Le Monde en 1945 : Au Seuil d'une Nouvelle Ère - Cours PDF

Summary

Ce document détaille l'état du monde en 1945, après la Seconde Guerre mondiale. Il analyse les conséquences catastrophiques de la guerre, la perte de vies, les destructions massives, les déplacements de population, et l'émergence de nouvelles puissances mondiales. Il aborde les enjeux mondiaux à la période d'après-guerre.

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1 Chapitre 1 Le monde en 1945 : au seuil d’une nouvelle ère Après cinq années de conflit, les Alliés – principalement les États-Unis, la Grande- Bretagne, l’URSS et la France – parviennent à vaincre les puissances de l’Axe – l...

1 Chapitre 1 Le monde en 1945 : au seuil d’une nouvelle ère Après cinq années de conflit, les Alliés – principalement les États-Unis, la Grande- Bretagne, l’URSS et la France – parviennent à vaincre les puissances de l’Axe – l’Allemagne et l’Italie. Précisément, le Troisième Reich capitule le 8 mai 1945 et le Japon le 2 septembre après le lancement, les 6 et 9 août, de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki qui font plus de 200 000 morts. Mais la sortie de guerre a été préparée pendant la guerre elle-même : par la Charte de l’Atlantique, déclaration du président américain Roosevelt en août 1941 ; par la Déclaration des nations unies, signée en janvier 1942 par 26 pays réunis à l’initiative des États-Unis qui s’engagent à poursuivre le combat contre l’Axe ; par la Conférence de Téhéran, organisée en novembre 1943, qui appelle à la naissance d’un monde démocratique placé sous l’égide des grandes puissances. Cette guerre qui s’achève n’est pas un conflit comme les autres : par son ampleur, sa barbarie, elle constitue au contraire une rupture historique fondamentale. C’est pourquoi le monde de 1945 apparaît comme définitivement changé et nouveau. 1. Un monde sinistré 1.1. Une catastrophe humaine Les sociétés sont meurtries dans leur chair. La guerre est en effet responsable de plus de 50 millions de morts. Les pertes se montent à 20 millions de tués en URSS, à 7 millions en Allemagne, à 600 000 en France, à 500 000 en Grande-Bretagne, à 300 000 aux États-Unis. Cela représente une moyenne de 13 000 morts par jour côté soviétique, 3 500 côté allemand, 330 côté français. Le conflit a été cinq fois plus meurtrier que la Première Guerre mondiale, avec cette particularité qu’il a touché de nombreux civils du fait du perfectionnement des armes, dont témoigne la puissance dévastatrice des bombardements, et de la politique génocidaire du Reich. La Seconde Guerre mondiale est une guerre totale. Sans compter qu’aux morts s’ajoutent d’innombrables blessés et personnes diminuées physiquement du fait de leur séjour dans les camps ou par suite d'une mauvaise alimentation (voir la lecture proposée à la fin du chapitre, p. 7-8). L’immédiat après-guerre entraîne par ailleurs des déplacements de population considérables. Ainsi les Soviétiques procèdent systématiquement à l'expulsion des Cours d’histoire du DAEU A réservé aux stagiaires en régime distanciel du « réseau breton » (UBO, UBS, UR2). Auteur : Jean Le Bihan (université Rennes 2). Diffusion interdite en dehors du cercle des inscrits réguliers à ce cours. 2 populations allemandes installées, parfois depuis des siècles, en Europe orientale : Allemands de Tchécoslovaquie (les Sudètes), de Pologne, de Silésie et de Prusse orientale. Au total, ce ne sont pas moins de 11 millions de personnes qui quittent cette partie du continent, ce qui pourrait faire de cette migration la plus importante de l’histoire. Ces personnes vont principalement s’établir dans la partie occidentale de l'Allemagne, où elles constitueront une main d'œuvre qualifiée et déterminée. Ce n'est pas tout : trois millions de Polonais s'installent dans les territoires annexés aux dépens de l'Allemagne alors qu'un million et demi immigrent depuis ceux que la Pologne a cédés à l'URSS ; 410 000 Finlandais fuient la Carélie annexée par les Soviétiques, et 200 000 Baltes quittent leurs pays sitôt ceux-ci intégrés à l'URSS. 1.2. Des destructions sans précédent Les dégâts matériels sont considérables dans la plupart des pays belligérants. Toutes les villes allemandes, ou peu s'en faut, ont été rasées ou ravagées. L'URSS a été particulièrement atteinte dans ses régions les plus riches. Aux conséquences des combats il faut en effet ajouter les effets de la tactique de la terre brûlée, pratiquée par les deux camps : par exemple, lors de l'avancée allemande, les Soviétiques ont saboté le plus grand barrage édifié sur le Dniepr, qui était l’orgueil du régime. La France a quant à elle subi les destructions de la campagne de 1940, les pillages perpétrés par les Allemands au cours des quatre années d’occupation, et surtout les ravages provoqués par la très violente campagne de libération en 1944 : de nombreuses villes de l'Ouest, en particulier Brest, Lorient, Caen, Le Havre, ne sont plus que des champs de ruines en 1945. À cette date, les infrastructures de transport sont considérablement endommagées. En revanche, les États-Unis et le Canada connaissent évidemment peu de dommages. En conséquence de nombreux pays sont ruinés. Il s’ensuit une baisse du niveau de vie, dont témoigne, en France, la mise sur pied d’un système de tickets de rationnement, qui sera maintenu jusqu’en 1949. 1.3. Le choc moral Enfin les sociétés de l’après-guerre sont traumatisées. Non seulement elles sortent de plusieurs années dominées par la peur, mais elles prennent la mesure du potentiel terriblement destructeur de l’arme nucléaire, appelée à peser sur le nouveau monde à la manière d’une épée de Damoclès, et surtout découvrent avec effroi l’existence des camps de la mort. Ceux-ci Cours d’histoire du DAEU A réservé aux stagiaires en régime distanciel du « réseau breton » (UBO, UBS, UR2). Auteur : Jean Le Bihan (université Rennes 2). Diffusion interdite en dehors du cercle des inscrits réguliers à ce cours. 3 témoignent aux yeux du monde de l’entreprise d’extermination de masse des juifs que l’on appelle le Génocide ou la Shoah en hébreu et qui a fait quelque 6 millions de victimes. Les hauts responsables du Troisième Reich sont jugés dans la ville de Nuremberg, citadelle du national-socialisme, entre novembre 1945 et octobre 1946. Le procès dure 216 jours et débouche sur plusieurs chefs d’accusation, dont celui de crime contre l’humanité, créé pour l’occasion en vue de condamner les atrocités commises par l’Axe et d’affirmer l’imprescriptibilité des droits de l’homme en temps de guerre. Douze des 24 inculpés sont condamnés à mort, 10 à des peines d’emprisonnement, et 2 sont acquittés. La volonté de venir en aide à la communauté juive se traduit à l’échelle internationale par la création en 1948 de l’Etat d’Israël, où partent aussitôt s’installer de nombreux juifs (voir le chapitre 3). Mais au sein des populations européennes, le désir de tirer un trait sur ces années noires l’emporte vite. En France, par exemple, il faudra attendre les années 1970 pour que le travail de mémoire s’opère enfin, grâce aux initiatives conjuguées d’historiens, d’écrivains, ou encore de cinéastes comme Claude Lanzmann, réalisateur du film Shoah en 1985. 2. Des frontières modifiées En 1945, deux conférences internationales destinées à organiser la paix dessinent une nouvelle carte du monde : la première a lieu à Yalta, en Crimée, en février, et réunit Roosevelt (président des États-Unis), Staline (secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique) et Churchill (Premier ministre du Royaume-Uni) ; la seconde se déroule à Potsdam, dans la banlieue de Berlin, en juillet, et réunit cette fois Truman, successeur de Roosevelt, Attlee, successeur de Churchill, et Staline. À l’issue de ces deux conférences, les frontières du monde de l’époque sont modifiées en deux zones principales : en Europe et en Extrême-Orient. 2.1. En Europe (voir carte 1, p. 4) L’Allemagne et l’Autriche disparaissent momentanément de la carte. Elles sont découpées en quatre zones d’occupation – américaine, soviétique, britannique et française – et leurs capitales, Berlin et Vienne, passent sous administration internationale. L’Allemagne perd en outre tous les territoires qu’elle a conquis depuis 1933 ainsi que la Silésie, la Poméranie et la Prusse orientale, de sorte que sa frontière orientale est déplacée sur la ligne Oder-Neisse, qui la sépare à présent de la Pologne. L’Italie cède pour sa part l’Istrie, Fiume et Cours d’histoire du DAEU A réservé aux stagiaires en régime distanciel du « réseau breton » (UBO, UBS, UR2). Auteur : Jean Le Bihan (université Rennes 2). Diffusion interdite en dehors du cercle des inscrits réguliers à ce cours. 4 Zara à la Yougoslavie, la Roumanie abandonne la Dobroudja à la Bulgarie et la Bessarabie à l’URSS. A contrario, l’URSS et la Pologne s’étendent. C’est l’URSS qui réalise l’expansion la plus spectaculaire en s’appropriant notamment la Carélie finlandaise, les Pays baltes, une partie de la Prusse Orientale – auparavant allemande – et la Ruthénie tchécoslovaque. La Pologne, elle, s’étend vers l’ouest. Carte 1 – L’Europe en 1945 2.2. En Extrême-Orient Le Japon perd ses conquêtes : la Mandchourie et Formose sont appropriés par la Chine, les Îles Kouriles et le sud de Sakhaline le sont par l’URSS, tandis que la Corée est divisée en deux, le nord passant sous influence communiste, le sud sous influence américaine. Ce qu’il reste de l’empire nippon est placé sous tutelle américaine. Les États-Unis provoquent alors l'entrée forcée du Japon dans la modernité politique en lui imposant une constitution qui dépossède l'empereur de son statut divin et institue le parlementarisme. Cours d’histoire du DAEU A réservé aux stagiaires en régime distanciel du « réseau breton » (UBO, UBS, UR2). Auteur : Jean Le Bihan (université Rennes 2). Diffusion interdite en dehors du cercle des inscrits réguliers à ce cours. 5 3. Vers un nouvel équilibre mondial ? 3.1. Deux nouveaux venus : l’ONU et le FMI À la fin de la guerre, plusieurs institutions internationales sont mises en place en vue d’assurer la paix et la stabilité du monde. La plus importante est l’Organisation des Nations unies, dont la création a été préparée par de nombreuses conférences internationales tenues au cours de la guerre, notamment celle de Yalta (voir plus haut). L’ONU naît précisément en 1945, à la Conférence de San Francisco ; elle prend alors le relais de la Société des Nations (SDN) qui avait été instituée à la fin de la Première Guerre mondiale et que son impuissance à combattre la montée des totalitarismes avait ensuite discréditée. Elle compte une cinquantaine d’États membres en 1945. Son siège est établi à New York. Les missions de l’ONU sont de plusieurs ordres : sauvegarder la paix grâce aux forces armées fournies par les États membres ; garantir le droit, qu’il s’agisse des droits de l’homme, réaffirmés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, ou du droit international, destiné à régler les relations entre États ; œuvrer à la justice et au progrès, ce qui passe par la condamnation de l’exploitation coloniale. Pour mener à bien ces missions, l’ONU se dote d’un Conseil de sécurité. Composé à l’origine de 11 membres, dont 5 permanents (États-Unis, URSS, Chine, Grande-Bretagne, France) qui disposent d’un droit de veto, c’est lui seul qui adopte des résolutions. Tous les États membres participent bien à l’assemblée générale mais celle-ci n’émet que des recommandations ou délibérations. À l’ONU se rattachent toute une série d’institutions internationales plus spécialisées, dont le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). 3.2. Anciennes et nouvelles puissances En 1945, deux États s’affirment comme les deux nouvelles grandes puissances mondiales : les États-Unis et l’URSS. Les États-Unis surclassent tous leurs rivaux. Leur domination militaire est éclatante, comme en témoignent leur contribution décisive à la victoire alliée et leur monopole de l’arme atomique, qui durera jusqu’en 1949. Elle est aussi économique : la dépression des années 1930 a été vaincue ; c’est l’heure du plein emploi, de la croissance. Le pays dispose en outre d’une monnaie solide, le dollar, seule convertible en or et consacrée monnaie internationale lors de la Conférence de Bretton Woods. Confiance et Cours d’histoire du DAEU A réservé aux stagiaires en régime distanciel du « réseau breton » (UBO, UBS, UR2). Auteur : Jean Le Bihan (université Rennes 2). Diffusion interdite en dehors du cercle des inscrits réguliers à ce cours. 6 optimisme règnent aux États-Unis. Quant à l’URSS, si elle a subi de lourds dommages pendant le conflit (voir plus haut), elle fait tout de même figure de vainqueur du nazisme, ce qui lui vaut un immense prestige idéologique et renforce son influence. Staline sort plus puissant que jamais de la guerre et en profite pour étendre son contrôle sur l’Europe de l’Est. En revanche, le déclin de l’Europe, amorcé dès la Première Guerre mondiale, s’accentue, notamment sur le plan économique. En conséquence, la crainte de la décadence du vieux continent, qui tourmente certaines élites européennes depuis le début du XX e siècle, s’intensifie. Elle a pour effet de relancer le projet de construction européenne*, conçu par des intellectuels comme Jules Romains, Johan Huizinga ou Karl Jaspers, comme le plus sûr moyen d’enrayer cette évolution. Enfin, les Suds s’éveillent. L’occupation des colonies par les forces l’Axe ou du Japon, auxquelles n’ont pas résisté les métropoles, a entamé le prestige de ces dernières. L’homme blanc, supposé jusque-là invincible, apparaît à présent vulnérable. Par conséquent, se forme dans les esprits des populations colonisées, qui ont activement contribué à l’effort de guerre, le désir de se détacher du joug colonial. Des troubles éclatent ainsi en Indonésie, en Indochine mais c’est au Proche et Moyen-Orient que la situation se tend le plus : en opposition à la tutelle étrangère et à la création de l’État d’Israël, s’y développe la volonté d’affirmer l’identité arabe, que concrétise en 1945 la création de la Ligue arabe (voir le chapitre 4). Conclusion En 1945, le monde est bel et bien au seuil d’une nouvelle ère. Un nouvel ordre est en train de se dessiner, celui des vainqueurs, même s’il faut préciser que ce processus de recomposition résulte en partie de dynamiques antérieures au conflit. Pointent déjà les zones d’influence que les grandes puissances vont bientôt se tailler et qui structureront la géopolitique mondiale durant la longue période de la guerre froide. Cours d’histoire du DAEU A réservé aux stagiaires en régime distanciel du « réseau breton » (UBO, UBS, UR2). Auteur : Jean Le Bihan (université Rennes 2). Diffusion interdite en dehors du cercle des inscrits réguliers à ce cours.