Introduction aux Frontières dans le Monde d'Aujourd'hui PDF
Document Details
Uploaded by DignifiedRed
Collège Saint Vincent de Paul
Tags
Summary
Ce document traite des frontières dans le monde actuel. Il explore la notion de frontière, son évolution historique et les différents types de frontières, ainsi que les enjeux politiques et sociaux liés à leur existence et leur modification. Le texte aborde également le rôle des frontières dans la mondialisation et la perspective de frontières « fluides » ou « sans frontières ».
Full Transcript
HGGSP 3 : ETUDIER LES DIVISIONS POLITIQUES DU MONDE, LES FRONTIÈRES INTRODUCTION : LES FRONTIÈRES DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI Introduction : La frontière est « une ligne ou un espace séparant des territoires terrestres sur lesquels deux états exercent la plénitude de leur pu...
HGGSP 3 : ETUDIER LES DIVISIONS POLITIQUES DU MONDE, LES FRONTIÈRES INTRODUCTION : LES FRONTIÈRES DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI Introduction : La frontière est « une ligne ou un espace séparant des territoires terrestres sur lesquels deux états exercent la plénitude de leur puissance, c’est-à-dire la souveraineté territoriale » selon le professeur de droit international Lucius Caflisch. Elle sert à définir un état puisqu’elle en marque la limite. On l’imagine marquée par un fleuve, une chaîne de montagne, ou plus simplement un trait dessiné sur une carte. Mais, dans le monde globalisé, la frontière devient une notion plus floue, plus abstraite et en même temps plus marquée, plus fermée par des murs, des barrières. Problématique : Quelles sont les dynamiques frontalières qui traversent le monde aujourd’hui ? I. Des frontières de plus en plus nombreuses. La frontière, une notion westphalienne : La frontière se définit comme la limite d'un état. Elle est reconnue au niveau international et a une valeur juridique. On distingue traditionnellement les frontières dites naturelles (fleuves, montagnes) aux frontières artificielles (lignes astronomiques comme les parallèles, lignes ethniques, linguistiques). Alors la frontière a longtemps été discontinue, diffuse, nous l’imaginons comme une ligne dans le paysage. Cette définition correspond à la vision dite westphalienne d’un état. En effet, après les traités de Westphalie de 1648, la notion d’état souverain recoupe celle de nation : La France c’est le Roi de France et elle est marquée par les territoires qui reconnaissent l’autorité du Roi. Une multiplication des frontières : on assiste donc, avec l’émergence d’États modernes en Europe au XVIIe s, à la multiplication de frontières et de limites entre les états. C’est dans cette logique qu’il faut lire les nombreuses guerres de Louis XIV ainsi que les fortifications de Vauban sur la frontière Nord et Est du royaume de France. Avec la colonisation du monde aux XVIIIe et XIXe s, la fragmentation des espaces et la frontiérisation, c’est-à-dire le processus d’instauration ou de multiplication des frontières, se diffuse aux continents africain et asiatique. Le XXe siècle voit la disparition des empires multiethniques (Autriche Hongrie, empire ottoman) et la naissance de nouveaux états indépendants. Si les guerres mondiales et la décolonisation ont accéléré le tracé des frontières et la naissance des états, ce mouvement reste très dynamique puisque sur les 261 000 kms de frontières en 2020, près de 30 000 kms ont moins de 30 ans et les frontières les plus récentes se trouvent surtout en Europe, pourtant surnommé « le Vieux continent ». Ces 261 000 kms sont divisés en 311 segments de tracés frontaliers séparant deux états qu’on appelle dyades. II. Des frontières plus ou moins marquées. Frontières et mondialisation : Avec la mondialisation et la globalisation des échanges, la notion de frontière est de plus en plus remise en cause. L’idéal d’un monde sans frontières (« borderless world ») est né dans les années 90 et il est incarné aujourd’hui par les GAFAM dont l’organisation et le fonctionnement ne permettent pas toujours aux états d’exercer leur souveraineté. Avec la création de l’OMC, l’Organisation Mondiale du Commerce, on assiste à un mouvement d’ouverture des frontières et de généralisation du libre-échange (échanges commerciaux sans droits de douane). Les frontières sont alors vues comme des freins à la fluidité des échanges. Dans la même logique, les états facilitent les déplacements des personnes en ouvrant toujours plus leurs états au tourisme. Si certains espaces, comme l’espace Schengen, sont des espace de libre circulation, d’autres espaces comme les Caraïbes n’exigent aucun visa pour favoriser la venue des touristes. Pour tous, la frontière semble une vision dépassée du monde. Des murs et des barrières : Pourtant, paradoxalement, la question de la frontière n’a jamais été autant présente et sa matérialisation devient un enjeu politique et social fort. Parmi les séparations et les clôtures, on distingue : Des barrières et des murs installés dans les territoires disputés avec une fonction de sécurité et de délimitation (frontière indienne dans l’ouest du Kashmir, mur entre Israël et les territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie). Des barrières et des murs dans des territoires non disputés entre les états mais où persistent des tensions ethniques, démographiques ou politiques : Peace Line en Irlande du Nord, mur de béton entre la Thaïlande et le nord de la Malaisie en 2004. Des barrières établies après un conflit militaire : c’est la zone démilitarisée ou no man’s land comme entre la Corée du Nord et la Corée du Sud ou bien encore entre les deux parties de l’île de Chypre. Des barrières anti-migratoires : ce sont les plus récentes et les plus nombreuses. On peut citer les enclaves espagnoles en Afrique de Ceuta et Melilla (2001) mais aussi la barriérisation depuis 2006 de la frontière américano-mexicaine, devenue célèbre avec le mur de D. Trump (2016). III. Frontières et ouvertures : affirmation d’espaces transfrontaliers. Les frontières, des interfaces : Les frontières, même si elles marquent les limites entre les états, sont souvent le lieu privilégié d’échanges, et forment ce qu’on appelle des interfaces. Elles vont tout d’abord permettre de développer le travail transfrontalier quotidien. Ainsi, en Europe, plus de 2 millions de résidents travaillent dans un pays voisin dont 335 000 français qui vont en Allemagne, en Suisse, au Luxembourg, au Royaume Uni pour avoir de meilleurs salaires. D’autres vont aller en Espagne ou en Belgique pour pouvoir bénéficier de biens de consommation plus abordables. Ces mouvements intenses aboutissent à la naissance de vastes agglomérations transfrontalières comme à Lille ou le long de la conurbation rhénane qui traverse six états. Dans ces espaces, la notion de frontière devient totalement virtuelle. La métropole de Strasbourg a ainsi développé une coopération avec la région frontalière d’Ortenau pour fonder un eurodistrict Strasbourg-Ortenau. Les villes jumelles USA Mexique : En Amérique du Nord, le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, le modèle de villes-jumelles est la règle avec des échanges intenses entre les deux villes séparées par la frontière : entre Tijuana et San Diego, au poste frontière de San Ysidro, chaque jour 50 000 véhicules et 25 000 piétons vont du Mexique aux États-Unis (soit plus de 18 millions de véhicules par an) c’est le point de passage terrestre frontalier le plus fréquenté du continent américain. Ces interfaces bénéficient de fortes inégalités de salaires entre les deux états qui poussent au développement des échanges et aboutissent au modèle des villes jumelles qui se développent de chaque côté de la frontière mais sont étroitement liées et forment une seule aire urbaine. Dans ces espaces, la frontière n’est plus une ligne mais une zone. Conclusion : La naissance des états modernes et des État-nation en Europe puis dans le monde a abouti à la multiplication des frontières et à leur matérialisation sur des cartes ou dans les paysages. Depuis, le modèle économique dominant du libéralisme économique a violemment remis en cause la notion de frontière, devenue pour certains dépassée, d’un autre temps. Dans le même temps, le développement de la mondialisation a abouti à des tensions et à des politiques de repli sur soi illustrées par la multiplication des murs et des frontières fortifiées depuis 20 ans. Mais, malgré tout, les frontières dans le monde restent des espaces d’échanges et des interfaces dynamiques. La frontière ne marque donc pas la fin mais elle montre le début d’autre chose.