Défenseur des droits et exécution des décisions de justice (RFDA) - PDF
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Dimitri Löhrer
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This article examines the enforcement of court decisions in France, highlighting the role of the Défenseur des droits. It argues that while significant progress has been made, challenges remain in ensuring the effective and timely execution of judgments, particularly in cases involving fundamental rights.
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15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz RFDA RFDA 2016 p.727 Le soutien du Défenseur des droits à l'exécution des décisions de justice Dimitri Löhrer, Maître de conférences à l'Université de Pau et des pays de l'Adour, Institut d'études...
15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz RFDA RFDA 2016 p.727 Le soutien du Défenseur des droits à l'exécution des décisions de justice Dimitri Löhrer, Maître de conférences à l'Université de Pau et des pays de l'Adour, Institut d'études juridiques ibériques et ibérico-américaines « Le respect des décisions de justice est une exigence fondamentale de la démocratie. Il fait partie intégrante du respect de l'État de droit ». C'est en ces termes que Michel Rocard s'adressait au gouvernement dans le cadre de la circulaire du 13 octobre 1988 relative au respect des décisions du juge administratif (1). Parce que « tout défaut d'exécution, tout retard mis à l'exécution, toute exécution incomplète ou incorrecte » constituent, ainsi que le souligne le Premier ministre, des offenses à l'État de droit, les hypothèses d'inexécution des décisions juridictionnelles, outre le préjudice immédiat qu'elles causent aux justiciables, « min[ent] l'autorité du juge » et « peuvent conduire les citoyens à désespérer de la justice ». Près de trente ans se sont écoulés depuis l'adoption de cette directive et, bien que des progrès considérables aient été réalisés, des hypothèses pour le moins inacceptables d'inexécution - qu'elles soient totales ou partielles -, d'exécutions incorrectes ou d'exécutions tardives des décisions de justice perdurent au sein de notre système juridique. Certes, d'aucuns considèrent que « l'objectif de 100 % d'exécution efficace et rapide est utopique » (2). Il n'empêche que la persistance d'entraves à l'exécution de la chose jugée s'avère non seulement incompatible avec les exigences d'une justice de qualité mais, au surplus, contraire à l'ontologie même de la fonction de juger. Et pour cause ! Document écrit adopté par le juge, une décision de justice revêt la forme d'un acte juridique dont l'objet consiste à trancher, sur le fondement du droit et avec autorité de la chose jugée, les litiges portés à la connaissance des juridictions en vue de donner aux différends la solution juridique qu'ils réclament (3). Sous condition que l'ensemble des voies de recours sont épuisées, une décision de justice se présente par conséquent comme un acte d'autorité obligatoire et définitif dont le respect s'impose à ses destinataires, qui se trouvent dans l'obligation de la respecter et de tirer les conséquences qui y sont attachées (4). Gage de garantie que l'action du juge ne se trouve pas réduite à néant, le caractère obligatoire et contraignant des décisions de justice, matérialisé par la formule exécutoire dont se trouve assorti tout jugement en vue d'en permettre l'exécution (5), se veut ainsi inhérent à la fonction de dire le droit. Dans ces conditions, on comprend que l'action du juge s'accommode difficilement d'entraves au respect de la chose jugée. Inacceptables, spécialement lorsque les droits et libertés fondamentaux sont en jeu, de telles entraves renverraient à un lointain passé tant l'évolution du droit positif en cette matière se trouve à l'origine d'avancées permanentes. En témoigne, au premier chef, l'interprétation extensive du droit fondamental à un recours juridictionnel effectif par les juridictions nationales et européennes afin d'en déduire un droit à l'exécution des décisions de justice. Consciente que « le droit d'accès à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un État contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie [...] » (6), la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) considère en effet, depuis son arrêt Hornsby c/ Grèce du 19 mars 1997, « que la notion de procès équitable couvre non seulement l'accès au juge et le déroulement de l'instance, mais également la mise en oeuvre des décisions judiciaires » (7). Position de principe reçue quelques mois plus tard par le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. La décision qui en résulte donne une force particulière au droit à l'exécution des décisions de justice en affirmant « que toute décision de justice a force exécutoire ; qu'ainsi, tout jugement peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle y est requise, prêter main-forte à cette exécution ; qu'une telle règle est le corollaire du principe de la séparation des pouvoirs énoncé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » (8). Dans des termes encore plus proches de ceux du juge européen, le Conseil d'État estime pour sa part que l'exécution d'un arrêt ou d'un jugement, dès lors que celui-ci est passé en force de chose jugée, fait partie intégrante du droit au procès équitable (9). Ainsi consacré parmi les normes les plus élevées de l'ordonnancement juridique, le droit à l'exécution des décisions de justice jouit du même régime de protection que les autres droits fondamentaux, dont le droit à un recours juridictionnel effectif. Participant d'une recherche d'effectivité de l'autorité de la chose jugée, cet attachement exprimé par le juge à l'endroit de la problématique de l'exécution des décisions de justice, loin d'être purement déclaratoire, se trouve au surplus relayé dans la pratique par la mise en place de dispositifs de soutien à l'exécution https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 1/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz dont l'histoire est celle d'un renforcement constant. Il s'ensuit qu'aujourd'hui plusieurs solutions s'offrent au justiciable confronté à un refus d'exécuter la chose jugée. D'une part, ce dernier a toujours la possibilité de recourir de nouveau au juge. Dans la mesure où l'inexécution d'une décision de justice par l'administration est constitutive d'un excès de pouvoir, le justiciable peut en effet contester le refus d'exécuter la chose jugée dans le cadre d'un recours en annulation (10). En outre, le défaut d'exécution illégal (11) ou légal (12) d'une décision de justice engage la responsabilité de l'État et ouvre droit à la réparation du préjudice subi par le bénéficiaire de la décision sous la forme de dommages et intérêts (13). D'autre part et surtout, le juge dispose désormais de nombreux moyens de nature à lui permettre de remédier au mauvais vouloir ou à l'inertie des destinataires de ses décisions. Cette problématique est connue en droit interne : tandis que les voies d'exécution de droit commun peuvent systématiquement être utilisées dès lors que la personne qui a été condamnée par le jugement est une personne privée (14), et ce quel que soit l'ordre de juridiction qui a statué, le juge administratif, dans l'impossibilité de faire usage de telles voies d'exécution à l'encontre des autorités administratives (15), s'est progressivement vu attribuer, et ce à partir de 1963, des moyens de nature à lui permettre de remédier au mauvais vouloir ou à l'inertie de l'administration débitrice d'une décision de justice (16). Outre le rôle prééminent de la Section du rapport et des études du Conseil d'État (17), l'avancée la plus notoire en cette matière réside à n'en pas douter dans la mise en place de l'injonction en vue de l'exécution de la chose jugée (18). Ce dispositif, qui ne saurait se confondre avec les injonctions à titre principal dont le prononcé est l'objet même de la saisine du juge et qui sont logiquement interdites par le principe de séparation des pouvoirs (19), permet au juge de donner effet utile à ses décisions en explicitant les conséquences à en tirer pour leurs destinataires. Faisant écho aux incohérences soulevées par le Huron mis en scène par Jean Rivero il y a de cela un demi-siècle (20), l'attribution par la loi du 8 février 1995 (21) d'un pouvoir d'injonction au juge administratif se trouve ainsi porteuse d'avancées décisives du point de vue de l'exécution de la chose jugée. Et ce à plus forte raison qu'un tel pouvoir vient utilement compléter le mécanisme de l'astreinte imaginé en 1980 (22). De même, les juridictions européennes se sont dotées de mécanismes de nature à garantir l'effectivité de leurs arrêts. Tandis que la méconnaissance des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) peut donner lieu à la mise en oeuvre d'un recours en manquement assorti d'astreinte (23), l'organe exécutif du Conseil de l'Europe (le comité des ministres) se voit confier par l'article 46, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une mission de surveillance de l'exécution des arrêts rendus par la Cour. Bien que le comité des ministres « ait longtemps borné sa mission de surveillance à une simple fonction d'enregistrement des informations fournies par l'État, s'interdisant d'apprécier si les mesures, individuelles ou générales, prises par l'État à la suite de l'arrêt remédiaient effectivement à la violation » (24), les choses ont sensiblement évolué à partir de 1988 avec la pratique des résolutions intérimaires. Par le biais de ces résolutions, le comité des ministres abandonne le contrôle de pure forme qu'il exerçait jusque-là et se reconnaît le pouvoir de vérifier si l'État a réellement pris les mesures redressant la violation constatée (25). Par ailleurs, et toujours dans le cadre du Conseil de l'Europe, si le juge européen se refuse en principe à fixer les conséquences à tirer de ses arrêts en raison de leur caractère déclaratoire (26), une pratique récente, résultant d'une lecture combinée des articles 41 et 46 de la Convention (27), le conduit « à "interpréter" ses propres arrêts pour préciser les mesures, qu'elles soient individuelles ou de portée générale, que nécessite l'exécution de l'arrêt et à contrôler celle-ci » (28). Malgré l'absence de systématisation, cette pratique procède, mutatis mutandis, d'une philosophie proche de celle de l'injonction (29) ; au même titre d'ailleurs que le pouvoir de contrôle de l'exécution de ses propres arrêts dont semble s'être arrogé la Cour, notamment dans le cadre de la procédure de l'arrêt « pilote » ouverte par la jurisprudence Broniowski (30). Cela étant, de telles avancées, aussi salutaires soient-elles, ne sont pas parvenues à enrayer définitivement la tendance à l'inexécution des décisions de justice. De la sorte, si les entraves au respect de la chose jugée se font de plus en plus exceptionnelles, des hypothèses d'inexécution, d'exécutions incorrectes ou d'exécutions tardives demeurent toujours identifiables, quelle que soit la juridiction considérée. En témoigne, s'agissant des juridictions nationales, l'injonction prononcée par le Conseil d'État, dans un arrêt en date du 14 novembre 2013 (31), à l'encontre du conseil d'administration de l'Université Joseph Fourier Grenoble I afin que ce dernier réexamine sa position au sujet du rejet opposé à la candidature d'un maître de conférences aux fonctions de professeur des universités. Justifiée en raison d'une insuffisance de motivation de la décision de l'université quant aux raisons pour lesquelles le profil de l'intéressé ne correspondait pas aux besoins recherchés pour le poste ouvert au concours, l'injonction est demeurée lettre morte (32). Toujours en droit interne, on songera également à cette question écrite adressée en 2013 au ministre de la justice ou faisant état de la situation d'un administré ayant obtenu début 2010, dans le cadre d'un contentieux devant un tribunal administratif, la condamnation du préfet du département à payer une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 2/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz justice administrative mais n'ayant jamais obtenu de l'État le règlement des frais irrépétibles correspondants (33). Il ne s'agit pas là de cas isolés puisqu'en 2012, par exemple, les juridictions administratives enregistraient 2 159 demandes d'aide à l'exécution de décisions de justice rendues au détriment de l'administration (34). Certes, de telles demandes, et c'est heureux, portent sur moins de 1 % du total des affaires jugées par les juridictions administratives (35). Elles ne reflètent pas moins la persistance de difficultés rencontrées par les justiciables pour obtenir l'exécution de jugements prononcés en leur faveur. S'agissant des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, « davantage que les cas d'inexécution, ce sont les hypothèses d'exécution tardive qui semblent poser des difficultés » (36). Elisabeth Lambert Abdelgawad relève en ce sens que « le délai moyen entre le prononcé de l'arrêt et son exécution effective a presque triplé depuis la fin des années 90 » (37). Aussi le Conseil de l'Europe n'a-t-il pas manqué de rappeler aux États membres, à l'occasion des Conférences d'Interlaken et d'Izmir organisées en 2010 et en 2011, leur obligation d'exécuter pleinement les arrêts de la Cour et de coopérer activement avec le comité des ministres (38). Et la France ne fait pas exception ! La persistance de situations contraires à l'arrêt du 19 janvier 2012 Popov c/ France, jugeant irrégulier et contraire au respect de la vie familiale le placement en rétention de mineurs migrants accompagnant leurs parents (39), plusieurs mois après que la Cour a statué en est un exemple patent. Il en va de même des dispositions n'instaurant pas, contrairement aux exigences de l'arrêt De Souza Ribeiro c/ France du 13 décembre 2012 (40), de recours suspensif contre des mesures d'éloignement prises à l'encontre des étrangers au sein de certains territoires d'outre-mer dont la Guyane et Mayotte (41). Hormis l'existence de causes légitimes d'inexécution, telles que la nécessité de préserver un intérêt public prééminent (42) ou « des considérations sérieuses d'ordre public et social » (43), plusieurs raisons peuvent expliquer un tel phénomène. En premier lieu, la solution consistant pour le bénéficiaire de la décision de justice à recourir de nouveau au juge, que ce soit dans le cadre d'un recours en annulation ou dans le cadre d'un recours en responsabilité, ne produit que trop rarement le résultat escompté. Tandis qu'en règle générale l'exécution de la décision sanctionnant le refus d'exécuter la chose jugée rencontrera à son tour l'inaction de l'administration, l'engagement de la responsabilité de l'administration récalcitrante à se conformer à une décision juridictionnelle s'apparente à un pis-aller. Car, ainsi que le soulignait en son temps Jean Rivero, « au prix de l'indemnité, l'administration achète le droit de maintenir les effets de sa décision arbitraire » (44). En deuxième lieu, l'efficacité des instruments de soutien à l'exécution mis à la disposition du juge ne saurait être surestimée. Évidemment, on admettra s'agissant du juge administratif qu'« on est loin tout de même à cette date du scénario du Huron au Palais-Royal et de la boutade fameuse prêtée par Jean Rivero en 1962 à un conseiller d'État [...] revendiquant le plus profond mépris pour l'exécution des décisions » (45). On ne saurait toutefois ignorer, comme le rappelle très justement Jean-Paul Costa, que « si l'administration continue d'être récalcitrante, aucune voie d'exécution forcée ne pourra légalement la contraindre » (46). Et la remarque vaut également pour les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. Sans compter que, indépendamment des hypothèses d'inexécution « directe », des formes de résistance plus subtiles vis-à-vis de l'autorité de la chose jugée sont toujours à craindre ; résistances à l'égard desquelles les dispositifs combinés de l'injonction et de l'astreinte se révèlent généralement impuissants. Il peut notamment arriver que l'administration se trouve, dans un premier temps, obligée de se conformer aux décisions rendues par le juge, soit que celui-ci le lui ait imposé, via ses pouvoirs d'injonction et d'astreinte soit que l'annulation se suffise à elle-même, mais reproduise, quelques temps plus tard, des atteintes au principe de légalité similaires à celles sanctionnées (47). En troisième lieu, il convient de ne pas sous-estimer la propension de la majorité politique à ne pas suivre des décisions de justices ressenties comme un obstacle à la concrétisation de projets jugés indispensables. En ce sens, Gilbert Guillaume ne manque pas de souligner au sujet de l'exécution des décisions de la Cour internationale de justice que bien souvent l'exécution est « fonction des intérêts politiques des États plus que de la crainte de la sanction » (48). Sans nul doute l'affirmation peut-elle être transposée, mutatis mutandis, aux arrêts rendus par les juridictions nationales et européennes. En atteste la pratique, parfois observée en droit interne, consistant pour la majorité politique à inviter l'administration et les magistrats à ne pas se conformer à la jurisprudence constitutionnelle. On songera par exemple à la directive adressée par le gouvernement aux représentants du ministère public afin que ces derniers ne tiennent pas compte de la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 novembre 1973 relative aux peines privatives de liberté (49). Ou encore à la volonté affichée par le ministre de l'intérieur de l'époque de neutraliser la décision Fouille des véhicules du 12 janvier 1977 (50), en précisant que cette décision d'invalidation n'affecte nullement les nombreux autres textes déjà promulgués portant autorisation de la fouille des véhicules (51). https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 3/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz En quatrième et dernier lieu, cette hostilité parfois exprimée par les pouvoirs publics à l'adresse des décisions de justice trouve également à s'expliquer en raison d'une cause plus profonde tenant au manque de souplesse du contrôle juridictionnel. En ce sens que le juge rencontre régulièrement des difficultés pour expliquer aux destinataires de ses décisions les raisons qui l'ont conduit à censurer telle ou telle disposition et, par conséquent, ne parvient pas toujours à apaiser les tensions liées au caractère contraignant et coercitif des solutions qu'il adopte. Il en résulte que « bien souvent le juge ne peut que mettre fin au litige par une décision qui aura l'autorité de chose jugée, mais pas la qualité de la chose acceptée. Comme le dit la sagesse chinoise, "un an de procès, dix ans de rancune" » (52). La tendance déjà évoquée des autorités étatiques à reproduire des atteintes au principe de légalité similaires à celles sanctionnées par le juge est à cet égard une illustration éclatante. Dans de telles situations, l'activité du juge s'apparente à un travail de Sisyphe, consistant à réitérer « indéfiniment » une décision dont la pérennité est d'autant plus incertaine qu'il ne parvient pas toujours à en légitimer le bien-fondé auprès des pouvoirs publics. Bien entendu, ce sont là des cas extrêmes et heureusement exceptionnels. Ils n'en reflètent pas moins la fragilité de l'autorité attachée aux décisions de justice, lesquelles, même « exécutées », ne sauraient jouir d'une immuabilité absolue (53). Et c'est précisément là tout l'intérêt de la fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice dont jouit le Défenseur des droits. Privilégiant des modalités d'intervention plus souples que le juge, telles que le dialogue et la persuasion, ce dernier, à l'instar du Médiateur de la République en son temps (54), peut inciter les destinataires des décisions juridictionnelles à se conformer à l'autorité de la chose jugée là où le juge a échoué. Ouverte dans le cadre de l'arrêt Popov, une telle faculté peut évidemment sembler de prime abord surprenante : instituée à l'occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Défenseur des droits, dont la fonction consiste à « veille[r] au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public » au moyen de prérogatives non contraignantes, se présente avant tout comme une voie de contournement du juge. Aussi n'est-il à première vue guère prédestiné à oeuvrer en faveur de l'exécution des décisions de justice. C'est toutefois oublier que le Défenseur des droits a ceci d'atypique qu'il constitue tout à la fois une voie de contournement et un collaborateur des organes juridictionnels. En dépit de sa configuration hybride il peut être rattaché à la famille des human rights ombudsmen (55) et, ce faisant, partage avec le juge une fonction commune de défense des droits fondamentaux. Or, loin de concurrencer la protection offerte par le juge en cette matière, le Défenseur des droits se trouve au contraire animé par le souci d'en promouvoir l'efficacité. Outre un rôle de catalyseur de la garantie juridictionnelle rendu possible par ses prérogatives semi-contentieuses (56), il propose des solutions de nature à remédier de façon plus ou moins directe à certaines lacunes affectant ce mode de garantie. C'est notamment le cas lorsqu'il suggère aux autorités normatives compétentes d'apporter des modifications au droit positif dans une optique de promotion de la bonne administration de la justice, ou encore lorsqu'il use de sa fonction d'aide à l'accès au droit en vue de facilité l'accès du justiciable au prétoire du juge (57). Faisant écho aux propos de Bernard Stirn, selon lesquels les juridictions « n'ont pas [...] à redouter les autres instances de régulation : une collaboration réciproque fait de ces dernières un facteur d'enrichissement pour le juge » (58), c'est bien évidemment dans cette perspective de consolidation de la garantie juridictionnelle que doit être appréhendée la fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice développée par le Défenseur des droits. Parce qu'il cherche à convaincre et à expliquer davantage qu'à imposer, le Défenseur des droits se montre en mesure de conférer à l'autorité de la chose jugée ce qui lui fait parfois défaut : la qualité de la chose acceptée. Ainsi revêtues de la qualité de la chose acceptée, les décisions juridictionnelles peuvent être plus facilement reçues par leurs destinataires et, au surplus, acquérir une pérennité certaine. En cela, l'action du Défenseur des droits s'inscrit en complément de celle du juge et contribue incidemment à garantir le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif. Afin de rendre compte de ce rôle d'auxiliaire du juge joué par le Défenseur des droits, il conviendra tout d'abord de s'interroger sur les contours de la compétence et sur les techniques employées par le Défenseur dans le domaine du soutien à l'exécution des décisions passées en force de chose jugée. Les contours de la compétence et les techniques usitées par le Défenseur des droits ainsi définis, il s'agira de dresser un premier bilan de l'activité développée par celui-ci en cette matière. Les contours de la compétence du Défenseur des droits Absente de la lettre des textes de référence, la faculté de soutien à l'exécution des décisions de justice du Défenseur des droits interroge inévitablement quant aux contours d'une telle compétence. Inhérente à la fonction de défense des droits et libertés poursuivie par l'institution, cette compétence présente en réalité son lot d'incertitudes quant à son champ d'application exact. https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 4/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz Une compétence inhérente à la fonction du Défenseur des droits Si l'on devait rechercher les prémices de l'activité de soutien à l'exécution des décisions de justice développée par le Défenseur des droits, il faudrait remonter à la rencontre du 15 mars 2002 entre Dominique Baudis et le président de la Cour européenne des droits de l'homme. À cette occasion, Dominique Baudis exprimait en effet sa volonté de contribuer au suivi de l'exécution des arrêts rendus par la Cour européenne à l'encontre de l'État français (59). Soutenu dans cette démarche par le représentant de la Cour de Strasbourg, le Défenseur des droits n'aura pas attendu longtemps pour expérimenter cette nouvelle fonction. Confronté quelques mois plus tard à la persistance de situations contraires à la jurisprudence Popov c/ France, Dominique Baudis exhortait en juin 2012 Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, à donner des instructions aux préfets en vue, d'une part, de ne plus placer des enfants en rétention et, d'autre part, de rechercher des mesures alternatives à ce placement dans les situations où les personnes sont accompagnées de mineurs (60). Louable, cette intervention auprès du ministre de l'intérieur n'en a pas moins laissé perplexe dès lors que le Défenseur des droits, contrairement à son prédécesseur le Médiateur de la République (61), ne se trouve investi d'aucune compétence en ce sens par les textes qui l'instituent. Qu'il s'agisse en effet de l'article 71-1 de la Constitution ou de la loi organique et de la loi ordinaire du 29 mars 2011 (62), nulle mention n'est faite d'une quelconque prérogative de soutien à l'exécution des décisions passées en force de chose jugée. Attestant « du caractère vivant et évolutif de ce continent encore nouveau de la régulation des libertés par les autorités administratives indépendantes (AAI) » (63), une telle prérogative semble par conséquent avoir émergé de la pratique institutionnelle. D'un tel constat s'ensuit inévitablement une interrogation : n'étant prévue par aucun texte, l'intervention du Défenseur des droits au titre d'auxiliaire du juge dans le domaine de l'exécution des jugements définitifs est-elle contra legem ? Sans nul doute la réponse doit être négative ! Si le Défenseur des droits ne dispose d'aucune compétence explicite en cette matière, une telle prérogative se révèle en réalité inhérente à sa fonction de défense objective des droits fondamentaux. Trois arguments, intimement liés, permettent d'étayer le propos. Consacré parmi les normes de valeur supralégislative, le droit à un recours juridictionnel effectif, tout d'abord, se présente indiscutablement comme un droit fondamental à part entière. Le juge étant la pièce maîtresse au sein du système institutionnel de garantie des droits et libertés, le droit à un recours juridictionnel effectif apparaît même comme le « droit des droits » (64), le « bouclier des autres droits fondamentaux » (65). Parce que sans son affirmation les droits et les libertés courent le risque de se retrouver orphelins de toute protection, celui-ci devient en effet « le premier des droits fondamentaux dont l'effectivité doit être à son tour assurée » (66). Dans ces conditions, il est logique que le Défenseur des droits, fort de sa fonction privilégiée de protection des droits fondamentaux, porte une attention particulière à la problématique de l'exécution des décisions de justice dans la mesure où le respect de la chose jugée, on le rappelle, fait partie intégrante du droit fondamental à un recours juridictionnel effectif. Animé par une finalité commune à celle du juge, de défense des droits de la personne humaine, le Défenseur des droits, ensuite, s'attache à collaborer activement avec les organes juridictionnels de garantie en vue précisément de promouvoir l'effectivité des droits et des libertés. Or, dans le cadre de cette entreprise de collaboration, il apparaît, ici également, logique que le Défenseur, soucieux de promouvoir l'efficacité de la protection juridictionnelle, endosse un rôle d'auxiliaire du juge sur le terrain de l'exécution des décisions de justice, en tête desquelles celles intéressant les droits fondamentaux. Ce n'est d'ailleurs rien d'autre qu'indique le représentant de l'institution lorsqu'il affirme que le suivi de la réception des arrêts de la CEDH « participe d'une volonté d'accroître la sensibilisation des autorités nationales aux standards de la Convention » (67). Une telle initiative consiste « à mener une veille jurisprudentielle permettant de garantir l'effectivité des droits » (68). Le doute quant à la légalité de la compétence du Défenseur des droits en matière de soutien à l'exécution de l'autorité de la chose jugée est d'autant moins permis qu'à ces deux premiers arguments se greffe un troisième tenant à la faculté dont jouit l'institution de connaître de l'activité matériellement administrative des tribunaux dans le cadre de sa fonction de protection des droits et libertés. En ce sens que si le principe d'indépendance de la justice interdit au Défenseur français de s'immiscer dans l'exercice de la fonction juridictionnelle des tribunaux (69), ce dernier est en revanche autorisé à se prononcer sur des problématiques relatives au service public de la justice (70). Aussi est-il habilité, dans une perspective de bonne administration de la justice (71), à se saisir de https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 5/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz dysfonctionnements tels que les délais excessifs de jugement, les pertes de dossiers judiciaires et, pour ce qui nous intéresse ici, l'inexécution des décisions de justice. Étant entendu que cette compétence, appréhendée largement dans la mesure où le Défenseur des droits n'est pas tenu, à la différence de ses homologues espagnols et portugais (72), de limiter son action à la réception des plaintes relatives au mauvais fonctionnement de la justice pour les adresser aux autorités judiciaires compétentes pour en connaître (73), s'inscrit pleinement dans sa fonction de défense des droits et libertés - les dysfonctionnements mentionnés étant de nature à affecter les droits fondamentaux du justiciable, en tête desquels le droit à un recours juridictionnel effectif. La compétence du Défenseur des droits en matière de soutien à l'exécution des décisions de justice ainsi établie, reste à en déterminer sa portée. Or force est d'admettre qu'à ce jour celle-ci demeure empreinte d'incertitudes. Une compétence d'étendue incertaine S'interroger sur l'étendue de la compétence du Défenseur des droits en matière de soutien à l'exécution de la chose jugée soulève principalement deux questions : le type de décisions juridictionnelles à l'égard desquelles s'exerce cette compétence et les hypothèses d'inexécutions vis-à-vis desquelles elle trouve à s'appliquer. Or l'entreprise de délimitation du champ de compétence de l'institution française en cette matière s'avère quelque peu délicate. Né de la pratique institutionnelle, ce rôle d'auxiliaire du juge, expérimenté pour la première fois il y a seulement trois ans, non seulement n'est absolument pas prévu et, a fortiori, encadré par les textes de référence, mais, au surplus, n'a été utilisé qu'avec parcimonie à ce jour par le Défenseur des droits (74). Aussi l'absence de cadre législatif et le peu de recul dont nous disposons commandent de se prononcer sur l'étendue de la compétence du Défenseur des droits avec une certaine prudence. S'agissant des décisions de justice à l'égard desquelles s'exerce la compétence du Défenseur des droits, il ne fait aucun doute que cette dernière trouve à s'appliquer vis-à-vis des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme, que la France soit ou non partie à l'affaire tranchée par la Cour (75). Qu'en est-il, en revanche, des décisions rendues par les autres juridictions, notamment nationales ? La question doit être posée dans la mesure où, contrairement aux arrêts de la Cour de Strasbourg, le Défenseur des droits n'a jamais solennellement affirmé sa volonté d'assurer le suivi de l'exécution des décisions juridictionnelles nationales. L'analyse des premières années d'activité de l'institution laisse toutefois transparaître que le Défenseur des droits n'hésite pas à user de cette compétence vis-à-vis des décisions de justice rendues par le juge national. En témoigne, par exemple, le règlement amiable n° 13-010518 du 6 juin 2014. En l'espèce, le Défenseur des droits se trouvait saisi par un contribuable qui ne parvenait pas à obtenir l'exécution d'une décision du juge administratif faisant partiellement droit à sa demande de restitution de l'impôt en principal, des frais irrépétibles, ainsi que des intérêts moratoires. Rappelant les termes de la jurisprudence administrative, le Défenseur des droits a demandé à l'administration fiscale d'en tirer les conséquences (76). De même, l'application des décisions prononcées par les juridictions de l'ordre judiciaire fait également l'objet d'un suivi de la part du Défenseur des droits. Une illustration en ce sens est fournie par la décision MLD 2004-067 du 9 avril 2014 (77). Le Défenseur se trouvait ici saisi par un ressortissant de nationalité algérienne, séjournant régulièrement en France, du refus de prestations familiales que lui avait opposé une caisse d'allocations familiales pour ses enfants nés en Algérie, au motif qu'il n'était pas en mesure de présenter le certificat médical Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) faisant foi de l'arrivée des enfants dans le cadre du regroupement familial. Rappelant que l'exigence de production du certificat médical OFII est contraire à l'article 68 de l'accord bilatéral conclu entre l'Union européenne et l'Algérie, le Défenseur des droits invoque à l'appui de ses observations l'arrêt rendu en ce sens par la Cour de cassation le 5 avril 2013 (78). De façon plus originale encore, la compétence du Défenseur des droits, loin de se limiter aux seules décisions rendues par les juridictions ordinaires, semble également englober celles du Conseil constitutionnel. On en veut pour preuve la recommandation MLD 2013-28 du 3 mai 2013 par laquelle le Défenseur des droits a rappelé que « toute personne, mise en cause, ou dont le concours paraît utile à la manifestation de la vérité, soit informée des raisons pour lesquelles elle est sollicitée » (79). Or la motivation de cette recommandation, et c'est précisément là que réside son intérêt, trouve son fondement dans la réserve constructive développée par le Conseil constitutionnel dans sa décision Garde à vue II (80). Le Défenseur des droits rappelle en effet explicitement que la juridiction constitutionnelle n'a validé l'article 62, alinéa 2, du code de procédure pénale qu'à la lumière d'une réserve d'interprétation ; réserve d'interprétation aux termes de laquelle « le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ». Pour le moins salutaire, cette volonté du Défenseur https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 6/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz des droits de veiller à la bonne application des décisions du Conseil constitutionnel, si elle venait à se confirmer, devrait permettre « à l'article 62, alinéa 2, de la Constitution de ne pas rester, en certaines occasions, lettre morte » (81). Elle atteste par ailleurs de la conception particulièrement étendue que se fait le Défenseur des droits de sa faculté de soutien à l'exécution des décisions de justice. Reste désormais à déterminer les hypothèses d'inexécution vis-à-vis desquelles une telle faculté trouve à s'appliquer. Entendue au sens large, l'inexécution des décisions de justice renvoie tout autant à des hypothèses de non- exécution stricto sensu - qu'elles soient totales ou partielles -, qu'à des hypothèses d'exécutions incorrectes ou de réceptions tardives de la chose jugée. Cela étant précisé, déterminer l'étendue du champ de compétence du Défenseur des droits sur ce point n'en demeure pas moins une tâche difficile. Le doute résulte notamment de l'interprétation retenue par l'institution, de sa compétence vis-à-vis des arrêts rendus par la CEDH. À la lecture du premier rapport annuel d'activité du Défenseur, on apprend en effet que « c'est en cas d'absence de suivi ou d'exécution seulement partielle des recommandations du comité que l'action du Défenseur des droits se trouve justifiée au regard des différents pouvoirs qui lui ont été accordés par le législateur » (82). Semblent par conséquent exclues du champ de compétence du Défenseur des droits les hypothèses d'exécution incorrecte et tardive, de sorte que sa faculté de soutien à l'exécution des décisions de justice n'engloberait que les hypothèses d'inexécution totale (« absence de suivi ») ou partielle (« exécution seulement partielle »). Or, si l'on comprend bien que le Défenseur des droits ne saurait, sans méconnaître la compétence du comité des ministres en la matière, venir au soutien de l'exécution d'un arrêt de la CEDH préalablement à l'intervention de l'organe exécutif du Conseil de l'Europe, son refus de connaître des exécutions incorrectes et tardives demeure, en revanche, moins compréhensible. Car, en réalité, rien ne semble empêcher l'institution française d'étendre son contrôle au-delà des seules hypothèses d'inexécution stricto sensu. Surtout, une telle autolimitation interroge sur le fait de savoir si elle trouve également à s'appliquer aux décisions rendues par les juridictions nationales. À la vérité, il apparaît particulièrement délicat de se prononcer sur cette question. Le silence des rapports annuels d'activité ajouté à l'absence d'intervention du Défenseur en réaction à des hypothèses d'exécution incorrecte ou tardive rend, pour ainsi dire, vaine toute entreprise de délimitation du champ de compétence de l'institution en la matière. C'est pourquoi on ne saurait que trop suggérer au Défenseur des droits d'apporter des précisions sur ce point. Inhérente à sa fonction de défense des droits et libertés, la compétence du Défenseur en matière de soutien à l'exécution des décisions de justice demeure en définitive empreinte d'incertitudes du point de vue de son étendue exacte. Les techniques employées par l'institution à l'appui de sa compétence laissent en revanche moins de place au doute. Les techniques employées par le Défenseur des droits Dépourvu de pouvoirs coercitifs, le Défenseur des droits compte exclusivement sur sa magistrature d'influence pour mener à bien sa fonction de protection des droits fondamentaux. Organe non juridictionnel, il se présente comme une instance de surveillance qui ne délivre que des rapports, des opinions, des recommandations, juridiquement non contraignants. Ses prérogatives, de portée essentiellement persuasive et incitative, le conduisent ainsi, dans le cadre de sa fonction de soutien à l'exécution de la chose jugée, à privilégier la voie du dialogue en vue de convaincre les débiteurs des décisions de justice du bien-fondé des solutions adoptées par le juge. Facilitée en raison de sa capacité à instruire lui-même les plaintes relatives au mauvais fonctionnement de la justice, l'intervention du Défenseur des droits auprès des débiteurs des décisions juridictionnelles s'exerce avant tout par le prisme de son pouvoir de recommander et de sa faculté d'effectuer des vérifications sur place, de telles vérifications s'inscrivant en complémentarité des recommandations afin de vérifier que ces dernières ont été effectivement reçues par leurs destinataires. Le recours à des « sanctions non juridiques » (83) plus incitatives, telles que le prononcé d'injonctions et la publication de rapports spéciaux, intervient en dernier recours, lorsque les recommandations n'ont pas produit les effets escomptés. Le recours privilégié aux recommandations Prévu par les articles 25 et 32-1 de la loi organique du 29 mars 2011 (84), le pouvoir de recommandation dont jouit le Défenseur des droits invite ses destinataires à adopter certains comportements mais ne les y oblige pas (85). Classiquement opposées aux commandements (86), dont « la vocation spécifique [est] de constituer des mesures à suivre, à reproduire, obligatoirement, impérativement » (87), les recommandations peuvent être définies « comme des normes éthiques dont l'observance est conçue comme souhaitable mais non pas obligatoire et est donc laissée à l'appréciation discrétionnaire des intéressés ; elles tracent des lignes de conduite réputées opportunes à emprunter, mais que les intéressés ne sont pas tenus de suivre, qui impliquent, dans leur vocation même, la possibilité de s'en détourner » (88). Mode d'intervention privilégié du Défenseur des droits, la recommandation « invite », « rappelle », « propose », « suggère » mais n'impose pas. Elle consiste dans la formulation d'énoncés non https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 7/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz contraignants poursuivant une finalité de direction souple des conduites où le consentement conserve une place centrale (89). Sans nul doute cette stratégie est-elle celle qui anime au premier chef l'activité de soutien à l'exécution des décisions de justice assumée par le Défenseur des droits. En tant qu'elles permettent au Défenseur de proposer des modifications des normes juridiques ou des pratiques en vigueur, les recommandations s'avèrent en effet particulièrement adaptées pour suggérer une mise en conformité du droit positif avec les décisions des juridictions européennes et nationales. Mode d'intervention privilégié par le Défenseur des droits, de telles recommandations peuvent aussi bien revêtir une portée concrète et individuelle que poursuivre une finalité de production de normes juridiques. Les recommandations de portée individuelle et concrète, en premier lieu, sont essentiellement prononcées par le Défenseur des droits à la suite de réclamations de particuliers ne parvenant pas à obtenir l'exécution d'une décision rendue en leur faveur par une juridiction nationale. Outre le règlement amiable n° 13-010518 du 6 juin 2014 et la décision MLD 2004-067 du 9 avril 2014 précités, un exemple en ce sens est donné par la décision MLD-2014-102 du 29 juillet 2014. En l'espèce, l'intervention du Défenseur faisait suite à l'arrêt du 14 novembre 2013, déjà évoqué, par lequel le Conseil d'État avait enjoint au conseil d'administration de l'Université Joseph Fourier Grenoble I de réexaminer sa position au sujet du rejet opposé à la candidature d'un maître de conférences aux fonctions de professeur des universités. L'injonction étant demeurée sans effet, le Défenseur des droits recommande au président de ladite université de réexaminer la candidature du réclamant en vue de sa nomination au poste désiré ou un poste équivalent et, à défaut, de l'indemniser des préjudices matériels et moraux subis afin de le replacer dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si les décisions contestées n'étaient pas intervenues (90). Les recommandations à finalité normative, en second lieu, sont principalement mobilisées dans le cadre du suivi de l'exécution des arrêts de la CEDH. En ce sens que de tels arrêts, dans la mesure où ils pointent généralement du doigt des manquements de la France à ses obligations conventionnelles, nécessitent bien souvent la modification, l'abrogation ou l'adoption de textes législatifs et réglementaires. Il s'ensuit que la suggestion de modifications du droit positif constitue le mode d'intervention privilégié par le Défenseur en cette matière. Qu'il s'agisse en effet des arrêts Popov et De Souza Ribeiro ou encore des arrêts Céline, Josseaume, Cadène c/ France du 8 mars 2012 (91), les interventions du Défenseur des droits ont systématiquement donné lieu au prononcé de recommandations à finalité normative. Dans le cadre de l'arrêt Popov, d'abord, Dominique Baudis, outre sa rencontre avec Manuel Valls début juin 2012, a demandé en 2013 au gouvernement français d'achever de tirer les conséquences de l'arrêt de la CEDH en ce qui concerne le département de Mayotte. Le Défenseur des droits rappelle ainsi que la rétention administrative des mineurs prend une dimension des plus préoccupantes dans ce département, « notamment au regard de la question du contrôle de la présence éventuelle de familles avec enfants et des conditions de leur prise en charge dans les locaux de rétention administrative auxquels les associations n'ont pas accès et de la problématique plus générale du statut juridique des mineurs placés dans de telles situations » (92). Conformément à l'arrêt De Souza Ribeiro ensuite, le Défenseur des droits a souligné dans un avis du 19 novembre 2013 que les dispositions légales en vigueur dans certains territoires d'outre-mer « rendent de facto inopérants les recours exercés contre les arrêtés de reconduite à la frontière ». Aussi a-t-il recommandé au gouvernement de prendre les dispositions normatives nécessaires à la mise en place, au sein des territoires en question, d'une voie de recours suspensif contre les mesures d'éloignement prononcées à l'encontre des étrangers (93). Dans les mois qui ont suivi les arrêts Céline, Josseaume et Cadène, enfin, le Défenseur a recommandé d'instituer, conformément à cette jurisprudence (94), une voie de recours effective devant un tribunal afin que les personnes faisant l'objet de contraventions routières soient en mesure de voir leur cause entendue publiquement et contradictoirement par un juge (95). Prérogative privilégiée par le Défenseur des droits dans le cadre de sa fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice, la recommandation demeure toutefois conditionnée par la volonté de ses destinataires de s'y conformer. Aussi l'institution n'hésite-t-elle pas à effectuer des vérifications sur place afin de s'assurer que ses recommandations ont été effectivement réceptionnées. Le recours complémentaire aux vérifications sur place Consacrée par l'article 22 de la loi organique du 29 mars 2011, la possibilité donnée au Défenseur des droits de https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 8/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz procéder à des vérifications sur place au sein des locaux administratifs ou privés, bien que rigoureusement encadrée (96), présente incontestablement une vertu de complémentarité des recommandations adressées par l'institution dans le cadre de son activité de suivi de la réception de la chose jugée. Parce qu'en raison de leur ontologie même les recommandations adressées aux débiteurs des décisions de justice courent en permanence le risque de demeurer sans effet, la réalisation de vérifications sur place permet au Défenseur des droits de s'assurer de leur réception. Étant entendu que le recours à cette prérogative ne revêt un intérêt qu'à l'égard des seules hypothèses où la réception de la chose jugée implique l'adoption de mesures d'exécution concrètes au sein de locaux administratifs ou privés. Le Défenseur a ainsi logiquement eu recours à cette pratique au sujet de l'exécution de l'arrêt Popov c/ France. Dès lors que la recommandation adressée au ministre de l'intérieur impliquait l'adoption de mesures alternatives au placement en centre de rétention des mineurs migrants accompagnants leurs parents, il est effectivement apparu nécessaire d'effectuer des vérifications sur place afin de s'assurer de l'absence de mineurs au sein desdits centres et, dans le cas contraire, de demander aux préfets de privilégier pour ces familles avec enfants une assignation à résidence (97). À cet effet, l'institution a mis en place un dispositif visant à intervenir sans délai dès l'instant où la présence d'enfants dans un centre de rétention administratif lui était signalée (98). Dans l'hypothèse où le Défenseur des droits observe, par le biais de son pouvoir de vérifications sur place ou par tout autre moyen, la persistance de résistances à l'exécution des décisions de justice, un arsenal de « sanctions non juridiques » se trouve mis à sa disposition en vue de susciter l'adhésion de ses interlocuteurs à ses recommandations. L'ultime recours à des « sanctions non juridiques » plus incitatives Prérogatives dont il n'use qu'avec la plus grande prudence (99), les « sanctions non juridiques » mises à la disposition du Défenseur des droits prennent la forme de moyens de pression dont l'objet est de susciter chez leurs destinataires le sentiment de devoir agir conformément à la conduite suggérée. Dépourvus pour autant de force juridique contraignante, ces moyens de pression se trouvent essentiellement consacrés par l'article 25 de la loi organique du 29 mars 2011. Aux termes de cette disposition, le Défenseur des droits est en effet habilité, dès lors que ses recommandations ne sont pas suivies d'effets (100), d'une part, à enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires, d'autre part, à établir un rapport spécial lorsqu'il n'a pas été donné suite à son injonction. Or, sans nul doute, de telles prérogatives se présentent comme un relais non négligeable lorsque le Défenseur des droits se trouve confronté à des débiteurs de décisions de justice récalcitrants. Inspiré de l'article 11 de la loi relative à l'ancien Médiateur de la République (101), le pouvoir d'injonction, en premier lieu, se révèle indiscutablement propice au développement d'une fonction d'aide à l'exécution des décisions passées en force de chose jugée. Il permet au Défenseur des droits d'ordonner aux débiteurs des décisions juridictionnelles, après le leur avoir recommandé et à défaut de réponse de leur part, de se conformer aux décisions de justice rendues contre eux dans un délai qu'il fixe. Évidemment, il ne s'agit là que d'un mécanisme incitatif, plus dissuasif que répressif, auquel le Défenseur des droits ne saurait recourir qu'en dernière hypothèse, « lorsque toutes les interventions précédentes ont échoué, et qu'il y a une volonté délibérée de méconnaître la chose jugée » (102). Lorsqu'il n'est pas donné suite à son injonction, le Défenseur des droits peut, en second lieu, recourir à son moyen de pression le plus redoutable : la publication d'un rapport spécial. Communiqué à la personne ou à l'organisme mis en cause, ce rapport et, le cas échéant, la réponse de l'interlocuteur impliqué, est rendu public selon des modalités que le Défenseur détermine. Généralement adoptés lorsque la gravité ou l'urgence de la situation l'exigent, les rapports spéciaux ont pour principale fonction de porter à la connaissance de l'opinion publique les résistances rencontrées, voire de rendre public le nom des fonctionnaires récalcitrants. Aussi se veulent-ils, à leur tour, particulièrement adaptés à la fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice poursuivie par le Défenseur des droits. L'apparence occupant une place centrale au sein des sociétés médiatiques contemporaines (103), la crainte éprouvée par les destinataires des décisions de justice de voir leur nom rendu public est en effet susceptible d'agir telle une épée de Damoclès les conduisant à modifier leur comportement dans un sens favorable au respect de la chose jugée. Similaire à ce que les Anglo-saxons appellent la sunshine regulation (104), l'« autorité de la chose médiatisée » (105) repose sur l'idée que « l'action sur la réputation est [parfois] plus efficace que l'action par le droit » (106). Généralement relayée par les médias, « une mauvaise publicité peut faire beaucoup plus de dégâts que la recommandation elle-même » (107). De sorte que, dans le cadre d'un bilan avantage/inconvénient, le service ou la personne concerné aura tôt fait de se conformer à la décision de justice plutôt que de risquer une mauvaise publicité. Il convient d'ailleurs de mentionner qu'indépendamment des rapports spéciaux, la faculté du https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRoN… 9/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz Défenseur des droits d'accéder aux principaux moyens de communication et d'information s'inscrit également dans cette dynamique. Atypiques en raison de leur portée non contraignante, les prérogatives attribuées au Défenseur des droits semblent en définitive adaptées à sa fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice. Reste à déterminer si de telles prérogatives produisent les effets escomptés en pratique. La portée de l'action du Défenseur des droits Dresser un premier bilan de l'action du Défenseur des droits en matière de soutien à l'exécution des décisions de justice ne peut se faire qu'avec une certaine prudence dès lors que l'institution ne compte que quatre années et demie d'activité à son actif en ce domaine. À cette première difficulté s'ajoute au surplus l'absence de données exhaustives sur la question au sein des rapports annuels d'activité de l'autorité non juridictionnelle. C'est pourquoi les développements qui suivent se contenteront de présenter les grandes lignes de l'action du Défenseur des droits avec la part d'incertitudes que cela implique. Sous couvert de cette précision, il apparaît possible d'affirmer que la faculté de soutien à l'exécution des décisions de justice dont jouit le Défenseur des droits, bien que peu usitée à ce jour, se trouve à l'origine d'avancées certaines. Une compétence peu usitée à ce jour Il s'agit là d'une constante depuis la mise en place du Défenseur des droits, le domaine du service public des affaires judiciaires se présente comme l'un des plus grands pourvoyeurs de saisine de l'autorité non juridictionnelle. Pour les années 2012 et 2013, les réclamations adressées au Défenseur des droits en cette matière représentent en effet 12 % de l'ensemble des plaintes enregistrées pour atteindre 16,20 % en 2014, ce qui fait du service public des affaires judiciaires le troisième secteur où l'institution se trouve la plus sollicitée derrière le pôle protection sociale et solidarité (40,85 %) et celui des affaires publiques (26,55 %) (108). De ce taux relativement élevé de plaintes adressées à l'institution dans le secteur des affaires judiciaires, il ne faudrait pas pour autant déduire que le Défenseur des droits use fréquemment de sa compétence de suivi de la réception de la chose jugée. Regroupant des litiges intéressant des questions aussi diverses et variées que l'état civil, la nationalité, le droit des étrangers, la réglementation en matière de circulation routière ou encore le service public de la justice stricto sensu, les affaires judiciaires constituent un domaine d'activité particulièrement vaste au sein duquel la problématique de l'exécution des décisions de justice n'occupe qu'une place infime. Les chiffres parlent d'ailleurs d'eux-mêmes. Bien qu'il soit délicat de se prononcer avec exactitude faute de données officielles et précises délivrées par les services de communication du Défenseur des droits, une étude approfondie des rapports annuels d'activité de l'institution laisse en effet transparaître un nombre extrêmement faible d'interventions en cette matière. Pour la plupart déjà identifiées, de telles interventions paraissent à ce jour plafonner au nombre de quatre s'agissant des arrêts de la CEDH (109) et de une en ce qui concerne les décisions du Conseil constitutionnel (110). Quant au suivi des jugements rendus par les juridictions ordinaires, l'activité de l'institution semble se limiter aux trois interventions précédemment mentionnées (111). Dans ces conditions, il est permis d'affirmer que le Défenseur des droits ne recourt à sa faculté de suivre l'exécution des décisions juridictionnelles qu'avec parcimonie. On peut évidemment y voir le signe, à raison au demeurant, que les décisions de justice sont de mieux en mieux exécutées. Les progrès réalisés dans ce domaine ne sauraient néanmoins expliquer à eux seuls l'usage plus que modéré de cette prérogative, puisque, pour mémoire, les juridictions administratives enregistraient 2 159 demandes d'aide à l'exécution de décisions de justice en 2012. De quoi alimenter l'activité du Défenseur des droits. À la vérité, le faible recours par l'autorité administrative indépendante à sa faculté de soutien à l'exécution des décisions de justice semble avant tout résulter d'une volonté de n'en user qu'avec circonspection. Rappelons à ce propos que, s'agissant des arrêts rendus par la CEDH, le Défenseur des droits exclut de son champ de compétence les hypothèses d'exécutions incorrectes et tardives. À cela s'ajoute le fait que le Défenseur et, ce faisant, sa fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice pâtit d'une certaine insuffisance de notoriété auprès de la société civile (112). Peu nombreuses à ce jour, les interventions du Défenseur des droits sur le terrain du soutien à l'exécution de la chose jugée n'en demeurent pas moins porteuses de résultats appréciables sur le plan qualitatif. Des résultats appréciables Mécanisme de soft justice, le Défenseur des droits se distingue en raison d'une « recherche constante de https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 10/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz négociation » (113) et, ce faisant, se révèle en mesure de compléter utilement l'action du juge en légitimant des décisions dont le caractère contraignant et coercitif n'est pas toujours bien perçu par leurs destinataires. En associant les débiteurs des décisions de justice à la prise de décision et, par conséquent, à la rectification de leurs propres erreurs, le Défenseur des droits est effectivement susceptible de faire accepter et respecter l'autorité qui s'attache à la chose jugée. Ce n'est d'ailleurs rien d'autre que décrit Jacques Caillosse lorsqu'il affirme que « la décision est d'autant plus efficace qu'elle a été concertée » (114). En ce sens que « mieux reçues les sentences seraient, de surcroît, mieux exécutées » (115). Et ce à plus forte raison que le Défenseur « rassure, car il propose et n'impose pas » (116). Animé par une recherche de direction non autoritaire des conduites, le Défenseur des droits formule en effet des solutions dont l'effectivité repose sur le principe du consensualisme, a fortiori lorsque lesdites solutions sont formulées dans le cadre de son pouvoir de recommandation (117). Or, parce qu'elles sont librement réceptionnées par leurs destinataires, ces solutions jouissent de ce qu'il est permis d'appeler la qualité de la chose acceptée et, par ce biais, sont susceptibles d'acquérir une pérennité certaine (118). Acteurs de leur propre assentiment, les interlocuteurs du Défenseur des droits seraient, en d'autres termes, davantage enclins à se conformer durablement aux recommandations auxquelles ils ont volontairement adhéré. De sorte que si elles courent en permanence le risque de demeurer sans effets, de telles recommandations offriraient en revanche des avantages indéniables une fois acceptées. Partant, le Défenseur des droits, de par son ontologie, semble particulièrement à même de susciter chez les débiteurs des décisions de justice une adhésion, qui plus est durable, aux jugements dont ils sont les destinataires. Et force est de constater qu'une approche concrète de l'activité de l'autorité non juridictionnelle confirme, dans une certaine mesure à tout le moins, cette première impression. Deux exemples, tirés du suivi des arrêts de la CEDH permettent d'illustrer le propos. Le premier résulte de la circulaire adoptée par le ministère de l'intérieur le 6 juillet 2012 en réponse à la recommandation adressée un mois auparavant par Dominique Baudis à la suite de l'arrêt Popov c/ France (119). Avec pour objet d'éviter le placement de familles en centre de rétention administrative, cette circulaire demande aux préfets « de privilégier, dans l'intérêt des enfants, l'assignation à résidence et, avant même de prononcer cette mesure, d'offrir aux familles concernées, l'ensemble des aides au retour en vigueur » (120). Il s'ensuit que, désormais, le placement en centre de rétention des enfants accompagnant leurs parents se trouve restreint à trois hypothèses : le non-respect des conditions de l'assignation à résidence, la fuite de l'un des membres de la famille et le refus d'embarquement (121). Procédant d'une volonté de régulariser la situation française par rapport à la jurisprudence européenne, cette circulaire se trouve à l'origine d'avancées non négligeables. Régulièrement sollicité par le passé afin de présenter des observations devant les juridictions administratives à l'appui de recours de familles avec enfants contestant leur placement en rétention, le pôle « Défense des enfants » du Défenseur des droits a ainsi constaté, depuis septembre 2012, une chute des saisines en ce sens. Baisse significative de la présence d'enfants en centre de rétention confirmée par le milieu associatif pour les quatre derniers mois de l'année 2012 (122). Le second exemple est donné par la réception des recommandations formulées par le Défenseur des droits dans le cadre des arrêts Céline, Josseaume et Cadène. S'appuyant explicitement sur les solutions suggérées par l'autorité non juridictionnelle, le décret du 2 décembre 2013 relatif à l'ordonnance pénale, aux amendes forfaitaires et aux assistants spécialisés en matière de crime contre l'humanité (123) se propose en effet de garantir une meilleure motivation des décisions des officiers du ministère public et, ce faisant, une meilleure effectivité du droit au recours et du droit d'accès au juge des conducteurs mis en cause en matière de contraventions routières (124). Et si le Défenseur des droits ne semble pas encore avoir eu recours à ce jour aux « sanctions non juridiques » mises à sa disposition, leur usage par l'ancien Médiateur de la République a donné lieu à des résultats salutaires. Mis en oeuvre pour la première fois en 1979 « en vue d'obtenir de l'État le versement d'une indemnité fixée par le juge de l'expropriation » (125), le dispositif de l'injonction a trouvé à s'exercer à dix reprises en 1987 aux fins de l'exécution de décisions de la juridiction administrative. Les injonctions prononcées ayant généralement été suivies d'effets (126). Par ailleurs, le Médiateur n'a pas hésité à adopter en 1994 un rapport spécial afin de dénoncer le refus persistant du maire de la Commune de Mennecy d'exécuter le jugement du tribunal administratif de Versailles du 22 juin 1993 condamnant ladite commune à verser les traitements dus à l'un de ses agents (127) ; l'exécution de la décision de justice est intervenue quelques semaines après (128). Porteuse de résultats évidents, la fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice du Défenseur des droits ne saurait pour autant être surestimée. L'absence de mise en place sur le territoire de Mayotte d'une voie de recours suspensif contre les mesures d'éloignement prononcées à l'encontre des étrangers est un exemple topique. Malgré l'extension et l'adaptation à Mayotte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) par l'article 14-II de l'ordonnance du 7 mai 2014 (129), le droit positif en vigueur demeure toujours contraire à l'arrêt https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 11/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz Ribeiro de Souza et à l'avis formulé le 19 novembre 2013 par le Défenseur des droits. Ainsi que le souligne l'autorité non juridictionnelle dans son rapport d'activité pour l'année 2014, il est actuellement demandé au préfet de Mayotte de veiller, au cas par cas, au respect des principes de l'arrêt de la CEDH en évaluant notamment l'opportunité du recours effectué et, ainsi, de décider qu'il soit sursis à l'exécution de l'éloignement. Or, à partir du moment où le préfet est lui-même l'auteur de la mesure d'expulsion, il ne saurait effectuer un examen indépendant et impartial des requêtes. Dans ces conditions, le contrôle opéré par le préfet semble contrevenir au droit au recours effectif tel que défini par le droit européen dans la mesure où la Cour impose qu'un tel contrôle soit effectué par une instance indépendante (130). De même, des progrès restent à faire pour une mise en conformité totale du droit positif français avec l'arrêt Popov (131). En dépit d'une intervention du Défenseur des droits en ce sens en 2013, le gouvernement n'a toujours pas achevé de tirer les conséquences de la jurisprudence européenne s'agissant du département de Mayotte où la circulaire du 6 juillet 2012 ne trouve pas à s'appliquer. Considéré par le gouvernement comme relevant d'une situation territoriale d'exception, le département de Mayotte est pourtant celui où la rétention administrative des mineurs est des plus préoccupante. Pour preuve, sur les 5 692 mineurs enfermés en France en 2014, 5 582 l'étaient à Mayotte (132). Et au-delà de la situation particulièrement alarmante de Mayotte, la circulaire précitée permet certes de restreindre le recours à la rétention administrative des familles en situation irrégulière en France, mais il ne s'agit là que d'une restriction, cautionnée par le Conseil d'État lui-même (133), et non d'une interdiction de placer les enfants étrangers en rétention ainsi que l'a jugé la Cour de Strasbourg (134). De nature à nuancer l'efficacité de la fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice assumée par le Défenseur des droits, ces résistances ne sauraient pour autant occulter les avancées rendues possibles, et ce seulement trois années après son émergence, par une telle fonction. Fort de modalités d'interventions complémentaires de celles du juge, le Défenseur des droits semble effectivement en mesure de jouer un rôle majeur parmi les instruments actuellement existants en matière de suivi de la réception de la chose jugée. Gardons-nous toutefois des prédictions hâtives. Compte tenu du peu de recul dont nous disposons à ce jour, seule l'oeuvre du temps confirmera ou infirmera cette vision optimiste de la fonction de soutien à l'exécution des décisions de justice du Défenseur des droits. Mots clés : DROITS FONDAMENTAUX ET PRINCIPES GENERAUX * Défenseur des droits * Exécution des décisions de justice (1) Circulaire du 13 oct. 1988 relative au respect des décisions du juge administratif, JO du 15 oct. 1988, p. 13008. (2) E. Lambert Abdelgawad, L'exécution des arrêts de la Cour européenne des droit de l'homme, Dossiers sur les droits de l'homme, n° 19, Éditions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2e éd., 2008, p. 64. (3) Sur ce point, v. entre autres, D. d'Ambra, L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges, LGDJ, Paris, 1994 ; D. Connil, L'office du juge administratif et le temps, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des thèses, Paris, 2012, p. 18 ; A. Weber, Les mécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l'homme, thèse dactylographiée, Université Robert Schuman, Strasbourg, 2006, p. 25-26. (4) En ce sens, v. notamment, S. Rials, « L'office du juge », Droits, 1989, n° 9, p. 3. (5) Devant le juge administratif, par ex., cette formule exécutoire est prévue par l'art. R. 751-1 du code de justice administrative. Aux termes de cette disposition, « la République mande et ordonne au [destinataire] en ce qui le (les) concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision ». Il convient toutefois de souligner que cette formule exécutoire ne s'applique qu'aux seules personnes privées récalcitrantes, et non à l'administration. Ce qui explique la mise en place de dispositifs, parmi lesquels l'attribution au juge administratif de pouvoir d'astreinte et d'injonction, pour contraindre cette dernière lorsqu'elle est condamnée. https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 12/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz (6) CEDH, 19 mars 1997, n° 18357/91 , Époux Hornsby c/ Grèce, AJDA 1997. 977, chron. J.-F. Flauss ; D. 1998. 74 , note N. Fricero ; RTD civ. 1997. 1009, obs. J.-P. Marguénaud. (7) F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, op. cit., p. 344. (8) Cons. const., 29 juill. 1998, n° 98-403 DC , Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, Rec. Cons. const. p. 276, JO du 31 juill. 1998, p. 11710, AJDA 1998. 739 ; ibid. 705, note J.-E. Schoettl ; D. 1999. 269 , note W. Sabete ; ibid. 2000. 61, obs. J. Trémeau ; RDSS 1998. 923, obs. M. Badel, I. Daugareilh, J.-P. Laborde et R. Lafore ; RTD civ. 1998. 796, obs. N. Molfessis ; ibid. 1999. 132, obs. F. Zenati ; ibid. 136, obs. F. Zenati. (9) CE, 15 mars 2000, n° 189042 , Allais, Lebon T. p. 1077 et 1176 ; CE, 26 mai 2010, n° 316292 , Mafille, Lebon T. p. 842 et 980 ; AJDA 2010. 1054 ; ibid. 1784 , note S. Théron. (10) Il s'agit là d'une jurisprudence constante : CE, sect., 28 déc. 1949, Société Automobiles Berliet, Lebon p. 579 ; CE, 8 mars 1972, n° 85721 , Thfoin, Lebon p. 19. (11) Il s'agira ici d'une responsabilité pour faute qui trouvera, par ex., à s'appliquer en cas de retards dans l'exécution d'une décision juridictionnelle (CE, 27 mai 1949, n° 93122 , Véron-Réville, Lebon p. 246 ) ou dans les hypothèses de violation de la chose jugée (en ce sens, v. par ex., CE, 10 oct. 1980, n° 11331 , Ministre de la santé et de la sécurité sociale c/ Union départementale des sociétés mutualistes du Puy de Dôme, Lebon T. p. 843, 872 et 880 , JurisData n° 1980-080129). (12) À l'inverse, il s'agira ici d'une responsabilité sans faute illustrée de manière classique par l'affaire Couitéas. En l'espèce, le Sieur Couitéas, ne parvenant pas à obtenir du gouvernement l'exécution d'un jugement ordonnant l'expulsion d'une tribu de 8 000 autochtones occupant son terrain de 38 000 hectares en Tunisie, se tourne vers le Conseil d'État pour obtenir satisfaction. L'exécution du jugement impliquant l'organisation d'une véritable expédition militaire, le Conseil d'État, sur le fondement d'un principe général du droit consacré à cette occasion, admet que si les pouvoirs publics, en présence d'un intérêt général prééminent, ne commettent pas de faute en refusant de prêter le concours de la force publique en vue de l'exécution de la décision de justice, ils engagent toutefois la responsabilité sans faute de la puissance publique (CE, 30 nov. 1923, n° 38284 , Couitéas, Lebon p. 789 ; RD publ. 1924. 75 et 208, concl. R. Rivet, note G. Jèze). Il convient d'ailleurs de souligner que le Conseil constitutionnel a jugé que l'autorité administrative peut refuser de prêter le concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice « dans des circonstances exceptionnelles tenant à la sauvegarde de l'ordre public » (Cons. const., n° 98-403 DC, op. cit.). (13) En ce sens v., CE, 23 déc. 1955, Soubirou-Pouey, Lebon p. 607. (14) Par voies d'exécution il faut entendre les procédures permettant au juge de forcer l'exécution du jugement afin que la partie gagnante bénéficie de la décision de justice rendue en sa faveur : saisie mobilière, saisie immobilière, astreinte, saisie-arrêt, exécution forcée avec concours de la force publique, contrainte par corps. (15) Étant entendu qu'une telle impossibilité n'est en réalité pas propre à la juridiction administrative. Elle s'impose tout autant au juge judiciaire. Et ce car l'impossibilité de recourir aux voies d'exécution de droit commun à l'encontre des autorités administrative résulte du principe de séparation des fonctions juridictionnelle et administrative et des privilèges qui en résultent pour l'administration, en tête desquels l'insaisissabilité de ses biens, et non pas de l'existence du dualisme juridictionnel. En somme « c'est la nature de l'administration qui fonde l'insaisissabilité de ses biens, et non la nature même de la juridiction qui la condamne » (J.-P. Costa, « L'exécution des décisions de justice », AJDA 1995. 227 ). Il s'ensuit que la Cour de cassation (v. par ex., Civ., 31 mars 1819, Enregistrement c/ Jousselin, S. 1819-1821, p. 51), mais également le Tribunal des conflits (v. notamment, T. confl., 9 déc. 1899, https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 13/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz n° 0515 , Consorts Ducornot c/ Association syndicale du Canal de Gignac, Lebon p. 731 ), font tout autant application de cette règle que le Conseil d'État. C'est d'ailleurs cette même logique qui justifie, à l'inverse, la possibilité pour les deux ordres juridictionnels de recourir aux voies d'exécution lorsque le débiteur de la décision de justice est une personne privée. Mais dans la mesure où le juge administratif constitue le principal juge de l'administration, on comprend aisément que l'impossibilité de recourir aux voies d'exécution de droit commun s'exprime avec une acuité sensiblement plus prononcée devant lui. (16) Sur la problématique de l'exécution des décisions de justice rendues contre l'administration, le lecteur pourra utilement se référer à : C.-L. Boulard, Le respect par l'administration active des décisions du Conseil d'État au contentieux, Thèse Paris, 1932 ; A. Béal, « Exécution des jugements », J.-Cl. administratif, fasc. n° 1112, oct. 2013 ; J.-P. Costa, « L'exécution des décisions de justice », op. cit., p. 227 ; P. Delvolvé, « L'exécution des décisions de justice contre l'administration », EDCE, 1983-1984, n° 35, p. 111 ; C. Guettier, « L'administration et l'exécution des décisions de justice », AJDA 1999. 66 ; H. Oberdorff, L'exécution par l'administration des décisions du juge administratif, thèse dactylographiée, Paris II, 1981. (17) Le code de justice administrative confie en effet deux prérogatives à la Section du rapport et des études en matière de soutien à l'exécution des décisions de justice. Aux termes de l'article R. 931-1, d'abord, « lorsqu'une juridiction administrative a annulé pour excès de pouvoir un acte administratif ou, dans un litige de pleine juridiction, a rejeté tout ou partie des conclusions présentées en défense par une collectivité publique, l'autorité intéressée a la faculté de demander au Conseil d'État d'éclairer l'administration sur les modalités d'exécution de la décision de justice ». Il revient alors à un rapporteur désigné à cet effet d'exercer cette mission auprès de l'administration sous l'autorité du président de la Section du rapport et des études. L'article R. 932-2, ensuite, prévoit un mécanisme d'aide à l'exécution permettant au bénéficiaire d'une décision de justice de signaler à la Section du rapport et des études les difficultés qu'elles rencontrent pour obtenir l'exécution d'une décision rendue par le Conseil d'État ou une juridiction administrative spécialisée (sur l'ensemble des mécanismes d'exécution des décisions, v. J. Gourdou et A. Garcia, « Exécution des décisions de la juridiction administrative », Rép. cont. adm. Dalloz, 2009). (18) Sur le pouvoir d'injonction, v. notamment, G. Bardou, « Pouvoir d'injonction et exécution des décisions de justice », RFDA 2015. 452 ; C. Broyelle, « De l'injonction légale à l'injonction prétorienne : le retour du juge administrateur », Dr. adm. 2004, chron. n° 6 ; C. Charles, « Dix ans après : à quoi a servi la loi du 8 février 1995 ? », Dr. adm. 2005, étude n° 7 ; Y. Gaudemet, « Réflexion sur l'injonction dans le contentieux administratif », Mélanges G. Burdeau, LGDJ, 1977, p. 805 ; J. Gourdou, « Les nouveaux pouvoirs du juge administratif en matière d'injonction et d'astreinte (premières applications de la loi du 8 février 1995) », RFDA 1996. 333 ; F. Moderne, « Sur le nouveau pouvoir d'injonction du juge administratif », RFDA 1996. 43 ; A. Perrin, L'injonction en droit public français, Ed. Panthéon-Assas, 2009 ; J.-M. Woehrling, « Les nouveaux pouvoirs d'injonction du juge administratif selon la loi du 8 février 1995 : propositions pour un mode d'emploi », LPA, 24 mai 1995, p. 18. (19) Le prononcé d'injonctions à titre principal conduirait effectivement le juge à « sortir de sa fonction juridictionnelle et entreprendre sur l'administration active » (E. Laferrière cité in R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 13e éd., 2008, p. 973, n° 1091). (20) « La nature de la fonction du juge est, en toute matière, de dire ce que le droit exige [...]. Mettre à néant l'acte, mais se refuser à dire ce qui doit nécessairement découler de cette disparition, n'est-ce point, pour le juge, s'arrêter à mi-chemin, sans aller au bout de sa tâche ? » (J. Rivero, « Le Huron au Palais-Royal, ou réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir », D. 1962. 37-38). (21) Loi n° 95-125 du 8 févr. 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, JO du 9 févr. 1995, p. 2186. (22) Loi n° 80-359 du 16 juill. 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, JO du 17 juill. 1980, p. 1799. https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 14/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz (23) Cette procédure est prévue par les art. 258 à 260 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il s'agira en l'occurrence d'un manquement par abstention, voire par action si l'État destinataire de la décision de la Cour de justice en fait une mauvaise application. (24) F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, PUF, 12e éd. refondue, 2015, p. 388-389. (25) Pour un exemple de résolution intérimaire, v. par ex., Rés. DH (88) 13, Ben Yaacoub c/ Pays-Bas et Rés. Finale DH (92) 58. (26) CEDH, 7 juill. 1989, Soering c/ Royaume-Uni, GACEDH, n° 16, § 125. (27) L'art. 41 consacre le caractère déclaratoire des arrêts de la Cour, l'art. 46 leur caractère obligatoire. (28) F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, op. cit., p. 378. (29) L'affirmation est particulièrement vraie s'agissant des mesures individuelles. En matière de privation de propriété par exemple, la Cour impose à l'État de restituer la propriété au requérant dans un délai déterminé ou de verser une indemnité appropriée (CEDH, 31 oct. 1995, Papamichalopoulos c/ Grèce, GACEDH, n° 75). (30) Désormais codifiée à l'art. 61 du règlement de la Cour, la procédure de l'arrêt « pilote » a pour objet, en présence d'un problème « structurel » ou « systémique » à la source de violations répétées de la Convention, de geler les affaires répétitives pendantes devant la Cour dans l'attente de la mise en oeuvre des mesures générales pertinentes et de l'adoption par l'État des mesures de redressement nécessaires, telles que prescrites par l'arrêt « pilote », en vue de remédier audit problème. Cette procédure conduit effectivement le juge européen à contrôler l'exécution de ses propres arrêts dans la mesure où l'arrêt « pilote » définit clairement les termes de son exécution. C'est ainsi que dans le cadre de sa jurisprudence Broniowski, la Cour, considérant qu'il convient d'examiner les conséquences qui peuvent être tirées de l'art. 46 de la Convention pour l'État défendeur sur le terrain de l'exécution de l'arrêt, prescrit à l'État les mesures générales appropriées à adopter (en l'espèce l'indemnisation effective et rapide des personnes concernées) en vue de remédier à la défaillance structurelle constatée en Pologne sur le terrain du droit de propriété (CEDH, 22 juin 2004, n° 31443/96 , Broniowski c/ Pologne, AJDA 2004. 1809, chron. J.-F. Flauss ; D. 2004. 2542 , obs. C. Bîrsan ; GACEDH, n° 74). (31) CE, 14 nov. 2013, n° 364007 , M. B. (32) Rapporté par Défenseur des droits, Bilan annuel d'activité 2014, p. 64, [en ligne], disponible sur [www.defenseurdesdroits.fr]. (33) Question écrite n° 04875 de M. J.-L. Masson, JO Sénat, 21 févr. 2013, p. 560. (34) 156 devant le Conseil d'État, 504 devant les cours administratives d'appel et 1 509 devant les tribunaux administratifs (Réponse du ministère de la justice à la question écrite n° 04875 de M. J.-L. Masson, JO Sénat, 21 nov. 2013, p. 3394). (35) Ibid. (36) E. Lambert Abdelgawad, L'exécution des arrêts de la Cour européenne des droit de l'homme, op. cit., p. 64. Les refus de principe d'exécuter les arrêts de la Cour sont, réserve faite du cas de la Turquie (on songera notamment à https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 15/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz la désormais célèbre affaire interétatique CEDH, 10 mai 2001, n° 25781/94 , Chypre c/ Turquie, AJDA 2001. 1060, chron. J.-F. Flauss ), en effet exceptionnels compte tenu « de leurs poids juridique et moral » (F. Sudre, Droit européen et international des droits de l'homme, op. cit., p. 390). (37) Ibid, p. 65. (38) Rapporté par Défenseur des droits, Rapport annuel 2011, p. 30, [en ligne]. Disponible sur [www.defenseurdesdroits.fr]. (39) CEDH, 19 janv. 2012, n° 39472/07 et 39474/07, Popov c/ France, AJDA 2012. 127 ; ibid. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2012. 363, obs. C. Fleuriot ; ibid. 864, entretien S. Slama ; ibid. 2267, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ pénal 2012. 281 , note S. Slama ; RFDA 2013. 576, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; Rev. crit. DIP 2012. 826, note K. Parrot. (40) CEDH, 13 déc. 2012, n° 22689/07 , De Souza Ribeiro c/ France, AJDA 2012. 2408 ; ibid. 2013. 165, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2013. 91, et les obs. ; ibid. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2013. 576, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; Rev. crit. DIP 2013. 448, note F. Jault-Seseke. (41) En ce sens v., CESEDA, art. L. 541-1. (42) Un exemple en ce sens est donné par la jurisprudence Couitéas, préc. (43) En ce sens v., CEDH, 12 oct. 2010, n° 23516/08 , Société Cofinfo c/ France, D. 2010. 2843, obs. C. de Gaudemont ; ibid. 2011. 2298, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2011. 153 , obs. J. Raynaud. (44) J. Rivero, Cours de libertés publiques, 1965-1966, p. 203. (45) G. Bardou, « Pouvoir d'injonction et exécution des décisions de justice », op. cit., p. 452. (46) J.-P. Costa, « L'exécution des décisions de justice », op. cit., p. 228. (47) La France compte quelques exemples, certes un peu datés, mais particulièrement significatifs, de cette pratique. On songera notamment à l'affaire Fabrègues où un maire s'obstine à suspendre systématiquement le garde champêtre de la commune au début de chaque mois, nonobstant l'annulation par le Conseil d'État de ses dix premiers arrêtés de suspension (CE, 23 juill. 1909 et 22 juill. 1910, Fabrègues, S. 1911.3.121, note M. Hauriou). Ou, encore, à l'hypothèse Dame Lamotte où le préfet, nullement découragé par l'annulation de son arrêté de réquisition de terrain, adopté en réaction à une première annulation d'une concession dudit terrain, prend un nouvel arrêté de concession (CE, ass., 17 févr. 1950, n° 86949, Dame Lamotte, Lebon ; RD publ. 1951. 478, concl. J. Delvolvé ; note M. Waline). (48) G. Guillaume, « Avant-propos », in A. Azar, L'exécution des décisions de la Cour internationale de justice, Bruxelles, Ed. Bruylant, Coll. de droit international, 2003. (49) Cité par Y. Poirmeur, « Le Conseil constitutionnel protège-t-il véritablement les droits de l'homme ? », in G. https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 16/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz Drago, B. François, N. Molfessis (dir.), La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica, coll. Études Juridiques, Paris, 1999, p. 342. (50) Cons. const., 12 janv. 1977, n° 76-75 DC , op. cit. (51) Position tout à fait contraire à celle du Conseil constitutionnel dans la mesure où, « si la décision du 12 janvier 1977 ne s'oppose pas en principe à la fouille des véhicules (pourvu qu'elle soit entourée de précautions très strictes), elle n'a nullement reconnu (elle a même démenti) l'existence d'un "droit de fouiller les véhicules" « (A. S. Ould Bouboutt, L'apport du Conseil constitutionnel au droit administratif, Economica, PUAM, coll. Droit public positif, Paris, 1987, p. 362). (52) Ch. Jarrosson, « Le médiateur : questions fondamentales », in Les médiateurs en France et à l'étranger, Colloque organisé par le centre français de droit comparé avec le centre français du commerce extérieur, Société de législation comparée, 17 nov. 2000, p. 20. (53) Ce n'est d'ailleurs là qu'une illustration, parmi d'autres, des limites du panjurisme. Un exemple certainement plus significatif est donné par l'« hypothèse du non-droit », mise en avant par le doyen J. Carbonnier, qui renvoie à un phénomène d'absence ou de retrait du droit dans des situations où il devrait être présent (Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 7e éd., 1992, p. 23 et s.). (54) Aux termes de l'art. 11 de la loi du 3 janv. 1973 (loi n° 73-6 instituant un Médiateur, JO du 4 janv. 1973, p. 164) tel que modifié par la loi du 24 déc. 1976 (loi n° 76-1211, JO du 28 déc. 1976, p. 7493), le Médiateur était autorisé, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, à enjoindre à l'organisme mis en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Art. 11 de la loi du 3 janv. 1973 (loi n° 73-6, op. cit.) tel que modifié par la loi du 24 déc. 1976 (loi n° 76-1211, op. cit.). (55) Aux ombudsmen en charge d'une simple fonction de surveillance de l'administration aux fins de résolution des hypothèses de « maladministration », à savoir le Parliamentary ombudsman et l'Executive ombudsman, peut être opposé l'human rights ombudsman, désigné, à l'instar du Parliamentary ombudsman, par le Parlement mais chargé d'une mission privilégiée de protection des droits fondamentaux (sur ces typologies, v. L. Reif, The Ombudsman, Good Governance and the International Human Rights System, Leiden, Boston, Martinus Nijhoff, International Studies in Human Rights, vol. 79, 2004, p. 3 et 8 spéc.). Or, si le Défenseur des droits s'écarte du modèle de l'human rights ombudsman de par son mode de désignation hybride, il s'en rapproche, en revanche, indiscutablement du point de vue de sa fonction de protection des droits et libertés. (56) Ce rôle de catalyseur est notamment rendu possible en raison de la faculté du Défenseur des droits de présenter, à la demande du juge, de celle des parties ou d'office, des observations orales ou écrites à l'occasion d'une instance en cours devant les juridictions ordinaires (art. 33-2 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, JO du 30 mars 2011, p. 5497). (57) Aux termes de l'art. 27 de la loi organique du 29 mars 2011, le Défenseur des droits, lorsqu'il estime que la réclamation d'une personne s'estimant victime d'une discrimination ou invoquant la protection des droits de l'enfant appelle une intervention de sa part, assiste le réclamant dans la constitution de son dossier et l'aide à identifier les procédures adaptées à son cas. (58) B. Stirn, « Ordres de juridiction et nouveaux modes de régulation », AJDA 1990. 591. B. Stirn rejoint en cela R. Pierot lorsque, s'interrogeant en 1974 sur les rapports entre le Médiateur de la République et le juge administratif, celui-ci concluait que le Médiateur, loin de constituer un rival superflu de la juridiction administrative, s'érige, au contraire, en allié de celle-ci (« Le Médiateur : rival ou allié du juge administratif ?, in Mélanges offerts à Marcel Waline, Le juge et le droit public, tome II, LGDJ, Paris, 1974, p. 698). https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 17/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz (59) Sur ce point v., Défenseur des droits, Rapport annuel 2011, op. cit., p. 5 et 30. (60) Ibid, p. 17 et 59. (61) Sur ce point v., supra, note de bas de page n° 54. (62) Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, op. cit., p. 5497 et loi n° 2011-334 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, JO du 30 mars 2011, p. 5504. (63) X. Bioy (dir.), « Actualité des autorités administratives indépendantes dans le domaine des libertés fondamentales (chronique n° 2) », LPA, 1er avr. 2014, n° 65, p. 6. (64) N. Molfessis, Le Conseil constitutionnel et le droit privé, LGDJ, Paris, 1997, p. 238. (65) T.-S. Renoux, « Le droit au recours juridictionnel », JCP 1993, I, 3675. (66) L. Corbion, « Devoir juridictionnel et droit à la protection juridictionnelle », J.-Cl. civil code, art. 1er à art. 10, Publication, effets et application des lois, art. 4, à jour au 1er décembre 2007, p. 4. (67) Défenseur des droits, Rapport annuel 2011, op. cit., p. 30. (68) Ibid. (69) En témoigne, par ex., l'art. 33 de la loi organique relative au Défenseur des droits, selon lequel l'institution française « ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle ». (70) La compétence du Défenseur des droits en cette matière se révèle somme toute logique dès lors que, d'un point de vue organique, l'administration constitue le domaine d'intervention privilégié des ombudsmen, et ce y compris lorsqu'ils se trouvent revêtus d'une fonction privilégiée de protection des droits fondamentaux (sur ce point, on se permet de renvoyer à D. Löhrer, La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux en droit constitutionnel comparé. L'exemple de l'ombudsman spécialisé portugais, espagnol et français, Institut Universitaire Varenne, LGDJ, Collection des thèses, 2014, p. 286 et s.) (71) Sur la bonne administration de la justice, le lecteur pourra utilement se référer à : N. Laval, « La bonne administration de la justice », LPA, 1999, n° 160, p. 12 ; J. Robert, « La bonne administration de la justice », AJDA 1995. 117. (72) Il s'agit respectivement du Defensor del Pueblo et du Provedor de Justiça. (73) En Espagne, l'art. 13 de la loi organique du Defensor del Pueblo (loi organique n° 3-1981 du 6 avr. 1981, BOE du 7 mai 1981, p. 9764) précise que lorsque l'institution reçoit des plaintes concernant le fonctionnement de la justice, elle doit les remettre au ministère public qui apprécie leur recevabilité et, en fonction du genre de réclamation, prend les mesures pertinentes ou les transmet au Conseil général du pouvoir judiciaire. Au Portugal, l'art. 22-3 du statut du Provedor de Justiça (loi n° 9-91, DR Série I du 9 avr. 1991, p. 1868) impose à ce dernier que https://www-dalloz-fr.docelec.u-bordeaux.fr/documentation/Document?ctxt=0_dCRzMD05QkVBRDg0RMKnaCRoMz05NzBDRkZGNMKnaCRo… 18/23 15/01/2022 19:20 RFDA | Dalloz les plaintes qui lui sont adressées en cette matière soient traitées, selon la nature de la réclamation considérée, à travers le Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil supérieur du ministère public ou le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et fiscaux. (74) Sur ce point v., infra, p. 22. (75) C'est toutefois ce que laisse supposer la série de recommandations adressée en avril 2013 par le Défenseur des droits en vue de garantir l'effectivité sur le territoire national de l'arrêt M.M.S. c/ Belgique et Grèce consacrant le droit pour tout demandeur d'asile de se voir garantir le droit à un recours effectif et des conditions matérielles d'accueil digne (CEDH, 21 janv. 2011, n° 30696/09 , AJDA 2011. 138 ; D. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RFDA 2012. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; Constitutions 2011. 334, obs. A. Levade ; RTD eur. 2012. 393, obs. F. Benoît-Rohmer ). Bien que l'État français n'était pas partie au litige dont était saisie la Cour, le Défenseur des droits, à l'occasion de son audition dans le cadre de la mission confiée au député M. Felk sur les difficultés rencontrées par les ressortissants étrangers pour accéder à la procédure d'asile, a en effet recommandé la mise en conformité du droit positif français avec les exigences jurisprudentielles européennes. De telles exigences étant méconnues en raison des délais d'attente de trois à six mois auxquels se trouvent confrontés les demandeurs d'asile avant de pouvoir enregistrer leur demande d'asile et, ce fa