Mémoire sur le dessin et la génération d'images en FLE à l'Alliance Française de San Francisco PDF
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2024
Lucas PAUPIN
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This master's thesis explores the use of drawing and image generation in French as a Foreign Language (FLE) classes, focusing on the Alliance Française de San Francisco. The study examines the potential of drawing as a tool for language learning and communication, analyzing the role of visuals in student engagement and production. It also explores the integration of artificial intelligence (AI) in generating images and its implications for language pedagogy.
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Du dessin à la génération d’images dans les productions d’apprenant.e.s de FLE : L’Alliance française de San Francisco entre avenir et tradition Lucas PAUPIN UFR LLD – Département de Didactique du FLE _______...
Du dessin à la génération d’images dans les productions d’apprenant.e.s de FLE : L’Alliance française de San Francisco entre avenir et tradition Lucas PAUPIN UFR LLD – Département de Didactique du FLE ________________________________________________________________ Mémoire de Master 2 – 28 ECTS Master : Didactique des langues, du français langue étrangère et seconde : métiers de la recherche, de l’enseignement et de l’ingénierie Sous la direction de M./Mme : Olivier LUMBROSO Membres du jury : M./Mme : Marina KRYLYSCHIN Année universitaire 2023-2024 2 Du dessin à la génération d’images dans les productions d’apprenant.e.s de FLE : L’Alliance française de San Francisco entre avenir et tradition Lucas PAUPIN UFR LLD – Département de Didactique du FLE ________________________________________________________________ Mémoire de Master 2 – 28 ECTS Master : Didactique des langues, du français langue étrangère et seconde : métiers de la recherche, de l’enseignement et de l’ingénierie Sous la direction de M./Mme : Olivier LUMBROSO Membres du jury : M./Mme : Marina KRYLYSCHIN Année universitaire 2023-2024 3 Remerciements : Je tiens tout d’abord à remercier Sylouan de m’avoir permis de faire mon stage dans un cadre de travail exceptionnel et de m’avoir soutenu dans toutes mes démarches créatives. Merci aussi à Julie pour tous ses conseils et son soutien constant lors de mon séjour à San Francisco. Merci à Olivier Lumbroso, directeur de ce mémoire, pour son expertise, sa disponibilité malgré la distance, et surtout pour m’avoir inspiré le sujet de mon mémoire. Merci à mes deux acolytes et soutiens fondamentaux Emma et Eloïse pour tous nos rires, restaurants et moments d’amusement. Merci à ChatGPT pour son travail sans relâche lors de la génération d'images au cours de mes activités à l’Alliance française de San Francisco. Merci à ma formidable amie Sarah pour son soutien inébranlable et total dans ma recherche et la rédaction de celle-ci et son amitié qui m'a donné du courage depuis notre rencontre et ce au- delà des frontières. 4 Table de matières : Introduction :...................................................................................................................... 8 Chapitre I : Définition et contextualisation du dessin et de l'image en FLE................... 12 1.1 Le dessin et l'image : concepts et caractéristiques............................................................. 12 1.1.1 Définition et typologie des visuels utilisés en FLE.................................................... 12 1.1.2 Typologie des visuels utilisés en enseignement des langues...................................... 14 1.1.3 Caractéristiques spécifiques du dessin dans le contexte linguistique......................... 15 1.2 Potentiel pédagogique du dessin........................................................................................ 17 1.2.1 Le dessin comme outil de structuration du discours écrit........................................... 19 1.2.2 Impact des représentations visuelles sur l'engagement des apprenant.e.s.................. 20 1.2.3 Effets cognitifs des visuels sur les productions des apprenant.e.s en FLE................. 22 1.2.4 Contribution au plaisir d'apprendre par la production iconographique...................... 23 Chapitre II : San Francisco entre modernité et ancienneté.............................................. 25 2.1 Cadre institutionnel et contexte sociétal de l’Alliance française de San Francisco........... 25 2.1.1 Infrastructure et ressources disponibles à l'Alliance française de San Francisco pour une récolte de données dite écologique et éthique de recherche......................................... 26 2.1.2 Politiques éducatives et directives institutionnelles.................................................... 27 2.2 Le public cible et l'utilisation du dessin............................................................................. 29 2.2.1 Profil des apprenant.e.s en FLE à l'Alliance française de San Francisco................... 29 2.2.2 Besoins et attentes vis-à-vis des supports visuels....................................................... 30 2.2.3 Diversité et besoins spécifiques des apprenant.e.s...................................................... 32 2.2.4 Limites et insécurités.................................................................................................. 33 Chapitre III : Le dessin entre sublimation des productions orales et impertinence pédagogique..................................................................................................................... 35 3.1 Le dessin comme outil mélioratif des expressions orales.................................................. 35 3.1.1 Techniques pour encourager l'oralité à partir du dessin............................................. 35 3.1.2 Activités orales basées sur la création de dessins pour engager la spontanéité.......... 37 5 3.1.3 Promotion de la communication et de la collaboration par le dessin......................... 39 3.2 Les limites du dessin à San Francisco................................................................................ 40 3.2.1 La gamification et la dynamique du jeu...................................................................... 40 3.2.3 Désillusion et ouverture.............................................................................................. 42 Chapitre IV : L'évolution du dessin et de la production d'images avec l'intelligence artificielle......................................................................................................................... 44 4.1 Repenser le dessin dans un contexte technologique.......................................................... 44 4.1.1 Présentation des outils d'I.A. dans la création de dessins : le cas de l’I.A. générative.............................................................................................................................................. 45 4.1.2 Retour sur l’insécurité créative et artistique............................................................... 46 4.1.3 Avantages et limites de l'I.A. en pédagogie................................................................ 48 4.2 Intégration de l'IA dans les pratiques pédagogiques.......................................................... 49 4.2.1 Défis et opportunité : adaptation des apprentissages avec l'utilisation de l'I.A.......... 50 4.2.2 Réactions et adaptations des apprenant.e.s face aux images générées par I.A........... 51 4.2.3 Le prompt et ses spécificités....................................................................................... 54 4.2.4 L’I.A. et le dessin........................................................................................................ 56 4.3 Perspectives futures et innovations.................................................................................... 57 4.3.1 Implications pour l'enseignement des langues............................................................ 57 4.3.2 Limites et dangers de l’I.A. générative....................................................................... 58 4.3.3 Limites de l'étude et recommandations pour une utilisation optimale de l'I.A. générative d’images en FLE................................................................................................ 59 4.3.4 Évolution des outils de dessin et d'I.A. de dépassement de la condition de l’image.. 62 4.4 I.A. : Mort ou renaissance de la tradition........................................................................... 63 Conclusion....................................................................................................................... 65 Bibliographie :................................................................................................................. 69 Annexes :......................................................................................................................... 72 Abstract :.............................................................................................................................. 108 6 Avant-propos sur l’usage de l’écriture inclusive : Bien que l’écriture inclusive ne soit pas encore une norme d’écriture bien représentée, il me semblait nécessaire de l’utiliser dans ce mémoire. Même si certain.e.s enseignent encore aux enfants ou à leurs apprenant.e.s que « le masculin fait le neutre » nous avons décidé que la neutralité au sein de ce mémoire serait mieux représentée grâce à l’écriture inclusive. De plus, pour bien représenter la ville de San Francisco aux Etats-Unis, parfois surnommée « la capitale queer du monde », l’utilisation d’un mode d’écriture plus inclusif nous a semblé être obligatoire. C’est pour ne pas omettre les femmes et personnalités non-binaires que nous avons employé le point médian ainsi que d’autres néologismes tels les pronoms personnels masculins et féminins soudés entre elleux, cités en-dessous. Celleux : celles et ceux et autres pronoms Elleux : elles et eux et autres pronoms Elui : elle et lui et autres pronoms Iel : Elle et il et autres pronoms Iels Elles et ils et autres pronoms 7 Introduction : L’objectif de recherche de ce mémoire nous est parvenu suite à une rencontre didactique avec le dessin réflexif comme outil d’expression en classe de français langue étrangère (désormais FLE). Nous n’avions à ce moment-là jamais envisagé sérieusement le dessin et la production graphique comme des moyens de communication ou d’apprentissage. De même, nous n’imaginions pas utiliser le dessin auprès d’un public adulte dans le but d’améliorer les productions linguistiques de celui-ci. Cependant, après de nombreuses interrogations et l’étude d’un article de revue nommé Esquisse d’un dialogue entre didactique de l’écrit et critique génétique : l’élève « auteur-dessinateur » (2007) écrit par O. Lumbroso, chercheur et professeur de littérature française à l'université Sorbonne-Nouvelle-Paris 3, nous nous sommes passionnés pour le sujet. Dans cet article l’auteur met en évidence certaines difficultés observées auprès d’un public scolaire lors de cours de français. Ce même auteur propose de revisiter le brouillon jusqu’ici textuel pour en proposer un avec des alternatives graphiques tels des dessins ou des croquis. Cet article nous a permis de nous questionner à notre tour sur les usages et les pratiques du dessin en classe de FLE auprès d’un public adulte. Le choix de notre lieu de recherche a été un facteur crucial dans l’évolution de notre sujet. Nous avons eu l’opportunité d'enseigner le FLE dans la plus vieille Alliance française des Etats-Unis : celle de San Francisco. Si ce choix de terrain s’annonçait à l’origine juste propice à la récolte de données grâce à la flexibilité des politiques éducatives de cet établissement. Il s’avère que l’Alliance française de San Francisco nous a fortement influencés dans la direction de notre analyse. En effet, le plus grand défi actuel de l’Alliance française de San Francisco est de rester compétitive face aux autres établissements et écoles de FLE et ce notamment vis-à-vis de l’importance de la modernité et de l'implantation de nouvelles technologies pour suivre le rythme intense et moderne imposé par les dynamiques de la Californie du Nord qui regroupe la plupart des grandes entreprises multinationales d’origine américaine en lien avec le développement des technologies. C’est dans cette ambiance moderne, presque futuriste, entouré de tableaux numériques connectés que nous avons été formés à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le cadre de la didactique des langues étrangères. C’est avec émerveillement et grande curiosité que nous avons ainsi décidé d’étendre notre sujet en ne nous arrêtant pas seulement sur les dessins traditionnels mais, en explorant les capacités de l’intelligence artificielle à générer des images dans un contexte d’apprentissage du FLE. 8 Ce mémoire s'inscrit dans le domaine de la didactique des langues. Ce secteur relève d’une grande importance puisqu’il permet, entre autres, de développer du matériel pédagogique ainsi que de proposer des ressources différentes, uniques et innovantes. Ainsi, cette recherche vise à contribuer à la compréhension et à la résolution des défis inhérents à ce domaine, en apportant des solutions et des points de vue différents afin d’observer des possibilités et des limites dans le but d’imaginer de nouvelles perspectives. Nous vérifierons ainsi si le dessin et la génération d’image peuvent avoir un impact sur les méthodes pédagogiques employées au sein des salles de classe à l’Alliance française de San Francisco. La production d’image pourrait être envisagée comme un processus médiateur entre la pensée et les productions des apprenant.e.s. Pour vérifier cela, il nous faut nous intéresser à la psycholinguistique des différents acteurs et actrices de la recherche pour observer de possibles liens cognitifs sur la motivation et sur la récupération des informations linguistiques. Par conséquent, cette recherche a pour but d’observer l’impact positif ou négatif de l’emploi du dessin dans le processus de la production écrite ou orale. N'ayant jamais été témoins de méthodes d'apprentissage intégrant des phases de production graphique, nous avons trouvé pertinent d'étudier le dessin, tant pour enrichir notre approche pédagogique que pour contribuer à l'évolution de celle de l'Alliance française de San Francisco. Cette dernière, en quête de modernisation, semble avoir perdu une part significative de créativité dans ses pratiques enseignantes. De là découlent plusieurs questions de recherche : Le dessin est-il un art hermétique et/ou incompatible avec notre public ? Le dessin peut-il stimuler la créativité des apprenant.e.s ? Est-ce que le dessin peut augmenter l’engagement et la motivation des apprenant.e.s ? Le dessin est-il un outil qui permettrait de nourrir la spontanéité des apprenant.e.s lors de leurs productions orales ? Par ailleurs, des hypothèses sur l'impact de l'intelligence artificielle sur les productions graphiques nous interpellent également : Que vient ajouter ou retirer la production d’images par le biais de l’intelligence artificielle au dessin traditionnel ? Face à toutes ces hypothèses, émerge notre problématique : Dans quelles mesures la production d’image peut pousser les apprenant.e.s de FLE de l’Alliance française de San Francisco à se surpasser lors de leurs productions linguistiques ? Pour traiter de ce sujet, nous diviserons cette recherche en quatre chapitres : Dans un premier temps, nous mettrons en place un cadre théorique avec un premier chapitre ayant pour but de revenir sur la notion de l’image et du dessin traditionnel. En effet, une analyse 9 de l’approche de l’image semble dans un premier temps primordiale avant de nous concentrer sur l’étendue des productions graphiques. Nous examinerons les recherches consacrées à l'image pour comprendre comment elle a été intégrée dans des contextes éducatifs similaires et comment le dessin a été exploité dans l’enseignement des langues. Dans un second temps, nous expliquerons dans un autre chapitre le contexte unique de l'Alliance française de San Francisco, un lieu où se rencontrent modernité et tradition. Dans ce chapitre, nous comprendrons quels ont été les challenges et les besoins du public étudié. Ceci nous permettra d’évaluer les défis spécifiques de l'intégration des activités graphiques et des conséquences que cette méthode inhabituelle peut avoir sur ce public. Dans un troisième temps, nous explorons le rôle du dessin comme un puissant catalyseur pour l'amélioration des compétences orales des apprenant.e.s de l'Alliance française de San Francisco. Nous observerons comment une approche didactique par le dessin peut améliorer les productions des apprenant.e.s notamment à l’oral pour engager la spontanéité et canaliser la pensée. En outre, au sein de cette même partie, nous comprendrons les grandes difficultés et limites que nous avons rencontrées avec l’utilisation du dessin à l’Alliance française de San Francisco. Enfin, c’est à partir de ces déceptions que nous allons observer dans un dernier chapitre le potentiel naissant de la génération d’image par le biais des intelligences artificielles. Ce chapitre abordera notamment l’évolution des formes du dessin dans le contexte de l'avancée technologique. Ce contexte moderne est tout particulièrement présent à l’Alliance française de San Francisco. Au sein de ce chapitre, nous examinerons comment l’intelligence artificielle peut venir réinventer les activités de productions d’images et redéfinir les limites que nous avions observées avec le dessin traditionnel. Afin de réaliser cette étude, nous avons expérimenté auprès de groupes d’apprenant.e.s pour la plupart d’origine américaine et de niveaux variés allant du A1 au C1 selon le CECRL1 (2001). Les données ont été récoltées lors de séances au sein des cours proposés par l’Alliance française de San Francisco. Notre corpus de données est composé des productions, des dessins, fait par des deux groupes d’environ quatorze apprenant.e.s lors de leur apprentissage de la langue française ainsi que des réponses à des questionnaires. Afin de procéder à une récolte la plus écologique possible, celle-ci a eu lieu sans perturber la bonne continuité des cours et les apprenant.e.s ont tous et toutes été anonymisé.e.s afin d’instaurer une confiance quant à l’étude de leurs informations. Il convient de noter que cette étude présente certaines limites, et qu’elle 1 Le cadre européen commun de référence pour les langues est un classement qui permet d'évaluer le niveau de maîtrise d'une langue étrangère. 10 ne s’applique que sur un public précis et que chaque facteur possède son importance dans la compréhension des données récoltées qui, elles-mêmes, pourraient varier d’un groupe à un autre. D’autre part, il est aussi important de comprendre que nous avons fait le choix d’envisager la génération d'images avec l’intelligence artificielle comme une des évolutions possibles du dessin dans un contexte de modernisation des apprentissages. 11 Chapitre I : Définition et contextualisation du dessin et de l'image en FLE 1.1 Le dessin et l'image : concepts et caractéristiques 1.1.1 Définition et typologie des visuels utilisés en FLE Lors de cette étude, nous allons nous intéresser aux productions iconographiques des apprenant.e.s en classe de FLE à l’Alliance Française de San Francisco. Cependant, de toutes les productions graphiques possibles en classe de FLE, nous concentrerons principalement sur le dessin. En effet, ce type de production est le plus propice à une réalisation rapide, efficace et nécessitant peu de matériel. En opposition, nous pouvons mentionner la peinture ou le collage qui sont très exigeants en termes de matériels, d’entretien de celui-ci ou en technique artistique. Le dessin est donc une solution simple et moins chronophage que les autres. Bien que le dessin sera au centre de cette étude, nous n’oublierons pas de parler de son/ses évolutions et d’autres alternatives potentielles à celui-ci, notamment dans l'ère numérique que nous traversons. De ce fait, pour étudier le dessin, il nous faudra tout d’abord revenir sur la notion de l’image qui est essentielle pour la bonne compréhension du reste de cette étude. Selon G. Constantinou (2023), dans un article nommé l’inestimable potentiel de l’image en classe de FLE, l’image constitue un outil qui facilite la compréhension des concepts linguistiques. Elle permet de donner sens à des explications et d'illustrer un métalangage trop souvent abstrait. De plus, cette même autrice expose des théories sur la complexité de l’image en nous rappelant ses cinq caractéristiques majeures qui sont : Sa dimension narrative et ludique permettant de raconter une histoire. Ses différentes normes d’usage qui lui permettent d’exister sous des formats variés, que ce soit dans son unicité ou en accompagnement d’un autre document comme un texte ou des documents audios. Sa capacité à permettre la perception d’un langage verbal et non verbal, de par sa fonction culturelle et symbolique. Son potentiel modélisateur pour ouvrir des champs de thématiques et sa capacité à mettre en évidence des champs lexicaux. 12 Sa valeur en tant que document modélisateur et finalement sa capacité à développer l’esprit d’analyse et de synthèse notamment quand elle est un outil ou un support de connaissance. Par conséquent, nous voyons que l’image est un support extrêmement varié et riche en potentiel pour des utilisations didactiques et pédagogiques. Elle permet entre autres de mettre en évidence du sens sans utiliser des mots ou du texte, tout en stimulant la créativité des apprenant.e.s. C’est pour ces raisons que les documents iconographiques sont les documents les plus présents dans les manuels scolaires avec les textes littéraires comme le démontre F. Abdelouhab (p.3, 2019) dans une de ses recherches sur les manuels scolaires. L’image est régulièrement la première, et souvent l'unique, solution apportée à un texte littéraire pour lui apporter de la multimodalité. Cependant, l’image est souvent reléguée au second plan de l’analyse. Elle se trouve même oubliée, ne faisant office que de décor du texte littéraire. Malgré cela, elle reste un document potentiellement authentique2 et utilisable dans toutes les phases de l’apprentissage3 et peut être proposée comme support dans diverses activités orales ou écrites. L’image est une notion polysémique, selon le dictionnaire Le Robert4, l’image est une « reproduction visuelle d'un objet réel ». Dans le cadre de notre recherche qui porte sur le dessin, et qui a pour définition selon ce même dictionnaire la « représentation ou suggestion des objets sur une surface, à l'aide de moyens graphiques », nous allons nous intéresser aux images en excluant les documents iconographiques qui relèvent de la photographie. En effet, la photographie fige avec précision un moment fixe de la vie. A l’inverse, les images « créées » telles que le dessin par exemple possèdent des limites beaucoup plus floues et étendues. Ces limites, plus abstraites, représentent certains avantages considérables dans le milieu de l’éducation. Comprendre une image relève en soi d’un réel travail. Dans un article nommé Promenade pédagogique au Louvre : d'un récit à l'autre passer par la peinture pour travailler la notion de récit, M. Claude, autrice et professeure en didactique explique qu’« il faut parfois 2 Un document dit authentique est matériel qui n'est pas conçu spécifiquement pour l'enseignement, mais qui provient de contextes réels et naturels de la vie quotidienne 3 Selon la trame méthodique repère de l’enseignant 4 Dictionnaire français depuis 1951 13 consacrer du temps à bien regarder une image, et y découvrir, agencées dans l’espace du tableau, des actions successives » (ibid, p. 71, 2008). L’image possède des sens, et ses significations sont souvent partagées au-delà des barrières de la langue et des frontières. Nous pouvons convenir que « certaines images nous fournissent un ensemble de signes culturels par le biais de l’utilisation de codes qu’il s’agit de décrypter. » (Bertrand, p. 106, 2005). Bien que chaque culture possède des représentations différentes, des visions uniques et des sensibilités variées, l’image permet efficacement de représenter le lien entre un mot et sa représentation visuelle. Elle est un excellent moyen de faire le lien entre le signifiant et le signifié du linguiste suisse Ferdinand de Saussure5. Par conséquent, l’image devient un outil de « traduction » en plus d’être un outil de communication. Elle permet un accès direct au sens paraphrase. 1.1.2 Typologie des visuels utilisés en enseignement des langues Les documents visuels sont multiples et possèdent des intérêts et des particularités uniques. L’objectif des visuels est de rendre les cours plus attractifs, compréhensibles et interactifs. L’image peut aussi être envisagée comme un support à part entière, comme un outil médiateur entre les différentes étapes de productions ou comme une illustration annexe d’un autre document ou d’une réalisation des apprenant.e.s. La photographie, l’illustration, le dessin, les vidéos et les animations sont également des images dynamiques. Nous pouvons aussi parler des graphiques et cartes mentales qui sont aussi des représentations visuelles de la pensée. Tous ces supports peuvent être produits par les apprenant.e.s pour accompagner leurs expressions écrites ou orales. Au sein de cette recherche, le dessin et en particulier le croquis sera notre outil cible en raison de sa simplicité d'exécution, mais aussi pour son aspect plus universel. Le dessin est l’une des premières activités que l’on propose à un enfant dès la petite section6 (depuis ses 3 ans). C’est un outil d’apprentissage mis en avant afin de développer sa motricité fine ainsi que sa créativité lors de sa scolarisation en contexte éducatif occidental. De la même manière que les enfants, les apprenant.e.s de FLE 5 Linguiste Suisses célèbre pour ses contributions majeures à la linguistique structurale et à la sémiologie, qui est l'étude des signes et de leurs significations. 6 Première étape de scolarisation d’un enfant en France 14 possèdent des difficultés dues à leur manque de vocabulaire, de connaissances en grammaire, en syntaxe et en prononciation pour pouvoir s'exprimer pleinement et de manière fluide. C’est pour venir compenser ceci que le dessin leur est proposé comme médiateur dans un processus de communication afin de développer ou aider au développement de leurs productions. Le professeur de psychologie A. Lieury explique dans son article Psychologie pour l'enseignant que : Le dessin est une activité privilégiée de l’enfant, en particulier par la possibilité d’expression qu’il offre. C’est un véritable témoin de son évolution : psychomotrice […], intellectuelle (on y voit par exemple des éléments significatifs de l’égocentrisme de sa pensée […]), et affective (il peut y exprimer ses émotions et son vécu intérieur, plus facilement qu’avec des mots. (A. Lieury p. 19, 2010) De manière similaire, les apprenant.e.s de FLE, font souvent face à certaines difficultés linguistiques qui peuvent bloquer le bon déroulement de leur expression. A cela s’ajoutent d’autres facteurs tels que l’insécurité linguistique qui est un facteur sociolinguistique qui désigne le sentiment d'insuffisance que peuvent ressentir les apprenant.e.s lorsqu'iels utilisent dans notre cas la langue française. Celle-ci empêche ceux qui en souffrent de s’exprimer et de transmettre leurs pensées de manière claire, complexe et spontanée. Le dessin dans notre recherche est un outil accompagnateur et/ou médiateur visant à organiser la pensée et ainsi à aider la production d'un discours structuré. Il apporte une distance qui rend les images plus supportables que d’autres supports langagiers. 1.1.3 Caractéristiques spécifiques du dessin dans le contexte linguistique Dans le contexte de notre étude, nous définirons cinq fonctions du dessin dans un cadre d’apprentissage des langues et notamment du FLE : Dans le contexte de l'apprentissage des langues, les tâches de dessin servent avant tout à visualiser et à matérialiser des concepts abstraits, facilitant ainsi leur compréhension et leur acquisition. La représentation graphique de la pensée permet aux apprenants de lier le vocabulaire nouveau à des images concrètes, ce qui peut aider à ancrer ces termes dans la mémoire à long terme. Cette approche est soutenue par la théorie de la dualité du code (1986) de A.Paivio, un psychologue canadien, mentionné par A. Lieury dans un article intitulé le double codage des dessins en fonction du temps de présentation et de l'ambiguïté, qui postule 15 que l'information est mieux retenue lorsqu'elle est présentée à la fois sous forme verbale et imagée. Le dessin peut également jouer un rôle crucial dans l'illustration de scénarios ou de situations de communication, offrant aux apprenants des contextes riches et détaillés dans lesquels le nouveau vocabulaire peut être employé. Cette stratégie supporte la mémorisation non seulement par la répétition visuelle mais, aussi par la contextualisation, élément clé dans l'apprentissage des langues selon l'approche communicative7. En outre, les dessins peuvent servir de supports mnémotechniques efficaces, en associant des éléments lexicaux à des représentations visuelles, ce qui favorise le rappel et la réutilisation des structures linguistiques apprises. L'utilisation du dessin en classe de FLE peut significativement augmenter la motivation des apprenants. En effet, les activités artistiques sont souvent perçues comme plus engageantes et moins intimidantes que d'autres formes d'exercices linguistiques. De plus, elles permettent une expression personnelle et créative, contribuant à réduire l'anxiété et à bâtir une atmosphère de classe positive et ouverte. Sur le plan cognitif, les tâches de dessin stimulent la créativité et encouragent le développement de la pensée critique et analytique. En demandant aux apprenants de traduire des concepts abstraits en images, ces activités les poussent à utiliser des compétences de haut niveau telles que l'analyse et la synthèse. Cela peut également favoriser le développement de compétences de résolution de problèmes, essentielles dans l'apprentissage autonome et l'acquisition de compétences linguistiques. Enfin, les dessins peuvent être utilisés pour transmettre des éléments socio-culturels essentiels à la compréhension complexe d'une langue. Par l'intermédiaire de l'art, les apprenants peuvent explorer et représenter des aspects culturels, des traditions, des symboles, et des réalités sociales des communautés francophones, facilitant ainsi un apprentissage interculturel qui est au cœur des compétences communicatives socioculturelles et sociolinguistiques. 7 L'approche communicative positionne l'apprenant dans le contexte des interactions avec d'autres apprenants et avec l'enseignant. En revanche, l'approche actionnelle se focalise moins sur la langue elle-même que sur la résolution de problèmes ou la réalisation d'objectifs spécifiques. Dans ce cadre, la langue est utilisée comme un outil intermédiaire. 16 Ainsi, les tâches de dessin dans l'enseignement du FLE peuvent être exploitées de manière stratégique pour enrichir l'expérience éducative, en adressant simultanément plusieurs dimensions de l'apprentissage linguistique et culturel. La mise en œuvre de ces activités devrait être pensée de manière à maximiser leur potentiel pédagogique tout en respectant les divers styles d'apprentissage des étudiant.e.s. 1.2 Potentiel pédagogique du dessin Dans le cadre de notre recherche, nous nous intéressons spécifiquement à la capacité du dessin à enrichir les phases préliminaires d'une production et l’envisager dans sa dimension holistique. Nous inscrivons ici le dessin dans un programme d’expression de la même manière que Louis Hay, écrivain et linguiste dans son ouvrage nouvelles notes de critique génétique : la troisième dimension de la littérature (1987), fait une distinction entre l'écriture à programme et l'écriture à processus. L'écriture à programme implique une intentionnalité et une planification préalable, où chaque élément est pensé pour répondre à des objectifs spécifiques. En intégrant le dessin dans un programme d'expression, il peut s’inscrire aux côtés, ou à la place des écrits intermédiaires. Nous tendons parfois à minimiser les productions d’apprenant.e.s en divisant « les vrai.e.s auteur.rice.s » aguerri.e.s de celleux qui débutent où qui « apprennent ». Pourtant une étude plus approfondie des écrits pré-rédactionnelles nommées « une théorie cognitive du processus de l'écriture »8 (1981) faites par L. Flower et J. R. Hayes met en évidence de nombreuses similarités quant aux processus de réflexion et de complexité des tentatives d’écriture. Selon elleux la planification de l’écriture joue un rôle clef pour organiser la pensée et former un texte cohérent. Dans notre étude, les dessins s’intègrent donc dans un processus d’écriture. Ici, nous pouvons observer le dessin de Chu, une apprenante de niveau intermédiaire à l’Alliance française de San Francisco : 8 Traduit de l’anglais : « A cognitive process theory of writing » 17 Dessins de Chu lors d’un atelier d’écriture (annexe II) : Cet exemple est tiré d’une activité réalisée lors d’un atelier nommé «auteur.rice.s/dessinateur.trice.s» qui avait pour but de guider les apprenant.e.s dans la préparation de leur brouillon en les incitant à utiliser des dessins plutôt que du texte. Ici, Chu témoigne que « J’adore dessiner donc je ne pensais pas écrire avec. J’ai dessine mon histoire et ca a ete trop simple pour moi d’ecrire mon dessin. En addition je n’aime pas ecrire encore le texte de mon brouillon donc c’etait plus interessant car ecrire encore mon brouillon m’ennui. Je voyais les etapes et j’ai ecrit super vite. Ca m’aide a penser en francais sans l’anglais » (voir annexe VIII). Ce témoignage vient soutenir notre hypothèse sur le rôle clef que le dessin peut avoir dans la construction du texte. Nous pouvons observer que, Chu, qui possède des difficultés lors de ses productions à cause de nombreux anglicismes, explique qu’elle a pu procéder à sa rédaction plus efficacement avec le dessin en support visuel. Par conséquent, nous observons sur sa copie un travail de rature pour travailler sur la qualité de son français grâce au temps qu’elle a gagné en organisant sa pensée par le dessin. 18 1.2.1 Le dessin comme outil de structuration du discours écrit Dans le contexte d’apprentissage du FLE à l’Alliance Française de San Francisco, le brouillon est un outil qui n’a pas vraiment de but précis et se retrouve jeté et oublié. Pourtant, il est source d’un travail pré-rédactionnel riche en possibilités communicatives et didactiques. Le brouillon, correctement analysé, peut permettre de comprendre les intentions, les choix qu’ont effectué les auteur.rice.s dans leurs démarches d’écriture. Dans la classe de FLE en particulier, le brouillon possède un inestimable pouvoir. En plus de renseigner les enseignant.e.s sur les réflexions des apprenant.e.s sur leurs choix narratifs, ils apportent des indices sur les difficultés linguistiques rencontrées par les apprenant.e.s lors de la préparation de leurs productions. Dans un article de revue littéraire nommé Les brouillons et l'école : ce qu'a changé la critique génétique (2004) C. Fabre-Cols écrivaine en sciences du langage explique que le brouillon est donc la genèse de l’expression qu’elle soit écrite ou même orale. Etudier les brouillons ou l’avant-texte de ses apprenant.e.s et procéder à leur observation « permet de repérer les marques d'une démarche plus personnelle : procédures et rituels idiosyncrasiques, présence et qualités de l'auto-évaluation n’apparaissent plus seulement estimables et didactisables selon la qualité du produit final ». (C. Fabre-Cols, p. 22, 2004). La réhabilitation de ce matériel jusqu’à présent « méprisé » est essentielle en classe de FLE. Celui- ci permet de mieux comprendre les différentes démarches et les sensibilités des apprenant.e.s. A l’Alliance française de San Francisco, pour les productions écrites, les apprenant.e.s n’utilisent que très rarement de brouillons et, pour les productions orales, le brouillon devient un script de la production finale. Dans les productions orales, le brouillon, qui a une valeur de script, vient « gâcher » la performance des apprenant.e.s. En effet, à l’oral, l’authenticité et la spontanéité sont deux compétences recherchées. Avec un « brouillon-script » la spontanéité de l’exercice oral se retrouve totalement oubliée et celui-ci en devient un exercice de lecture et de prononciation. C’est pour cela que nous avons proposé en alternative au brouillon scripté, celle du dessin. O. Lumbroso, chercheur et professeur de littérature française, dans un article intitulé Esquisse d’un dialogue entre didactique de l’écrit et critique génétique : l’élève « auteur-dessinateur » (2000) fait un lien en les scripteurs débutants et les scripteurs aguerris et explique que la différenciation faite entre ces deux groupes est dans une certaine mesure arbitraire. Il explique 19 que « la palette et l’écritoire ne cessent donc de dialoguer chez les peintres comme chez les écrivains » (O. Lumbroso, p.72, 2000) et ce autant pour les scripteurs débutants que les « grands écrivains » tant que ceux-ci sont confrontés à cette possibilité. Aussi, il montre que le croquis est un moyen de projection personnel : « le croquis est conçu comme un objet sémiotique incomplet appelant un travail de l’imaginaire autour de possibilités figuratives » (O. Lumbroso, p.72, 2000). Cette démarche s’inspire des brouillons produits par de nombreux auteurs francophones historiques dits « classiques » tels que Hugo, Stendhal, Zola et d’autres. Pour eux, le dessin a été un moyen de développer leurs imaginaires et d’apporter un visuel « concret » à leurs écrits. Les croquis apportent donc une dimension supplémentaire à ces auteurs. Par exemple, des procédés tels que la cartographie, ou la topographie ont pu être utilisés afin d’enrichir et d’approfondir une visualisation avec des mots qui n’est pas toujours propice pour une restitution graphique exacte. Aussi les croquis peuvent faire office de note mentale et visuelle pour les auteurs. Les croquis viennent ici alléger la mémoire des auteurs qui doivent se souvenir de nombreuses informations et de nombreux visuels d’architecture, de décors ou de paysage. 1.2.2 Impact des représentations visuelles sur l'engagement des apprenant.e.s Le dessin est la création d’une image par un.e apprenant.e qui vient exprimer de manière iconographique une pensée, des mots, une subjectivité qui leur est unique et enrichie par leurs expériences personnelles et culturelles. Le dessin est porteur de sens. C’est une option mettant en avant le visuel aux côtés des mots. B. Ertek, dans un article nommé choix et utilisation des supports pédagogiques dans l’enseignement du français langue étrangère (2020) convient que : « Il nous faut aussi repérer les fonctions de l’image quand elle accompagne le texte. On peut la rencontrer en tant que référentiel du texte : c’est le cas des dessins qui accompagnent certaines entrées du dictionnaire, certaines petites annonces et qui peuvent avoir une fonction de séduction dite « appellative », c’est l’image en couverture d’un livre ou d’une revue. On peut aussi tomber sur une fonction « provocatrice » ou de choc, dont le but sera de faire lire. Parfois, elle fera figure d’adjuvant symbolique par rapport au texte. Certaines images assumeront ces trois fonctions simultanément, d’autres privilégieront l’une d’entre elles. Dans certains modes d’emplois ou recettes de cuisine, l’image semble jouer le rôle de relais qui est parfois celui dû à son égard texte à son égard : l’image vient en quelque sorte confirmer la bonne lecture du texte. » (B. Ertek p.17, 2020) 20 Cet auteur explique que le dessin peut rajouter une dimension multimodale aux différents types d’expression en classe de FLE. En plus d’être un support iconographique donnant la capacité d’illustrer ses propos, le dessin apporte une dimension supplémentaire à la réflexion. C’est un moyen différent de réfléchir et de s’exprimer qui n’est pas toujours mis en avant dans les méthodes d’expression classique en FLE. De nombreux.euses chercheur.euse.s en didactique des langues dont notamment V. Laurens dans un article de revue nommé du fonctionnel à l'actionnel : continuité et innovation dans la réflexion méthodologique pour l'enseignement du FLE ont déjà démontré l’importance de mettre en avant différents moyens d’apprentissage en avant car, toustes les apprenant.e.s ne possèdent pas les mêmes types de mémoire ou de fonctionnement. Par conséquent, dans notre cas, enrichir le brouillon et les écrits intermédiaires par une étape iconographique pourrait être un moyen de stimuler certain.e.s apprenant.e.s qui pourraient se retrouver bloqué.e.s ou déconcerté.e.s par les méthodes de production ou d’apprentissage dites traditionnelles. Aussi, dans un ouvrage nommé les littératies : une notion en questions en didactique, (2012) M. Molinié et D. Moore, chercheuses et didacticiennes expliquent que la prolifération des termes en français invite tout d’abord les locuteur.rices à procéder à une clarification de la parole et du langage. La pluralité des termes et les nuances possibles que nous offrent la grammaire et le vocabulaire en français font à la fois la beauté de la langue et participent grandement à sa complexité. En plus de cela, ces mêmes autrices défendent que le langage dépend de nombreux facteurs en fonction des origines sociales et des politiques éducatives connues par chaque apprenant.e. Par conséquent, les éléments visuels et les productions graphiques peuvent être un moyen de pallier la difficulté de s’exprimer avec précision dans une langue étrangère et riche en nouvelles possibilités. A l’Alliance française de San Francisco, nous avons remarqué que l’engagement des apprenant.e.s se trouve stimulé par les activités créatives et graphiques. En effet, suite à un sondage (voir annexe VI) réalisé auprès d’une des classes de niveau intermédiaire, 89 % des étudiant.e.s pensent que les visuels les aident à produire en français et augmente leur motivation lors des tâches à réaliser. 21 1.2.3 Effets cognitifs des visuels sur les productions des apprenant.e.s en FLE La production iconographique est le produit d’un environnement de travail. Elle est le résultat de nombreuses influences issues de l'environnement dans lequel évoluent les individu.e.s. Toustes les apprenant.e.s apportent avec elleux un bagage socio-culturel et linguistique unique, ainsi que des sensibilités propres à chacun.e face à l’épreuve d’une réalisation artistique. Le dessin, en tant qu'outil pédagogique, possède le pouvoir de faciliter la mémorisation et la compréhension de certains concepts linguistiques tout en permettant leur association à des images et à des représentations sémantiques. Pouvoir relier des idées abstraites à des représentations concrètes renforce la rétention d'informations et favorise une meilleure compréhension globale. Par exemple, un schéma ou une illustration peut clarifier la structure d'un concept complexe, rendant ainsi son assimilation plus simple pour les apprenant.e.s. Un des points avantageux du dessin dans le processus d'apprentissage réside dans sa capacité à aller au-delà des barrières linguistiques. Alors que les mots peuvent parfois être limités dans leur capacité à décrire de manière exhaustive un concept, une image peut, quant à elle, apporter une dimension supplémentaire et enrichissante. Cela est particulièrement bénéfique pour les apprenant.e.s qui ont des styles d'apprentissage ou d’expression graphiques. Ceci est aussi valable pour celleux qui sont plus à l'aise dans la compréhension et la mémorisation d'informations visuelles. De plus, l'utilisation du dessin dans le cadre de la prise de notes ou de la documentation des informations peut améliorer l'organisation mentale des apprenant.e.s. Plutôt que de se perdre dans une multitude de notes écrites, les éléments visuels créés par le dessin offrent une structure différente qui facilite le rappel et le tri des informations lors des révisions ultérieures. Dans un article consacré à l'utilisation de tâches de dessin comme stratégie créative pour les élèves dans la classe d'anglais langue étrangère (EFL).9, Y. Gidoni (2013) observe que ce qui revient le plus lors d’une activité en lien avec le dessin chez les apprenant.e.s c’est le sentiment 9 Traduit de l’anglais “The use of drawing tasks as a creative strategy for pupils in the English as foreign language (EFL) classroom” 22 d’engagement et de motivation. En effet, elle note que la plupart d’entre elleux se sentent plus concerné.e.s par une production qui met en avant une stratégie d’élaboration par le dessin. Celui-ci vient briser leur routine scolaire habituelle et rend les leçons plus « expérimentales ». De ce fait, les apprenant.e.s vivent une « expérience » avant de vivre un exercice. Par conséquent, le dessin incite les apprenant.e.s à participer de plus en plus en dépit de leurs capacités langagières. La concentration est aussi un des points clefs que nous pouvons retrouver dans cet article. De nombreux.euses apprenant.e.s en difficulté pour diverses causes telles que des TDAH10 ou des formes de dyslexies se retrouvent plus intégré.e.s et concerné.e.s lors de la réalisation d’exercices avec des étapes de dessin. 1.2.4 Contribution au plaisir d'apprendre par la production iconographique Le plaisir est une notion parfois négligée dans l’enseignement du FLE à l’Alliance française de San Francisco ; que cela soit du côté des enseignant.e.s mais aussi du côté des apprenant.e.s. Des objectifs sont souvent fixés par les programmes et l’institution pour suivre un emploi du temps précis dans le but de maîtriser des notions précises rapidement. L’acquisition des langues et des compétences sociolinguistiques auprès d’un public adulte se retrouve connotée sérieuse et peu ludique. Dans une idée très similaire, les apprenant.e.s s’imposent aussi parfois un rythme de travail pour répondre à des besoins professionnels ou personnels et oublient que l’on peut s’amuser en apprenant. Beaucoup n'ont jamais appris à apprendre en s’amusant. Les politiques éducatives de nombreux établissements rejettent même l’amusement au détriment d’une pression plus ou moins implicite pour maintenir un rythme de travail « sérieux ». Certain.e.s apprenant.e.s expliquent n’avoir jamais appris à aimer apprendre et/ou apprendre en s’amusant. L’amusement est souvent considéré comme un facteur de distraction et n’est pour elleux que très rarement associé à une méthodologie d’apprentissage viable. S’amuser est 10 Trouble de l’attention et de l’hyperactivité 23 donc relégué au second plan de leur apprentissage. Par conséquent, à l’Alliance française de San Francisco, les cours de grammaire sont plus prisés que ceux d’écriture créative. P. Zhihong & X. Rixuan académiciens chinois en FLE, dans un article intitulé Apprendre avec plaisir et le plaisir de l’apprentissage (2016) expliquent que l’idée reçue que les types d’apprentissage doivent être sérieux est encore assez profondément enracinée. Un.e apprenant.e « aime apprendre le français parce qu’il a bien conscience que ce sera son outil de communication avec des Français dans le commerce, mais il ne sent pas de plaisir dans son apprentissage » (P. Zhihong & X. Rixuan, p.204, 2016) Pourtant, leurs recherches ont démontré que le plaisir était un facteur crucial dans l’acquisition de savoir de manière générale. Selon eux, le dessin peut être une source d’amusement en venant briser la routine qui peut s’installer en cours de FLE et en proposant une approche différente. « Apprendre comme un plaisir veut dire que l’activité d’apprendre est devenu un plaisir inhérent pour le sujet, qui est motivé intrinsèquement par l’activité elle-même. C’est une réalisation sentimentale et psychologique. » (ibid, p.205, 2016) 24 Chapitre II : San Francisco entre modernité et ancienneté 2.1 Cadre institutionnel et contexte sociétal de l’Alliance française de San Francisco L’environnement de notre recherche est un facteur essentiel pour la compréhension de celle-ci. Le cadre, le contexte, les caractéristiques des apprenant.e.s, les méthodes employées, la période scolaire ou temporelle peuvent avoir un impact conséquent sur une recherche. Pour que la compréhension et l’interprétation de celle-ci se déroulent correctement, il est très important de bien en définir les limites. Tout d’abord cette étude s’appuie donc sur de nombreuses lectures d’articles et d’ouvrages sur les diverses notions abordées lors de notre réflexion. Ensuite, nous nous appuierons sur une récolte de données sur l’utilisation du dessin lors du processus de production orale ou écrite à l’Alliance Française de San Francisco. L’Alliance Française de San Francisco est la plus ancienne Alliance Française des États-Unis. Aussi, la ville de San Francisco est l’une des agglomérations des États-Unis qui possède une des plus grandes communautés francophones. En effet, de nombreu.x.ses francophones sont arrivé.e.s sur la côte ouest des États-Unis lors de la « Gold Rush »11 qui a eu lieu lors du XIXe siècles. De ce fait, l’Alliance Française de San Francisco possède un bagage culturel et artistique énorme. Elle est de surcroît la première Alliance française aux États-Unis à ouvrir un musée concernant cette fameuse ère de la « Gold Rush ». Ce musée et cette réputation historique amènent de nombreux artistes francophones à collaborer et exposer leur œuvre lors d’expositions temporaires au sein des locaux de l’Alliance française de San Francisco. L’histoire de l’Alliance française de San Francisco, amène donc un public très varié à la visiter et à s’intéresser à la culture et à l’art francophone. C’est un centre de réunions socio-culturelles notable dans la ville. Par conséquent, du côté pédagogique de l’Alliance française de San Francisco, les apprenant.e.s viennent de parcours différents. Cependant, nous pouvons noter une récurrence dans la profession des apprenant.e.s. En effet, presque un tiers d’entre elleux 11 Termes anglais signifiant « Ruée vers l’or » 25 travaillent dans les entreprises de la Silicon Valley12 en tant qu’entrepreneur.euse ou ingénieur.e informatique. L’Alliance française de San Francisco dispense des cours du lundi au samedi pour un public de niveau A1 jusqu’à C1 selon le cadre européen commun de référence pour les langues ( désormais CECRL). Iels sont composé.e.s majoritairement d’adultes mais aussi d’enfants. 2.1.1 Infrastructure et ressources disponibles à l'Alliance française de San Francisco pour une récolte de données dite écologique et éthique de recherche L’Alliance française de San Francisco possède de grandes infrastructures très bien équipées numériquement avec une salle de projection ainsi qu’un musée moderne et connecté. Ces infrastructures nous ont permis d’effectuer notre récolte de données efficacement. Par conséquent, dans le cadre de cette étude, la collecte de données s'est principalement concentrée sur deux groupes distincts du côté des apprenant.e.s. Il nous convient de noter que, dès le début de chaque activité, les apprenant.e.s ont toustes été informé.e.s de la possibilité que leurs travaux soient utilisés à des fins de recherche. Cette sensibilisation préalable visait à garantir une transparence totale et à obtenir le consentement éclairé de toustes les participant.e.s impliqué.e.s lors des activités et tâches des apprenant.e.s. Une attention particulière a été accordée vis-à-vis de la confidentialité et de l'anonymat des données recueillies. Les apprenant.e.s ont été informé.e.s que leurs contributions seraient traitées de manière anonyme, afin de préserver leur identité et le bon déroulement du partage de leur production. Iels nous ont donc renseigné un pseudonyme. De plus, iels ont été informés de leur droit de refuser et/ou de partager leurs productions, sans que cela n'ait d'impact sur leur participation lors des classes et ateliers proposés dans le but de la récolte de données. Nous devons également souligner que, malgré ces mesures de précaution et de respect des droits des apprenant.e.s, aucun.e d’entre elleux n'a exprimé d'objection ou de mécontentement par rapport à l'utilisation de leurs travaux dans le cadre de cette recherche. Leur collaboration volontaire et leur compréhension de l'importance de toutes ces démarches ont grandement contribué à la qualité et à la pertinence des données collectées. De même, la récolte de données 12 Région de la Californie (USA) connue pour être le cœur de la recherche informatique 26 effectuée auprès des enseignant.e.s a suivi le même processus d’anonymisation et de transparence quant à l’utilisation des réponses au sondage auquel iels ont répondu. Nous avons jugé que cette anonymisation transparente pourrait permettre aux différent.e.s acteur.rice.s impliqué.e.s de près ou de loin dans cette recherche d’être plus honnêtes et transparent.e.s pour relater leurs expériences et leurs ressentis par rapport au sujet traité. Tout cela sans avoir peur que leurs données privées soient exposées à quiconque et/ou sans blesser l’auteur de la recherche. 2.1.2 Politiques éducatives et directives institutionnelles Étudier les apprenant.e.s semble être une priorité pour ce qui relève de cette étude. Cependant, prendre du temps pour aussi évaluer et observer le ressenti ainsi que les expériences personnelles des enseignant.e.s pourrait apporter du contexte et éclairer certains aspects complémentaires de la recherche. Dans le système scolaire actuel, les apprenant.e.s sont très dépendants des méthodologies et des politiques linguistiques et éducatives de leur enseignant.e.s. Par conséquent, l’opinion de celleux-ci possède un impact considérable sur celui que peut avoir leurs apprenant.e.s. Pour étudier ceci, nous avons élaboré un questionnaire que nous avons transmis auprès des cinq enseignant.e.s principaux.ales de l’Alliance française de San Francisco. Celui-ci avait pour objectif de les interroger sur leurs pratiques enseignantes et sur leurs expériences personnelles avec la créativité et le dessin au sein de leur apprentissage. De manière plus générale, l’analyse des réponses de ce questionnaire portant sur le dessin et la créativité auprès du corps enseignant permettra d’établir une conjecture sur l'existence ou non du dessin dans les méthodes d'enseignement de l'Alliance française de San Francisco. Ce questionnaire avait tout d'abord pour but d’explorer le rôle de la créativité dans le processus d’apprentissage des répondant.e.s. Les réponses montrent tout d’abord que de manière marquante que 75% des enseignant.e.s estiment avoir reçu un enseignement qui n’accordait que moyennement d’importance à la créativité (annexe V). De même, la totalité des répondant.e.s indiquent que 100% d’entre elleux n’ont jamais dessiné lors de l’apprentissage d’une langue étrangère au cours de leur scolarité (annexe V). Cette constatation soulève des interrogations sur l'approche pédagogique employée, et sur la place qui est accordée à 27 l'expression créative dans le cadre de leur propre enseignement. Ces résultats mettent en évidence un certain manque ou délaissement de créativité dans les éducations que celleux-ci ont reçu.e.s. Et nous pouvons nous demander quel impact ceci a eu dans leur propre méthode d’enseignement. Ensuite, les résultats suivants révèlent, de la même manière, au sein du corps enseignant de l’Alliance française de San Francisco qu’aucun.e d’entre elleux n’estime beaucoup employer des activités créatives dans leur pratique pédagogique (annexe V). Aussi, la moitié d’entre elleux admettent n’avoir jamais ou presque jamais utilisé le dessin en tant que support de production et d’apprentissage dans leurs cours (annexe V). Cette seconde observation soulève des questions sur les approches pédagogiques qui sont privilégiées dans l'enseignement du FLE au sein de cet institut. Elle met en évidence un potentiel inexploité (ou très peu) en matière d'intégration de la créativité et du dessin comme outils au sein de la transmission linguistique et/ou culturelle auprès des apprenant.e.s. Enfin, les opinions des enseignant.e.s sur la pertinence du dessin comme étant un outil autant adapté pour les adultes que pour les enfants divergent. En réponse à une question portant sur la légitimité du dessin auprès d’un public adulte, Sylouan, coordinateur pédagogique dit : « Non au contraire. Chaque apprenant est susceptible d'être réceptif à des activités qui vont stimuler son apprentissage de manière variée. J'estime qu'il faut multiplier les ressources d'enseignement pour sortir d'une approche trop traditionnelle, souvent monotone.». Néanmoins, Jules, enseignant, précise que « Je ne pense pas que le dessin doit être réservé à un public enfant. Je pense que tous les apprenants possèdent une sensibilité différente et que cela pourrait mobiliser certains d'entre eux. Cependant, au sein de toutes les possibilités créatives possibles, je trouve que le dessin n'est globalement pas la solution la plus adéquate à un cours de FLE et que d'autres moyens "plus adaptés" peuvent être mis en place». Ces deux réponses montrent une ouverture face à l’idée de faire réaliser des productions graphiques auprès des apprenant.e.s mais la seconde réponse, celle de Jules, émet aussi une réticence quant à la pertinence du dessin. Aussi, deux autres enseignantes avouent ne pas avoir d’opinion sur le sujet du dessin. Ainsi, nous pouvons constater à partir de ce questionnaire que les représentations des enseignant.e.s sur le dessin en tant qu’outil pédagogique dans l’apprentissage des langues étrangères sont assez floues et que cette option ne rentrait pas vraiment dans le champ de leur 28 possibilité. L’apport pédagogique que peut générer le dessin pour stimuler des productions écrites ou orales est donc pour eux un mystère. Par conséquent, nous pouvons comprendre que les méthodes d’apprentissage de l’Alliance française de San Francisco ont mis de côté la créativité et que, pour la réinstaller, nous avons dû fournir un travail non seulement auprès des apprenant.e.s mais aussi au sein du corps enseignant pour les sensibiliser au sujet. 2.2 Le public cible et l'utilisation du dessin 2.2.1 Profil des apprenant.e.s en FLE à l'Alliance française de San Francisco Les étudiant.e.s de l'Alliance française de San Francisco changent régulièrement. Chaque session de cours dure huit semaines et représente deux heures de cours par semaine pour un total de vingt heures d'apprentissage par session. Afin d’étudier l’impact du dessin sur les productions des apprenant.e.s nous nous sommes focalisés sur deux groupes d’apprenant.e.s dans des situations d’apprentissages différentes. Toustes sont des étudiant.e.s de l’Alliance française de San Francisco et sont des adultes agé.es de plus de 18 ans. Chaque groupe représentait environ une douzaine de personnes. Le premier groupe était composé de dix apprenant.e.s qui suivaient de manière hebdomadaire des cours de français à l’Alliance française. Le niveau de ce cours-là était A1.2 au commencement de notre récolte de données, et a évolué d’un cran pour chaque nouvelle session. Au sein de ce groupe, le dessin a été introduit lors d’un long processus afin de ne pas proposer cette nouvelle méthode trop brusquement à un public pour lequel dessiner n’est pas ancré dans des habitudes d’apprentissage. Pour cela, nous avons procédé à de nombreuses étapes d’approche et d’anticipation. Nous devons comprendre que cette classe suivait des cours selon une méthode qui mettait très peu en avant la créativité des apprenant.e.s. Par conséquent, nous avons tout d’abord introduit l’image comme étant un support déclencheur à part entière et non pas comme un simple outil qui accompagne les textes littéraires ou les compréhensions orales. Pour cela, nous avons instauré un temps d’anticipation sur chaque unité étudiée sous forme de discussion en groupe classe au début de chaque nouvelle séance autour d’une image (sans texte ni audio) en lien avec le thème de la séance. Puis nous avons introduit des activités en lien avec la création d’image ou l’exploitation de celle-ci à l’aide des jeux de société basés sur la création ou l’analyse d’image tels que « Dixit » ou «Canvas». Au cours de ces activités, 29 les apprenant.e.s ont pu se familiariser à produire en français au sein d’activités créatives dans leur apprentissage. Ces étapes primaires nous ont permis d’éveiller la créativité et la curiosité des apprenant.e.s qui ne l’utilisaient que peu lors de leur cours de FLE. C’est ainsi que nous avons pu intégrer le dessin de manière progressive au sein des productions des apprenant.e.s. Dans ce premier groupe, le dessin a été employé comme une stratégie d’apprentissage pour améliorer leurs productions. Il s’ancre dans une continuité pédagogique au sein de séances organisées en unité. Le dessin est donc un outil parmi d’autres qui permet aux apprenant.e.s d’apprendre et/ou de s’exercer en variant leurs approches d’apprentissage et en découvrant une nouvelle méthodologie innovante pour leur contexte. Le but du dessin était orienté vers la concentration et la mémorisation. Le second groupe était des apprenants et des apprenantes de niveaux variés allant du B1 acquis à C1 en acquisition. Ce groupe hétérogène faisait l’objet d’une classe de discussion très populaire à l’Alliance Française de San Francisco. Ce cours de deux heures par semaine avait pour but de mettre en avant l’importance de l’oralité dans l’apprentissage de la langue française. Les participant.e.s de cette classe s’étaient toustes inscrit.e.s dans le but de stimuler une collaboration créative pour peaufiner leurs compétences linguistiques à l’oral. 2.2.2 Besoins et attentes vis-à-vis des supports visuels En dehors des avantages précédemment cités sur le ressenti des apprenant.e.s par rapport à l’utilisation du dessin lors de leur cours de FLE. Mary, apprenante de niveau A2 de l’Alliance française San Francisco témoigne que : « J’ai aimé ! C'est une manière différente de communiquer et cela donne aux gens l'opportunité de s'exprimer de manière créative et artistique. De plus, c'est une sorte de moment "calme et réfléchi" où l'on ne parle pas et où l'on peut penser "hors des sentiers battus". On peut ajouter des mots à côté du dessin qui y correspond, si on le souhaite, donc cela pourrait être un dessin, avec ou sans mots.»13 13 Traduit de l’anglais : « I liked it! It's a different way of communication and gives people the opportunity to express themselves in a creative, artistic manner. Plus, it's kind of a "quiet, thoughtful" time where you're not speaking and can think "outside the box." One can add words next to the drawing that corresponds to it, if you want to, so it could be a drawing, and with/without words.» 30 Selon Mary, le dessin lui apporte une méthode de travail unique et créative. Elle met en avant l’aspect paisible de cette tâche qui lui permet de sortir de sa routine de travail. Dans le cadre de notre recherche, les productions graphiques ont été instaurées pour aider les apprenant.e.s à visualiser ce qu’iels veulent produire en français. Ici, sur la production graphique de Mary, nous pouvons observer que les mots perdurent sur son brouillon. En effet, cette apprenante s’est permis d'utiliser le dessin pour illustrer ce dont elle devait parler et a enrichi son dessin avec des déterminants pour ne pas oublier leur genre. Aussi, lors d’un atelier d’écriture nommé « auteur.rice.s/dessinateur.rice.s » l’un des apprenant.e.s possédait de grandes difficultés auditives. Cet apprenant qui se définissait lui- même comme malentendant a pris l’initiative de participer à l’atelier afin de découvrir et explorer un nouveau moyen de communication et d’expression pour pallier ses difficultés auditives et atténuer certains défis de son étude de la langue française. « Je suis presque sourd, et ce handicap m'a fait arrêter les cours de français car je me sentais comme un fardeau pour le reste du groupe. Je pensais qu'un cours de français et de dessin pourrait être une occasion où je pourrais utiliser mon français sans me sentir mis à l'écart. En effet, cela s'est avéré être un bon moyen de communiquer avec l'enseignant (vous) et mes camarades de classe.»14 14 Traduit de l’anglais : «I'm actually almost deaf, and that disability made me stop taking French classes because I felt like a burden to the rest of the group. I thought that a French and drawing class might be an opportunity where I could use my French without feeling left out. It indeed turned out to be a good way to communicate with the teacher (you) and my classmates.» 31 Pouvoir expérimenter auprès d’un apprenant avec des difficultés uniques était une source d’enrichissement énorme pour l’étude du dessin dans l’apprentissage du FLE comme alternative pour s’exprimer. La présence de cet apprenant a permis de soulever des défis spécifiques pour lesquels le dessin pourrait venir complémenter les enseignements. Ceci nous a donné la chance d’explorer les potentialités du dessin comme un outil pédagogique inclusif et adaptatif. 2.2.3 Diversité et besoins spécifiques des apprenant.e.s Au cours de nos expérimentations, l’utilisation du dessin n’a pas toujours été une source d’inspiration pour toustes les apprenant.e.s. Pour un même exercice réalisé entre deux classes de même niveau, la réception du dessin n’a pas été la même dans les deux groupes. L’un des groupes s’est retrouvé grandement stimulé par ce nouvel outil. Celui-ci a permis aux apprenant.e.s de se libérer mentalement l’esprit pour se focaliser sur leur grammaire et leur prononciation pour une meilleure réalisation de leur production orale. Aussi ce groupe a été capable de réaliser des productions bien plus complexes que le groupe qui a été peu réceptif aux exercices comportant des phases de production graphique. Les raisons de cette fraction entre les deux groupes restent encore une énigme. Nous nous laissons imaginer que la sensibilité des apprenant.e.s face à la créativité dépend de nombreux facteurs qui sont indépendants de la volonté des enseignant.e.s et du contexte d’apprentissage. Peut-être que certain.e.s ayant le désir d’apprendre le français pour des raisons professionnelles se sentent moins en phase avec des activités comme le dessin. Nous prenons le parti d’affirmer que la créativité est contagieuse. Nous pouvons remarquer de manière générale qu’au sein d’un groupe classe ou de plus petits groupes « les membres de l’équipe travaillent ensemble, partagent leurs connaissances, leur expertise, leurs expériences, leurs habiletés et leurs compétences individuelles dans le but de résoudre des problèmes communs. » (C. Beaumont, J. Lavoie, & C. Couture, p.5, 2010). Par conséquent nous nous considérons que si un.e ou des apprenant.e.s sont très réceptif.ve.s à la production graphique, celleux-ci seront en mesure de manière directe et indirecte d’avoir une influence sur la créativité des autres apprenant.e.s de leur classe. Ceci fait appel à la sensibilité de chacun.e et aux initiatives collaboratives des apprenant.e.s. 32 D’une autre part, certains cas isolés se sont réapproprié le dessin en se distrayant de la tâche principale en s’embarquant dans des productions de dessins annexes qui ne semblaient pas être pertinentes pour la réalisation de la tâche demandée. Certain.e.s aussi se plongeaient et s’investissaient de manière disproportionnée dans la réalisation du dessin et perdaient de vue le but original de l’activité : produire en français. Souvent, ces apprenant.e.s étaient déjà soit relativement distrait.e.s ou bien facilement déconcentré.e.s. Ou alors, iels étaient des artistes professionnels ou non qui se faisaient rattraper par leur élan créatif. 2.2.4 Limites et insécurités À l’Alliance française de San Francisco nous avons fait face à plusieurs insécurités provenant de sources plurielles en ce qui concerne la réception du dessin. En effet, la mise en place d’activités graphiques comme outils pour stimuler les productions au sein de l’Alliance française de San Francisco a nécessité plusieurs ajustements et aménagements. Tout d’abord, la grande différence de profils au sein des apprenant.e.s de l’école a été et est un facteur de difficultés. Ceux-ci, venant de différents milieux sociaux et économiques, ne possèdent pas toustes la même sensibilité face à la création artistique. Alors que certain.e.s sont régulièrement baigné.e.s dans le milieu de l’art et très familiers avec les productions artistiques d’autres n’ont pas dessiné depuis la fin de leur maternelle. Aussi, l’influence de l’âge a été un facteur significatif dans la perception du dessin au sein des cours de FLE. Le public étudié étant composé d’adultes, nous avons pu retrouver des distinctions notables entre les différentes générations au sein des apprenant.e.s. Dans l’ensemble, grâce à des sondages que nous avons réalisés, nous avons observé que les seuls avis négatifs quant aux activités graphiques provenaient des apprenant.e.s les plus âgé.e.s qui étaient de manière générale moins réceptif.ve.s aux activités en lien avec le dessin que ceux de générations plus récentes qui ont manifesté un engouement plus marqué et une motivation plus importante lors de la réalisation d’activités graphiques. Ceci a mis en évidence différentes dynamiques causées par les variations d’âge des apprenant.e.s. Ensuite, certain.e.s apprenant.e.s n’aiment pas dessiner. Si nous voulons envisager le dessin pour toucher différentes sensibilités. Il semble naturel de supposer que certaines sensibilités ne soient pas stimulées par le dessin et se retrouvent très fortement bloqué.e.s et/ou gêné.e.s par le dessin. Par conséquent, nous pouvons affirmer que toustes les apprenant.e.s possèdent des 33 préférences et des habitudes différentes en matière d'apprentissage, y compris en ce qui concerne l'utilisation du dessin comme moyen d'expression en FLE. Ceci est aussi à prendre en compte pour apporter une approche artistique plus inclusive de tous les types de profils y compris ceux qui ne sont pas sensibles à ce genre de production. Malheureusement, nous n’avons pas pu récolter de nombreuses productions réalisées auprès d’un public enfant allant de 6 à 11 ans qui suivent des cours hebdomadaires à l’Alliance française de San Francisco. Cette situation d’échec de la récolte des données découle de l'impératif d'obtenir le consentement des enfants ainsi que celui d’un de leurs responsables légaux, ce qui n’a pas pu être réalisable. Nous devons noter que le droit à l’image et au partage d’informations concernant des mineurs est très réglementé dans l’État de la Californie. 34 Chapitre III : Le dessin entre sublimation des productions orales et impertinence pédagogique 3.1 Le dessin comme outil mélioratif des expressions orales Les productions orales sont primaires dans les interactions linguistiques, et dans l’apprentissage des langues. Nous parlons souvent d’une primauté de l’oral sur l’écrit. Par conséquent, nous utilisons souvent l’oral avant l’écrit mais rarement l’inverse. « Ainsi passe-t- on souvent à l'écriture après l'oral. Il est plus rare qu'on pense à passer à l'écrit avant. » (J. P. Peter, p. 337, 1990). L’oral profite donc souvent de l’écrit et de la même manière il peut profiter du dessin comme brouillon ou comme élément annexe. Le dessin peut illustrer la parole et venir la compléter comme un support visuel interactif. Il peut aussi lui servir de brouillon sans utiliser les mots. Dans un contexte d’apprentissage du FLE, parfois, les apprenant.e.s lors de travaux à l’oral, préfèrent écrire leur production orale afin de la lire, car la production orale est souvent une source d’angoisse et est l’exercice qui met le plus en avant l’insécurité linguistique. L'insécurité linguistique constitue une barrière psychologique source d’angoisse et de peur lors de production verbale ou écrite. Ce phénomène peut venir entraver l'apprentissage des langues ou tout simplement leur utilisation. De plus, les apprenant.e.s souffrant.e.s d’insécurité linguistique sont poussé.e.s à se réfugier dans leurs brouillons en les rédigeant au maximum et de manière excessive afin d’avoir un support à lire ce qui va à l’encontre de nombreux exercices d’expression orale qui désirent mettre en avant des compétences orales spontanées. Dans ce type de contexte précis, le dessin pourrait venir supporter la production orale pour donner confiance au apprenant.e.s en étant un support visuel efficace qui empêche la lecture, mais qui allège tout de même la charge cognitive de ces apprenant.e.s. Dans ce genre de situations, le dessin pourrait être une solution pour renforcer la confiance des apprenant.e.s 3.1.1 Techniques pour encourager l'oralité à partir du dessin C. Weber, professeure et chercheuse en linguistique dans un ouvrage nommé Interrogations épistémologiques autour de l’oralité (2019) explique que la place de l'oralité dans l'histoire de l'enseignement des langues, malgré parfois la marginalisation de la phonologie, joue un rôle crucial dans la maîtrise effective d'une langue étrangère. Elle souligne 35 les tensions historiques entre l'enseignement de l'oral et de l'écrit, notant que l'éducation formelle a longtemps favorisé l'écriture et que ceci a laissé des traces visibles dans les enseignements d'aujourd'hui. Dans notre cas, nous avons observé que les politiques éducatives de l’Alliance française de San Francisco poussent les enseignant.e.s à enseigner très majoritairement le français à l’oral. Pourtant nous avons observé que systématiquement les apprenant.e.s écrivaient leur production orale afin de la réciter. Par conséquent, le dessin nous a servi de puissant outil pour canaliser la pensée des apprenant.e.s. Celui- ci offre de nouvelles opportunités pour des méthodologies d'enseignement en transformant des concepts abstraits en représentations visuelles concrètes. Le dessin aide les élèves à organiser et à structurer leur réflexion sans passer par l’écrit. Cette visualisation peut faciliter l'expression orale, car les apprenants disposent d'un support visuel qui guide leur discours et aide à articuler leurs idées de manière plus fluide et cohérente. Le dessin a été un élément clef dans notre désir d’autonomiser les apprenant.e.s face à l’écriture de l’oral. L'utilisation de schémas auprès de notre public a été particulièrement efficace pour renforcer l'oralité. Les schémas aident à décomposer les informations complexes en éléments plus simples et visuellement accessibles. Lors des cours, les enseignant.e.s peuvent guider les élèves à élaborer leurs schémas qui résument des histoires, des processus ou des arguments. Ainsi, les apprenants peuvent ensuite utiliser ces schémas comme guides pour expliquer oralement le contenu, ce qui renforce leur capacité à structurer logiquement leur discours en français. Ces techniques montrent que le dessin n'est pas seulement un outil artistique, mais un moyen puissant de soutenir et d'améliorer la communication orale des apprenant.e.s. Ces stratégies concrètes sont pratiques pour intégrer le visuel dans l'apprentissage linguistique, en offrant ainsi aux apprenants des moyens alternatifs et créatifs pour exprimer leurs idées de manière spontanée et plus naturelle afin d’améliorer leur maîtrise de la langue française. De plus, le dessin peut également jouer un rôle crucial dans la réduction de l'insécurité linguistique. En se focalisant d'abord sur la création d'une image, les apprenant.e.s peuvent se sentir moins intimidés par la nécessité de produire immédiatement des structures linguistiques plus complexes. Avec des idées qui sont plus clairement représentées visuellement, iels peuvent se sentir plus confiant.e.s pour les décrire et les discuter. Ceci facilite ainsi une pratique orale moins stressante et surtout plus engageante. Ainsi les activités de productions graphiques peuvent encourager l'improvisation et la créativité, qui sont essentielles pour le développement de compétences orales plus dynamiques. Ne pas avoir de brouillon textuel lors des activités 36 orales a été une formidable expérience pour valoriser les productions orales spontanées à l’Alliance française de San Francisco. 3.1.2 Activités orales basées sur la création de dessins pour engager la spontanéité En dehors des avantages précédemment cités, le dessin est un processus qui peut stimuler l’imagination des apprenant.e.s de FLE. Créer une ou des images dans le but de représenter des idées ou des concepts peut aider les apprenant.e.s, dans leur imagination en leur permettant de visualiser ou schématiser des scénarios d’une manière unique et personnelle en les poussant à aller plus loin dans leurs productions. Amy, apprenante de l’Alliance française San Francisco témoigne que : «J'ai trouvé que dessiner et présenter nous aidait à nous habituer à parler de manière plus naturelle. Nous devions improviser des phrases sur le moment, ce qui était un excellent exercice ! Avoir les images que nous avions dessinées était un bon moyen de nous inciter à dire plus de phrases.»15 Nous pouvons aussi observer que le dessin par sa faculté à illustrer la pensée permet d’instaurer naturellement un dialogue entre le professeur et les pensées difficiles à exprimer pour un ou une apprenant.e. Ici nous pouvons observer le cas de Josie lors d’un exercice ayant pour but de créer le plan d’une maison pour un profil d’individu.e.s précis.es : 15 Traduit de l’anglais : « I thought drawing and presenting helped us get comfortable speaking in a more natural way. We had to come up with sentences on the spot, which was great practice! Having the pictures we drew was a good way to prompt us to say more sentences. » 37 Josie : Nous avons un jardin que nous avons. Nous sommes… nous sommes une communauté de quinze personnes. Nous ne vivons tous ensemble, mais nous avons besoin d'une grande pièce dehors pour nos séances de prières collectives en espace à l'extérieur sont intenses, transcendantales Nous dansons ensemble ici dans le jardin. Il y a un grand chemin avec des lits-superposés Sylouan : Ah très bien ! J'adore. Josie : Il y a une grande espace de séance et prières. Un petit bibliothèque. Sylouan : Il y a une petite bibliothèque. Josie : Une petite bibliothèque, une cuisine, une salle à manger et. Sylouan: La salle à manger. Elle est toute petite. Josie : Oui. Ils ont beaucoup d'espace pour quinze personnes pour dormir mais pas pour manger car c’est juste pour cuisiner. Sylouan: Je ne vois pas la salle à manger alors 38 Josie : Oui. c’est la salle de séance aussi Ici, grâce au support visuel produit par Josie, Sylouan, le professeur, a accès à certaines pensées de celle-ci et peut faire des commentaires pour relancer la discussion grâce à ce qu’il voit comme dans ce cas-là avec la taille de la cuisine. La présentation orale gagne donc en interactivité et vient stimuler la spontanéité de l’échange en facilitant à la fois la communication et la compréhension. 3.1.3 Promotion de la communication et de la collaboration par le dessin Les activités en lien avec le dessin proposent un nouvel aspect en matière de collaboration. A l’Alliance française de San Francisco dans le domaine du FLE, la collaboration est relativement mise en avant lors de la conception de séances pédagogiques. La collaboration et l’entraide permet aux apprenant.e.s de partager non seulement leurs connaissances linguistiques, mais aussi leur créativité, leur expressivité… Les tâches de collaboration lors de l’acquisition d’une langue étrangère contribuent aussi au développement de la communication entre les apprenant.e.s. Courtney, apprenante à l’Alliance française de San Francisco, témoigne (voir annexe VI) que dessiner « était agréable. J'aime dessiner et j'ai apprécié le faire avec mes camarades de classe. Comme mon français est très mauvais, le dessin m'aide à communiquer et à partager des idées avec mon partenaire de classe. »16. Dans un article nommé les pratiques collaboratives en milieu scolaire, les auteur.rice.s C. Beaumont, J. Lavoie, & C. Couture explique qu’en milieu d’apprentissage et en FLE, la communication peut être brisée à cause du manque de vocabulaire et de compétence langagière notamment auprès des apprenant.e.s débutant.e.s. Ces fractures de la communication peuvent venir empêcher la bonne réalisation des productions collaboratives et peuvent forcer une autre langue commune qui n’est pas la langue cible à intervenir pour rétablir la communication. Dans notre cas, le dessin vient s’inscrire comme une étape dans les productions des apprenant.e.s lors de travaux en binôme ou en groupe comme un écrit intermédiaire ayant pour but de faire la médiation entre les acteur.rices de la tâche à réaliser. « La collaboration requiert le partage des responsabilités. Ce partage des responsabilités implique que chacun participe à la tâche, 16 Traduit de l’anglais : « It was nice. I like to draw and I enjoyed doing it with classmates. Since my French is very bad, drawing helps me to communicate and share ideas with my class partner. » 39 dans l’optique d’atteindre le but commun fixé mais selon les compétences ou le rôle de chacun.» (C. Beaumont, J. Lavoie, & C. Couture, p.5, 2010). Aussi ces même auteur.rice.s, en travaillant sur des projets de productions visuels, les apprenant.e.s sont poussé.e.s à coopérer en utilisant et en surmontant leur compétences linguistiques pour exprimer leurs idées de manière créative. La collaboration créative plonge les apprenant.e.s dans un espace d’apprentissage interactif où chacun.e bénéficie de la créativité et des capacités des autres. Mettre en commun ses forces permet aussi d’affronter certaines difficultés qui pourraient être liées à une forme d’insécurité soit linguistique soit créative en venant puiser le savoir-faire des autres. 3.2 Les limites du dessin à San Francisco 3.2.1 La gamification et la dynamique du jeu Dans le cadre de notre étude à l'Alliance française de San Francisco, nous avons observé que l'intégration du dessin dans le processus d'apprentissage offre de multiples avantages aux apprenants. Notamment, l'utilisation de cette technique semble enrichir la profondeur créative et améliorer la qualité grammaticale des productions des apprenant.e.s. Malgré cela, il est important de préciser que des améliorations similaires ont été constatées avec l'emploi d'autres formes de stimulation pédagogique. Par exemple, les activités qui utilisent des méthodes de gamification17 se sont avérées être non seulement plus populaires auprès des apprenants, mais également tout aussi efficaces et pertinentes que celles mettant en scène des phases de dessin. En outre, il est pertinent de souligner que lorsque les apprenant.e.s avaient l’opportunité de choisir entre dessiner ou jouer, ceux-ci ont toujours préféré jouer, le dessin n'était jamais sélectionné. Cette préférence indique potentiellement une inclinaison vers des approches plus interactives et dynamiques, comme celles offertes par la gamification, qui semblent davantage captiver et engager les apprenants dans le processus éducatif. K. Kapp, professeur, chercheur et expert en technologie éducative réputé pour ses travaux sur la gamification, affirme dans un article nommé Qu'est-ce que la gamification. La gamification 17 Selon Karl Kapp, un professeur, chercheur et expert en technologie éducative, la gamification est l’'utilisation de l’utilisation de la mécanique, de l'esthétique et de la pensée du jeu pour faire participer les gens, les inciter à agir, promouvoir l'apprentissage et résoudre des problèmes. 40 de l'apprentissage et de l'instruction : méthodes et stratégies basées sur le jeu pour la formation et l'éducation (2012) que celle-ci est une méthode des plus interactives. Il explique que la gamification est une méthode d’enseignement inspirée des jeux vidéo. Selon lui, tirer parti des mécanismes du jeu et de sa capacité à stimuler l’engagement pour l'appliquer dans l’apprentissage rend les tâches, à priori ennuyeuses, bien plus agréables et intéressantes. De plus, il explique qu’elle propose des défis et pousse obligatoirement les apprenant.e.s à se dépasser. Elle impose une mission, un objectif à suivre et à compléter. Les apprenant.e.s se retrouvent embarqué.e.s dans une narration. Le public de l’Alliance française de San Francisco est un public relativement dynamique et connecté. Par conséquent, nous faisons l’hypothèse que la gamification a su séduire notre public notamment grâce à sa rapidité et à sa dimension multi-actionnelle tirées des dynamiques des jeux vidéo. Bien que nous ayons observé que la dimension actionnelle du dessin a poussé les apprenant.e.s à se surpasser lors de leurs productions. Nous sommes ici témoins d’une des grandes limites du dessin auprès de notre public qui se retrouve moins stimulé par cet exercice. 3.2.2 L’insécurité artistique et hypothèses Une autre limite que possède le dessin en tant qu’outil au sein de productions d’apprenant.e.s concerne l'insécurité artistique exprimée par certain.e.s apprenant.e.s. Cette insécurité artistique découle d’un certain mal-être que possède les apprenant.e.s de l’Alliance française de San Francisco. En effet, lors de notre récolte de données de nombreux apprenant.e.s ont exprimé une certaine réserve quant à leur capacité à dessiner en affirmant oralement leur incompétence tel “je n’aime pas dessiner”, “je ne sais pas dessiner” ou bien même “je dessine mal”. Nous supposons que cette insécurité peut provenir de différents facteurs. Il est possible qu’un grand nombre d’entre elleux possède des attentes vis-à-vis de leur production graphique idéaliste et perfectionniste. Iels possèdent probablement une vision à atteindre comme un absolu. Cette pression peut mener à une grande autocritique qui bloque la liberté d'explorer et d'expérimenter graphiquement. De plus, le temps de dessin impose plus ou moins une passivité linguistique. En effet, lors de l’action de dessiner, ce n’est pas directement les objectifs linguistiques qui sont mis en avant. 41 3.2.3 Désillusion et ouverture Lors de notre récente étude portant sur l'utilisation du dessin dit traditionnel en tant que support pédagogique, nous avons observé certains bénéfices en termes d'amélioration des compétences écrites et orales des apprenant.e.s à l'Alliance française de San Francisco. Bien que ces bénéfices aient été positivement accueillis, ceux-ci se sont révélés plus limités que ce que nous avions anticipé dans nos hypothèses de départ. En effet, les progrès, quoique présents, n’ont pas atteint le niveau d’amélioration significative que nous avions espéré initialement constater lors du commencement de notre récolte de données. Cette situation décevante nous a conduits à reconsidérer notre approche et à explorer d'autres méthodes susceptibles de pallier les insuffisances du dessin traditionnel pour notre public. Dans un article nommé choix et utilisation des supports pédagogiques dans l’enseignement du français langue étrangère (2020) B.Ertek, autrice et chercheuse en didactique revient sur l'importance des supports pédagogiques dans l'enseignement FLE. Il souligne la difficulté pour les enseignants de choisir le bon support pédagogique en raison de la grande variété et de la quantité de ressources disponibles. Au sein de cet article, l’auteur propose des critères spécifiques pour sélectionner les supports pédagogiques selon : La pertinence et adaptabilité au contenu enseigné L’appropriation aux objectifs d'apprentissage L’adaptation au public ciblé La facilité d'utilisation et intégration dans le flux pédagogique À partir de ces critères et dans cette quête de solutions plus efficaces, nous avons d'abord tenté d'intégrer différentes alternatives qui, malheureusement, se sont avérées infructueuses. Face à ces échecs répétés et à la nécessité de trouver une méthode plus efficace pour soutenir l'expression orale des étudiants, nous avons envisagé une nouvelle piste innovante : l’utilisation de la production d’images assistée par intelligence artificielle (I.A.). Cette approche innovante a été envisagée dans l’espoir de transcender les limites traditionnelles du dessin manuel et de maximiser les potentiels linguistiques et expressifs des apprenant.e.s. Nous espérons que cette technologie, ancrée dans notre quotidien depuis longtemps, mais seulement démocratisée depuis quelques années, nous offrira une dimension plus dynamique et interactive au processus 42 d'apprentissage, facilitant ainsi une immersion linguistique plus profonde et plus engagée des apprenant.e.s de l’Alliance française de San Francisco. 43 Chapitre IV : L'évolution du dessin et de la production d'images avec l'intelligence artificielle 4.1 Repenser le dessin dans un contexte technologique Les États-Unis, notamment la Californie, sont des superleaders18 en ce qui concerne les nouvelles technologies et plus récemment l'intelligence artificielle (désormais I.A.). En 2024, l’I.A. envahit les méthodes de communication et de création numérique. Il y a quelques années, B. Bonnel, écrivain et député français, dans un ouvrage nommé Viva la robolution: une nouvelle étape pour l'humanité théorise le début d’une nouvelle ère, celle de la « révolution robotique » qui s’inscrit dans une suite logique après celle de la « révolution numérique ». B. Bonnel explique donc que des systèmes équipés de l’I.A. vont venir s'implanter de partout dans notre quotidien et que les institutions en tout genre doivent se former et se préparer face à cette nouvelle révolution technique afin d’embrasser son potentiel plutôt que de le subir. À San Francisco, ville principale de la Californie la plus proche de la Silicon Valley, l’I.A. est déjà omniprésente dans la vie des citadin.e.s de la métropole. Sur les routes, les WayMo19 ont déjà remplacé les chauffeurs de taxi ou d’Uber20 et est un moyen de transport privilégié. Si l’I.A. possède déjà un impact considérable sur les routes, celle-ci ne cesse de croître en puissance dans le reste du quotidien des technophiles. Robots électroménagers, réseaux sociaux, outils numériques, et plein d’autres, toutes les dernières versions de ceux-ci s’emparent de l’I.A. C’est pour cela qu’il nous a donc semblé primordial d’observer quel potentiel pouvait avoir l’I.A. dans une classe de de FLE et comment celle-ci impacterait l’apprentissage et la créativité des apprenant.e.s. C’est pour cela que nous avons décidé d’étudier aussi la possibilité du dessin en ligne ou de la génération d'images pour achever cette étude. Il s’avère que le public de 18 Premier sur marché ou dans un domaine, de l’anglais «super chef» 19 Voiture autonome de Google, faisant office de taxi à San Francisco 20 Multinationale américaine centrée autour d'une application mobile de mise en contact d'utilisateurs et principalement de voitures de transport avec chauffeur.