Semaine 9: 3e Force et Réflexion sur la Santé et la Souffrance PDF
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Ce document est un article sur la psychologie humaniste-existentielle, abordant les notions de santé et de souffrance, ainsi que le contexte de son émergence aux États-Unis. Il présente également les différentes forces en psychologie et la recette de la 3e force, avec une chronologie et une définition de la 3e force.
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SEMAINE 9: e 3 FORCE ET RÉFLEXION SUR LA SANTÉ ET LA SOUFFRANCE Psy 4191 Psychologie humaniste existentielle PSY4191 - Psychologie humaniste 1 Plan de la présentation I. La psychologie humaniste-existentielle c...
SEMAINE 9: e 3 FORCE ET RÉFLEXION SUR LA SANTÉ ET LA SOUFFRANCE Psy 4191 Psychologie humaniste existentielle PSY4191 - Psychologie humaniste 1 Plan de la présentation I. La psychologie humaniste-existentielle comme 3e force II. Réflexions sur la notion de santé 2024-10-29 2 I. La psychologie humaniste comme "troisième force" 2024-10-29 3 "Je crois que les psychologues occupent aujourd'hui une position centrale et importante dans le monde. Je dis cela parce que tous les problèmes majeurs de l'humanité – la guerre et la paix, l'exploitation et la fraternité, la haine et l'amour, la maladie et la santé, l'incompréhension et la compréhension, le bonheur et le malheur – ne pourront être résolus qu'avec une meilleure compréhension de la nature humaine, et c'est à cela que la psychologie se consacre entièrement." (Traduction libre d'un extrait d'article écrit par Maslow (1957) et cité dans Misiak et Sexton (1973)) Contexte d'émergence aux États-Unis Avancées scientifiques Changements technologiques rapides Séparation encore plus marquée entre la psychologie et la tradition philosophique Émergence de modèles plus techniques en psychologie Sentiment d’une psychologie déshumanisée Crise “existentielle” sociale : la solitude, l’identité, le sens https://kerncanyon.com/ La recette parfaite de la 3 e force Insatisfaction avec les deux premières forces en psychologie i.e. les approches psychodynamique et behavioriste + Intention de faire de l'être humain et son existence le point focal en psychologie + L’élite intellectuelle de penseurs et philosophes allemands s’exile aux États-Unis entre 1930 et 1950 (pendant et après Deuxième Guerre mondiale) + Réceptivité de certains penseurs américains aux traditions académiques européennes: Rogers, May, Allport, etc. + Leadership de Maslow 6 https://www.flickr.com/photos/24334155@N03/5872661937/in/pool-vintagecookbooks/ Chronologie 1954 Première esquisse de ce que deviendra la psychologie humaniste par Abraham Maslow 1955 Première utilisation du terme psychologie humaniste 1958 Psychologie humaniste désignée comme étant la 3e force 1961 Journal of Humanistic Psychology 1962 American Association for Humanistic Psychology 1970 Division 32 de l’APA - Section for Humanistic Psychology 2024-10-29 7 Définition de la 3e force Selon l'APA : « Les psychologues humanistes cherchent à comprendre et à apprécier les personnes d'un point de vue holistique, phénoménologique et systémique, en constante évolution et dans leur contexte socioculturel et éco-psycho-spirituel. Nous partons du principe que les personnes qui fonctionnent de manière optimale sont conscientes, libres de faire des choix en accord avec leurs valeurs, interdépendantes, orientées vers un but, porteuses de sens et créatives par rapport à leur expérience.» (Society for Humanistic Psychology, 2021, traduction libre) 2024-10-29 8 Les "fondateurs" du mouvement et leur contribution Carl Rogers Rollo May (1902-1987) (1909-1994) -Approche centrée -Spiritualité et Abraham Maslow sur le client mythes (1908-1970) -Acceptation -Arts et créativité -Besoins inconditionnelle fondamentaux -Actualisation -Motivation Gordon W. Allport (1897-1967) G. Marian Kinget -Modèle (1910-1997) James Bugental développemental (1915-2008) -Enseignement de de la personnalité Charlotte Bühler -Aspects la psychologie humaniste (1893-1974) existentiels de la -Psychologie du psychothérapie développement -Psychogérontologie 2024-10-29 9 La recette au Québec... 2 portes d'entrée o Psychologie sociale appliquée : Fondation de l'Institut de psychologie (1942) : enseignement de la recherche expérimentale et la psychanalyse freudienne o Psychothérapie rogérienne : Fin des années 50, Dollard Cormier introduit l'approche rogérienne à l'Institut de psychologie Révolution tranquille o Psychologie humaniste s'inscrit en continuité avec les valeurs de la religion de l’époque, mais rompt avec la rigidité et la structure de celle-ci (Lebourgeois, 1999) 14.48 ou Cimetière glorieux de Paul-Émile Borduas (1948) https://www.mbam.qc.ca/fr/oeuvres/40270/ 7 caractéristiques de la 3e force 2024-10-29 11 1. Un mouvement Un mouvement, plutôt qu’une école, qui met l’emphase sur le vécu de l’humain et son être-au-monde. Se distingue par l’inspiration qu’il tire de la philosophie existentielle, par ses intentions et la mise à l'avant-plan de certains thèmes et méthodes. 2024-10-29 12 2. Un complément La tentative de la psychologie humaniste-existentielle est celle de compléter et non de remplacer ou d’éliminer les approches existantes. Les approches comportementales ou analytiques méritent d’être complémentées et vice-versa 2024-10-29 13 3. Des prémisses En psychologie, chaque approche possède sa propre philosophie de l’humain. C’est cette philosophie de base qui influence la portée théorique, les objectifs de la psychothérapie, sa méthode. Ancrage ici dans la philosophie existentielle Suppose que chaque être humain est unique, en son vécu, ses perceptions, son regard sur le monde, et ses réactions dans le monde. L’être humain, en tant qu’individu, ne peut être compris et réduit aux fonctions ou aux éléments qui le constituent Un intérêt profond et ultime pour la valorisation de la dignité humaine et sa valeur profonde, précisément du potentiel de développement de tout un chacun… 2024-10-29 14 4. Une volonté Développer une compréhension de l’humain dans sa réalité subjective et existentielle, laquelle inclut sa conscience, ses émotions, ses humeurs et ses expériences en tant qu’individu dans le monde, qui est en relation avec d’autres humains, et qui a des buts. Alors que certaines approches en psychologie pourraient vouloir prédire et contrôler l’humain, celle-ci postule notamment sa liberté et son potentiel d’actualisation. L'essence du projet humaniste existentiel: mieux comprendre l'expérience unique et holistique de la personne aux prises avec les contraintes contextuelles de ses choix de vie (Lebourgeois, 1999) 2024-10-29 15 5. Des thèmes Tendance naturelle de la personne humaine à actualiser son potentiel La relation d’humain à humain (à soi, aux autres) Liberté et responsabilité Valeurs personnelles Sens de la vie, de la souffrance, de l’anxiété, de la mort 2024-10-29 16 6. Une démarche Une approche mécaniste, biologique ou purement scientifique ne peut offrir de compréhension profonde sur la nature humaine. Un intérêt pour la signifiance des méthodes de recherche plutôt qu’une valorisation de l’objectivité Le choix d'une perspective phénoménologique, qui consiste en l’exploration des contenus de la conscience d’un humain et de son expérience subjective. Chaque personne est l'experte de son expérience Le thérapeute-chercheur.e est le facilitateur de la découverte de cette expérience par la personne L'herméneutique, qui reconnait à la fois le caractère interprétatif de notre condition humaine et l'effort que nous déployons pour comprendre le monde, autrui et soi- même. 2024-10-29 17 7. Une contribution En regard aux expériences qui relèvent des limites/seuils de la vie À la psychothérapie 2024-10-29 18 Une vague qui perdure et qui s'est diversifiée Dans les approches: Psychologie gestaltiste Psychologie du soi (approche intersubjective) 3e vague de thérapies cognitives et comportementale (ACT, Schémas) Thérapie centrée sur les émotions Dans les dispositifs cliniques : « Encounter groups », groupe de croissance personnelle Thérapie de groupe Développement personnel « Body mouvement » : expression corporelle Approches alternatives : ailleurs et autrement 2024-10-29 19 Et qui s'est immiscée dans l'ensemble des approches... Sur quoi repose l'efficacité de la psychothérapie ? o Facteurs communs et importance accordée par la 3e force à l'empathie, l'accueil, la démarche phénoménologique, l'expérience émotionnelle et relationnelle. (Jaeken et al., 2015; Lecomte et Drouin, 2007; Lecomte et al., 2004 ) Des critiques à la 3e force Une "force", vraiment ? Éclectisme : dérives et difficulté à se définir Confusion entre emphase mise sur l’individu et son expérience du et dans le monde vs approche individualiste Défis reliés à l’évaluation de l'approche et des dispositifs 21 Pause Antonin Artaud de Ernest Pignon https://p igno n-ernest.com/ II. Réflexions sur les notions de santé & de souffrance 2024-10-29 23 Que vise la psychologie humaniste existentielle? Le bien vivre et le vivre en santé Comment? Réintroduire la subjectivité dans nos vies Retour vers les contenus existentiels et conscients associés à la santé et à la souffrance Établir un continuum et une nuance entre santé/maladie Se discute et se vit en dialogue Le bien vivre et le vivre en santé Revoir l'idéal de santé et de l'absence de souffrance. La condition humaine et les enjeux existentiels nous rappellent que la vie comporte en elle-même la possibilité de la souffrance, de la maladie et de la mort. Ne pas être en santé, c'est le risque même d'être vivant. (cf. Georges Canguilhem) Malaise face à la souffrance, surtout dans les pays riches qui ont les moyens financiers et techniques pour repousser la douleur, la maladie et même la mort. 2024-10-29 25 Vision humaniste existentielle de la psychopathologie Pathologie, pathos : sentiment de souffrance et d'impuissance La souffrance comme impuissance (cf. Paul Ricoeur) Difficulté qui rend le quotidien invivable ou difficile à vivre Lorsque la pensée et le langage, au lieu d’être des fenêtres sur le monde, en obstruent la vue. Lorsque le monde semble difficilement habitable ou lorsqu'on n'arrive pas à trouver sa place dans le monde. Psychopathologie : altération ou impossibilité du dialogue. Psychopathologie : état d’incompréhension ou sentiment d'étrangeté. Contexte particulièrement difficile d'instaurer un dialogue et de favoriser la compréhension de ce qui est souffrant, chez la personne souffrante et chez la personne soignante Vision humaniste existentielle de la psychopathologie Quelle visée thérapeutique? Diminution de la souffrance et retour du fonctionnement, c'est-à-dire retrouver ou redéfinir sa place parmi les autres et dans le monde... … grâce au dialogue thérapeutique qui permet l'ouverture de nouvelles possibilités de sens, d'une nouvelle présence au monde et d'une nouvelle façon d'être en relation. Apprendre à « être avec » : avec la souffrance, avec les autres (ceux qu'on aime ou ceux qui nous font souffrir), avec le monde qui nous inspire, etc. Implications L’intervention psychologique ne vise pas la pathologie, mais la personne. Rencontrer l'autre sans jugement et a priori = faire l'effort d'une posture phénoménologique. Ex : dépression majeure Les pathologies peuvent faire l’objet de savoirs spécialisés, mais elles demandent aussi une interprétation et une mise en sens. La psychothérapie est nécessairement traversée par une pratique herméneutique. Psychopathologie et DSM Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux Nature clinique et descriptive Symptômes observables extérieurs (vs symptômes internes) Différentes catégories de troubles mentaux : spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques, troubles bipolaires et apparentés, troubles dépressifs, troubles anxieux, troubles obsessionnels-compulsifs et apparentés, troubles de la personnalité, etc. Évolution des interprétations et des savoirs Version actuelle : 5e (DSM-5 - 2013) Troubles répertoriés toujours en changement Herméneutique et DSM Diagnostic, du grec gnosis (connaissance) et dia (à travers) (Quintin, p. 40). Il s’agit de reconnaître la maladie « à travers » les symptômes d'une personne. Herméneutique et DSM "If there are lessons for clinicians and patients and families reading these field trials, perhaps the most important one is that accurate diagnosis must be part of the ongoing clinical 2024-10-29 dialogue with the patient." (Freedman et al., 2013) Référence : Goulet, 2023 Herméneutique et DSM On fait appel au jugement professionnel et subjectif, lequel est fondé sur un exercice d'écoute et de différenciation entre ce qu'on perçoit et ce qu'on connaît, pour s'ajuster à la personne et au contexte. La relation entre la maladie et les symptômes n’est pas directe ou immédiate, elle passe par l’interprétation et la relation de soin. DSM comme outil de travail et surtout de communication entre les professionnels. Pas toujours aidant pour la communication patient- professionnel si le diagnostic stigmatise le patient, bloque/fige le travail thérapeutique, encapsule ou réduit le sens de la souffrance, ou décharge le professionnel d'élaborer une compréhension dynamique du patient et de son histoire. Humilité et prudence Les problèmes ne se situent pas uniquement à l’intérieur du cerveau, ni ne relèvent uniquement de la psychologie individuelle, ils se trouvent aussi dans les interactions au sein de la famille et des collectivités. Le contexte change, et avec lui les catégories de psychopathologies! En témoigne l'évolution du DSM. (Quintin, p. 41-42) o Définitions témoignent de valeurs historiques et culturelles, malgré la tendance contemporaine à rattacher la maladie à la biologie et à l'objectivité. «C’est avec prudence et humilité que nous devons utiliser les catégories que nous avons reçues en héritage ou que nous savons élaborer parce qu'elles ne couvrent à elles seules toute l’expérience humaine.» (p. 43) «Interpréter trop et ne pas interpréter suffisamment sont les deux éceuils que nous devons éviter.» (p. 41) Discussion Sous-groupes de 6-7 personnes Assurez-vous de laisser chaque personne du groupe s'exprimer en respectant les temps de parole Faites preuve d'ouverture et de respect pour cultiver le dialogue Faites des liens avec les lectures de la semaine ! 34 3e force et réflexion sur les notions de santé et de souffrance 1. Quels liens peut-on tisser entre la dynamique entre monde du travail & monde de la fête décrit par Jager et l'utilisation d'outils de catégorisation scientifique tels que le DSM? 2. Identifiez des mouvements ou des ressources qui pourraient s'inscrire selon vous dans le mouvement humaniste-existentiel. Pourquoi ? 3. Qu'est-ce que la 3e force peut-elle apporter à la discipline de la psychologie à notre époque? 4. Quelles sont a) la place et b) la fonction de l'herméneutique dans la psychothérapie humaniste existentielle? 5. Quelle est la pertinence de l'approche humaniste existentielle a) dans le domaine de la santé et plus largement b) au sein du système de santé québécois actuel? 6. Comment la prise de contact avec la psychologie humaniste-existentielle module-t-elle votre vision de la santé et de la maladie ou pathologie ?. Au prochain cours Lecture obligatoire : « Apprivoiser les états inconfortables de la pratique », Catherine Vandal Lecture optionnelle : « Intentional presence and the accompaniment of dying patients », Alexandra Guité-Verret, Mélanie Vachon et Dominique Girard 36 Références Bugental, J. F. (1976). The search for existential identity. San Francisco: Jossey-Bass. Bühler, C. et Allen, M. (1972). Introduction to humanistic psychology. Wadsworth Publishing Compagny. de Castro, A., Mebarak, M., Tovar-Castro, J. C., & Castro-Guavita, L. (2021). Will and wish: An existential proposal to cope with anxiety. The Humanistic Psychologist, 49(2), 266–280. https://doi- org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/10.1037/hum0000216 DeRobertis, E. (2021). The Humanistic Revolution in Psychology: Its inaugural vision. Journal of Humanistic psychology, 61(1). Hergenhahn, B. R. et Henley, T. B. (2016). Introduction à l'histoire de la psychologie. Modulo. Jaeken, M., Verhofstadt, L. L., & Van Broeck, N. (2015). Qu’est-ce qui détermine l’efficacité d’une psychothérapie? Brève mise à jour scientifique. Bulletin de psychologie, 537(3), 237-242. Lebourgeois, C. (1999). Survol historique de la psychologie et de la psychothérapie existentielle-humaniste au Québec. Revue Québécoise de Psychologie, 20 (2). Lecomte, C. et Drouin, M.S. (2007). Psychothérapies humanistes. In S. Ionescu et A. Blanchet (éds.), Psychologie clinique, psychopathologie et psychothérapie (p. 407-435). PUF. Lecomte, C., Savard, R., Drouin, M. S., & Guillon, V. (2004). Qui sont les psychothérapeutes efficaces? Implications pour la formation en psychologie. Revue québécoise de psychologie, 25(3), 73-102. Misiak, H. et Sexton, V. S. (1973). Humanistic psychology. New York : Grune and Stratton. 2024-10-29 37 SEMAINE 10: PSYCHOTHÉRAPIE HUMANISTE EXISTENTIELLE Psy 4191 Psychologie humaniste existentielle PSY4191 - Psychologie humaniste 1 Plan de la présentation I. La psychothérapie humaniste-existentielle : Quoi? Comment? Pourquoi? II. Quelques dimensions essentielles de la psychothérapie humaniste existentielle III. La maison relationnelle (Finlay & Hewitt, 2022) 2 I. La psychothérapie humaniste existentielle: Quoi? Pourquoi? Comment? 3 Quoi ? 1. Un processus d’élargissement de la conscience «La première tâche de la psychothérapie est d’aider les clients à se révéler à eux-mêmes, par la recherche intérieure, les façons par lesquelles ils restreignent leur conscience et, partant, leur vie.» (Bugental et Bracke,1992, p. 31). Ouverture de la conscience comme ouverture de la compréhension et ouverture des possibilités. Le travail thérapeutique est un travail d'éclaircissement des présupposés et de reformulation de vérités subjectives. Les présupposés, en tant qu'impensés, sont à l’œuvre dans les conflits internes et relationnels. ▪ «Je fais ça parce que c'est comme ça qu'on fait.» ; «J'ai toujours pensé que...» ; «Chez nous c'est comme ça que ça se passe.» ; «Je dois...» 4 Quoi ? 2. Une rencontre avec soi Dans le contexte de la thérapie, le patient et le thérapeute participent à un événement dans lequel le patient s’entend parler et penser. Dans cette expérience, il se trouve reconduit à lui-même. Il peut alors prendre le temps (le risque!) de nommer puis d'éprouver réellement certaines émotions qui étaient jusque-là enfouies ou intellectualisées. Établir des liens entre ces émotions et certaines expériences difficiles de son histoire de vie. Le patient se voit peu à peu transformé par ce chemin de (re)découverte de soi. Attention! La thérapie ne consiste pas à découvrir sa «vraie» nature, son identité «unique», sa «vérité» absolue, mais d’être à l’aise dans le monde, dans une diversité de situations. 5 Quoi ? 3. Une relation Par sa posture empathique et non complaisante, le thérapeute cherche à faire vivre au patient un sentiment d’acceptation inconditionnelle. o Pouvoir comprendre et exprimer ses besoins et émotions, se sentir valorisé, sans pourtant être idéalisé. La relation thérapeutique est une relation de sens (centrée sur l'herméneutique) et une relation nourrissante psychiquement (centrée sur l'acceptation et sur le dévoilement de patterns relationnels). o Offre une nouvelle réponse aux conflits habituels: Quand je fais x ou que je dis x, je m'attendrais à ce w arrive, mais il se passe y. Cette relation thérapeutique a le potentiel d'être réparatrice. Car le patient expérimente une nouvelle façon d'être en relation, laquelle fera apparaitre de nouvelles perspectives sur le monde (ex: je comprends mieux mon monde et mes patterns; le monde est sécuritaire) et sur soi-même (je suis digne de valeur; l'autre peut me comprendre et me veut du bien). Le thérapeute soigne avec ses compétences (ses savoirs théoriques et méthodologiques) mais aussi avec ce qu’il est. Son savoir-être est essentiel. o L’alliance thérapeutique: meilleur prédicteur du succès d’une psychothérapie (Flückiger et al., 2018). 6 Pourquoi ? 1.Pour être plus libre (et plus responsable) La thérapie s’effectue dans l’action, en visant l’acquisition d’expériences nouvelles, notamment par la prise de risques. o Dans l'espace thérapeutique d'abord, puis à l'extérieur. L’être humain donne un sens à sa vie à travers ses choix, mais aussi en regard des limites. C’est par la capacité de choix dans la contingence qu’il s’engage subjectivement dans sa vie. La thérapie devient un lieu d’apprentissage de la liberté. Plus on est libre, plus on a des responsabilités. On devient l'unique dépositaire des actions et des choix qu'on pose, autant face aux autres que face à soi-même. o Processus de maturation psychique. o Culpabilité (cf. Karl Jaspers) 7 Pourquoi ? 2.Pour se transformer Un travail réflexif se déroule à l'intérieur d'un dialogue avec une autre personne. Réfléchir dans un cadre herméneutique nous change. Une compréhension profonde entraîne un réel changement (émotions, comportements, pensées), c'est-à-dire une modification dans des rapports à soi, aux autres et au monde. L’être humain se comprend à partir de son immersion dans sa propre histoire et dans sa possibilité de réinterpréter son histoire. Le dialogue comme sortie d'une situation ou compréhension figée. La compréhension de soi ne signifie pas la transparence à soi. La thérapie n’est pas une purification. Elle vise davantage la tolérance d’une certaine ambiguïté et la capacité de se lier dans cette ambiguïté. 8 Pourquoi ? 3.Pour atteindre une forme d’équilibre La santé est un processus constant de stabilisation et d’équilibre. (cf. Canguilhem) L’équilibre, ici, n’a rien de statique, mais se veut un processus dynamique fait de changements. Être en bonne santé, c'est avoir la capacité de s'adapter et de se relever des souffrances. Le thérapeute et le patient se questionnent ensemble sur les changements possibles à apporter et qui peuvent permettre de se rapprocher de la santé. Prendre contact et identifier les sources de sens et de plaisir. 9 Pourquoi ? 4.Pour détruire Pour créer du nouveau il faut démanteler l'ancien (Quintin, 2012) o Détruire des liens symboliques (interprétations) pour en former de nouveaux. Faire face à la violence en soi o La rencontre avec soi implique de se rencontrer dans tout ce qu'on est en tant qu'humain, incluant nos zones d'ombre. o Assumer la responsabilité face à notre agressivité. Apprivoiser ou au contraire tempérer son rapport à la colère. o Mobiliser l'agressivité et la colère pour en faire un moteur sain d'expression de soi et de ses besoins auprès des autres. Faire face à la violence en l'autre o Admettre qu'un mal nous a été fait, qu'un trauma nous est arrivé. o Reconnaissance et renoncement à ce qu'on ne nous a pas donné, alors qu'on y avait droit. (Dr. Marc-Simon Drouin, UQAM) o Tolérer les limites d'autrui et ajuster nos attentes. Comment ? Par la création et le maintien d'un dialogue herméneutique Poser au patient des questions qui favorisent l’exploration et l'élargissement de sa conscience. Il s'agit de refléter et parfois aussi de «métaboliser» pour lui ce qui se passe. Trois niveaux : pensées, émotions, sensations Quatre champs : (cf. Gilles Delisle, PGRO) ▪ 1: passé du patient ▪ 2: passé de la relation thérapeutique ▪ 3: présent du patient ▪ 4: présent de la relation thérapeutique Le patient est expert de sa subjectivité alors que le thérapeute est expert du chemin à parcourir pour faire advenir une subjectivation et une relation réparatrice. Le thérapeute ne sait pas nécessairement où il va, mais il connait les façons et les conditions pour faire apparaître ce chemin à suivre. 11 Pause Automat, 1927, Edward Hopper II. Quelques dimensions essentielles de la psychothérapie humaniste existentielle Inspiré de Bob Edelstein, lui-même inspiré des approches de May, Rogers, Burgental, Yalom, Winnicott, etc. 13 1-Être avant de faire C’est l’être qui est le moteur de la thérapie avant le faire. Le faire résulte de l’être (May, 1983). Se détacher d'une logique instrumentale, pour être ensemble. Attitude phénoménologique : Tenter d'abord de suspendre nos présupposés sur le patient, sur «quoi faire», «trouver une solution», etc. Encourager le patient à «être là», dans cette disposition Présence : immobilité, inhibition, silences Travail d'équilibriste: les réponses émergent de ce qui est là, dans l’instant, bien qu'on ait en tête le motif de consultation, la structure psychologique du patient et son histoire développementale. 14 1-Être avant de faire La présence implique la qualité d’être dans une situation et une relation. Présence à trois niveaux Tolérer la souffrance et l'impuissance avec l'autre. Avoir confiance en son mode d'être et en son intention d’être aussi conscient et engagé que possible (Bugental, 1978). 15 2-Écoute des thèmes existentiels Thèmes existentiels sont révélateurs de l'expérience vécue et de la condition humaine. Ces thèmes se trouvent au cœur de divers enjeux : Relations, perte, abandon, isolement Contrôle, impulsivité Responsabilité, anxiété du choix Valeurs, croyances Estime de soi Sens, absurdité Souffrance, maladie, mort 16 À partir de ces thèmes... Explorer Expérimenter S’engager Modifier ou laisser-aller pour intégrer Créer et détruire des interprétations, des significations et des liens Transformer pour se transformer 17 3-Le processus versus le contenu Un « chemin » de progression avec le patient Régressions possibles L'écoute à la base du processus de changement Focalisation sur les émotions : ressentir et s'observer ressentir avant de se transformer Focalisation sur les relations interpersonnelles et la relation thérapeutique La relation thérapeutique comme échantillon, à l'œuvre tout au long du processus Attention à ce qui revient, à ce qui se répète, à ce qui stagne tout au long du processus 18 4-Porter et contenir Holding (D. W. Winnicott) Prendre soin (cf. porter un enfant) pour répondre aux besoins fondamentaux d'être vu et d'être en relation. Capacité à « porter » en soi le patient, incluant des affects et contenus intolérables. Fonction contenante (W. R. Bion) Aider le patient à identifier et mentaliser ses émotions. Repose sur la capacité du psy de recevoir et de transformer les pensées du patient pour lui rendre représentables (symbolisables). Capacité à incarner une présence suffisamment solide et sécure pour que le patient puisse élaborer son expérience, expérimenter des états affectifs et prendre des risques. Offrir un «cadre» thérapeutique. Offrir une «maison» relationnelle habitable (voir schéma de Finaly & Hewitt Evans, 2022) 19 4-Porter et contenir Bref... Créer l’espace propice pour que se déploie le processus thérapeutique. Mettre notre expérience au service du processus et des besoins du patient Qu'est-ce que ça me fait de recevoir ça? Qu'est-ce que mon expérience me dit de ma relation avec le patient ou de ce qu'il peut ressentir en lui-même? Pourquoi je me sens ainsi? Pourquoi je suis habitée par telle pensée depuis la fin de cette séance? Par cette intervention, est-ce que je réponds au besoin du patient ou à mon propre besoin? Présence à soi et régulation de ses propres émotions 20 5-Inclure plutôt qu’ignorer Tout compte! Quotidienneté des enjeux existentiels et relationnels Anecdotes Toutefois, faire preuve de prudence dans l'interprétation. «Interpréter trop et ne pas interpréter suffisamment sont les deux écueils que nous devons éviter.» (Quintin, p. 41) 21 6-Cultiver la relation « je-tu » Martin Buber (1958) distingue la relation « je-tu » (I-Thou) de la relation « je-cela » (I-it) Je-tu : la relation entre thérapeute et patient Je-cela : la relation avec la chose, c'est-à-dire à l'évènement, au problème, au diagnostic, au contenu du discours, etc. Primauté de la relation je-tu Cette relation a préséance sur la relation « je-cela » car c'est à travers elle que se déploie le processus et l'alliance. 22 7-L'authenticité Être authentique et être vu en tant que personne Travailler à la subjectivation du patient Faire de la place à la subjectivation du thérapeute, qui n'est pas seulement un «objet» pour le patient, mais aussi un sujet, c.-à-d. une «vraie» personne (avec des affects, des besoins, un héritage). Se permettre de partager avec bienveillance ce qu’on perçoit de l'autre, de sa parole, de sa présence, etc. Attention, l'authenticité du thérapeute n'est pas synonyme de dévoilement de soi! L'espace particulier de la thérapie : un des seuls endroits où l'honnêteté et l'authenticité sont vraiment possibles pour le patient. Un espace sans jugement à partir du moment où le patient sent que vous n'allez pas le juger ou que vous êtes prêt (et surtout capable) de l'entendre. 23 8-Intention et résistance Intention : volonté d'atteindre un sentiment d’unité (wholeness) et de cohérence, désir de changement, vouloir faire la paix, «être bien» Résistance : reprendre le contrôle, rester dans le connu, éviter d'aller revisiter une souffrance intolérable, ne pas trop s'engager pour ne pas risquer de perdre ou d'être à nouveau abandonner, ne pas s'ouvrir pour éviter d'être à nouveau critiqué ou humilié 24 8-Intention et résistance 25 Deux mouvements à l’œuvre dans le processus thérapeutique (Hagman, Paul & Zimmermann, 2019) Espoir vs peur Désir de changer vs peur de la répétition du traumatisme (de souffrir davantage) Identifier ces mouvements en séance avec empathie et les normaliser Parler en termes de tentative de protection et mécanisme d'adaptation (vs mécanisme de défense à attaquer) Prendre soin du narcissisme du patient (cf. Kohut) Inviter à la prise de risque en thérapie, puis à l'extérieur de l'espace thérapeutique 11/5/2024 9-Cultiver et réparer l'alliance Alliance thérapeutique : qualité de l'entente entre le psychologue et le patient sur ce qu'ils sont en train de faire (objectifs) et sur la manière de le faire Critique et destructivité, possiblement dirigé vers le thérapeute qui doit «survivre» et exposer l'état de l'alliance pour en faire, lorsque pertinent, une matière à penser. Une part du travail thérapeutique est d'identifier et de réparer les ruptures d'alliance. L'alliance varie dans le temps, se faisant elle est toujours à réactualiser et à approfondir. Parfois, créer une alliance thérapeutique constitue le principal objectif thérapeutique. (cf. Nancy McWilliams) 26 10-Réciprocité Relation basée sur la réciprocité, et non sur la hiérarchie. Inégalité en termes de souffrance, de dévoilement et de vulnérabilité Mais réciprocité sur le plan de la condition humaine. Utilisation du mot «client» chez Carl Rogers Le patient a toujours quelque chose à nous apprendre. Toute rencontre nous transforme personnellement et change nos horizons (Gadamer, 1996) 27 11-Quelques techniques Reflets Reflets de compréhension (interprétation) Questions ouvertes L’écoute multimodale 28 12-Une curiosité bienveillante C'est comment être l'autre? C'est comment vivre ça? Qu'est-ce que ça veut dire? Ex : être en colère (exploser vs se replier) La curiosité bienveillante n'est pas une curiosité perverse ou intéressée Cadre thérapeutique et objectifs consentis 29 13-Une posture Humilité et ouverture Les 5 émotions fondamentales du psy (cf. Alexandre Francisco, 2023) Impuissance Ignorance Incertitude Culpabilité Incomplétude Ces émotions, lorsque non conscientes, favorisent le passage à l'acte, la sur-intervention, les solutions hâtives ainsi que la confusion entre besoin de soi et besoin du patient. 11/5/2024 30 L'espace thérapeutique comme maison relationnelle Appartenance: se sentir accueilli dans un espace de non-jugement et de respect mutuel, où toutes les parties du soi peuvent Sécurité: un espace être intégrées Être-avec: une expérience pour s'ouvrir et authentique d'un contact recevoir, où les humain à humain engagés défenses habituelles ensemble à comprendre peuvent être relâchées Contenance: une confiance Affirmation: se sentir vu et en la possibilité d'être entendu par une personne supportée, contenue, suffisamment bien (Finlay & Hewitt, 2022) protégée et portée par une accordée, engendrant le personne présente, solide sentiment d'être digne et disponible d'exister Discussion Sous-groupes de 6-7 personnes Assurez-vous de laisser chaque personne du groupe s'exprimer en respectant les temps de parole Faites preuve d'ouverture et de respect pour cultiver le dialogue Faites des liens avec les lectures de la semaine ! 32 Discussion sur la psychothérapie 1. Discuter de la forme de changement que vise la psychothérapie humaniste existentielle? 2. Définissez ce qu'est la «maison relationnelle» en psychothérapie humaniste existentielle et dites en quoi cette conceptualisation peut nous aider à comprendre le processus thérapeutique (le quoi, le comment et le pourquoi). 3. «Être un bon soignant ou une bonne soignante, c'est arriver à appliquer humainement ce que je sais.» Commentez. 4. Comment les notions du monde du travail et du monde de la fête peuvent-elles nous éclairer sur la psychothérapie humaniste existentielles? Au prochain cours Film Plus que jamais Remise du travail réflexif 2 À lire: « The incurable metastatic breast cancer experience through metaphors: the fight and the unveiling », Alexandra Guité-Verret et Mélanie Vachon 34 Références May, R. (1985). Ecstasy and violence. Dans My quest for beauty. Saybrook publishing company. Quintin, J. (2012). La mise en sens de l’expérience humaine. Cahiers du CIRP, 3, 42-59. Finlay L, Hewitt Evans J (2022) The transformative experience of finding a relational home with a psychotherapist. European Journal for Qualitative Research in Psychotherapy 12: 29—46. Flückiger C, Del Re AC, Wampold BE, Horvath AO. The alliance in adult psychotherapy: A meta- analytic synthesis. Psychotherapy (Chic). 2018 Dec;55(4):316-340. doi: 10.1037/pst0000172. Hagman, Paul & Zimmermann (2019). Intersubjective self psychology. A primer. Routledge. SEMAINE 11: PLUS QUE JAMAIS PSY4191: Psychologie humaniste Article Guité-Verret & Vachon (2021) La rédaction d’un blog comme façon de mettre en récit son expérience vécue Analyse phénoménologique interprétative des métaphores utilisées par les autrices de ces blogs Que nous disent ces métaphores de l’expérience vécue de la maladie incurable ? Comment peut-on mieux comprendre dans sa complexité et ses nuances l’expérience de la maladie incurable à travers l’exploration des métaphores utilisées par les autrices ? Comment la maladie incurable affecte le rapport à soi, à son corps, aux autres, au monde ? Paul Ricoeur La souffrance Pâtir o Un carrefour o Un vécu paradoxal o Un appel au sens Soi L'identité narrative o Le récit au cœur de l'identité humaine o La connaissance de soi comme interprétation Autrui o La mise en récit comme négociation Agir Plus que jamais (2022) Emily Atef, réalisatrice franco-germano- iranienne, née en 1973 à Berlin-Ouest, en Allemagne de l'Ouest. Comment peut-on mieux comprendre l'expérience de la fin de vie à travers les vécus et perspectives des différents personnages et à travers des choix cinématographiques de la réalisatrice pour les mettre en récit ? Discussion Que nous apprennent les interactions d’Hélène avec ses ami.es et son amoureux Mathieu sur l’expérience de vivre avec une maladie incurable ? Que signifie selon vous le voyage qu'Hélène désire faire? Quelle serait la fonction de ce voyage en regard de sa condition et de son expérience? Que symbolise, selon votre interprétation, la présence de l'eau qui est capturée par la caméra tout au long du film? Quels grands thèmes relatifs à la condition humaine sont mis en lumière au cours du film ? o Discutez des diverses perspectives offertes par le film (Hélène, Mathieu, Mister, ami.es, médecin) sur ces thèmes et à quel point celles-ci s’accordent ou non avec votre perspective personnelle et/ou clinique. Si Hélène désirait entamer un processus avec vous comme thérapeute, sur quels éléments de l'approche humaniste vu jusqu'à maintenant dans le cours baseriez-vous votre accompagnement et votre posture ? 5 Au prochain cours Lecture obligatoire: « Penser la mort », André Comte-Sponville Lecture optionnelle : « La recherche de sens en oncologie : fondements théoriques et application clinique de la logothérapie », Mélanie Vachon et R. Dupuis D’ici la fin de la journée Remise du travail réflexif 2 6 SEMAINE 12: LA LOGOTHÉRAPIE DE VIKTOR Psy 4191 FRANKL Psychologie humaniste existentielle PSY4191 - Psychologie humaniste 1 Plan de la présentation 1. Fin du cours du 6 novembre : l'espace thérapeutique comme maison relationnelle et retour sur les 5 émotions selon Alexandre Francisco 2. Introduction à la pensée de Victor Frankl 3. La logothérapie : une psychothérapie du sens 2 L'espace thérapeutique comme maison relationnelle Appartenance: se sentir accueilli dans un espace de non-jugement et de respect mutuel, où toutes les parties du soi peuvent Sécurité: un espace être intégrées Être-avec: une expérience pour s'ouvrir et authentique d'un contact recevoir, où les humain à humain engagés défenses habituelles ensemble à comprendre peuvent être relâchées Contenance: une confiance Affirmation: se sentir vu et en la possibilité d'être entendu par une personne supportée, contenue, suffisamment bien (Finlay & Hewitt, 2022) protégée et portée par une accordée, engendrant le personne présente, solide sentiment d'être digne et disponible d'exister 13-Une posture Humilité et ouverture Les 5 émotions fondamentales du psy (cf. Alexandre Francisco, 2023) Impuissance Ignorance Incertitude Culpabilité Incomplétude Ces émotions, lorsque non conscientes, favorisent le passage à l'acte, la sur-intervention, les solutions hâtives ainsi que la confusion entre besoin de soi et besoin du patient. 11/19/2024 4 Introduction à la pensée de Victor Frankl 5 Viktor E. Frankl (1905-1997) Psychiatre et neurologue 1940 : direction du département de psychiatrie d'un hôpital réservé aux personnes juives 1942 : Frankl est séparé de sa famille Passe 3 ans dans différents camps de concentration nazis, dont Auschwitz Survivre en pensant à l'amour qu'il avait pour sa femme et à son projet de livre sur la logothérapie Libéré en 1945 Man’s Search for Meaning 6 L’être humain, au prisme du « soi existentiel » Le soi existentiel est le noyau de l’être humain, l’essence de notre humanité. Ce soi existentiel veut s'exprimer : il cherche et reconnaît les occasions permettant son expression. C’est à partir de ce noyau qu'on prend des décisions et qu’on prend position par rapport aux événements et contingences de notre vie. Valeurs profondes Le soi existentiel se révèle surtout à la conscience lorsqu'on souffre. Exemples: Incohérence entre expérience et valeurs profondes, existence menacée réellement ou symboliquement Frankl appelle à un travail existentiel : être attentif et mettre en lumière, par la conscience, les possibilités d’expression du soi existentiel. 7 La liberté de choisir Les êtres humains sont motivés à chercher et à trouver un sens à leur vie. Là se situe leur liberté. La quête de sens est la force motivationnelle primaire de l'être humain. o versus recherche de plaisir chez Freud Autrement dit, les êtres humains sont attirés par la recherche de sens, plutôt que d’être poussés à agir sous la force de quelque chose d’autre. 8 « Lorsqu’il se rend compte à quel point il est irremplaçable, l’être humain devient profondément conscient du fait qu’il est responsable de sa vie. Une personne qui réalise l’ampleur de la responsabilité qu’elle a envers un être humain qui l’attend, ou vis-à-vis d’un travail qui lui reste à accomplir, ne gâchera pas sa vie. Elle connait le "pourquoi" de cette vie, et pourra supporter tous les "comment" auxquels elle sera soumise. » (Frankl) 9 La liberté de choisir Les êtres humains portent donc en eux la liberté et la capacité de trouver un sens aussi longtemps qu’ils sont conscients Frankl ne clame pas l’absence de déterminants biologiques, psychologiques ou psychosociaux. Il fait plutôt référence à la capacité humaine de choisir consciemment son attitude face à ses conditions de vie. On vit tous dans des conditions de vie différentes, certaines plus contraignantes que d’autres, et certaines sur lesquelles on n'a aucun contrôle, mais on a la liberté de donner ou non un sens particulier à ces conditions dont on fait l'expérience. 10 Le sens de la vie Le sens existe toujours. Peu importe la situation. Puisque nous sommes des êtres interprétants. L'herméneutique comme manière d'être, dirait Bernd Jager Le sens est individuel. L’autre ne peut pas me fournir un sens, il ne peut que m’accompagner dans ma recherche. Il est toutefois possible de partager des sens ou des valeurs communes. Selon Frankl, il n’existe pas un sens général abstrait qui se révèle à nous. 11 Le sens de la vie Le sens n'est pas fixe oLe sens de la vie fait référence au sens que chacun donne à un moment particulier de sa vie. oLe sens change dans le temps en fonction des événements et des prises de conscience. oC'est pourquoi on est appelé à vivre souvent des crises existentielles. Le sens se trouve dans ce qu’on choisit de voir et de comprendre, donc dans l’attitude qu’on adopte face à chaque situation ou chaque individu. 12 Le sens de la vie Si le sens est individuel, le sens se trouve dans l’investissement à l’extérieur de soi. « L’humain doit chercher à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur de lui- même. La vie de l’être humain est toujours dirigée vers quelque chose ou quelqu’un d’autre que soi-même, qu’il s’agisse d’un but à atteindre ou d’un être humain à connaître et à aimer. Plus on s’oublie soi-même, plus on est humain. » (Frankl) Le sens est caractérisé par une certaine transcendance ▪ Parallèle à faire la définition de l'existence humaine chez Simone de Beauvoir 13 « La raison de vivre varie en fonction des individus, de leur situation et de leur histoire. Ce n’est donc pas le sens global de la vie qui importe, mais bien celui que lui attribue une personne à un moment donné de sa vie. Inutile de chercher un sens abstrait à la vie. Chacun a pour mission de mener à bien une tâche concrète unique. La vocation de chacun est donc unique, tout comme sa façon de la réaliser. » (Frankl) 14 Souffrance et angoisse existentielle Une personne qui souffre d’un «vide existentiel», c’est-à-dire qui ne peut trouver de sens à leur vie et qui n'est pas guidée par ce sens, peut faire l'expérience d'affects anxieux et/ou dépressifs. Ex : Lorsqu'on n’a pas su trouver un nouveau sens à la suite d’un changement de vie ; lorsqu'on est constamment à la recherche d’idéaux ; lorsqu'on imite les autres ou qu'on se plie à leurs désirs. L'angoisse existentielle peut permettre une ouverture, un « éveil » existentiel. Elle est en cela utile. Il s'agit de cerner les sources de non-sens dans sa vie et tenter de comprendre ce qui se passe en soi, en ce moment, afin de changer ce qui ne convient pas. 15 Souffrance et angoisse existentielle L'angoisse n’est donc pas nécessairement une psychopathologie. Une souffrance qui tire sa source d’un vide existentiel peut constituer une possibilité de réalisation humaine, si la difficulté à trouver un sens à sa vie donne lieu à une recherche intense de sens qui porte ses fruits. Éteindre tout de suite l'angoisse peut nuire à l'accès d'une certaine vérité ou la prise de conscience d'un profond besoin de changement, et donc désamorcer une quête de sens qui aurait pu être utile et contribuer au bien-être de la personne. 16 Angoisse existentielle et impact de l'ancrage culturel Effondrement des idéologies et des valeurs traditionnelles en Occident : aucun modèle obligatoire à suivre ou de sens partagé autour de la souffrance et de la mort. Nous ne cherchons plus à assurer notre survie. Nous vivons dans une société de consommation et d’abondance. Ironiquement, plusieurs personnes souffrent d’un manque (un manque de sens, une impression de vide). Grand sentiment de liberté. Mais avoir à tout choisir peut être vécu comme angoissant. 17 La logothérapie pensée par Frankl 19 Logothérapie Le terme logos, d’origine grecque, signifie sens ou raison. La logothérapie est donc une thérapie par le sens basée sur les prémisses que : o L’être humain possède un besoin existentiel d’attribuer un sens à sa vie et aux expériences vécues. o Chaque personne doit, pour elle-même, identifier ce sens, ces raisons de vivre. o Des efforts doivent être déployés par chacun pour trouver ces raisons, ce sens. Approche existentielle basée sur le sens et la responsabilité. 20 L'optimisme tragique En logothérapie, on reste optimisme malgré la « triade tragique » de l’existence humaine : la souffrance, la culpabilité et la finitude. Pourquoi l’optimisme ? Tirer le meilleur parti possible de chaque situation. Être confiants que nous sommes capables de transformer les aspects négatifs de notre vie. o Souffrance > réalisation humaine. o Culpabilité > occasion de s’améliorer. o Caractère éphémère de la vie > invitation à agir de façon responsable. 21 Les 3 voies du sens selon Frankl 1. Voie créative 2. Voie expérientielle 3. Voie attitudinale Crossroads de Vicco Gallo https://www.flickr.com/photos/galllo/4217296448 22 Voie créative Représente ce que l’on apporte au monde et à ceux qui nous entourent. Toutes choses auxquelles on contribue et que l’on crée. o Par ex. le repas que l’on prépare ou le réconfort qu’on apporte à un patient. (se)dévoiler de Patsy Van Roost https://www.patsyvanroost.com/work/brine-55fpy 23 Voie créative Peu importe jusqu’à quel point ces gestes peuvent sembler banals pour certains, la reconnaissance de notre contribution à une situation ou à la vie d’un autre ajoute au sens de notre vie Ce qui rend de tels gestes significatifs est le niveau de conscience dans lequel ils sont enchâssés. Les accomplissements peuvent être source de sens lorsque l’investissement que nous y mettons reflète nos intentions et nos valeurs. (se)dévoiler de Patsy Van Roost https://www.patsyvanroost.com/work/brine-55fpy 24 Voie expérientielle : l’expérience affective, le contact avec la beauté Selon l’approche existentielle, les expériences affectives, l’amour, l’amitié authentique, l'art, la nature et plus généralement la beauté nous permettent de transcender notre condition en nous transportant dans un état de contemplation. Se sentir comme faisant partie de quelque chose de plus grand que soi. La quête de sens par l’expérience affective tient dans la conscientisation et la reconnaissance de nos sources d’expériences affectives. 25 Voie expérientielle Le sens peut émerger d’expériences aussi simples que l’appréciation de ce qui nous est donné. o La beauté naturelle des montagnes o Chefs-d'œuvre, art de rue o Relation aimante et encourageante La fresque de Jean participant projet Vieillir au bon endroit o Etc. Malgré les cadeaux que la vie nous offre, lesquels pourraient ajouter un certain sens à notre vie, un manque de conscience et de sensibilité empêche d’apprécier la beauté et ses présents. Par conséquent, accroître sa présence et sa conscience est nécessaire afin de profiter de ces expériences. Pu jamais // Mon bonheur de Simon participant projet Revenir à la maison ? 26 Voie attitudinale Le sens peut provenir de l’acceptation de situations qu’on ne peut changer, c’est-à-dire dans un changement d’attitude face à des situations immuables ou inaltérables. o Cela ne veut pas dire de nier notre expérience! o Offre plutôt une alternative au détachement ou à l'évitement. o Implique de développer une tolérance à l'ambiguïté 27 Voie attitudinale Frankl suggère que la liberté ultime de l’être humain tient dans sa capacité à choisir son attitude face à une situation inéluctable. La vie implique nécessairement des souffrances et pour Frankl survivre à ces souffrances implique de leur donner sens 28 Sens de la souffrance « La souffrance nous protège contre l’apathie ». Les êtres humains grandissent et développent une plus grande maturité spirituelle et existentielle en faisant face à la souffrance, laquelle peut tous nous enrichir et nous renforcer. La souffrance crée notamment une ouverture pour permettre la vulnérabilité, le soin et l’expression d’amour. 30 Conscience et responsabilité Nous avons la responsabilité de trouver un sens à notre vie et de grandir comme personne à partir de nos souffrances. o Cette responsabilité chez Frankl est à la base de la condition humaine o Responsabilité envers nous-mêmes ! Les sources de sens sont appréciées si on en est conscient. o On doit s'efforcer d'élargir notre conscience. 31 Créativité demande de l’engagement Engagement Modifier nécessaire notre attitude pour être demande de présent.e à la créativité l’expérience Présence à l’expérience permet de modifier notre attitude 32 Le trauma une attaque au sens de la vie // La croissance post-traumatique comme possibilité de redonner sens à sa vie Brève présentation de la patiente Femme de 20 ans Survivante d'un accident dans lequel l'ensemble de sa famille a péri alors qu'elle était enfant Étudie pour devenir infirmière Dépression alors qu'elle entame son stage clinique Ce que l'exploration phénoménologique du vécu de la patiente met en lumière Culpabilité d'avoir survécu à cet accident qui émerge alors que la situation de stage ravive des souvenirs liés à l'accident Compréhension du cheminement thérapeutique à la lumière des 3 voies du sens o Attitudinale : le fait d'avoir survécu lui permet d'être à même aujourd'hui de sauver d'autres personnes o Créative : son expérience de vie a favorisé sa très grande empathie qui lui permet d'entrer dans des relations significatives avec les personnes qu'elle accompagne o Expérientielle : elle ressent beaucoup de gratitude pour son oncle et sa tante qui l'ont accueilli après le drame et tout l'amour qui caractérise la famille qu'ils forment maintenant (Inspiré de Vachon et al., 2016) 33 "Comprendre le sens de quelque chose signifie d'abord saisir la figure que forment divers éléments lorsqu'on les relie les uns aux autres, recueillir les liens qui existent ou en inventer de nouveaux pour percer la réalité. Nous sommes des êtres de liens. Plus que tout, nous tendons vers ce qui nous relie - à nous-mêmes, à l'autre, au monde et à ce que qui nous transcende. Nous avons besoins de nous sentir liés, et ce sentiment précède celui d'être unis, de participer à cette formidable et vertigineuse aventure qu'est la vie" Hélène Dorion, L'étreinte des vents (2009) 34 Earthtime 1.26 de Janet Elchman ( Dans My quest for beauty (1985) Discussion Sous-groupes de 6-7 personnes Assurez-vous de laisser chaque personne du groupe s'exprimer en respectant les temps de parole Faites preuve d'ouverture et de respect pour cultiver le dialogue Faites des liens avec les lectures de la semaine ! 35 Maison relationnelle et logothérapie 1. Définissez ce qu'est la «maison relationnelle» en psychothérapie humaniste existentielle et dites en quoi cette conceptualisation peut nous aider à comprendre le processus thérapeutique (le quoi, le comment et le pourquoi) 2. Décrivez la vision de Frankl sur la souffrance et son rôle dans l'existence humaine. Comment celle-ci peut nourrir un travail d'accompagnement ? Essayez d'explorer la perspective du patient et du soignant. 3. Selon vous, quelle est la pertinence de la logothérapie dans nos sociétés occidentales contemporaines? 4. Frankl a défini trois voies à emprunter pour donner sens à notre expérience. Réfléchissez à comment vous ou une personne que vous avez accompagnée vous êtes déjà engagé.es dans une ou plusieurs de ces voies ? Comment cet engagement a été vécu ? A-t-il permis de transformer l'expérience ? Au prochain cours Psychologie et éthique Lecture obligatoire: « Quand enseigner l ’éthique devient un geste politique. Peut-il en être autrement ? », Jacques Quintin 37 Références Frankl., V. (1959). Man's search for meaning. Beacon Press. Frankl, V. (1955). The doctor and the soul. Alfred A. Knopf. Southwick, S. M., Gilmartin, R., Mcdonough, P., & Morrissey, P. (2006). Logotherapy as an adjunctive treatment for chronic combat-related PTSD: A meaning-based intervention. American journal of psychotherapy, 60(2), 161-174. Vachon, M., Bessette, P. C., & Goyette, C. (2016). “Growing from an invisible wound”: A humanistic-existential approach to PTSD. In G. El-Baalbaki, & C. Fortin (Eds.), A multidimensional approach to post-traumatic stress disorder—from theory to practice (pp. 179–203). Intech. http://dx.doi. org/10.5772/64290 Wilmshurst, K. (2020). An integrated existential framework for trauma theory. Canadian Social Work Review, 37(2), 131-147. 38 SEMAINE 13: PSYCHOLOGIE & ÉTHIQUE Psy 4191 Psychologie humaniste existentielle PSY4191 - Psychologie humaniste 1 Plan de la présentation I. Bien vivre et vivre ensemble II. Une posture éthique, un monde habitable 2 I. Bien vivre et vivre ensemble 3 Éthique, morale et déontologie Morale : ensemble de croyances relatives au bien vivre Déontologie : ensemble de règles et de devoirs qui régissent la conduite des membres d'une profession Éthique : pratique réflexive sur les principes, les normes et les règles qui dessinent le bien vivre 4 Santé, bien vivre et éthique Selon Gadamer, le souci de la santé de chacun est un phénomène de l’être humain qui épouse le souci du bien vivre. Le propre de toutes les thérapies est d’intervenir pour favoriser le bien vivre. Ainsi, la visée de la santé recoupe la visée éthique. Quel est ce bien? En santé mentale, la question se pose: Quels sont les changements à opérer pour favoriser le bien vivre ? Il ne s’agit pas de faire le bien mais plutôt de favoriser les conditions pour que le bien vivre soit possible (Quintin, 2005, 2020)5 Des valeurs prises comme fin vs moyen de mieux vivre L’exemple de l’autonomie « La vulnérabilité est liée à l’autonomie, elle la densifie, elle la rend viable, humaine […] La vulnérabilité est une combinaison d’hyper-contraintes, qui sont souvent d’emblée dévalorisées, stigmatisées par la société comme étant non-performantes, invalidantes et créatrices de dépendances. Mais elle nous invite, nous les «autres », à mettre en place des manières d’être et de se conduire, précisément autres, aptes à faire face à cette fragilité pour ne pas la renforcer, voire pour la préserver, au sens où cette fragilité peut être affaire de rareté, de beauté, de sensibilité extrême. » (Fleury, 2019, p.8) 6 Stigmatisation « Dans une culture où domine la rentabilité, les êtres humains sont exposés à l’exclusion et au rejet à la moindre défaillance. » Du grec, stigma, qui signifie « piqûre » ou point. Il décrit un signe ou une marque à partir desquels il est permis de reconnaître une blessure, une maladie, une étiquette sociale négative que nous attribuons à des personnes en particulier qui a pour effet de les marginaliser ou de les exclure. Ces pratiques privent des liens qui les rattachent à un monde commun. Auto stigmatisation « La maladie est une forme d’exclusion hors de l’existence qui nous concerne tous. » (Quintin, 2005) 7 Soigner dans ce contexte ? « Soigner en psychiatrie c’est se battre contre les inégalités sociales, la stigmatisation et l’exclusion. » Le thérapeute doit donc en partie se faire un devoir de sortir le patient de cette situation de défection sociale et contribuer à ce qu’il puisse reprendre en main sa vie, dans l’action. Dans le contexte de la thérapie ET dans son implication citoyenne Responsabilité qui incombe aussi à la société (Quintin, 2005) 8 Un lien réparateur dans un contexte social particulier Défenseur de la singularité du patient Les appareils institutionnels, les réalités professionnelles avec leur logique instrumentale laissent souvent pour compte les questions les plus fondamentales… Guérison & adaptation vs Soin & puissance créative « L’enjeu pour les soignants est de consolider les capacités de l’individu, de l’accompagner dans sa réinvention des normes de vie –autrement dit, de lui suggérer l’entrée dans une dynamique de création, et non lui faire viser un retour à l’état antérieur, ce qui demeure illusoire » (Fleury, 2019) 9 La psychologie humaniste existentielle comme possibilité du mieux vivre ensemble « Il est permis de croire que les thérapeutes, à défaut de guérir les malades, atténuent les effets de la maladie sur les générations futures en améliorant les conditions de vie psychique de chaque individu, à l’intérieur de sa famille et de sa communauté. » (Quintin, 2005) Éthique du futur, de la réparation, de la responsabilité… (Müller, 1998) 10 Psychologie humaniste et responsabilité sociale « Tout ce travail psychothérapeutique qui consiste à réintroduire la subjectivité dans nos vies se double de la sorte d’une démarche quasi militante qui tente de créer des conditions sociales propices aux sens nouveaux. Pour soigner la personne, il faut aussi soigner la société qui est très souvent plus malade encore. » Multiplier les horizons d’interprétation « Le meilleur moyen pour assurer un mouvement d’oscillation entre la responsabilité personnelle et la responsabilité civile est un dialogue qui permet de contrer les fausses images, notamment à l’aide de différents récits de vie. » Faire place à un discours collectif empreint de dialogue, nuance, ouverture… (Quintin, 2005) 11 Soigner dans ce contexte ? Aimer ! « J’habite le verbe « habiter » avec gêne. Je gribouille ce mot avec une craie de déracinée. Effet de génération ? Effet de ce système capitaliste qui déshabite ce qui serait habitable ?[…] J’atterris dans une ville à deux dimensions, sans profondeur. […] Sept-Îles boude l’eau, lui tournant le dos, et regarde ses orteils, le boulevard Laure, petite fin du monde durable. Je critique ce boulevard Laure, cette déshumanisation tranquille. Ce n’est pas le boulevard Laure lui-même qu’il faut combattre, mais le boulevard Laure en moi, en nous, le Grand Maître des boulevards Laure, son esprit tentaculaire, qui s’infiltre dans l’âme et injecte somnolence, faux besoins. Nous faisons partie de ce monde, même si nous le questionnons.[...] Moi qui suis à des lieux de la précarité, de la perte d’emploi, j’essaie d’entendre l’angoisse. Ce patient, ayant égaré son sac à lunch: « je suis en maudit, c’est cher un sac à lunch ». Mon jugement se mue en soin. Je m’intéresse à mes patients. Je dois m’intéresser à Sept-Îles. Je développe un amour pour cette ville, ces habitants qui me révèlent mon ombre. Soigner A. ou K. ne suffit pas, il faut soigner Sept-Îles, aimer Sept-Îles, jusqu’au boulevard Laure. Soigner : rendre ce monde habitable » Extrait de Soigner aimer de Ouanessa Younsi 12 II. Une posture éthique, un monde habitable 14 Élargir notre conception du soin Le soin : « une relation entre les humains, subjective et même créatrice de subjectivités [...], une relation morale, mais aussi sociale et donc déjà politique, un rapport au monde et même un souci du monde ». (Frédéric Worms, Soin et politique, 2012) 15 Évolution de la posture du psychologue La psychologie, tant comme science que comme pratique, a le plus souvent tenté d’éviter tout projet politique Posture scientifique comme neutre L'analyste comme écran blanc Approche centrée sur la personne 16 Une posture éthique Réfléchir sur l'éthique du soin dans la relation thérapeutique certes, mais aussi dans la société et ses institutions (santé, travail, éducation). Tâcher de promouvoir la valeur de tout un chacun S'ouvrir à l’altérité et au dialogue qui fait place à la différence Tenir compte du contexte : le sien, celui de l'autre et celui que nous partageons (ou non) Faire la différence entre éthique et déontologie Savoir-être : inscrire notre action dans une disposition particulière L'éthique, « c'est beaucoup plus que d'apprendre à se conformer aux bonnes pratiques, aux normes légales et déontologiques en vigueur», c'est une prise de conscience et une confrontation à celle-ci. 17 L'éthique du care Courant philosophique américain initié par Gilligan (1936- ) dans les années 1980 Conteste la vision de l'humain en tant qu’être rationnel (objectif plus que relationnel) et cherchant à maximiser sa satisfaction. Défend au contraire l'idée que l’interdépendance et la vulnérabilité ne caractérisent pas seulement certaines personnes, mais tout le monde. Care vs Cure 18 Dilemme éthique : « La femme de Heinz est très malade. Elle peut mourir d'un Selon Lawrence Kohlberg (1927-1987) instant à l'autre si elle ne prend pas un médicament X. Celui-ci est hors de prix et Heinz ne peut le payer. Il se rend néanmoins chez le pharmacien et lui demande le médicament à crédit. Le Stade de développement moral le plus pharmacien refuse. Que devrait faire Heinz? Laisser élevé: mourir sa femme ou voler le Morale basée sur des principes médicament? » universels abstraits (ex: droit, justice) et la rationalité =Majorité de garçons (test par Kohlberg) Stade moins élevé: Morale basée sur la réciprocité, les bénéfices mutuels et l'irrationalité (prise en compte des émotions...) =Majorité de filles (test par Gilligan) =Conclusion: une autre voix et une autre morale est possible 19 Les limites des valeurs abstraites « Penser la réalité de la maladie mentale strictement en termes de droits et libertés implique une réduction de sens et une exclusion d'un certain nombre d'enjeux non juridiques. Certes, la défense des droits et des libertés est essentielle, mais elle ne couvre pas l'ensemble des enjeux. Encore une fois, lorsque la défense des droits et libertés devient une fin en soi, nous oublions qu'elle était à l'origine animée par un souci de solidarité pour surmonter les inégalités, les abandons et les ségrégations. [...] C'est à l'usage que nous pouvons comprendre les limites d'une valeur. » (Quintin, 2020, p. 100) 20 L'éthique du care selon Joan Tronto, politologue et féministe américaine (début 44 sec) 21 L'éthique du care Qu'est-ce que le care? « Activité caractéristique de l’espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement, tout ce que nous cherchons à relier en un réseau complexe en soutien à la vie. » (Tronto, Un monde vulnérable, pour une politique du care, 2009) Considérer la vulnérabilité, les besoins et les préoccupations d’autrui en (re)connectant avec notre intelligence des situations particulières. 22 Un monde habitable S'inspirer de l'éthique du care pour rendre le monde habitable. Le monde n'est pas immédiatement habitable. On rend le monde habitable par le soin qu'on lui porte au monde, incluant le soin qu'on porte aux autres. (Cynthia Fleury, 2018) « Le soin ne suppose pas seulement la confiance, il l'engendre. Il est la source dans nos vies de toute confiance et peut-être même de notre confiance dans la vie. » (Frédéric Worms, Conversation avec Winnicott, 2015) 23 Un monde habitable L'oubli de l'importance du care ? Dévalorisation des métiers du care La pandémie comme exemple ou exacerbation d'une crise du soin : « De cette crise émergeront peut-être plusieurs prises de conscience : le besoin de soin, la nécessité d'une rémunération et d'un soutien justes et équitables pour le travail de soins et, enfin, celle d'être reconnaissants pour les soins que nous dispensons et ceux que nous recevons. » (Joan Tronto, sur France Culture en 2020) 24 Un monde habitable Participer à construire un monde qui permet l’actualisation du potentiel de chacun qui ne soit pas aux dépens du bien-être des autres. Dimension sociale de l'éthique. Là où il y a transformation personnelle, le monde se transforme lui aussi. Possibilité de s'ouvrir à notre révolte ou notre colère pour motiver notre quête de vie bonne. (Quintin, 2020) = « l'éthique du courage » Comment puis-je prendre action socialement à partir de mes savoirs, afin de contribuer à un monde plus humanisant ? Rendre explicite le monde afin de le « problématiser » et de dégager les présupposés qui gouvernent la pratique. (Quintin, 2020) Réintroduire des valeurs (vs neutralité), du dialogue et des actions inspirées dans un contexte social et relationnel plus large que la seule relation d'aide. 25 Un monde habitable L'engagement À autrui En soi et pour soi Dans le monde : intime (dans son milieu et dans la relation de soin) et collectif (qui sert le milieu) 26 Évaluation de l'enseignement Sur le Portail Possible jusqu'au 2 décembre 28 Discussion Sous-groupes de 6-7 personnes Assurez-vous de laisser chaque personne du groupe s'exprimer en respectant les temps de parole Faites preuve d'ouverture et de respect pour cultiver le dialogue Faites des liens avec les lectures de la semaine ! 38 Psychologie et éthique 1. Discutez comment une posture éthique contribue à un monde plus habitable ? 2. À quel regard critique « l'éthique du care » ouvre-t-elle, à l'échelle de la collectivité ? 3. En quoi l'éthique se distingue-t-elle de la déontologie? De la morale ? Et comment cette distinction s'inscrit-elle dans votre compréhension de l'accompagnement des personnes vulnérables et souffrantes ? 4. En tant que citoyen ou citoyenne, comment pourriez-vous incarner les valeurs de la psychologie humaniste existentielle ? 5. Répondez à la question suggérée par Quintin (2020) « Est-ce trop demander que d’inviter des étudiants qui sont déjà engagés dans des pratiques de soin à faire un pas supplémentaire en s’engageant en faveur de meilleures conditions de vie et pour des pratiques sociales et politiques plus justes ? » Au prochain cours Séance dédiée aux questions et préparation à l'examen Remise du travail réflexif 3 11 décembre : Examen final 40 Références Fleury, C. (2019). Le soin est un humanisme. Gallimard. Kinget (1975). The ethical animal. Dans On being human. Pp. 161-177. Müller, D. (1998). Les éthiques des responsabilités dans un monde fragile. Fides. Quintin, J. (2020). Quand enseigner l’éthique devient un geste politique. Peut-il en être autrement? Le Télémaque, 93-107. Quintin, J. (2012). La mise en sens de l’expérience humaine. Cahiers du CIRP, 3, 42-59. Quintin, J. (2005) La finalité de la thérapie. Dans Herméneutique et psychiatrie. Pp.101-114. Younsi, O. (2016) Soigner, aimer. Mémoire d’encrier.