Le renforcement du contrôle des conditions d’accès à la protection de la propriété industrielle PDF
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This document analyzes the reinforcement of controls for access to protection of industrial property in Tunisia. It discusses the administrative and judicial controls of patent applications, the limited scope of administrative control, and the measures to strengthen and ensure patent protection.
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Le renforcement du contrôle des conditions d’accès à la protection de la propriété industrielle : À des conditions sévères doit nécessairement correspondre un contrôle renforcé. Sinon, quel intérêt pourraient avoir les conditions d’accès à la protection si elles ne sont pas convenablement appliquée...
Le renforcement du contrôle des conditions d’accès à la protection de la propriété industrielle : À des conditions sévères doit nécessairement correspondre un contrôle renforcé. Sinon, quel intérêt pourraient avoir les conditions d’accès à la protection si elles ne sont pas convenablement appliquées et surtout contrôlées ? La loi de 2000 a prévu deux voies de contrôle des conditions d’obtention des brevets. Le premier consiste en l’examen administratif des demandes de brevets qui est nécessaire (A) mais relatif (B). Le second, de nature judiciaire, s’exerce a postériori lors d’une éventuelle demande en annulation d’un brevet délivré. A- Nécessité du contrôle administratif des conditions d’accès à la protection :. La doctrine française distingue souvent entre le système de la libre délivrance et le système de l’examen préalable2. Mais le législateur tunisien a opté pour une solution intermédiaire qui consiste à charger l’administration d’effectuer un contrôle partiel des demandes et à lui accorder la faculté de rejeter les demandes qui ne satisfont pas aux conditions contrôlées. Sous l’ancien régime, la délivrance du brevet suivait automatiquement le dépôt de la demande. La nouvelle loi a élargis les pouvoirs de contrôle de l’administration par rapport à son pouvoir limité au passé. 362. Cependant, l’organisme chargé de la propriété industrielle n’effectue pas un véritable examen préalable des conditions d’obtention des brevets, mais seulement un contrôle partiel qui s’avère cependant indispensable. Il en ressort que le contrôle administratif reste toujours partiel même si son domaine a connu un élargissement considérable. En effet, l’alinéa premier de l’article 29 de la nouvelle loi relative aux brevets dispose que « l’organisme chargé de la propreté industrielle examine si, quant à la forme, la demande est conforme aux dispositions des articles 20, 21et 22 de la présente loi ». Il s’agit donc d’un contrôle de la recevabilité de la demande qui vient s’ajouter à celui effectué, en vertu de l’alinéa 2 de l’article 25, au moment du dépôt. 363. Le contrôle de la recevabilité de la demande est donc une procédure préliminaire à deux temps qui consiste à s’assurer que toutes les pièces du dossier ont été présentées sans examiner la conformité de leur contenu aux exigences légales. En effet, l’examen du contenu des pièces est régi par l’article 30 de la loi de2000 Le domaine du contrôle administratif englobe donc toutes les conditions de forme de l’accès à la protection, ainsi que toutes les conditions négatives de brevetabilité. Cependant, il ne concerne qu’une partie des conditions positives de brevetabilité, à savoir les conditions d’invention et d’application industrielle. Restent donc, hors du champ du contrôle administratif, la condition de nouveauté et la condition d’activité inventive1.. Le contrôle administratif n’est pas pour autant sans intérêt. En effet, il peut parfois s’avérer nécessaire pour sauvegarder les intérêts du déposant ainsi que ceux des tiers. Le manque de vigueur qui caractérise le contrôle administratif des conditions d’accès peut ébranler la solidité et la crédibilité des brevets tunisiens2. Toutefois, le contrôle administratif peut s’avérer particulièrement fructueux en raison de la logique selon laquelle le législateur tunisien a voulu qu’il se déroule. En effet, l’organisme chargé de contrôle de la demande de brevet ne peut rejeter celle-ci, lorsqu’il y constate des irrégularités de forme et de fond, qu’après avoir invité le déposant à combler les insuffisances dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite3. Ainsi, le contrôle administratif tend donc à renforcer les intérêts puisqu’il constitue, pour les demandeurs de brevets, une occasion de réviser et de conformer leurs demandes aux conditions d’accès à la protection qui sont particulièrement complexes et formelles et semble beaucoup plus s’inspirer d’une logique d’assistance et de redressement que d’une logique d’élimination et d’expulsion. Par ailleurs, le contrôle administratif est aussi nécessaire pour la préservation des éventuels intérêts des tiers1. B- Portée limitée du contrôle administratif : Le brevet est délivré au terme d’une procédure administrative comportant trois étapes ; l’examen de la demande, l’établissement du rapport de recherche et la publication de la demande. Le contrôle administratif est de portée limitée. En effet, les décisions du directeur de l’INNORPI couronnant ce contrôle ne sont pas en dernier ressort. De même, les brevets sont délivrés sans garantie de l’Etat. Concernant les décisions de délivrance du brevet, il faut remarquer tout d’abord que l’Institut National de Normalisation et de Protection de la PI.(l’INNORPI), quand il voit que les conditions n’ont pas été respectées, rejette la demande de brevet. Cependant, quand il trouve que la demande est conforme aux prescriptions légales, il procède à la publication de la demande. La publication consiste dans la mise à disposition du public du dossier de la demande de brevet. Elle intervient dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de dépôt. Si, dans les deux mois à compter de la publication, aucune action n’a été introduite, le brevet sera délivré au nom du demandeur (art.33 de la loi2000). Depuis la loi de 2000, les décisions du représentant légal de l’INNORPI ne sont plus en dernier ressort, mais peuvent être frappées de recours dont la nature n’est pas clairement déterminée par la loi1 à la différence du législateur français qui a expressément prévu que le recours est intenté devant la cour d’appel territorialement compétente2. Mais on peut affirmer qu’il est de nature administrative puisqu’il s’agit de contester un acte administratif qui a toutes les caractéristiques d’une décision exécutoire. Le recours peut être exercé par toute personne à qui la décision porte préjudice, généralement le titulaire de la demande rejetée. Le requérant peut être aussi une autre personne ayant intérêt à ce que le brevet soit délivré tels que les licenciés de l’invention objet de la demande. Mais si le requérant est un tiers contestant la décision de délivrance du brevet, il doit établir le préjudice causé. Le recours est intenté dans le délai d’un mois à compter de la date de la réception de la notification au demandeur de la décision contestée3. En droit français, le succès du recours en restauration a pour effet la restauration au demandeur de ses droits perdus par suite de l’inobservation du délai, de même que pour le recours en poursuite de la procédure qui a pour effet de reprendre la procédure et la décision de rejet sera caduque. Alors qu’en Tunisie, la loi ne définit pas en détails les différents recours, elle est muette sur ce point mais on peut se référer aux principes généraux de droit commun des procédures. Ainsi, quand le juge administratif donne gain de cause au demandeur contre une décision de rejet1, la décision administrative sera caduque et de nul effet, et le brevet sera alors délivré, mais sans garantie de l’Etat. En effet, « les brevets sont délivrés aux risques et périls des demandeurs et sans la garantie de l’Etat soit quant à la réalité, à la nouveauté et au mérite de l’invention, soit quant à l’exactitude de la description2 ». Aux termes de cet article, le brevet parait une simple attestation de dépôt. D’ailleurs, la délivrance du brevet est une présomption de sa validité. Il ne s’agit que d’une présomption simple, le droit du breveté peut cependant être rétroactivement anéanti à l’issue d’une action en annulation.. La nouvelle loi, en introduisant le système de l’examen préalable des conditions de brevetabilité, n’a pas laissé cet examen exhaustif. Il ne garantit pas définitivement que l’invention ne soit pas antériorisée. Un tel système manque certes de fiabilité mais il permet de ne pas retarder la date de délivrance du titre ; L’examen complet prendra encore plus de temps. Le système Tunisien vit donc sous un régime mixte. L’examen préalable effectué par l’INNORPI porte sur la constitution du dossier et certaines conditions de fond de brevetabilité envisagées de façon sommaire. Mais cela ne veut pas dire sa renonciation à toute recherche approfondie. Simplement, le rapport de recherche ne produit pas d’effet juridique. Il peut paraitre inconcevable que l’administration refuse de garantir l’exactitude de la description alors qu’en vertu de l’al.3 de l’art.30, le contrôle administratif porte entre autres sur le caractère suffisamment clair et complet de la description. L’important est que l’INNORPI n’examine pas à fond les conditions de brevetabilité (à l’exclusion toutefois de l’activité inventive et de l’application industrielle). L’examen est sommaire ; le rejet de la demande ne peut se fonder que sur la non brevetabilité manifeste. Au fonds, c’est un filtrage des demandes. Section 2 : Des mesures de sanction plus sévères: Il ne suffit pas d'avoir des lois sur la propriété intellectuelle, encore faut-il les faire respecter. Cette question est abordée dans la 3ème partie de l'Accord ADPIC. L'Accord décrit de manière détaillée les moyens de faire respecter les droits, notamment les règles concernant l'obtention de preuves, les mesures provisoires, les injonctions, les dommages-intérêts et autres sanctions. Il prévoit que les tribunaux doivent être habilités, sous certaines conditions, à ordonner que des marchandises piratées ou contrefaites soient écartées des circuits commerciaux ou détruites. Les actes délibérés de contrefaçon doivent être considérés comme des infractions pénales. Les gouvernements doivent faire en sorte que les titulaires de DPI obtiennent l'assistance des autorités douanières pour empêcher l'importation de marchandises contrefaites ou piratées. Concernant les conditions propres à la poursuite en contrefaçon, l'ancien dispositif de la PI ne s'est pas beaucoup intéressé à la question dans la mesure où il ne contenait que quelques dispositions relatives à la compétence et à la saisie contrefaçon tout en laissant les conditions de l'engagement de l'action en contrefaçon régies par les règles du droit commun contenues soit dans le code de procédure civile et commerciale soit dans le code de procédure pénale. Les nouvelles lois de PI se sont montrées, à ce propos, plus précises. En effet, en plus de la consécration de la retenue en douane, et de l'introduction d'une nouvelle mesure conservatoire consistant dans l'interdiction provisoire, ces nouvelles lois ont aménagé les conditions de la recevabilité et de l'exercice de l'action en contrefaçon. Par ailleurs, étant donné que la contrefaçon peut être poursuivie devant le juge pénal ou civil, au choix du titulaire ayant subi l'atteinte à son droit; les juges décident, lorsqu’est établie l'existence des faits constitutifs de contrefaçon, soit des sanctions pénales en cas de poursuite pénale, soit des sanctions civiles en cas de poursuite civile1. Ainsi, le renforcement des droits des détenteurs et des conditions propres à la poursuite en contrefaçon peut être constaté au niveau de l'engagement de la poursuite (paragraphe 1) et au niveau de son aboutissement (paragraphe 2). Paragraphe 1: Renforcement de l'engagement de la poursuite en contrefaçon: Toute atteinte portée aux DPI constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile et pénale de son auteur 2. Pour faire cesser les atteintes à son droit exclusif, le titulaire a le choix de porter son action devant le juge civil ou le juge pénal. Lorsque la voie choisie est la voie répressive1 , le juge pénal peut connaître toutes les exceptions opposées par le défendeur. L'apport de la nouvelle loi à propos de l'exercice de l'action en contrefaçon consiste dans la réglementation des mesures provisoires ou probatoires antérieures au déclenchement de la poursuite(A), ainsi que l'introduction de nouvelles règles relatives aux conditions spécifiques à l'exercice de l'action en contrefaçon(B) A- L’introduction des mesures provisoires: Avant la réforme de la législation tunisienne sur la PI, toutes les mesures étaient exclusivement correctives. Elles sont applicables lorsque l’atteinte aux DPI est constatée. Des mesures préventives n’étaient pas prévues préalablement à la poursuite ou même utilisables alors même que l’atteinte aux droits n’était pas encore enregistrée. Il était difficile d’interdire l’exploitation d’une œuvre ou d’un produit argué de contrefaçon ou, du moins, l’arrêter. La réforme a donc introduit des mesures d’ordre probatoire et des mesures d’urgence afin de permettre aux différents intervenants de pouvoir procéder à des saisies et de prouver ainsi leurs droits. L’ultime recours pour préserver les intérêts du titulaire est donc d’instaurer des mesures provisoires1 susceptibles, soit d’arrêter les activités arguées de contrefaçon, soit de garantir au titulaire les éventuels dommages et intérêts qu’il serait en droit de réclamer s’il triomphe de son adversaire. Ces mesures provisoires peuvent être classées en deux catégories. La première regroupe deux mesures antérieures à l'engagement de l'action au fond de sorte qu'elles sont jugées comme des moyens de preuve de la contrefaçon, il s'agit en fait de la saisie contrefaçon et de la retenue en douane. Ces deux mesures provisoires, vu le fait qu'elles ne constituent pas vraiment une création de la nouvelle législation, ne vont retenir notre attention qu'en ce qui concerne les innovations qu'elles ont connues du fait des nouvelles lois. 383. La deuxième catégorie concerne une mesure qui ne peut être pratiquée que postérieurement à l'engagement de l'action au fond en contrefaçon; il s'agit de l'interdiction provisoire introduite par la nouvelle législation de la PI. 384. La demande d'interdiction n'a pas pour objectif la constitution d'un moyen de preuve, mais elle vise l'interdiction provisoire de la poursuite des actes argués de contrefaçon en attendant qu'un jugement au fond soit rendu. a) La saisie contrefaçon : La saisie contrefaçon permet au titulaire d'un droit exclusif de faire pratiquer par un officier public des investigations comprenant, en général, la description de la contrefaçon alléguée, de ses circonstances et de son étendue ainsi que dans certains cas la saisie d'échantillons des articles argués de contrefaçon. C’est donc une mesure probatoire spécifique aux divers domaines de la PI qui permet au titulaire d’un droit qu’il estime contrefait, de faire pratiquer des investigations sur les produits argués de contrefaçon, allant de la simple description à la saisie réelle 1. La saisie contrefaçon constitue une phase préliminaire ou préparatoire à l'action en contrefaçon. De ce fait, les conditions nécessaires à l'engagement de l'action en contrefaçon sont transposables à celles présidant l'autorisation de la saisie. Elle est une procédure facultative dans la mesure où elle n'est nullement imposée à peine de nullité de la poursuite en contrefaçon, mais lorsqu'elle est pratiquée elle a l'avantage d'offrir une base de procès solide et sure. Qu'il s'agisse d'une saisie réelle ou descriptive, la procédure s'engage par une requête adressée au président du tribunal de première instance dans le ressort duquel les opérations de saisie contrefaçon doivent être effectuées. Son originalité réside dans le fait que l’huissier peut transcrire intégralement, lors de la saisie, la description technique faite par le technicien qui l’assiste. Dans le cas d'une saisie description, les produits restent aux mains du saisi qui peut librement en disposer. Dans le cas d'une saisie descriptive avec prélèvement d'échantillons, les objets réputés contrefaits peuvent être mis sous main de justice ou être laissés entre les mains du saisi qui devient leur gardien, lui interdit d'en disposer sous peine de commettre le délit de détournement d'objets saisis tel que prévu par l'art.278 du code pénal. b) La retenue en douane : L’accord sur les ADPIC prévoit dans sa partie III, et plus précisément dans la section 4 de celle-ci, des prescriptions spéciales concernant les mesures à la frontière. Ces mesures font l’objet des articles 51 à 601. Cette procédure est d’une efficacité certaine dans la mesure où elle permet de prévenir l’écoulement des produits de contrefaçon dans le marché, comme elle permet d’assurer aux étrangers une protection sur le territoire tunisien. Pour garantir le succès de cette mesure, le législateur a adopté une procédure simple pour sa mise en œuvre basée sur la demande d’intervention faite à l’administration des douanes pour obtenir la saisie des marchandises contrefaites. En effet, le propriétaire d’un brevet, d’une marque ou d’un dessin ou modèle, le créateur d’un schéma de configuration, l’auteur d’une œuvre, s’ils disposent de motifs sérieux les incitant à soupçonner une opération d’importation de marchandises contrefaisantes leurs droits, peuvent présenter aux services des douanes une demande écrite pour réclamer la suspension du dédouanement à l’importation de ces produits. La demande écrite constitue le préalable obligatoire pour la mise en œuvre de la procédure de retenue par la douane. Pour être valable, elle doit êtrePour les marques, La tranconforme à la loi sur la PI ainsi qu’à l’arrêté du ministre des finances du 3/12/20011. Lorsque l’administration des douanes procède à la retenue, le demandeur à la retenue et l’importateur des marchandises sont informés sans délai de ladite retenue. Dans la lutte contre la contrefaçon, les douanes, dans le cadre de leur contrôle de routine, peuvent à leur propre initiative retenir les marchandises présumées contrefaites3. Lorsque les douanes décident la retenue, celles-ci n’ont plus l’obligation de communiquer son procès-verbal au ministère public c) L’interdiction provisoire : L’interdiction provisoire ou « le référé interdiction » a été instaurée par la nouvelle législation1. Cette procédure d’urgence propre à pallier la lourdeur des procédures a pour objectif d’éviter l’aggravation du préjudice subi par le titulaire. L’intervention du juge saisi au fond de l’action en contrefaçon prend la forme de référé. Elle peut viser l’interdiction à titre provisoire et sous astreinte, la poursuite des faits argués de contrefaçon et la subordination de la poursuite des actes argués de contrefaçon à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du propriétaire de la marque ou le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation. Les conditions de la recevabilité de l’action en interdiction provisoire nous conduit à se demander si le législateur a voulu spécifier les litiges relatifs aux DPI d’un régime particulier de référé qui diffère du régime de droit commun des référés tel que prévu les articles 201 à 212 CPCC. Il apparait que les conditions de l’interdiction provisoire sont un peu spécifiques et dérogent de celle de droit commun au moins sur les points suivants :D’une part, par le fait que le juge saisi d’une interdiction provisoire doit s’assurer que l’action au fond est sérieuse, chose qui ne peut s’établir qu’après un examen de fond, au moins d’une manière superficielle. D’autre part, par le fait que le juge, contrairement aux règles de droit commun de référé, peut subordonner l’interdiction à la constitution par le demandeur des garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée. 391. Il est à rappeler que les mesures provisoires telles que revues par la nouvelle loi permettent généralement au propriétaire de la marque de se constituer un moyen de preuve qui servira ultérieurement à fonder une action en contrefaçon, dont les conditions d’exercice ont été elles aussi revues par la nouvelle loi. B- L’action en contrefaçon : 392. C’est le noyau dur de la protection des DPI. En effet, c’est à travers son exercice que se concrétise le droit exclusif. La contrefaçon est l’atteinte portée au monopole conféré par les différents droits privatifs. Elle est ainsi caractérisée indépendamment de toute mauvaise foi ou faute, par la reproduction, représentation, ou exploitation d’une œuvre de l’esprit à l’échelle commerciale en violation des DPI. 393. L’acception contrefaçon, en droit tunisien, figure clairement dans la loi sur la propriété industrielle, alors qu’en DA, elle n’est apparue que récemment1 suite à la modification apportée par la loi de 2009. A vrai dire, la contrefaçon est l’appellation juridique du plagiat en DA2 , sa version condamnable1. 394. Le législateur tunisien , toujours dans l’harmonisation avec l’ADPIC a renforcé la protection des détenteurs des DPI en leur accordant des flexibilités qui se manifestent à travers l’élargissement des personnes susceptibles de poursuites ainsi que l’extension de l’exercice de l’action(1) et l’allègement de la charge de la preuve(2) 1) L’élargissement des sujets de l’action en contrefaçon : 395. L’action en contrefaçon est en principe exercée par le titulaire du DPI. Sous l’ancien régime, le licencié exclusif n’avait pas droit d’agir. D’ailleurs, le décret de 1888 attribue la qualité d’agir uniquement pour le breveté, mais la nouvelle loi accorde au profit du licencié le droit d’agir en contrefaçon de même que pour le copropriétaire. 396. La loi nouvelle loi sur les marques a suivi le même chemin2 , ainsi que la nouvelle loi relative au DA qui accorde le droit d’agir au cessionnaire en cas d’atteinte aux DA qui lui sont cédés, et ce, contrairement au distributeur qui n’a droit qu’à l’action en concurrence déloyale ou en parasitisme3 , mais l’article 18 de la nouvelle loi prévoit que dans le cas exceptionnel de l’œuvre anonyme, le DA sera exercé par l’éditeur ou le distributeur de l’œuvre. De même, lajurisprudence tunisienne déclare toujours recevable l’action des OTPDAV dont la finalité est la défense des intérêts des auteurs en cas d’atteinte à leurs droits mais encore faut-il que l’auteur dont le monopole a été violé figure au répertoire dudit organisme demandeur1. 397. Parallèlement à l’élargissement de la liste des titulaires de l’action en contrefaçon, le législateur a élargi la liste des personnes susceptibles de poursuites. En droit des brevets, c’est la personne ayant contrefait le brevet que ce soit par la fabrication, la commercialisation, l’utilisation ou l’importation. En cas de pluralité de contrefacteurs, le breveté peut agir, à son gré, contre eux tous ou contre l’un d’eux. De même que pour le DA, la liste longue des contrefacteurs établie par l’article 52 de la nouvelle loi témoigne du souci du législateur de contourner la contrefaçon. 398. Concernant les marques, l’action en contrefaçon peut être intentée contre toute personne qui se livre à l’un des actes interdits tels que décrits par les articles 22 et 23 de la nouvelle loi. La poursuite en contrefaçon peut être dirigée contre n’importe quel maillon de la chaine des opérateurs économiques qui sont intervenus pour mettre sur le marché le bien contrefait : le fabricant, le commanditaire, le grossiste, le distributeur ou l’importateur2. 2) L’allègement de la charge de la preuve : 399. Le demandeur à l’action en contrefaçon doit apporter la preuve de l’existence du délit. En d’autres termes, il doit établir la matériaest que le titulaire d’un titre de PI a la possibilité de faire la preuve de la contrefaçon par tout moyen1. L’évaluation de ces preuves est soumise à l’appréciation souveraine des juges de fond. L’établissement de la matérialité des actes allégués de contrefaçon reste néanmoins une tâche délicate puisque le titre protège souvent des procédés et des éléments non apparents. C’est pourquoi a été consacré un moyen de preuve spécifique qui est la saisie-contrefaçon et une exception consistant en une présomption de contrefaçon à la charge du défendeur, c.à.d. un renversement de la charge de la preuve au profit du demandeur2. 400. Ce renversement de la charge de la preuve est édicté en conformité avec les prescriptions de l’article 34 de l’ADPIC. En effet, la solution logique et raisonnable est de renverser la charge de la preuve pour préserver les droits des brevetés tout en laissant au présumé contrefacteur la possibilité de se défendre. 401. L’autre moyen de preuve le plus spécifique est celui de la saisie contrefaçon qui permet à l’auteur d’une œuvre de l’esprit, au titulaire d’un DP sur un brevet, dessin, modèle, marque ou sur un logiciel de conserver les traces d’une contrefaçon portant atteinte à son monopole d’exploitation ou constituant un acte de parasitisme. 402. Certes, l’effet principal de la saisie contrefaçon est de mettre entre les mains de la justice3 suffisamment de preuves pour les actes qui ont été lité de la contrefaçon et, le cas échéant, l’existence de l’élément intentionnel. Le principe accomplis en méconnaissance des droits des titulaires. L’aspect conservatoire de la saisie contrefaçon trouve tout son poids lorsque la saisie vise les instruments permettant de contrefaire. Paragraphe 2 : Renforcement des droits au niveau de l’aboutissement de la poursuite en contrefaçon : 403. Dans ce cadre, la législation nationale s’est mise en conformité avec l’article 41 de l’ADPIC qui exige de ses membres que leurs législations comportent des procédures destinées à faire respecter les DPI de manière à permettre une action efficace contre tout acte portant atteinte à ces droits, y compris des mesures correctives. Le procès en contrefaçon aboutit au prononcé de sanctions de nature différentes. Ces sanctions peuvent être, ou bien celles spécifiques au DPI, comme elles peuvent être celles de droit commun, prévues par le C.O.C en matière de responsabilité civile délictuelle. 404. En fait, celui qui porte atteinte au droit du titulaire sous quelques formes que ce soit, engage sa responsabilité aussi bien civile que pénale et encourt, par conséquent, des sanctions soit pénales soit civiles, (sinon les deux à la fois). Cecisans oublier les sanctions accessoires qui peuvent lui être infligées : (L’affichage du jugement, la publication, la destruction...) 405. Cependant, les sanctions civiles sont constituées essentiellement par l’octroi des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ainsi que moral souffert par le titulaire du fait de la contrefaçon ; ces sanctions ne présentent aucune spécificité qui mérite d’être étudiée dans le cadre de cette section, ceci en raison du fait qu’elles obéissent aux règles de droit commun contenues dans le C.O.C. On ne va s’intéresser qu’aux seules sanctions revues par la nouvelle loi, il s’agit essentiellement des sanctions pénales (A) et autres sanctions de nature différente (B) A- Les sanctions pénales : 406. Le développement constant du phénomène de la contrefaçon et ses conséquences néfastes sur l’économie1 ont conduit le législateur, sous l’impulsion des engagements internationaux qu’il a pris, à adopter une nouvelle politique répressive qui diffère radicalement de celle adoptée par l’ancienne loi et qui vient en conformité avec l’article 61 de l’ADPIC qui prévoit que les sanctions incluront l’emprisonnement et/ou les amendes. Il suffit, ajoute l’article, qu’elles soient dissuasives et en rapport avec le niveau des peines appliquées pour les délits de gravité correspondantes. Cette nouvelle politique se caractérise d’une part, par l’abandon de la gradation des sanctions pénales pour les marques, d’autre part, par la limitation de la peine d’emprisonnement et enfin par l’aggravation de l’amende. a- L’abandon de la gradation des sanctions pénales pour les marques : 407. L’ancien décret de 1889 prévoyait des sanctions différentes dont la gravité dépendait de celle du fait incriminé1. Toutefois, l’unification, par la nouvelle loi, de l’atteinte au droit sur la marque sous le terme « contrefaçon » avait pour conséquence naturelle l’unification de la peine qui exige que pour des mêmes faits incriminés doivent être encourues des sanctions identiques. Désormais, la peine principale encourue pour toutes les atteintes au droit à la marque est une amende allant de 5000 à 50.000 Dinars2. b- La peine d’emprisonnement : 408. Pour les DA, et avant la réforme de 2009, les sanctions pénales ne s’appliquaient qu’à certaines infractions commises sciemment. L’article 52 nouveau donne, par contre, à ces sanctions pénales un caractère plus rigoureux en supprimant la condition relative à la mauvaise foi3. La durée d’emprisonnement est variable. Elle est fixée entre un minimum d’un mois et un maximum de six mois. Il faut souligner que l’article 52 n’inflige la peine d’emprisonnement qu’en cas de récidive. Bien qu’il fasse toujours passer la peine d’emprisonnement au second plan, l’article 52 nouveau semble conforme aux dispositions de l’article 61 de l’ADPIC. De même que pour le droit du brevet1. 409. Concernant les marques, la peine d’emprisonnement qui était prévue par l’ancien décret de 1889 a été abandonnée par la nouvelle loi comme étant une sanction principale de la contrefaçon. Toutefois, la nouvelle loi maintient cette sanction à titre exceptionnel. En effet, en cas de récidive, un emprisonnement de un à six mois peut être prononcé. c- L’aggravation de l’amende : 410. Concernant les DA, conformément à l’article 52 de la loi 2009, l’amende peut aller de 10000 à 50000d. En cas de récidive, elle sera portée au double. Ainsi que pour les brevets. 411. Pour les marques, l’article 51 de la nouvelle loi prévoit une peine d’amende allant de 5000 à 50000 dinars à l’encontre de celui qui porte atteinte aux DP de la marque. Ce qui retient notre attention à ce propos est que le législateur a, d’une part, abandonné la graduation du montant de l’amende et d’autre part il a augmenté sa valeur2. La détermination du montant de l’amende est laissée au pouvoir discrétionnaire du juge qui doit prendre en considération les circonstances propres à chaque cas d’espèce.Dans tous les cas le juge ne doit pas descendre au dessous du minimum fixé. 412. A ce propos nous croyons que la mise en œuvre de la peine d’amende, après l’élévation de son maxima à 50.000 peut se heurter à des obstacles tenant à la difficulté de son recouvrement. Mais les préoccupations du législateur sont surtout l’effet dissuasif de la peine. B- Les autres sanctions : 413. Ces sanctions sont ou bien consacrées légalement pour la première fois par la nouvelle loi (l’interdiction) ou bien elles sont des sanctions déjà connues mais qui ont été revues par la dite loi (les sanctions mixtes). a- L’interdiction : 414. L’interdiction est une sanction civile qui consiste à interdire au contrefacteur la poursuite, pour l’avenir, des faits de contrefaçon. Les juges tunisiens procédaient au prononcé de cette sanction en dépit du fait qu’elle n’était pas prévue par l’ancienne loi. Désormais, après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, cette sanction peut être infligée par le juge saisi d’une action civile en contrefaçon. 415. L’interdiction est assortie, le plus souvent, d’une astreinte qui permet de condamner le contrefacteur, pour le cas où il continue ses actes de contrefaçon, au paiement d’une somme d’argent fixée par le juge, le tout sans préjudice des dommages intérêts s’il y a lieu. Le rôle de l’astreinte est de conférer une efficacité à l’interdiction car une interdiction, qui ne serait pas sanctionnée, serait dépourvue d’effet. La légalité de l’astreinte était contestée par la doctrine et parfois repoussée par la jurisprudence416. L’interdiction provisoire et la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation du titulaire ne sont accordées qu’après une demande appuyée par une action au fond sérieuse engagée dans un délai de trois ans à compter de la réalisation des faits qui en sont la cause. Le législateur n’a pas oublié le cas d’échec de l’action en contrefaçon, ce qui l’a amené à laisser au juge le choix de subordonner l’interdiction à la constitution par le demandeur, de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur. b- Les sanctions mixtes : 417. Les sanctions mixtes sont celles qui peuvent être prononcées à l’occasion d’un procès civil ou pénal en contrefaçon ; ces sanctions qui ont un caractère facultatif sont d’une grande variété. Ainsi d’après l’article 54 de la nouvelle loi sur les marques et l’article 55 de la loi de 2009 sur les DA ou en droit du brevet, il peut s’agir de la peine infamante servant à la publication intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux, et aussi de la possibilité accordée au juge d’ordonner l’affichage du jugement aux portes principales des usines ou ateliers du condamné et à la devanture de ses magasins1. Et la fermeture de l’établissement exploité par le contrefacteur2 418. Toutefois , vu que ces deux sanctions ne présentent aucune originalité , en raison du fait qu’elles étaient prévues par l’ancienne loi, on va les passer sous silence pour ne voir que les sanctions de confiscation (1) et de destruction (2) dont le régime a connu une refonte des disposition dans la nouvelle loi, suivant en cela les dispositions de l’article 61 de l’ADPIC qui prévoit que les sanctions 1- La confiscation : 419. Comme en matière de droit d’auteur 1 , de droit de brevet ou de dessins et modèles industriels2 , le juge de fond saisi d’une action en contrefaçon de marque peut également ordonner la confiscation des produits contrefaisants ainsi que les matériels ayant servi à commettre le délit3 420. La confiscation est une sanction qui permet, d’une part de faire disparaitre le corps du délit par le retrait des produits contrefaits, d’autre part, elle permet d’arrêter, pour l’avenir, la poursuite des faits délictueux au moyen du retrait des instruments et ustensiles ayant servi à commettre la contrefaçon. 421. Ainsi lorsque la condamnation pénale pour faits de contrefaçon ne pouvait pas être établie pour défaut de mauvaise foi, le juge pouvait légalement prononcer la confiscation chaque fois que la matérialité des faits de contrefaçon est reconnue mais que la bonne foi du prévenu l’a fait échapper aux peines correctionnelles4.2- La destruction : 422. La destruction est une sanction qui tend à rendre au propriétaire du titre son droit en faisant disparaitre les traces de la contrefaçon. Cette mesure fait le plus souvent, suite à la confiscation1. 423. Ce caractère facultatif de la destruction fait que le juge ne la prononce pas de plein droit mais, une fois demandée, il ne peut pas la refuser. Les tribunaux font rarement recours à cette mesure ceci en raison de quelques difficultés qui peuvent faire obstacles à sa mise en œuvre. 424. Il est à préciser que la destruction de l’objet contrefaisant doit être ordonnée non seulement sur les objets saisis dans le but de constater les délits mais sur tous ceux qui sont restés libres dans les mains du prévenu et portent la trace de la contrefaçon. En conclusion, les analyses de ce titre exposées ci-dessus montrent bien que la législation tunisienne, toujours en harmonie avec l’accord ADPIC, après avoir étendu le champ de protection des DPI, a renforcé les prérogatives des titulaires des DPI et les a durement défendues par un haut niveau de protection en consolidant les mécanismes de défense des droits et en prévoyant des mesures dissuasives plus sévères.