Introduction aux RI - Cours Magistral - PDF
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Philippe Bonditti, Sarah Breitenstain
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Ce document présente une introduction générale aux relations internationales, avec une analyse des concepts clés et un aperçu des leçons à venir. L'auteur explore la notion d'international et sa distinction avec les rapports interétatiques, en utilisant des exemples historiques et des concepts philosophiques. Le cours traite notamment de l'Antiquité grecque et des mutations qui ont conduit à l'émergence du concept de politique et de la cité-état.
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COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN SÉANCE 1 - INTRODUCTION GÉNÉRALE Problématique générale du cours : Qu’est-ce que l’international ? Est-ce juste les rapports entre États et nations ? Concepts :...
COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN SÉANCE 1 - INTRODUCTION GÉNÉRALE Problématique générale du cours : Qu’est-ce que l’international ? Est-ce juste les rapports entre États et nations ? Concepts : Il faut savoir passer du côté scolaire à l’autonomie et à la critique pour aspirer à grand. Autonomie : Développer une capacité à agir, à décider, à s’organiser, à penser par soi même Critique : Faire porter son sens sceptique et du doute pour ne pas simplement obéir, reproduire. Ce n’est pas l’expression du désaccord mais plutôt la construction de son propre diagnostique, d’un problème par rapport à ce qu’il se passe. Gaston Bachelard, philosophie du « non » : En disant « non », on se force à penser, à imposer une posture sceptique. Est libre celui qui travaille à construire son autonomie de pensée. Construire un problème, poser un diagnostic : Le problème Prend la forme d’une question générale à l’intérieur d’un thème et qui s’articule autour d’une tension conceptuelle qui renvoie à des obstacles dans des domaines de pratique. ⇒ La migration en soi n’est pas un problème, mais il en découle des problèmes auxquels il faut trouver des solutions. Un problème trouve sa solution lorsqu’il est bien construit. ⇒ Pendant la guerre du Vietnam, les Américains ont une supériorité massive, une organisation militaire parfaite, des technologies de pointe mais sont en défaite sur le théâtre guerre. Il y a un obstacle à la compréhension. La science politique : La science politique s’est construite comme agrégation et composition de l’histoire, du droit, de l’économie…C’est une discipline pluridisciplinaire qui n’est pas propre à elle-même. Les relations internationales : Elles sont un sous champ de savoir de la science politique, centrées et réglées par deux problématiques : - La guerre et la paix entre les États -> Il n’y a plus réellement d’État, poussant la discipline en crise - La paix et le commerce -> Héritage des philosophies libérales du XVIII° Les relations internationales auraient une fonction normative de compréhension du monde, d’énoncer ce qu’il devrait être fait pour participer à la pacification des mœurs à l’échelle planétaire : - Les réalistes -> Tout s’articule autour de l’État et de la souveraineté, il ne s’agit pas de questionner mais d’analyser les rapports à la surface de la terre 1 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN - Les libéraux -> Tout s’articule autour de la liberté, de la paix, du commerce. L’État est le problème central à cause de ses frontières, de sa souveraineté, de l’autorité… Il y a une distinction entre les Relations Internationales comme champ et sous champ disciplinaire, et un savoir propre : - Les Relations Internationales (ESPOL, champ disciplinaire) étudient les relations internationales (Poutine Ukraine, FMI au Gabon…) Les relations internationales ne sont pas réduites aux rapports inter étatiques. Il y a une deuxième distinction entre l’interne et l’externe qui permet de préciser notre questionnement sur et à propos de l’international : - Externe -> Les militaires interviennent historiquement à l’extérieur pour protéger le territoire national d’une invasion - Interne -> Les policiers interviennent historiquement pour assurer l’ordre national et lutter contre les activités criminelles sur le territoire national C’est cette division conceptuelle spatiale qui règle et détermine à partir du XVI° et XVII° la distinction entre souveraineté externe et interne. International moderne : Division qui s’est installée spatialement et temporairement d’une façon régulatrice des pratiques politiques à l’époque Moderne. Il faut historiciser l’éruption, l’émergence de cette division entre l’interne et l’externe en tant que division régulatrice des pratiques et des rapports politiques. Or, nous n’avons pas toujours eu ce même concept d’espace. ⇒ Bentham : Création du terme « International » au XVII° Avant ce terme et le concept d’espace, où se tenaient ces relations ? Il faut donc essayer de comprendre la spécificité des formes prises par les relations internationales. Il s’agit donc d’opérer par le contraste des époques entre elles. Si l’interne / externe est la caractéristique de la modernité politique, en quoi et comment cette modernité politique se distingue-t-elle des époques précédentes ? A l’évidence, ce n’est pas l’époque moderne qui a inventé la division externe / interne. Le modèle géométrique à l’intérieur duquel elle peut fonctionner remonte à l’époque antique. ⇒ La France est son propre interne mais l’externe de la Colombie, de la Russie… ⇒ La cité état de la Grèce antique n’est pas l’équivalent de l’état moderne territorial à partir du XVII°. La distinction entre son intérieur et extérieur n’existe pas, il n’y avait pas de limites spatiales comme aujourd’hui. Le fonctionnement politique à partir de l’époque archaïque est différent, la souveraineté n’a pas cette division entre l’interne et l’externe telle qu’elle fonctionne à l’époque moderne Plan du cours : 1. Section 1 : Spécificités modernes et contemporaines des relations internationales, une approche historique et empirique o Introduction générale o L’époque de l’antiquité grecque o L’empire romain o L’époque médiévale et la féodalité 2 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN o De l’avènement de l’époque moderne à l’équilibre européen o Impérialismes, nationalismes et colonialismes o L’international moderne mis à l’épreuve ? o Conclusion 2. Section 2 : L’international au croisement des savoirs, une approche conceptuelle a. Introduction b. Du Regimen de l’époque médiévale… c. …à la Raison d’État… d. …Aux sciences camérales et de gouvernement e. Géopolitique et pensée coloniale f. La « politique internationale » comme objet d’étude 3. Section 3 : Limites de la violence et violence des limite, à propos de quelques grands enjeux contemporains a. Guerre, conflits et sécurité b. Mondialisation, frontières, circulations c. Technologie, information, surveillance d. Développement, pauvreté, inégalités e. Anthropocène, environnement, changement climatique f. Conclusion Références Définitions Exemples 3 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN SÉANCE 2 : ANTIQUITÉ GRECQUE 1, GUERRE ET LIEU DU POLITIQUE Baker P.. « La guerre à l’époque hellénistique », in Francis Prost (dir.), L’Orient méditerranéen, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, pp. 381-402. 0. INTRODUCTION Commencer par la Grèce Antique, ce n’est pas suggérer que les relations internationales existaient à l’époque de la Grèce Antique. Dans cette même idée du contraste des époques, il n’y a pas de relations internationales telles que nous les nommons. Or, n’y a-t-il pas quelque chose susceptible de s’y apparenter ? Il n’y a pas d’identité directe entre ce que nous comprenons comme étant les relations internationales aujourd’hui (et qui se transforment encore) et quelque chose qui dans tous les cas à l’Époque Antique ne pouvait pas s’appeler relations internationales parce que le mot n’existait pas. Pourtant, on peut retrouver à cette époque des ingrédients de ce que l’on a rassemblé à l’Époque Moderne sous le nom « relations internationales ». Il y avait cependant des unités politiques qui se sont progressivement constituées à la fin de l’Époque Archaïque (rapports entre cités états, guerre). Or, ce ne sont pas les mêmes concepts. Ce n’est pas la guerre réglée par le rapport interne / externe. Il faut donc dégager les grandes mutations qui s’opèrent à la Grèce Antique et qui vont donner émergence au politique : - La politique - Les cités états (Athènes) - Le fonctionnement et les relations des cités-états Il s’agit donc ici, toujours par opération de contraste, de donner à voir que parler du système des cités-états est une forme d’abus de langage dans le sens où les manières dont elles peuvent se rapporter les unes aux autres à cette époque ne semblent pas donner naissance à un système susceptible d’agir sur elle de manière contraignante en retour comme le fait le système international qui rétroagit sur les états. Ces mutations s’étalent et s’opèrent entre le XII° avant notre ère lors de l’effondrement des royaumes messéniens et le V° avant notre ère lors de l’émergence de la cité grecque et leur épanouissent au IV° avec la suprématie d’une cité-état sur les autres : Athènes. Ces trois grandes mutations nous livrent des ingrédients qui vont apparaitre puis disparaitre (Jean-Pierre Vernant, Les Origines de la pensée grecque) : - La formation d’un domaine de pensée extérieur et étranger à la religion -> Ce sont les physiciens d’Ionie qui proposent des explications profanes de la Genèse du Cosmos et des phénomènes naturels. Jusqu’alors les puissances divines et les Hommes se mêlaient entre eux jusqu’à Homère. A partir du V°, ces puissances divines sont écartées du schéma explicatif du monde. C’est la naissance du caractère profane et 4 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN positif de la connaissance : le monde est à connaitre. Il suppose donc la possibilité de se tenir extérieur au monde pour pouvoir le comprendre et le connaitre. Cela va amener Jacqueline de Romilly à parler de Thucydide qui aurait livré une véritable analyse scientifique de la guerre du Péloponnèse. - L’avènement d’un ordre cosmique qui ne repose plus sur des théogonies traditionnelles (récits qui expliquent la naissance des Dieux d’abord puis dérivent sur l’explication des phénomènes naturels qui seraient la volonté des Dieux). L’ordre cosmique (Univers) ne repose plus sur la puissance des Dieux souverains (Basiléa) mais sur une loi de fonctionnement qui lui est immanente. Ce n’est plus l’injonction des dieux mais le Cosmos qui a sa propre loi de fonctionnement, son propre Nomos (loi), qui répartit les éléments naturels de la nature. Aristote en développe sa propre philosophie du mouvement, les choses tendent vers leur lieu naturel. Cette deuxième mutation installe une compréhension et un ordre de la nature qui est fait de rapports de stricte égalité des éléments entre eux. - L’avènement d’une pensée géométrique avec les physiciens Thalès et Pythagore qui, en géographie, conçoit le monde physique dans un cadre spatial qui n’est plus définit par ses qualités ou caractéristiques religieuses. Cela va établir des relations réciproques, symétriques, réversibles des éléments constitutifs. Leur représentation s’appuie sur les outils de la géométrie. Il n’y a rien d’aussi évident que le monde politique puisse se représenter et être représenté au moyen des outils de géométrie pour en faire des cartes. Ces trois mutations sont étroitement liées entre elles et vont concourir à l’avènement du politique, de ce qui va en venir à être nommé politique, de la cité-état. Il se manifeste par la cité-état et son fonctionnement singulier avec la modalité démocratique et l’isonomie Isonomie : Le fait que tous les citoyens sont égaux face à la loi Ces mutations apportent plusieurs effets : - Cela signale à l’époque un profond changement de mentalité et pas seulement des mutations économiques ou sociales - Elles arrachent la Grèce aux civilisations mycéniennes et doriennes. 1. REPÈRES CHRONOLOGIQUES ET HISTORIQUES ⇒ Clause Mossé, La Grèce archaïque d’Homère à Achille Mossé nous rappelle qu’il est impossible d’établir une chronologie sûre des événements politiques ou des effets de civilisation dans la mesure où les écrits restants donnent à voir qu’on ne se rapporte pas à l’époque à un système chronologique qui aurait été aussi rigoureux, précis et poussé. Hérodote reste très peu soucieux de la datation des événements qui auraient permis leur reconstruction et leur ressaisissement chronologique. Or, il distingue trois périodes : - Période pré archaïque des civilisations achéennes puis doriennes longtemps méconnues 5 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN - Période archaïque - Époque classique A) La période pré archaïque longtemps méconnue Cette période nous donne à voir que la Méditerranée ne marque pas du tout une coupure entre l’Orient et l’Occident. C’est une création très tardive de la fin du Moyen-Âge. La Méditerranée est l’espace des rencontres, de la continuité entre ce qui s’élaborera plus tard comme l’Orient et l’Occident. L’Occident va orientaliser pour mieux se construire comme Occident : chute de l’Empire Romain, croisades. La mer Égée va créer une différenciation interne et externe avec les barbares (ceux qui ne parlent pas grec). Le monde égéen et la péninsule grecque ne font qu’un comme peuple et culture. La Crète où s’installent les premières civilisations reste très orientée vers les royaumes orientaux et le Proche-Orient. ⇒ Entre 2000 et 1900 avant notre ère, les peuples indo-européens venus des Balkans viennent s’installer en Grèce continentale tandis que les peuples hittites opèrent une poussée depuis les contrées d’Asie Mineure. Les civilisations minoennes biens établies forment un ensemble homogène qui entre le XV° et le XII° vont connaitre une forte uniformisation sous effet de l’expansion progressive de la civilisation mycénienne. Les Mycènes bons navigateurs et les commerçants ont pu profiter des rivalités entre égyptiens et hittites. Cette civilisation est donc très imbriquée aux grandes civilisations de la méditerranée orientale. Or, cette civilisation n’est pas pour autant dénuée d’une unité culturelle européenne dont elle tire son organisation sociale et politique centrée sur le palais. On parle d’ailleurs d’une économie palatiale du pouvoir. Ce palais autour duquel s’organise la vie à l’époque mycénienne tient à la fois un rôle religieux, politique, militaire, administratif et économique. Dans ce système, le roi consente et unifie en sa personne tous les éléments du pouvoir et tous les aspects de la souveraineté. L’administration y est déjà très développée au point que certains parlent d’une royauté bureaucratique qui règlemente la production et l’échange des biens. Cette civilisation mycénienne se distingue des peuples hittites dont l’organisation sociale et politique rappelle l’organisation féodale dans laquelle les liens personnels unissent les rois ou les seigneurs à leurs dignitaires. Au sommet de l’organisation sociale des mycéniens se trouve le roi qu’on appelle Anax, qui est à la fois responsable de la vie politique et religieuse, les deux étant mêlés. Au total, on peut retenir les traits caractéristiques suivants des populations mycéennes : - Leur aspect belliqueux avec une aristocratie militaire sur laquelle le roi s’appuie pour affirmer son autorité -> Cette aristocratie forme un groupe privilégié. C’est de cette organisation que la société est hiérarchisée, que la cité isonomique grecque va se détacher. - Un univers rural avec des communautés rurales toutes dépendantes et soumises au palais. - Une organisation en palais avec un personnel administratif important, des règlementations strictes de la vie sociale, le tout appuyer sur l’emploi de l’écriture et la constitution d’archives. 6 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN C’est cet ensemble que vont détruire les invasions doriennes avec pour effet la disparition progressive des palais mycéniens et l’extinction progressive de la civilisation mycénienne. Cette thèse semble cependant controversée, la civilisation mycénienne aurait connu un appauvrissement général rapide et des mouvements de populations très importants. Ces troubles du XVIII° au XVII° avant notre ère aurait pour effet de casser notre proximité avec l’Orient ⇒ Vernant : « Mycènes battue la mer cesse d’être une voie de passage pour devenir une barrière » Dans ce paysage la poussée dorienne repousse le continent grecque dans une économie strictement agricole, et le monde homérique ne sera beaucoup plus caractérisé par cette division du travail qui existait dans la civilisation mycéenne. Sur le plan politique et sémantique, le terme de basileus se substitue à celui d’Anax pour désigner celui qui incarne l’autorité souveraine. Avec cette disparition de l’Anax, disparaissent aussi l’administration et l’écriture qui ne renaitra qu’au IX°. B) Époque archaïque (8ème et 6ème avant J.C) Cette époque est rapportée par les récits homériques de L'Iliade et L’Odyssée. Elle débute par un évènement important : la Guerre de Troie qui oppose les héros de l’époque avec les achéens d’Agamemnon et Achille, et les Troyens d’Hector. * Tyrannie et début du politique : Colonisation (en termes de spatialité) : Espace de la cité, à l’intérieur duquel le politique peut peu à peu se développer Elle comporte des limites : entre l’interne et l’externe, entre l’intérieur et l’extérieur de la cité, mais aussi l’intérieur et l’extérieur de la culture grecque. La tyrannie apparaît comme un moment dans l’histoire du monde grec à l’Époque Archaïque. Cette époque entame le passage de la cité aristocratique (dont Spartes hérite certaines caractéristiques) à la cité isonomique qui assure l’égalité des citoyens entre eux et devant la loi. Elle s’affirme pleinement à la période classique. Toutes les citées grecques n’ont pas connues la tyrannie (comme Spartes), mais Corinthe, Argos, Samos, Milet, Athènes, et la plupart des cités grecques d’occident (comme Syracuse) la subissent. La tyrannie prend diverses formes dans ces cités, on peut distinguer celles du monde grec-asiatique, qui se développent en réaction et contre la société aristocratique, de celles du monde occidental, où les tyrannies sont plutôt liées à l'installation de nouvelles cités dans les mouvements de colonisation. Malgré tout, il y a une unité de ces tyrannies dont Thucydide affirme qu’elles sont toutes apparues dans des cités riches, dotées d’une flotte puissante. Il corrèle la tyrannie au contrôle des mers et de bonne condition de réalisation du commerce par toutes voies, en 7 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN luttant contre la piraterie (en méditerranée et mer Égée). La communauté des citoyens soldats devient souveraine, mais elle la délègue à des corps plus ou moins restreints. * La colonisation : La colonisation, étend démesurément les frontières du monde grec vers l’Occident. C’est un facteur de l’expansion de l’hellénisme. Elle s’amorce au 8ème siècle av. J.C. et se matérialise par des comptoirs et des cités qui jouissent d’une complète autonomie politique avec la cité mère (la métropole), bien qu’elles conservent des liens forts, surtout en termes religieux. Colonisation n’a pas la même définition aujourd’hui. Celle de l’époque ne se laisse pas assimiler aux mouvements de colonisation de l’Époque Contemporaine. En effet, le mot est utilisé pour rendre compte d’une expansion spatiale organisée qui distingue des mouvements de population, spontanés, forcés et massifs, dimension organisée et réfléchie. Plusieurs éléments sont en cause : - Le commerce - La recherche des cités du Péloponnèse par les Grecs - La carence en terres arabes, qui aurait motivé une colonisation agraire, et la fondation d’une population agricole sans que l’on puisse affirme si cette carence des terres était liée à une croissance démographique forte, ou l’accaparât des terres par les riches. L’explication historienne nuance aujourd’hui la division des causes. Cette époque symbolise le passage de la cité aristocratique dominée par des familles puissantes, vers la cité isonomique (égalité citoyenne ou politique apparue lors de la marche d'Athènes vers la démocratie). Elle correspond plus ou moins à l'égalité des droits civils et l'égalité aux yeux de la loi qui suit la règle de la loi. L’extraordinaire expansion du monde grec au gré des mouvements de colonisation est permise par l’envoi hors des cités mères de groupes d’Hommes pour fonder de nouvelles cités, qui servent de laboratoires d’expérience ayant dû s’adapter dans de nouveaux milieux, et coopérer avec les populations autochtones présentes. C) Époque classique (5ème et 4ème av. J.C.) La Grèce, à cette époque est un espace structuré par un système de cité-états relativement liées entre elles (commerce, rapports de guerre, culture commune). C’est une époque non de l’expansion de la culture, mais de l’expansion isonomique et hoplitique (naissance de la politique, mise en équation avec la chose publique : res publica) qui ne préexiste pas à la formation de quelque chose comme la politique, qui émerge au gré de la formation de la division entre le public et le privé, marquée par de nombreux conflits contre les perses qui sont assimilés aux barbares notamment dans les guerres médiques, et avec d’autres cités ⇒ Guerre du Péloponnèse * Il y a un rapport de la guerre au politique : 8 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN La crise des guerres médiatiques est un épisode décisif de la formation série de conflits par lesquels les Grecs se libèrent de l’emprise perse entre (–499 et –479) à partir du 6ème siècle. Les perses avaient accru leur emprise en Ionie, et sous la direction de leur roi Cyrus. Ils avaient assis leur domination sur l’Ionie, et l'Anatolie, au point qu’au milieu du siècle, la majorité des cités de ces région étaient passés sous la coupe des perses, notamment par les tyrans que les perses installent à la tête de ces cités. Ces guerres, entre autres rapportées par Erote, s'amorcent par le soulèvement des peuples de Ionie, à Milet dont le tyran Aristagoras proclame l’isonomie tout en soutenant le même processus dans les cités voisines. Ces cités ioniennes en révolte ne reçoivent que peu de soutient à part d’Athènes et d’Érétrie, et la contre-offensive perse permet rapidement de mater ces soulèvements. Le nouveau grand roi perse Darius décide d’une nouvelle offensive quelques années après, qui ouvre la première guerre médique, où l’offensive perse rencontre l’opposition victorieuse des athéniens dans la bataille de Marathon (-492 –490). S’ouvre un deuxième épisode guerrier ou l’alliance des cités grecque, menée par Spartes, l’emporte sur les perses. Cette affirmation de l’identité hellénique face aux perses marque le début d’une unité relative culturelle dans la lutte contre l’ennemis, le barbare, le perse. C’est cette affirmation de la puissance à travers ces guerres, notamment maritime d'Athènes, qui prend la tête de la ligue de Délos. La victoire consacre la puissance d’Athènes devenue la cité grecque par excellence, tandis que Spartes renonce à son hégémonie. La ligue de Délos rassemble la cité d'Ionie, et des îles de la mer Égée, soucieuses d’empêcher le retour des perses contre lesquelles elles forment une alliance militaire exclusivement maritime à l’exclusion des cités de Grèce continentale pour préserver la liberté tout juste conquise (-478). L’ensemble des cités signe un pacte avec Athènes lui assurant le commandement de la ligue. Cette alliance prend vite les formes d’une domination impériale sous l’impulsion de Périclès, stratège orateur influent à Athènes, qui met en place une politique impériale dans laquelle Athènes annexe de nouvelles zones d’influences (Égypte, Italie méridionale…) Les athéniens conçoivent leur pouvoir comme l’Archè (commandement) et perçoivent leurs alliés comme des sujets. Il y a une organisation administrative, financière (prélèvement du “phoros”). Athènes, n’a jamais envoyé de personnel politique dans les cités alliés et n’intervient pas directement dans ces cités, se limitant à soutenir le mouvement démocratique (“isonomia”). Seul l’usage de la monnaie athénienne signale une domination accrue de la cité mère, privant les autres cités de frapper la monnaie. Elle s’accorde un libre accès aux matières premières (bois, fer) pour la production navale. Athènes se pense comme une thalassocratie, et est déjà particulièrement riche. Elle atteint son apogée entre –354 –359 mais la guerre du Péloponnèse éclate et met fin à la Paix de 30 ans. * La guerre du Péloponnèse : La Guerre du Péloponnèse oppose la ligue de Délos à la ligue du Péloponnèse et créée une crise, une fin du monde, des cités grecques. Elle débute par une série de conflits locaux entre athéniens et corinthiens, avant que le jeu des alliances entraîne toutes les cités dans la lutte. Athènes était en position de force 9 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN (puissant empire, armée, flotte, ressources minières), ce qui motive Périclès de mener une stratégie offensive. Cependant, il y a une résistance péloponnésienne qui installe toutes les cités dans la guerre et qui détache Athènes d’une partie de ses alliés pendant environ 27 ans avant que Spartes ne gagne, grâce au roi des perses qui lui permet d’équiper une flotte qui se rend maîtresse des positions les plus stratégiques en mer Égée. Elle inflige à Athènes une lourde défaite. Athènes est contrainte d’accepter la paix imposée qui la prive de son empire, la plus grande partie de sa flotte et ses moyens de défense. Cette guerre bouleverse l’équilibre établi en Grèce dans les premières décennies du 5ème siècle. Il y a une tyrannie qui a cette époque est menée par un chef de mercenaires qui se rend maître de la cité et y fait régner sa loi. Le mercenariat constitue dès lors une des plaies de l’époque, c’est la conséquence directe de la crise sociale qui pousse les pauvres à se tourner vers cette profession, louant leur service au plus offrant et constituant une menace permanente pour les cités. Ils favorisent les tactiques plus souples, mais leur recours fréquent a de graves conséquences au sein des cités, même les plus stables. ⇒ Les stratèges athéniens qui étaient les magistrats suprêmes de la cité tendent à devenir les professionnels de la guerre, laissant à d’autres le soin de diriger les affaires intérieures Le déclin progressif de Spartes valorise le renouveau de la puissance d’Athènes (environ -380) qui pour maintenir ses positions et assurer le paiement des armées de mercenaires doit revenir aux pratiques qui lui avaient aliénées la majeure partie du monde grec et auquel elle avait choisi de renoncer dans le pacte de –378. Aucune cité ne parvient finalement à installer une nouvelle hégémonie (un hégémon). C’est donc dans un ordre dispersé, que les cités grecques du Péloponnèse, vont devoir affronter les nouveaux dangers. Les Grecs d’abord trop peu méfiants ne voient pas venir le danger de Philippe, nouveau roi macédonien, père d’Alexandre, et prônent une politique de paix. Philippe sort vainqueur des différents affrontements notamment en –338 à Chorénée. Une paix est signée avec les athéniens, lui permettant d’étendre son influence sur toutes les cités grecques. Il monte la ligue de Corinthe dont les forces sont surtout dirigés contre les perses. C’est Alexandre qui prolonge l’œuvre de son père et donne sa pleine dimension à l’empire macédonien. D) Époque hellénistique La Grèce devient l’enjeu de toutes les rivalités, surtout celles qui opposent les souverains macédoniens, les séleucides (Asie) et les souverains de la Grèce d’Occident passés sous l’orbite de Rome. Cette période d’appauvrissement de la Grèce annonce la prochaine domination de la Grèce par Rome. La fin de la démocratie athénienne avait signifié la fin du monde des cités grecques, et tandis que l'empire d'Alexandre finit par se partager entre les Lagides, les Séleucides et les Antigonides, la Grèce d’occident passe sous l’emprise romaine. Depuis le 3ème siècle av. J.C. Rome s’intéresse à l’Orient, et à l’aube du 2ème siècle av. J.C., il n’existe plus que deux puissances grecques : La ligue Étolienne et la ligue Achéenne. Rome se tourne vers la ligue Étolienne pour assoir son pouvoir et imposer sa liberté, fondée sur l’ordre. * Il existe deux types de tyrans (époque archaïque époque hellénistique) : 10 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN - Tyran hellénistique -> Différent du roi, il domine plus qu’il ne règne et cherche l’assouvissement de ses propres intérêts. Il domine par la peur et l’atteint par l’usage de la force et de la violence. - Tyran archaïque -> Il se rapproche un peu plus des royautés et se distingue de la cité isonomique Le tyran, à partir du 4e siècle av. J.C. devient plutôt une image métaphorique. * Il existe également deux dimensions : - La permanence de la guerre à travers chacune de ces trois époques ne signifie pas que la guerre est à chaque fois renvoyée à une même réalité, ou qu’elle ait été conduite de la même manière. Il y a une transformation de la guerre dans sa permanence même - Formation progressive des systèmes d’alliances politico-militaire traversés d’enjeux identitaires et culturels. Il y a un fonctionnement avec des enjeux de domination, et permettent l’affirmation de cette identité grecque contre les barbares 2. GUERRE, CITÉ, POLITIQUE, ET CRITÈRES DE L’ALTÉRITÉ DANS LE MONDE GREC A) Il existe une guerre permanente dès l’époque archaïque et encore à l'époque classique ⇒ Jean-Pierre Vernant : « La guerre est naturelle » Elle s’organise entre cités pour exprimer leur suprématie. Cette rivalité n’est pas seulement l’expression d’une pensée stratégique, mais une mise au service de la puissance dans une quête au service de la cité. La guerre est une expression normale de la rivalité, à une époque où l’esprit de lutte domine (entre individus, dans la discussion publique, dans les jeux). Cette rivalité, présente à tous les niveaux, exprime une conception agnostique de l’Homme. La paix se conçoit comme un temps mort, une parenthèse, et non la guerre comme interruption dans l’état de paix. Thucydide affirme à propos de la paix de Nicias : « Pour la période de trêve qui se place dans l'entre-temps, quiconque se refusera à l'inclure dans la guerre commettra une erreur d’appréciation ». La paix n’est pas ici l’absence de guerre mais plutôt sa suspension qui fait que la paix serait plutôt incluse dans la guerre. La guerre n’est à la fois pas séparée du reste de la vie politique et possède en même temps ses propres spécificités. À travers toutes ces époques, à mesure que s’affirme une division nette entre privé et public, la guerre se compose à la politique de manière singulière. Au début de la période archaïque, il n’y avait pas de frontière entre vengeance personnelle et guerre. Il faut attendre l’émergence d’un système judiciaire. Jusque-là ce n’est pas encore ce qui régit les rapports entre les cités. Jusqu'à la révolution hoplitique, la guerre doit se penser en rapport aux liens matrimoniaux en tant qu’il y a complémentarité du mariage et de la guerre. Car les forces du conflit ne peuvent pas être dissociés des forces de l’union et de la 11 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN fusion : « il y a donc non-singularité de la guerre encore jusqu'à tard dans l'époque archaïque ». Cela se reflète même dans le vocabulaire car la guerre se fait contre l’étranger qui se dit xénos (celui que l’on accueille, envers qui on doit faire preuve d’hospitalité). “La philia” est le cercle premier de la famille, dont chacun des membres s’identifient aux autres. Elle ne s’isole pas de la politique (qui n’est pas encore déterminée). La paix, qui passe par les liens du mariage qui se louent dans une même cité, signifie littéralement la nature des liens qui unissent les membres d’une même cité. Elle intègre l’oïkos et renvoie à la tribu dans laquelle se créent des liens sociaux d’affection. L’hostis (Boudou) est l’étranger d’une autre cité grecque, l’ennemi (privé et non pas politique) considéré malgré tout comme un même et avec qui on entretient un dialogue. Avant les guerres médiques, il pouvait être considéré comme barbare, qui acquiert après cette époque une connotation négative signalant le mouvement par lequel le barbare passe du statut de celui qui peut assimiler la culture grecque à celui où il en est incapable. Selon Nicole Loraux, c’est dans la relation entre “l’oikos” (unité familiale élargie, des parents aux esclaves, unité aussi économique) et la polis (la cité) qu’il faut comprendre la problématique de la guerre. Avec l’émergence de la cité, le mariage en vient progressivement à relever du domaine privé, la gestion de la cité se détache des affaires familiales. Le statut de citoyen vient entériner le lien qui unie le grec à sa cité et cela de manière indépendante des liens de parenté. Il y a un rapport singulier entre la politique et la guerre. La politique en vient à se comprendre comme la cité vue du dedans, et la guerre comme la cité tournée vers l’extérieur, contre l’étranger, généralement d'autres cités grecques. La politique (tel qu’elle se dessine) se met en équation avec la cité, la cité pacifiée, celle qui a surmonté la division, la discorde, le conflit. La politique et la démocratie s’affirment contre le conflit. Il y a une extériorité réciproque de la guerre et de la politique. Le processus par lequel la guerre s’émancipe des liens matrimoniaux et de la philia, est redoublé par la révolution hoplitique. Elle fait émerger la figure du citoyen soldat, qui tient ensemble la guerre et la politique. Révolution hoplitique : Ensemble de transformations survenues à l’époque archaïque et qui concourent à l’émergence de la cité isonomique Plusieurs transformations apparaissent - Équipement du soldat -> équipement hoplite, plus léger, maniable et moins coûteux qui permet une nouvelle conception de la guerre autour de la phalange organisée, opposée au combat individuel c’est un combat collectif. Il ne requiert plus seulement des qualités individuelles, mais une discipline au combat, par laquelle chaque hoplite est solidaire des autres. - Nombre plus important de citoyens qui entrent dans la guerre -> les plus pauvres peuvent ainsi entrer dans la guerre car équipement moins coûteux. Ils protègent la cité, la guerre n’est plus la seule affaire des riches. Il s’agit de la base de la cité isonomique 12 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN - Spécialisation croissante de la chose militaire -> plus de technique et de discipline, qui requiert un entrainement, une formation La guerre ne forme pas dès lors un domaine à part, elle n’est pas la fonction d’un corps spécialisé. Ce processus de spécialisation n’est pas encore abouti, il n’existe pas d’armée de métier, ni de catégorie spécifique de citoyens voués à la guerre. Il y a une organisation guerrière dans le prolongement de la vie civile. Les stratèges sont les plus hauts magistrats aux commandes mais restent élus. ⇒ Jean-Pierre Vernant : « aussi ne serait-il pas exact de définir la guerre des cités aux 6e et 5e siècles, comme la continuation par d’autres moyens de la politique des états ». Il estime que ces deux notions sont trop proches, trop homogènes, pour être la continuation l’une de l’autre. ⇒ Clausewitz, De la Guerre Se forment à travers toute l’époque archaïque un rapport singulier et complexe de la guerre et le politique, l’un et l’autre gagnant ses spécificités sans se différencier, à mesure qu’émerge la division public / privé au gré de l’affirmation de la cité isonomique. La guerre s’est dégagée de la philia par autonomisation des affaires publiques de la cité, et tandis que le mariage en relève du privé, les affaires publiques relèvent du public. La guerre est confondue avec le politique. Il y a une division entre stasis (position du citoyen dressé contre d’autres citoyens et insurrections violentes internes) et polemos (la guerre étrangère dont Eschyle dira qu’elle est la seule glorieuse pour la cité). Platon désigne avec la stasis la discorde, la guerre intestine et civile que les Grecs se livrent à eux-mêmes à l'intérieur d'une même cité. Une cité en guerre est une cité malade. Thucydide affirme que la stasis est en fait l’effet des guerres entre cités, son origine serait selon lui, elle aussi extérieure. Polemos comme guerre étrangère, recouvre à la fois les guerres entre les cités grecques, et les guerres avec les envahisseurs extérieurs, les barbares, qui s’affirment à partir de la fin du 6ème siècle. L'ennemi est le grec d’une autre cité, mais aussi le barbare extérieur. Une spatialité complexe sous-jacente à la politique et à la guerre en vient à se constituer comme domaine autonome et extérieur à la philia, à l’oikos et à la guerre comme un domaine de pratique étroitement enchevêtré avec le domaine politique, donc extérieur à la sphère familiale (intérieur / extérieur à la famille, intérieur / extérieur à la cité, intérieur / extérieur à la culture grecque). Il n’a a pas de relations internationales à cette époque car la notion incorpore déjà une division interne externe claire et tranchée. B) La cité grecque et l’altérité grecque barbare La cité antique intègre les paysans propriétaires à la vie citoyenne, contrairement aux sociétés médiévales. 13 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN Cité-État antique : Forme d’État spécifique, qui vient de la Grèce antique jusqu’au Moyen-Âge. Cité de consommateurs Cité médiévale : Cité de producteurs * Cité grecque et modèle politique : Cité vient du Latin “civitas” mais sa réalité vient du monde grec qui introduit la “polis” signifiant citadelle / forteresse mais aussi rapprochée du grec « polus » qui signifie plusieurs / nombreux. Cette forme d’organisation politique nouvelle s’est rependue à partir du 8ème siècle et atteint son apogée au 5ème et 4ème siècle. La cité est le dépassement de la famille. Certains facteurs comme l’extension de l’agriculture, l’augmentation du nombre de propriétaires, l’accroissement démographique permettent d’interpréter l'émergence de la cité comme une réponse aux limites de la famille comme modèle d’organisation. Il y a un mouvement d’immigration. Nicole Lauron explique que la cité doit être réfléchie comme un phylon qui renvoie à la cité à l’idée de tribu dont les membres sont liés par un filon. Vernant explique que ce lien va prendre la forme d’une relation réciproque et réversibles des citoyens entre eux qui se substitue au rapport hiérarchique comme il existait dans le rapport entre le tyran et ses sujets. La cité hoplitique et la démocratie va émerger en réaction à la faiblesse de ceux qui se laissent dominer par le tyran. La fierté de la Grèce est d’avoir créé le citoyen qui s’émancipe de la domination du tyran. Les barbares sont ceux qui n’ont pas réussi à s’en défaire Polis : Communauté indépendante ( idée d'autonomie )dotée ou du moins inscrite sur un territoire politique où des paysans sont reconnus comme des citoyens à part entière, s’appréhendent et se comprennent comme des citoyens semblables (homoioi) puis des égaux (isoi) et forment « des unités interchangeables à l'intérieur d’un système dont la loi est l’équilibre, et la loi d’égalité » - Jean Pierre Vernant. Cette égalité est capturée par le concept d’isonomia => (égalité civique ou politique apparue lors de la marche d'Athènes vers la démocratie) à partir du 6ème siècle. Ces citoyens sont aussi les soldats de la cité. Selon Marcel Détienne, il y a un lien toujours plus étroit et complexe dans cette homologie structurale entre la phalange (organisation au combat) et la cité. La guerre est réglée par la discipline et l’organisation par et dans la phalange. Chaque citoyen soldat est semblable aux autres et peut être remplacé. Avec la cité, les Grecs estiment avoir placé leur pouvoir au centre, et le débat public (liberté de parole) comme forme distinctive de leur organisation au cœur de la vie politique. La règle de la majorité numérique se substitue à la seule parole du despote/tyran. Selon Vernant, la politique utilise l’agôn (joute oratoire, combat d’arguments réglés dans l’agora). L’agora devient le lieu des échanges économiques et politiques par la parole avant d'être un marché. 14 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN S'instaure le règne de la loi (nomos), selon lequel tous les citoyens grecs sont égaux entre eux et devant la loi (isonomie), mais aussi producteurs de cette loi. Ils deviennent législateurs d’eux-mêmes. ⇒ Aristote : « le citoyen est celui qui tour à tour commande et est commandé ». La cité advient dans une véritable crise de souveraineté qui la divise. L’Archè se sépare de la Basilia (symbole de pouvoir et domination) et l’Archè permet de nommer la politique comme domaine propre avec des professions spécialisées. Des fonctions spécialisées émergent dans la vie politique de la Cité entre les citoyens (les bouleutes votent les lois, les héliastes remplissent les fonctions de justice, les archontes dirigent la république, les stratèges ont en charge la défense de la cité). Il y a une exaltation positive de l’image de la cité idéale, pacifiée et pacifiste, mère des droits et de la démocratie, symbole d’égalité, avec la politique dont la fonction est de dépasser le conflit et ainsi échapper à la stasis et la dimension sanglante. C’est une fierté des athéniens d’avoir inventé la cité isonomique et de s’être démarqué des barbares (peuple de soumission incapable de vivre sans roi ou tyran). Selon Romilly : « par opposition, les barbares sont le peuple de la soumission » l’émergence de cité marque le passage de l’hétéronomie à l’autonomie (la société se reconnaît comme source de loi). C’est l’émergence de la civilisation. Cette différence politique se double de la conscience croissante après les guerres médiques, d’appartenir à une culture commune. C’est une distinction qui se construit sur une différence de langue. Il n’y a pas de racisme puisque d’un point de vue culturel, le barbare peut se déduire des Grecs, de ce que les Grecs vont prêter aux barbares les caractéristiques qui ne doivent pas être les leurs propres. Selon Romilly « on est babarophonos avant d’être barbaros ». Le barbare devient incapable de s’émanciper des formes de domination qui s’imposent à lui. Il est par nature fait pour être esclave et barbare. Il ne peut pas intégrer la condition citoyenne et ne participe pas à la vie publique. Au départ, il y a l’idée que la culture grecque peut être acquise. Finalement, à partir du 4ème siècle, on ne devient pas grec, on naît grec. C) Le système des cités états Elles forment et structurent l’espace de la Grèce antique, indépendantes et rivales, continuellement en guerre entre elles. Le système connaît son apogée entre le 6ème et le 4ème siècle avant de se désagréger. C’est la fin du système mais pas des cités. Au milieu de l’époque archaïque, il y avait 700 cités grecques qui formaient un système relativement organisé et différent de celui qu’on entend aujourd’hui. Il n’y avait pas d’unité juridico-politique du système moderne, pas d’unité administrative de l’empire romain mais pas pour autant dénué de cohérence non seulement culturelle. Elle puise aussi dans cette permanence de la guerre, faisant que ces cités ont un équilibre provisoire. Ces guerres entre cités grecques ne sont pas des guerres de conquête et ne fonctionnent pas par l’occupation, ou l’établissement de positions. L'ennemi n’est pas un radical à éliminer, les 15 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN cités cherchent à faire reconnaître leur puissance. C’est un combat réglé avec des principes forts (≠anomia). On ne tue pas les prisonniers de guerre. C’est un système qui a déjà les éléments d’une dimension politique qui dépasse la seule cité. * Des personnages “diplomatiques” sont chargés du rapport et du dialogue entre les cités : - Ambassadeurs (avec des activités encadrées, rendre compte de leurs missions) - Hérauts (fonction héréditaire de médiation) - Proxènes (fonction de médiation, d’intermédiaire, agents diplomatiques qui détiennent leur pouvoir par décret, le privilège conféré à un citoyen d’une cité pour protéger et défendre dans sa cité, les citoyens d’une autre cité. Ainsi, ils mêlent deux fonctions : celles du patronage, du parrainage ; et celle de la responsabilité, de la garantie et du témoignage) Ces éléments proviennent d’un système relativement organisé. Cet espace est organisé politiquement, appuyé sur des principes et des fonctions qui le règle. 16 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN SÉANCE 3 : ÉPOQUE DE LA ROME ANTIQUE 0. INTRODUCTION Il y a un mouvement historique général qui s’opère d’un décentrement progressif d’Est en Ouest, éloignement d’un épicentre, d’Athènes vers Rome, qui s’opère au 2ème siècle et se prolonge au grand schisme romain (476). Il y a une division de l’Empire Romain entre l’Occident et l’Orient. Il y a un discours culturaliste et civilisationnel encore vif, qui veut rapporter les éléments d’identité à une histoire d’un espace culturel et civilisationnel (l’Occident) qui aurait toujours existé dans sa pureté, d'où se plongerai nos racines. En réalité, quelque chose comme l’Occident s’est formé dans le détachement spatial et culturel progressif de l’hellénisme avec les royaumes moyen-orientaux. Ensuite avec un déplacement du centre de gravité d’Athènes vers Rome. Puis dans l’époque médiévale, dans l’invention de l’orient comme création de l’occident. Organisation d'un système privé de l'exercice de la religion. L'occident n'est pas naturel, n'as pas d'essence mais est le résultat de divers choix. Cette division Orient / Occident ne se fait réellement qu’à partir du grand schisme de 1054. * Repères historiques de l’empire Romain : - Pour donner suite à la monarchie romaine qui s’ouvre avec la fondation de Rome (-753) et qui s’étend jusqu’au – 6ème - République romaine (-6ème –4ème) puis l’Empire Romain. - Milieu du 2ème siècle : Époque faste de la Rome antique, époque de la domination d’un empire qui couvre l’ensemble du monde méditerranéen 1. FIN DE LA RÉPUBLIQUE ET NAISSANCE D’UNE NOUVELLE CONCEPTION DE LA CITOYENNETÉ ( L'IMPÉRIALISME AVANT AVANT L'EMPIRE ) Amorce de l’expansion romaine et consolidation de la citoyenneté romaine (puissant mécanisme de cohésion). On en déduira pas que la construction de cette Empire à répondu dès le départ à la conquête du Monde ( implique des opérations militaires, mais pas mis au service de projet de conquête) => un mouvement d'expansion, Rome cherche à défendre ses intérêts ( économique ), n'est pas l'effet d'une conquête de peuplement non plus. S'il y a pas de projet impérialiste de domination, il ne faut pas négliger la volonté intervenue de Rome de se maintenir en position stratégiquement dominante => Rome decide d'écraser Carthage ( au terme des trois guerres punique). 17 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN A) La république et l’emprise romaine sur le monde Il y a une permanence de la guerre. Elle sera avec la citoyenneté un des vecteurs de l’expansion continue de l’espace romain. Or, on n’en déduira pas que cette construction d’empire a répondu dès le départ à une enjeu de conquête du monde. À l’époque de la république romaine, il s’agit d’un mouvement d’expansion avec l’implication des citoyens romains dans le contrôle des territoires soumis. Les conquêtes de Rome ne sont pas d’abord des conquêtes de peuplement. Pour autant, s’il n’y a pas de projet de conquête à l’époque de la république, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu une volonté de Rome de se maintenir en position de dominant. Ainsi, Rome a-t-elle choisi d’écraser sa rivale Carthage aux cours des guerre puniques ? Il existe trois grandes périodes de guerre : - Guerres puniques (-264 –146) -> Rome vs Carthage - Guerres d’Illyrie (-229 –168) -> Rome vs les Balkans - Guerres macédoniennes (-2e –1e) -> Rome vs Philippe V (roi de Macédoine) Ces trois périodes de guerre sont organisées autour de trois grandes périodes d’affrontement. La République Romaine ou l’impérialisme avant l’empire : Impérialisme : La politique, la volonté d’établir un empire, d’expansion mais pas forcément dominatrice ni dirigiste. L’impérialisme athénien est sans finalité d’empire, il n’y a pas forcément d’impérialisme au départ de l’empire romain L'Empire Romain : Forme institutionnelle et territoriale d’exercice du pouvoir monarchique regroupant un conglomérat de cités et de collectivités locales maintenues dans le temps et l’espace par l’usage de la puissance militaire mais aussi au moyen d’une conception et d’une pratique de la citoyenneté qui servent son expansion territoriale continue, et l’épanouissement d’une civilisation porteuse de valeurs jugées nobles, véhiculées par les lettres latines (le latin se généralise) mais aussi caractérisées par les jeux de l’amphithéâtre et la perpétuation de l’esclavage. La citoyenneté romaine est plus que désirée. * L'emprise progressive de Rome sur le monde : L'Italie est conquise par Rome à partir du 4ème siècle, notamment dans la guerre contre les Samnites. Cette emprise progressive de Rome sur le monde s’amorce avec ces guerres puniques qui se déroulent pendant plus de 100 ans (entre – 246 et –146) opposant Rome à Carthage (la cité rayonnante, puissante commerciale et militaire d’Afrique du Nord). Les guerres puniques se déroulent en trois temps : - Conflit naval qui amorce le déclin de la puissance navale de Carthage et la montée en puissance de Rome, qui la place à la tête d'un espace élargi ultramarin (Sicile, Sardaigne et Corse). Rome doit se réinventer et préparer l’administration provinciale (symbole de l’organisation romaine) 18 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN - Conflit terrestre entre –218 et –220 qui oppose Rome à Anibal depuis un contentieux à propos de la péninsule ibérique. Rome organise une contre-offensive entamant les forces de Carthage. C’est une amorce à la chute de la cité. - Défaite de Carthage après trois ans de siège de la cité qui débouche sur la destruction complète de Carthage qui montre une certaine violence de la République romaine. En -146 est déclarée la fin des guerres puniques. Les guerres Illyriques se déroulent en trois temps : - Démétrios de Pharos se rebelle et fait alliance avec Anibal. - En – 219, Rome impose sa force pour le déposer et étendre son influence sur toute l’Illyrie. - En- 168, c’est la fin de la conquête de l'Illyrie qui devient une province romaine. Les guerres macédoniennes se déroulent en trois temps : - -215 –205 : Philippe V roi de Macédoine profite de l’affaiblissement temporaire de Rome pour s’emparer de l’Illyrie et faire alliance avec Anibal (traité de confédération qui prévoit le déploiement des forces macédoniennes en Italie). Ce sont les premières alliances de Rome avec certains état grecques notamment l’Etonie, Spartes, mais aussi des tribus d’Illyrie (bien que Rome ne respecte pas ses engagements). - -200 –297 : Rome lance de vastes opérations contre Philippe V et renonce à tout contrôle de la Grèce. La bataille de Cynocéphales clos ce deuxième épisode. - -171 –168 : La Macédoine et l’Illyrie sont démembrées, leurs monarchies abolies et la république romaine en sort consolidée. Il y a une citoyenneté et culture de la violence. Du côté de l’orient, Rome a soumis les Parthes, mais aussi du côté occidental avec les peuples germaniques et les barbares, également sur le front africain. Le monde romain s’étendait des deux côtés de la méditerranée. En l’espace de trois siècles, Rome est devenue garante de la paix habitée, de la civilisation face aux barbares intérieurs et extérieurs (la Pax Romana). C’est de cette domination que dépend l’intégration des barbares. Il y a une exclusivité de la culture romaine par rapport à l’hellénisme qui s’appuie à la fois sur une conception et une pratique de la citoyenneté (guerre sociale, mécanisme de l’expansion de l’empire romain et de l’absorption dans la Romanie). B) La République et la citoyenneté romaine Il y a une construction juridico-légale de la citoyenneté. C’est un moyen pour l’Empire de s’étendre et de se préconiser dans le temps et l’espace. Être citoyen chez les Grecs c’était d’abord être grec, puis citoyen de sa cité, donc se distinguer du barbare condamné à être esclave car par nature, incapable de s’émanciper du tyran en s’organisant politiquement dans une cité isonomique. Cela est différent de la citoyenneté romaine qui a une autre idée de la citoyenneté. ⇒ Jean-Michel David : « elle a déterminé les adhésions à un système politique et contribue à la solidité d’un empire qui s’est maintenu dans un relatif équilibre pendant 19 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN trois voire quatre siècles ». C’est à nuancer car la solidité de l’Empire se déroule pendant plutôt deux siècles et demi. Il y a une invention d’une nouvelle conception de la citoyenneté décisive qui assure la transformation d’une cité-État parmi d’autres à un empire monarchique. Cette conception d’une nouvelle pratique de la citoyenneté prend corps et se forge dans la guerre sociale. Cette guerre sociale oppose Rome aux Italiens par rapport à cette citoyenneté romaine et s’achève par la victoire militaire de Rome et par l’acquisition des Italiens de la citoyenneté. Les alliés italiens seront faits citoyens. Rome intègre dans son espace de citoyenneté des non-romains. Cela amorce ce mécanisme d’expansion de l’emprise de Rome sur l’espace méditerranéen et sur l’Europe continentale. C’est la mise en place d’un cadre juridique et de trois lois qui organisent l’intégration des Italiens : - La lex Calpurnia -> Autorise les généraux romains à concéder la citoyenneté aux alliés - La lex Iulia -> Offre la citoyenneté à ceux qui ne s’étaient pas révoltés - La lex Plautia Papiria -> Attribue la citoyenneté romaine aux habitants des cités italiennes qui résident hors de leur communauté d’origine. Cette tentative de gérer juridiquement des situations a déjà une certaine complexité sociopolitique. L’ensemble des Italiens de la péninsule étaient ainsi concernés par cette ouverture de la citoyenneté romaine à d’autres habitants que ceux de Rome. On observe plusieurs conséquences : - Modifie le statut des cités concernées qui doivent s’adapter aux institutions romaines à mesure qu’elles intégraient l’espace politique auquel elles n’avaient jusqu’alors été associées. La juridisation opère l’intégration dans l’espace politique et étend ce dernier dont l’épicentre est Rome. - Bouleverse le fonctionnement des mécanismes civiques qui s’étaient construit dans la participation de quelques centaines de milliers de citoyens concentrés à Rome et qui devaient accueillir des centaines de milliers d’autres habitants de toute la péninsule. Le fonctionnement des institutions civiles est bouleversé. - Nouvelle définition de la citoyenneté, nouvelle conception de la citoyenneté, qui allait désormais reposer sur une double appartenance, concrète de la cité d’origine, et symbolique et effective (organisée par le droit) du plus ample rayonnement de la cité maîtresse Il y a un basculement de l’impérialisme à un Empire qui est en train de se formaliser. Il suit un processus de la municipalisation qui indique les restes du droit romain dans le droit administratif français et qui s’appuie sur l’existence en Italie d’un grand nombre de cité romaines qui préexistaient à ce processus : les colonies qui sont le produit de la conquête par Rome de contrées conquises par Rome et créées à partir de rien. Mais aussi des municipes « municipium », des cités qui avaient été indépendantes jusqu'à leur annexion lors des conquêtes de l'Italie par Rome au 4ème et 3ème siècle. La cité qui devenait municipe devait prendre les traits d’un cité romaine (municipium fundanum : table rase des anciennes cités) soumises à la nécessité de se doter d'une constitution romaine dite de « lex data » 20 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN Lex data : Cultes que l’on devait aux Dieux, les magistratures, le fonctionnement du Sénat, les assemblées populaires, les règles de droit C’est un processus de municipalisation systématisé au sortir de la guerre sociale qui incorpore massivement toutes les cités dans l’espace de l’empire. S’opère ainsi une sorte d’unification juridique à l'intérieur de laquelle s’élabore une articulation fine et réglée entre autorité romaine et pouvoirs locaux, en distinguant deux niveaux de mesure législative : - Lois générales décidées et votées à Rome qui fixent le modèle et établissent le processus à suivre - Lois locales établies par les institutions sur place avec une latitude laissée par le Sénat romain aux législateurs locaux tout en créant une cité de droit romain. Il était souhaité par Rome que soient préservées les normes dont l’ancienne communauté était attachée (culte des Dieux, magistrature, respect des traités…) C’était donc un moyen ici de préserver les éléments considérés comme constitutifs de l'identité, en quelque sorte l'historique de la cité nouvellement intégrée. Il y a une évolution majeure pour Rome qui intègre des citoyens dits romains qui vont donc dépendre d’autres magistrats (les locaux). Cette conception valorisante et rayonnante en fait une citoyenneté désirée par tous les sujets Toute l'Italie est concernée avec des procédures décentralisées (lieu de manifestation et d’enregistrement de la citoyenneté). S’impose aussi une nouvelle pratique de la citoyenneté puisque tous les Italiens devenus citoyens romains (400 000 en 414, 910 000 en 70) peuvent intervenir dans la vie politique romaine. C’est un choc car il y a une démultiplication du nombre de citoyens. L’Édit de Caracalla (212) est le symbole de l’hégémonie Romaine qui accorde la citoyenneté à tous les habitants libres de l’empire. C'était désormais toute la péninsule qui répondait à cette nouvelle conception et cette nouvelle pratique de la citoyenneté et qui allait en fait désormais devenir la norme. C’est Cicéron qui souligne qu’un romain d’origine municipale à deux patries : celle de nature (sa cité), l’autre de citoyenneté (Rome). Il y a une double appartenance, d'appartenance emboîtée, devenue la règle pour l'ensemble des habitants d'Italie puis de l’Empire, mais qui crée les conditions d'une identité romaine générale manifestant une appartenance glorieuse au peuple dominant du monde, mais réservant aussi une identité locale porteuse d'une histoire et d'une tradition, qui était elle aussi source de fierté. Cela donne à l’empire sa cohésion et sa stabilité. Empire romain= conglomérat de cité et de communauté local au moyen d'une conception et d'une pratique d'une citoyenneté ( mécanisme d'incorporation dans l'empire des peuples conquis ) véhiculée par les lettres latines. Civilisation qui promeut les jeux ( ceux de l'amphithéâtre) en même temps que l'esclavage. Cette forme territoriale se démarque de celle de l'État territorial moderne qui s'est planétariser jusqu'à l'époque moderne. 2. L’EMPIRE ROMAIN, SON ADMINISTRATION, SON TERRITOIRE ET SES LIMITES 21 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN Haut Empire : Période historique large de la puissance romaine de César, que l'on fait généralement démarrer en -27, et dont la décadence s’accélère à cause de troubles intérieurs. Ces crises répétées et profondes s’annoncent dès la fin du 2ème siècle, sans qu'aucun consensus ne s’établisse parmi les historiens pour déterminer si cette dégénérescence progressive, cette décadence, s'avance à la fin de la dynastie des Antonins, ou plus tard. * On distingue le Haut du Bas Empire : - Le Haut Empire -> Marqué par le règne de Auguste à Marc-Aurèle et la prospérité générale et l’expansion de l’empire - Le Bas Empire -> Marqué par des crises répétées et profondes qui annoncent le déclin progressif de l’empire romain Empire (Imperium) : Pouvoir suprême (qui pas la même signification actuelle) qui renvoie au pouvoir du magistrat proconsul dans sa province (impériales et administratives), pouvoir donné par l’empereur, le prince qui les nomme. L’Imperium finit par désigner l’Empire : le pouvoir du peuple romain C’est avec le règne d’Auguste que ce terme vient à définir la sphère de compétence sur laquelle un tel pouvoir est effectif. Il définit la vaste structure, un État avec une dimension beaucoup plus institutionnelle qui a permis à Rome de contrôler un espace surdimensionné. * Il y a cinq critères de détermination d’un Empire : - La maitrise et le contrôle d’un espace étendu caractérisé par une diversité ethnique n’excluant pas une identité impériale -> C’est celui qui définit le mieux l’Empire romain avec cette coexistence de peuples très hétérogènes que Rome parvient à inclure et faire coexister pacifiquement par la création d’une organisation administrative. La province où est le magistrat impose son autorité. Il y a un respect des cadres ethniques résistants (grande force de l’Empire) sans mettre de côté l’usage de la découpe administrative des territoires pour casser des solidarités ethniques existantes (séparation de la Gaulle) - Sentiment d'une inscription dans une continuité historique, une réalité temporelle conséquente - Existence d’un pouvoir central dont l'exercice passe dans le commandement militaire, la délégation de compétence, et l’alliance avec des pouvoirs locaux (Napoléon) - Mise en place de centres avec leurs périphéries - Prétention à l’universalisme (à nuancer car connaissance limitée de la terre habitée) C’est la puissance de l’armée mais aussi et surtout l’organisation administrative qui permet de faire coexister et contrôler des populations culturellement très hétérogènes. Toutes finissent par cohabiter pacifiquement (Pax Romana) au sein de l’Empire qui en vient à former un ensemble unique (impérium). Il se met en place une organisation administrative basée sur la province qui ne désigne pas un espace délimité mais la sphère d’influence d’un magistrat, pas domaine personnel de ce magistrat mais renvoie plutôt à des fonctions administratives de justice et de maintien de 22 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN l’ordre dans un espace pas spatialement déterminé mais qui trouve peu à peu ses propres limites Tandis que les provinces se multiplient et se stabilisent dans l’espace, le pouvoir romain veille à ne pas se substituer aux anciens cadres ethniques même s'il use de la division des ethnies. En tant que forme territoriale d’exercice du pouvoir, il est possible d’affirmer que l’Empire se démarque foncièrement de cette forme d’État qu’est l’État moderne territorial. Trois points de vue les distinguent (Empire / État et souveraineté) : - Limites et rapport aux limites à l’espace politique de l’Empire qui sont continuellement repoussées - Rapport de pouvoir et de domination qui s’organise dans l’Empire romain entre son centre Rome et sa périphérie - Développement du droit romain, ses normes principes et concepts qui nuance cette domination (citoyenneté avec tout le développement d’un appareillage juridique qui chercher même à régler la situation juridique des hommes qui vivent hors de leur cité d’origine) qui pose des bases très solides et durables à l’organisation administrative des États (modernes) et des rapports entre États qu’ils soient politiques ou commerciaux (moderne et contemporaine) Dès le XII°, les principes et concepts du droit romain seront redécouverts par l’École de Bologne. La bascule du monde médiéval vers le monde moderne. Jus guentium europeanum ( le droit des gens européens - le droit de la guerre - le droit international humain ). A) L’Empire, sa puissance et son administration Quelles sont ses limites, les rapports que les contemporains de l’Empire entretiennent avec les limites de l’Empire ? Comment se fait l’administration de ce territoire immense, avec une modalité stricte ou non ? L’Empire s'arrête-t-il ? Rapport que les contemporains de l'empire ont entretenu avec cet Empire et ses limites? * Dimension et expansion spatiale de l’Empire : L’Empire est à représenter à partir de l’espace sur lequel s’exerce l’autorité impériale, en constante expansion, sans frontières fixes ni figées comme celles qui démarquent nos espaces nations (théoriquement). On ne parle pas de frontières mais de marches de l’Empire, de limes. Ce n’est que plus tard que les limites de l’Empire se stabilisent (les notions d’interne/externe sont à nuancer). L’Empire romain s’appréhende à partir de sa dimension spatiale, à recouper avec une dimension dynamique évolutive d’expansion, un espace qui croît dans le temps. Il y a une dimension temporelle cruciale. 23 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN L'interne/externe suppose un régime de fixation, où rien ne bouge. Il est différent de l’Empire romain (aussi de plus en plus remis en cause aujourd’hui). Une fois L'Empire établi, Il existe des différences d’approches de la frontière imaginaire de la frontière ligne (système interétatique des États), et différent de la frontière zone (les provinces les plus avancées remplissent des fonctions absorptives et démarcatives). Il y a une différence avec la frontière point (la frontière prend la forme de point dans l’espace avec un principe redistributif, dispersif). * L’administration de l’Empire : A l’époque de l’Empire romain, cet ensemble éloigne des nouvelles contrées intégrées dans l’espace de l’Empire. Cela présidera à deux choses : - Localiser les garnisons romaines qui sont positionnées à la périphérie de l’Empire pour le défendre et assurer son expansion par la conquête. ⇒ Hurlet : « Une culture politique qui valorisa le phénomène de la concurrence au sein de l’aristocratie et qui fit des vertus militaires un critère de différenciation entre aristocrates » - Impact sur l’organisation administrative de l’Empire qui distingue les provinces sénatoriales des provinces impériales (les premières étant considérées pacifiées donc pas besoin de troupes, et les secondes considérées comme mal pacifiées ou menacées qui requièrent des troupes pour pacifier et maintenir l’ordre). Dans les sénatoriales, le magistrat proconsul est placé par les sénateurs. Dans les impériales, l’Empereur place le magistrat appelé lega Auguste procreteur (nommé personnellement par l’Empereur et titulaire d’une délégation des pouvoirs du prince). Provincia : Espace délimité et sphère d’influence d’un magistrat désigné par le Sénat, donc pas territ ou domaine personnel, qui concerne les dimensions administratives de logistique dans un territoire non délimité spatialement. Rome veille à affirmer que cette nouvelle organisation politique ne se substitue pas aux anciens cadres ethniques malgré une découpe administrative du territoire de plus en plus affirmée et qui a permis progressivement d’affaiblir les liens ethniques en les segmentant. Pour Rome, cela permet d’assurer son emprise sur l’espace. Un magistrat proconsul est placé à la tête de ces provinces avec un pouvoir croissant. Chacun est titulaire de l’impérium et de la potestas, lui conférant des pouvoirs administratifs et exécutifs de la justice. Il est aussi responsable de la sécurité générale et du maintien de l’ordre, de la vie économique, des statuts juridiques et sociaux, des constructions publiques, et édifices religieux. C’est lui qui rend justice, qui peut faire appel des décisions prises au niveau local, et intervenir dans les affaires importantes. Ces magistrats pour les provinces impériales sont généralement d’anciens consuls, et ont en plus de ces pouvoirs une autorité sur les légions. * Il y a une influence sur la province mais aussi sur la cité : 24 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN L’Empire ne peut fonctionner sans l’appui, l’action, le réseau, des cités (dotées d’une forte autonomie relative) et de leur infrastructure. Elles sont le cœur de la province, l’unité de base de l’administration. Il y a une extension universelle de la cité comme caractéristique principale du Haut Empire. À cette époque (le Haut Empire), il s’opère un développement large des cités (Empire des citées), communautés locales organisées sur le modèle gréco-romain de la polis. Hors d’elles il n’y a pas d’existence. Les cités sont à la fois le foyer d’urbanisation d’une contrée mais aussi le siège du gouvernement administratif de la province. Pour les romains tous (sauf les Grecs) sont des barbares : - L'entrée dans le Moyen-Âge est un retour massif à la ruralité, différent de l’action gréco-romaine - Citoyenneté romaine (double appartenance à la cité d’origine et la romanité) L'Empire et les cités fonctionnent bien, chaque cité ayant été un germe d’organisation. Les pratiques administratives élaborées à partir d’Auguste étaient fondées sur la fin de l’exploitation arbitraire des provinciaux, de leurs élites qui avaient voix au chapitre. Conférer des droits, c’est limiter l’arbitraire. Le gouvernement des provinces tenait moins de la conquête suivit de la domination que de l'installation de la justice et de la sécurité pour les citoyens romains, le tout reposant sur la perception de revenus. * Établissement d’une fiscalité efficace : Avec l’introduction de l’impôt direct de répartition composée des tribus sur le sol et par têtes et qui sont payées par tous les provinciaux. Il y a soumission à l’imposition sur l'héritage. Toute une série d’impôts indirects (nombreux), sur les ventes d’esclaves, droits de douane, transhumance, ventes aux enchères. C’est un vecteur essentiel de la monétarisation de l’économie (l’usage de la monnaie) avec le développement d’un système monétaire bien construit fondé sur le trimétalisme (or, argent, alliage cuivre). C’est l’effondrement de cette fiscalité qui donne lieu au morcellement de l’espace impérial et l’avènement de l’époque médiévale. Cette permanence, durabilité et expansion de l’Empire sans donner toute sa place au réseau de communication maritime fluvial et routier développé pendant toute l’époque de l’Empire permet de relier le centre à ses diverses périphéries. L’époque du Haut-Empire est un tissage d’un réseau routier terrestre, construit à l’usage des administrateurs, des légions, et des marchands et voyageurs via l’installation de postes de surveillance, relais, et points étapes (premier système de poste impériale). ⇒ Création de la poste impériale ⇒ Hurlet, Le défi de la comparaison historique La politique impérialiste n’est pas celle de l’Empire mais celle de la fin de la République. Il n’y a pas d’universalisme mais plutôt un œcuménisme (rend mieux compte de la volonté des élites romaines de gouverner l’ensemble de l’œkoumène, sans impliquer une domination absolument verticale qui aurait réduit le gouvernement à la domination et au commandement). Il n’y a pas impérialisme (dans le sens commun à partir du XIX° c’est-à-dire 25 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN qu’il n’y a pas de politique et de doctrine d’État vis-à-vis de régions qui doivent être placées sous tutelles avec des populations qui doivent être dominées. L’Empire constitue une unité économique et territoriale (surtout à l’époque du Haut-Empire) ou rien ne préside à une organisation réglée et raisonnée de l’espace économique impérial, faisant dire à beaucoup d’historiens qu’il n‘y avait ni dirigisme, ni interventionnisme, ni politique économique de portée générale. Cet ensemble, qui attire même les barbares qui demandent l’entrée dans la romanité se disloque et se désintègre progressivement. Cela prépare l’époque médiévale et sa caractéristique féodale, à partir du X°-XI° 3. DÉCLIN DE L’EMPIRE ET AVÈNEMENT DU MONDE MÉDIÉVAL * Il y a des mécanismes de l’expansion de l’Empire : - La guerre - L’attribution de la citoyenneté A) Fragmentation de l’Empire et chute de Rome Cependant, à partir de la seconde moitié du IIème siècle, le monde romain se disloque progressivement. Il y a un éloignement progressif de l’Orient et de l’Occident. L’Afrique du Nord, le Levant, l’Asie Mineure se détachent petit à petit de l’empire. Au premier siècle, l’Empire romain souffrait déjà d’un déséquilibre entre l’Est (l’Orient demeure riche) avec la Grèce qui donnait à l’Empire ses hommes d’État, ses savants, ses croyances, ses artistes. L’Est pénétrait culturellement l’Ouest. La crise politique et économique qui éclate et s’aggrave pendant le IIIème siècle affecte principalement la fraction occidentale de l’Empire et transforme ce déséquilibre en opposition. C’est finalement toute l’industrie, le commerce, l’organisation urbaine, la culture qui décline, tandis que le monde médiéval s’esquisse déjà. Le pouvoir sanctionne cette première fragmentation Orient / Occident en 286, en les divisant définitivement, chacune confie leur direction par deux empereurs différents (Maximien en Occident et Dioclétien en Orient). Cela dure jusqu’aux invasions consécutives des Wisigoths en 410, eux-mêmes rabattus vers le cœur de l'Empire (Italie) par les Huns. La chute de Rome s’opère en 476 avec la chute de l’Empire romain d’Occident. Cela est le fruit d’un processus qui s’amorce avec les multiples crises des IIIème, IVème, et Vème siècles. Ce n’est pas la seule cause directe. Il y a une croissance démographique, des crises, Schiavone qui met l’accent dans la perspective marxiste et rapporte à une crise du système esclavagiste, un effondrement du système fiscal romain, car les invasions barbares restent le processus aggravant et précipitant la chute de l’Empire. ⇒ Jacques Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval B) Les invasions barbares 26 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN Dès le 3ème siècle, encore plus au 4ème, Rome et l’Italie n’exercent plus la même influence sur l’Empire, dont les provinces les plus éloignées acquièrent une vie propre (espagnols, gaulois, orientaux de macédoine…) et envahissent le Sénat de leurs requêtes. Ils vont jusqu'à donner à l'Empire ses empereurs. L’Occident médiéval est continuellement travaillé par l’unité de l’Empire, la multiplicité des composantes ethniques, les tensions entre chrétienté et nation. Cette tension entre unité et multiplicité, et universalisme et particularisme est résolu par la modernité politique à partir du 15ème siècle. Les invasions barbares aggravent les tensions. C’est une menace permanente des peuples germains au Nord puis à partir du 4ème siècle des peuples Francs et Alamans qui ravagent la Gaulle et l’Espagne. Les paysans doivent se placer sous le patronage de grands propriétaires fonciers qui deviennent des chefs militaires. C’est un processus de fragmentation du pouvoir selon son modèle centre / périphérie. Venus du Nord et d’Orient, les barbares, auxquels les romains refusent l’asile, s’installent dans tout l’espace de l’Empire, pendant le 5ème siècle sans être intégrés à la romanité. Au 7ème siècle, l’apparition de l’Islam contribue à affermir l’identité chrétienne occidentale et les conquêtes arabo-musulmanes arrachent à l’Empire le Maghreb et l'Espagne (conquise par les Wisigoths). Le 8ème siècle est celui des francs qui avaient déjà conquis le Royaume de Burgon jusqu’à la Provence en 536. Ils assoient leur domination sur l’ensemble de l’espace de l’Empire romain d’Occident, sous la dynastie des mérovingiens, puis des carolingiens. Cela pousse la conversion de Clovis, Roi des francs, au catholicisme à la fin du 5ème siècle. Ainsi, les francs bénéficient du soutien du Pape qui, bien qu’encore faible, commence à établir son emprise. Ces différentes invasions pendant quatre siècles entrainent l’établissement d’un nouveau monde issu de la fusion du monde romain et du monde barbare (surtout issus des germains et des francs). Entre le 5ème et le 8ème siècle s’instaure le Haut Moyen-Âge « comme un lieu où ont fusionné des traditions différentes qui s’est faite au prix de l’unité de l’espace de l’empire et de sa fragmentation sans fin », Jacques Le Goff À la grande division entre l’Occident et l’Orient s’ajoute l’isolement croissant des différents royaumes barbares venus se suppléer à l’espace administrativement unifié de l’Empire romain d’Occident. En désorganisant le réseau de communication romain, il y a une accélération du déclin du commerce (essentiellement interne à l’époque) et une préparation à la ruralisation exceptionnelle typique de l’Occident médiéval, différents de ceux de l’Empire Romain (surtout urbain). « La physionomie de l'Occident médiéval : l'atomisation en cellule repliées sur elles-mêmes », Jacques Le Goff À la fin du 8ème siècle émerge une brève tentative d’organisation et d’intégration des différents royaumes dans l’Empire Carolingien. C) Le règne des carolingiens et l’éphémère tentative d’intégration 27 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN Fruit des peuples germaniques et des descendants francs, amorcée sous la dynastie des mérovingiens (480-750), et prolongée sous celle des carolingiens, culmine au sacre de Charlemagne couronné Empereur en 800 qui marque l’affirmation solennelle de l’indépendance de l’ancien Occident de l’Empire Romain. ⇒ « Sous les dynasties mérovingiennes et carolingiennes à partir du 8ème siècle, la culture germanique, ou prime la mobilité et la valeur guerrière, où l’on commande aux hommes, et la culture latine, avec des composantes religieuses et littéraires, et son héritage fait de compétences administratives, entrent en symbiose », Giuseppe Sergi L'aristocratie germanique a su constater le prestige grandissant et le poids croissant des évêques, au point d’investir dans les structures ecclésiastiques en plein essor. C’est le développement de la chrétienté. Ainsi, émergent des classes dirigeantes mixtes, et les liens entre individus hérités de la tribu germanique s’hybrident aux forment territoriales, aux formes d’organisation du pouvoir issu de la tradition latine. Ce caractère hybride est le trait dominant du royaume carolingien qui est un état d’inspiration romaine qui inclue de très nombreux éléments de la société traditionnelle germanique. Charlemagne se fait garant de l’unité de l’Empire, dont il ne tient que le nom car ne correspond pas aux caractéristiques de l’Empire, même si s’opère un puissant processus d’uniformisation : - De l’écriture avec la généralisation du latin médiéval qui facilite et accélère la circulation des savoirs - Comptable et monétaire qui permet une relance des échanges commerciaux - Culturelle avec la généralisation de la chrétienté et la montée en puissance des structures ecclésiastiques Pendant cinquante ans, il y a une favorisation de la formation d’une certaine unité politique très relative, qui n’en perdurera pas moins jusqu’à la dislocation du Royaume Carolingien qui s’opère en trois temps : - Division entre les trois fils de Charlemagne -> En 843, traité de Verdun qui sépare trois francies qui devaient continuer à faire partit d’un même ensemble unifié (Lothaire, Charles le Chauve, Louis le Germanique) - Traité de Prüme où Lothaire partage son Empire entre ses trois fils - Traité de Meersen en 870 qui consacre le partage de la Lotharingie C’est le principe d’organisation en « regna » qui est mis en place par les souverains barbares et qui prévoit la mort de Clovis à la désintégration du royaume Carolingien. A partir du 10ème siècle, ce principe s’estompe et chaque royaume s’affirme dans son entité indivisible où chaque royaume doit avoir un roi unique par désignation des fils royaux qui hérite de l’honneur royal, doté d’une véritable sacralité, faisant du roi un représentant du Christ sur Terre doté d’une fonction quasi sacerdotale et lui conférant la responsabilité centrale pour le Salut des hommes sur Terre. ⇒ Principe du roi de droit divin avec une élection divine du roi, instituée par Dieu lui-même qui devient sur terre le représentant et l’image même du Christ Vicarius. 28 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN Cela pose les bases de la rivalité entre l’Église et l’Empereur telle qu’elle culmine aux 10ème, 11ème, et 12ème siècle. Or, qui sur terre est le réel représentant de Dieu ? C’est une querelle qui traverse toute l’époque du Moyen-Âge, et à laquelle la modernité politique vient répondre. On observe la sécularisation du pouvoir politique. Cette évolution décisive vers l’émergence de structures politiques, territoriales multiples et stables qui caractérisent le Moyen-Âge Médiant est un processus de fragmentation qui fait suite au processus d’expansion de l’Empire Romain et qui conduit à l’éclatement total de ce qu’est aujourd’hui l’Europe. C’est l’éclatement spatial en plus de l’exercice du pouvoir qui caractérise l’époque du Bas Moyen-Âge (Moyen-Âge tardif qui précède la Renaissance au cours de laquelle l’Occident se tourne définitivement vers l‘Atlantique avec les grandes découvertes qui marquent le passage du Moyen-Âge aux Temps Modernes). 29 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN SÉANCE 4 : LE MONDE MÉDIÉVAL ET LA FÉODALITÉ 0. INTRODUCTION On retrouve une division interne / externe diluée mais qui commence à s’affermir au sein des églises où chaque évêque va progressivement exercer son autorité sur un espace de plus en plus délimité. ⇒ Florian Mazel, La nouvelle histoire du Moyen-Âge ⇒ Diplomatie et relations internationales au Moyen-Âge La féodalité se développe dans l’Occident Médiéval quand s’amorce la décomposition des structures monarchiques (dont les regna) qu’avaient implantées les souverains barbares au 9ème siècle avec la décadence de l’Empire Carolingien. Les carolingiens sont en partie responsables de cette décomposition puisqu’en voulant affirmer leur domination sur l’espace, ils utilisent des pratiques privées en usage dans les grandes familles aristocratiques (surtout germanique). C’est la vassalité. Les rois carolingiens exigent que tous ceux qui exercent leur pouvoir en leur nom deviennent leurs vassaux (les plus humbles serviteurs domestiques), en se confiant et se liant à eux par un lien très strict, celui jusqu’à la mort et qui oblige chacune des deux parties à ne jamais agir l’un contre l’autre. Ce dévouement individuel en vient à dédoubler celui des obligations publiques. Dans l’histoire de la civilisation, la féodalité représente un moment particulier qui se caractérise par la dissolution de l’autorité publique et qui répond à un état de la société et de l’économie fondé sur l’exploitation de la paysannerie par l’aristocratie. Cela mène à la seigneurie. A partir du 9ème siècle, les relations du patronage et du dévouement personnel développées dans l’espace privé de la famille s’introduit dans l’espace de l’État Carolingien, débouchant sur l’affaiblissement de la royauté. Elle devient la seule armature des rapports politiques grâce aux pouvoirs de prélever et de punir qui deviennent accessibles aux petites cellules qui se définissent autour des châteaux et de la seigneurie. Parmi les membres de l’aristocratie, l’engagement vassalique sert de cadre au lien de subordination absolue. Cette dissolution de l’autorité publique s’accompagne d’un rapport à l’espace transformé, et d’un mouvement de déterritorialisation Déterritorialisation : Non-territorialité des formes de domination et de dépendance Ces dynamiques préparent l’état de morcellement qui caractérise la seconde moitié du Moyen-Âge du 10ème au 11ème siècle. Il se met en place à travers tout le 9ème et 10ème siècle un réseau de principautés régionales avec le Roi et leur royaume, les princes et les honneurs (duc, contes,...). 30 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN Une nouvelle carte politique émerge avec l’Europe des Rois, des princes, et des cités-États avec des royaumes multiples à l’intérieurs desquels s’affirment une multitude de principautés très largement autonomes. Ils sont travaillés par une tension croissante au 10ème siècle entre les pouvoirs spirituels et temporels, qui se matérialisent dans la rivalité entre l’Empereur (Saint-Empire Romain germanique) et le Pape (Grégoire 7). Ce sont les siècles de la société féodale ⇒ Siècles de la société féodale selon Marc Bloch 1. SPATIALITÉ DU POUVOIR ET VIOLENCE À L’ÉPOQUE FÉODALE (10ÈME AU 12ÈME SIÈCLE) Il existe une tension entre le sacré et le profane, la spiritualité entre l’Empereur du Saint Empire Romain Germanique et le Pape Grégoire VII. C’est un processus de décomposition qui atteint son apogée au 10ème et 11ème siècle, considérés comme les siècles que Marc Bloch a appelé la « société féodale ». A) Pouvoir et violence La légitimité de l’Empire Carolingien avait reposé sur une forte délégation de pouvoir aux aristocraties régionales. La cohésion est possible par : - La légitimité de la famille Carolingienne - Le réseau de l’aristocratie de l’Empire et de l’Église - Certaines pratiques centralisées de gouvernance Cette cohésion permet de parler d’une certaine unité politique et cultuelle. Cependant, ces facteurs commencent à se défaire pendant la seconde moitié du 9ème siècle, époque à laquelle l’autorité royale s'affaiblit, aggravée par les discordes internes aux Carolingiens, et l’impuissance des souverains à remplir leurs missions. Cela amène à la guerre victorieuse et à contenir les envahisseurs (notamment Normands). * Dislocation et éparpillement de l’autorité La désagrégation politique commença par le sommet (ducs, marquis…) chargés de coordonner les activités militaires sur un large territoire qu’ils tenaient du Roi lui-même. Désagrégation : Processus visant à mettre fin à la ségrégation raciale ou sociale au sein d’un territoire La dissolution débute au niveau des principaux auxiliaires du pouvoir qui ont sur leur territoire la charge de la conduite des activités militaires. Ce territoire ils le tiennent du roi, et le considèrent peu à peu comme un élément hérédité de leur domaine perso, de leur patrimoine. La formation des principautés est presque autonome (impossible d’en dresser une carte précise) et leur autonomie ne cesse de s’affirmer, s’incarnant dans le cumul des honneurs, et l’appropriation par les puissants des domaines et palais royaux, alors que les rois à qui ils doivent leur statut et leur pouvoir perdent leur monopole. 31 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN La dislocation (9ème – 10ème siècle) apparaît en France mais se diffuse partout en Europe. Les rois n’interviennent presque plus dans les affaires de leurs principautés et ne maintiennent leur pouvoir que par leurs liens avec ces princes, perdant aussi de leur poids sur la religion. Cela est différent pour le Saint Empire Romain Germanique. Le droit de commander et de punir est distribué dans des districts minuscules indépendants. Les châteaux forts deviennent le centre de ce pouvoir, structurant l’espace et l’exercice du pouvoir. Il y a une polarisation autour de ces châteaux et autour des églises. Une évolution intervient au sein d’un monde rural et cloisonné (après trois siècles de rétractation urbaine) où les difficultés de liaison et la lenteur des transports contribuent à l’exaltation des chefs locaux en même temps que l’atonie de la circulation monétaire qui rend impossible la redistribution des services. Cette évolution est commandée par une structure aristocratique hiérarchisée, où les grandes familles dominaient de haut des travailleurs paysans (serfs ou libres), où la force des liens du sang constituent la plus solide armature des relations sociales, qui contribue à asseoir l’hérédité des concessions. Le lien personnel s'approfondit car les rois cherchent à se maintenir en gardant des liens avec l’aristocratie. Les liens vassaliques eux garde un hommage et un serment de fidélité entre vassal et seigneur qui les inscrivent dans un rapport de devoir honorable et réciproque de non-agression et d’assistance, toute leur vie durant. Le fief du vassal est astreint à une série de services, d’aide, et de conseils. Les réseaux de clientèle sont discontinus, et ces liens vont s’affaiblir avec l’échec du dégagement de la violence qui règle la société aristocratique et ce, malgré les efforts de l’Église qui monte en puissance pour établir « la paix de Dieu » qui ne remplacera la Pax Romana. * La violence et la guerre Il y a une dislocation progressive de la structure monarchique et une fragmentation spatiale extrême de l’espace d’exécution de l’autorité. C’est la féodalité. Évêque : Membre de référence d’une communauté à laquelle les individus s’identifient Le Moyen-Âge est présenté comme un âge sombre, d'une grande violence. Cela est vrai pour le 10ème et le 11ème mais surtout pour le Moyen-Âge tardif, guerre de tous contre tous, où les seigneurs se livrent continuellement bataille. ⇒ Hobbes représente une violence endémique : « Tous contre tous » Cette image est due à une exagération moderne, pour affirmer cette modernité comme l'âge du progrès, de la raison, et de la pacification par la raison plutôt que par l’obéissance au divin. Les 10ème et 11ème siècle ont longtemps été présentés comme des siècles de fer (croiser l’épée) alors que rien n’atteste d’un accroissement de la violence par rapport à ceux d’avant (caractéristique mesurable de la violence). Cependant, ce n’étaient pas des époques de paix 32 COURS MAGISTRAL – INTRODUCTION AUX RI – PHILIPPE BONDITTI SARAH BREITENSTEIN car une réelle violence, surtout seigneuriale (aristocratique et ecclésiastique) sur la masse immense des paysans sévissait avec une grande violence entre eux. Or, il faut nuancer car la violence n’était ni anarchique ni absolument endémique mais répondait à des codes et normes (plus ou moins conscients et explicites) que l’on voit avec : - La fonction militaire à partir du 9ème tend à instituer parmi les h