Module 1 : Introduction à la médecine du travail PDF

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Ce document est un module d'introduction à la médecine du travail, couvrant les notions de base de la santé et sécurité au travail, l'évolution historique de la médecine industrielle, et les interventions communautaires. Le document est composé de nombreux tableaux et de figures, incluant des références.

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Santé et sécurité au travail Notions de base Module 1 Introduction à la médecine du travail Marc Ouellet Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module I : Introduction à la médecine du travail Équipe de prod...

Santé et sécurité au travail Notions de base Module 1 Introduction à la médecine du travail Marc Ouellet Département de médecine sociale et préventive Faculté de médecine Université Laval Santé et sécurité au travail : notions de base 2 Module I : Introduction à la médecine du travail Équipe de production Responsable du cours Michèle Bérubé Département de médecine sociale et préventive Conception pédagogies Marc Champagne, service des ressources pédagogiques Denise Vigneault, conseillère en APTIC Yves Cantin, département de médecine sociale et préventive Mise à jour 2023 Michèle Bérubé Traitement de texte Louiselle Desjardins Michèle Gagnon 3 Santé et sécurité au travail : notions de base 4 Module I : Introduction à la médecine du travail Table des matières Objectifs d'apprentissage................................................................................. 7 1. Introduction à la santé et la sécurité au travail.................................... 9 1.1 Perspectives historiques............................................................. 9 1.2 La santé et la sécurité au travail, à quoi cela réfère-t-il?.......... 12 2. La médecine du travail...................................................................... 13 2.1 Évolution du rôle de la médecine du travail............................. 13 2.2 Apparition de la santé au travail............................................... 15 2.3 Distinction entre la médecine du travail et la santé au travail.. 16 2.4 Interventions de type « communautaire »................................ 19 3. Les lésions professionnelles : situation au Québec........................... 20 3.1 Les maladies industrielles........................................................ 20 3.2 Les agents agresseurs............................................................... 23 3.3 Situation au Québec................................................................. 24 5 Santé et sécurité au travail : notions de base 6 Module I : Introduction à la médecine du travail OBJECTIFS D'APPRENTISSAGE À la fin de ce module, vous serez en mesure de : 1. Tracer l'évolution historique de la médecine industrielle. 2. Distinguer la médecine industrielle de la santé au travail. 3. Identifier ce qui caractérise l'intervention des différentes disciplines reliées à la santé au travail. 4. Identifier l'objectif principal des interventions en santé et sécurité au travail. 5. Distinguer accident du travail de maladie professionnelle. 6. Identifier les principaux types de maladies industrielles. 7. Décrire l'évolution de l’état de santé des travailleurs et travailleuses au Québec en termes de lésions professionnelles. 7 Santé et sécurité au travail : notions de base 8 Module I : Introduction à la médecine du travail 1. INTRODUCTION À LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL 1.1 Perspectives historiques Depuis plus d'une vingtaine d'années, le thème de la santé et la sécurité au travail est devenu particulièrement à la mode. L'amélioration des conditions de vie en milieu de travail constitue, à coup sûr, une préoccupation majeure pour l'ensemble des sociétés industrialisées. Qui, de nos jours, n'a pas entendu parler de maladies industrielles, d'études épidémiologiques tentant de relier un cancer, par exemple, à l'utilisation de certains types de produits, ou encore d'enquêtes menées à la suite d'accidents du travail ayant causé la mort d'une ou plusieurs personnes? Durant le dernier quart de siècle, les développements dans ce domaine ont évolué rapidement. Cette récente évolution laisse l'impression que les préoccupations pour les problèmes de santé et de sécurité sont toutes nouvelles. Ce n'est cependant pas le cas! En étudiant l'histoire, on se rend compte que ces préoccupations ne datent pas d'aujourd'hui. Elles remontent au moment ou l'humanité a commencé à gagner son pain à la sueur de son front! Par exemple, au temps des anciens Grecs - c'est-à-dire quatre siècles avant Jésus-Christ - Hippocrate, le père de la médecine, a fait allusion dans ses écrits à des maladies qui auraient pu résulter du travail. Il a même décrit la toxicité du plomb chez les mineurs. De même, un siècle avant Jésus-Christ, un éducateur romain du nom de Pline l'Ancien, a parlé du danger de la manipulation du zinc et du souffre et a fait allusion, pour la première fois, au port d'un masque protecteur, fabriqué à partir d'une vessie, pour prévenir l'inhalation de poussières ou de fumée de plomb. Plus près de nous, au 16° siècle, un minéralogiste allemand du nom de Georgius Agricola, s'intéressa aux procédés de ventilation dans les mines, parla de silicose, d'accidents dans les mines et des effets du froid et de 9 Santé et sécurité au travail : notions de base l'humidité. Ainsi en 1556, dans son livre qui traite de l'extraction des minéraux, il décrivait en ces termes la toxicité des poussières minérales: « Les poussières inhalées pénètrent dans les tuyaux respiratoires et les poumons et provoquent une difficulté respiratoire et la maladie que les Grecs appellent l'asthme. Si la poussière a des propriétés corrosives, elle dévore alors les poumons et implante alors la consomption dans le corps. Dans les mines de Corpates, on trouve des femmes qui ont épousé sept maris, tous emportés par cette terrible consomption ». Au 18° siècle, le médecin italien Bernardini Rammazzini, considéré aujourd'hui comme le fondateur de la médecine du travail, publia sous le titre « Les maladies des travailleurs », un ouvrage qui constituait la première description des risques médicaux reliés à différentes occupations. Ses écrits ont servi longtemps de référence en médecine du travail. Jusqu'au 19° siècle, cette préoccupation pour les problèmes de santé en milieu de travail est demeurée à la phase de la description des problèmes. Ce n'est vraiment qu'à partir de l'industrialisation massive aux 19° et 20° siècles que des interventions concrètes ont été entreprises pour essayer de solutionner les problèmes en milieu de travail. Ainsi, avec un développement industriel axé essentiellement sur une augmentation de la capacité de production des entreprises, on ne s'est absolument pas soucié du bien-être et de la santé des gens qui y travaillaient et cette course effrénée à la production s'est traduite par des conditions de travail extrêmement difficiles pour les travailleurs et par la mise en place d'une infrastructure industrielle non adaptée aux capacités physiques des individus qui y œuvraient. Par exemple, les gens devaient travailler douze à quinze heures par jour, six jours par semaine, dans des conditions inhumaines! La main-d'œuvre était constituée majoritairement de femmes et d'enfants en bas âge (entre 6 et 12 ans). Les exigences de production entraînaient de hauts taux d'accidents de travail, souvent meurtriers. Les conditions d'hygiène et de sécurité étaient inexistantes. 10 Module I : Introduction à la médecine du travail De tels abus aux dépens de la masse laborieuse ont fini par déclencher, à la fin du 19°siècle, des mouvements de protestation, dans la plupart des pays industrialisés, pour obtenir des conditions de travail plus humaines. Ces mouvements ont conséquemment engendré une réglementation progressive du travail dans la plupart de ces sociétés. Au Québec, le même phénomène s'est produit. À mesure que l'industrialisation s'intensifiait au début du 20° siècle, différents mouvements ouvriers ont obligé les gouvernements à légiférer en matière de travail. Plusieurs manifestations à la fin des années 20, par exemple, ont entraîné l'adoption de la Loi sur les accidents de travail, en 1931. Cette première loi consacrait la responsabilité collective des employeurs en matière d'accidents de travail. Elle forçait les employeurs à contribuer au fonds d'indemnisation des travailleurs et reconnaissait le droit à l'indemnisation pour les victimes de maladies industrielles. Cette Loi, en dépit de quelques amendements et règlements adoptés dans les années 40, a servi de cadre juridique jusqu'au début des années 70. À notre époque, ce sont encore les pressions sociales qui entraînent bien souvent des modifications aux différentes lois qui régissent le travail. Quelques événements importants, en particulier des accidents de travail, ont déclenché de vives réactions dans le milieu ouvrier. Qu'on pense à l'accident de l'échangeur Turcot à Montréal en 1965, qui s'est soldé par la mort de sept travailleurs et entraîna des modifications à certains règlements dans l'industrie de la construction. Ou encore, à la grève de l'amiante à Asbestos en 1975, au cours de laquelle les problèmes de santé liés à ce minerai furent abondamment discutés et à la suite de quoi, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose et de silicose dans les mines et carrières fut adoptée. Cette loi permettait aux mineurs atteints d'amiantose ou de silicose d'être compensés monétairement pour la perte d'intégrité physique et la perte de leur emploi consécutives à la maladie. Ces manifestations du besoin d'un renouveau en santé et sécurité au travail à partir des années 70, ont débouché, au Québec, sur l'adoption en 1979, d'une nouvelle loi en santé et sécurité du travail. Cette législation innovait puisqu'elle reléguait au second plan la réparation et l'indemnisation des 11 Santé et sécurité au travail : notions de base victimes d'accidents et de maladies et mettait de l'avant une approche préventive basée sur l'élimination à la source des risques à la santé et à la sécurité présents en milieu de travail. De plus, elle misait sur une participation active de tous les agents économiques: le patronat, les syndicats, les gouvernements, les travailleurs, les spécialistes, etc. C'est donc dans ce contexte québécois que nous allons maintenant essayer de faire la lumière sur la démarche d'une intervention globale en santé et sécurité. 1.2 La santé et la sécurité au travail, à quoi cela réfère-t-il? Jusqu'ici, pour traiter de la santé et de la sécurité au travail, nous avons fait référence à plusieurs choses : tantôt à des maladies liées au travail, tantôt à des individus qui ont fait de la recherche, tantôt aux accidents de travail, tantôt à la législation, ou encore aux produits toxiques. On aurait pu tout aussi bien parler d'organisation du travail, de postures de travail ou encore de surveillance médicale des travailleurs exposés à certains contaminants et de protection individuelle. Dans chaque cas, nous aurions parlé de santé et de sécurité au travail. En fait, le concept de santé et de sécurité au travail englobe plusieurs aspects! La prévention des atteintes à la santé et à la sécurité en milieu de travail est un objectif tellement vaste qu'elle nécessite l'apport de plusieurs sciences et disciplines différentes. Elle exige également la mise en place de différents mécanismes d'organisation, d'intervention et de contrôle. Il faut donc parler en termes d'individus, de structures, d'activités et de matériels. L'une des façons d'aborder la problématique d'un champ aussi large que la santé et la sécurité du travail consiste à décrire, dans un premier temps, chacune des disciplines ou sciences qui sont mises à contribution dans l'atteinte de l'objectif de prévention des problèmes de santé et de sécurité. Ce sont l'hygiène industrielle, la médecine du travail, l'ergonomie, l'épidémiologie, la toxicologie, la psychologie industrielle, la sécurité au travail ou la prévention des accidents. 12 Module I : Introduction à la médecine du travail Comme vous le verrez au cours des prochains modules, chacune de ces disciplines a un rôle spécifique à jouer en santé et sécurité au travail. Cependant, elles sont si étroitement liées les unes aux autres et si dépendantes les unes des autres qu'elles ne peuvent intervenir séparément. Par conséquent, toute intervention en milieu de travail ne sera efficace qu'à partir d'une action concertée de la part de ces disciplines. Il faut donc associer la santé et la sécurité au travail à la MULTIDISCIPLINARITÉ. 2. LA MÉDECINE DU TRAVAIL La première discipline que nous allons aborder à l'intérieur de ce module est celle que l'on appelle la « Médecine du travail ». L'expression « médecine du travail » est utilisée à plusieurs fins. D'une part, c'est une expression « fourre-tout » souvent utilisée à tort et à travers pour désigner tout ce qui se rapporte au domaine de la santé et de la sécurité au travail : ainsi, on parle de « médecine du travail » au lieu de santé et de sécurité au travail. D'autre part, c'est une expression qui désigne une discipline spécifique avec un champ d'activités bien précis dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail. C'est cette discipline que nous allons maintenant étudier. 2.1 Évolution du rôle de la médecine du travail Au sens strict, la médecine du travail, ou médecine industrielle, selon l'appellation anglo-américaine, est un champ spécialisé de la pratique médicale, qui s'intéresse au diagnostic et au traitement des maladies causées par une occupation, mais nous verrons maintenant que cette discipline déborde aujourd'hui le sens strict de cette définition. 2.1.1 Les débuts Bien que les maladies professionnelles existent depuis longtemps, elles ont cependant toujours été plus rares que les autres types de maladies dans la 13 Santé et sécurité au travail : notions de base population. Cela est encore plus vrai aujourd'hui, puisque l'amélioration des conditions de travail a réussi à restreindre le nombre de maladies causées exclusivement par le travail. Cette rareté des maladies professionnelles explique peut-être la rareté des médecins dont la pratique professionnelle est exclusivement consacrée au diagnostic et au traitement de ces problèmes. En fait, les premiers médecins modernes qu'on a retrouvés en usine s'y trouvaient probablement pour y dispenser les mêmes services cliniques qu'ils auraient par ailleurs dispensés dans leur cabinet, puisqu'on leur confia d'abord la responsabilité de traiter les travailleurs victimes d'accidents du travail. 2.1.2 Influence de la lutte contre les épidémies Par la suite, on leur confia naturellement la responsabilité d'appliquer aux travailleurs dont ils avaient la charge, les programmes mis en place pour lutter contre les grandes épidémies, telles que la tuberculose. Le regroupement en un même lieu d'un grand nombre de personnes rendait particulièrement attrayant ce type d'arrangement. D'autant plus que l'implantation des grandes usines a souvent nécessité le déplacement de grandes populations et leur réinstallation, parfois dans des conditions précaires. Cette situation les rendait vulnérables aux épidémies. C'est là un phénomène que connaissent présentement les pays en voie d'industrialisation, par exemple. Les programmes de lutte contre les épidémies ont donc, par la suite, grandement influencé la pratique de la médecine du travail. Ainsi, dans la mesure où ces programmes étaient efficaces, certaines activités comme le dépistage des malades asymptomatiques (ou qui s'ignorent) ou la répétition périodique d'un examen ont été maintenues parce qu'on croyait, et qu'on continue de croire encore aujourd'hui, qu'elles pouvaient servir à d'autres fins. 14 Module I : Introduction à la médecine du travail 2.1.3 Aujourd'hui Finalement de nos jours, une bonne partie du temps du médecin du travail est dévolue à l'examen des travailleurs lors du recrutement, lors de l'application à un poste de travail ou lors du démarrage de l'entreprise; d'autres examens sont réalisés périodiquement, puis au retour de convalescence. Le médecin du travail contemporain ne consacre donc que peu de temps au diagnostic des maladies professionnelles, ce diagnostic requérant, la plupart du temps, un appareillage qu'on ne retrouve pas en usine. Quant au traitement, les mêmes commentaires s'appliquent, c'est-à-dire que pour l'essentiel, le traitement des maladies professionnelles se déroule à l'hôpital et est en général l'œuvre des médecins spécialistes qu'on y retrouve. Cependant, cette évolution de la pratique médicale en milieu de travail a obligé le médecin à sortir de sa pratique spécialisée de diagnostic et de traitement des maladies pour s'intégrer dans un champ plus vaste de la santé au travail. Bien sûr, aujourd'hui encore, le diagnostic et le traitement des maladies demeurent nécessaires, mais le développement de la médecine préventive amène le médecin du travail à collaborer avec d'autres spécialistes comme l'hygiéniste industriel, le toxicologue ou l'épidémiologiste dans le but d'identifier, d'éliminer ou de contrôler les causes des problèmes de santé en milieu de travail. C'est cette démarche que l'on appelle la santé au travail. 2.2 Apparition de la santé au travail Avec les développements survenus en santé et sécurité au travail, depuis quelques années, nous savons maintenant que toutes les maladies d'origine professionnelle peuvent être prévenues. De même, nous savons ce qui doit être fait pour les prévenir. Cependant, en raison de différentes contraintes, ce qui doit être fait n'est pas toujours faisable. Par exemple, il n'est présentement pas possible, en raison de contraintes technologiques, de rendre suffisamment insonores pour qu'ils deviennent inoffensifs, le concassage de la pierre ou bien le polissage des métaux. 15 Santé et sécurité au travail : notions de base Cette amélioration de notre connaissance de l'histoire naturelle des maladies professionnelles et des mesures qu'il convient de prendre quand les contraintes technologiques exposent les travailleurs à des risques accrus de contracter une maladie du travail est à l'origine d'un nouveau champ d'activités que l'on désigne sous l'expression de santé au travail. L'expression santé au travail désigne l'ensemble des méthodes et pratiques utilisées pour préserver la santé des personnes qui sont exposées à des risques dans leur travail. La distinction entre la démarche propre à la santé au travail et la démarche clinique propre à la médecine du travail est fondamentale. Nous allons donc maintenant nous attarder à essayer de dresser la liste des principaux traits distinctifs de ces deux approches. 2.3 Distinction entre la médecine du travail et la santé au travail 1. Le premier trait distinctif qui différencie médecine du travail et santé au travail, c'est le caractère multidisciplinaire de la pratique de la santé au travail. En effet, ces méthodes et pratiques découlent de l'activité concertée d'un grand nombre de personnes, que leur préoccupation commune pour la santé place en situation d'interdisciplinarité. Ces personnes sont les travailleurs, les employeurs, les ingénieurs, les hygiénistes industriels, les infirmiers, les médecins et les épidémiologistes. Cette énumération n'est pas exhaustive et ne vise qu'à illustrer la diversité des partenaires engagés dans la pratique de la santé au travail. 2. Deuxièmement, alors que pour le médecin du travail, c'est la personne du travailleur qui constitue le sujet de ses interventions, pour le praticien de la santé au travail, c'est le milieu de travail qui doit être l'objet privilégié de l'intervention. De sorte que la priorité sera accordée aux interventions sur l'environnement de travail par l'intermédiaire 16 Module I : Introduction à la médecine du travail des programmes d'hygiène industrielle et de sécurité, plutôt qu'aux diagnostics thérapeutiques. 3. Troisièmement, dans sa composante plus spécifiquement médicale, la santé au travail s'intéresse aux travailleurs en tant que groupe plutôt qu'à titre individuel. C'est ce qu'on appelle l'approche population. 4. Nous pourrions établir une autre distinction entre la pratique de la médecine clinique (celle qui soigne) et la médecine de population (celle qui prévient). Ainsi, en médecine clinique la démarche est la suivante: - le médecin ou l'expert est consulté par une personne qui éprouve un problème de santé et qui voudrait être traitée; - le médecin définit le problème : il questionne le malade sur son mal, l'examine, demande des tests de laboratoire, etc.; - il pose un diagnostic; - il prépare un plan de traitement que le malade acceptera ou refusera; - une fois le traitement complété, il vérifiera si le résultat recherché est atteint et mettra fin au traitement. Dans le contexte clinique donc, sauf en situation d'urgence, c'est toujours au patient que revient la responsabilité de consulter, tout comme c'est sa responsabilité de suivre le plan de traitement proposé par le médecin. Quant à lui, le médecin assume une responsabilité de moyens, c'est-à-dire qu'il a l'obligation de mettre en œuvre tous les moyens qu'il estime requis pour résoudre le problème que lui présente le patient, ou bien encore, tous les moyens que préconisent les normes contemporaines régissant la pratique. Cette responsabilité assumée ne signifie cependant pas que le médecin encourt l'obligation de guérir son malade. Dans le contexte de la pratique clinique, le médecin n'assume que des responsabilités de moyens, ce qui s'explique essentiellement par le contrôle bien imparfait qu'il exerce sur la 17 Santé et sécurité au travail : notions de base réalité : connaissances incomplètes, thérapeutiques imparfaites et qui dépendent de la volonté du patient d'accepter ou non le plan de traitement. En médecine de population, on agit sur des populations, composées en très grande majorité de sujets sains, qui n'ont donc pas fait la démarche de se reconnaître un problème de santé, ni donc de demander à qui que ce soit de l'aide pour le résoudre. Non, les sujets sont sains et c'est à bon droit qu'ils se considèrent comme tels. Ce n'est pas la présence de maladie qui justifie l'intervention de la médecine de population, mais plutôt la présence dans l'environnement de FACTEURS DE RISQUES (exposition à des contaminants) qui augmentent la susceptibilité des membres du groupe à contracter un problème de santé et, en conséquence, qui augmentent sensiblement la probabilité que surviennent des problèmes dans ce groupe. C'est donc dire que l'intervention de la médecine de population se déroule sur des groupes de non-volontaires, des personnes qui n'ont rien demandé aux services de santé, des personnes donc pour qui l'intervention est perçue comme une contrainte imposée. Qu'est-ce qui peut justifier le recours à ce type de démarche de la médecine de population qui est contraire aux usages dans nos sociétés? La seule justification se retrouve dans la possibilité de prévenir, c'est-à-dire enrayer, puis arrêter la survenue de problèmes de santé dans cette population. C'est une obligation de résultats qui est faite à un programme de prévention : un programme de prévention doit prévenir l'apparition d'un problème. Quand on propose aux citoyens du Québec de les vacciner contre la poliomyélite, c'est qu'on est en mesure de garantir qu'on les protégera contre les épidémies de cette maladie, en les empêchant de survenir. Quand on propose à une population de travailleurs un programme de prévention contre la silicose, c'est parce qu'il est possible d'assurer qu'aucun nouveau cas de silicose ne surviendra dans la population qu'on soumet aux servitudes du programme; par exemple : examens périodiques, radiographies, équipements de protection respiratoire. Les servitudes sont donc acceptées d'autant plus facilement qu'elles offrent une solution à un problème de santé, lequel est 18 Module I : Introduction à la médecine du travail bien souvent insoluble au moment où il devient manifeste en médecine clinique. 2.4 Interventions de type « communautaire » Parce qu'il intervient sur des populations qui ne lui ont rien demandé, le médecin de population ne dispose évidemment pas de l'autorité que le patient accorde à son médecin traitant. Le médecin de population n'agit pas par ordonnance, mais par persuasion, parfois par réglementation. Et le fait qu'il doive compter sur la libre coopération des groupes de personnes à qui s'adresse le programme nous oblige à qualifier son intervention de « communautaire ». Enfin, comme le médecin de population aura à agir par personnes interposées, c'est-à-dire par l'intermédiaire des structures d'autorité ou de pouvoir que se donneront les groupes, il devra utiliser abondamment le programme comme instrument d'intervention. Cet outil a l'énorme avantage de forcer à définir suffisamment un problème pour que sa solution soit applicable en toute sécurité par des gens qui ne possèdent pas nécessairement de qualifications sanitaires. De plus, le programme permet d'envisager l'ensemble des conditions qui déterminent la production du résultat recherché. Résumons en quelques mots ce qui vient d'être dit : La médecine du travail s'est d'abord intéressée au diagnostic et au traitement des maladies reliées au travail. Ces maladies ainsi que les moyens de les prévenir étant pour la plupart aujourd'hui bien connus, la médecine du travail a évolué pour délaisser peu à peu son approche curative et adopter une approche préventive. Du même coup, elle s'est intégrée au champ d'activité plus vaste que constitue la santé au travail. 19 Santé et sécurité au travail : notions de base TABLEAU 1 : Traits distinctifs qui différencient la médecine du travail et la santé au travail MÉDECINE DU TRAVAIL SANTÉ AU TRAVAIL 1. L'intervention est faite par un spécialiste : le médecin L'intervention est faite par plusieurs spécialistes : hygiéniste, épidémiologiste avec les travailleurs 2. L'intervention est axée sur la personne au travail L'intervention est axée sur le milieu de travail 3. C'est l'individu qui croit avoir un problème de santé et réclame cette intervention L'intervention se fait sur un groupe de travailleurs qui se perçoivent en santé et ne demandent pas cette intervention 4. Approche clinique privilégiée Approche population privilégiée Nous pouvons maintenant dire que la médecine du travail et la santé au travail se distinguent surtout par l'approche qu'elles adoptent lorsqu'elles interviennent en milieu de travail. 3. LES LÉSIONS PROFESSIONNELLES : SITUATION AU QUÉBEC 3.1 Les maladies industrielles En santé et sécurité au travail, tous les efforts sont tournés vers la prévention des lésions professionnelles et ces lésions sont de deux types. D'une part, il y a ce qu'on appelle l'accident du travail qui est un événement imprévu et soudain, attribuable à toute cause qui survient à une personne au travail et entraîne pour elle une blessure ou une maladie. 20 Module I : Introduction à la médecine du travail Les accidents du travail concernent plus particulièrement l'aspect sécurité au travail. La prévention des accidents constitue encore aujourd'hui l'intervention majeure dans ce domaine, car les accidents représentent plus de 95% de toutes les lésions professionnelles (il faut cependant noter que la plupart des maux de dos et des maladies ostéo-articulaires comme les tendinites sont classées par la Commission des Normes, de l’Équité, de la Santé et de la Sécurité du Travail dans la catégorie des accidents). Un module sera plus spécifiquement consacré à ce thème de la prévention des accidents. L'autre type de problème de santé que l'on retrouve en milieu de travail et qui relève davantage de la médecine du travail, c'est la maladie professionnelle ou maladie du travail. Celle-ci se définit comme une maladie contractée au travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers à ce travail. L'amiantose, par exemple, est caractéristique du travail de mineur dans une mine d'amiante et de plus elle est directement reliée à l'amiante qui représente un risque particulier à ce métier. Au sens de la loi, la maladie professionnelle peut être considérée comme une lésion corporelle qui proviendrait d'un accident, c'est-à-dire comme si l'incapacité de travail était le résultat d'un accident. Dans les faits, cependant, les maladies professionnelles, contrairement aux accidents du travail, ne sont pas des événements soudains et imprévus, mais possèdent souvent une longue période de latence (période durant laquelle la maladie n'est pas encore apparente) et agissent sournoisement. Il n'est pas rare, par exemple, qu'une maladie professionnelle se manifeste seulement au moment de la retraite du travailleur ou longtemps après qu'il ait changé d'emploi. Une telle situation rend, cependant, très difficile l'établissement d'une relation causale entre le travail et la maladie. De même, chaque année, des centaines de nouveaux produits chimiques dont la toxicité est mal connue arrivent sur le marché; on fabrique de la machinerie toujours plus complexe et on invente des chaînes de production de plus en plus rapides. Il est donc très difficile pour la médecine du travail 21 Santé et sécurité au travail : notions de base de connaître tous les effets potentiels de ces procédés et de prévenir les risques pour la santé des gens qui y sont exposés. Néanmoins, plusieurs de ces maladies sont bien connues. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en recense une trentaine de familles dont : 1. Les intoxications aux métaux lourds Les intoxications au plomb dans les fonderies ou les intoxications au mercure dans les laboratoires en sont de bons exemples. 2. Les maladies pulmonaires Ces maladies respiratoires sont causées par l'exposition aux poussières ou à certains agents chimiques ou physiques. Exemples : l'amiantose par les fibres d'amiante, la bronchite déclenchée par l'ammoniaque, la pneumonie due à l'irradiation par rayons X. 3. La surdité professionnelle Elle résulte de l'exposition au bruit en milieu de travail (bruit continu, bruit d'impact). 4. Les maladies cutanées Les dermatoses professionnelles ou maladies de la peau résultent de contacts cutanés avec des agents chimiques, physiques ou biologiques. Exemples : dermites, infections microbiennes, acné. 5. Les maladies cardio-vasculaires A - qui résultent directement de l'activité professionnelle : les traumatismes cardiaques dus à l'intoxication à certains insecticides, à certaines fumées ou gaz (œdème pulmonaire, douleurs angineuses) ou qui résultent d'efforts violents; 22 Module I : Introduction à la médecine du travail B - qui sont liées indirectement à des activités professionnelles ou à des facteurs de risque comme la cadence de travail, la charge mentale de travail et l'organisation du travail, qui peuvent être des sources importantes de stress. 3.2 Les agents agresseurs Les maladies professionnelles sont également classées selon les agents agresseurs présents en milieu de travail que l'on regroupe en quatre classes: 1. Les agents physiques Le bruit qui peut provoquer la surdité et une augmentation de la fatigue et du nombre d'accidents; la température, qui peut provoquer des engelures, des crampes de chaleur; les radiations qui peuvent causer un cancer, une tumeur, les vibrations qui peuvent entraîner des maladies telles que le Syndrome de Raynaud. 2. Les agents chimiques Les solvants comme les hydrocarbures (gazoline, naphta, térébenthine) qui entraînent des atteintes rénales et des inflammations de la peau; les poussières minérales, comme l'amiante et la silice qui provoquent l'amiantose et la silicose; les poussières métalliques, comme le nickel et le chrome qui entraînent des cancers des voies respiratoires et des maladies de la peau. 3. Les agents biologiques Ils regroupent les poussières végétales, les champignons et les micro-organismes, tels les bactéries et les virus. Ils sont de provenance végétale, animale et humaine. Ils peuvent provoquer des lésions de la peau, des atteintes du foie, des allergies et une gamme de maladies infectieuses. 23 Santé et sécurité au travail : notions de base 4. Les agents psychosociaux et ergonomiques Ils englobent entre autres choses les horaires de travail, les cadences, les postures, ainsi que les charges physiques et mentales. Ces agents agresseurs semblent moins évidents et plus difficiles à mesurer. Leurs effets sur l'organisme peuvent également être diffus et se traduire par exemple par de la fatigue, de l'anxiété, du stress excessif et engendrer des troubles psychologiques ou de comportement ou des problèmes physiologiques plus graves. 3.3 Situation des lésions professionnelles au Québec1 Nous venons de voir quelles sont les principales maladies reliées au travail. On peut maintenant se poser plusieurs questions à leur sujet. Par exemple : - Combien survient-il de lésions professionnelles, c'est-à-dire de maladies et d'accidents du travail au Québec chaque année? - Quelles sont les plus fréquentes? - Dans quels secteurs de l'industrie se retrouvent-elles surtout? - Dans quels secteurs sont-elles les plus graves? Les réponses à toutes ces questions nous sont généralement données par l'épidémiologie qui constituera le thème d'un prochain module. Pour l'instant, nous pouvons tout de même tracer un portrait très général de l'état de santé des travailleurs québécois. Déjà en 1979, dans son livre blanc sur la santé et la sécurité du travail, le Gouvernement du Québec traçait le portrait de la situation québécoise en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il constatait alors que : 1 Certains des tableaux présentent des données qui datent de plusieurs années. Cette situation est voulue, car, elle permet de mesurer l’impact à court et à moyen terme de l’adoption de la LSST en 1979 sur l’évolution de la situation en santé et sécurité au Québec. Des données beaucoup plus récentes sont aussi présentées. 24 Module I : Introduction à la médecine du travail 3.3.1 - plus de 4 000 établissements dépassaient la norme prescrite pour le bruit, exposant ainsi 120 000 travailleurs à la surdité industrielle; - 70 000 travailleurs étaient exposés à des substances pouvant provoquer des maladies pulmonaires; - l'on rapportait chaque année plus de 1 000 cas d'intoxications causés par des gaz, des fumées ou des poisons liquides ou solides. Le nombre de lésions Les statistiques de 1988 à 1994 nous montrent que le nombre de lésions, c'est-à-dire le nombre d'accidents et de maladies professionnelles, fluctue entre 169 000 et 262 000 par année. Le tableau suivant trace le bilan du nombre de lésions reliées au travail qui surviennent chaque année au Québec. TABLEAU 2 : Nombre de lésions reliées au travail de 1988 - 1994 et en 2022 ANNÉES NOMBRE DE LÉSIONS 1988 261 905 1989 251 557 1990 241 426 1991 213 923 1992 187 164 1993 170 066 1994 169 113 2022 161 962 Ces chiffres montrent une baisse du nombre de lésions de 1988 à 1994 et une légère diminution en 2022. On ne peut cependant tirer aucune conclusion du nombre de lésions, car ce n'est pas un bon indicateur de l'évolution de l'état 25 Santé et sécurité au travail : notions de base de santé des travailleurs québécois, et ce, pour plusieurs raisons. La première et la plus importante réside dans le fait que le nombre de travailleurs peut fluctuer considérablement d'une année à l'autre. Étant donné le fait qu'une augmentation ou une diminution du nombre de travailleurs peut entraîner une augmentation ou une diminution équivalente du nombre de lésions, on ne peut se fier sur les variations du nombre de lésions pour dire si la situation s'améliore ou empire. Ainsi, bien que le nombre de lésions pour l’année 2022 ne soit que très légèrement inférieur au nombre de lésions survenues en 1994, en calculant le taux de lésions par 100 travailleurs nous découvrons que la situation s’est nettement améliorée en 2022 et que l’état de santé des travailleurs est largement meilleur qu’elle ne l’était dans les années 90 (référence tableau 4). Un autre fait peut nous amener à nuancer l'interprétation des statistiques concernant certaines lésions spécifiques. Par exemple, depuis l'annonce de la réforme en santé et sécurité du travail, le réseau et les ressources allouées à la santé et à la sécurité du travail se sont développés, entraînant du même coup une augmentation du dépistage de certains cas de maladies professionnelles. L'évolution du nombre de cas de surdité industrielle en est un bon exemple. Le tableau suivant nous montre une augmentation très marquée du nombre de cas de surdité qui est passé de 156 en 1973 à 1800 en 1980. Il apparaît très clairement que l'augmentation tous les ans du nombre de cas de surdité n'est pas due à une dégradation des conditions de travail, mais bien à une amélioration du réseau de dépistage au début des années 70. Donc pour mieux évaluer l'état de santé des travailleurs québécois, nous laisserons de côté le nombre de lésions, car ce n'est pas un indicateur très fiable. Nous utiliserons plutôt le nombre de lésions par 100 travailleurs d'une année à l'autre. Pour un du portrait plus complet des lésions professionnelles pour l’année 2022, consultez le tableau des « statistiques » selon le secteur d'activité économique à la page 8 du document. CNESST en bref. 26 Module I : Introduction à la médecine du travail Tableau 3 : Surdité professionnelle2,3 3.3.2 ANNÉES NOMBRE DE LÉSIONS 1974 207 1975 372 1976 628 1977 723 1978 930 1979 1410 1980 1799 1981 1662 1982 1481 1983 1184 Le taux de lésions par cent travailleurs Le taux de lésions par 100 travailleurs se calcule de la façon suivante: Le nombre de lésions x 100 Le nombre de travailleurs 2 Les nombres de cas de surdité sont tirés des rapports annuels de la CSST. Ceux-ci n’en font plus état après 1983. 3 Dans les années 80, le nombre de cas de surdité indemnisés varie autour de 1500. En 2022 on parle de 11 307 dossiers acceptés de nature : trouble de l’oreille, mastoïde et audition. L’augmentation s’explique entre autres par l’amélioration du dépistage, la sensibilisation des milieux aux problématiques liées aux oreilles et conséquemment à l’augmentation du nombre de réclamations à la CNESST. 27 Santé et sécurité au travail : notions de base Le tableau qui suit illustre ce taux de lésions par cent travailleurs et reflète un peu mieux l'évolution de l'état de santé des travailleurs québécois de 1988 à 1990 et de 2018 à 2022. TABLEAU 4 : Nombre de lésions professionnelles par 100 travailleurs pour 1988 – 1990 et pour 2018 - 2022 4 ANNÉES NOMBRE DE LÉSIONS NOMBRE DE TRAVAILLEURS TAUX DE LÉSIONS PAR 100 TRAVAILLEURS 1988 261 905 2 452 161 10,7 1989 251 557 2 468 732 10,2 1990 241 426 2 401 359 10,0 2018 103 406 3 900 000 2,7 2019 107 465 4 000 000 2,7 2020 104 732 3 800 000 2,8 2021 105 692 4 000 000 2,6 2022 161 962 4 100 000 4 Ces chiffres nous montrent que de 1988 à 1990 il se produit en moyenne chaque année au Québec 10 lésions pour chaque tranche de 100 travailleurs et que de 2018 à 2022 il se produit environ 3 lésions par 100 travailleurs. Ce taux comprend toutes les lésions avec perte de temps liées au travail qui se produisent chez tous les employeurs couverts par le régime des accidents du travail de la CNESST. Les taux de lésion par 100 travailleurs présentés dans le tableau ci-haut dénotent une amélioration de l'état de santé des travailleurs québécois depuis les années 90. 4 28 Nombre de dossiers acceptés par la CNESST pour accidents et maladies liés au travail. Module I : Introduction à la médecine du travail 3.3.3 Taux de lésions par secteur d'activité économique Il serait intéressant maintenant de voir ce qui se passe dans les différents secteurs d'activités économiques au Québec et de pouvoir comparer ces secteurs entre eux. Nous avons découpé l'activité économique du Québec en 10 secteurs et le tableau suivant nous indique pour chacun d'eux le taux de lésions par 100 travailleurs pour les années 1987 à 1990. TABLEAU 5 : Taux de lésions par 100 travailleurs par secteur d'activité de 1987 à 1990 1987 1988 1989 1990 Fabrication de produits en métal 32,9 33,1 33,8 33,8 Aliments et boissons 23,8 23,5 24,3 23,4 Forêt 23,3 19,0 18,5 17,0 Transport 17,2 15,5 15,6 14,5 Construction 16,6 15,2 14,7 16,1 Mines et carrières 14,9 14,1 17,0 14,7 Agriculture 11,4 9,6 9,4 10,5 Administration publique 6,4 6,2 6,3 6,1 Commerce 7,6 7,4 7,5 7,4 Finances - assurances 1,0 1,0 1,1 1,2 Ensemble des secteurs 9,0 8,8 8,9 8,7 29 Santé et sécurité au travail : notions de base Soulignons que dans le domaine de l'agriculture, la majorité des exploitations agricoles ne sont pas couvertes par le régime de santé et de sécurité du travail. Seulement le tiers des fermes que compte le Québec sont inscrites à la Commission. En dehors de cela, on sait que dans le domaine de l'agriculture, une grande part des accidents mineurs ne sont pas déclarés et on estime que si on comptabilisait tous les accidents qui surviennent dans ce secteur, le taux de lésions par 100 travailleurs pourrait facilement doubler. Notez qu’en 2022, la CNESST a accepté 74, 459 réclamations pour accidents du travail liées au secteur des soins de santé et assistance sociale soit presque 50% du total des dossiers acceptés pour l’année. Le contexte pandémique et la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur sont certainement mis en cause. Nous avons déjà une meilleure idée des secteurs d'activités économiques les plus touchés par le nombre d'accidents et de maladies du travail, mais comme nous allons le voir maintenant, le taux de lésions par 100 travailleurs n'est pas encore un indicateur qui cerne entièrement l'état de santé des travailleurs et des travailleuses, parce qu'il ne nous renseigne pas sur la gravité des lésions dues au travail. 3.3.4 L'indice de gravité des lésions professionnelles La gravité des accidents et des maladies professionnelles s'évalue généralement par la perte de temps de travail que ces lésions entraînent. Dans une entreprise, le taux de gravité se calcule pour une année par le nombre d'heures perdues à cause d'accidents ou de maladies, divisé par le nombre total d'heures travaillées, multiplié par 200 000. (Certaines entreprises utilisent soit 100 000 soit 1 000 000). Nombre d'heures perdues par année Nombre total d'heures travaillées par année 30 x 200 000 Module I : Introduction à la médecine du travail Pour l'ensemble du Québec, les données dont nous disposons ne nous permettent pas un tel calcul, car nous ne connaissons pas le nombre d'heures travaillées. Pour pouvoir établir un indice de gravité en utilisant les chiffres disponibles, nous examinons la moyenne de jours perdus par accident ou maladie professionnelle. Pour aborder le concept de gravité, disons tout d'abord qu'environ 54 % de toutes les lésions professionnelles entraînent une perte de temps, c'est-à-dire que la personne doit s'absenter de son travail plus d'une journée en raison de l'accident ou de la maladie dont elle est victime. Lorsqu'on considère seulement les lésions avec perte de temps, l'on constate que la moitié des victimes doivent s'absenter de leur travail plus de cinq jours et qu'environ un travailleur sur 1 000 (qui subissent un accident) décède des suites d'un accident ou d'une maladie du travail. 3.3.5 La gravité des lésions par secteur d'activité Examinons maintenant les secteurs d'activités économiques les plus durement touchés par la gravité des accidents. Les études menées au Canada et aux États-Unis montrent que le secteur agricole suit immédiatement les secteurs de la construction et des mines pour le nombre de lésions par 100 travailleurs. Ce secteur est aussi des plus dangereux, car les accidents qui s'y produisent sont des plus graves. En effet, il s'y produit plus de décès et d'incapacités permanentes par 100 travailleurs que dans n'importe quel autre secteur d'activité. Le tableau suivant nous renseigne à propos des secteurs d'activité où les accidents qui s'y produisent sont les plus graves pour l'année 1982. Notons que le nombre moyen de jours perdus par lésion pour l'ensemble des secteurs d'activité au Québec est de 9,5 jours pour la même année. 31 Santé et sécurité au travail : notions de base TABLEAU 6 : Secteurs d'activité à risque plus élevé 1982 5 SECTEURS D'ACTIVITÉ NOMBRE MOYEN DE JOURS PERDUS PAR LÉSION Agriculture 15,9 Construction 15,1 Transport, entreposage et 13,4 communications Forêt 12,1 En termes de gravité, le secteur de l'agriculture arrive au premier rang avec tout près de 16 jours perdus par lésion. Ce secteur est suivi de près par l'industrie de la construction avec 15 jours perdus par lésion. Finalement, les transports et communications et le secteur de la forêt enregistrent respectivement 13 et 12 jours perdus en moyenne par lésion. Depuis plusieurs années, on ne dispose que du nombre de lésions avec perte de temps, ce qui fait augmenter la moyenne de jours perdus par lésion. C'est le cas pour le tableau suivant qui nous présente cet indice de gravité dans différents secteurs pour les années 2010, 2011 et 2012. Ces chiffres reflètent mieux la réalité que ceux du tableau précédent. 5 32 Les chiffres présentés dans ce tableau sont de l'ordre de 15 jours perdus par lésion et son obtenus en divisant le nombre total de jours perdus dans un secteur d'activité par le nombre de lésions avec et sans perte de temps dans ce secteur. Module I : Introduction à la médecine du travail TABLEAU 7 : Indice de gravité dans différents secteurs d'activités 2010-2012 2010 2011 2012 48,2 39,2 40 Construction 96 108 ? Scieries 243 321 221 Fabrication de produits en métal 55,1 55,5 ? Opérations forestières 185 136 193 Mines et carrières En 2022, l’indice de gravité moyen au Québec est d’environ 90 jours perdus par accident. 3.3.6 Les maladies professionnelles En ce qui concerne maintenant les maladies professionnelles, c'est-à-dire les maladies contractées au travail, on a recensé près de 25 000 cas de 1979 à 1983, soit une moyenne annuelle de 5 000 cas. Il faut noter cependant que les maladies du travail constituent moins de 4% de toutes les lésions, les accidents comptant pour près de 96 %. En 2022, les réclamations pour maladies professionnelles acceptées par la CNESST comptent pour 8%. TABLEAU 8 : Répartition de maladies du travail 1979-1983 30 % Surdité 20 % Dermatoses (maladies de la peau) 12 % Intoxications 12 % Maladies musculo-squelettiques 33 Santé et sécurité au travail : notions de base Concernant les dermatoses, 27 % sont dues à des contacts avec des agents chimiques, des solvants ou des détergents. Un autre 25 % a une origine biologique et est causé par le contact avec des animaux, des végétaux ou des bactéries. Pour ce qui est des cas d'intoxication, 18 % sont des cas d'intoxication au plomb. Les autres produits chimiques les plus fréquemment mis en cause lors d'intoxication sont dans l'ordre : le chlore, le monoxyde de carbone, les hydrocarbures, les fumées et gaz de soudure et la peinture. Les secteurs où l'on retrouve 42 % des cas de surdité sont l'industrie des pâtes et papiers, les mines et carrières, la fabrication d'équipements de transport et la première transformation des métaux. Concernant les dermatoses, 25 % se retrouvent dans le secteur des aliments et boissons et dans le secteur de la première transformation des métaux. Les chiffres que nous venons d'examiner nous donnent une petite idée de la situation au Québec en termes de lésions professionnelles. On a vu cependant que le nombre de lésions doit être interprété en fonction du nombre de travailleurs et de la gravité des lésions. En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte des maladies reliées au stress et aux tensions que génèrent les cadences, les horaires et les charges physiques et mentales de travail. Cependant, on s'entend dans les milieux scientifiques pour dire que les conséquences sur la santé d'une organisation du travail qui n'est pas adaptée à l'homme ne sont pas négligeables et peuvent aller des maladies cardio-vasculaires au vieillissement prématuré des travailleurs. Afin de vous donner un aperçu de l’évolution des lésions professionnelles, nous vous présentons quelques données associées aux années 2020-2022, 2022 étant l’année pour laquelle nous avons pu obtenir les données les plus récentes à la CNESST (CSST) lors de la mise à jour du module en septembre 2023. 34 Module I : Introduction à la médecine du travail TABLEAU 9 : Nombre de lésions reliées au travail pour le Québec pour les années 2020-2022 ANNÉE ACCIDENTS MALADIES TOTAL LÉSIONS DÉCÈS DU TRAVAIL PROFESSIONNELLES PROFESSIONNELLES 2020 94 750 9 982 104 732 173 2021 93 028 12 664 105 692 207 2022 149 812 12 150 161 962 216 TABLEAU 10 : Nombre de lésions par 100 travailleurs pour le Québec pour les années 2020-2022 ANNÉE NOMBRE DE LÉSIONS NOMBRE DE TRAVAILLEURS TAUX DE LÉSIONS PAR 100 TRAVAILLEURS 2020 104 732 3 800 000 2,8 2021 105 692 4 000 000 2,6 2022 161 962 4 100 000 4 35 Santé et sécurité au travail : notions de base TABLEAU 11 : Nombre de décès pour le Québec pour les années 2020-20226 ANNÉE SUITE À UN SUITE À UNE MALADIE ACCIDENT DU PROFESSIONNELLE TOTAL DES DÉCÈS TRAVAIL 2020 57 116 173 2021 60 147 207 2022 67 144 211 Malgré qu’ils se produisent encore beaucoup trop de lésions professionnelles et de décès nous pouvons noter une nette amélioration depuis les années 80. Le Québec est passé d’une moyenne de 10 lésions par tranche de 100 travailleurs dans les années 80 à une moyenne de 4 lésions par tranche de 100 travailleurs en 2022. Cependant, on assiste à une augmentation de leur gravité. Les énergies investies en matière de santé et de sécurité du travail ont rapporté, mais le travail n’est pas encore terminé et ne le sera pas de sitôt. Au stade où nous sommes en matière de réduction des lésions professionnelles les investissements en matière de prévention qu’il s’agisse de temps, d’énergie ou d’argent doivent être de plus en plus grands si on veut continuer sur la pente descendante. 6 Pour des informations plus détaillées, consultez CNESST en bref qui présente, le portrait statistique de la situation des lésions professionnelles en 2022, des caractéristiques de la clientèle, de quelques données sur la prévention, etc. 36 Module I : Introduction à la médecine du travail 37 Santé et sécurité au travail : notions de base ANNEXES 7 Annexe 1 Pour une approche communautaire dans les services de santé au travail Tiré de Administration hospitalière et sociale, vol. 17, no 3, mai-juin 1981, p. 16-19 Annexe 2 Le cadre institutionnel de la pratique de la médecine du travail au Québec par Paul Landry Tiré de l'Union médicale du Canada, vol. 110, no 8, août 1981, p. 691 à 695 Bien que les 2 textes qui suivent datent de plus de 40 ans, ils ont une valeur historique puisqu'ils présentent les changements de mentalité et d'approche en matière de santé au travail exigés par l'adoption de la Loi sur la santé et la sécurité au travail en 1979 7 Les textes ont été déposés sur le site du cours dans la section « travail à faire » à la suite du module 1. 38

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