Cours Complet - Pédagogie Inversée - 2023-24 - PDF

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This document is a course on pharmacology and toxicology, specifically for bioinformatics / medicine. It covers the targets of medication, receptors, metabolism, and toxicity. The course is part of the 2023-24 academic year.

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HP Cours de pharmacologie/toxicologie Spécialité Bio-informatique / Médicament Alexandra d’Anglemont de Tassigny Année universitaire 2023-2024 SOMMAIRE Les cibles des médicaments I. Généralités sur les...

HP Cours de pharmacologie/toxicologie Spécialité Bio-informatique / Médicament Alexandra d’Anglemont de Tassigny Année universitaire 2023-2024 SOMMAIRE Les cibles des médicaments I. Généralités sur les cibles des médicaments…………………………………..…………...7 II. La sélectivité des médicaments………………………………………………….…….…..9 III. La diversité des cibles des médicaments…………………………………………………10 Les récepteurs des médiateurs cibles de médicaments Les récepteurs heptahélicoïdaux I. Les récepteurs hélicoïdaux………………………………………………………………12 1. Les grandes familles des récepteurs hélicoïdaux en fonction des sites d’interaction avec les ligands……………………………………………………..……………………13 2. Les sites d’interaction des récepteurs avec les protéines G trimériques………..……16 II. Les protéines G trimériques……………………………………………………………...17 1. Cycle fonctionnel des protéines G trimériques…………………………………..17 2. Diversité des protéines G trimériques……………………………………………18 3. Les effecteurs des sous-unités  des protéines G………………………………...20 4. Les effecteurs des sous unités  des protéines G………………………………..21 III. Les mécanismes de désensibilisation et d’internalisation des récepteurs heptahélicoïdaux……………………………………………………………………………...22 IV. Exemple d’interaction d’un médicament avec une cible RCPG ………………………...23 Les récepteurs à activité canal ionique I. Les récepteurs à activité canal ionique…………………………………………………….25 II. Exemple d’interaction d’un médicament avec un récepteur à activité canalaire………….27 Les récepteurs enzymes I. Généralités sur les récepteurs enzymes…………………………………………………....29 II. Les récepteurs à activité tyrosine kinase…………………………………………………..29 1. Structure et fonctionnement des récepteurs……………………………………...30 2. Exemple d’interaction d’un médicament avec un récepteur à activité tyrosine kinase..………………………………………………………………………………32 III. Les récepteurs à activité guanylate cyclase………………………………………………33 A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 2 Les récepteurs nucléaires I Généralités sur les récepteurs nucléaires………………………………………………...34 II. Structure générale des récepteurs nucléaires ……………………………………………36 1. Domaine de liaison à l’ADN…………………………………………………….37 2. Interactions avec l'ADN……………………………………….…………………37 III. Mécanisme d’action des récepteurs nucléaires……………….………………………….38 IV. Pathologies associées aux récepteurs nucléaires…………………………………………39 V. Exemple d’interaction d’un médicament avec un récepteur nucléaire…………………..40 Les enzymes, cibles de médicaments I Les enzymes comme cible des médicaments…………………………………………….41 II. Exemple d’interaction entre un médicament et une cible enzymatique…………………42 Les systèmes de transport ionique, cibles de médicaments I. Généralités sur les systèmes de transport………………………………………………..44 II. Exemple d’interaction de médicament avec système de transport ionique……………..45 1. L’insuffisance cardiaque congestive……………………………………………..45 2. Les glucosides cardiotoniques : inhibiteurs de la pompe à sodium ou Na/K ATPase………………………………………………………………………….48 a. Structure chimiques de glucosides cardiotoniques……………………..48 b. Structure de la cible : la pompe Na+/K+ ATPase……………………….49 c. Mécanismes d’action des digitaliques…………………………………..51 Métabolisation des médicaments I. Définition du métabolisme…………………………………………………………….......57 II. Les conséquences du métabolisme………………………………………………………...57 III. Les réactions de phases I …………………………………………………………………61 1. Généralités………………………………………………………………………..61 2. Les mono oxygénases à flavines…………………………………………………63 a. La NADPH cytochrome P450 réductase ………………………………...64 b. Les cytochromes P450……………………………………………………64 3. Action sur les produits endogènes…………………………………….………….66 A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 3 4. Action sur les produits exogènes ou xénobiotiques……………………………...67 5. Variation de l’expression des cytochromes P450………………………………..68 a. Variation de l’expression des cytochromes P450 d’origine non génétique…………………………………………………………………………68 b. Variations génétiques du métabolisme…………………………………...72 6. Les mécanismes réactionnels de phase I…………………………………………73 IV. Les réactions de phases II ……………………………………………………………….74 1. La glucuronoconjuguaison……………………………………………………….75 2. La sulfoconjuguaison…………………………………………………………….79 3. La N-acétyl-conjugaison…………………………………………………………79 4. La gluthation-conjuguaison………………………………………………………81 5. La méthylation Evaluation de la toxicité des médicaments I. Définitions……………………………………………………...………………………83 1. Toxicologie………………………………………………………………………83 2. Xénobiotiques……………………………………………………………………83 3. Toxique – Poison – Intoxication – Empoisonnement……………………………83 II. Domaines de la toxicologie moderne…………………………………………………..84 III. Notions sur la toxicité………………………………………………………………...85 1. Modulateurs des effets toxiques………………………………………………….86 2. Les interactions…………………………………………………………………..88 a. La synergie…………………………………………………………………88 b. L’antagonisme……………………………………………………………..89 c. L’induction enzymatique…………………………………………………..89 d. L’inhibition enzymatique…………………………………………………..89 3. Les toxiques cumulatifs…………………………………………………………..89 IV. Caractéristiques de la toxicité………………………………………………………...90 1. Effet local ou systémique………………………………………………………...90 2. Effets réversibles ou irréversibles………………………………………………..90 3. Effets immédiats ou retardés……………………………………………………..91 4. Effets morphologiques, fonctionnels ou biochimiques…………………………..91 5. Réactions allergiques ou idiosyncrasiques……………………………………….91 6. Réponses d’intensités variables et réponse de type « tout ou rien »…………….92 7. Organes cibles……………………………………………………………………92 V. Méthodes d’évaluation de la toxicité des médicaments………………………………92 1. Détermination de la toxicité aigüe……………………………………………….94 2. Détermination de la toxicité par administrations réitérées……………………….98 3. Toxicocinétique…………………………………………………………………103 4. Reprotoxicité……………………………………………………………………104 5. Etude de la mutagenèse…………………………………………………………106 A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 4 6. Les essais de cancérogenèse…………………………………………………….110 7. Détermination de la tolérance locale……………………………………………114 A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 5 Les cibles des médicaments A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 6 Les cibles des médicaments I. Généralités sur les cibles des médicaments Dans la grande majorité des cas, l’effet d’un médicament est initié par sa liaison à une macromolécule de l’organisme appelée cible moléculaire. Cette cible est généralement d’origine protéique mais exceptionnellement un médicament peut interagir directement avec l’ADN (exemple certains anti-cancéreux) ou avec l’ARNm (ex : les ribozymes). Cette liaison entre le médicament et sa cible implique une reconnaissance mutuelle des 2 partenaires. La liaison du médicament modifie les propriétés de la cible moléculaire. Il en résulte une réaction ou réponse de la cellule. Cette réponse peut être de type contractile (muscles lisses, cardiomyocytes), sécrétoire (cellules sécrétrices exocrines ou endocrines, neurones, cellules immunitaires) ou métabolique (modifications des réserves de lipides ou de glucides…..). Le médicament modifie ainsi le fonctionnement d’un ensemble de cellules, ce qui se traduit par la modification de la réaction globale d’un organe et donc par la modification d’une fonction de l’organisme qui aura été modifiée par la pathologie en cause. Par exemple, certains diabétiques ont une sécrétion insuffisante d’insuline par les cellules béta des îlots de Langerhans du pancréas. Les antidiabétiques utilisés dans ce cas, les sulfamides hypoglycémiants se lient à une protéine canalaire, le canal KATP à la surface des cellules béta. Ces médicaments entraînent la fermeture de canal et donc la dépolarisation de la cellule béta conduisant à la sécrétion de l’insuline. L’insuline va favoriser l’entrée du glucose dans tous les organes avec pour conséquence globale une diminution du glucose dans le sang (diminution de la glycémie). Par conséquent, pour comprendre l’effet thérapeutique d’un médicament, il est nécessaire de connaître sa cible moléculaire, le fonctionnement de cette cible ainsi que les mécanismes biochimiques qui engendrent la réponse de la cellule. Ces mécanismes sont appelés voies de transduction du message délivré par le médicament à sa cible (figure 1). A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 7 Figure 1 : Les grandes étapes du mécanisme d’action des médicaments Attention quelques médicaments n’interagissent cependant pas avec des macromolécules, par exemple : - Les agents de modification du pH sanguins ou du pH de l’estomac comme le bicarbonate de soude ; - Les laxatifs osmotiques et les laxatifs de lest qui entraînent une hydratation du bol fécal et facilitent ainsi son élimination ; - La cholestyramine, résine chélatrice des sels biliaires, à effet hypolipémiant ; A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 8 - Les agents de chélation des ions di ou trivalents comme l’EDTA utilisé dans le saturnisme (intoxication par le plomb) ; - Les anticorps utilisés comme médicaments et complexant un médiateur comme par exemple les anticorps anti-TNFα ; - Les médicaments visant à détruire un agent pathogène, virus, bactéries et parasites. II. La sélectivité des médicaments Comme le disait Paracelse : toute substance est un poison et aucune n’est inoffensive. C’est simplement la dose qui fait qu’une substance n’est pas toxique ». La sélectivité est une notion essentielle à la connaissance d’un médicament. La définition de la sélectivité conditionne la fiabilité de l’utilisation thérapeutique d’un médicament. En effet, aucun médicament n’est spécifique d’une cible biologique, il suffit d’augmenter la dose administrée pour observer sa liaison à d’autres cibles et, en conséquence, observer d’autres effets, effets secondaires, effets indésirables voire toxiques. Deux notions simples permettent de comprendre le principe de sélectivité : 1.la modification par le médicament d’une propriété caractéristique d’une cellule : toutes les cellules de l’organisme ont un fonctionnement de base commun (synthèse protéique, métabolisme énergétique….) mais chaque type cellulaire a développé au cours du processus de différenciation une fonction particulière qui conditionne son rôle dans l’organisme ; cette fonction peut être de type métabolique, sécrétoire ou contractile. Idéalement, la modification des propriétés caractéristiques d’une cellule donnée ne devrait pas induire de réponse des autres types cellulaires. 2.la connaissance des groupes de cibles de structures proches, ou connaissance de la sélectivité de liaison : le médicament est généralement une petite molécule. Il se fixe sur une région précise de sa cible appelée site de liaison. Ce site de liaison ou des structures très proches peuvent être retrouvées sur d’autres macromolécules avec des fonctions semblables ou différentes de celle de la cible visée. Par exemple, il existe souvent des iso-enzymes assurant une même fonction enzymatique ou plusieurs isoformes d’un canal ionique ou d’un récepteur. Chaque de ces isoformes est exprimée différemment d’un organe à l’autre et contrôlent des réponses cellulaires différentes. La connaissance de ces groupes de cibles ayant A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 9 des structures proches permet a priori de prévoir les cibles concurrentes pour la liaison d’un médicament sur une cible souhaitée. III. La diversité des cibles des médicaments La majorité des médicaments actuellement sur le marché a été découverte par des méthodes de recherche globale basées sur la réponse de l’organisme entier en utilisant des modèles expérimentaux animaux, ou en tenant compte de la modification d’une fonction limitée à un organe isolé. Avec une meilleure connaissance des cibles potentielles, il est devenu récemment possible de partir de la structure moléculaire de la cible pour créer des molécules successibles de s’y lier. Cette approche de la recherche des médicaments est quelque fois nommée, pharmacologie inverse, en référence à la pharmacologie classique qui consiste à définir une cible à partir d’un médicament. Les médicaments actuellement utilisés en France correspondent à environ 3 000 substances. Les substances ayant une activité thérapeutique reconnue au plan international se partagent environ 500 cibles moléculaires issues du génome humain et des agents pathogènes. Elles sont regroupées en quatre grandes classes : 3. Les récepteurs (50%) 4. Les enzymes (25%) 5. Les systèmes de transports ioniques (15%) 6. Les cibles diverses ou non connues (10%). Environ 30 nouvelles molécules sont mises sur le marché chaque année. Les deux grandes classes de cibles pharmacologiques sont les récepteurs membranaires puisqu’ils représentent 45% des cibles actuelles et les enzymes avec 25% des cibles. Les récepteurs nucléaires et l’ADN correspondent chacun à 2% des cibles. Les cibles de certains médicaments (soit environ 7%) restent toujours inconnues. C’est le cas du paracétamol dont la cible reste actuellement toujours inconnue. Curieusement, dans l’étude de Drews publiée en 2000, les hormones et les facteurs de croissance ont été individualisés en tant que cibles A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 10 (11%). Ce sont en fait des médiateurs agissant sur leurs récepteurs propres, membranaires ou nucléaires. Nous retiendrons que la famille de cibles des médicaments la plus nombreuse correspond aux récepteurs avec une très large prédominance des Récepteurs heptahélicoïdaux. Toutefois la classification des cibles des médicaments n’est pas toujours simple et vous pourrez trouver dans la littérature les cibles des médicaments divisées en : a. les récepteurs des médiateurs :  Les récepteurs à activité de canal ionique  Les récepteurs à activité enzymatique  Les récepteurs cytosoliques ou nucléaires  Les récepteurs heptahélicoïdaux b. les autres cibles du médicament :  diverses protéines impliquées dans les transports membranaires (Canaux calciques, potassiques ATP-dépendant, sodiques, pompe à protons ou à sodium cotransporteurs ioniques et transporteurs des neuromédiateurs)  les enzymes des grandes voies métaboliques (HMGCoA réductase topoisomérase II….).  les enzymes impliquées dans le métabolisme des médiateurs : acétylcholinestérase, mono-amines oxydases (MAO), enzyme de conversion de l’angiotensine, cyclo-oxygénases (COX….).  les enzymes des voies de signalisation (phospholipases, protéines kinases, tyrosine kinases et protéines phosphatases…..). A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 11 L Leess rréécceepptteeuurrss ddeess m mééddiiaatteeuurrss cciibblleess ddee m mééddiiccaam meennttss Les récepteurs heptahélicoïdaux I. Les récepteurs hélicoïdaux Les estimations actuelles du nombre de récepteurs heptahélicoïdaux varient entre 600 et 2 000 récepteurs correspondant à des gènes distincts. Plusieurs centaines de ces récepteurs sont déjà bien caractérisées biochimiquement et nombreux sont les ligands déjà utilisés en thérapeutique. Beaucoup d’autres également définis biochimiquement n’ont aujourd’hui aucun médiateur ou agent de stimulation physiologique identifié. Ces récepteurs sont appelés des récepteurs orphelins et peuvent être à l’origine de la découverte de nouvelle voie thérapeutique. Les récepteurs heptahélicoïdaux sont stimulés par de nombreux médiateurs endogènes (dopamines, adrénaline, sérotonine…), par des agents variés de l’environnement (pesticides), la lumière (photon), des agents olfactifs et gustatifs. Ils peuvent également être stimulés par des ions comme le Ca2+ ou des protéases comme la trypsine ou la thrombine. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 12 1. Les grandes familles des récepteurs hélicoïdaux en fonction des sites d’interaction avec les ligands Les récepteurs heptahélicoïdaux, autrement appelés récepteurs à sept domaines transmembranaires ou récepteurs couplés aux protéines G, sont composés d’une chaîne d’acides aminés (340 à 1 200) qui traversent plusieurs fois la membrane plasmique sous la forme d’hélice  (figure 2). Chaque hélice transmembranaire comporte 20 à 22 acides aminés soit environ 150 acides aminés pour les 7 hélices. La variabilité du nombre total d’acides aminés est liée à la longueur de l’extrémité N terminale extracellulaire (7 à 600 acides aminés), des boucles intracellulaires et de l’extrémité C terminale intracellulaire. Les boucles extracellulaires sont, pour la plupart des récepteurs, reliées par des ponts disulfures. m. extracellulaire m. intracellulaire Figure 2 : Représentations schématiques des récepteurs heptahélicoïdaux. Les 7 segments transmembranaires sont organisés en un cercle qui contient en son centre une cavité et un site de liaison pour le ligand ou le médicament. L’association du ligand ou d’un analogue pharmacologique possédant une activité agoniste, induit un changement de conformation du récepteur qui lui permet d’entrer en contact avec une protéine G trimérique qui va à son tour moduler l’activité d’une enzyme ou d’un canal ionique (figure 3). A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 13 M. extracellulaire NH2 Protéine effectrice Protéine G COOH Effet M. intracellulaire Figure 3 : Organisation des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) et couplage avec les protéines G trimériques. Il existe plusieurs familles de RCPG regroupées selon l’analogie de leur structure primaire et les sites d’interaction avec les ligands agonistes. Il n’y a pas d’analogie de structure primaire d’une famille à l’autre (figure 4).  La famille 1 présente un pont disulfure situé entre les boucles extracellulaire 1 et 2. Elle est divisée en 3 groupes qui se distinguent par la localisation de leur site d’interaction avec les ligands agonistes :  Le groupe 1a renferme les récepteurs de petits ligands comme le rétinal, les petits neuromédiateurs, l’adrénaline, la noradrénaline, la dopamine, la sérotonine, l’acétylcholine, les opiacés et les enképhalines, l’adénosine et l’ATP ainsi qu’une partie des récepteurs des agents olfactifs et gustatifs. Le site d’interaction de ces récepteurs est situé entre les hélices  au sein de la membrane plasmique. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 14  Le groupe 1b est formé par les récepteurs de neuropeptides et d’hormones peptidiques, de cytokines dont l’interleukine 8, du facteur d’agrégation plaquettaire (PAF) et de la thrombine. Ces ligands agissent avec l’extrémité N terminale, les boucles extracellulaires 1 et 2 ainsi qu’avec la partie supérieure des hélices  2 à 5.  Le groupe 1c comporte les récepteurs des hormones glycoprotéiques, de l’hormone lutéinisante (LH), de l’hormone folliculo-stimulante (FSH), de la tyréostimuline (TSH). Ces grosses hormones interagissent avec la longue extrémité N terminale très structurée et de façon plus modeste avec quelques résidus des boucles extracellulaire 1 voire 3.  La famille 2 comprend les récepteurs dont la morphologie globale rappelle celle des récepteurs du groupe 1c mais sans analogie de structure primaire. Les ligands concernés sont principalement les hormones protéiniques de masse importante comme le glucagon, la parathormone (PTH), la calcitonine, la gonadoréline (GnRH) ou LHRH (Luteinizing Hormone-Releasing Hormone) et le Corticotropin Releasing Hormone (CRH).  La famille 3 comprend les récepteurs du calcium extracellulaire, le récepteur au GABA-B et les récepteurs métabotropes au glutamate. Les ligands correspondant interagissent uniquement avec l’extrémité N-terminale qui peut comprendre plus de 600 acides aminés. La dimérisation des récepteurs heptahélicoïdaux a été montrée notamment pour les récepteurs de la famille 3. Cependant, l’importance de ce phénomène reste difficile à apprécier. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 15 Figure 4 : Les familles de récepteurs heptahélicoïdaux définies en fonction des sites d’interaction avec leurs agonistes. 2. Les sites d’interaction des récepteurs avec les protéines G trimériques L’interaction des RCPG avec les protéines G trimériques se fait par l’intermédiaire de quelques acides aminés localisés principalement sur les boucles intracellulaires 2 et 3 et sur la partie proximale de l’extrémité C-terminale. Quelques phénomènes annexes peuvent participer à cette interaction. Par exemple, le récepteur 2-adrénergiques est couplé à une protéine Gs augmentant le taux d’AMPc. La liaison de l’agoniste induit cette interaction puis la phosphorylation du récepteur par la PKA activée par l’AMPc. Cette phosphorylation diminue l’affinité du récepteur pour Gs mais A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 16 augment son affinité pour Gi. Ceci montre que la sélectivité du couplage d’un récepteur avec une protéine G dépend de la structure du récepteur. La plupart des récepteurs semblent pouvoir interagir avec plusieurs protéines G différentes (ex : thrombine). Les déterminants de ce couplage multiple sont toujours inconnus. De plus, la stimulation d’un seul type de protéine G peut initier plusieurs voies de signalisation par les sous unités  et par les sous unités γ. II. Les protéines G trimériques La découverte des protéines G a été étroitement associée au travail sur l’AMPc. Comme leur nom l’indique les protéines G trimériques sont formées de 3 sous-unités , et . Leurs sous- unités  ont une masse de 39 – 52kDa et présentent une analogie structurale avec les petites protéines G monomériques (GTPase comme Rho, Ras…). Les sous unités  (36kDa) et  (6 – 8kDa) forment un dimère considéré comme fonctionnellement indissociable. Les protéines G trimériques sont principalement localisées sur la face interne de la membrane plasmique. Comme les petites protéines G, elles peuvent être associées à la membrane plasmique par isoprénylation ou myristylation de  et de . 1. Cycle fonctionnel des protéines G trimériques Au repos, le site catalytique de la sous-unité  du trimère  est occupé par une molécule de GDP. La liaison d’un agoniste ou d’un médicament sur le récepteur induit l’activation de la protéine G, ce qui se traduit par une diminution de l’affinité pour le GDP et une augmentation de celle pour le GTP. Il se produit donc un échange entre le GDP, préalablement fixé, et le GTP cytosolique. L’occupation de la sous-unité  par le GTP induit la dissociation de  de  qui peuvent chacun interagir avec des effecteurs (enzymes ou canaux ioniques) pour générer des seconds messagers intracellulaires. Cependant l’activité GTPasique de la sous-unité  hydrolyse rapidement le GTP en GDP, et  se retrouve occupée par du GDP. La sous-unité  perd ainsi son affinité pour son effecteur mais récupère celle pour le dimère . Elle se réassocie avec  pour reformer le trimère  à nouveau disponible pour un nouveau cycle d’activation (figure 5). A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 17 AR MR MR* GTP MR* α β α β α β GDP GDP GDP GTP Cycle fonctionnel des protéines G trimériques α β GTP Activité GTPasique Effecteur α E1 GDP E1 Pi β Effecteur E2 E2 Figure 5 : Cycle d’activation des protéines G trimériques symbolisées par leurs sous-unités α, β et γ. Dans l’organisme, une partie des RCPG est spontanément couplée, en l’absence d’agoniste aux protéines G. Ces récepteurs sont dits constitutivement actifs. Ces récepteurs sont modulés par des agonistes inverses. Le cycle fonctionnel des protéines G est également accompagné de modification de l’affinité du récepteur pour ses ligands. 2. Diversité des protéines G trimériques Les premières protéines G caractérisées ont été les protéines Gs, stimulant l’adénylate cyclase et, Gi, inhibant cette même enzyme. Puis leur nature trimérique a été découverte et enfin la multiplicité du nombre de leurs sous-unités. On compte aujourd’hui au moins 20 sous-unités , 5  et 13  codées par des gènes distincts. Il existe donc potentiellement un très grand nombre de trimères . La classification des trimères reste basée sur les analogies de structure des sous-unités , avec les familles Gs, Gi, Gq et G12. Les sous unités  sont considérées comme interchangeables. Leur nature précise est souvent mal définie dans les complexes trimériques. Les différentes protéines G se distinguent les unes des autres par leur action sur différentes protéines effectrices et donc se différencient selon l’effet intracellulaire engendré (tableau I). A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 18 Famille Effecteur Gs Adénylate cyclase + Gi Adénylate cyclase - Canaux potassiques - Phosphalipase C - Phosphalipase A 2 - Gq Phospholipase C + Go Canaux calciques - Tableau I : classification des différentes protéines G trimériques selon l’action exercée sur l’effecteur. La famille Gs comprend les protéines dont les sous-unités  sont s et olf qui stimulent l’adénylate cyclase. La sous-unité s est présente dans la plupart des tissus et olf est localisée principalement dans le neuro-épithélium olfactif, et, à un faible taux, dans le cerveau. La famille Gi comprend les protéines dont les sous-unités  sont i1, i2, αi3, αo1, αo2 et z ainsi que les transducines de la rétine t1, dans les cellules en cônes, et t2, dans les cellules en batonnets, et la gustducine gust des cellules gustatives. Elles inhibent l’adénylate cyclase, les canaux potassiques ainsi que les phospholipases C et A2. La famille Gq comprend des protéines dont les sous-unités  sont q et 11, largement réparties, ainsi que 14 et 15, exprimées surtout dans les cellules hématopoïétiques, et 16. Les sous-unités  de cette famille stimulent la phospholipase Cβ. La famille G12 comprend les protéines dont les sous-unités α sont α12, largement réparties, et α13, exprimées surtout dans les cellules gustatives Enfin la famille Go inhibe les courants calciques. La présence d’une sous-unité α donnée suggère la possibilité de couplage à plusieurs effecteurs mais il s’y ajoute les couplages potentiels assurés par le dimère βγ. En pratique, l’intervention d’une protéine G trimérique initie toujours plusieurs voies de signalisation en fonction des protéines appartenant à ces voies et exprimées par la cellule considérée. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 19 3. Les effecteurs des sous-unités  des protéines G Les principaux effecteurs modulés par l’interaction avec les sous-unités  des protéines G sont des systèmes enzymatiques générant des médiateurs intracellulaires ainsi que des canaux ioniques (figure 6). Les adénylates cyclases (AC) I à IX peuvent être activées par interaction avec s et olf. Au contraire, l’interaction avec i avec l’AC I, II, III, V et VI diminue leur activité catalytique. L’interaction des sous-unités  des protéines G avec l’adénylate cyclase peut donc mener à une augmentation (s et olf) ou à une diminution (i) de la concentration intracellulaire d’AMPc. Les phosphodiestérases sélectives du GMPc sont activées par la sous-unité  de la protéine Gi (t1 et t2) menant à une diminution de la concentration en GMPc dans les cellules en cônes ou en bâtonnet de la rétine. De même, dans les cellules gustatives, la sous unité gust active les phosphodiestérases non sélectives du GMPc et de l’AMPc i.e., diminue la concentration intracellulaire en GMPc et AMPc. Les phospholipases Cβ (PLCβ) sont activées par interaction avec les sous-unités  des protéines Gq (q, 11, 14 et 15) avec production d’Inositol-triphosphate (IP3) et de diacylglycérol (DAG) conduisant à la mobilisation des stocks calcique et à l’activation des PKC. L’activation de ces protéines G est insensible à la toxine pertussique. Les PLC peuvent aussi être activées par les sous-unités  des protéines Gi et Go. Ces activations sont sensibles à la toxine pertussique. Certains canaux ioniques peuvent aussi être activés, i.e., ouverts par interaction avec des sous-unités s (canaux Ca++, Na++, Cl-), ou i et o (canaux KM et KAch). D’autres canaux ioniques, sélectifs de Ca++, Na+ ou Cl- pourraient être inhibés par interaction avec i et o. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 20 Figure 6 : Familles de protéines G trimériques selon la nature de leurs sous-unités α, et l’activation ou l’inhibition des effecteurs par les diverses sous-unités α et les dimères βγ. 4. Les effecteurs des sous unités  des protéines G Les sous-unités  des protéines G stimulant des effecteurs appartiennent principalement aux protéines Gi et Go. Les effecteurs modulés par  sont caractérisés par la présence de domaines appelés domaines PH particuliers spécialisés dans la reconnaissance de . Ils conduisent à :  L’activation de l’adénylate cyclase II et IV ou inhibition de AC I  L’activation de la PLC  L’activation de la PI3K dans certaines cellules comme les leucocytes  L’inhibition de l’ouverture des canaux Ca++ CaV2.1 et CaV2.2 notamment dans le cerveau  L’activation de canaux, KAch et Kir, notamment dans le cœur et le cerveau Les dimères βγ seraient également susceptibles d’activer, directement ou non, des petites protéines G et des tyrosine-kinases solubles. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 21 III. Les mécanismes de désensibilisation et d’internalisation des récepteurs heptahélicoïdaux La liaison d’un médicament à un récepteur heptahélicoïdal active rapidement, via les protéines G, les différentes voies de signalisation. Dans les secondes ou les minutes qui suivent plusieurs protéines cytosoliques participent séquentiellement à la désensibilisation du récepteur et à son internalisation. Les premiers acteurs de ces phénomènes sont des protéine-kinases chargées sélectivement de phosphoryler les récepteurs RCPG (GRK, G-protein coupled receptor kinases), les rendant insensibles à la liaison avec leurs ligands. Ce phénomène est appelé désensibilisation homologue, i.e., induite par le ligand du récepteur considéré. Des cas de désensibilisation hétérologues correspondent à la phosphorylation d’un récepteur par stimulation de récepteurs différents, mettant en jeu des protéines kinases variées, PKA, PKC, tyrosine-kinases…. Plusieurs isoformes de GRK sont caractérisées, mais leurs propriétés distinctes ne sont pas encore clairement établies. Les sites de phosphorylation, résidus séryls et thréonyls, par les GRK sont localisés sur l’extrémité C-terminale des récepteurs. Cette phosphorylation permet l’interaction d’une protéine cytosolique, la β-arrestine, avec le récepteur. Associée au récepteur, la β-arrestine joue le rôle de protéine adaptatrice et interagit avec plusieurs autres protéines cytosoliques, dont la protéine AP-2 et la clathrine. Ces étapes initient le processus d’endocytose, correspondant à la formation de puits recouverts de clathrine, suivie d’une fusion membranaire impliquant elle-même plusieurs protéines comme la dynamine et la petite protéine G Arf-6. La participation de la dynamine est favorisée par sa phosphorylation effectuée par des tyrosine-kinases solubles de type src recrutées par la β-arrestine. Cette fusion membranaire correspond à la fermeture de la vésicule qui devient intracellulaire. A ce stade, deux évolutions sont possibles : - le récepteur, dont l’extrémité C-terminale baigne dans le cytosol, peut-être déphosphorylé par des protéines-phosphatases et recyclés plus ou moins vite vers la membrane plasmique par un processus d’exocytose. La cellule retrouve alors sa capacité à répondre à nouveau à la stimulation du médicament. - la vésicule d’endocytose, portant le récepteur, peut fusionner avec les lysosomes dont les multiples enzymes lytiques dégradent l’intérieur de la vésicule d’endocytose. Le récepteur A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 22 est donc définitivement détruit et la cellule devra compenser cette perte en activant la synthèse de nouvelles molécules de récepteurs. Ces phénomènes diffèrent quantitativement et qualitativement d’un récepteur à l’autre. Par exemple, les récepteur PAR sont dégradés et donc ne sont pas recyclés vers la membrane, où ils ne pourraient être à nouveau utilisables. Cela sous-entend que la stimulation prolongée d’un récepteur par un médicament peut mener à une diminution importante du nombre de récepteurs sur la membrane plasmique, et donc, à une diminution de la réponse cellulaire à ce médicament. Les récepteurs peuvent être simplement internalisés, inaccessibles à l’agoniste ou être dégradés. C’est un phénomène de désensibilisation par diminution du nombre de récepteurs accessibles ou down-regulation. Au contraire, des phénomènes de up-regulation peuvent être observés lorsque la synthèse du récepteur et son expression membranaire sont plus importantes que sa dégradation. VI. Exemple d’interaction d’un médicament avec une cible RCPG A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 23 A connaitre : - les différentes classes de récepteurs à 7 domaines transmembranaires - le mécanisme d’action des récepteurs à 7 domaines transmembranaires - les mécanismes d’activation d’une protéine G - les différents types d’effecteurs des protéines G A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 24 L Leess rréécceepptteeuurrss àà aaccttiivviittéé ccaannaall iioonniiqquuee I. Les récepteurs à activité canal ionique Un canal ionique correspond à une protéine membranaire perméable à un ou plusieurs ions. Il existe de nombreux types de canaux ioniques. Ils peuvent être sélectivement perméables à un ion tel que le sodium, le calcium, le potassium ou le chlore, ou bien à plusieurs ions à la fois. De façon générale, un canal est sélectivement perméable à une espèce ionique. Les canaux ioniques sont présents sur la membrane de toutes les cellules. Ils ont en particulier un rôle central dans la physiologie des cellules excitables comme les neurones. Les canaux sont des facilitateurs de diffusion, dans le sens où ils n'influent pas sur le sens de passage des ions, qui est uniquement dicté par la différence de potentiel électrochimique de l'ion considéré (somme de la différence de concentration et du champ électrique). Un canal ne peut pas transporter un ion contre ce gradient. Ce rôle est tenu par des pompes membranaires, comme la pompe sodium/potassium, qui doivent utiliser de l'énergie à cette fin. On distingue plusieurs types de canaux ioniques selon le stimulus gouvernant leur ouverture (figure 7). Deux groupes sont majoritaires :  voltage-dépendants ou tensiodépendant : leur ouverture dépend de la modification de la polarité membranaire (ex : canaux sodique mis en jeu pour la propagation d’un potentiel d’action)  chimio-dépendant : il s’agit de la classe des récepteurs ionotropes, dont les membres s’ouvrent en présence d’un ligand. Ces canaux participent à la construction de la synapse chimique. Il existe des canaux activés par d’autres stimuli, tels que le froid, la chaleur, l’étirement de la membrane, le volume cellulaire…Il s’agit de la classe des mécano-récepteurs. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 25 Figure 7 : les différents types de canaux ioniques et leur mode de stimulation Ces récepteurs-canaux comportent un canal central qui fait communiquer le cytoplasme avec le milieu extracellulaire. La molécule informative (médicament) module l'ouverture du canal et régule, en général, l'entrée dans la cellule soit des cations Na+ ou Ca2+, soit d'anions Cl-. Ces récepteurs-canaux sont à différencier, d'une part des canaux voltage-dépendants dont l'ouverture est régulée par le potentiel membranaire, une dépolarisation cellulaire favorisant leur ouverture, et d'autre part des canaux dont l'ouverture est régulée par l'intermédiaire d'une variation de la concentration intracellulaire de Ca2+, d'AMPc ou de GMPc. La caractéristique générale des récepteurs-canaux est d'avoir une réponse instantanée et de courte durée. L'ouverture du canal nécessite souvent l'interaction simultanée de deux molécules activatrices : c'est le cas du récepteur nicotinique à l'acétylcholine et du récepteur GABAA. Parmi les récepteurs-canaux, on peut distinguer : Les récepteurs-canaux cationiques :  Récepteurs nicotiniques avec canal ionique (sodique) présents au niveau du système nerveux et des muscles squelettiques  Récepteurs HT3 de la sérotonine  Récepteurs du glutamate et de l'aspartate A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 26 L'ouverture des canaux cationiques, en favorisant l'entrée de Na+ et ou du Ca2+ dans la cellule, entraîne une dépolarisation et une augmentation de l'excitabilité. Les récepteurs-canaux anioniques comme le canal chlorure Cl-:  Récepteurs GABAA, auxquels sont associés les récepteurs aux benzodiazépines qui modulent l'ouverture du canal perméable aux ions Cl-  Récepteurs de la glycine qui favorisent aussi l'ouverture des canaux Cl-. La pénétration des ions Cl- dans la cellule augmente sa polarisation et diminue son excitabilité. II. Exemple d’interaction d’un médicament avec un récepteur à activité canalaire A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 27 A connaitre : - les différentes catégories de récepteurs à activité canalaire - le mécanisme d’action de ces récepteurs. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 28 L Leess rréécceepptteeuurrss eennzzyym meess I. Généralités sur les récepteurs enzymes Les récepteurs-enzymes associent sur une même protéine de la membrane plasmique les fonctions réceptrice (liaison du ligand ou du médicament) et effectrice (activité enzymatique à l’origine de la transduction intracellulaire du message) : il s’agit de récepteurs catalytiques. Ils sont très importants chez les animaux car ils interviennent dans de nombreux processus de régulation de la division cellulaire et dans l'immunité, ainsi que dans d'autres domaines. En outre, le récepteur possède lui-même une activité enzymatique et la fixation du messager module cette activité qui peut-être de plusieurs types :  Activité tyrosine-kinase : Phosphorylation des résidus tyrosyls appartenant au récepteur lui-même (autophosphorylation) ou à diverses protéines intracellulaires. C’est le cas des récepteurs de l'insuline et des facteurs de croissance.  Activité tyrosine-phosphatase : Déphosphorylation des résidus tyrosyls ;  Activité guanylate-cyclase : Transformation le GTP en GMP cyclique capable d’activer des protéines-kinases spécifiques (PKG). C’est le cas du récepteur du facteur natriurétique atrial (ANF). II. Les récepteurs à activité tyrosine kinase Les tyrosine-kinases constituent une famille d'enzymes très importante dans l'organisme eucaryote. Cette superfamille comprend des récepteurs liant des hormones circulantes, des facteurs de croissance générés localement. Ces agonistes endogènes se lient à la partie extracellulaire des récepteurs ce qui se traduit par la phosphorylation d’un résidu tyrosine. La phosphorylation des tyrosines permet l’interaction avec des protéines adaptatrices suivie de :  L’activation de la phospholipase C  L’activation de la PI3K permettant l’activation de l’Akt et de la phospholipase C A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 29  L’activation de MAPK aboutissant à l’activation de facteurs de transcription. Cette méthode est une méthode d'activation ou d'inactivation de certaines voies enzymatiques au sein de la cellule. La plupart de ces kinases sont des récepteurs membranaires. 1. Structure et fonctionnement des récepteurs Les récepteurs tyrosine kinases sont des molécules transmembranaires comportant un site récepteur sur la face extracellulaire et un site tyrosine-kinase sur la face interne. Les deux parties sont reliées par un seul segment transmembranaire (figure 8). Les récepteurs tyrosine- kinase comportent aussi un site de phosphorylation. Leur site kinase est normalement inactif. Pour être activé, leur résidu tyrosine doit d'abord être phosphorylé. Dans la réalité, ces récepteurs peuvent être beaucoup plus complexes, pouvant accueillir différents sites de phosphorylation, plusieurs sites enzymatiques. Leur structure extramembranaire peut être très variée, comportant plusieurs sites de reconnaissante, voire un site de reconnaissance constitué de plusieurs protéines. Figure 8 : Le schéma ci-contre présente un récepteur tyrosine kinase type. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 30 Les récepteurs à activité tyrosine-kinase sont regroupés en différentes familles en fonction de leur analogie structurale au niveau de l’extrémité extracellulaire. On dénombre 8 familles différentes :  La famille du récepteur à l’EGF (Epidermal growth factor)  La famille des récepteurs à l’insuline qui se caractérise par 2 chaînes  extracellulaires associées par des ponts disulfures à 2 chaînes  transmembranaires.  La famille du récepteur au PDGF (platelet derived growth factor)  La famille au VEGF (vascular endothelial growth factor) qui est impliqué dans l’angiogenèse et particulièrement dans la vascularisation des tumeurs.  La famille du récepteur au FGF (fibroblast growth factor)  La famille du récepteur au NGF (nerve growth factor)  La famille du récepteur au HGF (hepatocyte growth factor)  La famille du récepteur au Eph (ephrin) qui joue un rôle dans les interactions cellule – cellule. Le mécanisme d'activation de ces récepteurs est particulier, car le segment transmembranaire, ne peut pas transmettre d'information sur l'occupation du site de reconnaissance du ligand vers l'intérieur de la cellule. Le ligand va se fixer à deux récepteurs qui vont être ainsi rapprochés et pouvoir se phosphoryler mutuellement. L'activité tyrosine-kinase va alors pouvoir s'exercer sur leurs différentes molécules cibles. Une fois phosphorylé, le récepteur ne peut plus être déphosphorylé. Son activité enzymatique va donc se poursuivre indéfiniment. Pour stopper son action, la cellule va internaliser le récepteur. La protéine va ensuite être dégradée dans un lysosome ou dans certains cas renvoyée à la surface de la membrane après inactivation pour être réutilisée. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 31 2. Exemple d’interaction d’un médicament avec un récepteur à activité tyrosine kinase A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 32 III. Les récepteurs à activité guanylate cyclase L'activation de ce récepteur-enzyme provoque la formation, à partir de la guanosine triphosphate (GTP), de guanosine monophosphate cyclique (GMPc) qui active des protéines kinases. On peut distinguer deux sortes de guanylate-cyclase, l'une membranaire qui est activée par des messagers comme le facteur natriurétique atrial ou ANF, l'autre soluble, présente dans le cytoplasme et qui est activée par le monoxyde d'azote qui diffuse à travers les membranes. Le GMPc a de nombreux effets encore mal précisés et différents selon les cellules : il agit directement en activant les phosphodiestérases et certains canaux de la membrane plasmique et surtout indirectement par l'intermédiaire de la protéine kinase PKG qui par phosphorylation de plusieurs protéines entraîne divers effets :  L’inactivation de la phospholipase C,  L’ouverture de canaux potassiques,  L’activation de l'ADP-ribosylcyclase qui catalyse la transformation du NAD+ en ADP-ribose-cyclique appelé cADPR, susceptible d'activer le récepteur à la ryanodine du réticulum endoplasmique. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 33 L Leess rréécceepptteeuurrss nnuuccllééaaiirreess I Généralités sur les récepteurs nucléaires Les récepteurs nucléaires sont des récepteurs intracellulaires formant une large famille composée de plus de 150 protéines différentes issues d’une cinquantaine de gènes distincts. Ils sont présents dans de nombreuses espèces, y compris chez les invertébrés. Les ligands des récepteurs nucléaires comprennent les hormones stéroïdiennes, les hormones thyroidiennes, l’acide rétinoique, la vitamine D, les acides gras et les prostaglandines. La moitié de ces récepteurs n’ont pas de ligand connu et sont donc dits récepteurs "orphelins". L’importance physiologique des ligands connus confère aux récepteurs nucléaires la qualité de cibles privilégiées de médicaments. L’existence de récepteurs orphelins suggère la possibilité d’exploitation de cibles potentielles en thérapeutique. Les récepteurs nucléaires fonctionnent comme des facteurs de transcription activés par la liaison de leur ligand. Ils possèdent, de ce fait, deux domaines complémentaires : un domaine de liaison à l'ADN permettant la reconnaissance de séquences d’ADN spécifiques dénommées HRE , et un domaine de liaison au ligand. Les récepteurs activés se lient à l’ADN sous forme de dimères. Ces récepteurs peuvent être classés en 4 groupes en fonction de la dimérisation et des séquences d’ADN reconnues (figure 9).  Groupe I : Ce groupe comprend les récepteurs aux hormones stéroïdiennes: récepteur des estrogènes (RE), de la progestérone (RP), des glucocorticoides (RG), des minéralocorticoïdes (RM), des androgènes (RA). Ces récepteurs se lient généralement sous formes d’homodimères à de courtes séquences d’ADN inversées (palindromes) séparées par 3 nucléotides.  Groupe II : Dans ce premier groupe, composé des récepteurs aux hormones thyroidiennes (RT), à l’acide rétinoïque (RAR ou RXR) et à la vitamine D (RVD), les récepteurs se lient à l’ADN sous forme d’hétérodimères, avec le récepteur au rétinoïde X ou RXR. La séquence d’ADN reconnue par ces récepteurs consiste en la répétition directe de la séquence A/GGTCA séparé par un nombre variable (jusqu’à 5) de A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 34 nucléotides, ce nombre de nucléotides déterminant en partie la spécificité de reconnaissance de ces différents récepteurs.  Groupe III : Certains récepteurs orphelins, tel que le récepteur NGFI-B, peuvent se lier sous forme de monomères à des séquences simples (TCAAGGTCA).  Groupe IV : Le récepteur RXR lui-même, ainsi que certains récepteurs orphelins sont capables de se lier sous forme d’homodimères à des séquences d’ADN directement répétées. Figure 9 : classification des récepteurs appartenant à la superfamille des récepteurs nucléaires. En l’absence de ligand, - les récepteurs du groupe I existent sous forme de complexes protéiques inactifs, liés à des heat shock protein (Hsp). Ces récepteurs nucléaires sont normalement liés à une "protéine du choc thermique" ou protéine chaperonne (HSP 90) qui les inactive. La formation du complexe récepteur-hormone libère l'HSP 90 et permet à deux récepteurs de s'associer en dimère avec leurs ligands. Ce complexe va alors se lier à l'ADN en reconnaissant des séquences nucléotidiques spécifiques du promoteur (HRE : Hormone Responsive Element) aboutissant à l'activation ou la répression de la transcription de l'ADN en ARN messager. Il s’en suit une modification de la synthèse protéique. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 35 - les récepteurs nucléaires, à l’exception du récepteur aux glucocorticoides (RG), sont localisés dans le noyau. Le RG est localisé dans le cytoplasme, puis transloqué dans le noyau après liaison à son ligand. Dans le noyau, les récepteurs RE, RP, RA et RM non activés ne sont pas liés à l’ADN. Les récepteurs RT, RAR et RVD, quant à eux, sont liés sous forme d’hétérodimères à des séquences d’ADN, cette liaison entraînant une inhibition de la transcription. Cette inhibition sera levée après liaison au ligand spécifique. II. Structure générale des récepteurs nucléaires Les récepteurs nucléaires présentent la même structure générale. Ils comportent 450 à 1 000 acides aminés et leur structure est classiquement représentée par un enchainement de domaines fonctionnels notés de A à F (Figure 10) :  La région N-terminale (domaine A / B) est la plus variable en termes de taille et de séquence protéique. Il existe une forte homologie de séquence dans les domaines de liaison à l’ADN ("Binding Domain"ou DBD) et de liaison au ligand ("Ligand Binding Domain"ou LBD). De plus la région N-terminale comporte le motif de transactivation AF-1 (activation function-1 motif) qui lie des co-activateurs  Le domaine E assure la liaison des médiateurs ; il est localisé sur la partie C- terminale qui confère la sélectivité de liaison des ligands ; la partie C- terminale est aussi impliquée dans la dimérisation des récepteurs et, pour les récepteurs des stéroïdes, dans l’interaction avec les protéines hsp ; le domaine E comprend aussi un second motif de transactivation, AF-2, activation function-2 motif ;  Le domaine de liaison à l’ADN, C, est plus ou moins central avec une structure bien conservée d’un récepteur à l’autre ; il est caractérisé par un double repliement de la chaîne protéinique maintenu par deux atomes de zinc interagissant chacun avec 4 résidus cystéyls ; ces motifs en doigts de zinc assurent l’interaction avec l’ADN.  Le domaine D possède une séquence NLS permet au récepteur de rester localisé dans le compartiment nucléaire. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 36 Figure 10 : Structure générale des récepteurs nucléaires. 1. Domaine de liaison à l’ADN Le domaine de liaison à l’ADN des récepteurs nucléaires ("DNA Binding Domain"ou DBD) est la région où l’homologie de séquence est la plus importante entre les différents récepteurs nucléaires. Il est composé de 66 à 68 acides aminés dont 9 résidus cystéine parfaitement conservés. Ce domaine contient 2 séquences riches en acides aminés cystéine, lysine et arginine, formant une structure en forme de doigt contenant un ion zinc de type C4. 2. Interactions avec l'ADN. Les motifs en doigts de zinc ont une structure très rigide, différente selon la nature des ligands du zinc, ici du type C4 (à 4 cystéines) (Figure 11). Ils ne participent pas directement à la fixation de l'ADN, mais imposent une géométrie particulière à l'ensemble du domaine, permettant essentiellement la présentation d'une hélice se positionnant dans le grand sillon de l'ADN, ainsi que probablement l'interaction de ce domaine avec les domaines similaires de récepteurs nucléaires différents (ici sur l'exemple de RXR et le récepteur aux hormones thyroïdiennes). Ceci qui explique l'effet coopératif des différentes hormones sur la régulation de l'expression des gènes. Dans cette situation, les deux hélices provenant chacune de deux récepteurs différents s'intègrent dans le grand sillon de l'ADN à un tour de distance. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 37 Ce motif en doigt de zinc, retrouvé dans d’autres facteurs de transcription, permet au récepteur de se fixer sur la double hélice d’ADN. La séquence d’acides aminés de la "P-box" (acides aminés cerclés de noir) détermine la spécificité de reconnaissance de la séquence d’ADN (ici est représenté le récepteur aux glucocorticoïdes). Les acides aminés entourés d’un carré sont impliqués dans la dimérisation du récepteur. Figure 11 : Structure des doigts de zinc des récepteurs nucléaires. D’après Pettersson and Gustafsson, 2001, Annu. Rev. Physiol. 63:165-192. III. Mode d'action des récepteurs nucléaires Il existe deux types de modalités d’interactions : - Les récepteurs stéroïdes, récepteurs aux glucocorticoïdes, récepteurs à l’aldostérone, récepteurs à la progestérone, récepteurs aux minéralocorticoïdes et récepteurs aux estrogènes : la fixation du ligand entraine la dissociation des molécules chaperonnes hsp du récepteur permettant ainsi sa dimérisation et son entrée dans le noyau. Son association à l’ADN génèrera un effet répresseur ou activateur - Les récepteurs à la vitamine D, à l’acide rétinoïque et aux PPAR : En absence de ligand, le récepteur est lié au HRE de l’ADN, ce qui est à l’origine de la répression de la transcription. C’est la fixation du ligand sur le récepteur qui génère l’activation de la transcription. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 38 IV. Pathologies associées aux récepteurs nucléaires Il existe de nombreux exemples de pathologies liées à des mutations de récepteurs nucléaires :  Mutations du récepteur des androgènes et insensibilité aux androgènes: Environ 200 mutations inactivatrices du récepteur des androgènes ont été décrites. Ces mutations se répartissent sur l’ensemble du gène et aboutissent à une insensibilité aux androgènes plus ou moins sévère. L’expression phénotypique est variable allant d’un phénotype féminin complet (chez un sujet XY) à un phénotype masculin avec stérilité inexpliquée. (Sultan et al. (1998) Métab-Horm-Nutr II 4: 12-21)  Mutation inactivatrice du récepteur des estrogènes : La découverte d’une mutation inactivatrice du récepteur des estrogènes chez un sujet masculin de 28 ans a permis d’analyser le rôle des estrogènes chez l’homme. On a, par exemple, pu montrer que les estrogènes jouaient un rôle important chez l’homme dans l’arrêt de la croissance après la puberté, et dans la prévention contre l’ostéoporose et l’athérosclérose (Smith EP et al. (1994) N Engl J Med 331: 1046-1060)  Mutations inactivatrices du récepteur des hormones thyroidiennes et résistance aux hormones thyroidiennes (Chatterjee VK (1997) Horm Res 48 Suppl 4: 43-46)  Mutations inactivatrices du récepteur à la vitamine D et rachitisme pseudocarentiel  Mutation activatrice du récepteur des glucocorticoides et hypercorticisme (syndrome de cushing)  Translocation du récepteur de l’acide Rétinoïque et leucémie aigue promyelocytaire. Dans les leucémies promyelocytaires aigues, une translocation (t15, t17) impliquant le récepteur de l’acide rétinoique est généralement retrouvée dans les cellules leucémiques. L’acide rétinoique devient dans ce cas un agent inducteur de la différenciation du promyelocyte. Son utilisation dans le traitement des patients atteints de leucémie aigue promyélocytaire permet d’augmenter significativement le pourcentage des rémissions. Ce système de transduction permet de fixer le messager sur un récepteur associé à l'ADN dont il module l'activité transcriptionnelle. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 39 V. Exemple d’interaction entre un médicament et un récepteur nucléaire A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 40 L Leess eennzzyym meess cciibblleess ddee m mééddiiccaam meennttss I. Les enzymes comme cible des médicaments Les cellules et les liquides de l’organisme contiennent une grande variété d’enzymes. Chacune est une cible potentielle pour les médicaments, qui se comportent comme des substrats enzymatiques ou inhibent l’activité enzymatique (figure 12). Figure 12 : Différents mécanismes d’action d’un médicament sur une enzyme Les médicaments peuvent agir sur une variété de sites de reconnaissance de ligands, présents sur l’enzyme. Si le site d’une action médicamenteuse inhibitrice, est le site de reconnaissance du substrat pour l’enzyme considérée, l’interaction médicament–enzyme est considérée comme compétitive. Cependant, les médicaments peuvent interférer avec les enzymes d’autres façons. Si le site d’action du médicament est distinct du site de reconnaissance du substrat, l’inhibition peut résulter de mécanismes allostériques, ou d’une atteinte à l’intégrité de l’enzyme. Cela est très semblable à l’antagonisme non-compétitif exercé par le médicament sur un récepteur classique. Un exemple typique est donné par l’inhibition de l’acétylcholinestérase responsable de la dégradation de l’acétylcholine. Cette enzyme possède un site de reconnaissance du substrat formé de deux composants. L’un reconnait la moitié ester et l’autre reconnait la moitié chargée de l’acétylcholine. La molécule d’acétylcholine, liée est A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 41 orientée par le site de reconnaissance du substrat, subit alors une hydrolyse. Certains esters de la choline, analogues de l’acétylcholine, peuvent se fixer sur les deux composants du site de reconnaissances alors que d’autres analogues ne peuvent en occuper qu’un seul. Ce faisant ils inhibent l’hydrolyse de l’acétylcholine endogène. L’interaction est compétitive, elle peut être réversible ou irréversible La plupart des médicaments inhibiteurs enzymatiques sont compétitifs et réversibles. Si l’inhibition est irréversible: le temps d’action dépend surtout du temps de néosynthèse de l’enzyme par l’organisme (cas de l’aspirine). Dans ce cas, le risque de toxicité est élevé. Les Enzymes ciblées par les médicaments peuvent être des:  enzymes humaines  enzymes des organismes pathogènes. II. Exemple d’interaction entre un médicament et une cible enzymatique A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 42 A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 43 L Leess ttrraannssppoorrttss iioonniiqquueess cciibblleess ddee m mééddiiccaam meennttss I. Généralités sur les systèmes de transport Le transport des ions et des petites molécules à travers les membranes cellulaires nécessite généralement une protéine de transport. Les vecteurs qui ne nécessitent pas d'énergie pour leur fonctionnement sont des transporteurs (qui déplacent un ion ou une molécule dans une seule direction), des symporteurs (qui déplacent deux ou plusieurs ions ou molécules), ou des antiporteurs (qui échangent un ou plusieurs ions ou molécules contre un ou plusieurs ions ou molécules). Les vecteurs nécessitant de l'énergie pour leur fonctionnement sont appelés "pompes" et sont des enzymes spécifiques (figure 13). A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 44 Figure 13 : Présentation des différentes classes de systèmes de transport ionique. Ces molécules vectrices peuvent ainsi être activées ou inactivées par les médicaments. Il existe de nombreux exemples de tels vecteurs, comprenant ceux qui sont notamment responsables du transport du glucose et des acides aminés à l’intérieur des cellules, le transport des ions et des nombreuses molécules organiques par le tubule rénal, le transport des ions sodium et des ions calcium en dehors des cellules. Ces systèmes de transport sont la cible de médicaments qui les bloquent. II. Exemple d’interaction de médicament avec système de transport ionique 1. L’insuffisance cardiaque congestive L’insuffisance cardiaque congestive (ICC) est la principale cause d’hospitalisation aux USA pour les personnes de plus de 65 ans. Le diagnostic repose sur la fonction cardiaque et l’altération de la tolérance à l’effort. L’ICC apparaît lorsque le cœur ne peut plus fournir suffisamment de sang oxygéné aux organes. Il existe de nombreux systèmes neurohormonaux chargés de maintenir le débit cardiaque et la pression sanguine (figure 14). L’hypotension stimule les barorécepteurs qui augmentent l’activité du système sympathique, ce qui produit une majoration de la fréquence cardiaque et une vasoconstriction. La contractilité cardiaque et le tonus vasculaire sont donc accrus, ce dernier effet augmentant la postcharge cardiaque. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 45 La postcharge se définit par la résistance contre laquelle le muscle cardiaque pompe pour expulser le sang hors des ventricules. Quand elle augmente, la fraction d’éjection (quantité de sang éjectée par les ventricules) diminue, ainsi que la perfusion des organes tels que le foie et les reins. La diminution de la perfusion rénale entraine l’activation du système rénine angiotensine, provoquant la sécrétion de rénine, qui majore les concentrations plasmatiques d’angiotensine II et d’aldostérone. L’angiotensine II entraine une vasocontraction périphérique alors que l’aldostérone augmente la rétention de Na+ qui provoque la séquence d’évènements suivante : - rétention d’eau accrue - Augmentation des pressions artérielle et veineuse - augmentation du volume du fluide vasculaire et interstitiel - congestion et œdème pulmonaire et systémique - augmentation de la précharge cardiaque Figure 14 : Signes et conséquences de l’insuffisance cardiaque. Il existe également des mécanismes intrinsèques cardiaques compensateurs qui sont activés par une augmentation de la précharge. Les modifications cardiaques comportent : A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 46 - La dilatation ventriculaire - - l’augmentation de volume et des pressions générées par les ventricules. Quand la précharge augmente, le ventricule se vide incomplètement et la pression de fin de diastole s’élève, ce qui initialement maintient le débit cardiaque par un accroissement de la tension musculaire. L’hypertrophie et la dilatation secondaire à l’ICC majorent la masse musculaire cardiaque, ce qui facilité la systole ventriculaire et l’éjection du sang. Les mécanismes compensateurs activés pendant l’ICC entrainent un effet inotrope positif. Ces mécanismes sont : - L’augmentation de la vitesse de contraction +dL/dtmax - Efficacité accrue de la vidange systolique - Evacuation diastolique diminuée Cependant ces mécanismes compensateurs s’épuisent petit à petit. Il s’ensuit une surcharge ventriculaire par accroissement des pressions de remplissage, une contrainte systolique pariétale et des besoins énergétiques myocardiques plus grands. Le traitement de base de l’ICC a pour but de : -réduire l’œdème - améliorer la contractilité cardiaque. Pour cela, de nombreux médicaments sont utilisés (figure 15). A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 47 Figure 15 : Présentation des différentes classes médicamenteuses utilisées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. 2. Les glucosides cardiotoniques : inhibiteurs de la pompe à sodium ou Na/K ATPase a. Structure chimiques de glucosides cardiotoniques Les glucosides cardiotoniques ou digitaliques dont la digoxine est le chef de file, sont extrait de la digitale pourpre (digitalis purpurea) et de la digitale laineuse (digitalis lanata) (figure 16). Il existe plusieurs autres glucosides cardiotoniques mais la digoxine est la plus prescrite. Tous les glucosides cardiotoniques ont une structure chimique similaire. La digitaline, la digoxine et l’ouabaïne possèdent un noyau aglycone stéroïdien indispensable à l’activité pharmacologique de ces produits. Un noyau lactone insaturé lié en C17, transmet l’activité cardiotonique et une fraction sucrée liée en C3 modifie l’efficacité et la pharmacocinétique de la molécule. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 48 D. lanata D. purpurea digoxine digitaline ouabaïne Figure 16 : Différentes molécules appartenant à la classe des digitaliques. Les glucosides améliorent la contractilité cardiaque au niveau moléculaire en inhibant la Na+/K+ ATPase liée à la membrane. b. Structure de la cible : la pompe Na+/K+ ATPase La pompe Na+/K+-ATPase, comme la H+/K+-ATPase et la Ca+/K+-ATPase, est une enzyme qui joue le rôle de pompe. Elle assure le transfert transmembranaire des cations Na+ et K+. Elle est classée parmi les ATPases de type P ou phosphorylantes. La Na+/K+-ATPase est localisée dans les membranes cytoplasmiques. Elle est constituée de deux sous-unités  catalytiques et de deux sous-unités ß. La Na+/K+-ATPase utilise l'énergie libérée par l'hydrolyse de l'ATP en présence de magnésium pour assurer le transport de trois ions Na+ à l'extérieur de la cellule et de deux ions K+ à l'intérieur. La Na/K-ATPase est le système de transport responsable du maintien des gradients Na+ et K+ à travers la membrane plasmique. Cette pompe intervient dans l’établissement du potentiel A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 49 membranaire de repos de la plupart des cellules excitables. L’inhibition de la pompe entraine une augmentation de la concentration cytoplamique de Na+. Cette pompe, formée de deux sous-unités assemblées en un hétérodimère αβ, transporte les + + ions Na et K dans le sens inverse de leur gradient électrochimique et ce grâce à l'énergie fournie par l'hydrolyse de l'ATP (figure 17). Figure 17 : Représentation schématique de la pompe N+/K+-APTase. La sous-unité  possède 1014-1028 acides aminés et elle présente un large domaine cytoplasmique (dans lequel est situé le site d'hydrolyse de l'ATP) et 10 α-hélices + + transmembranaires. La position des sites de liaison des ions Na et K est encore hypothétique. Elle porte les sites de fixation des agoniste et des digitaliques. Elle est également responsable du transport ionique. La sous unité  présente environ 305 acides aminés et une seule hélice  transmembranaire. Cette sous unité est responsable de la modulation de l’affinité des différents ligands. Une sous unité  comportant 66 amino-acides et une seule hélice  transmembranaire, est colocalisée avec les 2 autres sous unités. Cependant son rôle reste encore aujourd’hui inconnu. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 50 c. Mécanismes d’action des digitaliques Les propriétés bénéfiques des extraits de digitale, admises depuis plusieurs siècles, ont été démontrées en 1785 par le médecin anglais Whitering à la suite d'une étude clinique. La substance active, la digitaline, a été obtenue par le pharmacien français Nativelle un siècle plus tard. L'effet tonicardiaque et bradycardisant de la digitaline et de ses analogues était reconnu mais leur mécanisme d'action, l'inhibition de la pompe Na+/K+-ATPase n'a été découverte que récemment. Le seul digitalique utilisé aujourd'hui en pratique est la digoxine. Les digitaliques agissent en se fixant sur la partie extracellulaire de la pompe, c'est-à-dire celle qui fixe le potassium pour le transférer à l'intérieur de la cellule, lorsqu'elle est phosphorylée, et inhibent son fonctionnement. L’inhibition de cette pompe entraine une augmentation cytoplasmique de Na+ (figure 18). Figure 18 : Schéma récapitulatif des effets de la digoxine A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 51 L’augmentation de la concentration en Na+ inhibe un autre échangeur membranaires d’ions de Na+/Ca2+. Il en résulte une nette augmentation en Ca2+. En effet, l’augmentation de sodium entraîne à son tour une augmentation de la concentration de calcium intracellulaire, soit en inhibant l'échangeur Na+/Ca2+ lorsqu'il fait entrer le sodium (trois ions Na+) et sortir le calcium (un ion Ca2+), soit encore en l'activant lorsqu'il fonctionne dans le sens inverse, en faisant entrer le calcium et sortir le sodium. Cet échangeur Na+/Ca2+ est particulièrement actif au niveau du myocarde et des fibres vasculaires lisses. Le Ca2+ intracellulaire, en quantité augmentée, est activement pompé dans le réticulum sarcoplasmique où il est disponible pour être libéré lors des dépolarisations cellulaires ultérieures. De la sorte le couplage excitation-contraction est majoré. Le mécanisme d’action tissulaire résultant est un renforcement de la contractilité ou un inotropisme positif. Les glucosides cardiotoniques inhibent la Na+/K+-ATPase du myocarde, du tissu conducteur cardiaque, des fibres vasculaires lisses et de certains autres tissus comme le globule rouge. Ils ont peu d'effet sur la Na+/K+-ATPase des muscles squelettiques L'élévation du calcium intracellulaire augmente la force de contraction du cœur et la contracture des fibres vasculaires lisses. L'inhibition de la Na+/K+-ATPase par les glucosides cardiotoniques est responsable de leur effet cardiaque, vasculaire et accessoirement diurétique.  Effets cardiaques a. Effet inotrope positif : les glucosides cardiotoniques ont un effet inotrope positif : ils augmentent la force de contraction du myocarde en insuffisance cardiaque mais aussi du coeur normal. Ce renforcement s'accompagne d'une accélération de la vitesse de contraction et d'un raccourcissement de la durée de la systole avec allongement relatif de la diastole, ceci indépendamment du ralentissement du rythme. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 52 Figure 19 : Interaction des digitaliques avec l’homéostasie calcique Par exemple, les digitaliques inhibent la Na+/K+ ATPase du cardiomyocyte, modifiant ainsi l'équilibre ionique et l'activité des autres systèmes de transport de la cellule. Il en résulte une augmentation du contenu sodique du cytosol et secondairement un accroissement de la quantité de calcium disponible pour la contraction (figure 19). b. Effet tonotrope positif : les glucosides cardiotoniques réduisent la taille du cœur en diastole chez l'insuffisant cardiaque et chez le sujet normal. Chez l'insuffisant cardiaque le cœur est dilaté, distendu, avec un résidu sanguin dans le ventricule en fin de systole. La réduction de la taille du cœur en diastole augmente le débit cardiaque de l'insuffisant cardiaque mais a un effet nul ou inverse chez le sujet normal, car chez ce dernier le cœur a la taille optimale et toute diminution réduit son efficacité. Ceci explique en partie les effets différents obtenus chez le sujet normal et l'insuffisant cardiaque. c. Effet chronotrope négatif : les glucosides cardiotoniques ralentissent le cœur. Cette action bradycardisante résulte de leur action directe sur le cœur ainsi que de leur action indirecte sur le système nerveux autonome : o diminution du tonus sympathique par réduction de la libération de catécholamines à la suite de l'amélioration du débit cardiaque. Cependant les digitaliques pourraient, dans certaines circonstances, augmenter la libération de catécholamines par inhibition de la Na+/K+-ATPase des terminaisons adrénergiques. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 53 o effet parasympathomimétique par libération accrue d'acétylcholine et augmentation de la sensibilité des récepteurs à l'action de cette dernière. Cet effet est inhibé par l'atropine. d. Effet dromotrope (conduction) et effet bathmotrope (excitabilité) : d'une manière générale les glucosides cardiotoniques ralentissent la vitesse de conduction auriculo- ventriculaire, à la fois par effet direct et par effet indirect par l'intermédiaire de l'acétylcholine. Ils accroissent à faible dose l'excitabilité du myocarde, ce qui favorise la naissance de foyers ectopiques, d'autant plus que la conduction est inhibée. Les digitaliques modifient l'électrocardiogramme : ils entraînent à dose thérapeutique, chez l'insuffisant cardiaque, une diminution ou une inversion de l'onde T, un allongement de l'espace PR, un raccourcissement de QT. A dose toxique ils sont à l'origine de troubles du rythme. Chez l'insuffisant cardiaque, il y a une libération excessive de catécholamines avec une diminution de la densité des récepteurs ß cardiaques et une diminution de la sensibilité du coeur aux effets ß des catécholamines. Cette hyperstimulation adrénergique compensatrice a des effets néfastes à long terme  Effet vasculaire Les glucosides cardiotoniques augmentent les résistances vasculaires périphériques en agissant directement sur les fibres vasculaires lisses artérielles et veineuses, chez le sujet normal comme chez l'insuffisant cardiaque. La différence essentielle entre le sujet normal et l'insuffisant cardiaque est que, chez le premier, il n'y a pas d'hyperactivité du système adrénergique, alors qu'elle existe chez le second. La réduction de l'hyperactivité adrénergique chez l'insuffisant cardiaque entraîne une vasodilatation indirecte plus importante que la vasoconstriction directe. Par ailleurs les digitaliques peuvent réduire les besoins du cœur en oxygène chez l'insuffisant cardiaque car, bien que renforçant la force de contraction du myocarde, ce qui augmente les besoins en oxygène, ils réduisent la taille du cœur, ralentissent son rythme, diminuent les résistances périphériques. Les digitaliques ont peu d'effet sur la pression artérielle. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 54  Effet diurétique Les digitaliques augmentent la diurèse de l'insuffisant cardiaque, moins du fait de l'inhibition de la Na+/K+-ATPase rénale que de la diminution du tonus sympathique et de la diminution de la stimulation du système rénine-angiotensine-aldostérone. Par ailleurs les digitaliques peuvent entraîner des contractions des fibres intestinales par effet direct et indirect par stimulation bulbaire. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 55 Métabolisation des médicaments A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 56 L Lee m mééttaabboolliissm mee ddeess m mééddiiccaam meennttss I. Définition Le métabolisme est l’ensemble des réactions chimiques subies par des molécules d’un organisme vivant. La quasi-totalité du métabolisme est intracellulaire. On peut distinguer le métabolisme endogènes (ex: dégradations des protéines) et le métabolisme des xénobiotiques i.e., les molécules étrangères à l’organisme (ex: médicaments). Peu de médicaments ne peuvent être éliminés directement dans les urines ou dans la bile sans avoir été préalablement métabolisé. Le métabolisme d’un médicament correspond à la transformation par une réaction enzymatique irréversibles d’un médicament en un ou plusieurs composés dits métabolites qui peuvent être actifs pharmacologiquement, inactifs pharmacologiquement ou parfois toxiques. La métabolisation modifie la structure chimique du médicament et donc ses propriétés physico-chimiques : solubilité, taille, charge et ionisation. Ces modifications auront donc un impact sur la pharmacologie, la pharmacocinétique et la toxicité du médicament. II. Les conséquences du métabolisme Le tableau II ci-dessous résume les différentes possibilités : Réaction(s) enzymatique(s) Médicament Métabolites Forme Forme dans le Forme Exemples administrée compartiment central éliminée S S S Pénicilline G, lithium S S M M Barbituriques S S M M Benzodiazépines S S M M Aspirine (« pro-drogue ») S S M1 tox M2 M2 Paracétamol Substance initiale Forme active Forme toxique Tableau II : Les différentes conséquences de la métabolisation des médicaments A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 57 Le métabolisme conduit dans la plupart des cas à des produits inactifs. Néanmoins, il peut également conduire à des métabolites actifs comme dans l’exemple de la spironolactone (Figure 13) : Figure 13 : Métabolisation de la spironolactone en composé inactif Autre exemple de médicaments ayant des métabolites actifs, les benzodiazépines. Comme l’illustre le schéma ci-dessous, certains composés de cette famille thérapeutique sont métabolisés en nordiazepam qui est caractérisé par une durée d’effet prolongée. Dans ces cas, il est important de savoir que le pourcentage de nordiazepam formé dépendra du type de molécule administré et qu’il existe souvent pour une même substance une importante variabilité interindividuelle. Figure 12 : Voie de métabolisation des benzodiazépines A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 58 Lorsque la substance administrée est inactive et qu’elle nécessite d’être métabolisée pour être transformée en un composé actif, on parle de promédicament (ou prodrogue). Exemple : un médicament actif sous la forme R-COOH n’est pratiquement pas résorbé dans le tube digestif ; la forme estérifiée R-COOEt passe mieux mais elle est inactive : elle doit subir une dé-estérification pour devenir active (cas de certains inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Ces réactions peuvent aussi conduire à la formation de métabolites dits “ réactifs ” qui peuvent être toxiques. Ces métabolites réactifs sont normalement réduits (“ détoxifiés ”) en présence de glutathion dont la quantité est limitée au niveau hépatique. Lorsque le stock de glutathion est consommé, ces métabolites réactifs peuvent induire une hépatite cytolytique médicamenteuse. L’exemple du paracétamol illustre ce cas (figure 14). Le paracétamol est essentiellement métabolisé par le foie en métabolites non toxiques par glucuruno- et sulfo-conjugaison. En cas d’excès de paracétamol, le paracétamol emprunte une deuxième voie de métabolisation qui produit un métabolite réactif la N acétyl-parabenzoquinone-imine. En absence d’une réserve suffisante de glutathion endogène qui neutralise normalement ce métabolite réactif formé, le métabolite induit une cytolyse hépatique. La Nacétylcystéine, composée de groupes thiols -SH comme le glutathion, à condition d’être administrée dans les 8 premières heures après l’intoxication, est un bon antidote. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 59 Figure 14 : La métabolisation du paracétamol On distingue 3 catégories de réactions biochimiques sur les médicaments (figure 15): - Les réactions de phase I : qui sont des réactions dites de fonctionnalisation puisqu’elles permettent de modifier la molécule en ajoutant ou libérant un groupement fonctionnel qui pourra réagir plus facilement dans d’autres réactions. Ces réactions regroupent les oxydations, les hydrolyses et les réductions. - Les réactions de phase II : qui sont des réactions de conjugaison puisqu’elles ont pour but d’associer le médicament ou ses métabolites à de petites molécules majoritairement polaires grâce à des transférases. - Lorsque l’élimination des conjugués hydrophiles nécessite des transporteurs transmembranaires actifs d’excrétion (glycoprotéines) on parle de la phase III. Structure physico-chimique Très lipophile Lipophile Polaire Hydrophile Accumulation dans les graisses Phase I : Oxydation Réduction Hydrolyse Phase II : Conjugaison Milieux extracellulaires Excrétion biliaire Circulation sanguine Elimination / fèces Elimination rénale Figure 15 : Présentation des différentes phases de la métabolisation des médicaments A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 60 III. Les réactions de phases I 1. Généralités La phase I est une étape d’oxydation des médicaments qui conduit à la formation de métabolites, qui peuvent soit être éliminés directement s’ils ont atteint un degré d’hydrosolubilité suffisant, soit poursuivre les processus de métabolisation par la phase II. La phase I n’est pas obligatoire : certains médicaments peuvent subir immédiatement la phase II. Les réactions de phase I sont des réactions :  d’oxydation : qui impliquent des mono-oxygénases telles que le cytochrome P450. Elles ont essentiellement lieu au niveau des microsomes hépatiques.  de réductions moins fréquentes.  d’hydrolyse : qui ont lieu au niveau des organes (rein, foie, intestin, poumon..) mais aussi au niveau du plasma. Les estérases impliquées dans les réactions d’hydrolyse ne sont pas spécifiques. Les métabolites formés par les réactions de phase I ont des groupes fonctionnels hydroxyles (OH), amines (NH2) ou carboxyles (COOH) qui peuvent ensuite être conjugués par les réactions de phases II. Les réactions d’oxydation sont majoritairement localisées dans les microsomes hépatiques. Elles consomment du nicotinamide phosphate réduit (NADPH) et de l’oxygène moléculaire. Elles impliquent des mono-oxydases telles que les cytochromes P450. Les réactions de réduction sont beaucoup moins fréquentes et moins bien explorées. La réaction n’intervient pas exclusivement au niveau hépatique mais également dans l’intestin via la flore bactérienne. Enfin, l’hydrolyse est une voie métabolique banale qui intervient au niveau du foie, de différents tissus mais aussi dans le plasma. Les enzymes de type estérases sont le plus souvent non spécifiques. La réaction de clivage d’un ester ou d’un amide est très rapide chez l’homme. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 61 Les principales enzymes mises en jeu lors des réactions d’oxydation de la phase I sont :  le cytochrome P450 et la mono oxygénase à flavine qui se situent sur la membrane du réticulum endoplasmique lisse,  les monoamines oxydase qui se situent au niveau des mitochondries,  les alcools déshydrogénases qui se localisent dans le cytosol. Les réactions de réduction sont catalysées par des enzymes microsomales cytochrome P450 ou des enzymes solubles. Les réactions d’hydrolyse sont catalysées par des enzymes solubles largement distribuées comme les estérases, les amidases et les époxydes hydrolases. A. d’Anglemont de Tassigny – Année Universitaire 2023-2024 62 2. Les mono oxygénases à flavines C’est un système multienzymatique composé de deux types d’enzymes :  le cytochrome P450 qui correspond au site de liaison du substrat et du dioxygène  la NADPH cytochrome P450 réductase qui permet le transfert d’un ou deux électrons de cofacteur NADPH vers le CYP450. Dans une réaction de mono-oxygénation, il y a consommation d’une molécule d’O2 par le substrat. Un atome d’oxygène apparaît dans les produits de la réaction et l’autre sous forme d’une molécule d’eau. Ce complexe enzymatique est composé de 3 éléments indispensables :  un donneur d’électrons, le NADPH  une chaîne de transport d’électrons : NADPH cytochrome P450 réductase, les cytochromes P450 et le cytochrome B5.  des phospholipides, la phosphatidylcholine et la lécithine. Le tout est associé sous forme d’un amas ressemblant à une marguerite au sein de la membrane du réticulum endoplasmique lisse (figure 16). Dans le Réticulum endoplasmique lisse, la concentration des réductases est 5 à 10 fois inférieure à celle des cytochromes P450. Le système cytochrome P450 – NADPH cytochrome P450 réductase se

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