant, est également effectuée dans ce périmètre (C. trav., art. L. 2232-34). 716. - Pas si majoritaire qu’il paraît. Le texte subordonne la validité d’une convention d’entreprise à sa signature par des syndicats représentatifs ayant recueilli « plus de 50 % des suffrages exprimés » (le mot majorité veut dire « la moitié des voix plus une »164). Cependant, ce pourcentage de 50 % ne doit pas être rapporté à la totalité des suffrages exprimés lors des dernières élections mais seulement au nombre de suffrages obtenus par des syndicats devenus représentatifs. Or, il suffit, pour accéder à cette dignité, d’atteindre une audience électorale de 10 % (si les autres critères de représentativité sont remplis). Dans les faits, l’accord collectif majoritaire peut être minoritaire. Par exemple, s’il n’existe que deux syndicats reconnus représentatifs dans l’entreprise à la suite des élections et s’ils ont obtenu chacun 15 et 17 % des suffrages (aucun autre syndicat n’ayant atteint le score de 10 %), le seuil d’« au moins 50 % » place la barre assez bas : le second syndicat a bien obtenu plus de 50 % des suffrages recueillis par des syndicats représentatifs et peut signer, tout seul, un accord collectif d’entreprise. 717. - Accord collectif catégoriel. Comme on l’a vu (supra, n° 413), les syndicats catégoriels (qui ont vocation statutairement à ne représenter qu’une catégorie de salariés) affiliés à une confédération syndicale catégorielle (telle la CFE-CGC, pour les cadres) bénéficient d’un “privilège” leur permettant d’accéder plus facilement à la représentativité aux différents niveaux (entreprise, branche, national interprofessionnel). Par suite, cette représentativité leur « confère le droit de négocier toute disposition applicable à cette catégorie de salariés ». Un syndicat catégoriel ne saurait évidemment négocier pour le compte de catégories du personnel qu’il ne représente pas. 164 Cass. soc., 10 juill. 2013, n° 12-16210. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 86 sur 135 Les conditions de validité des conventions ou accords collectifs sont alors modifiées. Notamment, elles s’apprécient à l’échelle du collège électoral concerné (cf. C. trav., art. L. 2232-13, L. 2232-7 et L. 2232-2-1). La Cour de cassation affirme que, « en application du principe de spécialité, un syndicat représentatif catégoriel ne peut négocier et signer seul un accord d'entreprise intéressant l’ensemble du personnel, quand bien même son audience électorale, rapportée à l'ensemble des collèges électoraux, est supérieure à [50 %] des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections »165. En revanche, il peut apposer sa signature aux côtés de celle d’un syndicat intercatégoriel. Mais son score (le score de la CFE-CGC, par exemple) devra être recalculé tous collèges confondus pour vérifier que le seuil de 50 % est atteint. Le Conseil d’État a retenu une solution critiquable à propos d’un accord collectif portant sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). En l’espèce, le score électoral d’un syndicat CFECGC avait été additionné au score d’un syndicat intercatégoriel pour atteindre le seuil de 50 %. Le problème est que le projet de licenciement collectif concernait un seul établissement de l’entreprise qui ne comportait aucun cadre (seuls des postes de non-cadres y étaient supprimés) ! 166 Le Conseil d’État estime implicitement que l’article L. 1233-24-1 est un texte autonome (dérogatoire à l’art. L. 2232-13), qui n’opère aucune distinction entre accord catégoriel et accord intercatégoriel, et qui régit d’ailleurs un accord intercatégoriel par nature (l’accord collectif sur le PSE). 2°) Conventions de branche 718. - La validité d'une convention de branche est subordonnée (C. trav., art. L. 2232-6) : - à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections professionnelles (celles ayant servi à mesurer l’audience des syndicats afin de déterminer s’ils sont représentatifs à ce niveau167) au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau - et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives à ces mêmes élections. L’opposition est exprimée dans 165 Cass. soc., 2 juill. 2014, n° 13-14622. CE, 5 mai 2017, n° 389620, Sté DIM : la condition de majorité « doit s'apprécier en additionnant l'audience électorale des syndicats signataires qui sont représentatifs au niveau de l'entreprise, sans considération des catégories de salariés que leurs statuts leur donnent vocation à représenter » ; il importe peu que le PSE ne concerne que des établissements et des catégories professionnelles que le syndicat signataire représentatif n’a pas statutairement vocation à représenter (en l’espèce, l’accord avait été signé par la CFTC, qui avait obtenu 17 % des suffrages, et la CFE-CGC qui en avait obtenu 36 % tous collèges confondus). 167 V. supra, n° 415. 166 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 87 sur 135 un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la convention ; dans cette éventualité, les stipulations de la convention sont réputées non écrites. À nouveau, les pourcentages de 30 % (majorité d’engagement) et 50 % (majorité d’opposition) doivent être rapportés seulement aux suffrages recueillis par des syndicats devenus représentatifs. Pour le devenir, au niveau d’une branche, une audience électorale de 8 % suffit (si les autres critères de représentativité sont remplis). 3°) Accords interprofessionnels 719. - Vocabulaire. Les conventions conclues au niveau national et interprofessionnel ne traitent que de sujets particuliers : ce sont donc uniquement des accords nationaux interprofessionnels (ANI). On parle parfois ici de “négociation légiférante” ou de “loi négociée” dans la mesure où le législateur a souvent retranscrit dans la loi le contenu d’ANI conclus antérieurement. Au demeurant, l’article L. 1 du Code du travail (issu de la loi du 31 janvier 2007) a conféré à cette chronologie un caractère obligatoire pour le gouvernement (voir Relations individuelles de travail, Leçon n° 1). 720. - Conditions de validité. La validité d’un ANI est subordonnée (C. trav., art. L. 22322) : - à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections professionnelles (celles ayant servi à mesurer l’audience des syndicats afin de déterminer s’ils sont représentatifs à ce niveau168), « au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau », - « et à l’absence d’opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections ». L'opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l’ANI. À nouveau, les pourcentages de 30 % (majorité d’engagement) et 50 % (majorité d’opposition) doivent être rapportés seulement aux suffrages recueillis par des syndicats devenus représentatifs. Pour le devenir, au niveau national et interprofessionnel, une audience électorale de 8 % suffit (si les autres critères de représentativité sont remplis). En pratique, la CFDT, qui dispose d’un poids relatif de 30,99 % (V. supra, n° 418), peut conclure seule un accord national interprofessionnel. 168 V. supra, n° 417. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 88 sur 135 § 4. – La négociation substitutive 721. - Absence de monopole des syndicats. Selon le Conseil constitutionnel, si la détermination des modalités concrètes de mise en œuvre du principe de participation, de valeur constitutionnelle, doit faire « l’objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives, elle n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer que dans tous les cas cette détermination soit subordonnée à la conclusion d'accords collectifs »169. Si les 6e et 8e alinéas du Préambule de 1946 « confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles ne leur attribuent pas pour autant un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective »170. 722. - Quatre formules alternatives. En l’absence de délégué syndical dans l’entreprise ou l’établissement, un accord d’entreprise ou d’établissement peut être négocié, conclu ou révisé avec un élu mandaté, un élu non mandaté, un salarié (non élu) mandaté ou via un référendum d’entreprise. Le tableau suivant récapitule les conditions de ces dispositifs alternatifs (hélas, très hétéroclites, ce qui rend les textes assez illisibles). Négociateur Effectifs de l’entreprise 169 170 Élu mandaté (membre de la « délégation du personnel du CSE »)  11 à 49 salariés (L. 2232-23-1, I, 1°)  ≥ 50 salariés (L. 2232-24) Élu non mandaté (membre de la « délégation du personnel du CSE ») 11 à 49 salariés (L. 2232-23-1, I, 2°)  ≥ 50 salariés (L. 2232-25) Salarié mandaté (non élu)  11 à 49 salariés (L. 2232-23-1, I, 1°)  ≥ 50 salariés (L. 2232-26) Via un référendum d’entreprise < 11 salariés ou ≤ 20 salariés en l’absence d’élu au CSE (L. 2232-21 à -23) Cons. const., 16 déc. 1993, décis. n° 93-328 DC. Cons. const., 21 mars 2018, décis. n° 2018-761 DC. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 89 sur 135 Objet de l’ accord Condition de « validité » des accords ou avenants de révision Informations préalables Toutes les mesures qui peuvent être négociées par accord  aucune précision  Tout accord collectif de travail  « Toutes les mesures qui peuvent être négociées par accord sur le fondement du » du Code du travail.  Mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif (sauf accord de méthode dans un grand licenciement éco.)  Signature par « des membres de la délégation du personnel du CSE » représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections (L. 2232-23-1, II)  Référendum dans des conditions fixées par décret  « Toutes les mesures qui peuvent être négociées par accord sur le fondement » du Code du travail  Toutes les mesures qui peuvent être négociées par accord + Référendum dans des conditions fixées par décret  Signature par « des membres de la délégation du personnel du CSE » représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections  ● L’employeur informe les OSR* dans la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel de sa décision d’engager des négociations. ● L’employeur fait connaître par tout moyen son intention de négocier aux membres de la « délégation du personnel au CSE ». ● Les élus font savoir dans le mois s’ils veulent négocier et indiquent s’ils sont mandatés. ● À l’issue de ce délai, la négociation s’engage avec : les élus mandatés ou, à défaut, des élus non mandatés (L. 2232-25-1)  ● L’employeur informe les OSR* dans la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel de sa décision d’engager des négociations. ● Lorsqu’aucun membre de la délégation du personnel au CSE n’a manifesté son souhait de négocier, l’accord peut être négocié avec un salarié (non élu) mandaté. ● De plein droit si l’absence d’élus est établie par procès-verbal de carence. (L. 2232-26) « Ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective prévus » par le Code du travail ● Ratification du projet d’accord de l’employeur par la majorité des « 2/3 du personnel » selon des modalités fixées par décret (L.2232-22). ● Dénonciation par les 2/3 du personnel, un mois avant la date anniversaire (L.2232-22). ● Les modalités de révision et de dénonciation sont applicables aux accords collectifs « quelles qu’aient été les modalités de leur conclusion », lorsque l’effectif diminue sous les seuils précités (C. trav., art. L. 2232-22-1). • Le projet d’accord est communiqué à chaque salarié. • La ratification du projet a lieu à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de cette communication (délai d’examen). *OSR = organisations syndicales représentatives Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 90 sur 135 CHAPITRE 2. – L’EFFET DES CONVENTIONS COLLECTIVES 723. - Effet « réglementaire ». On a coutume de dire que la convention collective est une norme contractuelle dans sa formation et réglementaire dans ses effets. Ce caractère quasi réglementaire résulte de son application immédiate, automatique et impérative. Dès leur entrée en vigueur, les stipulations d’une convention ou d’un accord collectif s’appliquent immédiatement et automatiquement à tous les contrats de travail en cours d’exécution compris dans leur champ d’application ainsi qu’aux contrats conclus après leur entrée en vigueur. Par exemple, si une nouvelle convention collective nationale institue une contrepartie pécuniaire en cas de clause de non-concurrence, plus importante que celle prévue par un contrat de travail en cours, la contrepartie financière due au salarié sera celle prévue par la convention collective. Mais l’application d’une convention collective n’est pas rétroactive. Elle ne s’applique aux contrats de travail que pour la période postérieure à son entrée en vigueur. L’application d’une convention collective est également impérative, en ce sens qu’il n’est pas permis d’y renoncer : « un salarié ne peut valablement renoncer, tant que son contrat de travail s’exécute, aux droits qui résultent d’une convention collective »171. 724. - Intangibilité contractuelle et absence d’incorporation dans le contrat. L’effet « réglementaire » des conventions collectives se heurte toutefois à un obstacle de taille : le socle contractuel. Une convention collective ne s’incorpore jamais au contrat de travail et ne peut en imposer la modification, sans l’accord du salarié. En cas de contradiction entre une convention collective et un contrat de travail, ce dernier l’emporte. Si les deux normes sont en concours ou en conflit, le salarié peut cependant réclamer l’application de la norme la plus favorable, conformément au principe de faveur (voir infra, n° 807). Une brèche législative a toutefois été creusée dans le dogme de l’intangibilité contractuelle : un accord de performance collective s’impose aux salariés qui peuvent, certes, en refuser l’application mais qui paieront le prix de cette résistance par un licenciement automatiquement justifié. 171 Cass. soc., 18 oct. 2006, n° 04-44602. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 91 sur 135 LES « ACCORDS DE PERFORMANCE COLLECTIVE » (APC) Les accords de performance collective sont nés sur les ruines des « accords de maintien de l’emploi » (C. trav., art. L. 5125-1 à L. 5125-7 anciens, issus de la L. 14 juin 2013 qui avait elle-même repris la substance de l’ANI du 11 janvier 2013) et des « accords de préservation ou de développement de l’emploi (APDE, parfois qualifiés d’« accords offensifs ») (C. trav., art. L. 2254-2 à L. 2254-6 anciens, nés de la loi du 8 août 2016). Les APC sont régis par l’article L. 2254-2 du Code du travail. Motifs et contrôle judiciaire. Un accord de performance collective peut être conclu « afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l'emploi ». Il n’est donc pas requis que l’entreprise connaisse des difficultés économiques. « L'accord définit dans son préambule ses objectifs ». Cette condition n’est pas prescrite à peine de nullité. Mais, selon le Conseil constitutionnel, « il appartient aux partenaires sociaux de déterminer, lors de la négociation de l’accord, les motifs liés au fonctionnement de l’entreprise justifiant d’y recourir et, à ce titre, de s'assurer de leur légitimité et de leur nécessité » ; « le cas échéant, la pertinence des motifs ayant justifié l'accord peut être contestée devant le juge »172. Représentants du personnel. La négociation ou la conclusion d’un APC ne donne pas lieu, en elle-même, à consultation du comité social et économique. Celle-ci est d’ailleurs exclue d’une manière générale sur un projet d’accord collectif (C. trav., art. L. 2312-14). En revanche, le comité peut « mandater un expert-comptable afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations » (C. trav., art. L. 231592, II). Le CSE prend en charge 20 % des frais de l’expertise. Par la suite, il est évident que la mise en œuvre d’un APC entrera dans le champ de la consultation « récurrente » (annuelle voire triennale) du CSE sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2312-26). Périmètre. Le périmètre retenu est l’entreprise et non le groupe ni l’UES (qui n’ont pas la qualité d’employeur). Mais, en réalité, « l’ensemble des négociations prévues par le [Code du travail] au niveau de l'entreprise peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions » (C. trav., art. L. 2232-33). Un APC peut ne s’appliquer qu’à un établissement voire à une partie seulement des salariés. À ce titre, une différence de traitement (entre diverses catégories de salariés) dans un accord collectif peut être validée par la présomption de justification dégagée par la Cour de cassation. Modes de conclusion. Si la loi se borne à exiger la conclusion d’un « accord », il semble que l’APC ne puisse être conclu, dans une entreprise dépourvue de délégués syndicaux, 172 Cons. const., 21 mars 2018, décis. n° 2018-761 DC, § 27. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 92 sur 135 selon une modalité alternative (avec un ou plusieurs élus mandatés, avec des élus non mandatés ou avec des salariés non élus mandatés) suivie d’une validation par référendum. Le Conseil constitutionnel a, en effet, donné une lecture restrictive du terme « accord » qui ne désignerait qu’un accord collectif majoritaire173. La mission de l’expert légal, qui n’assiste que les « organisations syndicales », appuie cette interprétation. Mais pourquoi distinguer là où la loi ne distingue pas ? L’accord devrait pouvoir être approuvé par référendum. Le Conseil d’État l’avait précédemment admis174. A priori, le temps passé aux négociations s’impute sur les heures de délégation dont disposent les représentants élus ou syndicaux. Les APC sont dispensés de publication dans la base de données nationale des accords collectifs (C. trav., art. L. 2231-5-1). Durée. L’accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. À défaut de stipulation d’une convention ou d’un accord collectif sur sa durée, « celle-ci est fixée à cinq ans » (C. trav., art. L. 2222-4). Objet. L’APC peut « aménager la durée du travail, ses modalités d'organisation et de répartition ». Les dispositions des articles L. 3121-41, L. 3121-42, L. 3121-44 et L. 3121-47 s'appliquent si l'accord met en place ou « modifie » (révise ?) un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine (accord de modulation). L’article L. 3121-43 ne s’applique pas, de façon logique : selon ce texte, la mise en place d’un tel accord de modulation « ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet », qui doivent donc s’y soumettre sous peine de licenciement pour motif disciplinaire. Un salarié peut refuser la modification de son contrat résultant d’un APC mais son licenciement reposera alors sur un motif sui generis (v. ci-après). Entre ces deux cadres législatifs distincts, les partenaires sociaux doivent bien préciser celui qu’ils adoptent. Les articles L. 3121-53 à L. 3121-66 s'appliquent si l'APC met en place ou modifie un dispositif de forfait annuel en heures ou en jours, à l'exception de l'article L. 3121-55 et l'article L. 3121-64, I, 5° (= obligation d’obtenir l’accord du salarié sur la convention individuelle de forfait) en cas de simple modification. De plus, lorsque l’APC modifie un dispositif de forfait annuel, l’acceptation de l’application de l’APC par le salarié entraîne de plein droit l'application de ses stipulations relatives au forfait annuel. On en déduit a contrario que le consentement du salarié est toujours requis, en l’absence d’un accord collectif préexistant sur les forfaits annuels (que l’APC met donc en place pour la première fois), sur la conclusion d’une convention individuelle de forfait : son refus ne pourra justifier un quelconque licenciement. 173 Cons. const., 21 mars 2018, décis. n° 2018-761 DC, § 27 : « en vertu de l'article L. 2232-12 du code du travail, l’accord, pour être adopté, doit soit être signé par des organisations syndicales représentatives majoritaires, soit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés s'il n'a été signé que par des organisations syndicales représentatives minoritaires ayant recueilli plus de 30 % des voix au premier tour des dernières élections des membres titulaires du comité social et économique ». 174 CE, 7 déc. 2017, n° 408379 et n° 408450, point 7 (rejetant une QPC contre les anciens APDE). Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 93 sur 135 L’APC peut aussi, par exemple, modifier le contingent d’heures supplémentaires ou le taux de leur majoration. L’accord peut aménager la rémunération (la diminuer, en particulier) dans le respect des salaires minima hiérarchiques (mentionnés à l’article L. 2253-1, I, 1°). Il doit aussi respecter le droit au SMIC (C. trav., art. L. 3231-2). L’accord peut déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise. Clauses interdites. Comme tout accord collectif d’entreprise, l’APC ne peut déroger aux clauses des conventions de branche et des accords interprofessionnels relevant du « noyau dur » défini à l’article L. 2253-1 du Code du travail (salaires minima hiérarchiques, garanties de prévoyance, etc.). Il ne peut davantage déroger aux règles légales d’ordre public absolu sur le temps de travail (durées maximales de travail et durées minimales de repos, jour férié du 1 er mai, droit aux congés payés, etc.). Pour le reste, à condition de ne traiter que de la rémunération, de la durée du travail ou de la mobilité des salariés (et pas d’autres sujets !), l’accord peut déroger à l’ensemble des règles légales et des accords collectifs préexistants. Certaines clauses sont également encadrées par la jurisprudence (par exemple, les clauses de mobilité). Surtout, un APC ne saurait déborder du champ délimité par l’article L. 2254-2 : il peut seulement aménager la durée du travail ou la rémunération et déterminer les conditions de la mobilité. Or, certaines entreprises ont utilisé l’APC afin de « raboter » littéralement les conventions collectives de branche, c’est-à-dire pour supprimer toutes sortes d’avantages découlant de la convention de branche applicable (suppression de jours de congés supplémentaires, par exemple). Ce faisant, les partenaires sociaux ont pris le risque de voir ces accords annulés. Clauses facultatives. L’employeur est libre de souscrire ou non, en contrepartie des sacrifices consentis par les syndicats signataires, un engagement de maintien des emplois pendant la durée de validité de l’accord. De même, l’accord peut prévoir une clause pénale sanctionnant l’employeur qui n’a pas respecté ses engagements, notamment ceux de maintenir l’emploi. Elle donnera lieu au versement de dommages et intérêts au profit des salariés lésés, pour un montant et selon les modalités prévus dans l’accord (vraisemblablement, le même montant pour tous les salariés). Mais, conformément à l’article 1231-5 du Code civil, « le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ». Ce pouvoir modérateur s’exerce également sur une clause pénale stipulée dans un accord collectif175, bien que la nature d’une convention collective soit moins contractuelle que réglementaire. 175 Voir, dans un accord dit de compétitivité-emploi ou « donnant-donnant » (accord de droit commun, sans fondement législatif particulier) : Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-26.975, Sté Whirlpool : s’analyse en une clause Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 94 sur 135 Il est surtout essentiel que l’accord organise un suivi de sa mise en œuvre avec les syndicats signataires et le comité social et économique. Les salariés devraient également en être informés. Il est douteux, en revanche, qu’ils puissent solliciter à titre individuel l’exécution forcée des engagements souscrits par l’employeur (de garantie d’emploi ou de maintien de la production, par exemple) ou la résolution judiciaire pour inexécution de l’APC. L’accord peut aussi prévoir des causes de suspension de son application, par exemple en cas d’amélioration ou, à l’inverse, d’aggravation de la situation économique de l’entreprise. Les incidences de cette suspension conventionnelle sur les contrats des salariés et sur les engagements pris par l’employeur doivent être anticipées. L’accord peut aussi prévoir les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord. Cette clause de retour à meilleure fortune est facultative mais elle paraît, en pratique, indispensable à l’équilibre de l’accord. Information et accompagnement des salariés. L’accord peut préciser les « modalités d'information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée, ainsi que, le cas échéant, l'examen de la situation des salariés au terme de l'accord ». Il peut aussi préciser « les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés », « les modalités d'accompagnement des salariés ainsi que l'abondement du compte personnel de formation » au-delà du montant réglementaire minimal (100 heures). Efforts solidaires des dirigeants et actionnaires. L’accord peut préciser « les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés pendant toute sa durée : – les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ; – les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance ». Est-ce à dire que l’accord peut être annulé si un juge considère que les sacrifices consentis par les intéressés (sous la forme, par exemple, d’une baisse des rémunérations des dirigeants ou d’une renonciation au paiement de dividendes) paraissent modestes ? Modification des contrats de travail : irréversible ? « Les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y pénale la clause prévoyant qu’en cas de non-respect par la société de son engagement de maintenir pendant cinq ans un certain niveau de production sur le site, « celle-ci s’obligeait à indemniser chaque salarié du montant total des efforts concédés entre la date de mise en application et la date de rupture de l’engagement ». La cour d’appel avait ainsi pu juger la pénalité « manifestement excessive » (14 jours de RTT pour chaque année) et la réduire (à 1000 € par salarié), tout en rejetant la demande de remise en l’état (retour à la situation antérieure à l’accord). La Cour de cassation refuse de remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond sur le préjudice et le caractère excessif. Les salariés sont perdants sur toute la ligne. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 95 sur 135 compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise ». La loi n’affirme pas (comme cela était le cas pour les accords de mobilité interne) que les clauses des contrats de travail incompatibles avec les stipulations de l’APC sont « suspendues ». Ces dernières « se substituent de plein droit » aux premières. Le mécanisme de la substitution signifie littéralement que cette modification est définitive, et non temporaire ni réversible à la fin de l’accord. Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions, « en ce qu'elles autoriseraient la modification irrévocable du contrat de travail », ne méconnaissent pas la liberté contractuelle ni le droit d’obtenir un emploi176. Toutefois, une doctrine majoritaire soutient que la modification des contrats de travail n’est que temporaire et que ceux-ci sont rétablis dans leur version d’origine à l’instant même où l’APC prend fin (par dénonciation, mise en cause ou échéance d’un accord à durée déterminée). Ce retour en arrière a une certaine logique (c’est un retour à la normale après des années d’efforts fructueux… ou pas) mais il engendrera des difficultés pratiques insondables. 1) D’abord, plusieurs clauses (sur le temps de travail, le lieu de travail, le changement de fonctions, de qualification, la rémunération, etc.) ne pourront pas être réactivées ou ne pourront l’être qu’avec la signature d’un avenant individuel. Faudra-t-il à nouveau que l’employeur propose aux salariés une modification de leur contrat de travail et envisage leur licenciement économique s’ils refusent ? Ce serait une folie. 2) Ensuite, les salariés embauchés après l’entrée en vigueur de l’APC, dont les contrats de travail ont été alignés d’emblée sur l’accord, subiront une rupture d’égalité par rapport aux salariés antérieurs si leur contrat retrouve son état originel (une rémunération plus élevée, par exemple). Les contrats des nouveaux embauchés, qui échappent au mécanisme de substitution, devraient alors être soigneusement rédigés, en privilégiant les « clauses informatives » (renvoyant à l’APC) sur les « clauses contractualisantes » (de nature à bloquer un retour en arrière pour ces nouveaux embauchés, par exemple sur la durée du travail). Mais la solution la plus simple et la plus opportune est d’exclure tout retour en arrière qui, au demeurant, n’a aucune logique pour les salariés embauchés postérieurement à l’entrée en vigueur de l’APC : ce serait un retour vers un statut qu’ils n’ont jamais connu ! Il y a donc lieu de considérer ici, à titre exceptionnel, que l’accord collectif s’incorpore dans les contrats de travail et en modifie le noyau même, de façon irréversible. Les partenaires sociaux devraient cependant avoir la faculté de décider que certaines clauses sont réversibles à une échéance donnée, notamment quand l’APC est à durée déterminée, quitte à prévoir des mesures d’accompagnement (par exemple, en cas de nouvelle mobilité). Acceptation ou refus du salarié. « Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord ». Il dispose alors « d'un délai d'un mois pour faire connaître son refus par écrit à l'employeur à compter de la date à laquelle ce dernier a informé les salariés, par tout moyen conférant 176 Cons. const., 21 mars 2018, décis. n° 2018-761 DC, §§ 25 et 27. Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 96 sur 135 date certaine et précise, de l'existence et du contenu de l'accord, ainsi que du droit de chacun d'eux d'accepter ou de refuser l'application à son contrat de travail de cet accord ». Le législateur n’a pas dit clairement que le silence du salarié valait acceptation de l’APC mais la règle est sous-entendue et conditionne d’ailleurs l’efficacité du dispositif. En tout état de cause, il est prudent d’établir une preuve écrite du consentement (sous la forme d’un coupon-réponse à renvoyer, par exemple, même si cela ne règle pas le cas d’une absence de réponse). Si le salarié fait connaître son refus avant l’expiration du délai d’un mois, l’employeur peut le prendre en considération sans plus attendre, comme l’indique la suite du texte. Licenciement du salarié récalcitrant. « L'employeur dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse » (c’est-à-dire un motif sui generis de licenciement). Le licenciement n’est soumis qu’aux règles formelles relatives au licenciement pour motif personnel (entretien préalable, notification, préavis et indemnité de licenciement, reçu pour solde de tout compte). L’employeur n’est donc pas tenu aux obligations d’adaptation et de reclassement interne prévues à l’article L. 1233-4 du Code du travail. La règle est claire : le salarié récalcitrant à la norme collective est de plein droit licenciable (dans le délai de deux mois). Selon le Conseil constitutionnel, elle ne porte pas atteinte au droit à l’emploi177. Les salariés protégés n’échappent pas à cette règle implacable, à deux réserves près. Leur acceptation de l’APC devra être expresse et leur licenciement éventuel autorisé par l’autorité administrative qui s’assurera de la validité de l’accord et de l’absence de discrimination syndicale178. Le salarié bénéficiera évidemment du régime d’assurance chômage. Si l’APC ne prévoit rien à cet égard, il bénéficie aussi d'un abondement de son compte personnel de formation (CPF) d’un montant minimal de 3 000 euros, versés par l'employeur à la Caisse des dépôts et consignations (C. trav., art. R. 6323-3-2). « Dans l'hypothèse où seuls certains des salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail seraient licenciés », le juge peut exiger de l'employeur, sans que celui-ci soit tenu de justifier d'un ordre des licenciements, « de fournir les éléments nécessaires pour contrôler le caractère objectif des raisons l’ayant conduit à procéder au licenciement contesté » et pour vérifier qu'il n'est pas discriminatoire179. Les salariés en CDD paraissent à l’abri de ces turbulences puisque la rupture de leur contrat de travail ne s’analyse pas en un licenciement et, en l’occurrence, est exclue s’ils refusent l’application de l’accord de performance collective. De même, le temps de travail des salariés à temps partiel ne peut être réduit en dessous du seuil plancher de vingt-quatre heures (C. trav., art. L. 3123-27) et, en outre, leur contrat comporte des clauses 177 Cons. const., 20 oct. 2017, décis. n° 2017-665 QPC, points 6 à 13 (à propos des anciens APDE). Min. Trav., décis. DGT n° 2018-1117457, bureau du statut protecteur, 13 juin 2019. 179 CE, 7 déc. 2017, n° 408379 (à propos des anciens APDE), point 15. 178 Relations collectives de travail - Cours de M. le professeur Patrick Morvan © - À jour au 27 janvier 2023 Page 97 sur 135 obligatoires. Ces distinctions, selon que les salariés sont en CDI ou en CDD et à temps complet ou à temps partiel, heurtent le principe d’égalité de traitement mais elles résultent de la loi. Embauches durant la période de l’APC. Les salariés recrutés durant la période d’application de l’accord de performance collective sont soumis d’emblée à ses dispositions, comme à tout accord collectif en vigueur. Si des salariés sont transférés dans l’entreprise durant cette même période par l’effet de l’article L. 1224-1 du Code du travail, l’employeur devrait pouvoir leur notifier qu’ils disposent d’un délai d’un mois pour l’accepter ou le refuser, sous peine de s’exposer à un licenciement pour motif sui generis. 725. - Employeurs liés par une convent

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