CM 7 à 14 - Deuxième moitié du programme de 1661 à 1788-1789 - PDF

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Ce document traite de la deuxième moitié du programme historique (1661 à 1788-1789) et se concentre plus spécifiquement sur la monarchie louisquatorzienne. Il aborde les concepts d'absolutisme, son évolution, et les acteurs clés de cette période, tels que Louis XIV. Des exemples historiques et leurs implications sont inclus.

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**Deuxième moitié du programme de 1661 à 1788-1789** **[CM 7 et 8 : La monarchie louisquatorzienne]** **[(1661-1715)]** **[Introduction]** Les historiens parlent souvent de **\"premier\" et \"second\" absolutisme** en France. Le \"premier absolutisme\" désigne le **règne de François Ier et Henri...

**Deuxième moitié du programme de 1661 à 1788-1789** **[CM 7 et 8 : La monarchie louisquatorzienne]** **[(1661-1715)]** **[Introduction]** Les historiens parlent souvent de **\"premier\" et \"second\" absolutisme** en France. Le \"premier absolutisme\" désigne le **règne de François Ier et Henri II**, marqué par le renforcement de l'autorité centrale. Le \"second absolutisme\" se déroule en **trois grandes phases** : d\'abord, le règne **d'Henri IV,** qui refonde la monarchie en instaurant la paix avec **l'Édit de Nantes**, plaçant ainsi **l'autorité royale au centre de l\'État**. Ensuite, sous **Louis XIII et Richelieu**, la monarchie se **durcit au nom de la raison d'État**, avec une **répression sévère des révoltes internes**. Enfin, sous **Louis XIV,** l'absolutisme connaît son apogée, avec une **monarchie pacifiée en interne** mais **constamment en guerre** contre les **puissances européennes**. Ce règne est également marqué par **l'institutionnalisation de l'appareil d'État**, avec une **administration renforcée.** Cette vision reste schématique, et il convient **de nuancer l\'idée d\'une autorité royale sans partage.** Contrairement à ce que les historiens du XIXe siècle ont parfois affirmé, Louis XIV n'a pas exercé un pouvoir absolu : il avait des **devoirs envers ses sujets** et n\'était pas entièrement **au-dessus des lois**. Cependant, sous son règne, **l'absolutisme est à son sommet** comme **doctrine politique**, défini et affirmé sous **toutes ses formes**. Un exemple significatif de cette autorité mesurée est offert par le **tableau *Les Reines de Perse aux pieds*** d\'Alexandre de Charles Le Brun, peint en 1660. **Commandé par Louis XIV à Fontainebleau**, ce tableau représente la **mère de Darius**, roi de Perse, se jetant aux pieds **d'Alexandre le Grand** pour implorer sa clémence. À travers cet épisode tiré de l'histoire grecque, Louis XIV se projette dans la **figure d'Alexandre**, grand conquérant, et affirme sa **souveraineté tempérée par la clémence**. Ce tableau, allégorie de la **soumission des anciens frondeurs au jeune roi,** symbolise la **fin de la Fronde** et la **soumission des nobles rebelles** à l'autorité royale. Louis XIV se présente ainsi comme un souverain qui, **loin d\'être un tyran**, incarne une **maîtrise totale de ses gestes**, de ses **émotions et de son pouvoir**. Cette représentation correspond à l'idéal du **roi mesuré** tel que défini par des **théoriciens** comme Jean Bodin et Charles Loyseau, pour qui le souverain doit toujours faire **preuve de modération dans l'exercice de son pouvoir**. **[I. Gouverner, administrer]** **1. le roi et ses collaborateurs** **A. le roi** Louis XIV n'a probablement jamais prononcé la célèbre phrase **« L'État, c'est moi** » ; aucun témoignage ne l'atteste. Toutefois, dans ses *Mémoires pour l'instruction du Dauphin*, il **exprime clairement sa vision de la monarchie absolue** en affirmant que « toute puissance, toute autorité résident dans les mains du roi ». Pour lui, la monarchie absolue est **le meilleur régime.** Dès la mort de Mazarin, Louis XIV **affirme sa volonté de gouverner** sans **principal ministre**, contrairement à son père, Louis XIII. Cette décision est le **fruit d'une préparation intense** : Mazarin lui a permis de participer aux **conseils dès sa majorité**, et sa mère, Anne d'Autriche, lui a **inculqué un profond sens de la grandeur royale** et un fort **sentiment religieux,** le préparant ainsi à se considérer comme **chef de l'Église de France**. Ces valeurs de royauté et de religion se sont transmises de génération en génération dans les **familles royales de France et d'Espagne.** Louis XIV est un roi **appliqué,** doté *d'une intelligence solide et d'une grande maîtrise de soi.* Stoïque, il ne s'emporte jamais et reste **profondément convaincu de son autorité royale**, mais également des **droits et devoirs** que celle-ci implique. Il se voit comme le « **lieutenant de Dieu** » sur Terre, et adopte le soleil comme emblème, avec la devise ***Nec pluribus impar*** (« À nul autre inférieur »). Cette symbolique rappelle que le roi ne doit de **comptes qu'à Dieu**. Bien que l'absolutisme ait des **limites théoriques**, Louis XIV concentre tous les pouvoirs : il est la source **de la législation, de la justice, et de l'administration.** Louis XIV connaît néanmoins les **limites de son pouvoir**, inculquées par ses précepteurs : il est borné par les **lois fondamentales, les lois de Dieu, la justice, la raison, et les lois de la nature.** Sa vision de la monarchie reste fidèle à **la tradition française** : une autorité **absolue mais aussi paternelle**, légitimant souvent **l'usage de la force** par cette « nécessaire autorité paternelle » -- comme un **père sévère pour le bien de ses enfants**. Le théologien **Bossuet,** dans *La **Politique tirée de l'Écriture sainte***, définit également l'autorité royale **comme sacrée**, **paternelle, absolue**, et **soumise à la raison**, un modèle auquel Louis XIV **adhère fermement**. Ce roi est en effet **obsédé** par l'idée de la **décision personnelle** et solitaire : selon lui, les conseillers **exposent les idées**, mais le **roi décide seul**, au nom de la « **nécessité d'État** ». Ainsi, Louis XIV incarne un modèle de **roi absolu**, manifestant son autorité par des « **coups de majesté** » -- décisions prises **sans concertation**, comme en 1661, lorsqu'il **déclare vouloir gouverner seul,** marquant une **prise de pouvoir personnelle et déterminée**. **B. Les hommes du gouvernement** Bien que Louis XIV **décide seul**, il ne peut se passer de **collaborateurs.** Il prend soin de les choisir **hors de la famille royale** et de la **haute noblesse**, sauf rares exceptions, préférant des hommes **issus de la bourgeoisie** ou de la **noblesse de robe naissante**, qui lui **doivent tout** et lui sont **d'autant plus fidèles**. Louis XIV conserve en grande partie les équipes **reconnues par Mazarin** et les renouvelle peu par la suite. Le gouvernement de Louis XIV repose sur **quatre secrétaires d'État**, chacun chargé d'un **domaine spécifique** : **affaires étrangères, guerre, marine, et Maison du roi**. La surintendance des **finances,** en revanche, constitue **une institution à part**, indépendante du gouvernement. En **1661,** le poste est occupé par **Fouquet**, recruté par Mazarin. Cependant, le roi se méfie de Fouquet, dont **la richesse et le faste lui inspirent de la défiance** ; il l'accuse de **malversations financières**, bien que celles-ci soient davantage liées à Mazarin. Fouquet est remplacé par **Colbert**, également **protégé de Mazarin**, qui devient **contrôleur général des finances**. Désormais, la surintendance des finances **disparaît**, et le contrôle des finances est **exercé directement sous la supervision du roi.** Colbert accumule rapidement de **nombreuses charges ministérielles** : en **1669**, il devient aussi **ministre de la Marine et de la Maison du roi**. Malgré son omniprésence, il ne sera jamais **principal ministre**, car l'ultime décision **revient toujours au roi**, dans un travail de **collaboration étroite**. L'espace décisionnel du règne **est le conseil du roi**, lieu de **réunion des ministres**, situé à côté de la **chambre royale**. Au fil du temps, le conseil **se spécialise** : le roi **assiste à toutes ses séances** sauf pour le **conseil des parties** (qui traite des affaires judiciaires). Il est ainsi présent au **conseil d'en haut (**chargé **des lois et des grandes décisions**), au **conseil des dépêches** (chargé des **correspondances**) et au **conseil des finances**. En outre, il tient des **audiences techniques et entretient des discussions** particulières avec des **conseillers et collaborateurs spécialisés dans des dossiers précis.** Toute cette organisation centralisée se **déploie à Versailles**, où tout le personnel administratif est **logé dans les ailes ministérielles**, assurant un **contrôle direct et une coordination efficace** autour de la personne du roi. **2. Les hommes du roi dans les provinces** Les **intendants** prennent progressivement le pas sur les **gouverneurs,** un mouvement amorcé sous **Richelieu**. Cette fonction, initialement créée par **Henri II** sous le nom de **commissaires**, devient permanente en **1634** avec les **intendants de justice, police et finances**, nommés **directement par le roi**. Ces intendants **restent en poste**, quel que soit leur **domaine d\'intervention**, et en 1643, Mazarin leur attribue aussi des **compétences fiscales**, leur confiant la **collecte de la taille** (impôt direct). Les intendants sont souvent **mal perçus**, car bien qu\'ils soient initialement **chargés de faire respecter la justice et l'ordre**, leur mission **fiscale dès 1643** les associe à la **collecte des impôts royaux**, faisant d'eux les **principaux représentants du roi** dans les **provinces.** Sous Louis XIV, chaque province -- Bretagne, Orléanais, Bourgogne, Normandie, Languedoc, Provence, entre autres -- est **dotée de son intendant**, une organisation qui rappelle celle des **régions avant la réforme territoriale moderne**. Les **compétences** des intendants sont **vastes,** mais cela pose un problème dans certaines **provinces éloignées de la capitale**. Là-bas, les intendants se retrouvent à **administrer d'immenses territoires**, ce qui complique les **communications avec le pouvoir** **central** et limite leur **efficacité** dans **l'application des décisions royales**. **3. Connaitre et ordonner le royaume selon la « police du roi »** **A. La connaissance du roi** Pour bien gouverner, Louis XIV estime essentiel de **bien connaître son royaume**, tant sur le plan **géographique que social**, ce qui est un défi en raison de **l\'étendue du territoire** et de la **grande population**. Colbert lance des **enquêtes détaillées** pour obtenir cette **connaissance précise**. Bien que des enquêtes appelées \"**États de la France**\" existent depuis **1648,** leur portée est **limitée.** À partir de **1663,** Colbert exige des enquêtes plus **exhaustives**, confiées aux **intendants**. Son principal souci est le **maintien de l\'ordre** : il veut s\'assurer que la **noblesse reste calme** et que les gouverneurs, souvent issus de la **haute noblesse** et à la tête des provinces, ne reconstituent pas de **clientèles** susceptibles de **causer de nouvelles révoltes**. Ces enquêtes sont ainsi les **premières à être systématiquement conduites**. Les **progrès en cartographie** contribuent aussi à une **meilleure connaissance** du **territoire**. La carte devient un **outil familier** pour les **élites**, et l'intérêt pour la cartographie se **répand**. Grâce aux **avancées scientifiques**, la géographie progresse également. **Nicolas Sanson**, géographe du roi, produit **plusieurs séries de cartes générales et thématiques** de la France, sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV. Ces cartes montrent notamment les **lignes de partage des eaux,** délimitant les **grands bassins fluviaux**. Un des grands projets sous Louis XIV est de **relier la Méditerranée à l\'Atlantique** par un canal reliant **Sète à la Garonne** pour le **transport maritime**. La compréhension des bassins fluviaux est essentielle à sa réalisation. Par ailleurs, la demande de **précision dans la cartographie** est renforcée par les **besoins économiques et commerciaux**. La **méthode de triangulation**, développée par **Jean-Dominique Cassini**, géographe italien rattaché à **l\'Académie des sciences**, est déterminante pour ces avancées. Cassini produit une **carte des environs de Paris** **entre 1669 et 1674,** qui reste **mise à jour** et permet la **création d\'une carte complète de la France en 1682.** **B. Ordonner le pays selon l'admin du roi** Sous le règne de Louis XIV, une **nouvelle législation** vise à **harmoniser le royaume**, un projet **soutenu par Colbert**, conseiller du roi **pendant 22 ans**. Colbert cherche à renforcer **l'unité administrative et juridique** du royaume en dépassant les coutumes et privilèges locaux (on en comptait près de 300) pour instaurer des **procédures juridiques uniformes**. Dans cet esprit, Colbert engage une **vaste réforme législative**, produisant les **\"grands codes\".** Le **Code Louis** (1667-1670), par exemple, **unifie les procédures civiles**. D'autres ordonnances suivent, comme celle de **1669** sur les **eaux et forêts**, destinée à **protéger les forêts royales et communautaires** avec un **corps de gardes** pour en assurer la **gestion et l\'entretien**, essentiel pour la **construction navale** face aux **rivaux maritimes européens**, tels que l'Espagne. Colbert pousse également à l\'adoption de la **grande ordonnance de la marine** (1689), qui **encadre la construction et l'entretien des ports et navires,** et du **Code Noir** (1685), conçu pour réglementer la **vie des esclaves dans les colonies antillaises**, notamment les plantations de canne à sucre où les Français sont **installés depuis 1629**. Ce texte, fondamental pour la **gestion des colonies**, reconnaît et encadre l'esclavage, en s\'inspirant du **droit romain** où l\'esclave est **juridiquement assimilé à une \"chose\".** Le Code Noir définit ainsi les **droits et devoirs du maître sur l'esclave,** incluant des éléments de la **vie quotidienne** (alimentation, habillement, mariage, religion), tout en autorisant des **châtiments corporels** et en maintenant la torture. Cependant, le Code Noir impose aussi certains **devoirs aux maîtres** envers leurs esclaves, contribuant à l\'idée d\'une **gestion du royaume** fondée sur un souci d\'harmonie, voulu par le roi. **[II. Diriger l'économie, contrôler la société, réprimer les dissidences religieuses : un programme politique]** **1. Diriger l'économie : les principes du mercantilisme** Le principal objectif pour Colbert et le roi est la **puissance de l\'État français**, un objectif politique. Mais cette puissance passe par la **force de l\'économie**. Colbert, l\'un des grands hommes de son époque, est convaincu qu\'un **État fort doit être riche** et que la richesse se **mesure par la quantité d\'argent présente sur le territoire.** Plus le royaume **produit de richesses**, plus **l\'État royal a la possibilité de s\'enrichir**. La France ne dispose **pas de mines d\'argent**, contrairement à l\'Empire espagnol. En l\'absence de métaux précieux, **l\'économie française se concentre sur le commerce extérieur** : il s\'agit **d\'acheter peu, mais d\'exporter beaucoup.** Le **mercantilisme,** **courant économique** dominant à cette époque, prône des **mesures pour favoriser les exportations**. Cela inclut la **stimulation de la production industrielle**, le **soutien au commerce en Europe**, le **protectionnisme** (en **taxant** les produits étrangers), et le **monopole colonial**, comme celui de la canne à sucre, dont la **production est favorisée** et **acheminée par les navires français**. Le mercantilisme se développe au **XVIIe siècle**, avec certains **corollaires,** notamment **l\'influence de la religion**. Colbert cherche à **augmenter la production**, mais cela implique une **discipline stricte**. En **1669,** il impose une **réduction des jours fériés** pour accroître le **nombre de journées de travail**. Les jours fériés sont souvent liés aux **célébrations religieuses**, et il demande aux **évêques de limiter ces jours chômés**. Cela a pour objectif **d\'augmenter la productivité**. Un autre corollaire important du mercantilisme est le **développement de la flotte marchande** et **militaire**. Les **tarifs douaniers** entre **1664 et 1667**, particulièrement **élevés**, visent à **pénaliser les concurrents commerciaux**. En 1660, la France entre en **guerre commerciale contre les Pays-Bas.** Ce programme économique ambitieux connaît un **certain nombre de difficultés**. En **1672,** la guerre reprend et se **poursuit jusqu'en 1715**, entraînant des difficultés **financières** qui vont se prolonger jusqu'à la **fin du règne de Louis XIV**. Le **déficit budgétaire** devient la **norme** et les **impôts sont de plus en plus élevés.** À la mort du roi, la **dette publique atteint 2 milliards de livres.** Les efforts de Colbert visent également à **contrer la concurrence des Hollandais** et des **Anglais**. Toutefois, cela se heurte à une **certaine prudence** de la **bourgeoisie française**. Aux Pays-Bas, la noblesse n'est **pas interdite de travailler dans le commerce**, tandis qu'en France, c'est plutôt la **bourgeoisie qui investit dans ce secteur.** La bourgeoisie française a pour idéal de **s'enrichir**, mais sans **s'associer au commerce**, qui est considéré comme une **activité dégradante pour la noblesse.** L'idéal de la bourgeoisie française est **d'acheter des terres,** des **rentes ou des bureaux** afin de pouvoir **entrer dans la noblesse**. En revanche, les Néerlandais et les Anglais n'ont pas ce **genre d'idéal** et **voient le commerce comme une activité respectée**. Ce contraste entre la vision française et celle des autres pays explique en partie la **lenteur de la révolution industrielle en France**, comme l\'a souligné **Max Weber**, qui voit dans cet **état d'esprit une des causes de ce retard**. **2. Contrôler les élites** **A. Le système de cour et la noblesse sous Louis XIV** L\'une des **grandes réussites politiques** de Louis XIV fut la **mise en place d'un système curial destiné à contrôler les élites**, en particulier la **noblesse,** **en l'intégrant étroitement à l'appareil monarchique**. Contrairement au stéréotype d\'une **noblesse appauvrie et soumise**, les recherches montrent que cette **\"soumission\"** était bien souvent **volontaire et motivée par des intérêts économiques et politiques**. **B. Le contrôle par la faveur royale** - La **centralisation autour de Versailles** : Le château de Versailles devient à la fois le **siège du gouvernement et un lieu de résidence** où les nobles doivent se rendre pour **bénéficier de la \"faveur royale\".** Ce lieu est conçu pour **refléter la majesté du roi et incarner la centralité de l'État.** - **Redistribution des richesses** : Les nobles, loin d'être appauvris, **continuent à investir** leurs ressources **dans les projets royaux**, recevant en **échange des honneurs**, des **charges prestigieuses et parfois des revenus significatifs** tirés des fonctions qu'ils occupent. Ce système de don et **contre-don garantit leur fidélité.** - **Une noblesse domestiquée** : La nomination **aux gouvernements provinciaux** n'est plus **exclusivement réservée aux princes du sang**, ce qui **réduit les velléités** d'indépendance de la haute noblesse. **Les Condé,** qui furent des **figures de rébellion sous Louis XIII,** deviennent des **soutiens loyaux et intégrés au système monarchique**. **C. Le rituel de cour : un instrument de domination** **Le rituel mis en place à Versailles**, structuré **autour de la personne du roi**, devient un outil de **contrôle politique et social**. - **Participation des courtisans** : Les nobles **participent activement à la mise en scène** de **l'autorité royale**. Les **charges de cour et les cérémonies** renforcent leur **dépendance à l'égard du roi**. - **Symbolisme et obéissance volontaire** : Le **faste et l'ostentation**, loin de ruiner les nobles, renforcent l'image de **puissance du roi**. En faisant **du souverain le centre de la vie politique et sociale**, Louis XIV établit un **contrôle subtil mais efficace** sur les élites. **Résultat : un contrôle efficace mais intéressé** Cette **\"réduction à l'obéissance\"** est en réalité une **alliance fructueuse** pour les deux parties : le roi **consolide son pouvoir** tandis que les nobles préservent leur **statut social et économique**. Le système de cour devient ainsi l'un **des piliers de l'absolutisme**. **3. Réprimer les dissidences religieuses** Louis XIV considère **l'unité religieuse** comme **un fondement indispensable à la stabilité de son royaume**. Il mène une **politique active** contre **le jansénisme et le protestantisme,** qu\'il perçoit comme des **menaces à l'ordre établi.** **A. La lutte contre le jansénisme** - Contexte doctrinal : Le **jansénisme, mouvement catholique rigoriste**, met l'accent sur **la prédestination et s'oppose aux idées des jésuites sur la grâce**. Ses positions sont jugées **trop proches du calvinisme**. - Les mesures répressives : - Les **religieuses de Port-Royal**, **bastion du jansénisme**, sont **dispersées en 1664**. Le monastère est définitivement **détruit en 1710**. - En **1713, la bulle Unigenitus** **condamne le jansénisme**. Bien que **le Parlement de Paris résiste** initialement à son enregistrement, Louis XIV **impose sa volonté**, malgré une **opposition croissante** de certains **cercles religieux et politiques**. **B. L'offensive contre le protestantisme** - **Restrictions progressives** : Dès les **années 1680**, les **droits garantis par l'Édit de Nantes** (1598) sont **progressivement restreints**. La mise en place des \"**dragonnades**\" (logement de soldats chez les protestants pour les **contraindre à la conversion**) **intensifie la pression.** - **Révocation de l'Édit de Nantes** (1685) : Par **l'édit de Fontainebleau**, Louis XIV **abolit la liberté de culte des protestants.** Le catholicisme devient la **seule religion autorisée**. - **Conséquences immédiates** : La persécution entraîne **l'exil de près de 300 000 huguenots**, qui emportent leurs **compétences vers des pays étrangers** comme la Hollande, l'Angleterre et l'Allemagne. - **Révoltes et résistances** : Dans les **Cévennes, les camisards** mènent une **guérilla contre les troupes royales** entre **1702 et 1704**. Bien que réprimée, cette révolte force le roi à **tolérer des pratiques protestantes clandestines**. **C. Les motivations et les impacts** - **Motivations religieuses** : Louis XIV, influencé par **Mme de Maintenon** et par un désir croissant de **rédemption personnelle**, considère cette **politique comme un devoir chrétien.** - **Impact sur la France** : Si cette politique **renforce l'image d'un roi tout-puissant**, elle **affaiblit économiquement** certaines régions et **alimente des tensions politiques,** notamment au **sein des Parlements**. Sous le règne de Louis XIV, souvent appelé le « **Grand Règne** », deux **visions contrastées** se dessinent : une **vision « rose** », glorifiant un **roi bâtisseur de la grandeur de la France**, et une **vision « noire », soulignant les souffrances qu'il a infligées à son peuple** et les **limites de son absolutisme.** Ces deux interprétations, **contemporaines du règne**, reflètent à la fois la **propagande royale et les critiques acerbes de ses opposants**. **D. La glorification d'un « roi de gloire »** La **vision « rose** » repose sur un **effort de propagande systématique** orchestré par **des figures comme Colbert**. Louis XIV se présente comme **le souverain par excellence**, incarnant la **puissance et l'harmonie**. À travers les **arts, l'architecture** (notamment le château de Versailles), et les **cérémonies**, il forge une **image d'absolutisme triomphant**. Selon **Peter Burke, Louis XIV « fabrique » la représentation d'un pouvoir absolu**, s'appuyant sur les **mécènes** et les **artistes pour magnifier son règne**. Cette mise en scène servait à **imposer l'idée d'un roi maître de la guerre**, **garant de l'unité religieuse et protecteur de son peuple**. Ce **récit officiel** a **durablement marqué l'imaginaire collectif**, présentant un **âge d'or de la France à son apogée.** **[III Des ombres au Grand Règne]** **1. Louis XIV : Splendeur et Ombres d'un Règne Absolutiste** Le règne de Louis XIV est souvent décrit comme un **âge d'or de la monarchie absolue**, un **moment où le roi incarnait à lui seul l'État et la grandeur de la France**. Pourtant, cette vision glorieuse ne **fait pas l'unanimité**. À côté de l'image **construite par la propagande colbertienne**, qui présente un **roi bâtisseur, victorieux et ordonnateur de sa propre gloire**, subsiste une **critique virulente émanant aussi bien d'observateurs étrangers** que de Français exilés, notamment après la **révocation de l'Édit de Nantes en 1685**. Cette critique met en lumière un **règne marqué par l'intolérance**, les **guerres incessantes et la misère d'une grande partie de la population**. Les deux visions s'opposent et façonnent une **perception contrastée** de ce roi qui **marqua profondément son époque**. **2. Le Poids de la Guerre : Une France Épuisée** Les guerres de Louis XIV, si elles **participent à la construction de l'image d'un roi conquérant et puissant**, sont aussi à **l'origine des graves crises économiques et sociales** qui frappent son règne. Dès les années **1670, la guerre de Hollande impose à l'État un effort financier sans précédent,** nécessitant de **nouveaux impôts** et une **augmentation des prélèvements**. Cependant, la **situation devient véritablement critique dans les années 1690** avec **l'enchaînement des guerres** et une économie nationale de plus en plus **asphyxiée**. **L'épuisement des ressources financières** se manifeste par des **mesures drastiques**. En **1693, la vaisselle d'argent dessinée par Charles Le Brun** est **fondue pour financer les dépenses militaires**. **L'administration de Colbert** et de ses successeurs **multiplie les expédients** : **hausse des taxes indirectes** comme la taille, **recours systématique aux emprunts**, **augmentation du nombre d'offices** vendus à des citoyens, allant même jusqu'à **revendre des charges municipales** à **ceux qui les détenaient déjà**. La création de la **capitation en 1695** illustre cette **pression fiscale croissante** : cet **impôt direct s'applique à tous les sujets, indépendamment de leur statut social**, et rapporte **22 à 23 millions de livres au trésor royal jusqu'en 1698.** Malgré ces efforts, le **déficit de l'État atteint 138 millions** de livres en **1698**, illustrant **l'impasse financière** dans laquelle le **royaume se trouve**. Cet endettement chronique est accentué par les **effets des crises économiques et climatiques**, comme l**'hiver rigoureux de 1693-1694**, qui provoque une **famine et une surmortalité dépassant 2 millions de victimes**. Dans ce contexte, les impôts **apparaissent insupportables** pour les **populations les plus démunies**, qui peinent à subsister. **3. Les Révoltes Paysannes et la Fracture entre le Roi et son Peuple** La **guerre et la fiscalité** exacerbent le **mécontentement des campagnes**, où les **révoltes se multiplient** dans les années **1670**. La révolte des **Bonnets Rouges en Bretagne**, déclenchée par **l'instauration d'un impôt sur le papier timbré**, illustre la **contestation d'une population** excédée par les **pressions fiscales**. Dans certaines régions, les **nobles locaux** soutiennent ces **révoltes paysannes**, ce qui **amplifie leur impact**. Cependant, après les années 1680, **les révoltes deviennent plus rares**, grâce **à l'efficacité croissante de l'appareil bureaucratique et administratif de l'État**. Colbert privilégie les **impôts indirects**, plus **difficiles à contourner**, et les **intendants du roi imposent une surveillance accrue** sur les territoires. Cela limite les **capacités de rébellion**, bien que des résistances subsistent, notamment **contre la levée des troupes pour la milice,** instaurée en **1688**. Ce système, qui confie le **recrutement militaire aux civils**, engendre des **phénomènes de désertion massive** et même **d'automutilation pour éviter d'être enrôlé**. Le **fossé entre le roi et ses sujets** se creuse, comme en témoigne **Fénelon dans une lettre adressée au souverain** : « Le peuple même \[...\] **commence à perdre l'amitié**, la confiance, et même le respect. Vos victoires et vos conquêtes ne le réjouissent plus ; il est plein d'aigreur et de désespoir. » Cette déclaration met en lumière une **désillusion grandissante**, malgré la **propagande royale** visant à **maintenir l'adhésion des populations**. **4. Une Opposition Croissante au Sein des Élites** La **contestation de la monarchie absolue** ne se limite pas au peuple : elle **gagne aussi certaines élites**, notamment dans les **milieux aristocratiques et intellectuels**. Bien que la noblesse ait été **progressivement domestiquée par Louis XIV**, un courant **critique émerge à la fin de son règne**, souvent inspiré par des **réflexions sur l'histoire, la science et la philosophie**. **Fénelon, Saint-Simon** et d'autres figures de **la noblesse** manifestent leur **opposition au système louis-quatorzien**. **Fénelon, mentor du duc de Bourgogne**, propose dans ses écrits une **réforme profonde du gouvernement**, inspirée par **l'histoire des institutions françaises**. En **1711,** il participe avec le duc de **Chevreuse et le duc de Beauvillier** à la **rédaction des *Tables de Chaulnes*,** un **projet politique** visant à **réorganiser le royaume**. Parmi leurs **propositions figurent** : - La **réunion des États généraux tous les trois ans**, pour **contrôler les décisions royales**. - La **création d'un Grand Conseil**, où les **nobles et les notables joueraient un rôle** **majeur.** - Une **réduction des effectifs militaires** et une **suppression de certains impôts**, comme la **gabelle et la taille**. Cependant, **ce libéralisme naissant** reste **teinté d'un idéalisme aristocratique**, plus soucieux de **défendre les privilèges de la noblesse** que de **promouvoir une réelle égalité** entre les **sujets**. **Jean-Christian Petitfils** qualifie ces réformateurs de **« féodaux libéraux** », illustrant les **limites de leur modernité**. **5. La Montée des Critiques Contre le Mercantilisme** Au-delà de la noblesse, d'autres **milieux critiquent la politique de Louis XIV**. Les **marchands et négociants** s'opposent au **mercantilisme imposé par Colbert**, dénonçant le **poids des monopoles et la fiscalité** pesant sur **le commerce**. En **1700, un Conseil général du commerce** est réuni pour permettre aux représentants du **négoce de faire entendre leurs revendications directement auprès du roi.** Des penseurs comme **Boisguillebert,** **lieutenant de police de Rouen**, remettent en question les **fondements de la politique économique du royaume**. Dans ***Le Détail de la France* (1695),** il **critique les impôts excessifs** et propose une **vision plus libérale, centrée sur la liberté des échanges et la stimulation des initiatives individuelles**. Ces idées, bien **qu'encore marginales**, annoncent **les prémices de l'économie politique moderne**. **6. Une Monarchie Absolue aux Limites du Modèle Étatique** Le règne de Louis XIV illustre la **mise en place d'un État centralisé**, où le roi **incarne la Providence divine** et **concentre tous les pouvoirs.** Cependant, cette **centralisation atteint ses limites :** - Les **intendants, agents de l'État royal**, manquent souvent de **moyens pour imposer les réformes**, en raison de **l'insuffisance des ressources humaines et financières**. - Le roi doit **négocier avec les élites locales**, noblesse et officiers, **qui conservent une influence importante dans les provinces.** - Les **guerres incessantes et la pression fiscale** fragilisent **l'État royal**, limitant sa **capacité à transformer en profondeur la société** française. Ainsi, si Louis XIV parvient à **affermir son autorité et à imposer une monarchie absolue**, ses succès s'accompagnent de **tensions et de résistances**, qui annoncent déjà les **contestations à venir au XVIIIe siècle.** **[CM 9 -10: La monarchie des Lumières entre absolutisme et réformes]** **[Introduction : ]** Le règne de Louis XV (1715-1774) et les premières années de Louis XVI illustrent une monarchie française en tension entre l\'affirmation de l\'absolutisme et des tentatives de réforme. La Régence de Philippe d\'Orléans marque un début de remise en question de l\'absolutisme, suivi par des efforts de centralisation sous Louis XV, malgré des oppositions religieuses et parlementaires croissantes. La désacralisation du pouvoir royal et les échecs économiques et militaires fragilisent la monarchie. Sous Louis XVI, des ministres comme Turgot et Necker essaient de moderniser l\'État, mais se heurtent à l\'inertie institutionnelle, une dette publique accrue et des demandes de représentation nationale, menant à l\'enlisement de la monarchie absolue et à l\'amorce de la Révolution française. **[I. Des phases de flux et de reflux de l'absolutisme]** **1. Une Remise en Cause Éphémère de l'Absolutisme sous la Régence (1715-1723)** La Régence de **Philippe d'Orléans**, période **transitoire entre la mort de Louis XIV en 1715** et la **majorité de Louis XV en 1723**, a marqué une tentative brève mais significative de **remettre en question le modèle absolutiste** du règne précédent. Installé à **Paris au Palais-Royal,** Philippe d'Orléans fait de cette résidence un **centre de vie festive et effervescente.** Cependant, le régent conserve **fermement les rênes du pouvoir**, tout en cherchant à réagir à la **centralisation excessive** du règne de Louis XIV. Entre 1715 et 1722, il met en place le système de **la polysynodie**, un dispositif novateur consistant à remplacer les **ministres royaux** par **huit conseils** composés d'une **dizaine de membres**, majoritairement issus de **la grande noblesse**. Cette initiative visait à **réintégrer la noblesse dans les affaires de l'État** et à répondre au **mécontentement général** envers la **monarchie absolue**. Toutefois, la polysynodie s'est **rapidement révélée inefficace** en raison de **l'incompétence administrative** de certains nobles et des querelles internes. Dès **1718,** seuls **quatre conseils** restent actifs, et en **1722, le système est abandonné** au profit de l'ancien modèle ministériel. Philippe d'Orléans cherche également à **apaiser les tensions religieuses** en manifestant une certaine **complaisance envers les jansénistes**, un courant catholique influent parmi les parlementaires, mais considéré comme **hérétique par Louis XIV**. Cette tolérance, cependant, se heurte aux **besoins de maintenir l'autorité royale**. En **1720**, le régent impose de nouveau **la bulle Unigenitus**, symbole de la **lutte contre le jansénisme**, marquant un retour à **une politique religieuse plus stricte**. **A. Les Réformes Financières de John Law (1716-1720)** L'un des défis majeurs de la Régence est **de réduire la dette** colossale laissée par Louis XIV, estimée **à 2,5 milliards de livres en 1715**. Après des **réductions partielles inefficaces**, Philippe d'Orléans se tourne vers un **financier écossais, John Law**, pour proposer une solution innovante. Law met en place **un système combinant une banque générale privée** (qui devient en **1718 la Banque royale**) et une **compagnie commerciale à monopole**, la Compagnie du Mississippi, renommée plus tard Compagnie des Indes. Ce système connaît d'abord un **immense succès** : la spéculation sur les actions de la compagnie entraîne un **afflux massif d'investissements**, ce qui permet de réduire temporairement la dette de l'État. Cependant, cette **bulle spéculative finit par éclater en 1720**. **L'effondrement du système**, marqué par des **émeutes**, notamment rue **Quincampoix** à Paris, conduit à une **crise économique et sociale**. Si l'État récupère une **partie des fonds** en ne **remboursant pas les investisseurs,** cette faillite provoque un **transfert de richesse** au détriment des rentiers (donc émeutes) et engendre **une méfiance durable envers la monnaie papier** et les **banques centrales en France.** La Régence, bien que marquée par des **tentatives de réforme politique et économique**, reste une période de **transition éphémère**. Les innovations introduites, comme la **polysynodie et le système de John Law**, échouent à s'imposer durablement, révélant les **limites de ces expérimentations dans un contexte monarchique fortement centralisé**. Toutefois, ces événements posent les **jalons des réflexions futures** sur la **gouvernance et les finances publiques en France.** **2. Le Temps des Premiers Ministres : De la Rigueur Financière aux Luttes Religieuses et Parlementaires** **A. La Rigueur Financière sous le Duc de Bourbon et le Cardinal de Fleury (1723-1740)** Après les **tumultes économiques et politiques de la Régence**, une période de **rigueur financière s'impose entre 1723 et 1740.** Le **duc de Bourbon**, **principal ministre** après la majorité de Louis XV, cherche à **stabiliser les finances publiques**. Conseillé par des financiers **comme Paris Duverney**, il tente de créer de **nouveaux impôts**, notamment ***le vingtième***, un prélèvement proportionnel sur les revenus. Introduit **en juin 1725**, cet impôt suscite **une forte opposition** et est rapidement **abandonné,** illustrant les **limites des réformes fiscales de l'époque.** Le duc de Bourbon est **remplacé en 1726** par le **cardinal de Fleury**, **ancien précepteur de Louis XV**, qui bénéficie de la **pleine confiance du roi**. **Pragmatique et autoritaire**, Fleury s'entoure de **ministres compétents comme Philibert Orry**, nommé **contrôleur général des finances en 1730.** Sous sa direction, **les finances publiques sont stabilisées**, et la prospérité économique de la France est consolidée. Fleury parvient à **conjuguer fermeté et prudence**, assurant **une gestion efficace des affaires de l'État.** **B. Lutte contre l'Opposition Religieuse et Parlementaire** Le principal défi politique du cardinal de Fleury réside dans **l'opposition religieuse et parlementaire,** notamment autour de la **question janséniste**. Depuis l'instauration de la bulle *Unigenitus* (1713), symbole de la **condamnation du jansénisme par l'Église catholique**, les **tensions sont vives**. Fleury mène une **politique ferme** : les membres du **clergé réfractaires à la bulle sont écartés**, et les **jansénistes au sein des parlements sont surveillés ou emprisonnés**. Par exemple, **l'évêque de Senez, Mgr Soanen, militants jansénistes**, sont incarcéré. La controverse atteint même la **société civile**. À Paris, au **cimetière Saint-Médard**, des **phénomènes d'extase et de convulsions** sur la tombe d'un **diacre janséniste** attirent l'attention populaire. En **1732, le pouvoir royal ferme le cimetière pour contenir l'agitation**. En parallèle, Fleury doit **composer avec les gallicanistes**, qui revendiquent **l'indépendance de l'Église de France vis-à-vis de Rome.** En **1730,** pour **affirmer l'autorité royale**, la bulle *Unigenitus* est imposée comme **loi de l'État par un lit de justice**. Malgré ces mesures, les **tensions entre l'Église, le pouvoir royal et les institutions parlementaires perdurent**. **3. Les Difficultés Politiques sous Louis XV (1743-1774)** **A. La Tentative de Règne Personnel (1743-1757)** À la **mort de Fleury en 1743,** Louis XV décide **de gouverner sans premier ministre**, suivant l'exemple de Louis XIV. Toutefois, cette tentative de règne personnel, qui **dure près de 15 ans**, est marquée par **les limites de la personnalité du roi**. Louis XV, homme **intelligent mais mélancolique et lunatique**, peine à **maintenir son autorité**. Bien qu'il **préside le conseil**, il **délègue largement** à ses proches, **notamment sa favorite Madame de Pompadour**, influente dans les **cercles politiques et culturels**. Sous **l'influence** de Madame de Pompadour, le **duc de Choiseul** **est promu aux affaires étrangères en 1758**, puis à la **marine en 1762**. Choiseul s'impose comme un **ministre clé** malgré les revers de la **guerre de Sept Ans (1756-1763**), qui se conclut par la **perte de territoires coloniaux importants** pour la France. Choiseul tente également de **rétablir un dialogue avec les parlements**, relâchant la **pression sur ces institutions**. **B. Les Réformes Économiques et Sociales : La Diffusion des Idées Physiocratiques** À partir de **1763,** des **idées économiques nouvelles**, issues de la **physiocratie**, influencent la **politique française.** Cette doctrine, prônant la **libéralisation du commerce**, se traduit par **deux édits en 1763 et 1764** qui établissent la **libre circulation des céréales** à **l'intérieur du royaume et leur exportation à l'étranger**. Ces réformes, cependant, sont **mal accueillies par les parlements et la population**, surtout après une **série de mauvaises récoltes** qui entraînent des **pénuries**. La **spéculation sur les grains exacerbe les tensions** sociales, alimentant des accusations de « **complot de famine » contre les élites et les ministres**. **C. La Réforme Judiciaire et l'Autoritarisme de Louis XV (1770-1774)** Le 23 février 1771, une **réforme judiciaire majeure** est mise en place. Jusqu'alors, les membres et officiers de justice étaient propriétaires de leurs charges, qu'ils pouvaient transmettre à leurs successeurs. Cette **vénalité des offices**, qui garantissait une **grande indépendance des magistrats vis-à-vis du pouvoir royal**, **est abolie par la réforme**. Désormais, la justice royale n'est plus rendue par des officiers vénaux, mais par des **juges nommés directement par le roi.** Pour **affaiblir l'influence des parlements**, notamment celle du **Parlement de Paris,** Louis XV **crée six conseils supérieurs de justice** dans des villes choisies, souvent éloignées des **sièges parlementaires traditionnels**, comme Blois, Clermont-Ferrand ou Poitiers. Ces conseils sont **composés de magistrats recrutés sur la base de leurs compétences** professionnelles et **salariés par le Trésor royal**, ce qui marque une **rupture avec l'ancien système des offices.** En outre, la réforme prévoit la **gratuité de la justice**, une mesure révolutionnaire dans le contexte de l'Ancien Régime. Cette réforme constitue une **résurgence d'autoritarisme de la part de Louis XV,** et elle suscite de **nombreuses oppositions**. Beaucoup dénoncent ce qu'ils perçoivent comme une **dérive despotique et un arbitraire ministériel**. Elle **rencontre l'hostilité quasi unanime** des **écrivains des Lumières**, à l'exception notable **de Voltaire,** qui, malgré ses critiques envers le **despotisme**, éprouve peu de **sympathie pour les parlementaires**. Cependant, une grande partie de l'opinion politique éclairée de l'époque considère cette réforme **comme autoritaire**, bien qu'en réalité, elle **introduise des éléments de modernité dans le système judiciaire français**. **[II. La montée des critiques et des oppositions la « deconstruction de l'absolutisme »]** **1. La Désacralisation de la Monarchie : Origines et Facteurs** La **désacralisation de la monarchie française** au XVIIIe siècle résulte d'un **ensemble de facteurs politiques**, **économiques et culturels** qui **affaiblissent l'image du roi** et son **autorité symbolique**. Ce processus touche particulièrement le **règne de Louis XV**, dont la **perception publique se dégrade progressivement**. **A. La Remise en Question du Sacré Royal** Un des fondements de la monarchie absolue était l'aura sacrée qui entourait le roi, notamment grâce au sacre. Cependant, cet aspect commence à s'effriter dès le sacre de Louis XV en 1722. Un détail marquant contribue à cette désacralisation : lors de la cérémonie traditionnelle où le roi devait guérir par le toucher les écrouelles (maladie scrofuleuse), Louis XV modifie la formule rituelle en disant simplement : « Le roi te touche, Dieu te guérisse. » En abandonnant la formule impérative « Dieu te guérit », il renonce symboliquement à son rôle de roi thaumaturge, considéré jusqu'alors comme un intermédiaire divinement investi. Ce renoncement est perçu comme une perte de la dimension miraculeuse et sacrée de la monarchie. En outre, les relations entre l'Église et la monarchie se détériorent au cours de son règne. L'équilibre traditionnel qui faisait de l'Église un pilier du pouvoir royal est fragilisé par plusieurs événements, comme les tensions autour de la bulle \*Unigenitus\*, qui divise le clergé entre jansénistes et ultramontains, et l'expulsion des jésuites en 1764, déjà bannis de plusieurs royaumes catholiques. Ces fractures affaiblissent l'unité religieuse et, par extension, l'autorité morale du roi. **B. La Guerre et l'Image du Roi Dégradée** **[La Guerre de Succession d'Autriche (1740-1748)]** La perception publique de Louis XV se fissure davantage lors de la guerre de Succession d'Autriche. Après des débuts prometteurs, comme la victoire de Fontenoy (1745) sous le commandement du maréchal de Saxe, célébrée par des cérémonies publiques et des \*Te Deum\*, la France conclut la paix avec le traité d'Aix-la-Chapelle (1748). Ce traité, bien que diplomatiquement équilibré, rend à l'Autriche et à d'autres puissances des territoires conquis par la France, comme les Pays-Bas autrichiens. Cette restitution choque l'opinion publique, qui voit dans ce geste une absence de bénéfices tangibles pour la France. Une expression populaire résume ce sentiment : « Louis XV s'est battu pour le roi de Prusse. » Le roi est perçu comme sacrifiant les intérêts de la nation à une politique de compromis qui le rend profondément impopulaire. **[La Guerre de Sept Ans (1756-1763)]** Moins de dix ans après la paix d'Aix-la-Chapelle, Louis XV engage la France dans la guerre de Sept Ans, un conflit mondial opposant des blocs religieux et politiques : la France, l'Autriche et l'Espagne catholiques affrontent la Prusse, la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies protestantes. Malgré une alliance défensive avec l'Autriche, destinée à contrer la montée de la Prusse, la guerre tourne rapidement à la débâcle. La défaite de Rossbach (1757) marque un revers militaire humiliant, et la guerre s'étend sur tous les continents. À l'issue du conflit, la France perd des territoires coloniaux majeurs, notamment la Nouvelle-France (Canada), l'Inde et la Louisiane, cédés au traité de Paris (1763). Bien que Voltaire minimise l'importance de ces pertes en déclarant que le Canada n'était qu'un « pays de neige et d'ours », ces échecs illustrent une incapacité à maintenir la grandeur de la monarchie. L'opinion publique voit dans Louis XV un roi incapable de garantir la sécurité et le prestige du royaume. Les défaites militaires et les compromissions diplomatiques affaiblissent durablement l'image du roi en tant que chef de guerre. Le roi, jadis perçu comme un souverain sacré et victorieux, devient aux yeux de ses sujets un monarque faible et indécis, incapable de répondre aux défis de son époque. Cette accumulation de revers entame les fondements mêmes de la monarchie absolue, reposant sur l'autorité divine et la capacité du roi à défendre le royaume. Ainsi, la désacralisation de la monarchie sous Louis XV s'inscrit dans un processus complexe, mêlant renoncement symbolique, échecs diplomatiques et militaires, et perte de légitimité religieuse. Ces dynamiques contribuent à une crise de confiance croissante envers l'institution royale, préparant le terrain pour les bouleversements du règne suivant et, à terme, pour la Révolution française. **C. Les affaires personnelles de Louis XV, "Louis le Bien-Aimé"** La conduite personnelle de Louis XV est souvent critiquée, notamment par rapport à son prédécesseur Louis XIV, qui avait une conception plus rigide de la séparation entre la sphère publique et privée. Sous Louis XIV, le roi imposait une fusion entre ses responsabilités politiques et son identité personnelle, et la vie privée du souverain était soumise aux exigences de l'État. En revanche, Louis XV, marqué par l'émergence de l'intimité, parvient à distinguer ces deux sphères, souvent au détriment de son rôle politique. Il semble parfois submergé par sa vie privée et ses relations amoureuses, reléguant les affaires publiques à un second plan. Une illustration marquante de cette situation est l\'**affaire de Metz**. Lors d'une campagne militaire, Louis XV tombe malade et, plutôt que de se concentrer sur ses devoirs royaux, il emmène sa maîtresse, Madame de Châteauroux. Cette attitude provoque une inquiétude grandissante parmi la population, et l\'opinion publique est déçue par ce mélange de vie personnelle et de gouvernement. La pression de l'entourage dévot force Louis XV à écarter Madame de Châteauroux, et en guise de vœu pour sa guérison, le roi promet de construire une nouvelle église à Paris, dédiée à Sainte-Geneviève (future Panthéon). Cette promesse témoigne de la tentation de Louis XV de se racheter moralement aux yeux du peuple, tout en montrant la préoccupation religieuse qui se mêle à sa vie privée. **L\'attentat de Damiens** le 5 janvier 1757 est un autre événement clé de son règne, qui met en lumière les tensions croissantes entre le roi et la nation. En pleine guerre de Sept Ans, alors que les perspectives militaires sont moins favorables qu'auparavant, un ancien domestique, Robert-François Damiens, tente d\'assassiner Louis XV en lui portant un coup de canif. Bien que la blessure soit superficielle, l\'acte est perçu comme un crime de lèse-majesté, et Damiens est rapidement capturé, jugé et exécuté de manière particulièrement brutale, selon la tradition de l'époque. L'incident, associé à une forte opposition politique envers le roi, est alimenté par des discours virulents, notamment de la part des jansénistes et des jésuites, qui s'accusent mutuellement de responsabilité morale dans l'incitation à l'attentat. Cet attentat met en évidence trois problèmes majeurs sous le règne de Louis XV : la dégradation de l\'image royale, l'érosion de la sacralisation de la fonction monarchique, et la crise dans les rapports entre le roi et la nation. Contrairement à des actes régicides comme celui de Henri IV ou Henri III, l\'attentat de Damiens ne repose pas sur un fondement religieux. L'idée de \"l\'union mystique\" entre le roi et ses sujets, fondée sur la sacralité de la fonction royale, se trouve remise en question, symbolisant un affaiblissement de la monarchie absolue et de son autorité morale. La tentative d'assassinat, bien qu'isolée, marque une fracture profonde entre le roi et une partie de la population, qui commence à douter de la légitimité et de l'efficacité de la monarchie. **2. L'opposition Janséniste** Au XVIIIe siècle, l\'opposition janséniste prend une ampleur particulière, marquée par des événements politiques et religieux qui secouent la France. La querelle gallicane, qui perdure depuis longtemps, s\'intensifie, et de plus en plus d\'évêques se revendiquent comme jansénistes. En 1746, l\'affaire des billets de confession cristallise cette opposition : il s\'agit de la demande faite à un mourant d'être confessé par un prêtre réputé catholique avant de recevoir l'extrême-onction. Cette pratique est contestée par une partie du clergé parisien, soutenue par le Parlement de Paris, qui déclare cette demande illégale. En réponse, le roi Louis XV annule l\'arrêt du Parlement, ce qui entraîne une grève des parlementaires et l\'exil de ces derniers. Finalement, cette affaire se termine lorsque le roi sollicite le pape pour rappeler l'interdiction du jansénisme, mais celui-ci interdit également les billets de confession, mettant ainsi fin à une importante source de tension. L\'opposition janséniste se manifeste aussi par l\'expulsion des jésuites, dont l\'influence en Europe et dans les colonies, notamment en Amérique, est considérable. En 1760, un scandale financier en Martinique, alimenté par les jansénistes, entache leur réputation. Bien que les jésuites bénéficient théoriquement d\'une protection royale, ils ne se montrent pas assez vigilants face à leurs opposants. En août 1761, les collèges jésuites de France sont fermés, et en novembre 1764, le Parlement accepte leur expulsion du pays. Le jansénisme devient un enjeu politique majeur. D\'une part, le pouvoir royal cherche à contrôler cette mouvance, car l'écraser revient également à écraser le gallicanisme, ce qui pourrait nuire aux liens avec Rome, pourtant nécessaires pour le royaume. D\'autre part, le Parlement de Paris utilise la question janséniste pour affirmer sa place sur la scène politique, après un long retrait sous Louis XIV. En adoptant un discours politique constitutionnaliste, inspiré par le modèle anglais, le Parlement cherche à se positionner comme un partenaire privilégié du pouvoir royal, bien que ce dernier ne soit pas élu et ne représente pas la population. Ainsi, le jansénisme devient un instrument de lutte politique et religieuse, où la querelle entre le clergé et la monarchie se mêle aux ambitions des institutions parlementaires. **3. L'ambiguïté de l'opposition parlementaire à partir de 1750** À partir de 1750, l\'opposition parlementaire en France prend une tournure ambiguë, marquée par des affrontements avec la monarchie, en particulier avec les intendants, et une critique systématique du gouvernement. Le Parlement s\'attaque particulièrement aux actions des ministres qu\'il accuse de pratiquer un « despotisme ministériel ». L\'une des principales sources de conflit est la réforme fiscale proposée, consistant à remplacer l'impôt du 10e par le 20e, un impôt permanent devant être payé par tous les ordres sociaux, y compris les privilégiés. Cette réforme, justifiée par la guerre de succession d\'Autriche, échoue, car les privilégiés parviennent à s'en exonérer, et malgré les protestations du Parlement, l\'impôt est tout de même enregistré. Toutes les tentatives de révoltes fiscales du gouvernement rencontrent une résistance systématique du Parlement, notamment dans le cas de la tentative d'imposition de la taille, qui échoue également. Les ministres proposant ces réformes sont renvoyés, mais le Parlement, bien que victorieux sur le plan fiscal, ne fait que renforcer son image d\'instance opposante. L\'opposition des Parlements devient de plus en plus ambiguë. En l\'absence d\'une représentation nationale légitime, les parlementaires se présentent comme une forme d'instance substitutive. En suivant les idées des Lumières, ils utilisent le terme « nation » et refusent d\'enregistrer les édits fiscaux, font grève de la justice, et circulent des pamphlets. De plus, les Parlements s'unissent derrière la théorie des classes, se solidarisant dans leur opposition. La crise atteint son apogée avec l'affaire de Bretagne, où le Parlement local se heurte aux autorités royales et à l'intendant. L'opposition entre les anciens privilèges de la province et la volonté du roi d'imposer une centralisation plus stricte conduit à la démission du Parlement de Bretagne, remplacé par une cour de substitution. Le lit de justice de 1766, avec son discours de la flagellation, rappelle les principes de la monarchie absolue, mais Louis XV échoue à saisir le problème de fond : l\'absence d\'une assemblée représentative en France depuis longtemps. En rétablissant le Parlement de Rennes en 1759, il amplifie ainsi les réactions des parlementaires. Les motivations de cette opposition parlementaire sont sujettes à diverses interprétations. Il pourrait s'agir d'une défense corporatiste de leurs intérêts, en opposition à la monarchie absolue, car leurs offices dépendent du bon vouloir du roi. Certains voient cette opposition comme une tentative sincère de protéger le bien public, voire une remise en cause radicale de l'absolutisme, avec l'ambition de se constituer en assemblée représentative. D'autres encore interprètent cette résistance comme une volonté de resacraliser la monarchie absolue, transformée en monarchie administrative. Quelle que soit l'interprétation, cette période marque la fin du consensus sur la nature du régime, et le débat sur la souveraineté divine devient une question centrale dans les luttes de pouvoir entre le roi et les institutions. **[III- L'enlisement de la monarchie absolue sous Louis XVI (1774-1789)]** **1. Les réformes de Turgot et leur rejet** a\. **Louis XVI : être roi ?** - Âgé de 20 ans lorsqu\'il succède à son grand-père, Louis XV. Il devient roi en tant que petit-fils de Louis XV. - Marié à Marie-Antoinette d'Autriche en 1770. - Monte sur le trône en 1774, la mort de Louis XV est ponctuée par un cri d'allégresse et un soulagement populaire. - Louis XVI cherche conseil auprès de ses proches et fait preuve de conservatisme, en rétablissant les parlements dans leur forme ancienne. - Nomination de Turgot (physiocrate) au poste de contrôleur général des finances. - Ces actions satisfont initialement l'opinion publique. - **Louis XVI laisse champ libre à Turgot :** - Ancien intendant du Limousin, où il a déjà mis en œuvre des réformes avant d\'arriver aux Finances. - Sous son ministère, une politique de rigueur et de réformes est instaurée : pas d\'augmentation des impôts, ni d\'emprunt. - En 1774, rétablit la liberté de circulation des grains et des farines. - **La guerre des farines (1775) :** - En 1775, une mauvaise récolte provoque des émeutes et des pillages dans les boulangeries. Cette crise alimentaire entraîne des contestations sociales et politiques graves. - **Les réformes envisagées par Turgot (1776) :** - Suppression de la corvée royale, remplacée par un impôt sur les propriétaires fonciers. - Abolition des corporations de métiers, considérées comme un obstacle à la liberté économique et à la concurrence. - **Réactions à ses réformes :** - Les réformes suscitent de vives inquiétudes parmi les groupes sociaux et la cour. Louis XVI désavoue Turgot en mai 1776, et ses réformes sont abandonnées. **Impuissance d'un pouvoir théoriquement absolu à imposer des changements par le haut :** - L'échec des réformes témoigne de l'incapacité du pouvoir royal à mener des réformes profondes. Contrairement aux despotes éclairés qui parviennent à imposer des réformes, Louis XVI échoue à modifier en profondeur le système. **Turgot et les réformes anglaises :** - Turgot se réfère aux réformes anglaises, qui ont conduit à la décapitation du roi et à l'ascension du Parlement, contrastant avec l'échec des réformes en France. **2. Necker et l'endettement** Necker, un banquier suisse calviniste, arrive à Paris où il gagne une bonne réputation, notamment grâce à son épouse qui anime un salon réputé auprès des philosophes. Il est appelé par Louis XVI à prendre la direction générale des finances, un poste crucial dans un contexte de crise économique et de guerre. La **guerre d\'indépendance américaine** représente un problème majeur pour Necker. La France, après avoir cherché à se venger du traité de Paris de 1753, intervient aux côtés des États-Unis. Bien que l\'intervention soit initialement modeste, elle devient déterminante après 1778, en particulier avec le rôle décisif de la flotte française lors de la défaite britannique à Yorktown en 1781. La France, en jouant un rôle clé dans la victoire américaine, voit ses intérêts géopolitiques renforcés par le traité de Versailles de 1783, qui marque la fin du conflit avec l'Angleterre et l'indépendance des États-Unis. Pour soutenir l'effort de guerre, Necker finance les dépenses par des emprunts massifs, une solution populaire car elle ne nécessite pas d\'augmentation des impôts. Cependant, cette politique laisse un lourd fardeau d'endettement sans réformes structurelles pour assurer le remboursement de ces emprunts. Parallèlement, les réformes prévues, comme la création d\'assemblées provinciales, n'ont pas le soutien nécessaire, car elles ne répondent pas aux attentes populaires d\'une représentation plus démocratique. En 1781, Necker publie un *\"Compte rendu au roi\"*, exposant pour la première fois l\'état des finances publiques, un acte qui marque un abandon majeur de l\'un des principes de l\'absolutisme : la transparence de l\'État. Cette publication rencontre un grand succès populaire, car elle dévoile au public des informations jusque-là tenues secrètes, mais elle rencontre aussi une vive opposition. Les financiers et les collecteurs d'impôts soulignent que de nombreuses dépenses extraordinaires ne sont pas comptabilisées, ce qui ternit l\'image de Necker. De plus, il s\'attire la colère de la cour en dévoilant les pensions des courtisans, ce qui fait scandale. Finalement, confronté à l'échec de ses réformes et aux critiques croissantes, Louis XVI refuse de soutenir Necker et son projet d'assemblées provinciales, ce qui conduit Necker à démissionner en 1781. **3. Réformisme fiscal et principe de représentation nationale** Versailles, symbole des privilèges de la monarchie, devient le centre de critiques, notamment à travers les révoltes populaires comme celle de Beaumarchais et l'affaire du collier, qui expose les abus de la Cour. Le pays, au bord de la banqueroute, se trouve dans l'obligation de réformer son système fiscal, mais Louis XVI peine à faire passer les réformes nécessaires. De plus, la signature d'un traité de libre-échange avec l'Angleterre en 1786 est mal perçue par les industriels, notamment dans le textile, provoquant des protestations dans le nord et en Normandie. La situation se détériore en 1788, avec des récoltes dévastées par de violents orages de grêle et la multiplication des révoltes, qui s\'ajoutent aux troubles révolutionnaires en gestation. C'est aussi l'époque où les cahiers de doléances sont rédigés en prévision des États Généraux, avec des revendications pour la suppression des impôts féodaux et une plus grande représentativité. L\'échec de **Calonne**, contrôleur général des finances de 1783 à 1787, accentue la crise. Calonne, héritier de la politique d'emprunt de Necker, tente de réformer le système fiscal en proposant un impôt foncier et une libéralisation du commerce des grains. Il envisage aussi une pyramide d'assemblées consultatives sans distinction d\'ordres, s'inspirant du suffrage censitaire. Cependant, ses réformes se heurtent à l'opposition unanime des Parlements et des membres de la noblesse libérale, qui sont d\'accord sur la nécessité de réformes, mais pas sur la manière de les mettre en œuvre. Calonne est finalement renvoyé en mai 1787. Son successeur, **Loménie de Brienne**, dissout l\'Assemblée des Notables et modifie le programme de réformes en réintroduisant la structure par ordre et en accordant aux assemblées consultatives un certain contrôle sur la politique économique. Cependant, le Parlement de Paris s'oppose à cette réforme, affirmant que les impôts doivent être validés par les États Généraux. En août 1788, la situation atteint une impasse totale : la banqueroute de l\'État est déclarée et Louis XVI convoque finalement les États Généraux en mai 1789 pour résoudre la crise. La question de la **représentation nationale** se pose alors de manière cruciale. Le Tiers État, représentatif du peuple, se bat contre les privilèges de la noblesse et du clergé, et plaide pour une représentation proportionnelle, favorisant ainsi une réduction du poids de l'aristocratie. Louis XVI, incapable de trancher, accorde un doublement des effectifs du Tiers État, mais sans le vote par tête, ce qui entraîne une insatisfaction générale. Le 17 juin 1789, le Tiers État se proclame Assemblée nationale, marquant la fin de la monarchie absolue et l'amorce du changement radical. La convocation des États Généraux, bien que motivée par la crise fiscale et politique, devient un tournant historique. Alors que le roi cherche à apaiser les tensions et à débloquer la situation, il se rend compte que la monarchie absolue ne peut plus fonctionner sans des réformes profondes. Les cahiers de doléances, qui expriment une volonté de changement et de fin des privilèges, montrent que la population, tout en restant attachée à la monarchie, rejette la monarchie absolue. Ce rejet se concrétisera avec la proclamation de l'Assemblée nationale et le début de la Révolution française. **[Conclusion :]** La période des Lumières sous les règnes de Louis XV et Louis XVI met en lumière une monarchie française en pleine mutation. Les tentatives de réforme, qu\'elles soient administratives, économiques ou judiciaires, se sont heurtées à des structures anciennes et à des oppositions puissantes, démontrant les limites de l\'absolutisme face à une société en quête de modernité et de représentation. L\'incapacité à résoudre les crises financières, à intégrer les idées nouvelles des Lumières dans le gouvernement, et à répondre aux attentes d\'une population de plus en plus politisée, a conduit à l\'érosion de l\'autorité royale et à la montée des critiques contre le système monarchique. Finalement, cette époque prépare le terrain pour la Révolution française, où les aspirations à une réforme profonde et à une participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques deviennent inévitables. **[CM 11 Le pouvoir royal et les arts au Grand Siècle]** **[Introduction]** À partir du règne de Louis XIV, la production artistique française se distingue par un mécénat étatique, incarné par le soutien actif de la monarchie. Ce système devient rapidement le plus puissant d'Europe, supplantant l'influence de la papauté, qui avait dominé avec le rayonnement artistique de la Rome baroque après les réformes de la première moitié du XVIIe siècle, autour de 1630. Désormais, la France s'impose comme la patrie des arts en Europe, illustrée par le passage symbolique \"de Rome à Versailles\", marquant l'âge d'or artistique du XVIIe siècle. Dans ce contexte, le mécénat royal joue un rôle essentiel en soutenant et en valorisant les artistes. Parallèlement, les académies établies sous l'égide de la monarchie fixent des règles et des normes esthétiques, structurant ainsi la production artistique. Grâce à ces mécanismes, la monarchie française exerce, à partir de 1661, une emprise considérable sur le développement des arts et leur rayonnement, consolidant ainsi son prestige culturel en Europe. **[I. Cadres et institutions du patronage monarchique]** **1. le mécénat monarchique et la captation des arts par la monarchie absolue** Le mécénat royal sous Louis XIV est un dispositif par lequel l'État soutient et contrôle la production culturelle. Une grande partie de cette aide est assurée par l\'administration des Bâtiments du Roi, qui finance largement les projets artistiques et architecturaux. Ce système prend un essor décisif à partir de 1661, lorsque Colbert est nommé surintendant et ordonnateur général des bâtiments, arts, tapisseries et manufactures de France. Bien que cette fonction existât auparavant, elle devient, sous Louis XIV, centrale dans le gouvernement, se transformant en un véritable ministère. La surintendance des Bâtiments contribue ainsi directement à la fabrication de l'image du roi. Peter Burke, dans son étude sur ce sujet, décrit ce mécanisme comme une \"fabrication de l'image\". Ce système commence véritablement en 1662, lorsque Colbert demande à Jean Chapelain, homme de lettres, de dresser une liste d'écrivains et d'artistes capables, par leurs œuvres, de glorifier et de servir le roi, avec pour mission de \"conserver la splendeur des entreprises du roi\". Le rapport de Chapelain identifie 90 personnalités issues des arts ou des lettres, évaluant leur capacité à contribuer à cet objectif. Ce document sert de base pour intégrer ces artistes et écrivains dans des institutions officielles, mobilisées au service du roi. En parallèle, Colbert met en place un système de réunions restreintes, appelé le *Petit Conseil* ou *Ministère de la Gloire*, en 1663. Ce cercle réunit tous les quinze jours les principaux concepteurs officiels de la production artistique, tels que Charles Le Brun, Jean Chapelain et quelques autres figures. Ces réunions servent à corriger des textes, examiner des dessins, concevoir des descriptions pour médailles ou tapisseries, formant ainsi un véritable atelier de création de l'image et de la légende de Louis XIV. Le mécénat royal s'exerce également à travers des pensions versées aux hommes de lettres, sur la base de la liste établie par Chapelain. Ces pensions, administrées par le Petit Conseil à partir de 1664, récompensent des auteurs français et étrangers qui célèbrent la gloire du souverain. Bien que modestes, oscillant entre 80 000 et 100 000 livres par an, ces pensions permettent à la monarchie de s'attacher les écrivains les plus en vue, tout en les détournant d'autres mécènes privés, particulièrement après la mort de Gaston d'Orléans, l'exil de Fouquet ou la retraite du prince de Condé. Enfin, le *Journal des Savants*, fondé en 1665 et publié par les presses royales, constitue une autre institution phare du mécénat royal. Ce journal critique des œuvres et définit le goût officiel, orientant les préférences esthétiques selon les modes et les attentes fixées par la monarchie. Ainsi, l'ensemble de ces dispositifs confère à Louis XIV une emprise significative sur les arts et les lettres, renforçant son prestige et sa légende. **2. Les différents éléments du système** **A. l'Age d'or des académies** Sous le règne de Louis XIV, les académies françaises connaissent un véritable âge d'or. Ces institutions d\'État regroupent les principaux artistes, savants et intellectuels, contribuant à la gloire de la monarchie française. L'Académie française, fondée par Richelieu, voit son rôle s'accroître sous Louis XIV. Colbert décide que le roi lui-même en deviendra le protecteur, remplaçant la tutelle des principaux ministres. Elle s'installe au Louvre, dans un palais royal, et se consacre à des projets prestigieux, tels que la création d'un dictionnaire, dont la première édition paraît en 1694. De grands écrivains y sont admis. Cependant, à partir des années 1660, cette institution perd de son dynamisme : initialement lieu de débats animés, elle devient progressivement conformiste. Les académiciens, soumis à des obligations telles que la *Louange du Roi*, perdent en liberté créative, leur inspiration s'asséchant sous les contraintes imposées. **-\> L\'Académie royale de peinture et de sculpture** Créée en 1648, cette académie naît de la volonté des artistes de s'émanciper des corporations, où ils étaient perçus comme artisans. Sous Mazarin, Louis XIV et Anne d'Autriche, elle reçoit son autorisation officielle, mais c'est en 1661, avec Colbert comme vice-protecteur, qu'elle devient un instrument au service exclusif de la monarchie. Les académiciens, peintres et sculpteurs du roi, doivent intégrer l'académie et travailler exclusivement pour le pouvoir royal. En 1663, Colbert réforme l'institution, rendant la protection royale officielle et concrète. Les membres reçoivent des pensions et des logements, et l'académie se dote d'une hiérarchie stricte et d'un cursus académique, offrant des cours théoriques et pratiques, comme le dessin. Les artistes doivent également exposer leurs œuvres tous les deux ans dans des expositions appelées *salons*. Cette reconnaissance légitime leur statut d'artiste, mais les intègre dans un système contraignant. **-\> Les autres académies sous Louis XIV** D\'autres académies sont fondées pour compléter ce réseau, toutes au service de la monarchie : - **Académie de danse (1662)** : Fondée directement par Louis XIV, passionné par cet art, elle réunit les plus grands maîtres de danse français. - **Académie royale de musique (1672)** : Dirigée par Lully, un Italien naturalisé français, elle reçoit le monopole des représentations d'opéra. - **Académie royale d'architecture (1671)** : Créée sous la direction de François Blondel et Philippe de La Hire, elle élève l'architecture à un statut noble en la fondant sur des bases mathématiques, théoriques et administratives. Elle orchestre également les grands chantiers royaux. - **Académie de France à Rome (1666)** : Destinée à envoyer de jeunes artistes se former au contact des œuvres antiques et modernes, elle leur permet de produire des copies d'œuvres destinées à embellir Versailles. Ces copies, comme celle de la Colombe du Belvédère, compensent l'impossibilité d'acquérir certains originaux. **-\> La Petite Académie et l'Académie des Inscriptions et Médailles** La Petite Académie, fondée sous Colbert, survit à sa mort en 1683. Transformée en Académie des Inscriptions et Médailles par Pontchartrain et l'abbé Bignon, elle devient responsable de l'*Histoire métallique* du règne. Cette publication, présentant toutes les médailles frappées à l'effigie de Louis XIV entre 1661 et 1702, célèbre son règne et constitue un ancêtre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. **-\> Déclin des crédits académiques** Malgré leur rayonnement, les académies souffrent financièrement à la fin du siècle. Les crédits chutent, passant de 4 000 livres en 1664 à seulement 1 000 livres en 1690, en partie à cause des guerres incessantes. Cela marque une limitation de leur rôle, bien que leur héritage institutionnel demeure essentiel dans l\'histoire culturelle française. **B. Les manufactures et la production d'objet d'art** **-\> Les Manufactures royales : outils du rayonnement artistique et économique** Sous le règne de Louis XIV, les manufactures royales jouent un rôle crucial, à la fois pour le prestige du souverain et pour la stratégie économique mercantiliste de Colbert. Elles sont chargées de fournir au roi et à la cour des biens somptuaires, notamment des meubles et des tapisseries, tout en réduisant les importations coûteuses de produits de luxe étrangers. Ces établissements regroupent des artistes et artisans talentueux, et leur production reflète le goût du roi et son ambition de grandeur. Parmi les plus célèbres, **la manufacture des Gobelins**, spécialisée dans les tapisseries, est dirigée par Charles Le Brun, qui en fait un lieu d'excellence artistique. D\'autres manufactures, comme celle des meubles royaux, témoignent de cette organisation centralisée. La **manufacture de la Savonnerie**, fondée en 1601 sous Henri IV, est réorganisée par Colbert, illustrant une continuité avec les règnes précédents. En 1663, Colbert crée également la **manufacture de glaces et de miroirs**, devenue célèbre sous le nom de Saint-Gobain. Déplacée au nord de Paris en 1688, elle devient officiellement une manufacture royale en 1692 et fournit les miroirs de la Galerie des Glaces à Versailles. **-\> Le goût artistique de Louis XIV : une influence déterminante** Au-delà des institutions, les goûts personnels de Louis XIV marquent profondément le paysage artistique de son règne. Voltaire lui attribue le mérite d'avoir donné son nom au \"Grand Siècle\", associant cette période aux choix esthétiques et culturels du roi. Bien qu'il se montre peu intéressé par les disciplines classiques comme le latin ou les mathématiques, Louis XIV manifeste dès son jeune âge une disposition notable pour les arts, en particulier pour la musique et la danse. - **La musique** : Influencé par Mazarin, Louis XIV apprend à jouer du luth dès l'âge de 9 ans, puis se tourne vers la guitare, un instrument alors considéré comme populaire. En pratiquant cet instrument, il contribue à rehausser son statut et à en faire un symbole d'élégance à la cour. - **La danse** : Discipline essentielle de l'éducation aristocratique, Louis XIV s'y consacre intensément, pratiquant jusqu'à deux heures par jour avec un maître de ballet. Entre 7 et 27 ans, il danse dans plusieurs ballets royaux. En 1653, à 15 ans, il se produit dans *Le Ballet royal de la Nuit*, où il incarne le Soleil, préfigurant son surnom de \"Roi-Soleil\". Ce rôle souligne l'association entre sa personne et l'ordre cosmique, tout en consolidant son image de souverain centralisateur. **-\> Les fêtes et spectacles : instruments de contrôle et de rayonnement** Les fêtes organisées sous Louis XIV servent à la fois à divertir la cour et à renforcer son autorité sur la noblesse. Ces événements, comme *Les Plaisirs de l'île enchantée* en 1664, marquent le faste de son règne. Ils permettent également au roi de gérer les aspects intérieurs et extérieurs de la politique en utilisant le divertissement comme outil d'unification et de rayonnement. Louis XIV danse publiquement pour la dernière fois en 1670, mais il continue à s'impliquer dans le théâtre et la musique. En 1680, il protège la troupe des comédiens ordinaires du roi, qui devient la **Comédie-Française**, dotant ainsi le théâtre d'une identité nationale. Par son mécénat, il soutient les artistes les plus célèbres de l'époque, notamment Molière, Racine, Le Brun, et Le Nôtre. **-\> Une passion pour les arts et un impact durable** Le roi montre un intérêt marqué pour les arts plastiques et les jardins, visitant régulièrement les ateliers de peintres ou les chantiers de Versailles. Il arpente les jardins avec André Le Nôtre et assiste aux répétitions musicales dans la chapelle de Versailles, qu'il contribue à définir en sélectionnant lui-même les maîtres de chant. Ses choix artistiques définissent les goûts de son époque et influencent durablement les modes. - **Le style Louis XIV** : L'influence du roi se reflète notamment dans l'ameublement, marqué par l'œuvre de l'ébéniste Charles Boulle. Le mobilier, avec ses motifs inspirés d'Alexandre le Grand et des références mythologiques, traduit la grandeur et le raffinement voulus par le souverain. En somme, Louis XIV utilise son goût personnel, son mécénat et les institutions artistiques pour renforcer son pouvoir et asseoir sa légende, faisant du \"Grand Siècle\" une période phare de l'histoire culturelle française. **[II. Réalisations et représentations royales]** **1. Louis XIV à Versailles : construire le palais d'Etat** **A. Versailles : De pavillon de chasse à palais d'État, le projet d'un roi absolu** Initialement, Versailles était un modeste pavillon de chasse construit par Louis XIII, situé près de Paris et de Saint-Germain-en-Laye. Ce pavillon en brique et pierre, bien que élégant, s'avère trop petit pour accueillir la famille royale et la cour, et son style est jugé désuet par Louis XIV. Lorsqu'il décide d'y séjourner, notamment avec sa maîtresse Mademoiselle de La Vallière, il charge **Charles Le Vau**, qui venait d'achever Vaux-le-Vicomte, de transformer et d'agrandir le pavillon, tout en réaménageant les jardins. **B. Les débuts du chantier et l'opposition de Colbert** Ces premières transformations inquiètent Colbert, qui voit dans ce projet une source de dépenses exorbitantes, notamment à cause des travaux d'approvisionnement en eau. Il milite pour que le roi privilégie le Louvre, situé au cœur de Paris, afin de mieux s'y afficher comme souverain, tout en limitant les coûts. Colbert ne cesse de critiquer Versailles, le qualifiant de projet \"rapetassé\", et le jugeant mal adapté pour devenir un véritable symbole royal. Cependant, Louis XIV persiste. Dès **1665-1666**, les travaux s'accélèrent : on aménage une ménagerie, la grotte de Thétis, et d'autres éléments décoratifs. Mais ces ajouts révèlent rapidement les limites de l'ancien pavillon, devenu trop exigu pour accueillir une cour en constante expansion. En **1667**, la décision est prise d'agrandir le château tout en conservant le noyau d'origine. Louis XIV abandonne l'idée de détruire complètement le bâtiment existant et opte pour une enveloppe architecturale plus vaste. **C. Un chantier colossal** Le chantier de Versailles mobilise des ressources gigantesques. Entre **1665 et 1680**, des milliers d'ouvriers y travaillent chaque jour, atteignant jusqu'à **25 000 hommes en moyenne**, et **36 000 en 1685**. Les dépenses sont colossales : de **1678 à 1682**, elles s'élèvent à **3 853 000 livres par an**, et le seul projet d'acheminement de l'eau en **1685** coûte environ **8 millions de livres**. Au total, entre **1661 et 1715**, le coût de Versailles avoisine les **82 millions de livres**. Pourtant, rapportées aux dépenses totales de la monarchie, ces sommes sont modestes comparées aux coûts des guerres menées sous Louis XIV. **D. Versailles, un symbole de la suprématie française** Le château incarne une période où la France affirme sa prééminence politique, économique et culturelle en Europe. Versailles témoigne de ce moment de triomphe monarchique. Le projet mobilise les plus grands talents de l'époque, qu'ils soient architectes, peintres, sculpteurs ou paysagistes. En regroupant ces artistes, Louis XIV fait de Versailles un lieu unique, à la fois résidence royale, siège de l'administration et outil de rayonnement politique. En **1683**, Versailles devient le lieu fixe du gouvernement et de la cour. Cette fixation du pouvoir royal marque une séparation symbolique avec Paris et ses habitants. Ce palais d'État incarne alors pleinement le langage de l'absolutisme louis-quatorzien : il fusionne les fonctions de résidence royale et de siège du pouvoir, et consacre la centralisation du pouvoir autour de la personne du roi. **E. Une architecture au service du discours absolutiste** Le château de Versailles, dans son ensemble, se présente comme une **forme architecturale du discours absolutiste**. Chaque élément, des jardins dessinés par Le Nôtre aux bâtiments conçus par Le Vau et décorés par Le Brun, illustre la puissance et l'ordre imposés par le roi. Le palais devient le reflet de Louis XIV lui-même, incarnant l'État dans sa splendeur et sa centralité. Ce choix architectural, éloigné de Paris, renforce l'idée que le pouvoir royal est au-dessus de la ville et des sujets. À travers Versailles, Louis XIV matérialise son ambition : faire de la France une puissance dominante et inscrire son règne dans une gloire éternelle. **2. Les images du pouvoir royal** **A ; L'iconographie royale de Louis XIV : Entre héritage chrétien, guerre et majesté** Le règne de Louis XIV a vu la création d'une iconographie complexe et stratégiquement pensée pour incarner les différents aspects de la souveraineté royale. Ces représentations, héritées à la fois du Moyen Âge et de l'Antiquité, reflètent les priorités politiques et religieuses du roi. **-\> Le roi chrétien : Protecteur de la foi** La figure du *prince chrétien* est au cœur de l'image royale, un héritage remontant au Moyen Âge. Ce rôle se manifeste dans des œuvres montrant le roi agenouillé devant la Vierge ou le Christ, symbolisant la dévotion et le rôle spirituel du roi. - **Le vœu royal à la Vierge** : Louis XIII avait placé le royaume sous la protection de la Vierge, comme en témoigne le célèbre tableau de Philippe de Champaigne. Louis XIV renouvelle ce vœu à plusieurs reprises : en 1650, puis en 1689 avec une commande à Antoine Coysevox pour une statue exposée à Notre-Dame de Paris. - **Défenseur de la foi** : Cette image s'accompagne du rôle de *champion de l'Église catholique*. Louis XIV se positionne comme le protecteur naturel de l'orthodoxie religieuse contre les protestants, notamment à travers la révocation de l'édit de Nantes en 1685. Les représentations iconographiques de cette période exaltent la destruction des temples calvinistes et l'écrasement de l'hérésie, souvent symbolisée par une allégorie de l'Église victorieuse. -\> **Le roi de guerre : Héritier des modèles antiques** Louis XIV est également représenté comme un roi guerrier, protecteur de son peuple par la force des armes. Cette iconographie s'inspire des modèles antiques et impériaux. - **Le cavalier héroïque** : Le modèle de la sculpture équestre, inspiré de la statue de Marc Aurèle, domine l'imagerie du roi de guerre depuis le XVIe siècle. Charles Quint avait déjà repris ce modèle en 1548 à Mühlberg. Louis XIV, lui, est souvent comparé à Alexandre le Grand, Jules César ou d'autres figures de l'Antiquité. Par exemple, le Bernin, auteur du buste de Louis XIV en 1665, s'inspire d'Alexandre dans la posture et l'allure du roi. - **La galerie des Glaces** : Cette thématique atteint son apogée dans la galerie des Glaces. Jusqu'aux années 1670, Louis XIV est encore comparé aux grands capitaines de l'Antiquité. Cependant, à partir de cette période, une nouvelle directive émerge : le roi ne doit plus être comparé à qui que ce soit, car il est \"à tout autre supérieur\". Dans les plafonds de la galerie (réalisés entre 1679 et 1684), Louis XIV est représenté entouré d'allégories, mais il conserve ses propres traits, se plaçant comme le héros de sa propre histoire. **B. Le roi en majesté : Portraits du sacre** Après 1694, alors que le roi n'apparaît plus sur les champs de bataille, son image évolue vers une nouvelle forme de représentation : le portrait en costume de sacre. - **Le portrait de Rigaud (1701)** : Hyacinthe Rigaud peint un portrait emblématique du roi vêtu de son costume de sacre. Cette représentation, imposante et solennelle, met en avant les attributs de la souveraineté (le sceptre, la couronne, l'épée de Charlemagne) et le pouvoir royal dans toutes ses dimensions. Ce portrait devient une référence, inspirant les portraits officiels des rois Louis XV et Louis XVI. **C. L'évolution d'une image royale** Les représentations de Louis XIV reflètent son parcours et l'évolution de son règne. D'abord prince chrétien et roi cavalier, il finit par incarner une souveraineté absolue, détachée de toute comparaison. À travers l'art et les commandes royales, Louis XIV transforme son image en un outil de pouvoir, projetant une monarchie centrale et incontestable. Cette iconographie reste l'un des témoignages les plus éloquents du discours absolutiste de son règne. **[CM12, La France des Lumières]** **[Introduction :]** - L\'Encyclopédie et l\'accélération de la culture de l\'écrit marquent une ère où une part significative de la population passe de l\'oral à l\'écrit, facilitant la transmission des savoirs. - La résistance à l\'absolutisme et à l\'Ancien Régime se manifeste de plus en plus par le biais de l\'écrit et de l\'imprimerie. Le XVIIIe siècle voit l\'émergence de critiques non plus uniquement utopiques ou nostalgiques, mais fondées sur des principes tels que la nation, les droits fondamentaux, la liberté et la justice, montrant un rejet du système politique ancien. - Des divisions existent au sein des élites malgré ces convergences, avec des parlementaires souvent conservateurs dont l\'opposition ne devient manifeste qu\'à la fin des années 1780. - Une transformation mentale et matérielle de la culture politique se produit : désacralisation de la figure du souverain, constitution d\'une opinion publique, et multiplication de l\'accès à l\'imprimé, diffusant de nouvelles idées et renforçant les résistances à l\'absolutisme à travers divers vecteurs comme l\'Encyclopédie, les pamphlets, les contes et les romans. **[I- Qu'est-ce que les "Lumières" en France ?]** **1. Les influences et les fondements** - Modèle anglais et critique des dogmes - Inspirés par Newton, Locke, et les œuvres critiques comme le \"Dictionnaire historique et critique\" de Pierre Bayle, les penseurs français soumettent les dogmes chrétiens à l\'examen de la raison. - L\'esprit du siècle - Figures emblématiques comme Montesquieu, Voltaire, Diderot, d\'Alembert, et Rousseau, partageant la foi en la raison humaine pour dissoudre les contradictions et promouvoir la tolérance. **2. La théorie du contrat politique** - Débats et propositions - Débats sur les institutions politiques et l\'organisation sociale, sans propositions unifiées. - La France n\'a pas adopté le despotisme éclairé, contrairement à certains pays européens. - Montesquieu et Rousseau - Montesquieu avec \"De l\'Esprit des Lois\" propose une monarchie tempérée par la séparation des pouvoirs. - Rousseau, dans \"Le Contrat Social\" et \"Discours sur l\'inégalité\", défend l\'idée d\'un contrat social pour une société juste et égalitaire. **3. Économie et physiocratie** - Critique du mercantilisme - Critique du mercantilisme et promotion de la liberté économique, incarnée par la phrase \"laissez faire, laissez passer\" de Gournay. - Les physiocrates - Sous la direction de François Quesnay, ils proclament que la terre est la seule source de richesse, poussant pour une libéralisation du commerce agricole. **4. Progrès scientifiques** - Spécialisation et diffusion - La France se distingue dans les mathématiques, l\'astronomie, la chimie avec des figures comme d\'Alembert, Lagrange, Lavoisier. - Buffon révolutionne l\'histoire naturelle en rompant avec les conceptions providentialistes. **[II- Les vecteurs des Lumières]** **1. La diffusion du savoir** - Les encyclopédies - Objectif de rassembler et diffuser un savoir scientifique et empirique. - L\'Encyclopédie de Diderot et d\'Alembert : 17 volumes de textes et 11 volumes de planches, publiés entre 1751 et 1772. - L\'Encyclopédie méthodique de Panckoucke, complétée en 1832 avec 201 volumes, s\'appuie sur des spécialistes. - L'épanouissement de l\'esprit scientifique - Ouvrages de vulgarisation comme \"Entretiens sur la pluralité des mondes\" de Fontenelle. - Multiplication des lieux d\'expérimentation et des cabinets de physique et d\'histoire naturelle chez les riches. - La vogue pour l\'électricité, avec des expériences populaires comme celles avec la bouteille de Leyde. **2. Une sociabilité renouvelée** - Les salons - Lieux de diffusion des idées des Lumières, fréquentés par savants et philosophes. - Salons littéraires comme ceux de Mme Necker et Mme Helvétius, où se discutent les idées nouvelles. - Les académies - Évolution des académies royales vers des centres de pensée scientifique et érudition nationale. - L\'Académie des Sciences, avec son prestige européen, et la diffusion de ce modèle dans les provinces. - La franc-maçonnerie - Importée d\'Angleterre, elle devient un cadre pour la discussion des idées des Lumières, bien que souvent réservée aux élites. - Centralisation sous le Grand Orient de France à partir de 1773. - Les cafés - Espaces de sociabilité urbaine où se croisent gens du monde et de lettres pour discuter des thèmes du jour sans la censure omniprésente. **3. Une diffusion limitée** - Les lumières, un courant élitiste - Analphabétisme et coût des livres limitent l\'accès à la culture des Lumières. - Les philosophes eux-mêmes montrent peu d\'intérêt pour l\'éducation du peuple. - L\'impact de l\'Église - L\'Église reste un acteur majeur de l\'éducation, malgré un début de déchristianisation et des attaques contre elle par des figures comme Voltaire. **[Conclusion :]** Les Lumières en France ont créé une dynamique de diffusion des idées et du savoir, mais cette diffusion a été principalement confinée aux élites, soulignant des limites structurelles et culturelles à la démocratisation du savoir au XVIIIe siècle..

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