Summary

This document explores the question of whether humans are animals. It investigates the similarities and differences between humans and other animals examining topics such as animal cognition, and ethical treatment of animals. The discussion touches upon human evolution and philosophy of animal rights.

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Thème 1. Animal/humain. L’être humain est-il un animal comme les autres ? a. L'être humain, un animal comme les autres ? b. La difficulté de définir l’être humain (ou les étonnantes facultés des animaux) c. Les étonnantes facultés des plantes et du... « blob » !?! d. Le propre de l’êt...

Thème 1. Animal/humain. L’être humain est-il un animal comme les autres ? a. L'être humain, un animal comme les autres ? b. La difficulté de définir l’être humain (ou les étonnantes facultés des animaux) c. Les étonnantes facultés des plantes et du... « blob » !?! d. Le propre de l’être humain : une hypothèse du paléoanthropologue Pascal Picq e. Nos rapports ambigus aux animaux a. L'être humain, un animal comme les autres ? Rémi Barjolin, L'être humain, un animal comme les autres ? L'humanité n'est-elle qu'une espèce animale qui a bien réussi ou l'être humain garde-t-il une différence qui le distingue irréductiblement de l'animal ? La question mérite d'être posée alors que l'on découvre sans cesse de nouveaux talents chez nos amis les animaux. Dans le métro, sur les murs, des affiches montrent Marc Lavoine, avec un chimpanzé dans les bras, les yeux levés vers le ciel... pour promouvoir son album intitulé Je descends du singe. Au cinéma, le film documentaire de Walt Disney Nature Chimpanzés met en scène Oscar, un jeune chimpanzé mâle : « Comme nous il est joueur… Comme nous il aime sa famille… Comme nous il apprend vite… », martèle la bande-annonce. Comme nous. On le voit, la troublante similitude entre l'homme et les grands singes continue de fasciner. Pourquoi ? Parce qu'en posant la question de l'existence ou non d'une différence entre l'être humain et l'animal, elle touche une question plus profonde encore : y a-t-il un propre de l’être humain ? et si oui, quel est-il ? La réponse des sciences de la nature Au risque de vexer Marc Lavoine, il faut commencer par dissiper un malentendu : nous ne descendons pas du singe ! Cette formule, passée dans le langage commun – jusque dans les blagues comme « L'être humain descend du singe… et le singe descend de l’arbre ! » 1 – a le don d'agacer le paléoanthropologue Pascal Picq. « L'homme ne descend pas du singe ! Il a des ancêtres communs avec lui, c'est très différent ! » La primatologie (étude des grands singes), qui s'est développée après la Seconde Guerre mondiale, a donné lieu à plusieurs découvertes capitales à partir des années 1970. Par exemple, Jane Goodall a découvert que les chimpanzés de Tanzanie utilisaient des outils ; Diane Fossey, que les relations sociales chez les gorilles du Rwanda étaient très élaborées ; Gordon Gallup, que les grands singes se reconnaissaient dans un miroir. Trente ans plus tard, les généticiens ont révélé que 99% de notre ADN est identique à celui du chimpanzé. L'éthologie (l'étude du comportement animal) a montré elle aussi que certaines caractéristiques réputées propres à l'être humain étaient en réalité partagées par les primates. La philosophe Vinciane Despret explique par exemple qu'un singe est capable de tromper intentionnellement ses congénères : pour détourner leur attention et leur réprobation – il vient de maltraiter un petit – il les avertit qu'un prédateur fictif approche, sachant pertinemment que de l'endroit où ils sont, ils ne peuvent constater que c’est faux. Au 19ème siècle déjà, Darwin avait postulé l’existence du sens moral chez les primates, en constatant par exemple qu'un singe à qui l'on interdisait de manger une orange la mangeait quand même, mais prenait la précaution de cacher les épluchures, comme s'il éprouvait un sentiment de honte… Pascal Picq dresse une liste impressionnante des similitudes ainsi constatées entre l’être humain et les grands singes : « La marche debout, l'outil, le rire, les pleurs, la coopération, l'empathie, le bien et le mal, le tabou de l'inceste, la chasse, le partage de la viande, la culture, les traditions, la communication symbolique, la politique : ces caractéristiques que l'on croyait humaines sont présentes chez les grands singes. » Au point que la plupart des scientifiques spécialisés sur le sujet en sont venus à rejeter l'existence d'une différence de nature entre l’être humain et le grand singe. Pour eux, il ne s'agit que d’une différence de degré. L'être de l'être humain ne serait pas différent de celui de l'animal. L'antispécisme : pour une égale dignité des animaux et des hommes Il n'y aurait donc aucun propre de l’être humain ? Pour Pascal Picq, si, et il serait lié au langage : « Finalement, il y a sans doute un seul vrai propre de l'homme, c'est le récit : cette nécessité ontologique de construire des cosmogonies, des récits sur les commencements du monde. » Mais cela ne signifie pas que la dignité des humains soit supérieure à celle des animaux. S'appuyant sur cette conviction, l'antispécisme, un mouvement né dans les années 1970, dénonce la hiérarchisation des êtres vivants en espèces inégales, et l'exploitation des espèces animales par l'espèce humaine, auto-décrétée supérieure aux autres. Elle milite pour la reconnaissance et le respect de l'égale dignité des animaux par rapport aux hommes. Sur le modèle de l’antisexisme et de l'antiracisme, l'antispécisme réclame l'extension du principe d'égalité aux animaux, en particulier le respect de leur droit à ne 2 pas souffrir. Dans son livre La libération animale, le philosophe australien Peter Singer, l'une des figures de proue de ce courant, écrit : « Les racistes violent le principe d'égalité en donnant un plus grand poids aux intérêts des membres de leur propre race quand un conflit existe entre ces intérêts et ceux de membres d'une autre race. Les sexistes violent le principe d'égalité en privilégiant les intérêts des membres de leur propre sexe. De façon similaire, les spécistes permettent aux intérêts des membres de leur propre espèce de prévaloir sur les intérêts supérieurs des membres d'autres espèces. Le schéma est le même dans chaque cas. » « Je soutiens qu'il ne peut y avoir aucune raison – hormis le désir égoïste de préserver les privilèges du groupe exploiteur – de refuser d'étendre le principe fondamental d'égalité de considération des intérêts aux membres des autres espèces. » (réf. https://www.reussirmavie.net/L-Homme-un-animal-comme-les-autres_a1582.html (avec modifications de ma part) b. La difficulté de définir l’être humain (ou les étonnantes facultés des animaux) - https://www.youtube.com/watch?v=7yGOgs_UlEc (Alex le perroquet) - https://www.youtube.com/watch?v=CQCOHUXmEZg (Koko) - https://www.youtube.com/watch?v=fJSYQ9l-Xdw (bonobos) - https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1899453/guepe-papier-polistes-fuscatus-concept- abstrait?fbclid=IwAR08y85tFZaQ5Lg2nUZoKCTnTmvakNIHqr-cnamoG7L9rmnneKzDgfVcWcc (la guêpe à papier comprend un concept abstrait) - https://www.dailymotion.com/video/x8ze98m (un bourdon joue avec une bille de bois) - https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1795094/les-animaux-rient-aussi (les animaux rient aussi) - http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1079116/dauphins-reconnaissent-reflet-miroir-tot-bebe- humain-animaux-intelligence-experience-conscience (le test du miroir) - https://www.youtube.com/watch?v=eaLHv2zcQMw (ces oiseaux construisent les plus beaux nids au monde) c. Les étonnantes facultés des plantes et du... « blob » !?! - http://www.slate.fr/story/105137/plantes-intelligentes-droits - https://www.youtube.com/watch?v=3tGOQf4c_Lw d. Le propre de l’être humain : une hypothèse du paléoanthropologue Pascal Picq https://www.youtube.com/watch?v=eJqrJ-WKcLI 3 e. Nos rapports ambigus aux animaux Aujourd'hui, il ne passe pratiquement une semaine sans qu'on entende parler de la défense d'espèces menacées, de dénonciation de cruauté envers les animaux. Depuis quelques années, on ne compte plus le nombre de publications sur la condition animale. Les mouvements de protection des animaux n'ont jamais compté autant d'adeptes et l'engouement pour les animaux de compagnies atteint des sommets. Si la sensibilité croissante envers les animaux paraît aller de soi dans un monde de plus en plus préoccupé par les questions écologiques, les relations que nous entretenons avec les animaux suscitent de plus en plus de réflexions. Les animaux sont probablement au cœur de l'un des débats actuels les plus passionnants. Aujourd'hui, presque tout le monde s'accorde sur le fait qu'il faut proscrire les souffrances inutiles infligées aux animaux. Nous dénonçons l'élevage industriel, les conditions atroces de l'abattage, les tortures que subissent les animaux de laboratoire ou ceux utilisés dans les cirques ou encore les corridas. Même les animaux domestiques seraient victimes de nos névroses familiales, de nos besoins affectifs et narcissiques. Dans nos sociétés, les tenants de l'humanisme (le sacrifice des bêtes est justifié si c'est utile pour l’homme) affrontent ceux qui croient -à des degrés divers- que les bêtes sont dotées de sentiments, sont égales à l'homme et doivent être traitées en conséquence. Faut-il en effet interdire la chasse et cesser de manger les animaux ? Les animaux souffrent-ils de la même manière que les êtres humains ? Les souffrances des animaux sont-elles justifiées dans certains cas ? Sommes-nous trop sensibles face à la cruauté envers les animaux ? La relation homme/animal dans les sociétés modernes Aujourd'hui, l'animal est toujours majoritairement considéré comme une espèce inférieure au service de l'homme. On l'élève et on le chasse pour s'en nourrir, on l'utilise largement dans les laboratoires pour découvrir de nouveaux traitements et de nouveaux médicaments. Mais depuis plusieurs décennies, grâce surtout au développement de la conscience écologique, l'amour de l'homme pour les animaux n'a cessé de grandir. Autrefois réservés à une élite fortunée, les animaux domestiques sont de plus en plus adoptés par des gens ordinaires et ce, depuis le début du siècle. Actuellement, en Occident, 60 à 65 % des foyers possèdent un animal domestique et cette proportion a tendance à augmenter. Un sondage réalisé par Léger et Léger pour l'Académie de médecine vétérinaire révélait qu'il y a plus de trois millions de chiens et de chats dans les foyers québécois (chiffres de 2020). On y trouve près de 700 cliniques vétérinaires (chiffres de 2019), de nombreuses cliniques de psychothérapie voire des cimetières pour les animaux domestiques. Une enquête Gallup réalisée aux États-Unis indique que 65 % des propriétaires d'animaux domestiques donnent des cadeaux d'anniversaire ou un lapin de Pâques à leurs animaux, que 41 % les font photographier chez un professionnel, encadrent la photo et placent cette dernière bien en vue dans la maison. Selon une autre 4 étude de l'American Hospital Association, 48 % des femmes propriétaires d'animaux croient plus à l'affection de leur animal qu'à celle de leur mari ou de leurs enfants; 45 % de ceux qui possèdent un chien leur installent un lit dans la maison; 51 % leur donnent un nom humain comme Simone ou Arnaud ; 25 % font sécher les poils après un bain; 51 % aiment tellement leur animal qu'à son décès ils l'enterrent sur la propriété familiale; 64 % dorment avec leur chat et 39 % avec leur chien; 70 % croient que leur chien viendra à leur défense en cas de danger. (réf. Charles Danten, Un vétérinaire en colère). Aux États- Unis, on retrouve des hôtels de luxe pour les animaux avec divertissement télé et filet mignon ou saumon grillé au menu. La demande pour des ceintures de sécurité adaptées à Fido augmente. Plusieurs propriétaires lèguent leur héritage à leur animal. Une résidante de la Nouvelle-Écosse a récemment légué 317 000 $ pour soigner et nourrir sa douzaine de chats. Mais les études et les sondages montrent aussi que 10 % des animaux domestiques sont abandonnés ou euthanasiés chaque année par leurs propriétaires. Les groupes de défense de la cruauté envers les animaux observent que les gens considèrent beaucoup les animaux domestiques comme des meubles qu'on peut jeter après usage. Les prises de conscience envers la souffrance animale ne cessent de se multiplier. Les découvertes scientifiques confirment que les animaux souffrent au même titre que les humains. Certaines divergences continuent toutefois d'exister à ce chapitre. Si certains croient que seuls les animaux qui ont un système nerveux sont susceptibles de souffrir, d'autres croient que même les poissons sont dotés d'un système nerveux élémentaires et qu'ils souffrent également. Un peu partout dans le monde, les centres de recherches et les gouvernements se dotent de comités éthiques pour adoucir la souffrance des animaux, aussi bien ceux que l'on pêche dans les océans que les animaux d'élevage et ceux des laboratoires. Une nouvelle prise de conscience envers la souffrance que nous imposons aux animaux de compagnie passionne aussi les défenseurs des animaux. Dans son livre Un vétérinaire en colère, l'ex-vétérinaire Charles Danten dénonce les souffrances qu'endurent les animaux de compagnie et les abus engendrés par le commerce des animaux domestiques et exotiques. Ainsi, les croisements de races de chiens effectués sur des critères d'apparence auraient produit des animaux qui vivent un calvaire : certains souffrent de problèmes de peau, de maladies osseuses, d'allergies. Le commerce d'animaux exotiques est quant à lui évalué à plus de 20 milliards de dollars en Amérique du Nord. Chaque année, des milliers de primates, de perroquets, de poissons d'aquarium et des tonnes de coraux traversent les frontières illégalement. Mouvements de libération des animaux PETA, People for the Ethical treatement of Animals, est un organisme qui compte plus de 3 millions de membres, fonctionne avec 400 employés et un budget de 51 millions de dollars (chiffres de 2019). C'est un groupe d'activistes qui s'attaque à l'exploitation animale sous toutes ses formes : expérimentation animale, élevage intensif, commerce de la fourrure, les zoos, la chasse, les cirques, les combats, les corridas. Ils organisent les grandes campagnes de boycott contre les compagnies de cosmétiques qui testent leurs 5 produits sur les animaux. Leurs pressions remportent beaucoup de succès. Ainsi, quelque 500 compagnies américaines ont ainsi cessé de tester leurs produits sur des animaux. Un autre groupe américain, Animal Liberation Front, emploie des méthodes plus dures encore en saccageant des laboratoires pour libérer les animaux de leurs cages. Ils ont revendiqué ainsi plus d’une centaine d'attentats dont des bombes et des incendies dans des laboratoires de recherche. Au Québec, plusieurs personnalités militent ouvertement en faveur de la protection des animaux. Le comédien Jacques Godin, disparu en 2020, a été l’une des premières vedettes à s’afficher végétarien et à défendre ardemment la cause animale. (En passant, ce n’est que depuis l’adoption de la Loi visant l’amélioration du statut juridique de l’animal en 2015 que le Code civil du Québec considère les animaux comme des êtres doués de sensibilité ayant des impératifs biologiques. Auparavant, les animaux étaient considérés comme des biens meubles (biens qui peuvent être déplacés), au même titre qu’une table ou une chaise. Pour mieux comprendre ce qui a poussé le Québec à adopter cette loi, allez lire ce court texte : https://ici.radio- canada.ca/nouvelle/724073/animal-loi-protection-maltraitance-amende-prison). À l'origine des mouvements de libération se trouve un ouvrage de philosophie qui est paru aux États-Unis en 1975, La libération animale de Peter Singer. Il y défend la thèse que la valeur de l'animal est égale à la nôtre. Singer défend l'idée que les animaux sont l'ultime catégorie opprimée par les hommes, après les Noirs et les femmes. Les défenseurs des animaux se posent aujourd'hui comme les successeurs de ceux qui voulaient abolir l'esclavage hier. Et les animaux gagnent des droits. Depuis 1978, l'Unesco a adopté une Déclaration universelle des droits de l'animal. « Tous les animaux naissent égaux devant la vie et ont les mêmes droits à l'existence ». En s'appuyant sur ce droit constitutionnel, un chien a déjà intenté une action en justice après avoir été refusé à la terrasse d'un restaurant aux États-Unis… Les relations que nous entretenons aujourd'hui avec les animaux font l'objet de nombreuses controverses. Aux radicalistes, les humanistes opposent souvent le fait que les animaux sont en train de gagner des droits que les femmes ou les enfants du Tiers- monde n'ont pas. Plusieurs s'opposent également aux campagnes menées par Brigitte Bardot contre la chasse aux phoques en faisant valoir que les communautés qui dépendent de cette chasse ont droit aussi à l'existence. La relation homme/animal dans l'histoire Ce n'est sans doute pas un hasard si les peintures rupestres retrouvées au fond des grottes préhistoriques représentent surtout des animaux. Les troupeaux et les félins exercent sur l'homme de la fascination et de la terreur. Les premiers dieux avaient d'ailleurs la forme d'animaux. Dans la civilisation égyptienne, les dieux ont une forme animale. Chez les Grecs, on commence à retrouver des dieux à moitié homme et à moitié animal. Peu à peu, l'homme découvre qu'il peut être plus fort que la bête. L'animal permet à l'homme de se nourrir, de se vêtir, de fabriquer des armes. « …L'animal qui assure désormais la vie de l'homme deviendra un partenaire sacré pour accéder à une 6 quelconque survie. L'homme se considère supérieur à l'espèce animale et l'admire. L'animal devient le véhicule du divin, du mystère » (Luce Des Aulniers, in Revue Frontières, « Une histoire d'attachement bigarrée », été 1997). On croit aujourd'hui que le loup aurait été la première espèce à être domestiquée, il y a plus de vingt mille ans. Les hommes de la préhistoire ramenaient des louveteaux devenus orphelins et en faisaient des animaux de compagnie. Les chiens en sont les descendants. Peu à peu, l'homme a domestiqué d'autres espèces pour répondre à différents besoins : le cheval, les vaches, etc. Pendant des siècles, on manipulait le croisement des espèces canines pour des fonctions de garde, la chasse et la défense. Aujourd'hui, comme ils ont surtout une fonction d'agrément, on privilégie les critères de beauté, de docilité, etc. Les philosophes grecs de l'Antiquité s'entredéchiraient sur la question animale et leurs interrogations ressemblent étrangement aux nôtres : les animaux pensent-ils ? Sont- ils doués de raison? Ont-ils la même sensibilité que nous ? Faut-il s'interdire de les manger ? Pourquoi ne parlent-ils pas ? On s'entendait déjà à cette époque pour dire que l'homme faisait partie de l'espèce animale. Bien qu'ils divergeaient sur l'existence ou la non- existence de la pensée, ou l'interdiction ou non de les manger, les philosophes de l'Antiquité classaient les animaux sur la même échelle des êtres que les hommes; ils font partie des Zoa (les vivants), à laquelle appartiennent les vivants suprêmes, les Dieux et les astres, dont les végétaux sont exclus. Aristote (384-322 avant Jésus-Christ) déclarait que « de tous les animaux, l'homme seul est capable de délibération. Beaucoup d'animaux ont en partage la mémoire et l'aptitude à apprendre. Mais aucun autre animal que l'homme n'a la faculté de remémorer ». Aristote instaure une hiérarchie des êtres naturels. Si l'homme est considéré comme étant supérieur pour certaines qualités, les animaux l'emportent parfois pour d'autres. Aristote établit un ordre naturel des choses et institue aussi une hiérarchie pour les hommes : certains hommes sont destinés à obéir et d'autres à commander. Mais pour beaucoup de philosophes de l'Antiquité, la supériorité de l'être humain est loin d'être un acquis. Tout change avec le Christianisme. Le Christ enseigne aux foules que Dieu a créé l'homme à sa ressemblance. C'est d'ailleurs le premier Dieu cent pour cent humain, dit Luce Des Aulniers. Les animaux demeurent toutefois des créatures divines qu'on doit éviter de faire souffrir, bien que certaines soient davantage considérées comme des créatures du Diable. À partir de cette époque, les penseurs s'emploient à définir le propre de l'homme et à nier son animalité. Au Moyen Âge, l'animal a toujours une âme et est considéré comme un sujet de droit. Les comparutions de bêtes accusées de divers méfaits ont été nombreuses et la pratique s'est maintenue jusqu'au XVIIIe siècle. On faisait comparaître tout aussi bien des animaux domestiques qui s'étaient attaqués à des humains que des sauterelles qui avaient dévasté des récoltes. Mais la distanciation de l'homme envers l'animal commence de plus en plus à se manifester. On invente la chasse civilisée pour laquelle on utilise des animaux afin d'en chasser d'autres. Posséder de belles bêtes, des bêtes étranges, devient un signe de distinction des seigneurs et des souverains de la Renaissance qui faisaient ainsi étalage de leur bon goût. 7 Un tournant important sera marqué par la théorie de l'animal-machine du philosophe français René Descartes (1596-1650) : « Tous les hommes même les plus hébétés et les plus insensés, même un enfant au cerveau troublé, même les sourds et les muets, peuvent arranger ensemble diverses paroles et en composer un discours, ce que les animaux ne feront jamais, même ceux qui disposent d'organes de prolation, car les perroquets ne parlent pas comme nous, c'est-à-dire, en témoignant qu'ils pensent ce qu'ils disent. Puisqu'en fin de compte, il suffit de très peu de raison pour parler, on doit conclure que les animaux en sont complètement dépourvus et que leur nature est d'une essence totalement différente de la nôtre : ils n'ont pas d'esprit; ce qui agit en eux, c'est seulement la nature et un mouvement mécanique, exact et limité comme celui de l'horloge ». C'est ainsi qu'apparaît le fondement de l'humanisme et l'ère de la raison. En 1760, Emmanuel Kant en rajoute en déclarant que les animaux n'ont pas conscience d'eux- mêmes et ne sont par conséquent que des moyens en vue d'une fin. L'homme au contraire est une fin en soi. Il compare aussi les animaux à des pommes de terre. Lorsque Darwin publie De l'origine des espèces en 1859, il oblige l'homme à se souvenir de sa parenté animale. (En apprenant les théories de Darwin, une lady anglaise se serait écriée : « Mon Dieu, si c'est vrai, qu'au moins cela ne se sache pas. »). Aux XVIII et au XIXe siècle, la science de la nature (botanique et zoologie) se développe. On classe les espèces. On tente d'éliminer celles qui sont nuisibles à l'homme et de multiplier celles qui sont utiles. À cette époque, la conscience écologique n'est pas encore née. L'idée consiste surtout à dominer la nature. Quelques scientifiques commencent à s'inquiéter des dommages à la nature provoqués par l'exploitation économique des ressources naturelles. À la fin du XIXe siècle apparaissent de nouveaux concepts : écologie (terme inventé par le biologiste allemand Ernst Haekel en 1866), biosphère. On crée les premiers parcs naturels et les premières associations de conservation de la nature. C'est l'Allemagne nazie, étonnamment, qui crée les premières grandes législations pour la protection de la nature et des animaux. On s'entend généralement pour dire que c'est la menace nucléaire et le danger représentés par les pesticides (DDT) qui sont à l'origine du mouvement écologique moderne. Silent Spring, un livre écrit par la biologiste américaine Rachel Carson en 1962, raconte l'histoire d'une ville tuée par la pollution : les enfants meurent, les oiseaux cessent de chanter. Le printemps est silencieux. Le livre a l'effet d'une bombe pour les gens qui craignent la menace nucléaire et des pesticides. Quelques réflexions suscitées par nos relations avec les animaux Actuellement, il semble assez clair qu'on assiste à une remise en question des frontières entre l'homme et l'animal. On valorise leur intelligence, on découvre leur sensibilité. Grâce aux progrès scientifiques, on s'aperçoit aussi que génétiquement nous sommes très peu éloignés de certaines espèces animales, comme les singes ou les porcs. On découvre que les corps humains et animaux sont si semblables que nous pouvons désormais, puisque la science le permet, recevoir des greffes animales. L'homme redécouvre son animalité. 8 D'un point de vue philosophique, nous vivons sans doute un tournant dans l'histoire de l'humanité. Durant plusieurs siècles, la majorité des hommes ont accepté l'idée qu'ils étaient l'espèce dominante, les rois de la création, comme l'avaient enseigné le christianisme, Descartes ou Kant. Aujourd'hui, la supériorité de l'homme est remise en question. Nos sociétés modernes sont en crise. En crise d'identité. L'homme cherche ses origines (les dinosaures, la popularité des études sur les primates, etc.). En crise existentielle également parce que le monde et les relations humaines sont devenus trop complexes. Selon Luce Des Aulniers, le refus de la complexité de ce monde s'exprime dans le rapport que les gens ont avec leurs animaux de compagnie. C'est avec notre chien ou notre chat qu'on retrouve des rapports simples. En remettant en question nos relations avec les animaux, c'est nous-mêmes que nous mettons en cause. Les mouvements de libération des animaux peuvent aussi être interprétés comme une critique de l'homme moderne, de sa cruauté et de sa cupidité. Cette grande remise en question de nos relations avec les animaux est le signe de changements profonds. Le philosophe Luc Ferry parle d'un Nouvel ordre écologique. Il craint toutefois que nos idéaux ne dérivent vers des excès redoutables. Déjà, en effet, certains écologistes radicaux sont prêts à tuer des gens au nom de la défense des animaux. Accorder des droits aux animaux, dit Ferry, c'est un peu nier ceux des hommes. Comme au temps des Grecs, plusieurs questions sur le monde animal restent sans réponse : les animaux pensent-ils ? Souffrent-ils ? Ont-ils conscience de leur existence ? Pour y répondre, on a largement recours à l'anthropomorphisme (attribution de caractéristiques humaines à ce qui n’est pas humain, comme à des dieux, aux animaux, etc.). Le succès des films comme Le Roi lion, ou de livres comme Les fourmis illustre peut- être ce désir de répondre par l'affirmative à toutes ces questions. Dans les documentaires animaliers, on attribue de plus en plus aux animaux des sentiments et des sensations analogues à celles des humains. De tout temps, disent les observateurs, l'homme a entretenu des relations complexes avec les animaux. Il s'est toujours situé dans l'univers par rapport aux animaux, les êtres vivants qui lui ressemblent le plus. « Quand la réalité humaine devient trop âpre, écrit Luce Des Aulniers, notre imaginaire se déplace vers le monde des bêtes. (…) L'animal devient personnage et héros ». (réf. Chasseurs d'idées, avec modifications de ma part) 9

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