Examen politique Reactioanir(PDF)
Document Details
Uploaded by BestKnownTucson
UCLouvain Saint-Louis Bruxelles
Tags
Related
- A History of Political Thought (Plato to Marx) PDF
- Indian Political Thought Past Paper PDF
- Mabini's Political Thought and Malolos Constitution PDF
- Western Political Thought From Socrates to the Age of Ideology PDF
- Political Theory & Thought PDF
- Western Political Thought From The Ancient Greeks To Modern Times PDF
Summary
The document provides an overview of reactionary and conservative political thought, focusing on figures, such as Edmund Burke, and the historical context following 1789. It also touches on the contrasting ideas with liberal and radical thinkers.
Full Transcript
2ème partie: Les doctrines politiques de Machiavel à Marx 5. La pensée réactionnaire et conservatrice après 1789 Introduction 1. Caractéristiques générales, points communs 2. Principaux courants: 1) romantiques, 2) conservateurs et 3) réactionnaires (français) stricto sensu 3. Edmund...
2ème partie: Les doctrines politiques de Machiavel à Marx 5. La pensée réactionnaire et conservatrice après 1789 Introduction 1. Caractéristiques générales, points communs 2. Principaux courants: 1) romantiques, 2) conservateurs et 3) réactionnaires (français) stricto sensu 3. Edmund BURKE (1729-1797): la réaction conservatrice en Angleterre (Réflexions sur la révolution de France, 1790) 4. Joseph de MAISTRE (Considérations sur la France, 1796) et Louis de BONALD (1754-1840): la réaction en France Introduction (1): Les réactionnaires et les conservateurs après 1789 1) Est dit « réactionnaire » le courant qui naît en « réaction » à la Révolution française. En physique, « à toute action s’oppose une réaction égale » (I. Newton 1642-1727). En politique, la Révolution française = le moment inaugural Le terme apparaît sous la Convention thermidorienne (1794) et se charge d’une connotations négative (cf. B. Constant, Des réactions politiques, 1797). 2) Les étudier permet de mettre en cause l’illusion d’un progrès continu entre le XVIIIe et le XXe (A.O. HIRSCHMANN, Deux siècles de rhétorique réactionnaire…). Les libéraux et les radicaux s’accordent 1) sur la souveraineté de l’Etat par rapport au religieux, 2) la souveraineté de la nation/du peuple (+- absolue ou limitée) et 3) l’égalité des droits des « individus » MAIS ils auront des adversaires (antirationalisme, antilibéralisme, anti-individualisme, anti-égalitarisme, anti-universalisme). « Conservateurs » et « réactionnaires » désignent souvent des auteurs ou idées « de droite » mais pas toujours + connotation péjorative – OU « à la mode » (critique du « politiquement correct »). Les étudier n’est pas simple. 3) Pour certains, le fascisme au XXe serait le descendant de la pensée réactionnaire (cf. Zeev STERNHELL, Les Anti-Lumières, 2010): ne ferait que recycler ses « idées »; pour d’autres, les « révolutions conservatrices » du XXe-XXIe sont très différentes. 3 Introduction (2) 4) La fascination existe pour ces auteurs méconnus et brillants… MAIS Louis de BONALD, par ex. (voir infra) s’oppose clairement à l’émancipation des juifs et des femmes, prône la censure de la presse… Joseph de MAISTRE (voir infra) défend l’Inquisition, et l’esclavage comme un « droit naturel » dans les pays non catholiques… Edmund BURKE écrit « la femme n’est qu’un animal et encore n’est-il pas du premier ordre »… 5) Pour rester critique, on peut leur reconnaître certains mérites intellectuels (selon J.-Y. Pranchère): 1) la mise en évidence, avant Marx, des contradictions des Lumières: l’égalité de droit ne supprime pas les inégalités de fait mais les aggrave. 2) les « vrais réactionnaires » font aussi preuve de cohérence en poussant leur logique jusqu’au bout. Par ex., la souveraineté de l’Etat impliquerait la peine de mort (d’où le fait que certains états y restent y restent attachés (cf. P. MANENT à propos des USA); Pour J. de MAISTRE, « tout supplice supplie », la peine de mort est une « prière », afin que le sang du criminel ne retombe pas sur le peuple, une fondation sociale de la souveraineté, qui donne à la figure du bourreau (qui exécute la peine de mort) une place d’une grande importance, il serait « le lieu de l’association humaine ». 4 Deux siècles de rhétorique réactionnaire selon A.O. Hirschman (Paris, Fayard, 1991) Hirschmann part du constat de la polarisation (déjà!) de la société américaine entre « (néo-)conservateurs » (républicains) et « progressistes » (libéraux). Son idée est que la discussion politique qui permettrait de se « mettre d’accord sur les désaccords » est entravée par une « rhétorique » - « structure formelle de certains types de raisonnement ou de discours » (p. 21) - qui consiste à utiliser toujours les mêmes « arguments » contre les idées du camp d’en face. Il ne refait pas l’histoire des idées conservatrices et réactionnaires. Il s’intéresse à la « rhétorique réactionnaire » qui depuis la RF 1789 s’oppose à l’extension des droits: T.H. Marshall (Citizenship and Social Class, 1949) identifie 3 générations de droits définissant progressivement la citoyenneté: 1) Les droits et libertés civils (les droits libertés) promus au XVIIIe 2) Les droits et libertés civiques (les droits politiques) qui s’étendent au XIXe 3) Les droits sociaux qui se développent au XXe avec la démocratisation sociale des Etats- nations 5 Deux siècles de rhétorique réactionnaire selon A.O. Hirschmann (Paris, Fayard, 1991) « Chaque étape a été suivie de contre-offensives idéologiques d’une violence extraordinaire »: 1) contre la RF et le principe de l’égalité civile (Burke, de Maistre, Bonald) 2) contre l’extension du droit de vote 3) contre « l’aide aux pauvres » puis l’Etat-providence Depuis 1789 ces contre-offensives réactionnaires ou conservatrices mobilisent 3 thèses (p. 22): 1) La thèse de « l’effet pervers » (super efficace): toute action qui vise directement à améliorer un aspect quelconque de l’ordre politique, social ou économique ne sert qu’à aggraver la situation que l’on cherche à corriger ; « l’action aboutira par un enchaînement de causes non voulues à un résultat qui sera exactement à l’opposé de but recherché » (Burke, de Maistre; Le Bon contre le SU; adversaires des poor laws anglaises) 2) La thèse de « l’inanité » (très simple): toute tentative de transformation de l’ordre politique est vaine, quoi qu’on entreprenne, ça ne changera rien; le changement n’est que trompe- l’œil et illusion (p. 78) (Mosca et Pareto sur le SU; l’école de Chicago sur l’aide sociale) 3) La thèse de « la mise en péril » (plus subtile): le coût de la réforme envisagée est trop élevé, elle risque de porter atteinte aux droits précédemment acquis: la démocratie/l’égalité est un danger pour la liberté (cf. B. Constant!); l’Etat-providence est un danger pour la liberté ou/et pour la démocratie (Fr. Hayek, S. Huntington). 6 5.1. Caractéristiques générales de la pensée réactionnaire Littéralement, les conservateurs veulent « conserver l’ordre établi » et les réactionnaires veulent « revenir en arrière », tout en sachant que ce n’est ni possible ni souhaitable (en France, c’est l’Ancien Régime a mené à la Révolution; cf. Tocqueville); d’où le problème de la « restauration ». Ils sont divisés: en France, les partisans de la noblesse accusent ceux du roi accusés d’avoir affaibli la noblesse, préparé la révolution. Mais 3 idées majeures majeures communes: 1) Le refus de l’égalité et de la liberté « universelles et abstraites » proclamées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit »), ils leur opposent les inégalités et les hiérarchies « naturelles »; 2) Le refus du cosmopolitisme et de l’individualisme, auxquels ils opposent le primat de l’appartenance communautaire, le particularisme, la singularité des nations, et l’idée d’une hiérarchie entre les nations; 3) Le refus de la sécularisation, de la « séparation » entre l’Église et l’État et de la perte d’influence de l’Église liée aux Lumières et au protestantisme. 7 5.1. Derniers point communs 1) Les pensées réactionnaire et conservatrice ont en commun d’être révélées par la Révolution française: avant celle-ci, certains auteurs étaient plutôt considérés comme progressistes (réformistes, anti-absolutistes). BURKE (GB) défend ainsi les colons américains (1776), les Indiens, les Irlandais en lutte contre les Anglais, c’est un libéral. MAISTRE (F) est opposé aux droits féodaux, favorable à certaines réformes, lecteur de Rousseau et de Voltaire. 2) Burke l’Anglais et Maistre le « Savoisien » sont des « étrangers » à la France; ils vont sur cette base dénoncer l’impérialisme militaire de la Révolution de 1789. Après 1789, la Savoie va perdre sa souveraineté et les fuyards devenus « français » seront condamnés pour « traîtrise »/désertion; MAISTRE estime que les Droits de l’homme ne sont qu’un alibi : au nom du caractère universel de la Révolution, les Français mènent une guerre de conquête. Quant à BURKE, il est anglais et sa phobie est de voir la monarchie renversée et la France menacer l’Angleterre. Il « prédit » dès 1789-90 les excès de la Convention, la Terreur (1792- 94), et de même l’avènement final d’un chef militaire « traditionnel » (le coup d’Etat du 18 Brumaire de Louis Napoléon Bonaparte en 1799). Pour lui tout découle de 1789, de la Déclaration même. Ce qui explique le succès de son ouvrage, très vite traduit. 8 5.2. Principaux courants en bref: 5.2.1. Le romantisme réactionnaire Critique romantique de la Révolution française : reproche à la Révolution française son caractère bourgeois, « égoïste », responsable de l’atomisation des individus, de la déstructuration des liens affectifs et communautaires qui font la beauté de l’existence… Ce courant nourrit la nostalgie des liens communautaires et des formes esthétiques liées à l’idéal communautaire, médiéval et chrétien, en musique (J.S. Bach) ou en peinture; ce courant est par ex. représenté par le poète Novalis (1772-1801) et très fort en Allemagne. Le romantisme est cependant irréductible à un courant politique; il renvoie plutôt à une quête d’authenticité et d’intensité des sentiments et il est politiquement « instable », il n’est pas forcément réactionnaire. On le retrouve chez le libéral CONSTANT (dans son roman Adolphe, 1816) et Victor HUGO (1802-1885) passera du monarchisme au républicanisme révolutionnaire tout en restant romantique! 9 5.2. Principaux courants (2) 5.2.2. Le conservatisme Refuse l’idée que les hommes construisent leur société (au cœur des théories du contrat): il existe des ordres sociaux naturels; les prétentions de vouloir construire la société en s’appuyant sur la raison sont par définitions destructrices de l’ordre « naturel » et dangereuses, elles entraînent violence et terreur. Avec Edmund BURKE (1729-1797), la pensée conservatrice semble compatible avec une certaine « modération »: il faut reconnaître le travail de l’histoire (conception « pratique » et « prudentielle » de la rationalité politique); forme d’anti-absolutisme, mais tournée contre la révolution et la démocratie, pas contre la monarchie (parlementaire en Angleterre). Burke aura une grande influence sur la pensée libérale (tout en rejetant le libéralisme inspiré par Locke!). Il permet en effet de concilier conservatisme et libéralisme, en dénonçant la violence faite à la société (aux ordres naturels) par l’intervention de l’Etat au nom du peuple, du progrès social. Au XXe s. on retrouve l’idée chez Friedrich HAYEK (La route de la servitude, 1944): le marché obéit à un ordre naturel, contrarier la liberté économique mène à la « servitude » et au totalitarisme, comme dans la Russie soviétique après 1917 ou l’Allemagne nazie après 1933. 10 5.2. Principaux courants (3): 5.2.3. La réaction au XVIIIe en France: Maistre et Bonald (voir 5.4.) Pour Joseph de MAISTRE (1753-1821) et Louis de BONALD (1754-1840), le corps social doit être unifié par un pouvoir souverain (influence de la religion) qui surplombe la société et la protège. Plus question ici de libéralisme ni de modération – ni de contrat! 2 versions: MAISTRE veut restaurer l’autorité de la monarchie et du catholicisme en s’appuyant sur la « Providence divine », à la base du développement historique; elle se manifeste dans la guerre, qui soigne les sociétés « malades » (organicisme); la Terreur révolutionnaire est en fait un châtiment divin qui doit faire comprendre aux Français la nécessité de la restauration. BONALD va « retourner les armes du rationalisme contre la révolution » (Weisbein et Hayat, p. 67-68): l’ordre monarchique, nobiliaire et religieux n’est pas tant un ordre « naturel » propre au peuple français qu’un ordre rationnel universellement valable. Il veut démontrer la nécessité du monarque, de la noblesse héréditaire et de la fusion politique/religieux. La société religieuse, la société politique et la société domestique procèdent d’une même structure, celle de la « triade: - pouvoir (qui ne peut être divisé: le roi) - ministre (agit sous sa direction, indépendant matériellement: la noblesse) - sujet (pour le bien duquel les premiers agissent, mais qui ne participe pas à l’action politique: le peuple) ». 11 5.3. Edmund BURKE, Réflexions sur la Révolution de France (1790): la réaction conservatrice en Angleterre « Libéral », Burke distingue la Révolution française de la Révolution américaine (1776), menée pour lui au nom des « libertés anglaises » et PAS au nom de la « liberté abstraite ». Les Anglais en 1688 quant à eux n’auraient fait que défendre des droits hérités, leur « patrimoine ». Il ne veut pas revenir en arrière, il défend la monarchie parlementaire à l’anglaise (très libérale), qui s’appuie sur les traditions anglaises. Il va jusqu’à mettre en doute le caractère révolutionnaire de la Révolution de 1688. Les individus ont certes des droits, par ex. en matière de religion, mais ces droits sont hérités et continuent d’exister car ils ont fait leurs preuves; l’ordre social ne résulte pas d’un contrat ayant pour but de les garantir. Concevoir ainsi l’ordre social risque de le détruire car il repose sur des inégalités de statut et de richesses héritées du passé au même titre que les droits, et ces inégalités sont nécessaires à la paix et à la prospérité. Pour lui, c’est le temps qui passe qui valide les droits et les inégalités (principe de la « prescription »). 12 5.3. Edmund BURKE, Réflexions sur la Révolution de France (1790): la réaction conservatrice en Angleterre La « tabula rasa » révolutionnaire entraîne donc nécessairement endettement, terreur, famine… A propos des droits de l’homme et de la révolution française, Burke prédit que « une vile oligarchie fondée sur le ruine de la Couronne, de l’Église, de la noblesse et du peuple » sera « l’aboutissement des rêves trompeurs et des chimères de l’égalité et des Droits de l’homme » (p. 250). Et dénonce les interventions de l’armée prétendument pour les défendre souvent contre les populations elles-mêmes: « Massacres, tortures, potences! Voilà vos Droits de l’homme! » (p. 283) 13 5.3. Edmund BURKE, Réflexions sur la Révolution de France (1790): la réaction conservatrice en Angleterre (2) La pensée de Burke est puissante, à certains égards très « réaliste » et il devient le maître à penser des conservateurs anglais (alliance de bourgeois et d’aristocrates); il aura moins d’influence en France, où il existe une plus grande fascination pour l’abstraction (et un culte de la Révolution de 1789). Mais la pensée de Burke est sur de nombreux points ambiguë et minimise les tensions entre la défense de la liberté et celle de la tradition (auxquelles il est également attaché). En effet, la liberté n’est-elle défendable que lorsqu’elle fait partie d’une tradition (comme « l’autocratie » en Russie?!) (conservatisme) ou est-ce que c’est un principe qui peut justifier une révolution (libéralisme)? D’ailleurs, le déni de la violence de la Révolution anglaise par Burke ne correspond pas à une réalité: elle a eu ses détracteurs, cela a été une vraie révolution, contrairement à ce qu’il affirme. 14 5.4. La réaction en France: Joseph de MAISTRE (Considérations sur la France, 1797) Louis de Bonald (Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société civile, 1796; Essai analytique sur les lois naturelles de l’ordre social, 1800) Pour Maistre et Bonald, plus radicaux et « conséquents » que Burke, la Révolution anglaise de 1688 en était bien une, ils la condamnent. Pour eux, il n’y a qu’une alternative: l’obéissance (à Dieu, au Roi) VS l’insurrection (la révolution) Ils ne veulent pas entendre parler des droits de l’individu. Seul l’Etat est souverain, il n’y a pas de droits de la société contre l’Etat. En outre, leur pensée possède une forte dimension théologique: la Révolution est l’œuvre du diable, la seule loi, celle de Dieu. La loi (divine) fait donc l’homme, non l’inverse; et le peuple n’a qu’à obéir. Ces auteurs sont ainsi anti-individualistes (ils sont les premiers à utiliser ce terme), anti-contractualistes, et bien sûr anti-démocrates: un système « qui n’a pas de passé » n’a pas d’avenir! Fanatique mais brillant, « sociologue » avant la lettre, un auteur comme Bonald exercera une certaine influence sur des auteurs tels que Baudelaire ou Balzac, au XIXe. 15 5.4. La pensée réactionnaire en France (2): 2 idées-forces 1) Toute société est inégalitaire; les hiérarchies sociales sont naturelles. Le système qui définit les rapports sociaux est antérieur et supérieur à l’individu et implique une inégalité des positions qu’il ne faut pas contrarier. 2) L’inégalité politique prolonge l’inégalité sociale (de naissance) et est la plus irréductible de toutes: certains commandent, d’autres obéissent. Elle est précieuse car en fait elle tempère et limite les inégalité sociales. Ou bien on l’accepte: on reconnaît l’inégalité des droits mais aussi des devoirs (la noblesse d’Etat a des privilèges mais elle est au service de la « fonction publique »). Ou bien on la dénie en instituant « l’égalité de droit » Mais alors l’inégalité de fait qui subsiste est beaucoup plus violente: l’inégalité économique, qui n’est « bornée » par rien! En effet, le riche dans la société libérale n’a plus les devoirs du noble; prévaut alors une guerre économique de tous contre tous. BONALD décrit ainsi 50 ans avant la déshumanisation des conditions de vie des pauvres en ville, et théorise le rôle de la « puissance publique », rempart contre la violence des inégalités économiques. 16 Conclusion 1/2: la critique de l’égalité des droits Il ne faut donc pas minimiser l’extrémisme des auteurs réactionnaires: Edmund Burke: « Massacres, tortures, potences! Voilà vos Droits de l’homme! » (p. 283) MAIS Les réactionnaires posent très tôt la question de l’égalité réelle des droits: - de l’inégale répartition du pouvoir politique après 1789 - des violences sociales entraînées par la première révolution industrielle - et du caractère abstrait de l’égalité et de la liberté proclamées en 1789 dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen 17 Deux « critiques des droits de l’homme »: 1. Celle des réactionnaires après la RF 1789 Edmund Burke: « une vile oligarchie fondée sur le ruine de la Couronne, de l’Église, de la noblesse et du peuple » sera « l’aboutissement des rêves trompeurs et des chimères de l’égalité et des Droits de l’homme » (Réflexions sur la Révolution de France, p. 250); Joseph de Maistre: « La Constitution de 1795, tout comme ses aînées, est faite pour l’homme. Or, il n’y a point d’homme dans le monde. J’ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc. ; je sais même, grâce à Montesquieu, qu’on peut être Persan : mais quant à l’homme, je déclare ne l’avoir rencontré de ma vie, s’il existe, c’est bien à mon insu » (Considérations sur la France, p. 87). 18 Deux « critiques des droits de l’homme » 2. Celle de Hannah Arendt après 1945 « La notion des droits de l’homme s’est effondrée à l’instant précis où ses partisans ont été confrontés pour la première fois à des personnes ayant effectivement perdu toute autre relation privilégiée, de sorte qu’il ne restait plus rien excepté leur être humain. Dans cette nudité abstraite de l’être humain, le monde n’a rien trouvé qui intime le respect ». Arendt ne s’oppose pas au contenu des droits de l’homme mais dénonce la contradiction fondamentale – qui est en même temps une réalité – qui les lie à la citoyenneté nationale, dont sont privés les apatrides et les déplacés: en perdant son appartenance à un État, on perd tout, jusqu’à son humanité. Dès lors pour elle il ne reste plus qu’un seul droit de l’homme à défendre: le droit d’avoir des droits, la possibilité d’un droit affranchi de toute référence à l’État nation. Voir Justine LACROIX et Jean-Yves PRANCHERE, Le procès des droits de l’homme. Généalogique du scepticisme démocratique, Paris, Seuil, 2016. 19 Conclusion 2/2: lien entre les réactionnaires XVIIIe et le(s) fascisme(s) au XXe Il y a de nombreux points communs: anti-égalitarisme, anti-individualisme, anti- libéralisme MAIS la pensée réactionnaire, outre sa forte élaboration théorique, possède des « crans d’arrêts » (Jean-Yves Pranchère) qui la rendent difficilement compatible avec le fascisme/le nazisme: 1) Le catholicisme, la dimension chrétienne de la pensée réactionnaire post-1789 est difficilement compatible avec l’idéologie exterminatoire des nazis. 2) Le pouvoir absolu et la violence ne sont pas des fins en soi dans la pensée réactionnaire, mais présentés comme des instruments de gouvernement ou des châtiments divins, œuvrant dans l’intérêt des plus faibles, pour assurer leur protection et garantir la paix sociale. 20 Références Edmund BURKE, Réflexions sur la Révolution de France (1790), trad., Paris, Hachette, 2004, préface de Philippe Raynaud. Jean-Jacques CHEVALLIER, Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, Paris, Armand Colin, 1970 1ère éd. (chapitre sur BURKE). Albert O. HIRSCHMANN, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, trad., Paris, Fayard, 1991. Justine LACROIX et Jean-Yves PRANCHERE, Le procès des droits de l’homme. Généalogique du scepticisme démocratique, Paris, Seuil, 2016. Joseph de MAISTRE, Considérations sur la France (1797), Bruxelles, Complexe, 2006, présentation de Pierre Manent. Pierre MANENT, La raison des nations, Paris, Gallimard, 2006. Jean-Yves PRANCHERE, « Totalité sociale et hiérarchie. La sociologie théologique de Louis de Bonald », RESS, 49(2), 2011, p. 145-167. Zeev STERNHELL, Les Anti-Lumières, Paris, Gallimard, 2010. Emmanuel TERRAY, Penser à droite, Paris, Gallilée, 2012. Julien WEISBEIN et Samuel HAYAT, Introduction à la sociohistoire des idées politiques, Bruxelles, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2020, p. 63-78. 14