Étude Quanti. Centre d'Appels PDF

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Université Paris 8

2020

Imene Kacem

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téléopérateurs charge mentale stress centres d'appels

Summary

This article evaluates the mental load of teleoperators in Tunisian call centers. The study explores work stress factors among teleoperators in a Tunisian call center. The research identified a correlation with work stress and factors such as tenure and medical history. It also emphasizes the importance of improving working conditions to reduce stress.

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Annales Médico-Psychologiques 178 (2020) 290–294 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mémoire Évaluation de la charge mentale des téléopérateu...

Annales Médico-Psychologiques 178 (2020) 290–294 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mémoire Évaluation de la charge mentale des téléopérateurs dans un centre d’appel tunisien Evaluation of Mental load of teleoperators in a Tunisian call center Imene Kacem *, Olfa El Maalel, Maher Maoua, Wided Boughattas, Amira Omrane, Imene Ben Amor, Sana El Guedri, Aicha Brahem, Souhail Chatti, Faten Debbabi, Houda Kalboussi, Nejib Mrizak Service de médecine de travail et de pathologie professionnelle, CHU de Farhat Hached, avenue Ibn ElJazzar, 4000 Sousse, Tunisie I N F O A R T I C L E R É S U M É Historique de l’article : Introduction. – Les centres d’appels téléphoniques constituent un secteur d’activité en plein essor Reçu le 16 janvier 2018 partout dans le monde et à l’heure actuelle en Tunisie. Toutefois, cette activité professionnelle s’avère Accepté le 15 mars 2018 pourvoyeuse de nombreuses contraintes, pouvant occasionner de multiples plaintes chez les Disponible sur Internet le 10 octobre 2018 téléopérateurs. Objectifs. – Évaluer le niveau de stress au travail chez un groupe de téléopérateurs et identifier les Mots clés : facteurs qui lui sont associés. Charge de travail Méthodes. – Il s’agit d’une étude transversale, effectuée auprès d’un échantillon aléatoire, stratifié de Condition de travail Enquête 266 téléopérateurs d’un centre d’appel téléphonique à Sousse (Tunisie). L’enquête a été basée sur une Pratique professionnelle fiche synoptique qui comprenait les données socioprofessionnelles, l’évaluation de la tension au travail Souffrance psychique grâce au questionnaire de Karasek, l’étude de l’équilibre efforts-récompenses grâce au questionnaire de Stress Siegrist et l’évaluation de la souffrance psychique aspécifique par le questionnaire GHQ12. Téléphone Résultats. – Au total, 264 téléopérateurs ont participé à l’étude soit un taux de participation de 99,2 %. Notre population était à prédominance féminine (57,6 %), d’âge moyen de 29,6  10,1 ans. Des antécédents psychiatriques personnels ont été retrouvés dans 4,5 % des cas. La prévalence du stress calculé Keywords: selon le modèle de déséquilibre « efforts/récompenses » était de 16,7 % alors qu’elle était de 25,8 % selon le Condition of work modèle de Karasek. Une souffrance psychique était notée chez 61,7 % des salariés. Le déséquilibre « effort/ Investigation récompense » était significativement associé au fait d’avoir des parents à charge (p = 0,04). Alors que la Phone tension au travail était corrélée à la titularisation (p = 0,032) et aux antécédents de maladies chroniques Professional practice (p = 0,014), la souffrance psychique était uniquement corrélée au genre (p = 0,024). Psychical pain Conclusion. – Les données de cette étude, souligne l’intérêt de l’amélioration des conditions de travail Stress Workload dans la réduction du stress au travail chez les téléopérateurs. Ces mesures parviendront à améliorer non seulement la satisfaction, le vécu du travail et la qualité de vie chez ces salariés mais aussi leurs prestations de service. C 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. A B S T R A C T Background. – The call centers are a growing business sector around the world and currently in Tunisia. However, this occupational activity proves to be a source of many constraints, which can cause multiple complaints among teleoperators. Objectives. – To evaluate the level of stress at work in a group of teleoperators and identify the factors associated with it. Methods. – This is a cross-sectional study of a random sample of 266 teleoperators from a call center in Sousse (Tunisia). The survey was based on a questionary that included social and occupational data, the assessment of work stress through the Karasek questionnaire, the study of the balance of effort and * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Kacem). https://doi.org/10.1016/j.amp.2018.03.014 0003-4487/ C 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. I. Kacem et al. / Annales Médico-Psychologiques 178 (2020) 290–294 291 reward using the Siegrist questionnaire and the evaluation of Nonspecific psychic suffering by the GHQ12 questionnaire. Results. – A total of 264 teleoperators participated in the study, representing a participation rate of 99.2%. Our population was predominant by female (57,6%), with an average age of 29,6  10,1 years. A psychiatric history was found in 4,5% of cases. The stress prevalence calculated using the ‘‘effort/rewards’’ imbalance model was 16,7% while it was 25,8% according to the Karasek model. Psychic suffering was noted in 61,7% of employees. The ‘‘effort/reward’’ imbalance was significantly associated with having parents in charge (p = 0,04). While work stress correlated with tenure (p = 0,032) and history of chronic disease (p = 0,014), psychic suffering was only correlated with gender (p = 0,024). Conclusion. – The data of this study, underlines the interest of the improvement of the working conditions in the reduction of stress at work at the teleoperators. These measures will improve not only the satisfaction, the work experience and the quality of life of these employees, but also their services. C 2018 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction 2. Matériel et Méthodes Dans un environnement qui connaı̂t, depuis plusieurs décen- Il s’agit d’une étude transversale, menée au sein d’une nies, une succession de mutations économiques planétaires, plateforme de l’un des plus grands centres d’appels téléphoniques l’évolution technologique considérable et les modifications orga- du centre tunisien auprès d’un échantillon aléatoire de téléopéra- nisationnelles de production dans le monde du travail ont teurs, stratifié selon l’horaire de travail d’une façon proportionnelle. largement transformé la charge physique professionnelle en une L’enquête s’est basée sur un questionnaire préétabli compor- charge mentale. Ces changements ont conduit à l’apparition de tant les caractéristiques sociodémographiques (âge, genre, niveau nouvelles formes de souffrances psychiques, dont notamment le d’étude, situation maritale, nombre d’enfants et parents à charge), stress au travail. Ce stress professionnel survient « lorsqu’il y a les données professionnelles (ancienneté professionnelle, nombre un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des d’heures de travail par semaine), l’évaluation de l’état de santé des contraintes que lui impose son environnement et ses propres salariés (antécédents psychiatriques, suivi médical, consommation ressources pour y faire face ». Il constitue actuellement un de psychotropes) et les habitudes de vie (tabagisme, alcoolisme, problème de santé publique, notamment à cause de ses pratique d’une activité physique). effets délétères et de son coût humain, organisationnel et sociétal L’environnement psychosocial au travail a été évalué par le avéré. questionnaire de Karasek « Job Content Questionnaire » dans sa De nos jours, ce phénomène n’épargne aucun secteur d’activité, version française validée et comportant 26 questions. Ce en particulier ceux qui mettent le salarié en contact avec le public, modèle permet de faire un lien entre le vécu au travail et les risques dont les « call-centers » ou « les centres d’appels téléphoniques » qu’il fait courir à la santé. Il s’appuie sur un questionnaire qui qui sont des interfaces entre les entreprises et les clients. Ce sont permet d’évaluer la charge mentale au travail (ou facteurs des services, dits de « relation-clients » qu’une entreprise ou psychosociaux), à savoir, l’intensité de la demande psychologique prestataire de service réalise sur la base d’appels téléphoniques à laquelle le salarié est soumis, la latitude décisionnelle dont il [17,21]. dispose et le soutien social qu’il reçoit sur son lieu de travail. Le Ces dernières années, le nombre des centres d’appel n’a cessé résultat de chaque composante, pour chaque salarié interrogé, est d’augmenter dans notre pays en raison de l’intérêt accordé par la comparé à la médiane de l’échantillon d’étude. La tension au travail Tunisie aux technologies de l’information et de la communication ou job strain est définie par l’association d’une demande et des avancées réalisées dans ce domaine. Ainsi, les centres psychologique élevée et d’un faible contrôle avec ou sans un d’appel se sont installés massivement dans les grandes villes isolement social [4,19]. tunisiennes avec plus de 210 centres, en 2010, recrutant Par ailleurs, l’étude de l’équilibre efforts-récompenses a été principalement des jeunes salariés. réalisée grâce au questionnaire de Siegrist dans sa version française Ces activités basées sur un principe de délocalisation ont validée et comprenant 23 questions. Ce modèle identifie les imposé de nouvelles conceptions de management et d’organisa- conditions de travail pathogènes comme étant celles qui associent tion de travail que le marché de l’emploi tunisien n’avait pas connu des efforts élevés à de faibles récompenses. auparavant. Il s’agit essentiellement de la charge horaire élevée de Les réponses pour chaque item varient de 1 à 4. Les deux scores travail, l’organisation horaire non adaptée, le travail intense, les des efforts et des récompenses sont construits et calculés suivant normes sévères de rendement, le salaire modulé en fonction du les recommandations de Siegrist et Peter. Le ratio entre les rendement, le travail sous pression et la relation contractuelle deux scores permet d’étudier le déséquilibre entre les deux ambiguë. paramètres. Un ratio > 1 indique un déséquilibre entre des efforts Par conséquent, ce genre de travail expose probablement à élevés et des récompenses faibles. plusieurs contraintes, en particulier psychologiques. Il constitue, Finalement, l’évaluation de la souffrance psychique aspécifique ainsi, un exemple classique de métier particulièrement concerné a été réalisée par le questionnaire The general health questionnary par les troubles de la santé mentale. Cependant, les études qui se (GHQ12). Ce questionnaire comporte 12 items et regroupe quatre sont intéressées à l’évaluation de ces troubles dans ce secteur sont modalités de réponses possibles ordonnées suivant un axe de assez rares. vulnérabilité. Les différentes modalités sont cotées de 0 à 1 en Partant de ce fait, ce travail avait pour objectifs de décrire le accordant 1 aux modalités les plus menaçantes pour la santé et niveau de stress au travail chez les téléopérateurs et d’identifier les 0 pour les modalités les plus tranquillisantes. Un score global déterminants psychosociaux, professionnels et sociodémographi- supérieur à 12 est considéré comme un score de souffrance ques qui lui sont associés. mentale. 292 I. Kacem et al. / Annales Médico-Psychologiques 178 (2020) 290–294 Les données ont été saisies et analysées grâce au logiciel SPSS Tableau 1 Caractéristiques socioprofessionnelles des salariées. 18.0. Nous avons calculé les fréquences et les pourcentages pour les variables qualitatives, ainsi que les moyennes, les écart-types Variables Nombre Pourcentage, (%) (déviation standard) et l’étendue des valeurs extrêmes pour les Tranche d’âge variables quantitatives. Pour la comparaison des moyennes, on a 50 ans 2 0,8 comparaison de plusieurs moyennes. La comparaison des fré- Situation matrimoniale quences a été réalisée grâce au test Chi2 de Pearson. L’étude de la Célibataires 193 73,1 liaison entre deux variables quantitatives a été effectuée grâce à Mariées 63 23,9 Divorcé 8 3 l’utilisation du coefficient de corrélation de Pearson. Concernant Niveau d’étude l’étude multivariée, nous avons utilisé une régression logistique Secondaire 18 6,8 binaire pour les variables dépendantes qualitatives. L’inclusion des Bac+4 158 59,8 variables indépendantes dans le modèle de régression était faite >Bac+4 88 33,4 lorsque leur degré de signification était inférieur à 0,2. Pour tous les Parent à charge Oui 90 34,1 tests statistiques, le seuil de signification p a été fixé à 0,05. Non 174 65,9 Salarié unique au sein de la famille Oui 49 18,6 3. Résultats Non 215 81,4 Organisation du travail Rotation variable 220 83,3 Au total, 264 téléopérateurs ont participé à cette enquête soit Fixe de nuit 44 16,7 un taux de participation de 99,2 %. L’âge moyen de cette population Prise de pauses était de 29,6  10,1 ans avec des extrêmes allant de 20 à 56 ans. Une Oui 232 87,9 prédominance féminine a été notée avec un sex-ratio de 0,74. La Non 32 12,1 Notion d’agression verbale majorité des salariées étaient célibataires (73,1 %). Le tiers de notre Oui 84 31,8 population avait un niveau d’étude supérieur (59,6 %) et 18,9 % étaient Non 180 68,2 en cours d’études. Volume horaire par semaine Concernant les données professionnelles, l’ancienneté profes- 20 heures 15 5,7 28 heures 46 17,4 sionnelle moyenne était de 18,6  10,6 mois. La moitié de 40 heures 27 10,2 téléopérateurs (51,9 %) étaient des titulaires. La plupart des salariés 42 heures 176 66,7 travaillaient 42 heures par semaine (66,7 %) et 87,9 % parmi eux prenaient des pauses au cours de leur travail. Pour le travail de nuit, il concernait 16,7 % de nos salariés. L’ensemble des données socio- D’autre part, des associations significatives ont été notées entre professionnelles sont résumées dans le Tableau 1. le déséquilibre efforts-récompenses et l’agression verbale au Des antécédents psychiatriques familiaux et personnels ont été travail (p = 0,03), l’existence de parents à charge (p = 0,02), rapportés respectivement chez 9,5 % et 4,5 % des salariés. Une l’ancienneté professionnelle (p = 0,02) et le fait d’être l’unique consommation de psychotropes a été rapportée par 8 % des salarié de la famille (p = 0,04). participants. Par ailleurs, 9,1 % des enquêtés étaient suivis pour une Une association statistiquement significative a été retrouvée pathologie autre que psychiatrique. entre la souffrance psychique et le genre (p = 0,02). Par ailleurs, une Concernant les habitudes de vie, 37,1 % des salariés étaient des association statistiquement significative a été notée entre la fumeurs actifs et 16,7 % rapportaient une consommation d’alcool tension au travail et le déséquilibre efforts/récompenses (p = 0,04) au moins une fois/semaine. Seuls 20,8 % des téléopérateurs et la souffrance psychologique (p = 0,009). Cependant, on n’a pas pratiquaient du sport. noté d’association entre la souffrance psychique et le déséquilibre Concernant les résultats du « Job Content Questionnaire », le efforts/récompenses (p = 0,33). Tableau 2 récapitule les scores des différentes dimensions Après régression logistique binaire, la titularisation (p = 0,032) explorées. et le suivi médical pour une pathologie non psychiatrique Une forte demande psychologique au travail a été retrouvée (p = 0,014) étaient significativement corrélés à la tension au chez 47,3 % des salariées. Une faible latitude décisionnelle a été travail, le fait d’avoir des parents à charge (p = 0,04) était notée chez 46,2 % des cas. Un faible soutien social a été rapporté significativement associé avec le déséquilibre efforts-récompenses chez 54,2 % des téléopérateurs. Le « job strain »// /tcig a été retrouvé et le genre est resté indépendamment lié de façon significative chez 25,8 % de la population d’étude. (p = 0,024) à la souffrance psychique. Le score moyen des efforts au travail a été de 14,2  4,6 avec des extrêmes de 6 et 28, alors que celui des récompenses a été de 23,2  5,3 avec des extrêmes de 15 et 23. La situation de déséquilibre 4. Discussion de la balance efforts/récompenses a concerné 16,7 % des salariés enquêtés. Il s’agit d’une étude transversale, menée auprès des téléopé- L’étude des scores GHQ12 a révélé un score moyen de rateurs d’un centre d’appels téléphoniques à Sousse. Certaines 13,9  3,8 avec des extrêmes allant de 4 à 26. Un score supérieur Tableau 2 ou égal à 12 témoignant d’une souffrance psychique était noté chez Résultats des scores du Job Content Questionnaire de Karasek. 61,7 % des cas. Au terme de l’étude univariée, une association statistiquement Dimensions du JCQ Moyenne Médiane significative a été retrouvée entre la tension au travail, la Demande psychologique 24,2  4 26 titularisation (p = 0,014), l’agression verbale (p = 0,033) et les Latitude décisionnelle 65,6  12 68 antécédents de maladies chroniques (p = 0,004). Soutien social 24,2  4 22 I. Kacem et al. / Annales Médico-Psychologiques 178 (2020) 290–294 293 limites de cette étude doivent être considérées dans l’interpréta- La souffrance qui en résulte se manifeste sous forme de réactions tion des résultats. En effet, la nature transversale de l’étude émotionnelles (pleurs, colère, plaintes, dégoût), d’une propension à s’oppose à l’établissement de liens de causalité entre les variables la consommation de psychotropes ou de conduites agressives, que étudiées. Cependant, ce type d’étude a l’avantage d’être plus P. Davezies considère comme étant « beaucoup plus souvent des pratique à cause de sa courte durée de réalisation et de son faible violences contre soi-même » allant parfois jusqu’au suicide. coût. La deuxième limite est l’utilisation d’autoquestionnaires, ce Une majorité de chercheurs ont révélé un lien entre la tension qui présente un biais de subjectivité dans le recueil des données, au travail et l’augmentation des symptômes psychologiques tels surtout celles relatives à la tension au travail et aux troubles que le stress psychologique, la dépression, l’épuisement profes- psychiques. Par ailleurs, les questionnaires de Karasek et de sionnel et la consommation de psychotropes [6,12,29]. Siegrist utilisés dans cette étude peuvent ne pas être adaptés à la Plusieurs auteurs s’accordent à considérer que l’absence de population tunisienne puisque leur validation dans notre contexte titularisation pourrait entraı̂ner un sentiment d’insécurité, à socioculturel et professionnel n’a pas été réalisée. l’origine probablement du vécu du stress. Ce qui concorde avec Finalement, bien que le questionnaire CHQ12 soit employé dans nos résultats. Ainsi l’instabilité de l’emploi pourrait expliquer en le dépistage des troubles psychiatriques et psychiques même dans partie le stress des téléopérateurs [13,14]. des structures de soins non psychiatriques avec une bonne Tel que rapporté dans notre étude, Lourel M. a noté une acceptation grâce à la rapidité d’administration, la facilité relation significative entre le stress et l’agression au travail dans les d’application et la compréhension aisés, il ne comprend pas, centres de gestion de relation-client. En effet, en ce qui concerne la cependant, des questions relatives aux durées de l’évolution des violence au travail dans les centres d’appels téléphoniques, le symptômes ressentis par le sujet. Ce qui rend le score sensible à des harcèlement au téléphone (de la part des clients) constitue une troubles transitoires et de spécificité moyenne. Au terme de forme supplémentaire de stress pour le salarié. Des études récentes cette enquête, la prévalence du stress était de 25,8 % selon le indiquent clairement les effets néfastes du harcèlement psycho- modèle de karasek et de 16,7 % selon le modèle de déséquilibre logique au travail sur l’individu qui en est la victime [9,26]. Selon « efforts/récompenses ». Sczesny et al. , 55 % des salariés ont souhaité quitter leur travail Certaines études qui ont utilisé le questionnaire de Karasek ont après avoir été victimes d’un harcèlement de la part des clients. rapporté des résultats similaires aux nôtres. En effet, dans l’étude Dans la littérature, d’autres facteurs professionnels à l’origine de l’INRS qui a évalué les conditions de travail et la santé auprès de de tension au travail ont été rapportés. Selon Guignon et al. , la 4002 téléopérateurs, la prévalence du stress selon ce modèle était tension au travail est minimale lorsque l’ancienneté profession- de 23,9 %. De même, selon l’enquête Summer 2003, la nelle est inférieure à un an. En effet, il est évident qu’avec le temps, prévalence du job strain chez les téléopérateurs était de 25,3 % plus l’ancienneté est importante, plus l’exposition aux stresseurs. Cependant, d’autres auteurs avaient rapporté une prévalence professionnels est longue et les capacités de résistances devien- de tension au travail dans ce type d’entreprises globalement plus nent faibles. D’autre part, selon l’étude de l’INRS, la programmation élevée que la nôtre [5,21]. Sur le plan national, on a noté la rareté du moment de la pause constitue un facteur favorisant du « job des études réalisées dans ce type d’entreprises. strain ». En effet, l’idéal est d’avoir des pauses libres et possibles Par ailleurs, en comparant nos résultats à des travaux réalisés même sans accomplissement du temps de travail. dans d’autres secteurs d’activité et ayant utilisé le même Concernant le modèle de déséquilibre « efforts/récompenses » la questionnaire de Karasek, la prévalence de stress était de 22,5 % prévalence de stress était significativement liée au fait d’avoir des chez les chauffeurs de bus , de 31,3 % chez les agents parents à charge (p = 0,04). Un des facteurs qui est reconnu comme administratifs, de 39 % dans le secteur textile et de 33 % dans le une source de stress pour le salarié est la charge sociale, à savoir le secteur d’hôtellerie et restauration. fait d’avoir des enfants et/ou des parents à charge et surtout s’il Concernant le modèle de déséquilibre « efforts/récompenses », s’agit de l’unique salarié de la famille. Dans des nombreuses études l’étude de l’INRS a relevé une prévalence moins élevée que la nôtre portant sur la souffrance psychique et le stress au travail, les soit 5,4 %. Par rapport à l’étude française de cohorte GAZEL, les auteurs avaient rapporté une prédominance des sujets mariés avec salariés de notre étude présentaient un score « des efforts » un taux variant de 55 à 78 %. Ceci pourrait être expliqué par la discrètement plus élevé et un score de « récompenses » plus bas grande charge sociale de ces personnes [2,5].. Dans l’étude de R. Peter et al. , il est à remarquer que les Ainsi, il paraı̂t que le secteur de télécommunication est à risque divorcés présentaient toujours une impression très négative de réel de contraintes psychologiques et de troubles de santé mentale. leur travail vu la charge sociale qu’ils ont, surtout s’il s’agit En effet, l’extrême rationalisation, l’hypertaylorisation, la soumis- d’enfants à charge. sion à des impératifs de productivité élevée, la surveillance Concernant la souffrance psychique aspécifique, elle a été notée permanente (double écoute aléatoire des superviseurs et enregis- chez 61,7 % de notre population d’étude. Il paraı̂t donc que le trement systématique des données de l’activité), le caractère secteur de télé-services est générateur de souffrance mentale, monotone du travail, la maı̂trise faible et le manque de chose qui a été déjà prouvée par plusieurs études [5,6]. perspectives d’avenir constituent des facteurs de souffrance Cependant, dans l’étude de l’INRS déjà citée, les auteurs avaient psychologique et de pénibilité. noté que le score de GHQ12 était plus bas que dans notre travail, Norman K et al. stipulent que le travail dans les centres rapporté chez 32,6 % des téléopérateurs seulement. La d’appel est particulièrement caractérisé par un niveau de stress prévalence de cette souffrance était également moindre dans élevé. Cependant, il existe des différences dans le degré de d’autres secteurs d’activité. En effet, M. Estryn-Behar et al. , souffrance mentale en rapport avec les caractéristiques de dans leur étude faite en France en 2008 auprès d’échantillons l’entreprise et le type de services offerts. d’infirmiers de dix pays européens, ont noté que 25 % de la Dans la littérature, les paramètres influençant la tension au population présentaient une souffrance psychique aspécifique. travail sont variables et multiples. Dans notre étude, il s’agissait de S.A. Al Dubai et al. ont rapporté un taux de souffrance psychique titularisation (p = 0,032) et du suivi médical pour une pathologie de 40,1 % chez une population de médecins au Yemen. S. Fanello non psychiatrique (p = 0,014). Plusieurs études avaient montré que et al. , dans leur étude réalisée dans un secteur tertiaire ont le fait d’avoir une maladie chronique psychiatrique ou non est un trouvé une prévalence de souffrance psychique de 63,2 %. Ainsi, les facteur de fragilité qui pourrait accentuer le niveau du stress au professions à fortes sollicitations mentales, émotionnelles et travail et causer des souffrances psychiques. affectives sont les plus exposées à la souffrance mentale. 294 I. Kacem et al. / Annales Médico-Psychologiques 178 (2020) 290–294 Certaines études ont tenté de mettre en évidence les facteurs cation et de la culture et des postes et des télécoms. CFDT Dossiers emplois Travail; 2001 [Accéder le 08/12/2017. Disponible sur : www.cfdt.fr]. susceptibles de prédire la survenue de tel trouble. Dans notre Charbotel B, Leyder S, Vohito M, Renaud L, Jaussaud J, Bourboul C, et al. étude, seul le genre a été significativement lié à la souffrance Conditions de travail dans les centres d’appels téléphoniques et retentisse- psychique (p = 0,024). Cette vulnérabilité féminine pourrait être ment sur la santé des salariés. Société de médecine et de santé au travail de Lyon; 2009. expliquée par le double rôle que la femme est obligée d’accomplir, Cheminots-Santé-Travail. GHQ12-general health questionnary 12; [Accéder le à savoir les demandes de sa famille, d’une part, et les besoins de sa 08/12/2017. Disponible sur : www.cheminots-sante-travail.fr] 2017. profession, d’autre part. Dans l’étude de l’INRS, les télé- Davezies P. Évolution des organisations du travail et atteintes à la santé. Travailler 1999;3:87–114. opérateurs de sexe masculin avaient moins de souffrance Elghazouani F, Barrimi M, Aarab C, Manali C, Zebadic Rachid A, Rammouz I. psychique que leurs collègues de sexe féminin (26,6 % versus Harcèlement moral : enquête au centre hospitalier universitaire de Fès au 34,8 %). Maroc. Ann Med Psychol 2018;176:337–42 [In press]. Estryn-Behar M, Van der Heijden B, Guetarni K, Fry G. Pertinences des S. Fanello et al. 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