La Protection sociale BTS ESF 1A PDF
Document Details
Uploaded by NicerMeteor7646
Université des Sciences Sociales (Toulouse I)
2024
Thibaud Lucarelli
Tags
Summary
This document is a presentation on social security, covering definitions, history, and various aspects of social security systems in France. It also dives into the different types of social welfare systems. It details the different models and discusses the relationship between the models, the interplay between the state and the market along with the concept of demarchandise.
Full Transcript
La protection sociale Thibaud Lucarelli-BTS SP3S-Année 2024-2025 Introduction Question de départ : quelles sont vos connaissances sur la sécurité sociale ? Les objectifs de ce chapitre : Plan du chapitre I-La protection sociale, définitions, histoire et enjeux Définitions ...
La protection sociale Thibaud Lucarelli-BTS SP3S-Année 2024-2025 Introduction Question de départ : quelles sont vos connaissances sur la sécurité sociale ? Les objectifs de ce chapitre : Plan du chapitre I-La protection sociale, définitions, histoire et enjeux Définitions La protection sociale désigne tous les mécanismes de prévoyance collective permettant aux individus de faire face aux conséquences financières des risques sociaux, que cela soit une baisse des revenus ou une hausse des dépenses pour cause de vieillesse, de maladie ou encore de chômage. La protection sociale repose sur deux types de mécanismes : des prestations sociales versées directement aux ménages, qui peuvent être en espèces (pensions de retraite, indemnités journalières en cas d’arrêt maladie) ou en nature (remboursements de soins de santé) ; des prestations de services sociaux, qui désignent l’accès à des services fournis à prix réduit ou gratuitement (crèches, hôpitaux) car financés par les organismes de protection sociale soit directement, soit par le biais de dotations versées par l’État aux collectivités territoriales. Trois logiques distinctes La logique d’assurance sociale L'assurance sociale a pour objectif de prémunir contre un risque de perte de revenus (chômage, maladie, vieillesse, accident du travail, etc.). Les prestations sociales sont financées, en France, par des cotisations assises sur les salaires. Elles sont donc réservées à ceux qui cotisent mais aussi à leurs proches, au travers de la notion d’ayant droit (conjoint sans activité professionnelle ou enfants à charge, principalement). Par exemple, les salariés du secteur privé cotisent pour l'assurance chômage et peuvent bénéficier, en cas de licenciement, d'une allocation chômage. Ces prestations sont versées en contrepartie de cotisations, elles sont dites "contributives". La logique d’assistance La logique d'assistance vise à instaurer une solidarité entre les individus pour lutter contre les formes de pauvreté. La prestation assure un revenu minimum qui ne couvre pas nécessairement un risque spécifique. Il n'est pas nécessaire d'avoir cotisé pour en bénéficier. La prestation est versée sous condition de ressources. Parmi ces prestations, on trouve les dix minima sociaux versés en France, dont le revenu de solidarité active (RSA) et l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Ces prestations sont qualifiées de "non contributives". La logique de protection universelle La protection universelle a pour but de couvrir certaines catégories de dépenses en faveur de tous les individus. Les prestations sont donc accordées sans conditions de cotisations et sans conditions de ressources. Elles sont identiques pour tous. C'est le cas de la protection universelle maladie (PUMa) qui permet à toute personne majeure qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière de bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé La logique de solidarité, distincte de l'assurance sociale La logique de "solidarité" permet le versement de prestations aux personnes ayant cotisé pour une assurance, mais pour lesquels la prestation relevant de l'assurance ne peut être versée ou ne suffit pas. Des prestations de solidarité nationale peuvent alors être créées et versées. Exemples : l'allocation de solidarité spécifique (ASS), destinée aux chômeurs qui ont épuisé leurs droits ; l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui permet d'assurer un montant minimum aux personnes retraitées disposant de faibles ressources. Ces prestations sont financées par l'impôt. Vidéo la protection sociale dessine moi l’éco La protection sociale dessine moi l’éco https://www.youtube.com/watch?v=Z0IPxLcD_fA L'État-providence L'État-providence désigne : au sens large, l’ensemble des interventions économiques et sociales de l’État ; dans un sens plus restreint, uniquement l’intervention de l’État dans le domaine social, qui vise à assurer un niveau minimal de bien-être à la population, en particulier à travers le système de protection sociale. On oppose couramment cette notion à celle de "l’État-gendarme", qui limite le rôle de l’État à des fonctions régaliennes (du ressort exclusif de l’État : justice, police, défense nationale, diplomatie...). Origine de l’expression L'expression aurait été employée pour la première fois en 1864 par le député Émile Ollivier. Il rejetait le développement de l’intervention de l’État, qu'il jugeait négatif et opposait aux solidarités traditionnelles (famille, communautés, corporations...). Les réflexions sur ce sujet ont évolué à la suite de la création : des premiers systèmes d’assurance sociale mis en place à la fin du XIXe siècle, notamment le système de Bismarck en Allemagne ; du système d'assistance sociale mis en place en Grande-Bretagne, inspiré d'un rapport de William Beveridge (publié en 1942), et influencé par les idées de l’économiste John Maynard Keynes. En France, la première loi en matière d'assurance voit le jour dès la fin du XIXe siècle, prévoyant la réparation des accidents du travail (1898). Deux lois de 1928 et de 1930 sur les assurances sociales instaurent une couverture obligatoire des risques vieillesse, maladie, maternité, décès et invalidité pour les salariés dont la rémunération ne dépasse pas un certain plafond. Mise en œuvre et crise de l’État- providence La mise en place d’un État-providence en France s'est réellement concrétisée après la Seconde Guerre mondiale, par la création de la sécurité sociale (ordonnances du 4 et du 19 octobre 1945). Les systèmes de protection sociale se généralisent et une politique de redistribution des revenus, par le biais de prélèvements obligatoires, est engagée. Le système français de protection sociale conjugue aujourd'hui les dimensions d’assistance et d’assurance sociales, et protège de différents "risques" (santé, vieillesse, famille, emploi, logement, pauvreté-exclusion sociale, dépendance). Depuis la fin des années 1970, on parle de "crise de l'État-providence". Le ralentissement de la croissance, la montée du chômage et les difficultés de financement de la protection sociale remettent en cause son efficacité et sa capacité d'adaptation aux nouveaux besoins sociaux (exclusion, vieillissement démographique). Malgré ces difficultés, l’État-providence demeure un garant de la cohésion sociale. Différents types d’État-Providence Si l'État-providence peut être défini comme un mode d'intervention de la puissance publique dans les domaines économique et social, cette expression englobe en réalité plusieurs modèles, qui peuvent être très différents les uns des autres. Les diverses formes d'État-providence traduisent différentes visions de la protection sociale. En 1990, l’économiste et sociologue danois Gøsta Esping- Andersen propose une typologie. À partir de l’étude de 18 nations ayant mis en œuvre un État-providence, il définit les États-providence selon trois variables : la nature des droits sociaux garantis par l'État (on oppose ainsi le modèle universaliste au modèle minimaliste, et le système assistanciel au système assurantiel) ; les effets de la redistribution des richesses sur les inégalités et la stratification sociale ; les relations entre l'État, le marché et la situation économique et sociale des individus. Trois modèles distincts Cette analyse lui permet de distinguer trois modèles : le modèle social-démocrate (ou universaliste), qui assure à l'ensemble de la population un haut niveau de protection sociale financé par l'impôt ; le modèle corporatiste (ou conservateur), dans lequel seuls les individus ayant cotisé, donc travaillé, bénéficient d'une protection sociale ; le modèle libéral (ou résiduel), qui ne garantit qu'un très faible niveau de protection sociale, celle-ci étant souvent réservée aux populations les plus pauvres et financée par l'impôt. Le lien entre ces modèles et la démarchandisation On peut décrire chaque modèle d'État-providence selon son niveau de démarchandisation. La démarchandisation désigne le processus par lequel l'État intervient dans le fonctionnement naturel du marché pour contrer certains de ses effets. Il peut développer des outils de redistribution des richesses ou imposer des règles aux acteurs économiques, par exemple. Ce processus visant à contrer les dynamiques du marché permet de réduire la dépendance des individus au marché et de leur garantir, à tous, un niveau de vie acceptable. Il se traduit par la reconnaissance légale et la mise en place effective de droits sociaux (par exemple, les allocations chômage ou la retraite). Ceux-ci sont inviolables et accordés sur la base de la citoyenneté : chaque citoyen peut en être bénéficiaire. Le système bismarckien ou assurantiel Le chancelier allemand Otto von Bismarck (1815-1898) a mis en œuvre au sein de l'Empire allemand, à la fin du XIXe siècle, un système de protection sociale contre les risques maladie (1883), les accidents du travail (1884), la vieillesse et l'invalidité (1889). Il est ainsi devenu une figure emblématique de la protection sociale. Les motivations à l'origine de l'adoption du système bismarckien sont éminemment politiques. Elles résident dans le souci de juguler les mouvements syndicaux et socialistes en améliorant les conditions de vie du prolétariat ouvrier. Ce système s'appuie sur des logiques que l'on retrouve aujourd'hui dans de nombreux systèmes de protection sociale. Plusieurs principes sous-tendent ce modèle : une protection fondée uniquement sur le travail et sur la capacité des individus à s'ouvrir des droits grâce à leur activité professionnelle ; une protection obligatoire ; une protection reposant sur une participation financière des ouvriers et des employeurs qui prend la forme de cotisations sociales ; des cotisations qui ne sont pas proportionnelles aux risques (comme dans la logique assurantielle pure) mais aux salaires. On parle ainsi de "socialisation du risque" ; une protection gérée par les salariés et les employeurs. Le système beveridgien ou assistanciel En 1942, à la demande du Gouvernement britannique, l’économiste William Beveridge (1879-1963) rédige un rapport sur le système d’assurance maladie. Il constate tout d'abord que celui-ci s’est développé sans réelle cohérence. Puis il propose de le refonder sur plusieurs principes, qui deviendront les caractéristiques du système dit "beveridgien" (les trois premiers étant connus sous le nom des "trois U") : universalité de la protection sociale par la couverture de l'ensemble de la population (ouverture de droits individuels) et de tous les risques ; uniformité des prestations fondée sur les besoins des individus et non sur leurs pertes de revenus en cas de survenue d’un risque ; unité de gestion étatique, par le biais d’une assurance nationale financée par l’impôt ; financement reposant sur l’impôt. La Sécurité sociale française se distingue par un système mixte qui emprunte des éléments aux deux modèles. Le modèle social-démocrate (ou universaliste) Le modèle social-démocrate (ou universaliste) se caractérise par : un niveau élevé de protection sociale qui couvre la totalité de la population, indépendamment de la situation des individus sur le marché du travail ou de leur situation familiale ; une offre importante de services collectifs publics et sociaux ; un financement qui ne se fait pas sur la base de la rémunération obtenue sur le marché (cotisation en fonction du salaire) mais qui est réalisé par l’imposition de toute la population (modèle d’inspiration beveridgienne) ; un effort important de démarchandisation, à travers des systèmes de compensation (redistribution des richesses) et la fixation de règles aux acteurs économiques ; une finalité : tendre vers davantage d'égalité entre les citoyens, de manière à réduire la stratification sociale. Dans quels pays ? Les pays ayant adopté ce modèle sont principalement situés en Europe du Nord : le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède. Dans ces pays, la social-démocratie désigne un système politique et économique qui se caractérise à la fois par sa compatibilité avec l'économie capitaliste et par une forte protection sociale. Le modèle libéral (ou résiduel) Le modèle libéral (ou résiduel) d’État-providence se caractérise par : un accès à la protection sociale à titre individuel, par l’achat de prestations sur le marché (comme des assurances complémentaires) ; une protection sociale collective résiduelle se centrant sur les plus pauvres et financée par l’impôt ; une très faible démarchandisation : la couverture des risques sociaux dépend largement de l'insertion des individus sur le marché du travail. Leurs revenus leur permettent de financer une couverture privée ; une finalité : ne pas entraver le fonctionnement du marché et limiter l'intervention étatique à une couverture sociale aux plus pauvres pour éviter le développement de la grande précarité. Dans quels pays ? Les pays emblématiques de ce modèle sont les États-Unis et, dans une moindre mesure, l’Australie, le Canada, le Japon et la Suisse. Le modèle conservateur (ou corporatiste) Le modèle conservateur (ou corporatiste) d’État-providence se caractérise par : une protection sociale axée sur le travail salarié ; une protection sociale découlant d’un statut (appartenance à un groupe professionnel, une entreprise, etc.) ; un déclenchement de la protection sociale en cas de perte au moins partielle des revenus dans des circonstances interdisant au salarié le maintien dans une activité rémunérée ; un financement fondé sur les cotisations sociales (modèle d’inspiration bismarckienne) ; un lien très fort du système avec la structure familiale. Celui-ci est centré sur le modèle économique du salarié masculin qui apporte les ressources au foyer et qui dispose de droits à la protection sociale grâce à sa contribution ; une démarchandisation modérée, puisque les aides (permettant de compenser une perte temporaire de revenus) sont conditionnées ; une finalité : le maintien des revenus et du niveau de vie du salarié et de son foyer. Dans quels pays ? Les pays emblématiques de ce modèle sont l’Allemagne et, dans une moindre mesure, l’Autriche, la Belgique, la France et l’Italie. Vidéo histoire du régime de protection sociale Histoire du régime de protection sociale https://www.youtube.com/watch?v=9tMvwc0DIEE Histoire de la protection sociale À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la protection sociale se construit sur une logique d’assurance sociale professionnelle. Elle est liée à l’exercice d’une activité professionnelle et permet de verser un revenu aux travailleurs contraints de cesser leur activité pour cause d'accident, de maladie, de licenciement ou de vieillesse. Elle ne couvre que les travailleurs et leur famille. Le droit aux prestations sociales dépend du versement de cotisations sociales, dont le montant est proportionnel au salaire. Les non-salariés et les individus n’ayant pas cotisé au cours de leur activité professionnelle n’ont pas droit à des prestations sociales. Ils peuvent avoir droit à une aide sociale, dans les cas de détresse extrême uniquement (ex : loi de 1905 sur l'assistance aux "vieillards, aux infirmes et aux incurables privés de ressources") Comment la protection sociale s’est- elle étendue à tous ? Le 4 octobre 1945, le régime de la Sécurité sociale est créé, avec l'objectif de généraliser progressivement la protection sociale à l’ensemble des résidents du territoire français. Une logique de solidarité fait son apparition. Chaque membre de la collectivité nationale a droit à la garantie d’un minimum vital, même s'il n'exerce pas d'activité professionnelle ou qu'il n'a pas versé de cotisations ouvrant droit aux prestations sociales. L'accès aux allocations familiales est étendu par une loi de 1946, qui retire les conditions de ressources. La couverture du risque maladie devient universelle avec la mise en place de l’assurance personnelle en matière de maladie (1978) et surtout de la couverture maladie universelle (1999), qui permet à chacun d’accéder à un minimum de soins. La protection universelle maladie (PUMa) se substitue en 2016 à la couverture maladie universelle (CMU) de base ; elle prend en charge les frais de santé de toute personne résidant en France de manière stable et régulière. Les personnes étrangères résidant en France de manière irrégulière peuvent, elles, bénéficier de l'aide médicale d’État (AME) pour accéder aux soins. La couverture du risque vieillesse est quasi universelle depuis la création du minimum vieillesse (1956). Cette prestation, remplacée en 2006 par l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), garantit à chacun une retraite minimale. La couverture du risque pauvreté-exclusion sociale est assurée par la création de "minima sociaux" tels que le revenu de solidarité active (RSA), qui offrent à chacun une garantie minimale de ressources. La création de la sécurité sociale « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère.[…] Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité » Exposé des motifs accompagnant la demande d’avis n°504 sur le projet d’organisation de la Sécurité Sociale, Bulletin de liaison n°14 du Comité d’histoire de la Sécurité Sociale Vidéo INA création de la sécurité sociale https://www.youtube.com/watch?v=rxx-3C7LYTs Des fondements idéologiques après la seconde guerre mondiale Étude du préambule de la constitution de 1946 et du programme du Conseil National de la Résistance Identifier les points relatifs à la sécurité sociale dans ces deux textes