Quelques remarques sur la mesure des seuils PDF

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This article explores the various methods for measuring sensory thresholds, discussing the limitations of certain practices and highlighting the importance of precise methodologies. It examines the application of measurement techniques and analysis of experimental results in the context of psychometrics.

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L'année psychologique XI. - Quelques remarques sur la mesure des seuils Yves Galifret Citer ce document / Cite this document : Galifret Yves. XI. - Quelques remarques sur la mesure des seuils. In: L'année psychologique. 1946 vol. 47-48. pp. 182-197; doi : https://doi.org/10.3406/psy.1946.8287...

L'année psychologique XI. - Quelques remarques sur la mesure des seuils Yves Galifret Citer ce document / Cite this document : Galifret Yves. XI. - Quelques remarques sur la mesure des seuils. In: L'année psychologique. 1946 vol. 47-48. pp. 182-197; doi : https://doi.org/10.3406/psy.1946.8287 https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1946_num_47_1_8287 Fichier pdf généré le 17/04/2018 XI REMARQUES SUR LA MESURE DES SEUILS |>ar Yves Galifret L'évaluation des limites de sensibilité des divers récepteurs sensoriels, la détermination des acuités perceptives des sensibilités différentielles, constituent une part non négligeable de l'examen psychotechnique. Les chemins de fer, diverses sociétés de transports en com- jnun, l'aviation, la marin«, certaines sociétés industrielles, ont établi des critères précis de sélection qui fixent le minimum d'efficience sensorielle compatible avec l'exercice de l'activité professionnelle. Malheureusement, il n'en est pas de même dans tous les secteurs de l'activité, et, pour beaucoup d'emplois, une évaluation « au jugé » doit suppléer à l'existence d'une norme précise. Norme très difficile à établir, il faut le dire, eu égard aux multiples possibilités de suppléance, de compensation, et même de surcompensation; car, une chose est de posséder des récepteurs en bon état et autre chose est d'utiliser les renseignements fournis par ces récepteurs. Il serait cependant utile de fixer au moins les limites au-delà desquelles aucune récupération n'est possible. * Au manque d'information concernant les exigences professionnelles vient quelquefois s'ajouter l'incertitude des résultats de l'examen individuel. Cet examen individuel des aptitudes sensorielles est trop souvent basé uniquement sur une tradition discutable : on mesure l'acuité visuelle en faisant lire les signes de l'échelle optomé- trique de haut en bas une fois seulement, on détermine le seuil d'audibilité aussi prestement avec un ou deux aller et retour sur le cadran de l'audiomètre. Outre le manque de contrôle de J'éclairement ou de l'isolement sonore, le masque de soin dans Y. GALIFRET. REMASQUES SUR LA MESURE DES SEUILS 163 la mesure affecte chaque détermination d'un coefficient d'in- / certitude qu'on n'ose évaluer. Nous avons indiqué antérieurement (2-3) comment il était possible de réaliser un examen satisfaisant et suffisamment bref de l'acuité stéréoscopique. Nous voudrions aujourd'hui reprendre la question "d'une manière un peu plus générale et noter quelques remarques concernant les procédés de mesure. On sait que les trois principales méthodes de mesure de seuil sont la méthode des limites, la méthode constante et la méthode dite de l'erreur moyenne. Cette dernière est surtout utilisée pour la mesure des seuils différentiels, les deux autres servent aussi bien à la mesure des seuils absolus qu'à celle des seuils différentiels. Le choix de la méthode dépend du type de mesure à effectuer et de l'appareil utilisé, compte tenu des exigences générales de précision et dé rapidité. La méthode des limites par exemple est préférable pour la mesure de l'acuité auditive à l'audiomètre, tandis que le pachoesthésimètre de Piéron (5), le kinésimètre de Michotte peuvent difficilement être utilisés avec la méthode de l'erreur moyenne. Mais aucune circonstance ne peut justifier l'emploi de procédés hérités souvent de la pratique médicale, et qui manquent absolument de sérieux. Par exemple, la « mesure » de l'acuité auditive par le procédé de la voix chuchotée est une caricature d'examen sensoriel, et l'évaluation de l'acuité visuelle telle qu'elle est décrite plus haut n'est guère meilleure. Même si l'on dispose de peu de temps et de peu de moyens, il est nécessaire d'adopter une technique précise et parfaitement éprouvée. Examinons les méthodes utilisables en signalant les erreurs que l'on commet parfois, et en essayant de dissiper les incertitudes les plus répandues. Méthodes de limites. — On l'utilise, avons-nous dit, pour la détermination de l'acuité auditive avec l'audiomètre (11-12) (seuil absolu). On produit un son nettement audible dont on réduit progressivement l'intensité jusqu'au moment où le sujet déclare ne plus rien entendre (sens décroissant), puis, partant d'une intensité plus basse, inaudible, on la fait croître jusqu'à ce que le sujet déclare entendre quelque chose (sens croissant). On répète l'opération un certain nombre de fois, trois au minimum, mais cinq sont préférables. On obtient ainsi la valeur de cinq intensités juste inaudibles et de cinq intensités juste audibles. Si l'on définit le seuil à un moment donné, comme la limite entre ♦ 184 MEMOIRES ORIGINAUX les intensités stimulatrices efficaces et non-efficaces, le résultat de l'expérience s'exprimera, en fin de compte, par la moyenne des dix valeurs. Les chiffres du résultat étaient lus sur le cadran de réglage de l'audiomètre, gradué en décibels. A défaut d'audiomètre, on effectue la mesure de l'acuité auditive avec une montre. Le procédé est loin d'être parfait, mais on est souvent contraint de s'en contenter pour des raisons d'ordre budgétaire. Les variations d'intensité du stimulus sont obtenues en éloignant ou en rapprochant la montre de l'oreille. Alors que dans le cas précédent l'appareil imposait une variation continue de l'intensité du stimulus, ici il est avantageux de rapprocher (seuil ascendant) et d'éloigner (seuil descendant) la montre par bonds dont l'importance dépend de l'intensité absolue du son émis. Dans la plupart des cas, on prend comme résultat de la mesure la moyenne des distances critiques obtenues, lues sur un mètre fixé au mur. C'est une erreur; quand on éloigne la montre, l'intensité efficace décroît approximativement comme le carré de la distance. Il serait donc préférable de construire une échelle qui tienne compte de cette loi physique et, puis- qu'aussi bien il faut calculer, qui tienne compte également de la loi psychophysique (Fechner). Voici un exemple d'une telle échelle. La montre est telle qu'à un mètre, à peu près aucun sujet n'est capable d'en percevoir le son. En prenant cette distance comme le zéro arbitraire de notre échelle, on obtient les correspondances suivantes : Graduation — 0,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5 logarithmique Distance de la montre au tympan (cm.).... 178 100 56 32 18 10 6. En dehors des mesures d'acuité auditive, la méthode des limites n'a guère d'emploi avantageux en psychotechnique. Par contre, la méthode de l'erreur moyenne est extrêmement utilisée. Méthode dite de l'erreur moyenne. — II vaudrait mieux l'appeler méthode de reproduction dans le cas, de beaucoup le plus fréquent et le seul que nous envisagerons, où on l'utilise Y. GALIFBET. — REMARQUES SUR LA MESURE DES SEUILS 185 pour la mesure d'un seuil différentiel. Le terme d'erreur moyenne est ambigu : dans l'esprit du statisticien il exprime la dispersion des résultats et est mis pour variation moyenne, et souvent, dans l'esprit du praticien, il exprime la moyenne des erreurs commises par le sujet. Il y a là une équivoque sur laquelle nous reviendrons. Les inconvénients de la méthode de l'erreur moyenne sont connus. Müller a insisté sur l'intervention de facteurs moteurs, sur « l'incertitude de la main », qui n'a rien de commun avec / la précision de la perception. Fullerton et Cattell (4) ont également signalé que les erreurs commises étaient et des erreurs ' de perception et des erreurs de mouvement. Titchener (9) a mis l'accent sur les influences caractérielles (timidité, anxiété, sûreté exagérée de soi). Il faut ajouter à cela l'influence du niveau / d'intelligence pratique dont dépend la valeur de la technique de réglage utilisée par le sujet (2). L'intervention de tous ces facteurs parasites se traduit par un désaccord entre les valeurs obtenues avec cette méthode et \ celles obtenues avec la méthode constante par exemple. Kel- ' logg (4) a fait la Comparaison systématiquement; il trouve entre les deux méthodes une corrélation de 0,81 pour la mesure de seuils visuels, mais de 0,35 seulement pour la mesure de seuils auditifs. Dans 106 cas sur 120, les résultats obtenus avec la méthode de l'erreur moyenne sont plus faibles. Selig Hecht signalait à un récent congrès x que, outre l'introduction, de facteurs parasites, la méthode de l'erreur moyenne présente un inconvénient statistique certain. L'expérience à laquelle il faisait allusion,* consistait en la réalisation d'un mélange de radiations rouges et vertes devant reproduire un jaune donné. Pour chaque sujet, il existe une marge d'incertitude, plus ou moins large, à l'intérieur de laquelle le mélange paraît jaune, et les « pointés » tombent au hasard à l'intérieur de cette marge, et souvent sur les bords ainsi que nous l'avons montré dans un autre type d'expérience (2). Si la marge est assez large, et c'est le cas dans l'expérience de Hecht, et si le nombre de « tirages » statistiques est faible (c'est trop souvent le cas), le résultat obtenu risque de s'éloigner sensiblement de la valeur vraie du seuil. Aussi Hecht préfère demander au sujet de déterminer le point où le mélange vire du jaune au rouge, celui où il vire du 1. Conference on colour-vision (Cambridge, 1947). 186 MÉMOIRES ORIGINAUX jaune au vert, ces points sont mieux caractérisés perceptivement et done mieux localisés, il prend ensuite comme résultat définitif le point equidistant des deux ainsi déterminés. On voit l'analogie de ce procédé avec la méthode des limites. Cet exemple montre qu'il faut adapter avec souplesse les méthodes aux conditions psychologiques comme aux conditions matérielles de mesure. Avec le gravimètre de Piéron (6), par exemple, le procédé de Hecht serait très difficile à appliquer et peu avantageux, la réalisation de l'égalité des deux pressions étant là moins incertaine que la réalisation d'une différence juste perceptible. Outre les défauts inhérents à la méthode de l'erreur moyenne, il faut signaler l'erreur que l'on commet dans l'élaboration du résultat et qui tient à l'ambiguïté du terme (erreur moyenne) que nous signalions plus haut. Assez fréquemment, on exprime le résultat de l'expérience par la moyenne des erreurs du sujet. Dans de nombreux cas, il est permis de le faire, mais ce n'est qu'une tolérance. Tolérance qui est admissible seulement si la moyenne des pointés du sujet (de part et d'autre de l'étalon à reproduire) est peu différente de la valeur de cet étalon. Et ce n'est pas toujours le cas: quand on mesure l'acuité stéréosco- pique ou le seuil de localisation auditive latérale, ou la sensibilité kinesthésique au kinésimètre de Michotte, entre autres exemples, ces deux valeurs peuvent différer notablement. Il est alors nécessaire, lors du calcul de l'erreur moyenne, de prendre eomme origine la moyenne des déterminations. D'une manière générale, on peut présenter les résultats de la manière suivante : soit la mesure de l'acuité stéréoscopique au stéréomètre de Michotte, 0, l'origine (œil du sujet) et Xo, l'abscisse du plan des fils fixes; les valeurs du sujet vont se grouper autour de Xq, mais, ainsi que l'indique le schéma (fig. 1), on pourra avoir X^ Xo. On conçoit que si l'on utilise Xo comme origine dans le calcul de l'écart moyen, le résultat sera différent de l'écart moyen véritable. La valeur X — Xo est appelée erreur constante. Il ne faut pas se presser d'en attribuer la responsabilité au sujet, elle peut assez souvent s'expliquer par des imperfections techniques ou opératoires : position incorrecte de Xo dans le cas de la localisation auditive latérale-, mentonnière en dehors de l'axe de 1. Le fait a été noté incidemment par Viaud (G.). Le Pouvoir réparateur du sommeil et sa mesure. J. de Psyck., 40, 1947, p. 195-231. Y. GALIFRET. REVAJRQUBS SUB Xi. MESURE DES SEUILS 187 l'appareil dans le stéréomètre de Michotte 1, frottements inégaux, position du doigt incorrecte dans le gravimètre de Piéron. C'est seulement lorsqu'on a éliminé toutes les possibilités d'erreurs de ce genre, que l'on peut imputer l'erreur constante au sujet. Nous reviendrons plus loin sur la signification du résultat (écart moyen) et sa relation statistique avec ceux obtenus par la méthode des limites et par la méthode constante. Méthode constante, — C'est celle qui présente le plus de ranties. D'abord, parce que, eomme la méthode des limites, Fig. l. elle exclut la participation motrice du sujet, ensuite, parce que, les présentations se faisant apparemment en désordre, elle exclut ces défauts de la méthode des limites que les auteurs anglo-saxons appellent « habituation » et « expectation »; le premier terme s'appliquant au cas où le sujet tend à conserver une catégorie de jugements un peu au-delà de la position réelle du seuil, le second terme s'appliquant au cas inverse dans lequel le sujet, parce qu'il est conscient de l'ordre de présentation, change de catégorie de jugements avant qu'on ait atteint la valeur réelle du seuil. Si la méthode constante élimine ces facteurs de tempérament, elle a l'inconvénient, souvent signalé, d'être d'application longue. Nous avons montré sur l'exemple du stéréomètre comment réa-: iser une épreuve qui ne demande pas trop de temps. Insistons sur le fait qu'il est préférable, dans la pratique, de présenter peu de valeurs mais de les présenter un grand nombre de fois. Lorsqu'on est pressé, il est toujours préférable de réduire le nombre de valeurs présentées (c'est-à-dire d'utiliser une échelle à quelques degrés, trois ou quatre dans le cas d'un seuil absolu, cinq ou sept dans le cas d'un seuil différentiel) et de garder ainsi pour chacune un nombre suffisant de présentations (une dizaine). Il vaut mieux introduire l'imprécision d'une interpolation linéaire 188 ' MÉMOIRES ORIGINAUX plutôt qu'accepter la possibilité d'importantes fluctuations statistiques entourant le résultat d'une large marge d'incertitude. Pour chaque valeur présentée, ou pour chaque couple s'il s'agit d'un seuil différentiel, on recueille la réponse du sujet. Dans le cas d'une mesure de seuil absolu, cette réponse sera « oui » (je perçois) ou « non » (je ne perçois pas). Le sujet aura aussi la possibilité de donner la réponse « douteux » s'il en éprouve le besoin, les réponses de ce type sont considérées comme équivalant à une demi-réponse « oui » et une demi-réponse « non »^ Dans le cas d'une mesure de seuil différentiel, la perception en général peut se présenter sous trois aspects différents qui seraient, par exemple, dans une expérience de soupèsement de poids: «plus léger», « égal » ou « plus lourd ». On a longuement épilogue sur ^'opportunité d'admettre trois réponses ou de n'en tolérer que deux (« plus léger » et « plus lourd »). Il nous semble que le problème est facilement soluble si l'on se réfère au concret psychologique plutôt qu'à des a priori théoriques; puisque le sujet a la possibilité de percevoir trois aspects, il faut lui permettre d'en rendre compte fidèlement; ce serait aller à rencontre du but proposé que de restreindre artificiellement les possibilités d'expression de l'individu que l'on veut connaître. Nous étudierons le mode de calcul du seuil dans la méthode constante en même temps que nous chercherons à préciser les rapports mathématiques entre méthode constante et méthode des limites. MÉTHODE CONSTANTE ET MÉTHODE DES LIMITES. Suit le tableau des réponses concernant la mesure de l'acuité tactile sur le dos de la main avec le compas de Weber. Les réponses « douteux » ont été transformées et, pour plus de clarté, le tableau se présente de façon parfaitement symétrique. Y. GALIFRET. REMARQUES SUR LA MESURE DES SEUILS 189 Écartement des pointes 1 2 3 4 5 6 en mm. 0 0 0 1 1 1 0 0 1 1 1 1 0 0 0 1 1 1 0 0 0 0 1 1 0 0 0 1 1 1 p 0 0 p 1 1 0 0 1 1 1 1 p 1 1 1 1 1 0 0 0 0 1 1 0 0 p 1 1 1 0 p 1 1 1 1 0 0 0 1 1 1 p 0 0 0 0 1 0 p 0 1 1 0 0 1 1 1 1 0 0 0 1 1 1 0 0 0 1 1 1 0 0 1 1 1 1 j p 0 0 0 1 1 0 0 0 , 1 1 1 J Nombre de réponses » ueux pointes ».. 0 1 6 14 19 20 Nombre des valeurs liminaires 0 1 5 i 5 1 0 Imaginons que ce tableau ait été obtenu non pas en utilisant la méthode constante, mais en utilisant la méthode des limites, on aurait fait vingt séries alternativement descendantes et ascendantes. Pour la première série (lre ligne de signes), on voit que le seuil est entre 4 et 3, à 3,5, pour la seconde, entre 2 et 3, 190 MEMOIRES ORIGINAUX 20 1 i i | y - i'Valeur 14 du stimulus 5 (mm.) 6 I I !6 *2 0,5 1,5 2,5 315Valeur du 4,5 stimulus 5,5 (mm.) 6,5 Fig. 2. à 2,5, etc. La dernière ligne du tableau indique la fréquence de ces différentes valeurs du senil momentané. Le seuil calculé est égal à la moyenne de ces valeurs (3,5). La courbe inférieure (fig. 2) représente la variation de ces V. GALIFRET. — REMARQUES SUR LA. MESURE DES SEUILS 191 fréquences1 en fonction de l'écarteraent des pointes du compas. La courbe supérieure représente la fréquence1 de perception de deux pointes en fonction de l'écartement (avant-dernière ligne du tableau), c'est l'intégrale de la courbe inférieure. Le problème revient donc à chercher sur cette courbe intégrale le point qui corresponde au point modal de la courbe en cloche (l'abscisse du point modal coïncide avec la moyenne dans notre distribution, il en est rarement ainsi pratiquement, mais ce serait vrai pour un nombre infini de présentations). On voit déjà par le graphique quelle est la solution. Intuitivement, on conçoit également que, le point modal étant sur l'axe de symétrie de la courbe des fréquences, son correspondant sera le point de symétrie de la courbe intégrale, point d'ordonnée 10. Enfin, mathématiquement, le point modal étant le point où la tangente change de sens, le point remarquable cherché sur la courbe intégrale doit être le point d'inflexion. La valeur du seuil est donc celle pour laquelle on obtient 10 pour 20 ou 50% de réponses positives et 50 % de réponses négatives. Tout autre critère (75 % ou 83,3 %) enlève au résultat sa signification originelle. On a proposé d'autres méthodes de calcul du seuil qui tiennent compte en particulier de la forme de l'ensemble de la répartition. Utiles au laboratoire, elles sont trop compliquées pour être utilisées en psychotechnique où elles constitueraient un luxe inutile. Le cas qui vient d'être étudié concernait une mesure de seuil absolu. Pour un seuil différentiel, on obtient des répartitions comparables, mais en double, de part et d'autre de l'étalon. Ainsi pour le soupèsement de poids (en supposant qu'il n'y ait pas d'erreur constante et que l'égalité subjective coïncide avec l'égalité objective), la valeur du seuil de sensibilité à une variation positive. sera la différence de poids avec l'étalon perçue dans 50 % des cas (50 % de réponses « plus lourd » et 50 % de. réponses « égal ») (fig. 3). Mais les répartitions tracées ici sont très théoriques; en réalité, et cela dépend du tempérament du sujet, les trois types de réponses peuvent coexister pour une même valeur du stimulus, et on obtient un recouvrement du type représenté figure 4. Comment, dans ce cas, évaluer le seuil? Certains auteurs, considérant que le seuil correspond à la différence entre le poids 1. Il faudrait dire effectif. 192 MEMOIRES ORIGINAUX étalon et le poids variable, donnent 50 % de réponses « plus lourd » d'un côté et 50 % de réponses « moins lourd » de l'autre (8). Or, il suffit de comparer les figures 3 A et 4 représentant 520 B 280 340 400 460 520 Fig. 3. — Valeur du stimulus variable. des répartitions différentes et qui avec ce procédé donneraient le même seuil, pour se rendre compte de l'erreur commise. Il 100 Rép.y / X. K -- — : >< 0 280 grammes 340 _ 400 460 520 Fig. 4. — Valeur du stimulus variable. est nécessaire de tenir compte de l'importance relative des deux sortes de réponses erronées. Supposons qu'on interdise au sujet ayant obtenu la réparti- Y. GALIFRET. REMARQUES SUR LA MESURE DES &EUILS 193 tion de la figure 3 A de donner la réponse « égal ». Nous po u- vons nous attendre à ce qu'il se prononce au hasard pour « plus lourd » ou « moins lourd » là où il disait « égal ». C'est-à-dire que, pour un grand nombre de présentations, les réponses « égal » se diviseraient par moitié en réponses a plus lourd » ou « moins lourd »; on obtiendrait alors la répartition dé la figure 5. Dans cette figure, les nouvelles ordonnées sont égales aux ordonnées de la figure 3 (« plus lourd» et « moins lourd ») augmentées de 0 y 50 ^^>^ Rép.y g> \k Rép. < 0 280 grammes 340 400 460 520 Fig. 5. — Valeur du stimulus variable. la moitié des ordonnées de la courbe des réponses « égal ». En conséquence, au seuil, l'ordonnée n'est plus 50 %, mais 50 % + \ x 50 % = 75 %. La même opération peut être faite sur une quelconque distribution, elle introduit le moyen de tenir compte de la présence des trois sortes de réponses pour une même valeur de stimulus. D'une manière générale, c'est le procédé à recommander pour l'utilisation des résultats obtenus par la méthode constante dans la mesure d'un seul différentiel : répartir par moitié les réponses « égal » dans les deux autres groupes de réponses, et utiliser comme critère du seuil la proportion de 75 % de réponses correctes. Mais on voit que les courbes obtenues en appliquant ce procédé à des répartitions normales sont différentes de celles qu'on a l'habitude de trouver dans la pratique (fig. 6). Le désaccord est trop net pour qu'on, ait le droit de le négliger. Lorsqu'on l'année psychologique, xlvh-xlvhi 13 194 traite les courbes normales, on obtient pour la courbe totale représentant la fréquence d'un type de réponse une pente qui décroît, s'annule dans la région de l'étalon et recommence à croître. Dans les courbes expérimentales, au contraire, c'est dans la région de l'étalon que la pente est maximum, ce qui semble difficilement explicable puisque c'est là où. AI est inférieur au seuil. Si les courbes expérimentales sont correctes, et ce n'est guère douteux, il faudra en déduire que les démarches habituelles de raisonnement et de calcul ne sont pas adaptées à leur fin. Nous nous réservons de revenir sur ce problème ultérieurement. > 100 * «^5 75 _A 50 25 80 84-. 88.92 _ 96 100 _ 104 108 112 Fig. 6. — Valeur du stimulus variable (grammes}. MÉTHODE DE REPRODUCTION (AUTORÉGLAGE); PARENTÉ TKTÎQUE AVEC LA MÉTHODE CONSTANTE ET LA METHODE DES limites. — Prenons d'abord le cas d'une mesure de seuil absolu. Théoriquement, avec un nombre infini de séries pour la méthode des limites et un nombre infini d'essais pour la méthode de l'erreur moyenne, les résultats obtenus devraient être identiques. Une valeur quelconque a d'autant moins de chances d'être choisie comme valeur liminaire, qu'elle s'éloigne plus de la valeur moyenne, que le choix soit fait systématiquement comme dans la méthode des limites ou au hasard comme dans la méthode de l'erreur moyenne, et, dans les deux cas, la moyenne de» valeurs, successivement trouvées exprimera le Y. GALIFRET. REMARQUES SV« LA MESURE DES. SEUILS 195 seuil. Mais il est très rare qu'on utilise la méthode d'autoré» glage pour mesurer un seuil absolu. Voyons le cas de la mesure du seuil différentiel, seuil différentiel de sensibilité kinesthésique dans l'épreuve du gravimètre de Piéron par exemple. On peut utiliser l'appareil avec les trois méthodes. (Nous continuerons à prendre des répartitions idéales pour ne pas alourdir l'exposé.) Avec la méthode constante, nous obtiendrions la répartition de la figure 3 A, et avec la méthode des limites celle de la fig. 3 B. Qu'obtiendrions-nous avec la méthode d'autoréglage? En 3 A, nous avons les courbes de fréquence des trois sortes de réponses. Si, en conséquence de ce que nous avons dit plus haut, bous admettons que la probabilité, pour un stimulus, d'être choisi comme étant égal à l'étalon (autoréglage) est proportionnelle à la fréquence relative à laquelle ce stimulus a été jugé égal à l'étalon (méthode constante), la courbe des réponses (« égal »> de la méthode constante devient la courbe de répartition des différents « pointés » à la méthode d'autoréglage. Examinons cette courbe (fig. 7), elle est formée en fait de deux courbes Fig. 7. — Valeur du stimulus variable. cumulatives de fréquence, et elle est donc différente de la courbe normale de fréquence (courbe en cloche). Or, lorsqu'on utilise la méthode d'autoréglage, on traite les résultats comme s'ils se répartissaient suivant une cloche de Gauss, on calcule un indice de dispersion, généralement l'écart moyen, quelquefois (les manuels le conseillent) l'écart probable, 0,6745ff. L'écart probable, écart qui a une chance sur deux d'être ou ne pas être dépassé, répond parfaitement au critère que nous avons choisi pour définir le seuil. Mais cet indice n'exprimera le seuil que 196 '". MÉMOIRES ORIGINAUX dans la mesure où les résultats expérimentaux auront une répartition plus proche de la cloche de Gauss que d'une double ogive de Galton. Il faudrait faire de nombreuses expériences et tracer des courbes expérimentales avec suffisamment de précision pour trancher une question qui est toujours restée en suspens plus ou moins avoué. On voit sur le graphique (fig. 7) la différence entre les deux courbes. Ce graphique est donné à titre indicatif ; il est en effet difficile de tracer l'ensemble formé par les deux intégrales de fréquence, car le sommet de la courbe totale peut être plus ou moins aplati selon que l'on fait l'intégration entre ± 3 c ou plus. La pratique, selon le type d'expérience, selon l'organe récepteur étudié, se charge d'ailleurs de faire varier l'importance de ce plateau et de modifier l'allure générale de l'ensemble. A tel point qu'on peut se demander s'il est toujours correct d'utiliser les formules de la courbe normale de fréquence pour caractériser une distribution qui peut s'en éloigner de façon notable. En conclusion, insistons sur le caractère approché et quelquefois d'un arbitraire discutable des notations psycho-physiques. Que l'on sache que les diverses méthodes de mesure de seuil ne peuvent être utilisées mécaniquement, mais qu'elles doivent être choisies avec à-propos et que les calculs ultérieurs du seuil, principalement en ce qui concerne la méthode d' autoréglage, risquent de donner une traduction assez éloignée de la réalité expérimentale. BIBLIOGRAPHIE (1) Wn. Brown, G. H. Thomson. — The essentials of Menial ments, Londres, 1925. (2) Y. 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