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Université de Lille

Jonathan Layn

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libertés fondamentales droit constitutionnel droits de l'homme

Summary

Ce document traite de la théorie des libertés fondamentales, analysant les diverses terminologies utilisées, et leur caractère évolutif. L'auteur explore les libertés publiques dans une perspective juridique, en examinant notamment leur évolution depuis le XVIIIe siècle jusqu'à nos jours. Le document souligne la diversité des concepts liés aux libertés fondamentales et l'influence des contextes politiques sur leur consécration.

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lOMoARcPSD|36365031 Théorie des libertés fondamentales - cours du S5 Théorie des libertés fondamentales (Université de Lille) Scanne pour ouvrir sur Studocu Studocu n'est pas sponsorisé ou supporté par une université ou un lycée Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031...

lOMoARcPSD|36365031 Théorie des libertés fondamentales - cours du S5 Théorie des libertés fondamentales (Université de Lille) Scanne pour ouvrir sur Studocu Studocu n'est pas sponsorisé ou supporté par une université ou un lycée Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 « Théorie du Droit des Libertés Fondamentales » INTRODUCTION : Libertés publiques ; libertés fondamentales ; fondamentaux ; droits de l’homme : Plusieurs expressions, une seule réalité ? droits Les libertés publiques sont le plus souvent invoquées, soit pour affirmer leur existence de façon plus ou moins solennelle, soit pour mettre l’accent sur les menaces qui pèses sur elles (voir par exemple tout le débat doctrinal et médiatisé à l’extrême y compris sur les réseaux sociaux pour dénoncer les atteintes aux libertés fondamentales durant la période l’application de l’État d’Urgence sécuritaire de 2015 à 2017, ou durant l’application de l’État d’Urgence Sanitaire en 2020 ; ou le débat autour de la licéité de la mise en place d’un traçage électronique pour surveiller l’accroissement des porteur du virus du covid-19 : « Stopcovid »). Le plus souvent le discours sur les libertés fondamentales est fortement emprunt d’idéologie, ce qui peut paraître fort utile en démocratie mais témoigne, parallèlement de la fragilité des libertés fondamentales. Le concept de libertés publiques est apparu, académiquement, en 1954 lors de la réforme des programmes qui a vu la création, en quatrième année de licence en droit (l’actuelle première année de master), d’un cours optionnel de « Libertés Publiques », qui deviendra ensuite obligatoire avec la réforme de 1962 qui sera ensuite imposé en 3ème année de licence et prendra officiellement l’intitulé de « Droit des Libertés Fondamentale » lors de la réforme de 1997. Une telle consécration académique n’implique pas une définition claire de l’objet de la matière ou du concept. Comme le fait fort justement observer Mme le Pr. Roseline LETTERON (« Libertés publiques », 2019) « l’apparente clarté de la notion de libertés publiques disparaître lorsque l’on s’efforce de l’étudier comme concept juridique » (Section 1). C’est le propre de toute nouvelle discipline académique d’exister nominalement sans que les textes ne définissent son contenu et son objet (ce fut le cas antérieurement pour le droit administratif ; l’économie politique ou encore la science politique dans les années 1970). Ainsi, la diversité des terminologies comme on a pu le voir dans la bibliographie, semble même vouer à l’échec toute tentative de rechercher une définition claire et homogène de la notion de libertés publiques. Dès lors, il est logique que le droit des libertés publiques traduise ces diversités terminologiques et qu’en fonction des options des auteurs telle lecture ou telle autre soit privilégiée. On verra ainsi que selon les approches retenues, les techniques juridiques qui sont utilisées pour mettre en œuvre les libertés publiques pourront aboutir à des analyses diverses (Section 2). Section 1 : Les libertés publiques comme objet juridique Comme on vient de le voir, l’analyse des libertés publiques quant à son objet juridique est particulièrement difficile tant en raison de la diversité des terminologies employées pour le définir (§.1) que de son caractère évolutif (§.2) ou de la difficulté à saisir son contenu (§.3). PARAGRAPHE 1 LA DIVERSITÉ DES TERMINOLOGIES UTILISEES A l’origine dénomination unique, voire univoque, le concept de « libertés publiques » se trouve aujourd’hui fortement concurrencé par d’autres notions. On lui préfère de plus ou on lui adjoint des expressions telles que « libertés fondamentales », « droits de l’homme », voir « droits fondamentaux ». Certaines expressions ont eu un temps une mise en avant comme celle de « liberté essentielles » utilisées par la loi Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 constitutionnelle du 3 juin 1958 qui, heureusement n’a pas survécu car elle impliquait que puisse exister deux catégories de libertés, celles qui seraient essentielles et celles qui ne le seraient pas ! La diversité des intitulés de manuels relevant de cette matière fait écho la multitude des terminologies que nous venins d’envisager. Si la notion de « liberté publique » se trouve aujourd’hui marginalisé cela tient à deux phénomènes : le changement de l’intitulé dans les programmes académiques mais surtout une certaine répugnance des auteurs modernes face à une notion ancienne, vieillotte, mais surtout connotée et faisant plus référence aux pouvoir de contraire et de limitation de l’encadrement de l’exercice juridique d’une liberté que manifestant la volonté de mettre en avant le caractère protecteur de l‘exercice des libertés. Mais aucun concept n’est aujourd’hui dominant. Cela tient bien entendu à la jeunesse de la discipline (même si on trouve des développements dans des manuels très classiques de droit public, voire de droit constitutionnel (on citera par exemple le « Traité de droit constitutionnel » de Léon DUGUIT, Paris, Fontemoing, 2 ème édition, 1925, tome V, qui ne comprend pas moins de 704 p.), on sait, par exemple qu’il a fallu près de 100 ans pour que le droit administratif s’autonomise et définisse définitivement son objet ; mais surtout, cela traduit bien les inconvénients de cette quête de l’objet juridique de cette discipline : ces différentes expressions, ces divers concepts ne sont en effet pas synonymes et renvoient à des analyses différentes. Ces expressions renvoient tantôt à une approche formelle de la discipline, d’autres à une approche doctrinale, et tantôt à une autre vision porte sur une appréciation du contenu de la discipline : - Approche formelle et approche matérielle de la discipline : ainsi la notion de libertés fondamentales peut faire référence à l’origine des normes. Le Pr. Jean-Jacques ISRAEL, dans son manuel (« Droit des libertés fondamentales », 1999) définit la liberté fondamentale comme étant « une liberté reconnue par une règle du niveau juridique le plus élevé, soit constitutionnelle ou internationale ». Il exclu par la même les normes d’origine législatives voire réglementaires. A l’inverse, la notion de droits de l’homme se réfère à une conception matérielle de la discipline, elle renvoie au contenu matériel de la norme. Elle trouve son origine dans le mouvement jus naturalis qui trouve son origine chez Saint Thomas d’Aquin (« Somme théologique » écrite au milieu du XIIIème siècle ; reprise chez les théologiens dominicains espagnols tels Bartolomé de LAS CASAS qui défendit les droits des indiens d’Amérique à être des hommes au milieu du XVIème siècle, puis développés ultérieurement par les philosophes du XVIIème siècle tels ROUSSEAU et MONTESQUIEU) qui met l’accent sur les droits de l’individu face à l’Etat. Cette dernière notion sera particulièrement développée de nos jours de façon importante par le droit international (voir les travaux du philosophe Jean-François REVEL, et surtout du professeur de droit Mario BETTATI et du médecin Bernard KOUCHNER qui théorisèrent le concept de « droit d’ingérence humanitaire »). Approche doctrinale et approche de droit positif : ainsi, très souvent la notion de droits de l’homme sera instrumentalisée dans une perspective militante. Cette approche doctrinale vise à mettre en avant les menaces qui pèsent sur les libertés et sur les nécessités d’y porter remède. Le Pr. Jean MORANGE (« Droit de l’homme et libertés publiques », 1997) fait observer que « la renommée des droits de l’homme n’est pas le fait des juristes. Ce sont les hommes politiques, les plus hautes personnalités du monde religieux, philosophique, scientifique, qui contribuent le plus à la diffuser au risque de la banaliser ». A l’inverse, le concept de « libertés publiques » est une notion exclusivement juridique dès lors qu’elle fait référence aux normes de droit qui s’appliquent. Approche quant au contenu de la notion impliquant une hiérarchie entre les libertés et approche égalitariste des libertés (absence de hiérarchies entre les libertés) : Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 Au premier rang de la première vision figurent les notions de « libertés fondamentales » ou de « libertés essentielles » impliquant comme on l’a déjà dit que si certaines libertés sont fondamentales ou essentielles, c’est que d’autre sont moins fondamentales ou moins essentielles impliquant une hiérarchie entre les libertés les plus essentielles qui bénéficient d’une protection maximum et celle qui le sont moins et qui de ce fait bénéficient d’une protection juridique moindre. La notion de « libertés publiques », elle, est plus neutre n’impliquant aucune hiérarchie entre les libertés en cause. Ici toutes les libertés font parties d’un même ensemble de règles ou de normes juridiques sans aucune hiérarchie en droit positif. La richesse doctrinale de ces pluralités de notions est également source d’incertitude au niveau de l’analyse du champ d’application de la discipline et de son évolution. PARAGRAPHE 2 LE CARACTÈRE ÉVOLUTIF DE LA NOTION DE LIBERTÉS Lorsqu’on examine de plus près les libertés publiques, on constate qu’elles ne sont pas immuables. Elles évoluent tant dans leur mode de consécration que dans leur contenu. Elles sont étroitement liées aux évolutions de la société elle-même. Si les libertés publiques évoluent cela n’est pas lié à une quelconque notion de progrès (A), et leur évolution est le signe des mutations de la société (B). A Une évolution non liée à l’idée de progrès : L’examen de l’évolution des libertés publiques démontre amplement que cette évolution n’est en rien liée à l’existence d’un progrès linéaire, mais bien plutôt de l’évolution des conjonctures politiques. Depuis le XVIIIème siècle, l’évolution des libertés publiques n’a pas été linéaire en ce sens qu’elle n’est pas allée dans une perspective de plus en plus de libertés mais plutôt elle se caractérise par des périodes d’évolutions rapide dans le sens des libertés et par des périodes de régression. Ainsi à la grande période de la Révolution française durant laquelle les déclarations des droits ont été abondantes a immédiatement succédé la période de la Terreur (1793). La Troisième République s’est achevée par un basculement dans le régime de l’Etat Français dit de Vichy qui n’a pas été propice au développement de la protection des libertés publiques. Période qui fut elle-même suivie par un nouveau développement exponentiel des libertés publiques avec le préambule de la constitution du 27 octobre 1946, par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 décembre 1948 et par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH) signée à Rome le 4 novembre1950 et entrée en vigueur en 1953. Si on se situe maintenant au niveau du contenu des libertés publiques, on aperçoit une progression dans l’évolution des libertés publiques. Certains auteurs comme Boris MIRKINE-GUETZEVITCH (« Les constitutions européennes », 1951 ; idées déjà évoquées mais plus timidement dans l’édition de 1929) ont mis l’accent sur le développement des libertés publiques dans l’immédiat après seconde guerre mondiale. D’autres, comme Karel VASAK (« Le droit international des droits de l’homme », RCADI, 1974), ont pu développer une théorie reposant sur l’idée de l’existence de trois générations des droits de l’homme. La première, coextensive à la proclamation de la Déclaration de 1789, serait caractérisée par la consécration des droits individuels et politiques de l’homme. La deuxième qui est traduite par les textes de l’immédiat après seconde guerre mondiale serait marquée par l’affirmation des droits économiques et sociaux. La troisième, elle plus confuse, serait marquée par l’émergence de droits de « solidarité » favorisant l’épanouissement de l’homme (droit au temps libre ; droit à la paix ; droit au développement ; droit à l’environnement…). Il est intellectuellement très intéressant de tenter une pareille classification qui correspond parfaitement à nos esprits français et cartésiens. Néanmoins cette classification ne traduit malheureusement pas la réalité de l’évolution des libertés publiques pour deux raisons : Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 D’une part, cette classification en trois générations demeure trop schématique. Si on laisse de côté la troisième génération (qui semble plus à une catégorie fourre-tout), les deux premières ne traduisent pas la réalité. En effet, le développement des droits de citoyenneté ne s’achève pas avec la Révolution française : ainsi l’émergence du droit de suffrage en 1789, se poursuit sous la deuxième République par l’affirmation du suffrage universel masculin en 1848 complété par le suffrage universel féminin avec l’ordonnance du 21 avril 1944. De plus l’affirmation de la consécration de droits sociaux date de bien avant la constitution de 1848, on la trouve déjà mentionnée dans la constitution montagnarde de 1793 et sera fortement développée par les grandes lois de la IIIème République (loi du 24 mai 1884 relative à la liberté syndicale par exemple). D’autre part, une telle classification aboutit à élargir considérablement le domaine d’application des libertés fondamentales au détriment de leur statut juridique. Ainsi, les droits de la troisième génération sont souvent des droits aléatoires à la portée juridique plus que limitée même si certains de ces droits ont été, depuis, consacrés comme, par exemple, le droit au développement qui ressemble plus à des droits revendiqués par le pays dits « en développement » et qui pourtant se retrouvent dans les normes suprêmes du droit communautaire (incorporation de la Charte de Nice de 2000 dans le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007) ou en droit français (avec l’incorporation de la charte de l’environnement de 2004 dans le préambule de la constitution de 1958 par la révision constitutionnelle de 2005). Si une évolution linéaire des libertés publique n’est pas envisageable, une évolution de ces dernières en fonction des adaptations de la société est bien plus réelle. Une adaptation aux mutations de la société : Protection et garantie des libertés publiques ne sont pas immuables. Ainsi certaines protections peuvent disparaître au fil du temps et d’autres peuvent apparaître en fonction des évolutions des besoins de la société. 1 La disparition de certaines protections : Certaines protections de libertés publiques peuvent s’expliquer soit parce que la violence d’un État aboutit à faire disparaître cette protection, soit parce que l’évolution du droit et de la société ne semble plus les rendre indispensables. Il est évident que le degré de protection des libertés publiques dépend essentiellement du degré, et de son évolution, de démocratie d’un État. Ainsi beaucoup de constitutions proclament l’existence de libertés publiques sans pour autant en assurer la protection. C’est par exemple le cas de constitution de l’Etat soviétique (URSS) du 5 décembre 1936 qui prévoit en son chapitre X intitulé « Droits et devoirs fondamentaux des citoyens » (article 118 à 129) un catalogue de droits et libertés proclamés mais qui, en même temps affirme dans ses articles 130 à 133 toute une série de restrictions à l’exercice de ces libertés publiques. Par exemple : Article 130 : « Chaque citoyen de l'URSS est tenu d'observer la Constitution de l'Union des Républiques socialistes soviétiques, d'exécuter les lois, d'observer la discipline du travail, de remplir honnêtement son devoir social, de respecter les règles de la vie en société socialiste ». Article 131 : « Tout citoyen de l'URSS est tenu de sauvegarder et d'affermir la propriété commune, socialiste, qui est la base sacrée et inviolable du régime soviétique, la source de la richesse et de la puissance de la patrie, la source d'une vie aisée et cultivée pour tous les travailleurs. Les personnes qui attentent à la propriété sociale, socialiste, sont les ennemis du peuple ». Souvent l’importance de la proclamation de libertés publiques et inversement proportionnelle à la réalité de ses garanties. Plus un État repose sur la violence, moins les libertés se trouvent être garanties. A l’inverse, l’évolution de la société peut amener à faire disparaître la protection de certaines libertés du fait que leur remise en cause n’est plus d’actualité, mais qui peut réapparaître sous d’autres formes. Il en va ainsi de l’esclavagisme. L’esclavage a été définitivement aboli par le décret du 27 avril 1848 dit décret « Schoelcher ». Dès lors le droit français a abandonné tout régime pénal répressif visant à réprimer les actions esclavagistes. Pourtant, Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 de nouvelles formes d’esclavages sont apparues, tel le travail forcé ou la prostitution forcée. Le droit a donc dû évoluer à son tour et le nouveau Code pénal a créé l’incrimination de « réduction en esclavage » comme étant un crime contre l’humanité. 1 L’apparition de nouvelles protections : L’évolution historique des sociétés invitent souvent le droit à évoluer. En ce qui co ncerne les libertés publiques, ces changements sont le fait aussi bien de l’évolution des mœurs que de celle des technologies. L’évolution des mœurs invite les membres du corps social à revendiquer des attitudes comme étant des libertés publiques. Prenons l’exemple de l’homosexualité. Pendant longtemps, les comportent homosexuel était prohibé et pénalement réprimés (c’est encore le cas dans certains États). Désormais l’homosexualité est revendiquée comme une liberté publique, au même titre que la situation juridique des transgenres. Le droit demeurant néanmoins très timide quant à la consécration d’un droit à la différence ; le droit préférant se positionner sur le terrain du principe de non-discrimination. Ainsi, on peut citer un arrêt très récent de la Cour de cassation en date du 16/09/2020 (C. Cass. 1ère Ch. Civ., 16 septembre 2020). Dans cette affaire, le 23 juin dernier, le parquet général de la Cour de cassation s'était prononcé en faveur de la demande de la Montpelliéraine transgenre mais ce 16 septembre 2020, la cour de cassation, la juridiction la plus élevée de l'ordre judiciaire français, a tranché. Un père devenu femme ne peut être la mère de son enfant biologique qui aurait alors 2 mères. Pire, elle a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier qui lui avait reconnu le statut de "parent biologique", estimant que notre Montpelliéraine transgenre est un "père". Un terme qui ne peut prêter à interprétation comme "parent", un statut qui n'existe pas dans le droit français. La Cour renvoie l'affaire à la cour d'appel de Toulouse. Cette décision reste donc dans la droite ligne des lois françaises en matière de filiation. Les associations de personnes transgenres attendaient beaucoup de la cour de cassation, espérant un arrêt inédit en leur faveur. L’évolution des technologies est également un élément considérable de l’évolution des protections juridiques. Ainsi, si prend l’exemple de l’informatique, on constate, technologiquement, qu’il s’est considérablement développé dans les années 1970-1980, puis généralisé grâce au développement des techniques de miniaturisation des processeurs. Le droit a donc dû réagir : ce sera la loi du 06 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés (création d’une Haute Autorité Indépendante (la CNIL) ; loi du 06 août 2004 modifiant la loi de 1978; règlement no 2016/679, dit règlement général sur la protection des données (RGPD), qui est un règlement de l'Union européenne qui constitue le texte de référence en matière de protection des données à caractère personnel. Il renforce et unifie la protection des données pour les individus au sein de l'Union européenne. PARAGRAPHE 3 Le contenu des Libertés Publiques Il est extrêmement important de bien noter que l’ensemble des Libertés Publiques n’est pas régi par un régime juridique unique de garanties par le droit. Il y a autant de régime juridique d’encadrement des libertés publiques qu’il y a de liberté et on peut même avancer l’hypothèse que l’exercice d’une liberté publique peut être garantie de façon différente selon les catégories d’individus auquel s’applique. Ainsi en va-t-il par exemple de la liberté d’association qui est souvent généralement présentée comme étant encadré dans un régime dit « répressif » (c’est à dire un régime juridique dans lequel il n’y a pas d’obstacle entre la volonté d’exercer cette liberté et l’exercice même de cette dernière). En réalité la situation juridique est bien plus diverse, bien plus complexe. En vertu de la loi du 1 er juillet 1901 qui encadre l’exercice de la liberté d’association, il existe en réalité trois régimes d’encadrement de l’exercice de la liberté d’association, sous l’empire de cette loi : les associations non déclarées qui ne bénéficient pas de l’autonomie juridique mais sont encadrées dans un régime Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 juridique dit « répressif » total ; les associations déclarées qui bénéficient de l’autonomie juridique et qui sont soumises à un régime dit « répressif » mais obligées de respecter une procédure de « déclaration préalable » (ici l’association existe de la seule volonté de ses fondateurs mais doit être déclarée en préfecture pour bénéficier de l’autonomie juridique et dans ce cas l’autorité publique est dans une situation de compétence liée) ; les associations « reconnues d’utilités publiques » qui sont encadrées dans un « régime préventif » (c’est à dire un régime juridique dans lequel il y a un obstacle entre la volonté d’exercer cette liberté et l’exercice même de cette dernière qui se traduit par une autorisation préalable délivrée par l’administration, laquelle dispose ici d’un pouvoir discrétionnaire), ici il faut un décret en Conseil d’État pour que cette qualité leur soit reconnue. On fera observer, par ailleurs, qu’à côté des associations « loi 1901 » il existe d’autres associations régies par des régimes juridiques particuliers tel, entre autres et par exemple, les associations cultuelles encadrées par la loi du 9 décembre 1905 de « séparation des églises et de l’Etat » ; les associations syndicales de propriétaires régis par l’ordonnance du 1er juillet 2004 ; les associations syndicales professionnelles dont le régime est fixé par le code du travail et qui sont constituées librement depuis la loi du 21 mars 1884 dite « loi Waldecq-Rousseau » ou les associations politiques qui pour la plupart sont sous le régime juridique de la loi de 1901 à ceci près qu’elles sont mentionnées dans la constitution du 04 octobre 1958 (article 4C : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. / Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l'article 1 er dans les conditions déterminées par la loi. / La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ») et bénéficient donc d’une protection plus grande. Il est néanmoins possible d’effectuer un classement au sein de ces libertés publiques, sans qu’il y ait la moindre hiérarchie entre ces libertés. En effet, si on applique aux libertés publiques la théorie mathématique des ensembles, il est possible d’envisager que les libertés se trouvent répartis en trois sousensembles : les droits humanitaires (A) qui constituerait le noyau dur et qui regrouperait l’ensemble des règles juridiques visant à protéger l’intégrité physique de l’individu ; les droits du citoyen (B) qui regroupent l’ensemble des droits de participation des individus à la vie politique et sociale ; les droits de l’homme (C) qui est ici une catégorie plus floue de droits qui font le lien entre les droits humanitaires et les droits du citoyen. A Le droit humanitaire Le droit humanitaire constitue le noyau dur, le noyau central des Libertés Publiques en ce sens qu’il englobe l’ensemble des droits minimum qui subsistent afin de protéger l’individu en période de conflits. Ces droits ne trouvent à s’appliquer qu’en période de conflits internationaux : c’est donc un droit de crise qui se trouve régit par des normes juridiques qui se situent dans la hiérarchie des normes au stade des normes conventionnelles (il s’agit donc d’un ensemble de Libertés encadrées par des règles parmi les plus importantes juridiquement). Ici, la particularité de sous ensemble de règle juridique consiste dans le fait que l’individu n’est pas sujet de ces normes mais objet du droit des Libertés Publiques puisqu’il ne peut pas les « enclencher » lui-même, ce sont en effet, les États qui prennent l’engagement de tout faire pour protéger les individus durant les conflits. Le droit humanitaire s’inspire des deux catégories issues du droit international de la guerre juste élaboré par les jus naturalistes : le « jus ad bellum » et le « jus in bello », aboutissant ainsi à deux approches juridiques. Il y a « le droit des conventions de La Haye » qui vise à encadrer les actions de guerre et dont la protection des individus ne constitue pas l’objet essentiel de ces règles de droit mais les droits et les intérêts des États. Il y a le développement, parallèlement, « le droit des conventions de Genève » qui, lui, vise à protéger les Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 victimes et les non-combattants qui deviennent des individus qui sont touchés indirectement par un conflit armé. La Cour Internationale de Justice a reconnu (CIJ, avis du 08 juillet 1996 sur la licéité de l’emploi des armes nucléaires) que ces deux approches juridiques « ont développé des rapports si étroits qu’ils sont regardés comme ayant fondé graduellement un seul système complexe, qu’on appelle aujourd’hui le droit international humanitaire ». Les Conventions de Genève du 12 août 1949 mettent ainsi à la charge des États des obligations de comportement dont ils ne sauraient se soustraire : on parle alors de l’existence d’obligations intransgressibles ». Enfin on fera observer qu’aujourd’hui, le droit humanitaire se caractérise par son internationalisation croissante avec la création et le développement des tribunaux pénaux internationaux (Tribunaux spéciaux constitués pour régler une question spéciale = Nuremberg pour juger les criminels nazis ; Tokyo pour juger les criminels nippons ; Tribunal Pénal Spécial International pour le Rwanda. Création de la Cour Pénale Internationale [CPI ou ICC] par le traité de Rome du 17 juillet 1998 qui siège à La Haye). Les droits du citoyen A côté du droit humanitaire qui constitue le noyau dur, le degrés indépassable et résiduel, des droits de l’individu se situe le sous-ensemble des droits du citoyen que regroupe l’ensemble des règles de droits précises qui vise à garantir les libertés de l’individu par le droit. Il s’agit des droits de la personne humaine (même si depuis 2015 le droit français reconnaît un certain statut juridique à l’animal par l’article 515-14 du Code Civil issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 aux termes duquel, « les animaux sont des être vivant doués de sensibilité. Sous réserves des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens »). Il est ici essentiellement question des droits de l’individu dans une société politique déterminée. Ce sousensemble regroupe tous les droits de l’individu qui caractérisent les relations de la personne à l’Etat. Dès lors ils sont encadrés par l’existence de frontières qui marquent les limites et le champ de leur application et ils s’opposent dès lors à la conception universaliste des droits fondamentaux. Ils se caractérisent par le fait que le plus souvent ils sont étroitement liés aux notions de nationalité ou de résidence, par l’intervention de l’Etat quant à leur édiction et par le fait que leur protection est assurée par les juridictions nationales. Les droits du citoyen se distinguent tant du droit humanitaire que des droits de l’homme. Les droits du citoyen se distinguent du droit humanitaire pour deux raisons : leur permanence et leur efficacité. Alors que le droit humanitaire est un ensemble de droits de crise et ne trouvent à s’appliquer que durant des périodes exceptionnelles, les droits du citoyen trouvent à être invoqués au quotidien, ce sont des droits de tous les jours, d’où leur caractère permanent. En outre, ils sont des droits moins déclaratoires que les droits de l’homme et sont donc plus efficace que les droits de l’homme. Ils sont d’origine normative essentiellement constitutionnelle et leur non-respect sera sanctionné par les tribunaux nationaux (tribunaux de droit commun administratifs et judiciaires et même, depuis 2010, par le Conseil Constitutionnel par le moyen de l’exception d’inconstitutionnalité appelée : la Question Prioritaire de Constitutionnalité [QPC]). On fera ici observer qu’en cas de non-respect des droits du citoyen, l’individu pourra directement ester en justice = il est alors un sujet de droit ; à l’inverse, en cas de violation d’un droit humanitaire, l’individu ne pourra pas directement ester en en justice = il alors un objet de droit. Certains auteurs considèrent (LETTERON, 2019) que les droits du citoyen sont plus des pouvoirs que des libertés, ce qui amène certains d’entre eux à la rattacher à la liberté-participation chère aux démocrates athéniens du cinquième siècle avant Jésus Christ, époque de la splendeur de la Grèce antique de Périclès. Cette liberté-participation postule que l’individu va participer à la conduite des affaires publiques. Comme Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 on le reverra, cette idée est reprise solennellement dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 à son article 6 aux termes duquel : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Comme l’affirme, par ailleurs, l’article 3 de la Constitution du 04 octobre 1958, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. / Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. / Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. / Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». On peut donc considérer que la démocratie représentative, ou la démocratie directe sont bien les fondements des droits du citoyen : droit de vote ; droit de consentir à l’impôt ; droit d’être éligibles droits de voter directement la loi par le biais du référendum (…). Les droits du citoyen se distinguent également des droits de l’homme. Ainsi, le Pr. Serge SUR oppose les droits du citoyen qui seraient « vernaculaires » (qui est propre à une région, un pays) aux droits de l’homme qui seraient « véhiculaires ou nomades ». Ils seraient vernaculaires en ce sens qu’ils seraient « fondés sur un lien particulier et substantiel avec l’Etat et [qu’ils] ne peuvent que dans son cadre », là où les droits de l’homme seraient « véhiculaires », c’est-à-dire qu’ils ont une « vocation universelle et indépendante de tout ordre juridique déterminé »1. Néanmoins, ces deux catégories de droits sont complémentaires : les droits de l’homme sont issus des conceptions des droits naturels. Ils préexistent aux droits du citoyen et sont antérieurs au contrat social. A l’inverse, les droits du citoyen sont, eux, issus du contrat social. Ainsi, comme l’affirme le Professeur Jean RIVERO (RIVERO, manuel, 1991, tome 1, p.62) « les droits du citoyen ne se conçoivent qu’une fois que la Cité est fondée ». Il en résulte donc que « les droits de l’homme sont garantis par les droits du citoyen » (LETTERON, Manuel, 2019°. Les droits de l’homme Ce troisième sous-ensemble est le plus confus, le plus nébuleux, donc le plus imprécis. Même si c’est la catégorie la plus souvent évoquée, voire invoquée. Les droits de l’homme mettent en évidence une vision universaliste des droits et des libertés. Néanmoins, les droits de l’homme lorsqu’ils sont déclinés juridiquement en droit interne sont tout à fait comparable aux droits du citoyen quant à leurs effets. Ils visent à soustraire l’individu à l’emprise de l’Etat alors que les droits du citoyen assurent sa participation aux institutions publiques, d’où l’opposition déjà mentionnée entre « liberté-participation » (droits du citoyen) et « liberté-autonomie » (droits de l’homme). Dans la vie quotidienne, les droits de l’homme se traduisent par l’affirmation de droits essentiels tels : la sûreté, la liberté d’expression et d’opinion, la liberté d’aller et venir, la liberté de culte, la liberté de manifester, le respect de la vie privée sous toutes ses forme (…). La tendance actuelle dans la doctrine à faire prévaloir les droits de l’homme sur les droits du citoyen a une conséquence problématique : elle remet en cause la garantie des droits aux profit de leur seule proclamation et aboutit ainsi à en amoindrir les effets. Section 2 : Les techniques juridiques de mise en œuvre des libertés publiques Qu’il s’agisse de droit humanitaire, de droits du citoyen ou de droits de l’homme, l’ensemble de ces normes juridique relèvent des libertés publiques en ce sens que les techniques juridiques de leur mise en œuvre permettent seules de centrer l’organisation juridique des droits et des libertés. L’essentiel à retenir est que : les libertés publiques se définissent par l’existence d’un régime juridique. 1 Serge SUR « Vers une Cour pénale internationale. La Convention de Rome entre les ONG et le Conseil de sécurité », RGDIP, 1999, pp. 29-45. Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L’existence d’un tel régime juridique ne va pas sans poser une question essentielle : qu’elle est la place de l’Etat dans la protection des droits et des libertés. Dès lors, deux conceptions se sont historiquement opposées : la conception libérale et la conception socialiste. En vertu de la conception libérale, l’Etat doit s’abstenir de toute intervention, ne pas entraver l’individu dans l’exercice d’une liberté, se traduisant en économie par la célèbre formule de Vincent de GOURNAY (vers 1758) « laisser faire laisser passer ». Il s’agit donc bien d’une théorie d’abstention de l’Etat, son seul rôle se limitant à tout faire pour assurer la préservation de la sphère d’autonomie de l’individu (Philippe BRAUD, « La notion de libertés publiques en droit français », LGDJ, 1968). A l’inverse, en vertu de la conception socialiste, l’Etat ne doit pas se limiter à garantir à l’individu une sphère d’autonomie, mais doit aussi assurer au profit de ce dernier un minimum de sécurité matérielle. Cela implique l’obligation, pour l’Etat, d’assurer aux individus un minimum de prestations comme l’existence d’un système d’éducation gratuit, d’assurer l’indemnisation des travailleur privés de leurs emploi quelle qu’en sout la cause (voir, par exemple l’attitude de l’Etat dans la crise sanitaire du codiv-19 où l’Etat s’est engagé à prendre en charge le coût du chômage partiel), protection de la santé des individus (voir, par exemple l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » […]). Néanmoins, une approche juridique des libertés publiques fait naître trois questions qui dépassent cette dualité de conception tournant autour de trois idées : l’autorité de la règle (§.1), le respect des procédures (§.2), les idées de justice ou d’équité ((§.3). PARAGRAPHE 1 L’AUTORITÉ DE LA RÈGLE Tout d’abord, la règle de droit peut tirer d’elle-même sa propre autorité. Il en résulte que sa simple consécration dans un texte juridique suffit à lui conférer une autorité certaine. C’est l’idée qui consiste à considérer qu’il suffit qu’une règle soit proclamée dans un texte juridique solennel, généralement de niveau constitutionnel, pour lui assurer une effectivité juridique et laisser au pouvoir législatif le soin d’organiser ses modalités d’application effective. C’est le cas de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui attendra, comme on le verra, plus de 180 ans avant de se voir reconnaître une valeur juridique la plus élevée mais qui, néanmoins n’était pas sans conséquences juridiques. Elle avait acquis une certaine valeur morale durant tous les XIXème et premier XXème siècle. En effet, si la DDHC ne s’est pas vue reconnaître une valeur juridique contraignante, elle renvoyait au pouvoir législatif, le soin de mettre en œuvre la protection de ces libertés. Ainsi, à plusieurs reprises la DDHC elle proclame en son article 4 que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». On retrouve une telle approche dans le droit international des libertés. Ainsi dans le droit international, on rencontre des déclarations des droits qui vont être complétées par des conventions internationales à effet contraignant (par exemple, la déclarations de droits de l’enfant de l’ONU du 20 novembre 1959 qui sera complétée par la convention internationale des droits de l’enfant [CIDE] du 20 novembre 1989 ; ou encore la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme [DUDH ]du 10 décembre 1948 qui sera complétée par les conventions internationales dites : le « Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » et le « Pacte international relatif aux droits civils et politiques » du 16 décembre 1966). Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 Une telle démarche postule que l’autorité de la norme puise son origine dans la norme elle-même. PARAGRAPHE 2 LE RESPECT DES PROCÉDURES A côté des règles qui puisent leur autorité dans la norme elle-même, d’autres règles peuvent trouver leur autorité, leur origine, dans le respect des procédures. Ce n’est pas tant le caractère obligatoire de la norme qui fonde son autorité, mais le caractère obligatoire des procédures qui doit qui doit être respecté. Ainsi en droit anglais c’est plus le respect des procédures du procès pénal que les normes de la Magna Carta du 15 juin 1215 au Bill of right du 13 février 1689 qui vont consacrer l’effectivité de la norme. Il s’agit d’une approche pragmatique spécifique au système juridique britannique peu courant en France, même si on a pu le rencontrer en droit français sous la IIIème République où la loi était la norme suprême (ce fut le cas, par exemple, des grandes lois protectrices des libertés comme la loi du 1 er juillet 1901 sur la liberté d’association). PARAGRAPHE 3 LES IDÉES DE JUSTICE OU D’ÉQUITÉ Enfin, le droit des libertés peut aussi reposer soit sur l’idée de justice, soit sur celle d’équité. Le droit devient alors le reflet des rapports sociaux et la norme juridique et alors envisagée dans le but de répondre à une évolution sociale. Cette vision présente un grand avantage : la grande mobilité de la norme, son évolution rapide, mais elle engendre aussi des inconvénients : la norme est dévalorisée car elle n’est que le reflet de l’évolution de la société, elle devient dès lors contingente ; la norme voit son autorité diminuer car elle est sujette a des lobbies qui ne reposent pas sur une légitimation élective (groupes de pression, ONG, associations, lobbies…). CHAPITRE 1 : LES LIBERTÉS FONDAMENTALES DANS LES DECLARATIONS DES DROITS Section 1 : La proclamation des libertés fondamentales dans les déclarations françaises On distinguera tout d’abord les déclarations de la période révolutionnaire (A) des déclarations post révolutionnaires (B). A.) Les déclarations françaises révolutionnaires La période révolutionnaire a été particulièrement riche et féconde en déclarations des droits. Il y a bien sûr la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (la DDHC) du 26 août 1789 qui est la plus importante juridiquement vue qu’elle a encore une valeur constitutionnelle aujourd’hui (raison pour laquelle nous y consacrerons l’essentiel de notre analyse) ; Mais il y a aussi d’autres textes importants de cette même époque. On peut tout d’abord faire référence au Plan de constitution girondin, présenté à la Convention nationale les 15 et 16 février 1793 par Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, qui se compose de trois parties : Une Exposition des principes et des motifs du plan de constitution, environ 80 pages Un Projet de déclaration des droits naturels, civils et politiques des hommes, en 33 articles Un Projet de constitution française, de 13 titres Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 Ce projet ne sera jamais adopté du fait de la mise hors la loi des girondins par la Convention nationale, leur arrestation et leur exécution (pour la plupart) en 1793. Vient ensuite la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 qui est une section de la constitution de la Première République française, proclamée le 24 juin 1793 (6 messidor an I), approuvée par référendum, et suspendue le 10 octobre 1793 par la mise en place du régime de la Terreur (décret du 19 vendémiaire an I pris sur proposition de Saint-Just qui proclamait « Le gouvernement provisoire de la France est révolutionnaire jusqu’à la paix »), puis abrogée en 1795 et aujourd’hui dépourvue de valeur juridique. Rédigée au cours des premiers mois de l’année 1793 par une commission dont faisaient partie Saint-Just et Hérault de Séchelles, elle diffère de la Déclaration du 26 août 1789 par une orientation nettement plus égalitaire. Ainsi, aux droits de première génération d’inspiration libérale reconnus en 1789 et au principe d’égalité en droit, elle adjoint une première esquisse des droits de deuxième génération, notamment les droits aux secours publics et à l’instruction. Jacobine (Le jacobinisme est une doctrine politique qui défend la souveraineté populaire et l'indivisibilité de la République française. Il tient son nom du club des Jacobins, dont les membres s'étaient établis pendant la Révolution française dans l'ancien couvent des Jacobins à Paris. Le jacobinisme est une idéologie développée et mise en application lors de la révolution française de 1789. Selon les termes de François Furet, dans « Penser la révolution française », « le jacobinisme est à la fois une idéologie et un pouvoir : un système de représentations et un système d’action ». Le mot jacobinisme désigne aujourd'hui une doctrine qui tend à organiser le pouvoir de façon administrative (bureaucratie) et centralisée (centralisation) et à le faire exercer par une élite d'experts (technocratie) qui étendent leur compétence à tous les échelons géographiques et à tous les domaines de la vie sociale afin de les rendre uniformes, ce qui en fait l'adversaire du régionalisme (et donc sous la Révolution du « girondisme »). L'usage moderne du mot jacobinisme est de quelque manière anachronique. En effet, le jacobinisme, pendant la Révolution française, était une réaction aux enjeux particuliers de l'époque. Pour n'en retenir que la philosophie, on pourrait aussi entendre le jacobinisme comme une doctrine opposée aux politiques communautaires, qui tendraient, par exemple, aux divisions internes. Comme mouvement historique, le jacobinisme peut s'apparenter au XVIIIème siècle en Autriche, au « joséphisme » et au XXème siècle en URSS au « centralisme démocratique »). Elle consacre, à de multiples reprises, la souveraineté nationale et populaire, qui doit fonder le nouveau régime. Ce texte est également connu pour consacrer par écrit des principes révolutionnaires. Son dernier article, en particulier, dispose que quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». Il réaffirme et précise le devoir de résistance à l’oppression et réprime les délits des élus et fonctionnaires, limite leur mandat dans le temps. Il pose un principe de suprématie du politique sur le juridique en affirmant la mutabilité de la constitution par la volonté populaire et en énonçant qu’une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. Viens enfin, la déclaration de l’an III incluse dans la constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) adoptée le 22 août 1795 et qui fonde le régime du Directoire, après la chute de Robespierre en Thermidor de l’an III. Elle est la première constitution républicaine de la France à avoir été appliquée. La Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen de 1795 correspond au préambule de la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795). Les droits proclamés sont repris de la Déclaration de 1793 mis à part les droits sociaux. L'esclavage reste donc toujours aboli. Soucieux de maintenir l'ordre, les constituants instaurent explicitement une partie intitulée « Devoirs » dans la Déclaration. Les précédentes déclarations, bien que ne concernant que les droits dans leurs intitulés, incluaient toutefois aussi des devoirs (voir le préambule de la première). Plus que d'une innovation juridique, cet ajout aurait donc plutôt une portée pédagogique et politique, selon le Conseiller d’Etat Guy Braibant. Parmi ces devoirs, celle-ci énonce : « Le bon citoyen c'est le bon fils, le bon père, le bon frère, le bon ami, le bon époux ». Ainsi, cette déclaration est la première à faire une place importante, à côté des droits, aux devoirs de l’homme (voir Robert Hanicotte, « Devoirs de Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 l’homme et constitutions. Contributions à une théorie générale du devoir », Paris, L’Harmattan, 2007, 392 p.). Sa rédaction n’en demeure pas moins parfois assez naïve. En effet, on peut lire, également, à l’article 2 de cette déclaration, dans la partie « Devoirs » : « Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs : / - Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. / - Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir ». PARAGRAPHE 1 LES SOURCES D’INSPIRATION DE LA DÉCLARATION DE 1789 Nous distinguerons les sources philosophique (a), le contenu (b) et les caractères (c) des déclarations révolutionnaires a.) Les sources philosophiques : Les sources philosophiques de la Déclaration de 1789 se résument autour de trois influences : celle de la pensée judéo-chrétienne (1) ; celle des droits naturels individuels (2) ; et celle de la philosophie des lumières (3). 1) La pensée judéo-chrétienne : Cette influence est logique dès lors que la France, en 1789, est un État essentiellement catholique (le traité de Westphalie du 24 octobre 1648 impose désormais la règle « cujus regio, ejus religio » (La règle du Cujus Regio Ejus Religio [liberté religieuse pour les princes ; obligation pour le sujet d'avoir la religion de son seigneur] est emblématique de l'identité religieuse issue de la paix de Westphalie) ; et que près d’un quart des députés aux États Généraux sont des clercs (prêtres ; curés ; abbés ; évêques…) La pensée judéo-chrétienne va influencer la rédaction de la déclaration sous deux angles : la liberté participation et les fondements du christianisme. → La liberté participation est issue de la pensée de la Grèce antique reprise par des théologiens tel Saint Augustin (qui repris de nombreuses thèses de Platon) ou Saint Thomas d’Aquin (qui repris de nombreuses thèses d’Aristote). En politique, c’est le fait d'associer les administrés à l'exercice du pouvoir pour leur donner un plus grand sentiment de liberté. C’est aussi l’idée selon laquelle tout citoyen sera tour à tour sujet et gouvernant (nos amis politistes diraient « tour à tour gouvernés et gouvernants »). Dans la Grèce démocratique du Vème siècle avant J.C. (dont l’apogée fut le gouvernement de Périclès de – 470 à – 429), les lois constitutionnelles dues, notamment à Solon prévoyaient que les citoyens s’assemblaient chaque année sur l’Agora à Athènes pour tirer au sort les futurs magistrats de la citée-état. Concernant les réformes politiques, il mit en place le tribunal du peuple, l'Héliée. Tous les citoyens eurent accès aux jurys, ce qui est à noter. Les jurys étaient constitués par tirage au sort. Les sources ne disent pas si l'on tirait au sort parmi les volontaires, mais on peut le supposer. Le tribunal est principalement une cour d'appel. Aristote considère qu'il était déjà le lieu du contrôle des magistrats par le peuple. Solon fit une autre réforme d'importance : il étendit le droit de défense et d'accusation à n'importe quel citoyen. Solon a aussi écrit un nouveau code de lois, qui concernent ce que les catégories modernes nomment droit privé, droit criminel et procédure légale. D’où la naissance de l’ostracisme (procédure permettant à tout citoyen de graver sur une coquille d’huître – d’où l’origine du mot ostracisme – le nom d’un magistrat qui avait mal agit et qui permettait son bannissement d’Athènes pour une période plus au moins longue (si vous allez visiter le musée archéologique d’Athènes vous y verrez une coquille d’huître sur laquelle est inscrite le nom de Démosthène). Le tirage au sort était considéré, à l’époque comme le mode de désignation le plus démocratique des gouvernants. Le suffrage est-il plus démocratique ? Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 Les fondements du christianisme : ici, l’idée repose sur la doctrine élaborée par Saint Paul selon laquelle, il n’y a plus ni maître, ni esclave. Selon Saint Paul apôtre dans l’Épître aux Galates (3 ; 22-29), « Frères, l’Écriture a tout enfermé sous la domination du péché, afin que ce soit par la foi en Jésus Christ que la promesse s’accomplisse pour les croyants. Avant que vienne la foi en Jésus Christ, nous étions des prisonniers, enfermés sous la domination de la Loi, jusqu’au temps où cette foi devait être révélée. Ainsi, la Loi, comme un guide, nous a menés jusqu’au Christ pour que nous obtenions de la foi la justification. Et maintenant que la foi est venue, nous ne sommes plus soumis à ce guide. Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus. Et si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d’Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse ». Cette doctrine fonde le principe selon lequel tous les hommes sont égaux entre eux et postule l’idée selon laquelle Hommes et Femmes sont égaux entre eux (il faudra attendre 1848 pour que le suffrage universel masculin soit établi définitivement en France par le décret du 5 mars 1848 (il l’avait été une première fois en 1792 pour l’élection de la Convention nationale [21 septembre 1792-26 octobre 1795], mais vite remplacé par le suffrage « censitaire »). Les femmes, quant à elles, durent attendre encore cette reconnaissance. Dans son article 21, le projet de constitution du 30 janvier 1944 du maréchal Pétain dispose que « sont électeurs aux assemblées nationales les Français et Françaises nés de père français », les femmes n'étant pas éligibles. Le même article 21 instaure toutefois le vote familial « sur la base suivante : le père ou, éventuellement, la mère, chef de famille de trois enfants et plus, a droit à un double suffrage » Ainsi à l'échelle de la nation, le poids du vote des femmes (et de certains hommes) avait moins de poids que le vote des pères de familles nombreuses — et des rares mères de familles nombreuses qui étaient « chef de famille ». Le 21 avril 1944, le droit de vote est accordé aux femmes en France par une ordonnance (après un amendement du communiste Fernand Grenier) du Comité français de la Libération nationale, signée par Charles de Gaulle depuis Alger. Le droit de vote des femmes est confirmé par l’ordonnance du 5 octobre 1944 sous le Gouvernement provisoire de la République française, mais il n'est utilisé, pour la première fois, que le 29 avril 1945 pour les élections municipales, puis en octobre 1945 pour les élections à l’Assemblée constituante. La pensée judéo-chrétienne fonde également une conception limitée du pouvoir politique qui repose sur la célèbre formule du Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu, 22 ; 21). Cela sert de fondement au principe de la distinction entre le domaine d’État et le domaine privé, selon lequel, en cas d’ingérence du premier dans le second cela ouvre le droit à tout individu à l’idée de résistance contre l’oppression, voire au tyrannicide cela explique la position de nombreux Souverains Pontifes invitant les chrétiens à se rebeller contre des lois iniques tels sa Sainteté le Pape Jean-Paul II), qui se retrouve dans la DDHC (Art. 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression »). En vertu de ce principe, face à un pouvoir oppressif, face à un pouvoir qui sort de son domaine, les citoyens ont le droit, voire le devoir, de se rebeller contre l’Etat (actuellement, ce droit de résistance à l’oppression prend des formes diverses telles que : le droit de grève ; la résistance non violente ; l’objection de conscience…). La déclaration de l’an III était allée plus loin dans ces trois derniers articles (33, 34, 35). 2) Les droits naturels individuels L’influence des droits naturels individuels de l’homme se retrouve dans l’article 4 de la DDHC (Art. 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi »). Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 D’origine fort ancienne (elle apparaît de façon classique au XIIIème siècle avec Saint Thomas d’Aquin) , cette doctrine du droit naturel a été profondément revue et développée dans la seconde moitié du XVIIème siècle et reprise par l’école française du droit naturel du droit naturel (Rousseau, Montesquieu, Voltaire, les Encyclopédistes…). Pour ces auteurs du XVIIIème siècle, l’idée de départ repose sur le fait qu’avant la mise en place d’une société politique, les hommes vivaient dans un état inorganisé, ce qui implique une absence d’autorité et donc de contrainte, un état de liberté absolue. Le mise en place progressive d’une société organisée va entraîner la création d’un pouvoir politique (voir Pierre Clastres, « La société contre l’Etat », Paris, Les éditions de Minuit, 1974, ; ou « Chronique des indiens Guayaki », Paris, Plon, 1972 ; ou encore Claude LéviStrauss, « Tristes Tropiques » , Paris, Plon, coll. « Terre Humaine », 1955) impliquant la conciliation nécessaire entre l’autorité et le respect des libertés du premier âge, d’où va naître l’idée de l’existence d’un pacte social ou d’un « contrat social selon la formule de Jean-Jacques Rousseau. Mais des divergences vont se faire jour sur le contenu de ce pacte social. Deux courants se dégagent alors celui de John Locke et celui de Jean-Jacques Rousseau. John Locke est né le 29 août 1632 à Wrington (Somerset) et mort le 28 octobre 1704 à High Laver (Essex), est un philosophe anglais. Il vit à une époque charnière qui voit la fin des guerres de religion, les débuts du rationalisme et une forte opposition à l'absolutisme en Angleterre. La pensée de Locke peut être considérée comme une pensée fondatrice du libéralisme, et cela, tant sur le plan politique que sur le plan économique. On lui doit notamment un traité important, Le « Traité du gouvernement civil »(Two Treatises of Government) qui est un essai philosophique publié en 1690, consacré à l’origine, à la légitimité et aux problèmes posés par tout gouvernement politique). Pour Locke, le pacte social repose sur l’abandon d’une partie seulement de la liberté ce qui implique que soit déterminée précisément les droits et libertés conservés par les individus d’où la nécessité d’une « Déclaration des droits » (cette conception a fortement influencé les rédacteurs de la DDHC). Jean-Jacques Rousseau est né le 28 juin 1712 à Genève et mort le 2 juillet 1778 à Ermenonville Il est un écrivain, philosophe et musicien genevois francophone. Orphelin de mère très jeune, sa vie est marquée par l'errance. Si ses livres et lettres connaissent à partir de 1749 un fort succès, ils lui valent aussi des conflits avec l'Église catholique et Genève qui l'obligent à changer souvent de résidence et alimentent son sentiment de persécution. Après sa mort, son corps est transféré au Panthéon de Paris en 1794. Rousseau est critique par rapport à la pensée politique et philosophique développée par Hobbes et Locke. Pour lui, les systèmes politiques basés sur l'interdépendance économique et sur l'intérêt conduisent à l'inégalité, à l'égoïsme et finalement à la société bourgeoise (un terme qu'il est un des premiers à employer). Toutefois, s'il est critique de la philosophie des Lumières, il s'agit d'une critique interne. En effet, il ne veut revenir ni à Aristote, ni à l'ancien républicanisme ou à la moralité chrétienne. Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes », en 1755 et « Du contrat social », en 1762. Pour Rousseau, le contrat social repose sur l’idée d’un abandon de toutes les libertés, de « l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté ». La pensée de Rousseau semble en contradiction avec l’idée même de « Déclaration des droits », mais en réalité, il n’y a pas de contradiction car, s’il y a abandon total des droits, c’est dans le but de conserver leurs droits intégralement. Si les individus ont abandonné tous leurs droits, leur indépendance, c’est pour voir s’accroître cette indépendance, sa sécurité, grâce à la protection sociale (l’inorganisation de la société originelle mettant en péril cette indépendance). Rousseau fait apparaître ainsi la notion de « volonté général » qui joue un rôle considérable dans la DDHC : le souverain étant composé des membres de la société, il ne peut y avoir d’intérêts contraires à ceux-ci. La « volonté générale » est nécessairement juste On retrouve cette idée dans l’article 6 de la DDHC : « La loi est l'expression de la volonté générale. » 3) La philosophie des lumières Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 Les auteurs de la philosophie des Lumières ont particulièrement influencé les rédacteurs de la DDHC, sous trois aspects : - l’influence de « l’anglomanie » ; - l’influence du « physiocratisme » ; - l’influence de « l’esprit de résistance ». L’influence de « l’anglomanie » : par « anglomanie », on veut signifier la grande influence de la société anglaise, de son régime politique sur les auteurs de la DDHC, ainsi que celle du goût anglais pour leur pratique traditionnelle de la liberté. Tout d’abord, il faut faire observer que, durant le XVIIIème siècle, de nombreux auteurs français ont publiés des ouvrages fortement inspirés de l’Angleterre. On citera, parmi d’autres – qui montre bien l’influence du modèle anglais en France - : François-Marie Arouet, dit Voltaire Charles Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu Jean-Louis de Lolme Ce qui est admiré dans le système anglais, c’est essentiellement l’existence d’un Parlement reposant sur une chambre élue (Le Parlement français est, à l’époque, une simple Cour de justice et en aucun cas une assemblée délibérante élue), ainsi que la procédure de l’Habeas Corpus (1679). L’influence du goût anglais se traduit aussi par la conception de la pratique traditionnelle anglaise de la liberté qui se révèle dans la Magna Carta du 15 juin 1215 et ses versions successives qui mettent en évidence les principes de liberté et de prohibition de toute arrestation arbitraire. Ses articles 38 et 39 concernant ce qui sera désigné à partir de 1305 sous l'expression Habeas corpus, de simple rappel d'un privilège aristocratique devient, à l'occasion du vote de la Loi de l'Habeas corpus en 1679, le symbole d'une justice qui proscrit les arrestations arbitraires — partant du principe de son indépendance vis-à-vis de l'exécutif — voire de la liberté individuelle. L’influence du « physiocratisme » : La physiocratie est une école de pensée économique, politique et juridique, née en France à la fin des années 1750. Les physiocrates sont considérés comme les fondateurs de la science économique. Ils ont contribué de manière décisive à forger la conception moderne de l'économie et à placer la réflexion et la pratique de la « chose économique » dans un cadre de référence autonome. En affirmant l'existence de droits naturels et en développant leur théorie du « despotisme légal », ils sont également les initiateurs d'un important courant de réforme du droit et de la politique au XVIIIème siècle. Le mouvement physiocratique connaît son apogée au cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle, pour devenir économiquement caduc face à la montée des échanges commerciaux internationaux et l'apparition du secteur secondaire. François Quesnay est le fondateur de l'école des « Physiocrates ». Chirurgien, puis médecin réputé, il est le protégé de Mme de Pompadour et de Louis XV à la cour de Versailles. François Quesnay rédige ses premiers articles économiques pour l'Encyclopédie de D'Alembert et Diderot : « Evidence », « Fermiers » (1756), « Grains », « Impôts », « Hommes » (1757). En décembre 1758, il met au point le « Tableau Economique ». Cette version ainsi que les suivantes sont connues sous le nom de « zigzag ». Quesnay publie dans le Journal de l'agriculture, du commerce et des finances les « Observations sur le droit naturel des hommes réunis en société » (1765) et l'« Analyse de la formule arithmétique du Tableau économique » (1766), En 1767, paraissent les « Maximes générales du gouvernement économique d'un royaume agricole » dans le recueil préparé par Dupont de Nemours : « Physiocratie, ou Constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain ». Les principaux auteurs de cette mouvance philosophique sont François Quesnay (1694- 1774) ; Victor de Riqueti, marquis de Mirabeau (1715-1789), auteur de « L'Ami des hommes, ou Traité de la population » (1756-1758), il devient dès 1757 le premier disciple de Quesnay. Avec l'aide de ce dernier, il entreprend un « Traité de la Monarchie » (1757-59), puis rédige la « Théorie de l'impôt » (1760) et la « Philosophie rurale ou Economie générale et politique de l'agriculture » (1763) ; Pierre-Paul Le Mercier de la Rivière (1719-1801), juriste, va exposer les principes politiques de la Physiocratie (le « despotisme légal »). Il est l’auteur de « L'Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques » (1767) ; Guillaume François Le Trosne (1728-1789), avocat, auteur de « De l'intérêt social par rapport à la Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 valeur, la circulation, l'industrie, le commerce intérieur et extérieur » (1777) ; Nicolas Baudeau (1730-1792), auteur des « Principes de la science morale et politique sur le luxe et les lois somptuaires » (1767) et d'une « Première introduction à la philosophie économique des Etats policés » (1771). Pierre-Samuel Dupont de Nemours (1739-1817), publiciste, auteur de « De l'exportation et de l'importation des grains » (1764) et « De l'origine et des progrès d'une science nouvelle » (1768). Il réunit les textes de Quesnay dans le recueil « Physiocratie, ou Constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain » en 1767-68. En 1815, il émigrera aux États-Unis. Leurs conceptions, pour faire simple, reposent sur l’idée de l’existence d’un ordre naturel en vertu duquel, les hommes se contenteraient d’en reconnaître les lois qui sont à la base de la société, comme la propriété privée. Cette influence des physiocrates sur la rédaction de la DDHC se retrouve dans les articles 2 et 17 de la DDHC. Par l’influence de « l’esprit de résistance », on entend en réalité l’influence qu’ont jouée les Parlements d’Ancien Régime sur l’esprit des rédacteurs de la DDHC. Un « parlement » est, sous l'Ancien Régime dans le royaume de France, une cour de justice d'appel, dite aussi improprement cour souveraine, puis cour supérieure à partir de 1661, qui rend la justice au nom du roi, dans un territoire délimité. Le plus haut degré de juridiction était le Conseil du roi, véritable cour souveraine, qui pouvait soit être saisi par le justiciable, soit se saisir d'office de toutes les causes pendantes devant une juridiction du royaume. Les parlements avaient l'obligation d'enregistrer les actes royaux, c'est-à-dire de les publier dans leurs registres, après avoir vérifié leur compatibilité avec le droit, les usages et les coutumes locales, ce qu'on appelle aujourd'hui le contrôle de légalité. Comme ils étaient des « cours de dernier ressort », ils avaient l'obligation de faire épisodiquement une synthèse ou une refonte de la jurisprudence sur une question donnée, dans des décisions solennelles aboutissant à un arrêt de règlement. C'est dans cette seule limite que les parlements disposaient d'un pouvoir judiciaire ou législatif. À la fin du règne de Louis XIV et sous Louis XV, il existait parmi les membres des différents parlements de France, un mouvement puissant, appelé fronde parlementaire ou jansénisme parlementaire, qui exigeait la fusion de tous les parlements en un Parlement national unique, comme il en existait en Angleterre et qui revendiquait un pouvoir législatif qui se serait exercé au nom de la Nation française. Leur opposition au pouvoir royal va ainsi durer un siècle, mais ce sont finalement les États généraux de 1789 qui vont fronder le Roi, pour incarner pleinement le pouvoir législatif. Les anciens parlements sont alors définitivement dissous par décret en 1790. Il faut également noter que les Etats Généraux (Dans le système politique du royaume de France, les Etats généraux du royaume [ou États-Généraux] étaient une assemblée réunissant les trois ordres (les états) de la société : la noblesse, le clergé et le tiers état. Ils étaient convoqués par ordre du roi dans des conditions exceptionnelles [crise politique ou financière, guerre ou question diplomatique majeure]. Cette assemblée était, entre autres, seule habilitée à réformer la fiscalité générale ou, dans une moindre mesure, à statuer sur des problèmes dynastiques, en vue de traiter la crise rencontrée) se réunirent pour la dernière fois le 26 octobre 1614 et marquèrent le point d’orgue de l’absolutisme royal et ne furent plus réunis jusqu’en 1789. Pendant ce siècle et demi de non convocation des Etats Généraux, les Parlements et spécialement le Parlement de Paris cherchèrent à s’arroger le pouvoir des Etats Généraux et entrèrent en lutte constante avec le Roi. Pour incarner cet esprit de résistance, les Parlements s’appuyèrent sur deux de leurs rôles : la protection des lois fondamentales du royaume (Ce sont des lois qui « tendent à la conservation du royaume » et qui s'apparentent à une forme de constitution. On peut dégager deux fonctions principales : la définition des pouvoirs royaux et la succession au trône : le cas le plus significatif fut celui de la succession de Louis XIV. Le 2 septembre 1715, lendemain de la mort de Louis XIV, conformément à l’usage la lecture du testament royal est faite lors d'une séance solennelle au Parlement de Paris. Louis XIV confie la régence du Royaume au duc du Maine, un de ses bâtards légitimés de Louis XIV. Le duc d’Orléans, qui disposait alors de la charge purement honorifique de « président du conseil de régence », s’efforce de faire casser ce testament le privant de prérogatives qu’il jugeait dues à sa naissance. Pour rallier le Parlement de Paris à sa cause, il lui restitue le droit de remontrance. Le Parlement le reconnaît alors comme seul régent, lui permettant de Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 réorganiser le Conseil à son gré et d’évincer le duc du Maine), et surtout l’usage de leur droit de remontrance (Le droit de remontrance, durant l'Ancien Régime, est le droit des Parlements ou de tous les officiers royaux de contester les lois et les lettres patentes émises par le roi avant leur enregistrement s'ils estiment qu'elles sont contraires aux intérêts du peuple ou aux lois fondamentales du royaume. Un texte jugé irrecevable par la cour des magistrats était renvoyé au roi, accompagné de considérations motivant les réticences et priant le roi de procéder à un nouvel examen de son texte. Le roi peut s’y opposer en ayant recours à la procédure dite du « lit de justice ») à l’occasion duquel, ils invoquaient régulièrement le respect du droit de propriété (que l’on retrouve protégé à l’article 17 de la DDHC) ; l’égalité devant la loi (que l’on retrouve à l’article 6 de la DDHC) ; le consentement à l’impôt (que l’on retrouve à l’article 14 de la DDHC) ; ou encore la protection contre l’arbitraire (que l’on retrouve à l’article 7 de la DDHC). b) Les sources juridiques de la DDHC : La question des sources juridiques de la DDHC de 1789 ne s’est pas posée dès l’origine. Elle a surgi, au début du XXème siècle, dans un contexte de franche hostilité entre l’Allemagne et la France dû aux suites du conflit franco-prussien issu de la guerre de 1870 (défaite de la France et spoliation de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne). En 1902, un grand juriste de langue allemande, Georg Jellinek (1851-1911) - considéré, avec Hans Kelsen, comme un des principaux représentants de l'école positiviste autrichienne, célèbre pour ses réflexions sur la philosophie du droit et la théorie du droit – publia un essai intitulé : « La déclaration des droits de l’homme et du citoyen – Contribution à l’histoire du droit constitutionnel moderne » (traduit de l’allemand par Georges Fardis, préface de M.F. Larnaude, Paris, Fontemoing, 1902, XIII-101 p., coll. Bibliothèque de l'histoire du droit et des institutions, n°15 [édition revue et augmentée de nouvelles notes par l'auteur]). Dans cet essai, il chercha à démontrer que la DDHC de 1789 ne présentait aucune originalité. Elle ne serait qu’une simple copie des déclarations des droits américaines. Ce Monument du droit français ne serait donc qu’une pâle copie des textes américains. En réponse à ce qui fut considéré, à l’époque, comme un brûlot, le français Emile Boutmy (1835-1906, associé à la constitution de la science politique, fondateur de l'École libre des sciences politiques, future Institut d'études politiques de Paris, plus connue sous le nom de Sciences Po.) publia un article intitulé « La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et M. Jellinek » (dans Annales de l’Ecole libre des Sciences politiques, 1902, t. XVII, pp. 415 et suiv. (voir sur cette querelle Diethelm Klippel, « La polémique entre Jellinek et Boutmy : une controverse scientifique ou un conflit de nationalismes ?", dans Revue française d'histoire des idées politiques, n°1/1995, et Roselyne Letteron, « L'universalité des droits de l’homme : apparences et réalités - l'idéologie des droits de l’homme en France et aux États-Unis », dans Annuaire français de relations internationales, vol. II, 2001, pp. 146-164) dans lequel il tenta de démontrer qu’à l’inverse de ce que pensait Jellinek, la DDHC de 1789 était purement d’inspiration française. Elle était le produit de l’influence de Voltaire et de l’esprit des lumières. Si l’influence américaine sur la DDHC de 1789 ne peut être niée comme l’avait déjà démontré Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794), sous la Révolution dans son essai « Essai sur l’influence de la Révolution de l’Amérique sur l’Europe » (1786, donc avant la Révolution de 1789), ces deux thèses extrémistes sont toutes deux fausses ou contestables. Afin de trancher cette querelle sur les sources juridiques de la DDHC il nous faut examiner les pactes anglais (1), puis les déclarations américaines (2). 1)Les pactes anglais Les pactes anglais sont très divers et très disparates. Le premier auquel il a déjà été fait référence est la Magne carta du 21 juin 1215 octroyée aux barons d’Angleterre par le roi Jean sans Terre après la défaite de Bouvines du 27 juillet 1214 contre le roi français Philippe Auguste. Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 Vient ensuite la Grande Remontrance de 1641. La Grande Remontrance (The Grand Remonstrance) est le nom d'une déclaration votée par le Long Parlement anglais le 21 novembre 1641 et présentée au roi Charles Ier le 1er décembre 1641. C'est l'un des textes majeurs de l'histoire constitutionnelle de la Grande-Bretagne exprimant la position de l'opposition au roi au début de la Première Révolution anglaise (ou Guerre civile). La Grande Remontrance proprement dite est précédée d'une pétition de la Chambre des Communes. Ce parti est responsable de la division et de la guerre entre les royaumes d’Angleterre et d’Écosse, qui entraîne de grandes dépenses. La pétition demande au roi premièrement « que les évêques soient dépouillés du droit de voter au parlement », de restreindre leur pouvoir sur le clergé, pouvoir qui porte préjudice à « la juste liberté du peuple », « d’abolir les abus qu’ils ont introduits dans la religion, le gouvernement de l’Église, la discipline ecclésiastique », « de supprimer les cérémonies superflues et inutiles » ; deuxièmement « d’éloigner de son Conseil ceux qui persistent à soutenir ou à favoriser les oppressions et les abus dont le peuple a été affligé » et à l’avenir « de s'engager à employer pour les affaires publiques et à s’entourer de gens auxquels le Parlement accorde sa confiance ». Les Communes demandent donc un droit de destitution des conseillers du roi et un droit sur la nomination de ces ministres, nouveautés majeures qui constituent les premières bases d’une monarchie constitutionnelle, le roi perdant le contrôle de l'exécutif au profit du Parlement. En rapport direct avec l’actualité, la rébellion irlandaise ayant commencé, les Communes demandent que les domaines confisqués des rebelles irlandais le restent au profit de la Couronne pour venir en diminution des charges que les contribuables anglais doivent supporter dans cette guerre. La pétition affirme qu’à ces conditions le Parlement votera les dépenses nécessaires à cette guerre. Vient ensuite la Pétition des droits (Petition of right) de mai 1628. Cette pétition est remarquable en ce qu'elle confirme le principe du vote exclusif des impôts par le Parlement, l'abolition de la loi martiale en temps de paix, et le droit des détenus à mettre en cause la légalité de leur incarcération, en vertu du, décret d’habeas corpus. Autre point important de ce texte constitutionnel, la condamnation du logement de la troupe chez l'habitant, qui trouvera un écho dans le troisième amendement de la Constitution des ÉtatsUnis. Vient ensuite l’acte d’habeas corpus de 1679 (plus exactement Habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum) qui est une notion juridique qui énonce une liberté fondamentale, celle de ne pas être emprisonné sans jugement, contraire de l'arbitraire qui permet d'arrêter n'importe qui sans raison valable. En vertu du principe, toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée. Ensuite, elle peut être libérée sous caution, puis amenée dans les jours qui suivent devant un juge. Ses origines remontent à la Rome antique avec la provocation, qui en est le précurseur, et son principe moderne naît dans l’Angleterre du Moyen Âge. Depuis, elle a été renforcée et précisée de façon à apporter des garanties réelles et efficaces contre la détention arbitraire par l’Habeas corpus Act (« la loi d’Habeas corpus ») de 1679. Devenue un des piliers des libertés publiques anglaises, elle s’applique dans les colonies et reste au XXIème siècle présente dans la plupart des pays qui appliquent la common law. Aux, États-Unis, elle a valeur constitutionnelle, ne pouvant être suspendue qu’en temps de guerre. En revanche, au Royaume-Uni, elle est restée strictement anglaise, ne s’appliquant ni en Écosse, ni en Irlande du Nord. Vient ensuite le Bill of Right du 13 février 1689. Ce texte définit les principes de la monarchie parlementaire en Angleterre, après la Glorieuse Révolution et proclame certains droits fondamentaux. Vient, enfin, l’Act of Settlement (acte d’établissement) de 1701. Ce texte, tout en imposant la succession protestante, confirmait tous les autres textes (Magna Carta de 1215, Grande Remontrance de 1641, l'Acte d'Habeas Corpus de 1679 et Bill of Rights de 1689) et affirmait la séparation des pouvoirs. Tous ces textes visent à proclamer le principe de la protection des individus contre l’arbitraire de la Couronne et le principe du libre consentement du peuple à l’impôt ; ainsi que, progressivement, l’affirmation de la séparation des pouvoirs et la Monarchie constitutionnelle parlementaire. Tous ces Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 textes sont certes importants mais constituent des sources assez lointaines d’influence juridique du droit français et ont plus influencé le droit américain que le droit français. 2)Les déclarations américaines Les déclarations américaines ont, elles aussi, influencé les rédacteurs de la déclaration de 1789 , ne seraitce que parce que certains des députés aux Etats généraux puis plus tard à l’Assemblée constituante avaient fait, comme le marquis de La Fayette (1757-1834), la Révolution américaine ; la France avait été, par ailleurs, le premier État à reconnaître la jeune république américaine : les Provinces Unies d’Amérique avant de devenir les États-Unis d’Amérique. Ainsi Benjamin - Franklin (1706-1790) sera le premier ambassadeur – d’abord officieux, puis officiel – des États-Unis en Europe et en France. Pendant la révolution américaine, Benjamin - Franklin négocie en France en tant que diplomate non seulement le traité d'alliance avec les Français, mais aussi le traité de Paris. Délégué de la Convention de Philadelphie, il participe à l'élaboration de la Constitution des États-Unis. En 1783, Adams, Jay et Benjamin Franklin, alors âgés de plus de soixante-dix ans, signent pour les États-Unis un traité de paix qui garantit l'Indépendance. Ce traité met fin à la guerre d'indépendance. De retour aux États-Unis en 1785, sa popularité est à son comble : il est élu de nouveau président de l'État de Pennsylvanie pour trois ans. Il participe aussi à la rédaction de la Constitution américaine. Il devient ainsi le seul « père fondateur de l'Amérique » (founding father) à signer les trois documents fondateurs des États-Unis : la Déclaration d'Indépendance, le traité de Paris et la Constitution américaine. Par « déclarations américaines » ont sous-entend la référence à trois séries de textes : la déclaration d’indépendance ; les Bills of right de chacune des treize provinces unies ; et les dix premiers amendements à la constitution américaine. → La déclaration d’indépendance du 04 juillet 1776 : La Déclaration unanime des treize États unis d’Amérique, généralement appelée « Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique », est un texte politique par lequel les treize colonies britanniques d'Amérique du Nord ont fait sécession de la GrandeBretagne le 4 juillet 1776, pour former les « États-Unis d'Amérique ». Ce texte est marqué par l'influence de la philosophie des Lumières et tire également les conséquences de la Révolution anglaise de 1688 : d'après les abus constatés, les délégués des colons estiment qu'ils ont le droit et le devoir de se révolter contre la monarchie britannique (en fait, le Parlement britannique avait voté de lourds impôts et taxes frappant les colonies). Depuis, le 4 juillet est devenu la fête nationale des États-Unis : l'Independence Day. → Les Bills of Right de chacune des treize provinces unies : Chaque colonie possédait un statut politique propre qui dépendait de son histoire. On distinguait habituellement trois catégories : les colonies à chartes étaient réglementées par des chartes octroyées par le souverain à des compagnies maritimes privées ; c'est le cas de Rhode Island et du Connecticut. Les fondations des colonies de propriétaires reposent sur l'initiative d'un grand personnage, le Lord Proprietor ; elles sont au nombre de trois, la Pennsylvanie, le Maryland et le Delaware. Les citoyens y choisissaient leur gouverneur. Enfin, les huit autres sont des colonies de la couronne (ou colonies royales) bénéficiaient d'une constitution rédigée par le pouvoir royal. Sous l’impulsion du savant Benjamin Franklin (1706-1790), la cité de Philadelphie était, avec Boston, le principal centre d’édition des Treize colonies et la Pennsylvania Gazette (1723) joua un grand rôle pendant la révolution américaine. La Société philosophique américaine était un cercle de discussions fondé par Benjamin Franklin. Les élites et les Pères de la révolution américaine lisaient les philosophes européens tels que % John Locke, Charles de Montesquieu, Hugo Grotius, Cesare Beccaria, Henry Home ou Thomas Hobbes. Les théories du philosophe britannique John Locke influencèrent le plus les acteurs de la révolution américaine : l'idée du contrat social impliquait le droit naturel du peuple de déposer ses dirigeants. En revanche, les historiens trouvèrent peu de traces de la pensée rousseauiste en Amérique. Les Pères de la révolution américaine ont puisé dans l'analyse de la constitution britannique par Montesquieu, mais aussi Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 dans les textes britanniques (Habeas Corpus, Déclaration des droits) pour rédiger les constitutions de chacun des treize États et du pays qui comprenait chacun une déclaration des droits. Le républicanisme était l'un des principes idéologiques dominant dans les colonies à la veille de la révolution. Les colons critiquaient le luxe ostentatoire de la cour et proposaient une vertu républicaine. L'idée que les hommes avaient le devoir civique de lutter pour leur pays se développa. → Les dix premiers amendements à la constitution américaine : Les dix premiers amendements forment la déclaration des droits (Bill of rights). Ils affirment des droits de l’homme, sous la forme d'une limitation explicite des pouvoirs de l'État, notamment en matière judiciaire. Il ne s'agit pas de droits positifs que l'État doit garantir au citoyen, mais d'actions dont il doit s'abstenir à son égard. Tous ces amendements ont été proposés par le premier Congrès le 25 septembre 1789 et ratifiés le 15 décembre 1791. Ils sont donc postérieurs à la déclaration de 1789 en France. Comme la déclaration de 1789, les textes américains sont marqués par une conception universaliste des droits de l’homme et du citoyen conception que l’on retrouve dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Il existe néanmoins deux différences majeures entre ces deux textes. D’une part, la déclaration française parle beaucoup plus du citoyen que de l’homme ou du peuple, alors que les textes américains parlent le plus souvent de l’homme ou du peuple que du citoyen. D’autre part, le texte français est éminemment abstrait (donc très difficilement invocable devant un tribunal. PARAGRAPHE 2 LE CONTENU DES DECLARATIONS REVOLUTIONNAIRES Les déclarations révolutionnaires voient leur contenu orienté autour de deux idées : la distinction entre les droits de l’homme et les droits du citoyens (a) et les principes majeurs qui les commandent (b). a) La distinction entre les droits de l’homme et les droits du citoyen La déclaration de 1789 opère une distinction sensible entre les droits de l’homme qui sont des droits présociaux (ainsi les droits au travail n’y figurent pas, mais ils feront une apparition timide en 1848 et seront considéré comme des droits de l’homme et non comme des libertés) et les droits du citoyen qui ne concernent ici que les droits de l’individu qui appartient à une collectivité politique : l’homme dans la cité. Il s’agit donc des libertés publiques qui traduisent la participation de l’individu à la vie politique de la cité (participation au suffrage ; participation à la confection de la loi…). Ces deux séries de droits sont, néanmoins, regroupés autour d’une idée commune qui figure à l’article 2 de la déclaration : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». b) Les principes révolutionnaires Ces principes peuvent se résumer autour de trois grands thèmes : la liberté, la légalité, et l’égalité : → a liberté : La liberté est le premier des droits de l’homme et du citoyen mais demeure assez vague et peut utilisable à l’état brut devant un tribunal. Article 2 de la DDHC. → La légalité : Le recours à la loi tient une place primordiale dans la déclaration de 1789. L’article 6 Puis, la déclaration vient indiquer un certain nombre de principes qui ne relèvent que de la loi. De même, d’autres principes liés à la matière pénale sont réservés à la loi. De même c’est la loi qui seule peu restreindre la liberté d’opinion et de pensée. → L’égalité : L’égalité est le principe cardinal de la déclaration. C’est la raison pour laquelle il figure dès l’article 1er PARAGRAPHE 3 LES CARACTÈRES DES DECLARATIONS REVOLUTIONNAIRES Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L’examen des caractères des déclarations révolutionnaires et principalement de celle de 1789 révèle qu’elles sont empreintes de trois grands principes : l’intellectualisme (a) ; le mondialisme (b) ; l’individualisme (c). a) L’intellectualisme Par intellectualisme, on veut dire que les déclarations révolutionnaires reflètent une vision idyllique de la société. Elles ne visent pas à montrer la société telle qu’elle est, mais telle qu’elle devrait être. On peut en déduire que cette déclaration – sans anticiper sur les débats ultérieurs sur la valeur juridique de cette déclaration de 1789 – constitue tout d’abord un document programmatique, philosophique tout autant que juridique. b) L’universalisme La déclaration de 1789 a également un caractère universaliste, voire mondialiste. Cela signifie qu’elle a une valeur générale qui dépasse le seul cadre de la France d’où ce caractère universaliste ou mondialiste. L’un des rédacteurs de cette Déclaration, l’abbé Sieyès (1748-1836) pouvait ainsi conclure après son adoption : « le but d’une telle déclaration est de présenter à toutes les constitutions politiques l’objet et le but que toutes, sans distinctions, doivent s’efforcer d’atteindre ». La DDHC prétend s’appliquer à l’humanité toute entière. On retrouve cet universalisme dans la brièveté de la DDHC : cette brièveté veut que l’on parle de l’humanité toute entière. Son but est d’adopter des concepts vagues pour qu’ils soient acceptés partout et par tous. MAIS il y a une exception, l’article 11 parle « d’homme » et « de citoyen ». Il renvoi à l’homme c’est-à-dire à l’être humain de sexe masculin. Olympe de Gouges, figure emblématique de la condition féminine, a écrit : « La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » mais a été guillotinée. c) L’individualisme L'individualisme occupe une place essentielle dans la Déclaration des droits la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de l'homme de 1789. « Individualiste dans son principe, la Déclaration des droits de l’homme l’est évidemment dans son contenu » (Marcel Waline « L’individualisme et le droit », Paris, Domat, 1949, p.37, réédition Dalloz, 2007). L'ouvrage du professeur Marcel Waline intitulé « L’individualisme et le droit », issu d’un cours enseigné à la Faculté de droit de Paris en 1943-1944 - soit en pleine occupation, en plein régime de Vichy -, a bien mis en lumière les différentes formes d’individualisme : individualisme politique, philosophique, juridique, littéraire, économique. Dans la Déclaration, l’accent est mis sur le développement de la personnalité. La priorité est donnée à la réalité de l’individu sur la société (le but de l’Etat est le service presque exclusif de l’intérêt de chacun). L’accent est également mis sur le respect du jugement personnel : sur l’individu qui pense au détriment de l’individu qui agit. B) Les déclarations françaises postrévolutionnaires Le renversement du Directoire lors du coup d’État du 18 brumaire VIII (9 novembre 1799), organisé par Emmanuel-Joseph Sieyès et exécuté par le général Napoléon Bonaparte, avec l'aide décisive de son frère Lucien Bonaparte – Président du Conseil des Cinq Cents -, marque la fin du Directoire et de la Révolution française, et le début du Consulat. A compter de cette date et à l’exception de la Constitution du 4 novembre 1848 qui marque l’avènement de la Deuxième République (1848-1851), puis les débats constituants de 1946 qui accoucheront de la Quatrième République (1946-1958), et enfin depuis l’avènement de la Cinquième République, en 1958, il n’y aura plus de déclarations des droits. Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 Dans ces développements consacrés aux déclarations postrévolutionnaires, nous nous attacherons aux droits protégés par la Constitution du 4 novembre 1848 (§1), puis à ceux proclamés par la constitution du 27 octobre 1946 (§2) et enfin à ceux contenus dans la constitution du 4 octobre 1958 (§3). PARAGRAPHE 1 LE PRÉAMBULE DE 1848 Nous examinerons successivement le contexte dans lequel la Deuxième République a été fondée (a), avant d’examiner le contenu des droits proclamés par la nouvelle constitution (b). a) Le contexte La révolution française de 1848, parfois dénommée « révolution de Février », est la troisième révolution française après la Révolution française de 1789 et celle de 1830. Elle se déroule à Paris du 22 au 25 février 1848. Sous l'impulsion des libéraux et des républicains, une partie du peuple de Paris se soulève à nouveau et parvient à prendre le contrôle de la capitale. Le roi Louis-Philippe I er, refusant de faire tirer sur les Parisiens, est contraint d'abdiquer en faveur de son petit-fils, Philippe d'Orléans, le 24 février 1848. Le même jour, dès 15 heures, la Deuxième République est proclamée par Alphonse de Lamartine, entouré des révolutionnaires parisiens. Vers 20 heures, un gouvernement provisoire est mis en place, mettant ainsi fin à la Monarchie de Juillet. Cette révolution sera suivie des Journées de Juin réprimées dans le sang (5 700 morts). Les journées de Juin sont une révolte d'ouvriers parisiens du 22 au 26 juin 1848 pour protester contre la fermeture des ateliers nationaux. La crise économique et sociale, qui avait causé le fort mécontentement populaire ayant débouché sur la révolution de février 1848, persiste. L'incertitude quant à l'orientation plus ou moins sociale de la république proclamée solennellement le 4 mai, incite les détenteurs de capitaux à retirer leurs fonds des banques qui manquent alors de liquidités pour consentir des prêts et soutenir l'escompte. Le nombre de chômeurs augmente. Il y a près de 115 000 personnes inscrites dans les ateliers nationaux parisiens le 18 mai. Cela entraîne une dépense de près de 200 000 francs par jour. Mécontents, les ouvriers des ateliers nationaux se tournent vers les démocrates socialistes (Alexandre Ledru-Rollin) ou bien les partisans de Louis-Napoléon Bonaparte. Certains ouvriers s'organisent et fondent le 20 mai la Société des corporations réunies qui regroupe une bonne partie des ouvriers ayant participé aux travaux de la Commission du Luxembourg mise en place par le gouvernement provisoire dès le lendemain de la révolution de février. Le 28 mai paraît le journal Le travail et le 4 juin Le Journal des travailleurs qui développent des idées républicaines et sociales. Les ouvriers des ateliers nationaux et ceux de la Commission du Luxembourg s'entendent pour présenter des listes communes aux élections complémentaires pour l'Assemblée nationale des 4 et 5 juin. Le mouvement républicain progressiste, bien qu'amputé de ses chefs après l'échec de la manifestation du 15 mai 1848, progresse à Paris (Marc Caussidière, Pierre Leroux et Pierre-Joseph Proudhon sont élus). Parallèlement, le « parti bonapartiste » prend de l'ampleur. Ses partisans mettent en avant les idées sociales du prétendant au trône Louis-Napoléon Bonaparte, auteur de De l'extinction du paupérisme, et jouent sur le souvenir encore frais du Premier Empire. Les ouvriers de La Villette pétitionnent pour que Louis-Napoléon Bonaparte soit nommé Consul. La 7 ème légion de la Garde nationale (celle des quartiers populaires du Panthéon, de Saint-Marcel et de SaintVictor) envisage de le prendre comme colonel en remplacement du républicain Armand Barbès que la Commission exécutive - le gouvernement - vient de jeter en prison. Aux élections, Louis-Napoléon Bonaparte est triomphalement élu à Paris et dans quatre autres départements. Il renonce provisoirement à quitter son exil londonien pour venir siéger. De ces élections, la majorité très conservatrice de l'Assemblée nationale (les républicains du lendemain, en fait des monarchistes camouflés) sort renforcée. Adolphe Thiers, battu le 23 avril, est confortablement élu à Paris et dans trois départements. Accompagné de 5 nouveaux élus conservateurs parisiens (sur les 11 sièges à pourvoir à Paris), il apporte son savoir-faire politique. L'automne est occupé par la préparation de l'élection présidentielle qui doit avoir lieu le 10 décembre 1848. Regroupés autour du National, les Républicains modérés pensent que la popularité d'Eugène Cavaignac Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 assurera son élection. Face à lui se présente Louis-Napoléon Bonaparte qui, en septembre, a été réélu à l'Assemblée. Entre eux s'engage une lutte pour séduire l'électorat conservateur de droite, qu'il s'agisse de libéraux ou de catholiques. Pour ce faire,

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