Cours UFHB M2 Finance Internationale 2021-2022 PDF
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Université Félix Houphouët-Boigny
2021
Aka Brou Emmanuel
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This document is lecture notes from the M2 Economics of Development and International Economics course, 2021-2022 at Université Félix Houphouët-Boigny in Abidjan. It covers financial globalization, international capital markets, financial regulation, and diversification topics.
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Les cahiers de l’économiste UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION (UFR-SEG) BP V 43 ABIDJAN FINANCE INTERNATIONALE M2 Economie du Développement, 2021-2022 M2 Economie Intern...
Les cahiers de l’économiste UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION (UFR-SEG) BP V 43 ABIDJAN FINANCE INTERNATIONALE M2 Economie du Développement, 2021-2022 M2 Economie Internationale ; 2021-2022 Prof. AKA BROU Emmanuel Agrégé d’Economie, UFR-SEG, UFHB Email : [email protected] 1 PLAN DU COURS Plan du cours Chapitre 1. La globalisation financière Chapitre 2. Les marchés internationaux des capitaux Chapitre 3. Pourquoi réguler les marchés financiers ? Chapitre 4. Les différentes approches de la régulation financière Eléments de bibliographie Mishkin F. (2017), « Monnaie, Banque et Marchés financiers », Edition Nouveaux Horizons (10ème édition). Bourguinat H., Teiletche J. et Dupay M. (2007), Finance internationale, Edition Dalloz. 2 Chapitre 1. La globalisation financière La globalisation (ou mondialisation) financière est définie comme la mise en place, à l’échelle de la planète, d’un marché unifié des capitaux par l’intégration de plus en plus poussée des marchés financiers nationaux. Ce processus, conséquence naturelle de l’ouverture économique née du libre-échange, s’en distingue toutefois par sa croissance extrêmement rapide depuis les années 1980 et son caractère potentiellement instable. 1. Les étapes de la globalisation des marchés financiers La globalisation financière s’est réalisée en trois étapes principales. 1.1 Des pétrodollars aux eurodollars Le début de l’internationalisation des transferts financiers date du recyclage des pétrodollars dans les années 70, et du développement du marché des eurodollars. La hausse du cours du pétrole à partir de 1973 entraîne un transfert de revenus entre les pays exportateurs et les pays importateurs de pétrole. Les premiers ont par la suite placé leur épargne excédentaire auprès du système bancaire privé, en particulier sur le marché des eurodollars (dollars détenus par une banque à l’extérieur des Etats-Unis), qui est devenu, en quelques années, le cœur de la finance internationale. Le marché bancaire international joue pleinement son rôle d’intermédiaire financier, collectant les dépôts, d’une part, des pays pétroliers, et accordant des eurocrédits, d’autre part, sur la base de ces dépôts. La faiblesse des taux d’intérêt en raison de l’abondance des fonds prêtables, et les taux d’inflation relativement élevés (les taux d’intérêt réels sont négatifs) créent une forte incitation à l’endettement. Les grandes banques financent les déficits des pays développés et des pays du Tiers monde grâce aux excédents de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Mais ce système va accentuer le fractionnement entre les pays du sud. Certains pays d’Amérique latine (Brésil, Mexique) ou d’Asie (Corée du Sud) parviennent à financer leurs investissements en empruntant des capitaux à des taux avantageux, alors que les pays les plus pauvres reçoivent une part de plus en plus faible des prêts internationaux car les financiers préfèrent prêter aux pays en développement possédant des richesses potentielles et dotés de gouvernement stables. Au total, les pays d’Amérique latine représentent la moitié de la dette des pays en développement à la fin des années 70. Le recyclage des pétrodollars peut donc être considéré comme le début de la globalisation financière avec un développement des flux Sud/Nord et Sud/Sud. Cette première étape de la 3 globalisation financière prend fin avec la crise du Mexique de 1982 et les difficultés de paiement de plusieurs pays en développement. 1.2 Réallocation, déréglementation et développement du marché international des titres 1.2.1 Réallocation géographique des flux Les pays de l’OCDE mettent dès 1980 la lutte contre l’inflation au premier rang de leurs priorités. Ils opèrent un resserrement général de leur politique monétaire, entraînant une hausse des taux d’intérêt. D’autre part les équilibres internationaux se modifient : -les excédents de l’OPEP disparaissent ; dans le même temps, les politiques d’ajustement imposé par le Fonds Monétaire International (FMI) aboutissent à une réduction du déficit global des PED ; -les Etats-Unis cumulent désormais les déficits budgétaires, mais aussi commerciaux, en raison d’une moindre croissance entre 1983 et 1985 par rapport aux autres pays occidentaux, et d’importantes importations de produits manufacturés. Grâce à des taux d’intérêt élevés, les Etats- Unis ont pu attirer des capitaux afin de financer leurs importations. L’afflux de capitaux vers les Etats-Unis se traduit par une demande croissante de dollars, et donc par l’appréciation de cette monnaie dont la valeur a doublé par rapport au deutschemark et augmenté de près de 30% par rapport au yen. Dès les années 80, on assiste donc à un recentrage des flux financiers entre pays développés, le Japon et l’Allemagne devenant créanciers des Etats-Unis. En revanche, les capitaux désertent, au cours des années 80, les PED à la suite de la crise des paiements de 1982. La part des pays du Sud dans les mouvements de capitaux internationaux se restreint. La charge de la dette (remboursement du capital et paiement des intérêts) devenant même supérieure aux nouveaux capitaux reçus, les PED financent cette période la croissance des pays développés. 1.2.2 La nature de la globalisation financière L’accroissement des mouvements de capitaux a été rendu possible par un processus de libéralisation des échanges de capitaux depuis le début des années 80, débouchant sur la création d’un marché mondial de capitaux. Ce processus de libéralisation des échanges de capitaux est connu sous « la règle des 3D » : 4 Déréglementation des mouvements de capitaux : il n’y a quasiment plus de contrôles, de réglementations, afin de favoriser une meilleure circulation internationale des capitaux. Décloisonnement des marchés : les différents marchés ne sont plus séparés les uns des autres et tous les acteurs peuvent intervenir sur tous les marchés. Désintermédiation : les agents à besoin de financement (i.e. les entreprises) ont accès direct aux marchés des capitaux sans passer par les intermédiaires traditionnels que sont les banques. Il s’agit d’un financement de haut de bilan, par l’émission de titres (on parle de titrisation du marché), plutôt qu’un financement de bas de bilan (par endettement auprès du système bancaire), caractéristique d’une économie d’endettement. La déréglementation des mouvements de capitaux a pour but de favoriser la circulation internationale de capitaux, afin de drainer l’épargne mondiale pour financier les déficits budgétaires des pays développés. On aboutit en dix ans à la constitution d’un vaste marché des capitaux dans lequel s’intègrent les marchés nationaux. Les taux d’intérêt ne sont plus contrôlés par les pouvoirs mais librement déterminés par le marché. Aux Etats-Unis, la réglementation « Q », créée en 1936 et qui plafonnait les taux d’intérêt, est abrogée en 1986. En France il y a décloisonnement des activités bancaires et mis en concurrence des établissements. Le contrôle des changes est complètement aboli en 1984. En 1990, en Europe, la création du marché unique des capitaux marque la fin de tous les systèmes de contrôle des changes nationaux. La suppression de la réglementation des capitaux accélère les échanges. Par exemple, les Etats-Unis suppriment en 1984 le prélèvement à la source de 30% sur la rémunération des obligations détenues par les étrangers. Les principales places boursières dans le monde sont également déréglementées, à commencer par le « Big Bang » de la City à Londres, où, dès 1987, les charges d’agents de change sont mises en concurrence et doivent leur capital à des investisseurs nationaux ou étrangers. Désormais, les personnes morales, et pas seulement les individus, peuvent devenir membres de la bourse. Les compagnies d’assurance et les banques américaines et européennes prennent le contrôle de firmes de courtage afin de devenir membres de la Bourse et améliorer les performances de leurs placements. Cette concurrence se traduit par une baisse des coûts car les commissions versées aux intermédiaires deviennent libres. 5 1.2.3 Le développement du marché international des titres Les flux de capitaux se font dans le cadre du système bancaire international jusqu’au début des années 80. La finance directe prend le relais du crédit bancaire international, en parallèle avec le passage à l’intérieur des économies nationales du financement par le crédit bancaire au financement par émission de titres. Lever des fonds directement sur le marché international des titres signifie par exemple, pour une entreprise française, emprunter des capitaux en dollars sur le territoire européen en émettant des obligations en dollars. Elle a également la possibilité de lever des fonds propres directement sur le sol américain ou ailleurs en cotant ses actions en dollars à la Bourse de New York. Les pouvoirs publics, aux côtés des investisseurs privés, ont recours également de plus en plus au financement par titres et non par le crédit bancaire pour couvrir leurs déficits. Pour les différents acteurs de la finance (investisseurs institutionnels, entreprises, banques, Trésors publics), le recours à la finance directe, et globale, répond à la volonté de trouver des solutions plus souples à leurs besoins de financement, et aussi moins coûteuses, grâce à la suppression du coût de l’intermédiation. Le rôle accru des marchés financiers dans le financement de l’économie entraîne un déclin des activités traditionnelles des banques (collecte de l’épargne, par exemple) qui doivent se repositionner dans les nouvelles activités (bancassurance, par exemple). 2. Les effets de la globalisation financière La globalisation financière s’entend comme une extension au niveau mondial du paradigme du marché. La création d’un tel marché unique des capitaux est censée générer une allocation optimale des ressources en capital. Mais par ailleurs, la globalisation financière fait peser de nouveaux risques sur l’économie mondiale et, en particulier, un risque systémique aux conséquences difficiles à estimer. 6 2.1 Les effets attendus de la globalisation financière Trois aspects favorables de la globalisation financière sont systématiquement mis en avant : 2.1.1 Marchés financiers et efficience La fluidité du financement de l’économie est permise par la plus grande efficience des marchés en termes d’allocation des ressources en capital et de circulation de l’information. Cette efficience tient à trois éléments : -une réduction du coût de l’intermédiation financière du fait des possibilités d’accès aux sources de financement et de la concurrence entre places financières et entre intermédiaires financiers, ce qui tend à réduire les rentes de situation ; -un élargissement de la gamme des possibilités de placement, d’où une plus grande diversification des portefeuilles d’actifs, ce qui permet une meilleure répartition du risque ; -le fonctionnement intrinsèque des marchés financiers, où l’information circule très vite et sous une forme très concentrée (le prix des actifs constitue l’essentiel de l’information), conduit à une efficience informationnelle fondée sur les anticipations jugées rationnelles des opérateurs. 2.1.2 Marchés financiers et corporate governance La corporate governance ou le gouvernement d’entreprises, en français, se définit, selon O. Pastré, comme « l’ensemble des règles de fonctionnement et de contrôle qui régissent, dans un cadre historique et géographique donné, la vie des entreprises ». C’est une notion historiquement déterminée. Aujourd’hui le gouvernement d’entreprise désigne le pouvoir croissant des actionnaires et notamment des investisseurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurances) dans la gestion des entreprises et la définition de leurs stratégies. Deux conséquences en découlent : -le poids croissant des actionnaires institutionnels conduit les dirigeants d’entreprises à privilégier la rentabilité immédiate ou à court terme (short termism) au détriment de la croissance de longue période ; - short termism conduit finalement à une convergence des pratiques et des méthodes de gestion calqués sur le modèle managérial anglo-saxon, censé être plus efficient, et marqué par une opposition d’intérêt croissant entre actionnaire et salariés. 7 2.1.3 Marchés financiers et politiques économiques Grâce à la globalisation financière, une fonction de discipline salutaire est exercée par le jugement permanent des marchés financiers sur les politiques économiques menées par les Etats. Les responsables de la politique économique sont tenus de respecter les « bonnes règles » : lutte prioritaire contre l’inflation, réduction des déficits publics, privatisations. Les agences internationales de notation financière (Standard & Poors et Moody’s) ont mis en place un système de notation sur la fiabilité de la dette publique des pays. 2.2 Le risque systémique Le risque systémique se définit comme un risque de déséquilibre majeur touchant l’ensemble du système financier, et résultant de dysfonctionnement liés au fait que les interactions des anticipations et des comportements individuels, au lieu de déboucher sur des ajustements correcteurs, tendent à s’éloigner de l’équilibre. En d’autres termes, le risque systémique désigne l’incapacité des marchés à revenir à une nouvelle situation d’équilibre, après un moment de turbulence, par le simple jeu des mouvements d’achat et de vente des spéculateurs. Les marchés ne parviennent pas à se stabiliser par eux-mêmes, et l’intervention d’organismes extérieurs est nécessaire. La crise systémique est liée au fonctionnement du marché financier globalisé et ne peut être résolue que par une régulation extérieure. Dans le domaine financier, le risque systémique est lié à deux phénomènes : -le processus de contagion d’une place financière à une autre par une véritable réaction en chaîne, facilité par l’interconnexion des places financières mondiales et la volatilité des capitaux ; Un risque d’illiquidité, voire d’insolvabilité, qui de la sphère financière et bancaire finit par atteindre l’ensemble de l’activité économique. De plus les relations interbancaires étant au cœur du système financier, les établissements de crédit sont à la fois les causes potentielles des crises systémiques et, du fait de leur intermédiation les propagateurs et les canaux de transmission de l’onde de choc. 8 Chapitre 2. Les marchés internationaux des capitaux En partant du marché des eurodevises jusqu’aux marchés des eurotitres, les marchés internationaux des capitaux ont pris un essor formidable, depuis le mouvement de libéralisation et de désintermédiation financière des années 1980. Il s’agit de marchés sans localisation spécifique ou localisés dans un pays donné mais traitant des actifs d’autres nationalités. Les euromarchés s’affranchissent en fait, d’une certaine façon, de toute notion de nationalité. Au-delà de ce phénomène, les différents marchés nationaux se sont eux-mêmes largement internationalisés dans la mesure où les noms résidents y interviennent de plus en plus et parfois même très massivement. Ces deux tendances fortes observés sur les marchés financiers alimentent ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler la globalisation financière. La globalisation financière peut se définir comme ce phénomène conduisant les marchés financiers à devenir globaux, c’est-à-dire sans réelle frontière géographique, sans véritable matérialisation physique et où toute différence potentielle de rendements est immédiatement arbitrée pour faire apparaître une norme internationale de rentabilité. Cette globalisation prend ses racines dans le développement des euromarchés et l’internationalisation des marchés financiers domestiques. Nombre d’actifs libellés dans une monnaie sont en effet traités sur des marchés et/ou par des acteurs qui n’ont pas la nationalité de la monnaie de libellé. Pour l’ensemble de ces marchés on appose le préfixe euro. 1. L’internationalisation des marchés financiers 1.1 Un aperçu historique L’internationalisation des marchés financiers que l’on observe actuellement n’est pas sans précédent. Déjà, à la fin du XIXe siècle, l’Europe occidentale avait financé un grand nombre d’emprunteurs publics ou privés dans les pays d’Amérique, d’Asie et d’Océanie, ainsi qu’en Europe centrale et méditerranéenne, et en Russie. De la première guerre mondiale aux années 1970 cependant, cette internationalisation avait reculé, de sorte que chaque pays devait compter essentiellement sur ses propres ressources pour financer ses entreprises ou le déficit budgétaire de son Etat. 9 L’internationalisation des marchés financiers s’est fortement accentuée depuis un peu plus de trente ans. Avant les années 1980, les marchés financiers jouaient un rôle assez secondaire dans les systèmes financiers européens et japonais, de sorte que les marchés financiers des Etats-Unis dominaient l’ensemble des marchés mondiaux. Cette suprématie a fortement diminué récemment du fait de l’accroissement du montant de l’épargne financière dans les pays comme le japon et la Chine, et de la dérèglementation des marchés financiers européens, qui a permis leur développement. Le développement des marchés financiers en dehors des Etats-Unis a conduit à une internationalisation des marchés financiers. Désormais, les sociétés et les banques américaines peuvent émettre sur les marchés financiers internationaux, ou les épargnants américains peuvent acheter des titres étrangers pour diversifier leur portefeuille, de même que, depuis longtemps, des entreprises européennes émettaient des titres aux Etats-Unis, ou que des Européens y plaçaient des capitaux. Le déplacement de ces flux de capitaux et de titres a conduit à parler de mondialisation financière, qui s’est réalisée sous « la règle des 3D » : Déréglementation des mouvements de capitaux : il n’y a quasiment plus de contrôles, de réglementations, afin de favoriser une meilleure circulation internationale des capitaux ; Décloisonnement des marchés : les différents marchés ne sont plus séparés les uns des autres et tous les acteurs peuvent intervenir sur tous les marchés ; Désintermédiation : les entreprises ont accès direct aux marchés des capitaux sans passer par les intermédiaires traditionnels que sont les banques. Aujourd’hui, on peut de nouveau parler, dans une large mesure, d’un marché financier mondial unique. Ainsi, les épargnants du Japon et de Chine, mais aussi de bien d’autres pays, achètent massivement des titres américains, qu’il s’agisse d’actions ou d’obligation des entreprises ou d’obligations de l’Etat. Sans ces achats, qui représentent des montants très importants, l’économie américaine n’aurait pas connu la forte croissance dans les 27 dernières années précédant la crise des subprime de 2007-2009. 1.2 Les eurodevises et les marchés euromarchés Les euromarchés se sont développés grâce au développement des eurodevises. Il s’agit de véritables marchés parallèles sur lesquels les opérateurs importants peuvent trouver des financements obéissant à des règles et des risques différents de ceux des marchés domestiques. 10 1.2.1 Les eurodevises Une eurodevise est une devise déposée dans une banque ou sur un marché qui n’est pas du pays émetteur de la devise. Par exemple, un dépôt en dollar effectué à Londres ou à Zurich par un Saoudien. L’exemple n’est pas neutre car l’essor des eurodevises vient aussi des dollars déposés en Europe par les pays producteurs de pétrole (Moyen-Orient notamment et Russie. On parle aussi de pétrodollar). L’idée, compte tenu de relations de ces pays avec les Etats-Unis, était de ne pas risquer en cas de problème de voir geler ses avoirs en dollars (monnaie de paiement par excellence et notamment pour le pétrole). Par le gouvernement américain. L’augmentation des prix de l’énergie accroît les volumes d’eurodollars. Par extension, toute devise, dollar ou autre, placée hors du pays émetteur est devenue une eurodevise, qu’elle soit placée eu Europe ou n’importe où ailleurs. 1.2.2 Les euromarchés En 2003, la Banque des Règlements Internationaux (BRI) estime que les eurobanques, qui font les euromarchés, détiendraient plus de 12.000 milliards de dollars d’encours bruts, à plus de 50% en dollar américain. Environ la moitié de ce marché monétaire international est de nature interbancaire. Le taux d’intérêt qui se définit entre eurobanques est le LIBOR (London InterBank Offered Rate). Il sert donc de base à l’ensemble des eurocrédits. Un euro-emprunteur payant le LIBOR plus un spread (une marge) suivant son rating, à savoir son degré de risque ou fiabilité selon les agences de notations. Les eurobanques n’étant pas soumises aux mêmes réglementations que les banques nationales pour une devise donnée (réserves obligatoire, etc.), les conditions d’emprunt sont généralement plus intéressantes sur les euromarchés. Cependant, avec l’amélioration constante de la mobilité des capitaux la bande d’arbitrage entre les euro-taux et les taux nationaux se rétrécit sensiblement. 1.3 Les eurotitres Comme les eurocrédits, les eurotitres sont libellés en euromonnaie puisqu’ils sont traités sur des places non situées dans le pays de la monnaie de libellé. L’intérêt des eurotitres réside essentiellement dans les contournements de réglementations nationales qu’ils permettent. Bien qu’il existe des euro-actions, les eurotitres sont constitués essentiellement d’euro-obligations. 11 1.3.1 Les euro-obligations Il existe une grande variété d’euro-obliagtions. Les titres à court terme sont appelés euronotes, tandis que les titres à long terme sont des euro-obligations. L’autre différence tient à la nature fixe ou variable du taux d’intérêt. Pour les euro-obligations à taux variable, il s’agit en fait d’obligations à court terme renouvelées automatiquement tous les six mois sur la base du LIBOR. Tout comme les obligations domestiques, il existe sur l’euromarché des obligations convertibles en actions, des obligations indicées (dont le remboursement est indicé sur les cours boursiers, sur les cours des matières premières, etc.), etc. 1.3.2 Les euro-actions Les euro-actions sont également appelées euro equities. Il en existe deux types : -les actions placées simultanément sur plusieurs places boursières nationales (sur le CAC à Paris et le Dow Jones à New York par exemple) ; -les actions émises en eurodevises par un groupement ou syndicat international de banques et cotées sur les marchés domestiques comme étrangers. C’est à ce deuxième type d’actions que l’on se réfère lorsque l’on évoque les euro-equities. 2. La diversification internationale des portefeuilles Le principe de la diversification peut être appréhendé à travers les modèles standards en finance tels que le CAPM et l’APT. Toutefois, nous présentons le principe de la diversification à travers les choix de constitution d’un portefeuille à deux titres, un national et un étranger, par un agent. 2.1 Le principe de la diversification internationale des portefeuilles Selon l’adage, il ne faut pas mettre ses œufs dans le même panier. Si l’on détient deux titres qui évoluent en sens contraire, les pertes éventuelles sur l’un seront compensées par les gains sur l’autre. C’est le cas lorsque les titres sont corrélés négativement avec, à l’extrême une corrélation de – 1. En générale, c’est la « décorrélation » des titres qui fonde tout l’intérêt de la diversification. Logiquement les actifs nationaux et étrangers sont plus décorrélés que les actifs nationaux entre eux, car ces derniers obéissent à un plus grand nombre de facteurs communs. 12 Considérons un portefeuille à deux titres, un titre national (N) et un titre étranger (E), avec RN et RE les rendements respectifs de ces titres et rN et rE leurs risques. Dans la composition de son portefeuille, l’agent peut choisir uniquement l’actif national ou l’actif étranger. Il peut également combiner les deux actifs, avec x% de titre national et (1 – x)% de titre étranger. En notant Rp et rp le rendement et le risque du portefeuille composé par l’agent, on peut représenter graphiquement dans l’espace rendement (en ordonnée)/risque (en abscisse) l’ensemble des portefeuille que l’agent peut composer avec les deux actifs. Chaque point de la courbe ainsi obtenue correspond à un portefeuille composé d’une proportion x de titre national et (1 – x) de titre étranger, ce qui donne un couple particulier de valeur rendement-risque au portefeuille. Cette courbe est la courbe de Markowitz ou courbe enveloppe. Sa forme globale est toujours celle tracée sur le graphique qui suit. RP E P M O N 0 rP Le point N correspond au portefeuille composé uniquement de l’actif national N et le point E correspond à celui composé uniquement de l’actif étranger E. il apparaît que le rendement et le risque de l’actif étranger sont supérieurs respectivement au rendement et au risque du titre national (il s’agit d’une hypothèse de travail). Selon son degré d’aversion au risque, l’agent va alors choisir le portefeuille qui lui convient. On va distinguer trois cas : -L’agent est neutre ou preneur vis-à-vis du risque : il choisit alors le portefeuille le plus risqué car c’est aussi celui qui offre le meilleur rendement. Il se situera en E. -L’agent est adverse au risque : il choisit un portefeuille à faible variance. Si son aversion au risque est vraiment élevée il choisira le portefeuille à variance minimale M (point de tangence entre la courbe de Markowitz et une droite verticale). 13 -Quel que soit le rapport au risque de l’agent il est évident qu’il ne choisira jamais les portefeuilles situés sur la courbe entre N et M (non inclus). Car tous ces portefeuilles sont toujours dominés par d’autres portefeuilles possibles qui pour le même risque offrent un rendement plus élevé. Ce cas est illustré sur le graphique par la comparaison entre le portefeuille O et le portefeuille P, qui offrent tous deux le même risque mais P offre un rendement plus élevé. Dans ce dernier cas, on déduit la frontière efficiente de la courbe enveloppe. Seuls les portefeuilles situés sur la partie supérieure (croissante) de la courbe sont efficients. Il ne serait pas rationnel de choisir ceux situés sur le bas de la courbe. Dans notre graphique, la frontière efficiente correspond donc à la partie allant du portefeuille M au portefeuille E de la courbe. Souvent l’on ne représente que cette partie de la courbe. On a alors coutume de dire que la diversification internationale « tire » vers le haut la frontière efficiente par rapport à la seule diversification nationale. Car la diversification internationale des portefeuilles permet d’atteindre systématiquement des couples rendement-risque plus favorables et donc une frontière plus élevée. Graphiquement, on a alors la représentation ci-dessous. RP Frontière efficiente avec diversification internationale Frontière efficiente sans diversification internationale 0 rP Il convient à présent d’expliquer le profil particulier de la courbe de Markowtiz et son aspect elliptique. Pour cela, décomposons analytiquement le rendement le rendement et le risque du portefeuille formé par l’agent : RP x RN (1 x) RE Ce qui signifie que le rendement du portefeuille est égal à la moyenne pondérée des rendements de chaque titre qui le compose. Le risque d’un titre comme d’un portefeuille de titres est donné par la volatilité (donc l’imprévisibilité) de son rendement, c’est-à-dire en termes statistiques par sa variance : 14 rP V ( RN , RE ) x2V ( RN ) (1 x)2V ( RE ) 2x(1 x)cov(RN , RE ) rP V ( RN , RE ) x 2 rN (1 x)2 rE 2 x(1 x) RN RE ( RN , RE ) R R est le produit des écarts types des rendements des titres N et E, sachant que la variance de N E ces rendements équivaut au risque de ces mêmes titres, d’où : V ( Ri ) ri. ( RN , RE ) est le coefficient de corrélation entre les rendements des deux titres. Notons que le taux de change a été omis de l’analyse par souci de simplification. En toute rigueur, il convient de considérer dans la formule le taux de rendement du change (positif en cas d’appréciation de la devise et négatif sinon) et sa corrélation avec les taux de rendements des deux actifs. Si 1, les rendements sont parfaitement corrélés et ils évoluent parfaitement proportionnellement. Il n’y a aucun intérêt à la diversification dans ce cas puisqu’elle ne permet pas de réduire le risque global du portefeuille par rapport à ceux des actifs qui le composent. En effet, pour 1 et ri V ( Ri ) Ri2 , on a : rP x R N (1 x) RE 2 RP x R N (1 x) RE Autrement dit, le risque du portefeuille (donné indifféremment par la variance ou l’écart type de son rendement, puisque le premier n’est que le carré du second) est égal au risque moyen pondéré des titres qui le composent. En revanche, dès lors que 1 , les rendements sont dits décorrélés et le risque global du portefeuille diminue par rapport au risque moyen pondéré des actifs le composant. Cela est particulièrement net dans le cas extrême où 1. Car on a alors en suivant le même raisonnement que précédemment : R x R (1 x) R P N E R Or, si l’agent qui compose le portefeuille choisit la proportion x E toujours ˂ 1 d’actif R R E N national, il annule le risque du portefeuille. Cet exemple aide à bien comprendre l’intérêt de la diversification, pour autant il est évident qu’il ne se présente guère dans la réalité, comme nous allons le voir à présent. 15 2.2 Les limites de la diversification internationale des portefeuilles Il existe deux freins à la diversification internationale des portefeuilles. L’un tient au biais domestique toujours existant dans les placements d’un agent, l’autre à titre l’amenuisement même de l’intérêt de la diversification. Cet amenuisement vient de l’accroissement de la corrélation entre les différents actifs internationaux. Sans parler d’études statistiques très poussées, on remarque aisément que les principales places financières évoluent sensiblement dans le même sens jour après jour. Ces mouvements parallèles sont particulièrement nets lors de périodes troublées où des emballements collectifs peuvent orienter toutes les places systématiquement dans le même sens. Le mimétisme prédomine alors sur les marchés. Mais, de façon générale, ce mouvement est logique du fait de l’intégration croissante des marchés et de la convergence qui s’en suit. En revanche des décorrélations peuvent exister lorsque l’on compare des places situées dans des zones développées et dans des zones émergentes. En particulier lorsque des craintes apparaissent concernant ces dernières. On constate alors bien souvent un phénomène de « fly to quality », de retour vers la qualité. A savoir que les capitaux, souvent étrangers, quittent les places émergentes en cas de craintes sur la valeur anticipée des actifs locaux pour s’investir dans les places des pays développés. Forcément, ces mouvements de vente nette dans les pays émergents et d’achat net dans les pays développés créent une évolution en sens contraire des rendements des deux types de place. Il est donc intéressant de combiner son portefeuille international avec des titres émanant à la fois des zones développés et émergentes. Concernant le biais domestique, sa présence est confirmée dans la quasi-totalité des études économiques. Un investisseur national ne diversifie pas internationalement son portefeuille autant qu’il le devrait. Plusieurs facteurs explicatifs justifient cet état de fait, qui vont des barrières techniques (décalage horaire, etc.) aux barrières informationnelles (asymétrie d’information par rapport aux locaux, etc.) en passant par les barrières réglementaire (coûts et/ou délais supérieurs pour les étrangers, etc.). 16 Chapitre 3. Pourquoi réguler les marchés financiers ? Le terme anglais regulation est souvent traduit par réglementation et fait référence à un ensemble de règles et de comportements. La régulation d’un marché, d’un type de marchés ou de l’ensemble d’un système économique désigne les mécanismes et les moyens permettant d’en assurer le bon fonctionnement et de viser à faire prévaloir l’intérêt général (par exemple, pour que le signal des prix fonctionne correctement, il faut empêcher les ententes entre producteurs, favoriser l’entrée sur le marché de nouveaux fournisseurs, bien informer les consommateurs…). La régulation des marchés financiers vise à garantir l’intégrité de leur fonctionnement contre les manipulations et les asymétries d’information des acteurs. Concernant plus précisément l’activité monnaie-banque-finance, celle-ci a été très régulée. 1. La protection de l’épargne 1.1 La spécificité du « bien monnaie » La monnaie n’est pas une marchandise comme les autres. Elle est un bien public dont l’existence a reposé sur la puissance publique (souverain, Etat). Les banques ont une responsabilité essentielle dans la gestion de ce bien public. Aussi, en contrepartie de cet important pouvoir social, « elles subissent une réglementation spécifique sous forme de réserves obligatoires, de ratios prudentiels et d’autres restrictions dans leurs activités d’intermédiaires financiers » (Aglietta, M., in Macroéconomie financière, La découverte). 1.2 La spécificité de l’activité bancaire L’activité d’intermédiation financière bancaire, qui consiste à recevoir des dépôts et octroyer des crédits, n’est pas une activité ordinaire. Elle est sensible à double titres : -la collecte des dépôts auprès du public : les établissements bancaires reçoivent les dépôts du public qui constituent son épargne de court, moyen ou long terme. Or celle-ci est un paramètre sensible pour l’économie nationale dans la mesure où il s’agit des économies des agents économiques dont la perte risque d’entraîner une perte de confiance dans la monnaie voir de graves troubles à l’ordre public ; 17 -l’octroi de crédits a progressivement conféré aux banques un pouvoir de création monétaire : les banques participent de manière prépondérante à la création monétaire par leur activité de distribution de crédits. Or une expansion trop rapide du crédit provoque une « surchauffe économique » (excès de la demande par rapport à l’offre) qui peut avoir notamment pour corollaire des tensions inflationnistes. En revanche, une contraction du crédit nuit au développement économique et peut favoriser l’apparition d’un chômage. C’est pourquoi la politique monétaire vise à réguler l’offre de crédit par une création adaptée sur les taux et/ou la quantité de monnaie offerte. La finance apparaît comme une activité industrielle à part entière : on parle, à ce sujet, de l’industrie des services financiers. La régulation financière a donc pour objectif dans ce cas de fixer les règles de la concurrence et d’en vérifier l’application. Car on sait que la concurrence sans règles conduit à des pratiques déloyales (abus de position dominantes) et finit par s’autodétruire. 2. La prévention du risque systémique La régulation des marchés financiers repose sur des fondements qui lui sont propres, en raison de certaines spécificités de la finance. 2.1 Le risque systémique Les acteurs financiers (banques, investisseurs) sont vulnérables par la nature même de leur activité qui est de gérer des risques et, donc, de s’exposer à des défaillances provenant d’une mauvaise gestion de ces risques. C’est ainsi qu’aujourd’hui la question du contrôle des risques est devenue un sujet de préoccupation majeure d’autant que le secteur financier est en proie à un risque particulier, dont les effets peuvent être considérables : le risque systémique. Les acteurs financiers sont fortement interdépendants, à travers leur activité. Les banques font une grande partie de leurs opérations entre elles (ce sont des opérations interbancaires) de telle sorte que lorsqu’un établissement individuel est en difficulté, sa défaillance est susceptible de se généraliser à l’ensemble du système bancaire et financier, par un « effet dominos ». L’instabilité chronique est l’un des traits fondamentaux de la finance actuelle. Cette instabilité prend des formes variées : emballements boursiers, crises de change ou crises bancaires. Avec le nouveau capital financier, apparaît un phénomène nouveau, l’inflation financière, c’est-à- dire une tendance à la hausse des prix d’actifs. Cette pression haussière sur les prix d’actifs provient d’un déséquilibre structurel entre une forte demande de titres de la part des épargnants et des investisseurs et une offre insuffisante de titres émanant des entreprises qui pratiquent les rachats 18 d’actions, et des administrations publiques qui réduisent leurs déficits et s’orientent vers la réalisation d’excédents. L’inflation financière est beaucoup plus dangereuse que l’inflation des biens et services car les prix financiers sont beaucoup plus volatils que ceux des biens et services. Des chutes brutales des prix d’actifs, à la suite de corrections boursières, peuvent avoir des effets dévastateurs non seulement sur les systèmes financiers, mais également sur la sphère réelle de l’économie, notamment via les effets de richesse. Avec la globalisation, les marchés financiers nationaux sont très liés entre eux : l’instabilité financière est désormais une priorité pour les autorités publiques dans la plupart des pays développés en particulier, d’où le caractère stratégique de la régulation financière. 2.2 Quelques crises financières Le système financier actuel est traversé depuis le début des années 1990 par une succession de crises financières. 1971 : Crise de change – Abandon du système de Bretton Woods et des taux de change fixes. 1972 : Crise de la Banque Herstatt. 1982 : Crise de la dette des pays du Sud (défaut du Mexique). 1986 : Crise des caisses d’épargne (Savings loans) américaines. 1987 : Effondrement de la Bourse américaine (Wall Street). 1991 : Faillite de la Bank of Credit and Commerce International (BCCI). 1992-1993 : Crise du système monétaire européen (SME). 1995 : Faillite de la Barings. 1997 : Crise financière en Asie. 1998 : Crise financière au Brésil ; crise de la dette russe ; faillite du fonds LTCM. 2000 : Eclatement de la « bulle Internet ». 2001. Crise turque (2000-2001), Crise financière en Argentine ; attentats du 11 septembre conduisant à une panique sur les marchés financiers ; faillite d’Enron. 2007. Crise des prêts immobiliers subprimes ; sauvetage de diverses banques allemandes (IKB, Sachensen LB) ; quasi-faillite de la Northern Rock (Grande Brétagne). 2008 : Chute des bourses ; fraude à la Société Générale. 2010. Crise grecque. 19 Chapitre 4. Les différentes approches de la régulation financière La régulation financière recouvre trois fonctions différentes : la réglementation (la définition de règles de conduite), le contrôle de l’application de ces règles (monitoring) et la supervision prudentielle, dont l’objectif principal est de prévenir le risque systémique. 1. Les différents niveaux de la régulation financière On distingue deux niveaux dans la régulation financière : la régulation micro-prudentielle et la régulation macro-prudentielle. 1.1 La régulation micro-prudentielle Elle consiste en un suivi attentif par les autorités en charge de la régulation de la situation des acteurs financiers individuels afin de contrôler l’application des règles et de détecter les anomalies. Les deux principales catégories d’acteurs financiers concernées sont les banques et les investisseurs institutionnels en raison de leur rôle dans le fonctionnement des marchés de capitaux. Les banques (établissement de crédit) ont une implication importante sur les marchés de capitaux, comme le montre le processus de « mobiliérisation » de leurs bilans, c’est-à-dire le fait qu’une part croissante des actifs et des passifs bancaires sont constitués par des titres négociables ; les investisseurs institutionnels correspondent aux fonds mutuels (OPCVM), fonds de pension, compagnies d’assurance et fonds spéculatifs (hedge funds). Le contrôle micro-prudentiel revêt plusieurs formes : -l’agrément des établissements, leur permettant d’exercer sur un espace économique donné ; -le contrôle sur place dans les établissements, et le contrôle sur pièces : les établissements assujettis envoient des documents comptables, selon certaines normes précises, qui sont analysés par les autorités de tutelle. En France, par exemple, deux organismes effectuent ces contrôles : la Commission des Opérations de Bourse (COB) pour les sociétés de portefeuilles, et la Commission bancaire pour les autres établissements. 1.2 La supervision macro-prudentielle. La supervision macro-prudentielle a deux dimensions, préventive et curative : elle consiste, en premier lieu, à faire de la prévention des crises, en faisant appliquer aux acteurs financiers des 20 règles destinées à limiter la prise de risque ou à assurer une bonne couverture des différents risques (risques de solvabilité, de liquidité, de marché ou de change). Les différents ratios prudentiels imposés aux banques, dont le plus connu est le ratio de solvabilité international (ratio Cooke) ont cette fonction préventive. Les mesures curatives interviennent en situation de crise, si une ou plusieurs défaillances bancaires surviennent. L’objectif est alors de limiter le risque systémique. L’une de ces mesures est la « fourniture de liquidité en urgence » aux établissements. Deux techniques principales ont été utilisées récemment : d’une part, l’injection directe de liquidité par la Banque centrale qui remplit alors la fonction de prêteur en dernier ressort, et d’autre part, la fourniture de liquidité par des acteurs financiers privés de la place financière concernée. Dans tous les cas, les Banques centrales jouent un rôle crucial, soit qu’elles fournissent elles-mêmes la liquidité (ce que fit la Fed lors du krach boursier en 1987 et pendant et après la crise des subprimes de 2008-2009), soit qu’elles coordonnent l’action de sauvetage financée par les établissements privés (ce fut le cas lors de la quasi-faillite du fonds spéculatif américain Long Term Capital Management (LTCM) en 1998). 2. Les deux conceptions de la régulation financière On distingue deux conceptions de la surveillance prudentielle qui correspondent aux deux principales représentations théoriques (ou paradigmes) de la finance : l’hypothèse d’efficience des marchés (paradigme I) et l’hypothèse de l’imperfection et de l’instabilité intrinsèque des marchés (paradigme II). 2.1 Paradigme I : l’hypothèse d’efficience des marchés Le paradigme I fait un rôle central à l’information : on parle d’efficience informationnelle. Si les conditions informationnelles sont réunies pour que les acteurs puissent prendre les meilleures décisions possibles d’une manière décentralisée, les marchés joueront pleinement leur rôle et réaliseront l’allocation optimale des ressources (efficience allocationnelle). Pour les tenants du paradigme I, le rôle des autorités de surveillance doit être réduit au minimum de manière à permettre à la régulation par le marché (discipline de marché) de jouer pleinement son rôle sans être entravée. Selon cette conception, les marchés financiers s’autorégulent grâce au jeu de la discipline de marché imposée par les créanciers et actionnaires. Si un agent prend trop de risques, ces derniers vont réagir en augmentant le coût ou en réduisant leur offre de ressources financières. La discipline 21 de marché doit donc jouer comme un frein à la prise de risque excessive. La transparence, c’est-à- dire la diffusion des informations concernant les emprunteurs, est considérée comme la condition nécessaire à l’existence d’une discipline de marché. 2.2 Paradigme II : l’hypothèse de l’imperfection et de l’instabilité intrinsèque des marchés La deuxième approche de la finance, d’inspiration keynésienne, met l’accent sur les imperfections qui caractérisent les marchés financiers, notamment sous forme d’asymétries d’information. Ce sont précisément ces imperfections qui sont la justification de la surveillance prudentielle. Selon les défenseurs du paradigme II, livrés à eux-mêmes, les marchés ne peuvent en général pas amener spontanément une allocation optimale des ressources dans l’économie. Le comportement rationnel des agents financiers individuels ne conduit pas nécessairement au fonctionnement harmonieux du secteur financier pris globalement. La transparence de l’information, si elle est souhaitable, n’est pas suffisante pour assurer le bon fonctionnement des marchés. Etant donné que la majorité des acteurs financiers a un comportement « mimétique » influencé par la « psychologie du marché » beaucoup plus que par l’information sur les « fondamentaux économiques », des interventions externes et « hors marché » de la part des autorités de tutelle sont nécessaires, telles que des sanctions ou le recours à des instruments comme la réglementation ou la taxation des opérations. 22 Tableau 1. Deux conceptions du rôle de la supervision prudentielle Paradigme I : Efficience des marchés Paradigme II : Imperfections et instabilité financiers des marchés financiers Place de la La supervision doit se limiter à veiller au La supervision est un complément supervision respect des règles de transparence. nécessaire à la discipline de marché ; publique Réduire la place de la supervision publique Besoin d’interventions « hors marché ». dans la mesure où celle-ci nuit au jeu de la discipline de marché. Les dysfonctionnements des marchés La supervision publique est nécessaire pour proviennent plus de l’excès que l’insuffisance faire face aux « échecs des marchés ». de la supervision publique. Discipline du La discipline de marché doit être le mode La discipline de marché, condition marché principal de régulation des marchés. nécessaire mais non suffisante au bon fonctionnement des marchés. Eliminer tous les obstacles au jeu de la discipline de marché : La discipline de marché doit être complétée par : -aides et garanties publiques ; -des sanctions infligées par les autorités de -assurance de dépôts limitée aux dépôts tutelle ; monétaires ; -des actions correctrices précoces. -développement de la dette subordonnée. La libéralisation financière des pays Favoriser l’actionnariat étranger dans les émergents doit être précédée par la mise en banques des pays émergents. place d’un système de supervision publique efficace. Transparence La transparence, condition nécessaire et Le respect des règles de transparence n’est suffisante de la discipline de marché et de pas suffisant : l’efficience informationnelle des marchés. -l’opacité, caractéristique fondamentale de Nécessité d’appliquer l’exigence de la l’intermédiation bancaire fondée sur transparence à tous les acteurs bancaires et l’exploitation d’une information privée ; financiers. cette opacité justifie la supervision des banques ; Les crises financières dans les pays émergents causées par le manque de transparence des -l’accent mis sur la transparence repose sur établissements locaux. une méconnaissance des processus « cognitifs » de la finance : mimétisme, aveuglement au désastre. 23