Clefs fondamentales - Université de Limoges

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This document is a collection of excerpts on the understanding and analysis of gardens and landscapes, compiled from the European Landscape Convention and various authors. It includes an introduction to the key concepts of landscape analysis and touches upon the historical development of agricultural practices.

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Université de Limoges – Geoffroy Burin, paysagiste dplg Comprendre et analyser jardins et paysages Clefs fondamentales Sommaire des annexes p2-3 : Préambule et Chapitre 1 de la Convention Européenne du Paysage-Florence 20 Octobre 2000 p4-7 : Du chasseur...

Université de Limoges – Geoffroy Burin, paysagiste dplg Comprendre et analyser jardins et paysages Clefs fondamentales Sommaire des annexes p2-3 : Préambule et Chapitre 1 de la Convention Européenne du Paysage-Florence 20 Octobre 2000 p4-7 : Du chasseur-cueilleur au paysan, Bourguignon C. et L. p7 : Carte de l’urbanisation, extraite de l’Atlas des paysages de l’Essonne, Agence Folléa-Gautier p8-10 : Nature et géométrie, de la terre et du cordeau, Corajoud M. p10 : Habitats pionniers, Scharwz U. p11-12 : Climax et coupes du processus d’enfrichement, Clement G. p13 : Carte de la végétation de la France Bibliographie - BOURGUIGNON Claude et Lydia, Le sol, la terre et les champs, Les dossiers de l’écologie, Editions Sang de la Terre, Paris, 2010, 224p. - CHAUVEL Gabriel et RUMELHART Marc, Petit précis des terrains vagues, in Ça et là, Les Carnets du pay- sage n°12, Actes Sud/ENSP, France, 2005, 280p. - CLEMENT Gilles, Le jardin en mouvement 5ème édition, Sens et Tonka, France, 2007, 307p. - CLEMENT Gilles, Manifeste du Tiers Paysage, Editions Sujet/Objet, France, 2005, 70p. - CORAJOUD Michel, Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Actes Sud/ENSP, France, 2010, 272p. - DELADERRIERE Bertrand, Le jardin de nature et ses temporalités, Les Presses du Village-CAUE 77, France, 2006, 130p. - GAUQUELIN Thierry (sous la direction de), DELPOUX Marcel, DURRIEU Guy, FABRE André, FONTES Jac- ques, GOUAUX Pierrette, LE CARO Philippe et O’DONOGHUE Marie-Hélène, « Histoire du Service de la carte de la végétation de la France1 », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 13 | 2005, mis enligne le 03 novembre 2007, consulté le 19 novembre 2012. URL : http://histoire-cnrs.revues.org/1697 - PECHERE René, Grammaire des Jardins, Collection Secrets de métier, Edition RACINE, Pays-Bas, 2002, 141p. - ROGER Alain, Court traité du paysage, Bibliothèque des Sciences Humaines, Gallimard, France, 1997, 200p. - SCHWARZ Urs, Le jardin naturel, Vol. 13-14, Atlas visuels Payot Lausanne, Suisse, 1985, 96p. Page 1 CONVENTION EUROPEENNE DU PAYSAGE Florence, 20 Octobre 2000 Préambule Les Etats membres du Conseil de l’Europe, signataires de la présente Convention, Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun, et que ce but est poursuivi en particulier par la conclusion d'accords dans les domaines économique et social ; Soucieux de parvenir à un développement durable fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l'économie et l'environnement ; Notant que le paysage participe de manière importante à l’intérêt général, sur les plans culturel, écologique, environnemental et social, et qu’il constitue une ressource favorable à l’activité économique, dont une protection, une gestion et un aménagement appropriés peuvent contribuer à la création d’emplois ; Conscients que le paysage concourt à l'élaboration des cultures locales et qu'il représente une composante fondamentale du patrimoine culturel et naturel de l'Europe, contribuant à l'épanouissement des êtres humains et à la consolidation de l'identité européenne ; Reconnaissant que le paysage est partout un élément important de la qualité de vie des populations : dans les milieux urbains et dans les campagnes, dans les territoires dégradés comme dans ceux de grande qualité, dans les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien ; Notant que les évolutions des techniques de productions agricole, sylvicole, industrielle et minière et des pratiques en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme, de transport, de réseaux, de tourisme et de loisirs, et, plus généralement, les changements économiques mondiaux continuent, dans beaucoup de cas, à accélérer la transformation des paysages ; Désirant répondre au souhait du public de jouir de paysages de qualité et de jouer un rôle actif dans leur transformation ; Persuadés que le paysage constitue un élément essentiel du bien-être individuel et social, et que sa protection, sa gestion et son aménagement impliquent des droits et des responsabilités pour chacun ; Ayant à l'esprit les textes juridiques existant au niveau international dans les domaines de la protection et de la gestion du patrimoine naturel et culturel, de l'aménagement du territoire, de l'autonomie locale et de la coopération transfrontalière, notamment la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Berne, 19 septembre 1979), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe (Grenade, 3 octobre 1985), la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) (La Valette, 16 janvier 1992), la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (Madrid, 21 mai 1980) et ses protocoles additionnels, la Charte européenne de l’autonomie locale (Strasbourg, 15 octobre 1985), la Convention sur la diversité biologique (Rio, 5 juin 1992), la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (Paris, 16 novembre 1972), et la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Aarhus, 25 juin 1998) ; Reconnaissant que la qualité et la diversité des paysages européens constituent une ressource commune pour la protection, la gestion et l’aménagement de laquelle il convient de coopérer ; Souhaitant instituer un instrument nouveau consacré exclusivement à la protection, à la gestion et à l’aménagement de tous les paysages européens, Sont convenus de ce qui suit : Page 2 Chapitre I – DISPOSITIONS GENERALES Article 1 – Définitions Aux fins de la présente Convention : a «Paysage» désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ; b «Politique du paysage» désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage ; c «Objectif de qualité paysagère» désigne la formulation par les autorités publiques compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ; d «Protection des paysages» comprend les actions de conservation et de maintien des aspects significatifs ou caractéristiques d'un paysage, justifiées par sa valeur patrimoniale émanant de sa configuration naturelle et/ou de l’intervention humaine ; e «Gestion des paysages» comprend les actions visant, dans une perspective de développement durable, à entretenir le paysage afin de guider et d’harmoniser les transformations induites par les évolutions sociales, économiques et environnementales ; f «Aménagement des paysages» comprend les actions présentant un caractère prospectif particulièrement affirmé visant la mise en valeur, la restauration ou la création de paysages. Article 2 – Champ d'application Sous réserve des dispositions de l’article 15, la présente Convention s’applique à tout le territoire des Parties et porte sur les espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains. Elle inclut les espaces terrestres, les eaux intérieures et maritimes. Elle concerne, tant les paysages pouvant être considérés comme remarquables, que les paysages du quotidien et les paysages dégradés. Article 3 – Objectifs La présente Convention a pour objet de promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages, et d’organiser la coopération européenne dans ce domaine. Page 3 BOURGUIGNON Claude et Lydia, Le sol, la terre et les champs, Editions Sang de la Terre, Paris, 2010, 223p. P196-202 : « DU CHASSEUR-CUEILLEUR AU PAYSAN L’origine de l’agriculture reste encore mal connue. Les archéologues sont d’accord pour admettre qu’elle est apparue presque simultanément dans différentes parties de l’hémisphère nord : le croissant fertile, le delta du Huang-Ho et celui du Rio Grande. Par contre, personne ne sait comment ni pourquoi cette découverte est apparue. La simultanéité de son apparition n’est pas étonnante, les hommes ont souvent fait les mêmes découvertes en même temps et indépendamment sur terre. Il en est de même pour l’évolution qui crée souvent les mêmes formes sur différents continents. Nous avançons, pour notre part, une hypothèse personnelle sur la raison de l’apparition de l’agriculture dans l’hémisphère nord et non aux tropiques ou à l’équateur, berceau de l’humanité. Ceci nous semble être la conséquence d’une loi de la biologie qui montre que plus on remonte vers les pôles, moins il y a d’espèces vivantes mais plus les représentations de ces espèces sont nombreux. Ainsi dans les eaux chaudes de Tahiti, on rencontre des centaines d’espèces de poisson mais aucune n’existe en troupe importante. A l’inverse, dans l’Atlantique nord, les espèces de poissons sont peu nombreuses, mais chacune existe en bancs immenses que les pêcheurs de morue connaissent bien. L’homme est d’abord apparu à l’équateur dans une zone où les espèces sont nombreuses et où la chasse-cueillette est le meilleur système alimentaire. Mais lorsque l’homme est remonté vers le nord, il a quitté cette diversité pour rencontrer de grands troupeaux d’aurochs, de caribous, de mouflons et de vastes champs de céréales sauvages – blé, orge et avoine. Dans ces zones, la nature a créé, si on peut dire, de véritables fermes naturelles et on peut penser que ces conditions écologiques ont permis de sauter le pas vers la domestication et la culture. En Afrique tropicale et équatoriale, où abondent les espèces d’ongulés, la domestication ne fut pas possible car chaque espèce de ruminants est adaptée à quelques espèces de plantes de la savane. Il faut donc être capable de gérer des troupeaux constitués de plusieurs espèces ayant chacune ses particularités physiologiques, ce qui demande un bon niveau technique auquel, même de nos jours, les Africains ne sont toujours pas arrivés. Au nord des tropiques, par contre, les espèces de graminées et de ruminants sont moins nombreuses, la domestication devient donc plus facile. Le botaniste Harlan a montré les différences très importantes qui existent entre préculture équatoriale et la culture tempérée. Dans la première, les rites religieux préconisent de remettre le germe feuillé du bulbe que l’on a cueilli, l’igname par exemple, à l’emplacement où il a été prélevé. Cette coutume ne permet pas de créer des champs mais permet de conserver la répartition naturelle de la plante. La cueillette laisse la nature dans l’état où elle l’a trouvée. La déesse « Nature » se perpétue ainsi dans son être. A l’inverse, en Asie mineure, cet auteur a montré qu’avec une simple faucille à silex, on pourrait ramasser un kilogramme de grains de blé à l’heure dans des prairies sauvages. Cette pratique ne nécessiter pas, comme pour les tubercules, de remettre chaque plante à sa place, car les épis ou les grains tombés pendant la fauche sont suffisants pour régénérer le champ. Les grains de céréales sont en effet équipés de barbules qui leur permettent de se planter tout seul. Le champ naturel de céréales incite par contre à la culture. En effet, le cueilleur accumule un stock de graines qu’il n’est pas obligé de consommer tout de suite, comme le tubercule, et qu’il peut donc gérer à sa guise. La gestion d’un stock de graines aboutit tôt ou tard à la plantation que ce soit par hasard comme un stock mouillé qui se met à germer, ou bien un stock enfoui pour le protéger d’une tribu rivale et retrouver sous forme de plantes germées, etc. Les conditions écologiques de départ semblent avoir été primordiales pour l’apparition de l’agriculture. Une fois celle-ci apparue, il lui a fallu passer par une autre étape, celle du développement. En effet, les lois de l’évolution nous montrent que toute nouveauté doit non seulement apparaître mais aussi survivre. Les raisons pour lesquelles l’agriculture a pu s’imposer depuis dix mille ans sur la chasse- cueillette, restent encore mal connues. Autrefois, les thèses classiques disaient que l’agriculture avait dominé car elle assurait une alimentation plus saine et plus abondante, donc des individus plus vigoureux et plus conquérants. En fait, on sait maintenant que cette vision idyllique d’autosatisfaction tient plus du Page 4 roman-photo que de l’histoire. Les études récentes en archéologie ont au contraire montré que les formes sauvages. Dans son aspect purement biologique, l’agriculture est donc d’abord un recul par rapport à la chasse-cueillette. Ceci peut encore se voir dans certains pays africains ou sud-américains, où cohabitent des chasseurs-cueilleurs et des agriculteurs. Les premiers sont bien nourris et très forts physiquement alors que les agriculteurs sont carencés, souffrent de malnutrition et de famine, et connaissent souvent un état pire que la pauvreté, celui de la misère. Nous voilà donc devant une énigme : comment l’agriculture a-t-elle pu se développer alors qu’elle est un recul sur le plan biologique ? comment les agriculteurs débiles et carencés ont-ils faits pour dominer les chasseurs-cueilleurs plus forts et mieux nourris ? Cette énigme est d’autant plus incroyable que le chasseur-cueilleur n’a besoin que de deux à quatre heures de travail par jour pour assurer sa santé grâce à une nourriture abondante de qualité alors que l’agriculteur doit travailler dix à douze heures par jour pour assurer une maigre pitance carencée en protéines. En fait, ce n’est pas dans la biologie, mais dans la sociologie qu’il nous faut chercher une solution à cette énigme. En effet, le passage de la chasse-cueillette à l’agriculture provoque un bouleversement de l’organisation sociale. On passe d’une religion avec une déesse mère, créatrice de toute chose, à une religion patriarcale avec un dieu créateur. Alors qu’avant la terre était fouillée par les femmes qui pratiquaient la cueillette, ce sont les hommes qui la pénètrent par leurs labours et qui la fécondent par leurs semailles. Alors que c’était les hommes qui s’occupaient des bêtes et de la chasse, ce sont les femmes qui vont garder les troupeaux, traire les animaux et transformer les laitages. Cette révolution culturelle ne s’est pas faite d’un coup, elle est passée par ce stade intermédiaire qu’est le nomadisme où l’homme conduit le troupeau et où la femme s’occupe des cultures. Cette situation existe encore dans les matriarcats sémites. Le retour au nomadisme est aussi curieusement le fait des civilisations décadentes. L’agriculture va avoir une autre conséquence : la construction de classes sociales. Alors que chez les chasseurs-cueilleurs tout le monde, hormis le sorcier, est polyvalent, chez les peuples agricoles les gens se spécialisent : prêtres, guerriers, agriculteurs, commerçants et artisans. Cette spécialisation s’accentue au fur et à mesure du développement d’une civilisation agricole. Du système égalitaire d’origine, on parvient à une société de plus en plus hiérarchisée avec des classes dominantes et des classes dominées. La classe dominante, l’aristocratie, va s’octroyer le droit de conserver le stade privilégié du chasseur-cueilleur, il va conserver le plaisir de chasser, il va en faire son privilège et son sport favori. Pour le justifier, il présentera la chasse comme un entraînement nécessaire à son métier de guerrier. Mais en fait, il conserve par son activité, le droit de rester relié à ce qu’était le paradis, hélas perdu, à cette époque où la terre mère nourrissait les hommes au prix d’un travail minimum et d’un temps libre important. Cette classe va par contre avoir un rôle fondamental dans le développement de l’agriculture. En effet, grâce à l’organisation et à l’efficacité militaire, les sociétés agricoles vont imposer leurs lois aux peuples chasseurs-cueilleurs. Et l’humanité qui ne travaillait que deux à quatre heures par jour, qui dormait dix à douze heures et qui dansait, rêvait et fêtait le reste du temps, va se transformer en une humanité laborieuse et souffrante, dirigée par une minorité privilégiée qui conserve les joies primitives d’antan. Tout au long des huit mille ans d’histoire agricole, les civilisations paysannes vont suivre et répéter le même schéma d’essor, de grandeur et de décadence. Ces trois étapes correspondent toujours à trois niveaux de relation avec la terre. Une civilisation naît grâce à ses paysans et ses soldats, puis ceux-ci réduisent en esclavage les peuples qu’ils dominent, ils cessent alors de cultiver la terre et deviennent des civilisés qui participent à la grandeur de l’art, des sciences et de la religion. Puis, ils tombent en décadence par un raffinement excessif et deviennent dépendants des esclaves et des colonies pour leur subsistance. Un nouveau peuple paysan soldat arrive qui les domine et qui refait une nouvelle civilisation. Au cours de ces milliers d’années, l’homme paysan va créer les pays, il va en façonner les paysages et il va définir des systèmes agricoles adaptés à chaque région. Pendant des siècles, les paysans bénéficieront très peu des progrès technique qui servent surtout pour la guerre, pour les bâtiments religieux et pour l’art. Rares ont été les religieux et les aristocrates qui se sont penchés sur l’amélioration agricole dans les civilisations. Les bibliothèques regorgent d’ouvrages sur les religions mais contiennent fort peu de livres sur l’agriculture. Le seul moteur du progrès des paysans est la nature, la sélection naturelle. C’est elle qui impose la forme de l’instrument agraire, l’espèce de plantes à cultiver et l’espèce animale à faire entre dans les troupeaux ; c’est elle, en un mot, qui façonne la tradition paysanne. Et voilà pourquoi, partout où la nature change, on observe un nouveau système agricole Page 5 traditionnel. Cet empirisme paysan n’est cependant pas négligeable et ces systèmes agricoles traditionnels sont remarquables dans leur respect du sol et dans la diversité et la qualité de leur production. Il faudra cependant attendre le XVIIIe siècle pour que l’agriculture bénéficie des progrès techniques et devienne un sujet digne d’intérêt pour les ingénieurs et les scientifiques. Avant cette époque, toutes les civilisations se sont écroulées faute d’avoir su entretenir et améliorer la fertilité des sols agricoles. Ce problème agricole n’a été résolu que tardivement en Europe et en Chine. Il reste toujours, pour la très grande majorité du monde, la cause essentielle des famines et de l’effondrement des civilisations. Seule, l’égyptienne, la plus durable de toutes, a pu bénéficier d’un sol constamment régénéré par le Nil et assurer ainsi sa pérennité, les mauvaises pratiques culturales étant réparées par les limons du grand fleuve. Les autres civilisations n’ont laissé que déserts et sols érodés couverts de maquis épineux, comme on peut les voir sur le pourtour méditerranéen ou dans le Yucatan. La raison pour laquelle les premiers paysans ont ruiné leurs sols est liée au fait qu’ils ne savent pas restituer à la terre ce qu’ils lui ont pris. La seule pratique qu’ils connaissent, pour redonner au sol sa fertilité, est la jachère qui est un mauvais système car on ne restitue rien, on laisse la terre panser ses plaies. Tant que la période de jachère est grande, plus de dix ans, le sol a la possibilité de se régénérer mais lorsque la population augmente, il n’y a rapidement plus de terres à défricher, la durée de la jachère se réduit et le sol meurt. La solution à ce douloureux problème a été apportée en Europe, au XVIIIème siècle, par la jachère sous luzerne et en Chine par le compostage des excréments humains. Les premiers ingénieurs agronomes anglais vont découvrir qu’en plantant de la luzerne ou du trèfle sur une terre après culture et en y faisant brouter les bêtes, on améliorait considérablement la fertilité du sol et on produisait de la viande. Cette invention représente une véritable révolution agricole. En effet, en arrêtant la divagation du bétail et en lui construisant des champs clos et des étables, les paysans vont pouvoir récupérer le fumier, chose impossible avec un bétail divaguant le long des routes et dans les friches. Le nomade, lui, n’a pas de fumier car ses troupeaux ne s’arrêtent jamais. Ce fumier va permettre de fertiliser le sol en lui rendant les éléments nutritifs et en lui apportant l’humus dont il a besoin pour naître et grandir. Un autre point important est celui des légumineuses, comme la luzerne, le trèfle ou le sainfoin. En effet, comme nous l’avons vu lors du cycle de l’azote, la seule voie d’entrée de cet élément dans le monde vivant est la voie microbienne, dont la plus importante quantitativement est celle due à l’association symbiotique de bactéries fixatrices d’azote et des légumineuses qui donnent du sucre à ces bactéries en échange de l’azote. Ainsi, en cultivant ces plantes, le paysan fait entrer l’azote dans sons système de culture. Les rendements augmentent, la viande devient moins rare dans l’alimentation paysanne, les sols s’enrichissent. Curieusement, en faisant rentrer de plain-pied l’animal dans le système de culture, le paysan a recréé l’équilibre originel. La polyculture élevage, c’est la nature retrouvée. Avec ce mode de culture, les paysans vont arrêter les famines. Ils vont enfin permettre aux hommes de manger à leur faim comme au temps des chasseurs-cueilleurs. Les pailles de céréales au lieu d’être brûlées ou utilisées pour les toitures, sont mélangées aux excréments animaux et humains et forment le fumier qui, composté, permettra de mettre en route les cycles biologiques des éléments et la fourniture d’humus au sol. Avec la polyculture élevage, le paysan va enfin pouvoir fertiliser le sol, fertiliser les microbes du sol et fertiliser les plantes. Avec ce cycle originel retrouvé, l’homme échappe à la punition biblique et peut enfin vivre dignement dans le pays qu’il a créé. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour faire ce qui nous paraît évident ? Parce que les aristocrates ne s’intéressent pas à leurs terres, ne cherchent pas à les améliorer et surtout parce qu’ils ne s’intéressent pas au bétail car ils trouvent leur source de viandes dans la chasse et non dans l’élevage. C’est le bourgeois et le gentleman-farmer qui vont manger des steaks de bœuf et des poulets rôtis. Les aristocrates de l’Ancien Régime ne mangent que perdrix, faisans, cerfs et sangliers. Une fois les famines arrêtées et une fois que l’agriculture est devenu un centre d’intérêt pour tous, les progrès agricoles vont être stupéfiants au cours des XVIII et XIXème siècles. En un peu plus d’un siècle, le monde paysan va créer les races de bétail que nous connaissons et nos variétés de plantes cultivées. Comme pour remplacer les nombreuses espèces animales et végétales qu’il consommait au temps où il était chasseur-cueilleur, le paysan va créer de nombreuses variétés animales et végétales. A la fin du XIXème siècle, on recensait 3600 variétés de fruits dans les vergers français. C’est avec passion et ferveur que l’homme va diversifier ses variétés cultivées et développer l’art culinaire durant les XVIII et XIXème Page 6 siècles. Cet apogée de la civilisation paysanne va durer très peu de temps, deux siècles environ – de 1700 à la première guerre mondiale. En effet, très peu de temps après la révolution agricole, une nouvelle révolution va secouer l’Occident, la révolution industrielle. Au moment même où le paysan découvre un monde de culture pérenne assurant la fertilité des sols et une alimentation abondante, le monde industriel va lui imposer sa loi en remplaçant le fumier, source d’humus et de tous les éléments nutritifs nécessaires aux plantes, par les engrais chimiques qui n’apportent pas d’humus et ne fournissent aux plantes que trois éléments : l’azote, le phosphore et le potassium. Face à ce choc, le paysan ne survivra pas et il laissera la place à l’exploitant agricole. » Carte de l’urbanisation (extrait de l’Atlas des paysages de l’Essonne) Page 7 CORAJOUD Michel, Le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Actes Sud/ENSP, France, 2010, 272p. P76-81 : « Nature et géométrie « de la terre et du cordeau » Ceux qui travaillent dehors, les jardiniers, les paysans ou les paysagistes, ont de la nature et de la géométrie une idée convergente. Le paysage est un écheveau « saturé de détails » et de singularités ; la nature est le plus souvent hétérogène et n’a pas d’ordre apparent. Cependant, pour œuvrer dans ce « brouillard de multiplicités » dont parle Michel Serres, il faut nécessairement avoir recours à la géométrie, au cordeau, ne serait-ce que pour approcher la réalité et s’informer sur elle. Pour ceux qui travaillent la terre, la géométrie n’est pas un objet théorique, un ordre esthétique, elle s’impose comme une nécessité expérimentale, comme l’objet indispensable de la connaissance du territoire sur lequel ils fondent leurs entreprises. Le sens commun, lui, oppose souvent géométrie et nature : le touriste, du haut de son belvédère, s’émerveille, sans risque, sur les chaos du monde, sur la belle indécision de ces agencements. Il s’extasie pour mieux confondre le foisonnement aléatoire des qualités qui s’exhibent avec l’idée qu’il se fait de sa vacance et de sa liberté. Mais, pour celui qui observe davantage et qui veut s’initier à la variété des figures et des distributions que la nature propose, et plus encore pour celui qui doit y installer ou y construire quelque chose, le paysage de nature s’offre plus intelligiblement comme un réseau de surfaces multiples et de lignes de partage qui divergent ou se superposent, comme un jeu de pièces qui semble obéir à une sourde géométrie. En effet, celui qui s’apprête à l’action doit oublier l’incohérence manifeste des formes et montages du paysage de nature pour développer une autre forme d’intelligence de l’espace : celle qui perçoit les dynamiques engagées dans la reformulation incessante des surfaces que forme le monde. Il regarde les failles et les crêtes, les creux et les bosses comme les états transitoires d’un substrat soumis depuis toujours et pour toujours aux interactions d’innombrables énergies qui le déforment et le gravent. Il mesure l’espace à partir de traces laissées par les agents qui en travaillent la surface et il sait, puisqu’il doit lui-même pénétrer le concert des énergies modificatrices, que l’espace naturel est une plage sensible, malléable, qui enregistre à chaque instant les dessins superposés des effets combinés du temps. Or il lui semble que les forces qui s’expriment ici sont toujours polarisées, tendancielles, vectorielles, qu’elles ne sont pas tout à fait étrangères à sa propre rationalité, ni à l’usage qu’il fait de la géométrie. Certes, dans la nature, les lignes pures ont du mal à se maintenir parce qu’elles sont immédiatement contredites, dévoyées par mille vecteurs concurrents, eux-mêmes dessinés par d’autres causes. La géométrie y est peu nette parce qu’elle est infiniment et toujours contrariée, mais elle est présente ! Et le mathématicien Benoît Mandelbrot nous le confirme en s’intéressant aujourd’hui aux objets les plus délaissés des sciences de la nature : les nuages, la découpe des côtes, l’irrégularité des versants d’une montagne, dont il trouve les règles et ouvre ainsi la voie au « chaotique ordonné ». Penser la nature comme un pur chaos renvoie celui qui l’observe à la contemplation béate et passive. Pour agir, il faut discriminer, prendre parti. C’est pourquoi, plus que la nature, j’aime la campagne et tous les territoires instruits par l’homme. Regarder l’intense rationalité du paysan qui négocie la direction et le parallélisme de ses sillons ou la limite de son champ sur l’hétérogénéité du support géographique m’engage moi-même vers la connaissance de cette double dynamique des forces qui modèlent le paysage : celle de l’homme qui adapte sa production, et celle de la nature que je comprends mieux parce qu’elle m’est enfin révélée par l’intelligence et la ruse du travail paysan. Page 8 Ce qu’il y a de plus instructif et de plus émouvant, dans les paysages agricoles que j’ai pu observer en France ou au bord de la Méditerranée, ce n’est pas la plus grande étendue, celle où le sol est pleinement maîtrisé, occupé, exploité, mais les restes, la part laissée, aux marges des champs, à la géographie première, à la roche qui affleure, à la pente trop violente ou au talweg qui ramène les eaux. Les paysages les plus familiers sont composés de ces boqueteaux, de ces lignes d’aulnes ou de saules, de ces étroites friches qui semblent oubliées sur l’immense draperie des champs. Or, de fait, ils font partie intégrante du tracé agricole, ils mettent en évidence cette sorte de connaturalité, cette affinité fondamentale qui lie la nature au paysan qui la travaille. Si l’on veut bien étendre à la nature cette notion de géométrie pour rendre compte des effets dynamiques qui la modèlent, on peut dire que le paysan optimise la géométrie naturelle et qu’il la met en scène. Je pense que les jardiniers et les paysagistes ont souvent, dans l’histoire, fondé leur création sur l’observation de la campagne, et la géométrie est un de leurs outils familiers. J’ai découvert dans les jardins de Le Nôtre, à Versailles notamment, un usage extrêmement subtil de la géométrie, qui s’intéressait, plus qu’on ne le pense couramment, à enraciner le jardin dans le territoire naturel de la plaine versaillaise, à tenir le plus grand compte des incitations et des inflexions des géométries plus anciennes, à négocier ce tracé que l’on dit implacable, dévastateur et contre-nature. C’est au moment, semble-t-il, où l’idée de nature devenait prépondérante dans l’idéologie dominante de la société, au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, que les paysagistes ont progressivement abandonné la géométrie comme outil de conception des jardins. J’émets l’hypothèse, qu’il me faudra vérifier, que cet abandon coïncide avec le choix de la peinture comme source d’inspiration des paysagistes. Assez paradoxalement, les concepteurs ont préféré, à la nature elle-même, les dessins, les lavis ou la peinture qui la représentaient, ce qui leur permettait, sans doute, d’en mieux dramatiser les effets. Le pittoresque au XIXe siècle est une véritable entreprise de surnaturalisation. Les tableaux qui ont servi de références et d’inspiration à la création paysagère, et à celle de l’ingénieur Alphand notamment, sont, à mon point de vue, des contrefaçons extrêmement réductrices de la nature. Michel Vernes cite le journaliste Victor Fournel qui voit dans les squares et jardins dessinés par Alphand des « oasis faites en pierre et en carton peint, où l’on sent l’architecture plus encore que le jardinier1 », et Alphand lui-même qui rappelle qu’ « il y a autant d’études, d’aménagements, d’effets recherchés et obtenus artificiellement dans une composition pittoresque que dans un tracé régulier ». J’ai la conviction qu’Hausmann et Alphand ont participé activement à la perte progressive des savoirs qui ont toujours fondé la pensée paysagère, en sacrifiant à la pure idéologie et à l’esprit de système le rapport obligé du paysagiste à la réalité concrète du monde. Les tentatives de Jean Claude Nicolas Forestier pour restaurer l’art des jardins furent à nouveau, battues en brèche par la nouvelle idéologie « des espaces verts » qui marque le début de cette seconde moitié du siècle : les jardins anglo-chinois ont alors servi de modèle aux formes serpentines et molles de certains paysagistes qui pensaient ainsi, naïvement, retranscrire la nature dans une ville qu’ils n’aimaient pas. Nous nous sommes restreints, dans les années 1970, à sortir de nouveau pour retrouver le monde tel quel, pour regarder la campagne et réapprendre la géométrie. Nos premières tentatives furent certes trop élémentaires et ce que nous dessinions n’était alors qu’une « misère de réel ». Ce sont les philosophes comme Gilles Deleuze ou Michel Serres qui, aujourd’hui, me semble-t-il, donnent les conditions d’un véritable regard sur le paysage et la nature, et nous indiquent la meilleure manière de les mettre en scène. Ils dénoncent les simulacres anciens, mais aussi la géométrie lorsqu’elle finit par couvrir le réel jusqu’à le maîtriser sans partage. « Le tracé ponte les lacunes, il raccourcit et shunte. Il est une économie, certes, et sans économie nous ne pourrions ni parler, ni penser, mais il implique des erreurs tout à fait montrables : il substitue le fini à l’infini, le continu au discontinu, le plein au vide, le régulier au hasardeux, la loi au contingent et finalement le rationnel au réel. » « Le détail est le reste du réel quand le rationnel est passé par là, quand le rationaliste a découpé, distingué, divisé. La division des choses fait un nuage pulvérulent de débris et de cendres. Et plus le monde est rationnel, plus il produit d’ordures. » « Dans les poubelles de la taille, nous Page 9 retrouverons le monde lui-même1 !» C’est à cette invite et celle de Mandelbrot que je tente aujourd’hui de répondre par mes nouveaux projets. » 1 VERNES Michel, « Du jardin de ville à la ville jardin, ou la rêverie méticuleuse d’un ingénieur paysagiste », Pages paysages, n°2, 1989, p23. 2 SERRES Michel, Le Passage du Nord-Ouest, « Critique », Minuit, Paris, 1980, p108-109. PECHERE René, Grammaire des Jardins, Collection Secrets de métier, Edition RACINE, Pays-Bas, 2002, 141p. Page 10 Page 11 Page 12 Page 13 Page 14 Page 15 Page 16 Page 17 Page 18 Page 19 CLEMENT Gilles, Manifeste du Tiers Paysage, Editions Sujet/Objet, France, 2005, 70p. Page 20 SCHWARZ Urs, Le jardin naturel, Vol. 13-14, Atlas visuels Payot Lausanne, Suisse, 1985, 96p. P64 : Les habitats pionniers « Plus un terrain est accidenté, plus nombreuses sont les stations pionnières. Par « station pionnière », on entend des sols de constitution récente et entièrement incultes. Dans la nature, c’est l’eau courante qui, avant tout, crée de tels milieux. Sous les effets de l’érosion, particulièrement importants en période de hautes eaux, les rives des cours d’eau, continuellement affouillées, s’effondrent. En aval de la rivière, les matériaux charriés par le courant forment des dépôts frais et dépourvus de végétation, de gravillons, de sable et de limon. Les habitats pionniers peuvent également naître dans les régions d’éboulement et au pied des parois rocheuses, après un déblaiement ou, à l’inverse, sur les remblais. L’être humain est responsable, lui aussi, de nombreux terrains incultes. Carrières, gravières, chantiers de construction deviennent ainsi, au moins provisoirement, des habitats pionniers. C’est aussi le cas des bordures de route et de chemins de fer, des places d’entreposage, des cours d’usine, des champs fraîchement labourés et des carrés de légumes ou de fleurs débarrassés de leurs mauvaises herbes. (…) P66 : « Conformément à l’ordre naturel des choses, la flore pionnière était progressivement supplantée par des communautés végétales définitives, par des saulaies, puis par des aulnaies, jusqu’à ce que les fleuves reprennent leur activité ; les communautés végétales définitives étaient alors de nouveau remplacées par des communautés pionnières. » (…) P79 : « Les habitats pionniers réclament certains soins. Enlever régulièrement toute pousse de plante ligneuse et, à l’occasion, également l’humus qui se forme avec le temps. Bêcher les endroits les moins agréables et ôter leur couverture végétale. Les surfaces fraîches se colonisent d’elles-mêmes, mais on peut essayer d’y introduire des espèces qui manquaient jusqu’ici. P92 : Petit glossaire de termes écologiques « Association végétale : Groupement caractéristique d’espèces conditionné par le milieu et la concurrence vitale, qui se répète fidèlement chaque fois que les mêmes conditions sont réunies. Biocénose : Communauté d’êtres vivants habitant un biotope donné. Biotope : Aire géographique occupée par une biocénose ou une espèce animale ou végétale. Climax : Stade final auquel aboutit la succession naturelle des biocénoses dans une station donnée. Le climax est en équilibre avec le climat général et avec le sol et stable à l’échelle d’une vie humaine. Oligotrophe : se dit d’un milieu pauvre en substances nutritives. » Page 21 CLEMENT Gilles, Le jardin en mouvement 5ème édition, Sens et Tonka, France, 2007, 307p. P17 : Introduction (…) « Tout ce que l’homme abandonne au temps offre au paysage une chance d’être, à la fois, marqué par lui et affranchi de lui. Les friches ne se référent à rien qui périsse. En leur lit, les espèces s’adonnent à l’invention. La promenade en friche est une perpétuelle remise en question, car tout y est fait pour que soient déjouées les plus aventureuses spéculations. Observer un site familier qui s’enfriche conduit à se poser plusieurs questions qui, toutes, se référent à une dynamique de transformation : - quel pouvoir de reconquête anime ce lieu sauvage ? - les herbes ont disparu. Ces épines, pourquoi ? - la lande pâturée perd du terrain, les arbres gagnent. - le paysage ouvert va-t-il se refermer ? - le climax du bocage est-il une forêt ? Enfin, et surtout : ce grand pouvoir de conquérir l’espace ne pourrait-il se mettre au service du jardin ? et de quel jardin ? » P46 : Climax « Climax : niveau optimum de végétation. Presque toujours, sous nos climats, le climax est une forêt. Si l’on abandonnait tous les sols cultivés de France, le territoire se recouvrirait d’un manteau forestier équivalent à celui qu’ont connu les hommes d’avant la Gaule. Il ne ferait que lui ressembler, car les espèces ne seraient plus tout à fait les mêmes. Les végétaux subspontanés ont modifié les séries floristiques de base. Toutefois, cette forêt serait coupée de landes, de marécages, de pelouses, d’où la strate arborescente serait totalement exclue. En ces lieux, le climax est caractérisé par d’autres strates, celles des buissons et des herbes. Les arbres ne peuvent y pousser parce qu’il y a trop peu de sol, trop, d’eau ou trop de froid. On parle alors de lande climacique, pelouse climacique, etc., mais cela ne vaut pas dire que la configuration floristique y soit définitive. Climax ne signifie pas arrêt d’évolution. Au contraire, Le climax est capable de se recycler par lui-même. Par exemple, un chablis en forêt ouvre une clairière où, très progressivement, le cycle évolutif va recommencer. Il se forme un cortège nouveau. Dans les optima de végétation, il y a plusieurs « mieux » possibles. Le climax peut même se modifier complètement sous la pression de l’évolution : modifications climatiques ou pédologiques locales, pression démographique, urbanisation, pollution, etc. On peut se demander quel est le climax d’une décharge publique. Quelles plantes y poussent à l’aise et s’y reproduisent ? Le climax est tributaire des conditions de vie. Ces conditions de vie définissent les biotopes. Il y a autant de niveaux climaciques qu’il y a de biotopes – et ceux-ci peuvent se modifier dans le temps. Pour le jardin en mouvement, le climax est un point de mire, une visée possible. Il n’est pas nécessaire de l’atteindre. En effet, la notion même de mouvement suppose une mobilité visible. Or, la mobilité des bouleversements climaciques n’est pas à l’échelle de temps d’un jardin, en particulier lorsque le climax est de type forestier. A titre d’exemple, il faut à peu près quarante ans pour qu’un sol de culture abandonné à lui-même se transforme en petit-bois de futaie. Ce n’est pas le cas de la friche. La friche, elle, est tout à fait à l’échelle du temps du jardin. Son développement naturel évolue de trois à quatorze ans après l’abandon d’un sol à lui-même. Mais on peut accélérer ce processus et « installer » la friche à son niveau de richesse floristique le plus intéressant – c’est-à-dire entre sept et quatorze ans, suivant les cas – de manière presque immédiate, de la même façon que l’on crée un jardin. Page 22 Cela est rendu possible par le fait que la friche est généralement riche de toutes les strates végétales, en particulier les strates herbacées, et que celles-ci ont un temps d’apparition et de disparition très rapide… Il suffit de gérer ces temps pour reculer l’accès au climax. Cependant la connaissance du climax local donne une indication utile sur la série floristique finale dont le jardin est menacé. Comment l’harmoniser avec cette végétation future. Peut-on d’ores et déjà, l’intégrer ? » Coupes du processus d’enfrichement Page 23 Page 24 Carte de la végétation de la France

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