Toxines : Deuxième Partie 2ème partie-1.pdf
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This document discusses various toxins, focusing on strychnine and methionine sulfoximine. It details their structures and toxic effects on different organisms. The document also addresses the mechanisms of action of these toxins.
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1 DEUXIEME PARTIE 2 LA STRYCHNINE 1. INTRODUCTION La strychnine est le principe toxique de graines de Strychnos nux-vomica utilisée comme rodentici...
1 DEUXIEME PARTIE 2 LA STRYCHNINE 1. INTRODUCTION La strychnine est le principe toxique de graines de Strychnos nux-vomica utilisée comme rodenticide depuis plusieurs siècles. 2. STRUCTURE La strychnine est un alcaloïde dont la formule est la suivante : 3. TOXICITE La strychnine est rapidement absorbée au niveau de l'intestin. Par voie intra-péritonéale les valeurs de la DL-50 sont de 2,3 et 1,4 respectivement pour les rats mâles et femelles. La dose fatale pour l'homme est estimée entre 50 et 100 mg. Les réactions violentes de sursaut et de convulsion consécutives à un stimulus externe, tels que le toucher, la lumière ou un bruit, constituent la réponse la plus marquante de l’empoisonnement par la strychnine. Les réponses des animaux et de l’homme sont similaires. Au début de l’intoxication, on observe des contractions des muscles de la tête et du cou suivis de contractions musculaires cloniques puis toniques. Les contractions douloureuses des muscles y compris le diaphragme inhibent la respiration et peuvent produire de la cyanose. Habituellement, les convulsions sont brèves au début et tendent à devenir plus longues à chaque épisode. Pendant les convulsions les intoxiqués sont conscients. La mort peut survenir par asphyxie pendant une convulsion ou par épuisement. Des fractures d’os et des hématomes sont souvent provoqués par la violence des convulsions. 3 3. SITE ET MECANISME D'ACTION Elle agit en altérant les impulsions nerveuses dans la moelle épinière et le cerveau. Elle interfère avec l'inhibition post-synaptique des neurones de la moelle et du cerveau. Elle agit spécifiquement sur les cellules de RENSHAW (interneurones inhibiteurs qui abaissent le seuil de stimulation des neurones post-synaptiques de la moelle). Quand l’inhibition de ces cellules est bloquée, le seuil de stimulation diminue conduisant à un état d’hyperexcitabilité. 4 LA METHIONINE SULFOXIMINE 1. INTRODUCTION La méthionine sulfoximine est un produit artificiel à propriétés convulsivantes obtenu après traitement de la farine par le trichlorure d'azote (NCl3) et constitue le principe toxique naturel de différentes espèces de Connaracées malgaches, Cnestis glabra, Cnestis polyphylla et Rourea orientalis. A Madagascar des extraits de ces plantes sont utilisés pour tuer les animaux nuisibles tels que les chiens errants, les rats et les souris. Ils font aussi l'objet d'usage thérapeutique : par exemple des extraits de C. polyphylla sont utilisés comme fortifiant ou pour soigner la rage et la dysenterie. 2. STRUCTURE C'est un dérivé de la méthionine : Seul le stéréoisomère (2S, SS), un des quatre stéréoisomères de la MSO, est biologiquement active. 3. TOXICITE La MSO provoque des convulsions et des troubles nerveux chez diverses espèces animales dont le singe, le chat, le chien, le lapin, la souris, le rat le cobaye. La sensibilité des animaux varie considérablement d'une espèce à l'autre. Les doses nécessaires pour provoquer les convulsions sont respectivement de 1-1,15 mg/kg pour le lapin, 12-15 mg/kg pour le chat, 30 mg/kg pour la souris, 200-400 mg/kg pour le rat, et 500 m/kg pour le singe. La DL 50 24 h chez la souris est estimée à 37 mg/kg par voie i.p. La dose minimale provoquant des symptômes perceptibles extérieurement se situe autour de 20 mg/kg.Aux doses convulsivantes, les symptômes les plus courants sont : au bout de 10 min environ, on observe une baisse de l'activité motrice, une piloérection et une exophtalmie. Une hyperréactivité avec tension de la queue précède des secousses cloniques avec des sauts très caractéristiques qui surviennent au bout de 2 à 3 h. Après une crise convulsive, l'animal fait un épisode opisthotonos, suivi d'une période de relâchement, puis il y a reprise de la crise convulsive. L'animal meurt entre la 4 ème et la 6 ème heure. 5 La MSO inhibe la croissance de divers organismes (virus, bactéries, algues, divers végétaux …) 4. SITE ET MECANISME D'ACTION La méthionine sulfoximine inhibe la glutamine synthétase, enzyme catalysant la synthèse de la glutamine à partir de l'acide glutamique. Mg2+ ou Mn2+ Glutamate + NH3 + ATP Glutamine + ADP + Pi Elle se comporte comme un analogue structural de l'acide -glutamyl-phosphate un intermédiaire dans la synthèse de la glutamine de la réaction. Le mécanisme d'action de la toxine sur le système nerveux n'est pas encore bien compris. Diverses propositions ont été avancées. Entre autres : - La méthionine sulfoximine, par son effet inhibiteur de la glutamine, peut influencer plusieurs réactions interconnectées de la glutamine et de l'acide glutamique ainsi que le métabolisme du GABA. - L'inhibition de la glutamine synthétase conduirait à une accumulation locale de glutamate, un neurotransmetteur excitateur qui pourrait induire des convulsions - L'inhibition de la glutamine synthétase provoquerait une accumulation de NH3 dans le cerveau et c'est cette substance qui serait à l'origine des convulsions. Les autres propriétés de la méthionine sulfoximine résultent de la carence de la glutamine suite à l'inhibition de la glutamine synthétase. Or cet acide aminé est nécessaire à la synthèse de diverses substances importantes comme les protéines, les acides nucléiques, les acides aminés. 5. APPLICATIONS La MSO est utilisée en neurobiologie pour provoquer des convulsions expérimentales 6 LES CIGUATOXINES 1. INTRODUCTION Ce sont des toxines extrêmement puissantes produites par certaines souches d'une micro-algue marine (dinoflagellée), Gambierdiscus toxicus. Elles provoquent chez l'homme la maladie appelée ciguatera qui se contracte par consommation de poissons contaminés. La ciguatera se rencontre dans les zones tropicales et subtropicales. Elle est fréquente dans toute la région des Caraïbes et dans une grande partie de la zone Pacifique. Gambierdiscus toxicus est un épiphyte qui se fixent solidement à des macro-algues récifales telles que Turbinaria ornata. Des poissons herbivores comme le poisson chirurgien ou le poisson perroquet broutent les macro-algues et ce faisant, absorbent la micro-algue accumulant ainsi dans son organisme les ciguatoxines. Par le biais de la chaîne alimentaire, les poissons herbivores sont mangés par les grands carnivores comme la murène, le mérou, le carreng, le barracuda, lesquels à leur tour sont consommés par l'homme. En passant d'un maillon à l'autre dans la chaîne alimentaire, les ciguatoxines deviennent de plus en plus concentrées. Les ciguatoxines sont trouvées dans les viscères, le foie et la chair, mais c'est dans le foie qu'elles sont les plus concentrées. 2. STRUCTURE Plusieurs ciguatoxines ont été isolées de G. toxicus. Les unes à partir de poissons contaminés (350 µg obtenue à partir de 150 kg de viscères provenant de 4 tonnes de murènes) les autres à partir de culture de G. toxicus. Les structures de vingt d'entre elles sont actuellement connues. Ce sont des polyéthers (voir schéma), insolubles dans l'eau. Les ciguatoxines isolées de la micro-algue sont différentes de celles obtenues à partir de poissons. En effet, ces dernières sont plus oxydées, oxydation due au système enzymatique présent dans les poissons. Ciguatoxine aka CTX1B isolée de Gambierdiscus toxicus 3. TOXICITE La ciguatera se caractérise par une atteinte neurologique et gastro-intestinale. 7 Plusieurs espèces animales sont sensibles aux ciguatoxines. C'est le cas de la souris, du chat, de la mangouste. La ciguatoxine, la première isolée, a une DL50 24 h de 0,45 µg /kg de souris par voie i.p. L'analyse de restes de poissons contaminés consommés par des patients par épreuve sur la souris a permis d'estimer qu'il suffit de l'absorption par voie orale d'une quantité de ciguatoxine ne dépassant pas 0,1 µg pour rendre malade un adulte. Chez la souris l'injection par voie i.p. ou par voie intraveineuse de ciguatoxines isolées de poissons détermine des effets aigus caractérisés par de la diarrhée, des nausées, une perte d'activité et la mort, à la suite de spasmes convulsifs. Chez l'homme, le tableau clinique est très variable. Le plus souvent, les symptômes apparaissent 1 à 6 h après consommation de poisson toxique. Les premiers symptômes sont des nausées, une sensation de malaise ainsi qu'un engourdissement et des picotements au niveau des lèvres, de la langue et de la gorge. Plus tard, les victimes peuvent manifester certains ou la totalité des signes et symptômes ci-après : vomissements, douleurs abdominales, diarrhée, paresthésie des extrémités, myalgie (douleur musculaire) accompagnée de prurit (démangeaison) et arthralgie (douleur articulaire). Dans les cas les plus graves, on observe une ataxie (incoordination des mouvements volontaires due à une affection des centres nerveux), une asthénie (manque de force, de vitalité physique et psychique), des troubles visuels, de l'insomnie, une bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque) et une hypotension. Un symptôme particulièrement évocateur consiste en l'alternance de sensation de froid et de chaud. La durée de l'épisode morbide est variable. La plupart des patients se rétablissement dans les trois jours, mais une sensation de malaise, une paresthésie un prurit et une ataxie peuvent persister plusieurs semaines, voire plusieurs années dans les cas graves. Chez les sujets victimes d'intoxications répétées, certains symptômes peuvent apparaître dès la consommation de poissons qui ne contiennent pratiquement pas de toxine. Dans les cas les plus graves, la mort fait suite à un collapsus circulatoire ou à une insuffisance respiratoire. 4. SITE ET MECANISME D'ACTION La ciguatoxine agit sur les membranes excitables. Elle exerce une action dépolarisante énergique par suite d'une augmentation sélective de la perméabilité aux ions sodium des cellules nerveuses et des muscles striés (inverse de l'action de la tétrodotoxine). Elles ont une activité anti-cholinestérase. L'action de la ciguatoxine sur les muscles lisses peut s'expliquer par la libération de norépinéphrine endogène à partir des fibres nerveuses adrénergiques et par un effet potentialisateur au niveau de la membrane post-synaptique. 8 LES AFLATOXINES 1. INTRODUCTION Les aflatoxines sont des toxines produites par certaines souches de moisissures (champignons unicellulaires) Aspergillus flavus et A. parasiticus et à un degré moindre par certaines espèces de Penecillium. Les souches de A. parasiticus produisent la plus grande variété d'aflatoxines. Ces toxines ont été reconnues comme étant les responsables de la maladie "turkey X" (maladie X du dindon) en Angleterre en 1960 qui a causé la mort de plusieurs milliers de dindonneaux, de canardeaux et de poussins nourris avec de la farine d'arachide contaminée par A. flavus. Les denrées dans lesquelles on trouve le plus souvent des aflatoxines sont l'arachide, d'autres noix, les graines de coton, le blé et la figue. L'homme peut être intoxiqué par consommation de ces différentes sources ou des produits qui en dérivent et aussi par les tissus ou le lait d'animaux ayant consommé de la nourriture contaminée. L'aflatoxicose constitue un sérieux problème vétérinaire, mais représente également un problème pour la santé humaine dans la mesure où, des aliments à base d'arachide sont consommés. Par exemple, des menus à base d'arachide sont recommandés aux enfants mal nourris dans les Pays en voie de développement et aux Etats Unis, le beurre d'arachide est très apprécié par les enfants. 2. STRUCTURE (voir formules de la figure 1) Les aflatoxines constituent un groupe de coumarines hautement substituées contenant une partie dihydrofurane fusionné : - Les quatre premières toxines isolées de Aspergillus flavus qui sont d'ailleurs les quatre majeures sont désignées B1 (I), B2 (II), G1 (III) et G2 (IV) d'après leur coloration bleue (B pour blue) ou verte (G pour green) fluorescente sous lumière ultraviolette et leur position chromatographique. - M1 (V) et M2 (VI) sont des métabolites de B1 et B2 chez les mammifères. - Parasiticol est un autre produit de A. flavus et qui possède des propriétés similaires à celles de B1. - Aflatoxine B2a (VIII), aflatoxicol (X), aflatoxicol H1 (XI), aflatoxine P1 (XII) et aflatoxine Q1 (XIII) sont aussi des métabolites de B1 chez les mammifères. - B1 constitue l'aflatoxine la plus puissante et la plus commune. 3.TOXICITE La grande majorité des études sur les aflatoxines ont été faites sur B1 et ses métabolites. Une grande diversité organismes sont sensibles aux aflatoxines (voir tableau). 9 Chez les mammifères, le chat, le chien et le lapin sont les plus sensibles et le mouton et la souris les plus résistants. Pour B1, la DL50 s'étale entre 0,3 et 9 mg/kg. Les effets aigus comprennent la mort sans symptômes ou des symptômes comme l'anorexie, l'ataxie, la dyspnée, l'anémie des hémorragies par les orifices du corps. Dans les cas subaigus, les ictères, les hématomes et les gastro-entérites sont les plus connus. L'aflatoxicose chronique, dominante chez les animaux domestiques, est caractérisée par la prolifération du conduit biliaire, une fibromatose périportale, de l'ictère et de la cirrhose du foie avec une perte de poids et une diminution de la résistance aux maladies. Plusieurs effets toxiques des aflatoxines sont connus (voir tableau) : entre autres les effets mutagènes, cancérigènes, tératogènes, embryotoxiques. L'aflatoxine est le puissant des hépathocancérogènes connus actuellement. 4. SITE ET MECANISME D'ACTION Le foie est l'organe cible primaire dans la plupart des cas, mais des lésions cancéreuses ont été observées dans les reins, le colon, les poumons, et les glandes lacrymales de divers animaux. En ce qui concerne le ou les mécanismes d'action, plusieurs événements biochimiques sont connus (inhibition de la synthèse des RNA, du DNA, des protéines etc…), mais on ne connaît pas l'événement crucial. Pour illustrer les effets biochimiques des aflatoxines on va examiner l'inhibition de la transcription par l'aflatoxine B1. La synthèse de toutes les catégories de RNA cellulaires sont touchées et plus particulièrement celle des rRNA. L'inhibition correspond réellement à une altération du système de transcription. Sur le plan du mécanisme moléculaire de l'inhibition, la mycotoxine n'affecte pas le DNA modèle mais agit au niveau de l'enzyme. Des expériences in vitro ont montré que l'aflatoxine B1 inhibe fortement les RNA polymérases-DNA dépendantes. En réalité, à l'exemple de beaucoup d'autres composés, ce n'est pas l'aflatoxine B1 originelle qui est biologiquement active, mais ses métabolites. Il a été montré que c'est au niveau de l'initiation de la chaîne polynucléotidique que s'exerce l'action inhibitrice de l'aflatoxine. 10 L'OCHRATOXINE A 1. INTRODUCTION L'ochratoxine A est une mycotoxine élaborée par différentes espèces fongiques dont Aspergillus ochraceus et Penicillium viridicatum. Elle se rencontre dans le maïs, l'orge et divers aliments destinés aux animaux. 2. STRUCTURE Du point de vue structural, elle résulte de la combinaison de l'acide 7-carboxyl-5- chloro-8-hydroxyl-3,4-dihydro-3-méthyl isocoumarique et de la L-phénylalalnine au moyen d'une liaison amide. 3. TOXICITE Les principaux effets toxiques provoqués par l'administration d'ochratoxine sont : Des effets hépatotoxique et néphrotoxique. Il s'agit de l'action la plus caractéristique de l'ochratoxine A sur de nombreuses espèces : caneton ; rat ; poussin ; porc et truite. Des effets sur la croissance. L'ochratoxine A provoque un retard de croissance Des effets congestifs et hémorragiques au niveau de plusieurs organes dont l'appareil digestif Des effets tératogènes et embryotoxiques Chez l'homme, les symptômes comprennent la lassitude, la fatigue, l'anorexie, des douleurs abdominales et une sévère anémie suivie de signes de lésions rénales. La capacité de concentration est réduite, l'activité rénale diminue (ex. la filtration glomérulaire baisse) accompagnée par des changements grossiers et microscopiques comprenant la dystrophie, la nécrose, la fibrose etc… La mort résulte d'une urémie. 3. MECANISME D'ACTION Plusieurs hypothèses ont été proposées pour le mode d'action de la mycotoxine : 11 - L'ochratoxine entraînerait une accumulation du glycogène dans le foie. Elle agirait par compétition avec l'AMP cyclique qui active la phosphorylase kinase responsable de la transformation du glycogène en glucose 1-P. Cette explication permet de comprendre l'amaigrissement des petites rattes traitées par l'ochratoxine qui se trouvent ainsi privées du glucose circulant transmis normalement par la mère à travers le placenta. Cependant, cette hypothèse n'a pas recueilli l'unanimité des toxicologues. - L'ochratoxine et son métabolite l'ochratoxine- inhiberaient la respiration mitochondriale. Elles agiraient en découplant les phosphorylations oxydatives. Cette hypothèse a été confirmée par l'effet inhibiteur compétitif de l'ochratoxine sur le transporteur membranaire de phosphate inorganique impliqué dans la réaction de phosphorylation de l'ADP en ATP. Des recherches complémentaires sont encore nécessaires 12 LA TOXINE BOTULINIQUE 1. INTRODUCTION La toxine botulinique est produite par Clostridium botulinum, une bactérie largement distribuée dans l'environnement et dont les spores sont présentes dans la poussière, le sol, les dépôts de lac et à la surface des végétaux. Dans des conditions favorables, les spores ingérées par consommation de denrées alimentaires contaminées et mal cuites germent et donnent des cellules végétatives qui élaborent la toxine, laquelle, absorbée au niveau de l'intestin, pénètre dans la circulation et cause la maladie appelée botulisme. Les premiers symptômes du botulisme qui apparaissent habituellement entre 12 et 36 heures après ingestion d'aliments contaminés sont essentiellement la nausée, la constipation, le vertige, la sécheresse sévère de la gorge. Des désordres neurologiques se développent ensuite, caractérisés par la dilatation des pupilles, le trouble de la vision, la difficulté dans la déglutition, la faiblesse générale, la paralysie respiratoire conduisant à la mort par asphyxie. 2. STRUCTURE DE LA TOXINE BOTULINIQUE C. botulinum produit six neurotoxines de nature protéique désignées A, B, C, D, E et F. Elles diffèrent les unes des autres par leurs caractéristiques immunologiques, leur toxicité et le type d'animaux affectés. Cependant, leurs structures et leur action biochimique sont essentiellement les mêmes. La toxine A, est la première obtenue à l’état cristallisé. Elle est la plus puissante des six et les recherches sur le mécanisme d’action sont focalisées sur elle. Pour ces différentes raisons, la toxine A peut être considérée comme le prototype du groupe. Toutes les informations données ci-après sur la toxine botulinique concernent la toxine A. La toxine A cristallisée est une grosse molécule de PM égal à 900.000. Elle est constituée d’au moins deux composantes biologiquement actives : une hémagglutinine (PM = 500.000) qui agglutine les globules rouges et une neurotoxine (PM = 150.000) qui provoque la paralysie de la transmission synaptique et neuromusculaire. La neurotoxine est constituée de deux fragments protéiques, dont les PM sont respectivement de 97.000 et 53.000, unis par un pont disulfure. Bien qu’il n’y ait pas encore de preuves expérimentales, la plupart des chercheurs dans le domaine pensent que le grand fragment intervient dans la fixation de la toxine sur les cellules nerveuses et que le petit est responsable des effets toxiques. 3. SITE ET MECANISME D'ACTION DE LA TOXINE BOTULINIQUE La neurotoxine provoque un désordre neurologique important dont le principal symptôme est la paralysie de l'activité neuromusculaire et autonome. De tels effets suggèrent une atteinte sévère du système nerveux central. Cependant, d'après les connaissances actuelles, la toxine n'aurait pas d'effets sur le système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Par contre, il a été démontré qu'elle exerce une activité paralytique sur le système nerveux périphérique et plus exactement sur les terminaisons nerveuses contenant de l'acétylcholine. 13 La majorité des recherches sur le mécanisme d'action de la toxine botulinique ont été menées sur la jonction neuromusculaire entre neurone moteur et muscle strié, une des synapses cholinergiques les mieux comprises. Mécanisme d'action de la toxine : Quand un influx nerveux envahit une terminaison nerveuse, il provoque l'entrée de ++ Ca , lequel, par un mécanisme qui n'est pas entièrement compris, entraîne la sortie des vésicules de neurotransmetteur par exocytose et la libération de leur contenu dans la synapse. Le neurotransmetteur vient se fixer sur des récepteurs de la cellule postsynaptique. Cette interaction engendre un nouveau potentiel d'action dans la cellule postsynaptique. La toxine botulinique peut causer une paralysie (molle, flasque) de deux manières : soit en inhibant la synthèse de l'acétylcholine par inhibition de l'acétyltransférase ou par blocage du prélèvement de la choline de l'espace synaptique soit en inhibant la libération de l'acétylcholine. La deuxième manière paraît la plus évidente. La toxine botulique est l'un des plus puissants poisons, sinon le plus puissant, près de 3 millions de fois plus violent que le cyanure. Sa DL50 (est évaluée à seulement un nanogramme de toxine active par kilogramme (chez les souris). Bien que cette DL50 ne soit qu'estimée chez l'homme, une comparaison directe (à prendre avec précaution) indique que 70 nanogrammes suffiraient donc à tuer un homme. Pour avoir une idée de la puissance du Botox : 1 seul milligramme de toxine pure pourrait tuer plus de 14000 personnes Un comprimé de 1 gramme (comme un cachet d'aspirine) pourrait éradiquer 14 millions de personnes. 5 de ces cachets suffiraient donc à provoquer la mort de l'ensemble de la population française. Une tasse de thé (490 à 500 grammes), tuerait l'humanité (arrondie à 7 milliards). Ces données en font le poison le plus violent que l'on puisse trouver. 14 4. APPLICATIONS DE LA TOXINE BOTULINIQUE La particularité majeure de la toxine botulinique est qu'elle est hautement sélective à la fois dans son site et dans son mécanisme d'action. Un autre avantage est qu'elle a une longue durée d'action. Ces caractéristiques de la toxine suggèrent qu'elle pourrait avoir une utilité dans trois domaines de recherche : La localisation des terminaisons nerveuses cholinergiques L'étude des poisons cellulaires impliqués dans la libération de l'acétylcholine Une analyse des effets trophiques du nerf sur le muscle. 15 LA TOXINE TETANIQUE 1. INTRODUCTION Le tétanos est une maladie causée par une infection par une bactérie anaérobie, Clostridium tetani, contractée à la suite d'une blessure. Quand une plaie est propre, elle peut être infectée par les spores de la bactérie, mais les conditions aérobies empêchent leur germination et le développement de la maladie. Par contre, quand la plaie n'est pas propre, mais nécrotique ou infectée par d'autres bactéries, la tension en oxygène peut devenir suffisamment basse pour permettre aux spores de C. tetani de germer et provoquer le tétanos. Les cellules qui se multiplient au niveau du site d'infection élaborent une neurotoxine très puissante appelée toxine tétanique ou tétanospasmine qui est à l'origine de la maladie. Le tétanos est essentiellement caractérisé par de sévères spasmes et rigidité douloureux des muscles volontaires. 7 à 10 jours après l'infection, des contractions musculaires légères, intermittentes ont lieu près du site de la blessure. Les symptômes se développent ensuite très rapidement. A cause des contractions musculaires généralisées, la victime subit de violents spasmes convulsifs du torse et des membres. Ces symptômes peuvent être précédés ou accompagnés par un spasme des muscles de la mâchoire. La mort, inévitable, résulte de l'incapacité de la victime à contrôler sa respiration. Ce qui est horrible dans cette maladie c'est le fait que la victime est toujours consciente de tout ce qui lui arrive. 2. STRUCTURE La toxine est de nature protéique. Elle est synthétisée sous forme d'une chaîne polypeptidique d'environ 150.000 de PM. Cette chaîne est par la suite coupée en deux fragments A et B de taille inégale (par une protéase), de PM 50.000 et 100.000 respectivement, unis par un pont disulfure. Le fragment B n'est pas toxique, mais capable de se lier aux membranes cellulaires. Quant au fragment A, il n'est pas non plus toxique pour les cellules, mais est nécessaire à la toxicité de l'ensemble de la molécule. 3. SITE ET MECANISME D'ACTION 3.1 Site d'action La cible primaire de la toxine est la moelle épinière où elle agit sur l'arc réflexe. La toxine agit également au niveau des muscles et des reins. 3.2 Rappel sur l'arc réflexe (voir schémas) 3.3 Mécanisme d'action La toxine empêche la libération du neurotransmetteur inhibiteur, la glycine, des terminaisons du neurone inhibiteur vers la synapse motrice, causant ainsi une excitation continuelle des neurones moteurs d'où la paralysie spasmodique. Il est à remarquer que la toxine n'affecte ni la synthèse ni les effets de la glycine. 16 17 Les connaissances actuelles sur le mécanisme moléculaire de l'inhibition de la libération du neurotransmetteur inhibiteur sont encore limitées. Pour atteindre son site d'action, la toxine se fixe sur des gangliosides (G2 et G1b) des terminaisons du nerf moteur de la région neuromusculaire, puis pénètre dans l'axone par endocytose où elle est transportée par des vésicules. Pour pouvoir interagir avec les terminaisons du neurone inhibiteur, elle doit être libérée du neurone moteur puis traverser la synapse. Le mécanisme par lequel la toxine effectue cette traversée complexe (nombre de membranes avec lesquelles elle doit interagir et le nombre de synapse qu'elle doit traverser) n'est pas encore bien compris. 4. APPLICATION La toxine tétanique est un outil précieux dans l'exploration du fonctionnement du système nerveux central. 18 LA TOXINE CHOLERIQUE (CHOLERAGENE) 1. INTRODUCTION Le choléra est une maladie diarrhéique aiguë causée par l’action locale d’une exotoxine produite par Vibrio cholerae sur l’intestin grêle. La maladie se contracte habituellement par l’eau ou la nourriture contaminée par les fèces d’une victime du choléra. La bactérie ingérée se multiplie dans le tractus alimentaire et cause après 2 à 5 jours des nausées, des vomissements, des diarrhées aiguës et des crampes abdominales. Dans les cas sévères, la perte de liquide à partir de l’intestin peut atteindre jusqu’à 20 litres par jour et conduire à un état de déshydratation extrême aboutissant à la mort. 2. STRUCTURE DU CHOLERAGENE La toxine est une protéine ayant un poids moléculaire de l’ordre de 84000 daltons. Elle est constituée de deux sous-unités désignée A et B dont les poids moléculaires sont respectivement de 28000 et de 56000 daltons. A et B sont unis par des liaisons non covalentes. La sous-unité A comporte deux fragments protéiques unis par un pont disulfure : le fragment A1 de 23000 daltons et le fragment A2 de 5000 daltons. La sous-unité B est un agrégat de cinq protéines de 11000 daltons chacune. Ces protéines, formant une véritable structure pentamère stable, sont agencées en un anneau comportant un trou central dans lequel est logée la sous-unité A (voir schéma). La liaison entre les deux sous-unités se ferait d’une manière non covalente entre le fragment A2 et certains éléments de la sous-unité B. 3. SITE ET MODE D’ACTION La toxine agit au niveau de la muqueuse (cellules épithéliales) de l’intestin grêle. Elle provoque la diarrhée en stimulant l’activité de l’adénylate cyclase, altérant ainsi le transport d’ions à la surface de la muqueuse. La sous-unité B n’est pas toxique pour les cellules. Elle est seulement responsable de la liaison de la toxine cholérique à son récepteur membranaire qui est un monosialoganglioside appelé GM1. La sous-unité A, par l’intermédiaire de son fragment A1, est requise pour la stimulation de l’activité de l’adénylate cyclase. Mécanisme d’entrée du fragment A1 : La fixation de la sous-unité B à son récepteur induit un changement conformationnel de ses composants et leur insertion dans la membrane (voir schéma). Ceci entraîne la formation d’un canal hydrophile par lequel la sous-unité A pénètre. Dans la cellule, un agent réducteur coupe le pont disulfure entre les fragments A1 et A2 permettant ainsi au fragment A1 de diffuser dans le cytoplasme et d’activer l’adénylate cyclase. Structure et fonctionnement de l’adénylate cyclase : Il s’agit d’un complexe enzymatique lié à la membrane et constitué d’au moins trois composants (voir schéma) : des récepteurs d’hormone (H) situés à l’extérieur de la membrane ; un composant R responsable de la régulation de l’activité enzymatique dépendant du GTP et le composant C responsable de la conversion enzymatique de l’ATP en AMPc. R et C sont situés du côté interne de la 19 20 membrane. On pense que la fixation d’une hormone à son récepteur induit la liaison du GTP sur le composant R ce qui a pour effet d’activer l’adénylate cyclase. Cette activation est arrêtée par l’hydrolyse du GTP lié, conduisant à la formation d’un complexe adénylate cyclase inactif. Il est important de noter que, même en l’absence d’hormone, les cellules montrent de faibles niveaux d’activité de l’adénylate cyclase et que c’est justement cette activité basale que la toxine cholérique stimule. Mécanisme d’action du fragment A1 : Le fragment A1 inhibe la réaction de désactivation de l’adénylate cyclase en interférant avec l’hydrolyse du GTP au niveau du site régulateur du complexe, probablement par ADP-ribosylation, et par conséquent augmente les niveaux d’AMPc intracellulaire. L’AMPc, par un mécanisme encore inconnu, provoque la sortie des ions Na+ et Cl- et aussi de l’eau vers la lumière intestinale. La sécrétion active des ions chlorures pourrait expliquer la perte de fluide pendant le choléra. 4. AUTRES EFFETS BOLOGIQUES Les effets biologiques du choléragène ne sont pas restreints à la stimulation de la sécrétion dans l’intestin mais, ont été aussi observés dans d’autres tissus. Dans tous les cas, ils imitent l’action de l’AMPc. La toxine active la lipolyse dans des adipocytes isolées de rat Elle inhibe la synthèse du DNA et la prolifération cellulaire Elle stimule la glycogénolyse au niveau du foie Elle peut induire la différenciation cellulaire 5. APPLICATIONS Etant un activateur universel de l’adénylate cyclase, le choléragène constitue un outil important pour élucider les divers effets biologiques de l’APMc et le mécanisme de régulation de l’adénylate cyclase. Il peut constituer un nouvel outil d’investigation de la structure et de la fonction membranaires.