Âge adulte - Rôles sociaux Cours 8-22 novembre PDF
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Université de Sherbrooke
Étienne Vandamme
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These lecture notes discuss social roles in adulthood. They cover topics such as decentralization, societal changes, the historical context of individualism, and the development of new societal norms (or the lack of them).
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Âge adulte – Rôles sociaux Cours 8 - 22 novembre Décentrement – Définition et usage, Pierre- Étienne Vandamme (2017) Le décentrement est central en anthropologie, ainsi que dans le domaine de la psychologie du développement...
Âge adulte – Rôles sociaux Cours 8 - 22 novembre Décentrement – Définition et usage, Pierre- Étienne Vandamme (2017) Le décentrement est central en anthropologie, ainsi que dans le domaine de la psychologie du développement moral. Il représente la capacité à prendre ses distances d’avec soi, ses repères, ses convictions, sa vision du monde, pour aller à la rencontre de l’autre. « Se décentrer, cependant, n’implique pas d’éprouver pour autrui de l’amour; seulement de l’intérêt. Non pas un intérêt stratégique, toutefois, mais communicationnel, […] c’est-à-dire mû par une volonté de compréhension plutôt que d’instrumentalisation de l’autre. « Proche du concept d’empathie, le décentrement possède cependant une dimension plus cognitive, là où l’empathie est affaire de sentiments, d’affects. Le décentrement est la prise en considération raisonnée des autres, de leurs désirs, intérêts et aspirations. » Contexte historique : l’individualisme moderne (1991) Nous pouvons choisir notre mode de vie et vivre selon nos convictions personnelles (en partie). Peu d’individus se priveraient de cette liberté mais, pour certains, il y aurait une perte de sens par le fait que l’individu n’appartient plus à un ordre qui le dépasse, nous serions nos seuls guides. Nous nous sommes libérés des anciennes hiérarchies sociales basées très souvent sur un ordre religieux ou politique, notre liberté vient en grande partie de cette séparation : l’émancipation des années 60-70. Production d’un nouveau sujet - De Munck, « Du souci de soi contemporain. Déformalisation, modèle régulatoire et subjectivité », 1997. Production d’un nouveau sujet : celui de l’authenticité. Il remplace le sujet de la discipline qui se fiait à des règles sociales élaborées hors de lui pour guider son existence. Comporte une charge, l’individu moderne ferait face au poids de cette liberté. Notre existence reposerait donc sur nos choix personnels, la norme prendrait des formes multiples et indéterminées, parfois même contradictoires. Les options sont nombreuses. Quelles sont les nouvelles normes sociales, selon vous ? Nouvelles normes sociales: Ehrenberg, La fatigue d’être soi (1998) Actuellement, les nouvelles normes sociales seraient de l’ordre du choix personnel, du projet, des motivations et de la communication. Mutation décisive de nos formes de vie, mode de régulation qui ne sont pas un choix que chacun et chacune peut faire en privé. Règles valables pour toutes et tous sous peine d’être mis en marge de la socialité : elles sont les institutions du soi. La norme n’est plus fondée sur la culpabilité et la discipline mais sur la responsabilité individuelle et l’initiative. Jean Foucart : « L’individu est confronté aux exigences de sa liberté et de sa souveraineté. […]. Les fautes et les échecs ne résident plus dans le monde ou dans la volonté divine mais en soi-même. (2009 : 207). Le devoir Ulrick Beck a démontré que, dans ce contexte d’être bien d’individualisation, on transforme les causes extérieures à certains événements de la vie (comme portant le chômage) « en responsabilités individuelles, et les problèmes liés au système en échec personnel. » (2001 :202). Valorisation Vrancken et Macquet soulignent également ce fait de la maîtrise dans leur analyse de l’individu moderne : « Dorénavant l’individu se verrait directement de soi impliqué dans une responsabilisation par rapport aux situations vécues.[…]. L’individu défaillant serait réputé incapable. Incapable d’avoir fait les bons choix, d’avoir mobilisé les bonnes cartes, d’être sorti à son avantage d’une multiplicité de joutes quotidiennes. » (2006 : 140). Tiré de l’article : OTERO, Marcelo et Dahlia NAMIAN, 2011 « Grammaires sociales de la souffrance », Les collectifs du Cirp (Cercle interdisciplinaire de recherches phénoménologiques), vol. 2, p. 226-236. La fragilisation des supports sociaux et des positions statutaires (position dans laquelle un fonctionnaire exerce ses fonctions et occupe un emploi de son grade) ; la montée de l’individualisme et la psychologisation des conduites (processus de médicalisation, DSM5); la redistribution et la reconfiguration des rôles familiaux (entre les sexes); la coexistence de multiples repères moraux (religieux, spirituels, politiques, mouvements, idéologies, etc.); la survalorisation de la santé individuelle et populationnelle (processus de « santéisation »). Ce que la dépression révèle sur les modes de régulations des sociétés occidentales – Ehrenberg, 1998 La dépression nous instruit sur notre expérience actuelle de la personne : « Hier les règles sociales commandaient des conformismes de pensée, voire des automatismes de conduites; aujourd’hui elles exigent des initiatives et des aptitudes mentales. » (p.15). « L’individu est confronté à une pathologie de l’insuffisance […], à l’univers du dysfonctionnement […] : le déprimé est un homme en panne. » (P. 15). La dépression est instructive au sens où elle rend visible les contraintes structurant l’individualité. Tendances relatives à la prévalence de la dépression et des troubles anxieux chez les adultes canadiens en âge de travailler, de 2000 à 2016, Kathleen G. Dobson, Simone N. Vigod, Cameron Mustard et Peter M. Smith, diffusion le 20 décembre 2020 Les troubles dépressifs majeurs et les troubles anxieux, figurent parmi les principales causes de la charge de morbidité. À l’échelle mondiale, on estime que ces troubles sont associés à au moins 12 milliards de jours de perte de productivité par année, ce qui correspond à un coût d’environ 925 milliards de dollars américains. Étant donné leur morbidité et coût sociétal élevés, on craint que la prévalence de ces troubles mentaux courants n’ait augmenté dans les pays développés au cours des 30 dernières années. Statistiques canadiennes La dépression majeure affecte environ 5,4 % de la population canadienne et le trouble anxieux affecte 4,6 % de la population. En 2011, 11 % des 15 à 24 ans indiquaient vivre une dépression. Entre 2008-2009 et 2018-2019, il y a eu une augmentation de 61 % de visites aux urgences par les jeunes et une augmentation de 60 % d’hospitalisations pour un problème de santé mentale. Les troubles mentaux au Canada en 2022 Le travail serait au centre de l’expérience de la dépression – Marcelo Otero, L’ombre portée. L’individualité à l’épreuve de la dépression, 2012 « Transformations du travail et forte progression des problèmes de santé mentale au travail (épuisement professionnel, détresse psychologique, sentiment de dévalorisation, frustration et manque de reconnaissance). Intensification du travail, précarité d’emploi et insécurité, réduction des salaires et augmentation des inégalités, idéologie managériale fondée sur la flexibilité, la mobilisation et l’implication subjective du personnel, contrôle plus grand et responsabilisation des travailleurs, recherche Marcelo Otero, L’ombre portée. L’individualité à l’épreuve de la dépression, 2012 (suite) « Le rapport au travail est de plus en plus individualisé : responsabilisation des travailleurs quant aux succès de l’entreprise, gestion personnalisée des carrières, rémunération en fonction de la performance, disparition des moyens collectifs de résister aux pressions et de réduire la précarité. Ces changements contribuent à une détérioration de l’ambiance au travail et des relations entre les collègues. Les tensions sont vécues comme des conflits d’ordre interpersonnel plutôt que des conflits collectifs entre les employés et les patrons (Mercure et Vultur, 2012). Le travail procure une identité et une place dans la société, et pour de nombreux individus, c’est par le travail qu’ils cherchent à exprimer leur singularité, parvenir à une forme d’autoréalisation personnelle, dont la dépression, justement, signe l’échec. » (Résumé d’Éric Gagnon, 2012) « De 2021 à 2023, 38,6 % des participants à l’Enquête Dépression, longitudinale de dépendances et l’Observatoire sur la santé et milieux de travail au le mieux-être au travail (ELOSMET) avaient répondu Québec- Leïla Jolin-Dahel, 20 mars éprouver de la détresse 2024 psychologique. […] 12,5 % des travailleurs ont déclaré avoir des symptômes d’anxiété,15,9 % ont dit avoir des symptômes de dépression, 25,4 % ont dit vivre de l’épuisement professionnel […] 22,4 % ont précisé « Dans les secteurs d’activité à forte prédominance féminine, qu’on parle de la santé, de l’éducation, les indices de santé mentale sont troublants. Ces deux secteurs sont lourdement hypothéqués sur le plan de la santé mentale au travail », souligne Mélanie Dufour- Poirier, professeure de l’Université de Montréal. Leïla Jolin-Dahel, 30 mars 2024. Photo: Getty Images Questionnnement Promotion de l’activité physique, du yoga, de la méditation et de la gestion du stress… M. Marchand, directeur de l’Observatoire sur la santé et le mieux-être au travail (OSMET), « constate que les employeurs sont de plus en plus soucieux de mieux intervenir auprès des travailleurs aux prises avec des défis de santé mentale. » (Le Devoir, 2024) Quel est l’angle mort de ces pratiques, au- delà de leurs effets potentiellement positifs sur la santé des travailleur.euses. ? Réponses… Leïla Jolin-Dahel, LeDevoir 30 mars 2024. Alain Marchand : « Mais, évidemment, il y a encore beaucoup d’accent mis sur les symptômes plutôt que sur les conditions de travail qui vont les amplifier, précise-t-il. Quand on découvre, par exemple, que le problème est causé par la surcharge de travail, c’est beaucoup plus difficile à aborder dans les milieux professionnels. » Selon Mélanie Dufour-Poirier, professeure agrégée à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal: « on a toujours tendance à rendre l’individu imputable des dysfonctionnements ». « Ainsi, les employeurs sont encore trop peu nombreux à se poser des questions sur les causes de la fragilité psychologique de certaines personnes au travail, croit la chercheuse. ‘[…] Il y a des modes d’organisation des tâches, une culture de gestion, des pratiques de ressources humaines qui font dysfonctionner le milieu de travail et les gens ’. »