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CRFPA 2023 LES ESSENTIELS DU DROIT DROIT CONSTITUTIONNEL En ayant pour fonction principale de contrôler la validité des lois et des conventions internationales au regard de la Constitution, le Conseil constitutionnel est un véritable garant du respect de la hiérarchie des normes, et donc de la su...

CRFPA 2023 LES ESSENTIELS DU DROIT DROIT CONSTITUTIONNEL En ayant pour fonction principale de contrôler la validité des lois et des conventions internationales au regard de la Constitution, le Conseil constitutionnel est un véritable garant du respect de la hiérarchie des normes, et donc de la suprématie de la Constitution. Le Conseil constitutionnel constitue un organe primordial dans la défense des droits et libertés fondamentaux. En 2021, le Conseil constitutionnel a rendu 149 décisions. Il convient d’envisager, tout d’abord, ce qu’est le Conseil constitutionnel (I), avant d’étudier les normes servant de paramètres à son contrôle (II), puis les principales procédures applicables devant lui (III). I. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL Le Conseil constitutionnel est un organe à part. Sa composition fait constamment l’objet de débats, alors même que l’actuel président de la République Emmanuel Macron a annoncé vouloir supprimer ses membres de droit (A). Sa singularité est aussi observable au travers de son organisation (B). Cela étant, alors qu’à son origine, il avait une compétence limitée en matière de défense des droits et libertés fondamentaux, il devient de plus en plus une véritable « Cour constitutionnelle » (C). A. LA COMPOSITION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL En application de l’article 56 de la Constitution, le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n'est pas renouvelable. Il se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le président de l'Assemblée nationale, trois par le président du Sénat. Le Président du Conseil est nommé par le Président de la République, ce qui est important car celui-ci a une voix prépondérante en cas de partage des voix. Certains auteurs critiquent ces nominations très politiques. Cela étant, les membres du Conseil constitutionnel sont soumis à certaines incompatibilités car ils doivent rendre la décision en toute indépendance. Ils ne doivent donc pas être parlementaires ou ministres. Ainsi, Nicole Belloubet a dû quitter le Conseil constitutionnel pour pouvoir être ministre de la Justice. Les actuels membres du Conseil constitutionnel sont, par ordre alphabétique, Laurent Fabius (Président), Jacqueline Gourault, Alain Juppé, Corinne Luquiens, Véronique Maebec, Jacques Mézard, François Pillet, Michel Pinault, François Seners En sus de ces membres nommés, font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République. Les deux Présidents de la IVème République, le Président René Coty et le Président Vincent Auriol, y ont siégé en cette qualité. Le Président Valéry Giscard d'Estaing a siégé quant à lui, de 2004 à 2020. Le Président Jacques Chirac qui siégea en 2007 et le Président Nicolas Saroky, à partir 2012 ont fait le choix de ne plus siéger respectivement en mars 2011 et janvier 2013. Le Président François Hollande a fait le choix de ne pas siéger au Conseil constitutionnel en qualité de membre de droit. B. L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL Le Conseil constitutionnel, mis en place en 1958, est une institution permanente dont les sessions suivent le rythme des requêtes dont il est saisi. Le modèle français de justice constitutionnelle présente Objectif Barreau – Les essentiels du droit 2 Tous droits réservés – Reproduction interdite des singularités dans le contrôle des normes, justifiées par l'Histoire française ou encore par le fait qu'elle est insérée dans un État unitaire de tradition centralisée et jacobine. Le Conseil constitutionnel s'est imposé comme gardien des libertés fondamentales, rôle qui ne devait pas être le sien dans l'esprit des constituants. De Gaulle lui-même ne considérait pas le Conseil constitutionnel comme devant occuper un tel rôle, puisque selon lui « en France, la Cour Suprême, c'est le peuple ». Toutefois, les évolutions jurisprudentielles et les réformes constitutionnelles de 1974 et de 2008 démontrent la volonté de bâtir une démocratie plus équilibrée, garantissant des droits nouveaux. Sur le point de vue essentiellement procédural, l’article 4 de la loi organique du 10 décembre 2009 renvoie, pour la procédure devant le Conseil constitutionnel, à l’article 56 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. La procédure n'est soumise à aucun formalisme rigoureux. Le Conseil ne siège et ne juge qu'en séance plénière, ses délibérations sont soumises à une règle de quorum en vertu de laquelle la présence effective de sept juges est requise. En cas de partage, la voix du président est prépondérante. Les débats, ainsi que les votes, ne sont ni publics, ni publiés. En effet, l’une des spécificités du Conseil constitutionnel est sa procédure secrète, ce qui est une grande différence par rapport à celle suivie devant le Conseil d’Etat. En effet, deux arguments sont souvent avancés pour expliquer cela. En premier lieu, le secret viserait à protéger la liberté et la sécurité des neufs membres, notamment lorsqu’un dossier sensible est examiné. De plus, cela faciliterait leur travail en les soustrayant aux pressions et interprétations tendancieuses. Malgré les critiques récurrentes à ce principe, il convient de souligner les efforts entrepris par le Conseil constitutionnel puisque les textes des saisines sont néanmoins publiés au Journal Officiel de la République Française (JORF). De plus, le secret a été assoupli avec une loi organique de 2008 ramenant de 60 à 25 ans le délai d’accès aux archives du Conseil constitutionnel. L'instruction des affaires est confiée à un membre du Conseil désigné comme rapporteur par le président, sauf en matière de contentieux électoral. Lorsque la Haute juridiction est saisie conformément aux articles 61 et 54 de la Constitution, la notification de la saisine est faite sans délai aux autres autorités de saisine. La nécessité d'aviser le chef de l'État et le Premier ministre s'explique par leur implication dans le processus de promulgation des lois. La procédure d'instruction des saisines est assurément très proche de la procédure administrative contentieuse telle qu'elle se déroule devant le Conseil d'État mais est enserrée dans un temps étroit. Les règles applicables dans toute la procédure se distinguent selon qu'il s'agit d'un contrôle de constitutionnalité des normes préventif et abstrait (sur le fondement de l’article 61 de la Constitution), ou d'un contrôle a posteriori et concret (sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution). Ces règles ont fait l'objet de nombreux débats parlementaires ou doctrinaux, visant à améliorer les aspects procéduraux, à combler son cadre lacunaire, en rapprochant le Conseil Constitutionnel d'une véritable « Cour Constitutionnelle », à l’image des Cours constitutionnelles allemande ou italienne. Pour le Conseil constitutionnel, la multiplication des saisines d'origine parlementaire s'est traduite par une juridictionnalisation croissante de la procédure et des adaptations structurelles, en se Objectif Barreau – Les essentiels du droit 3 Tous droits réservés – Reproduction interdite rapprochant des autres juridictions et en instituant une sorte de « procès des lois », dans le sens traditionnel du terme, en comparaison avec la procédure applicable dans les juridictions ordinaires. On entend ainsi par-là, une procédure caractérisée par le principe du contradictoire, par une certaine oralité, un débat entre les parties. Toutefois le Conseil constitutionnel se distingue des autres juridictions par rapport à sa formation, ou encore par l'autorité de ses décisions. La nature particulière du Conseil constitutionnel a été soulignée fortement pendant les débats sur la révision constitutionnelle de 2008 puisqu’il avait même été proposé de changer la dénomination de ce Conseil en « Cour constitutionnelle ». Cette proposition n’a pas été suivie par le Gouvernement, ni par l’Assemblée nationale. En effet, le Conseil ne se situe pas au sommet de la hiérarchie des tribunaux judiciaires ou administratifs. L'explication apportée par la Garde des Sceaux, Rachida Dati, réside dans le fait que le Conseil n'est pas une simple juridiction, mais une institution originale qui joue un rôle capital dans l'équilibre des pouvoirs constitutionnels. Pourtant, c’est l’introduction du mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité, lors de la réforme du 23 Juillet 2008, qui a représenté l’opportunité pour ce Conseil constitutionnel de devenir un véritable juge. En effet, par cette intervention, le Conseil intervient indirectement dans la résolution d’un litige entre les parties par le biais du renvoi par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation de cette question. C. L’EVOLUTION DU ROLE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL La tradition française est totalement hostile au contrôle de la constitutionnalité des lois. Pourtant, un contrôle avait été proposé par l’abbé Sieyès qui, dans la discussion sur la Constitution de l'an III (1795), avait proposé un « jurie constitutionnaire ». Ce projet avait été rejeté. Il y a donc une hostilité absolue au contrôle de la constitutionnalité des lois qui va se fonder sur deux raisons : d'une part la sacralisation de la loi – on parle aussi de légicentrisme – et, d'autre part, la conception française de la séparation des pouvoirs. 1. La sacralisation de la loi A partir de la Révolution, la loi devient réellement une norme fondamentale. La Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 fait de la loi l'expression de la volonté générale. Elle exprime ce que le peuple veut par la voie de ces représentants. Censurer la loi reviendrait à porter atteinte au peuple souverain. 2. La conception française de la séparation des pouvoirs Les révolutionnaires distinguent les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Aucun pouvoir ne peut empiéter sur un autre. Permettre au juge d’examiner et d’annuler la loi est incompatible avec la conception française de la séparation des pouvoirs exprimée dans la loi des 16-24 août 1791. « Le juge est la bouche qui prononce les paroles de la loi ». Les révolutionnaires repoussent l'idée selon laquelle un juge pourrait censurer la loi. Le juge doit rester soumis à la loi. Cette conception dans laquelle le contrôle de constitutionnalité des lois est exclu, va demeurer valable pendant plusieurs siècles, jusqu'en 1958. Tout au long du XIXème siècle et pendant la plus grande partie Objectif Barreau – Les essentiels du droit 4 Tous droits réservés – Reproduction interdite du XXème siècle, aucun véritable projet de contrôle de la constitutionnalité des lois n'a abouti. Il y a bien quelques projets présentés devant l'Assemblée nationale, mais ils sont écartés. Certaines Constitutions font du Sénat, le gardien de la Constitution mais cela ne correspond en pratique à rien de précis. Dans le projet des Constitutions du régime de Vichy, une Cour constitutionnelle était prévue. Toutefois, ce projet ne sera jamais appliqué. Dans la Constitution de 1946, est mis en place un « comité constitutionnel » qui comprend le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, sept députés et trois membres du Conseil de la République. Cependant, en réalité, ce comité est chargé de faire réviser la Constitution si une loi semble en contradiction avec elle. Il faut donc attendre la Vème République pour qu'apparaisse un véritable contrôle. Si la Constitution de 1958 met en place un contrôle de constitutionnalité, c’est avant tout pour diminuer la place occupée par le Parlement dans les institutions. Ce n’est donc pas un contrôle pour défendre les droits et les libertés du citoyen. On parle en 1958 du contrôle de constitutionnalité comme d'un « canon tourné vers le pouvoir législatif » ou comme un « chien de garde du pouvoir législatif au service du pouvoir exécutif ». L'idée principale des rédacteurs de la Constitution de 1958 est de forcer le Parlement à rester dans le domaine législatif prévu par l'article 34 de la Constitution. Suivant cet article, certaines matières sont réservées au pouvoir législatif, et l'article 37, par opposition, détermine les matières réservées au pouvoir réglementaire. Cependant, le rôle du Conseil a beaucoup évolué depuis 1958. En effet, le Conseil a fait preuve d'une remarquable action créatrice, et aujourd'hui il traite de matières relevant de plusieurs domaines du droit. Plusieurs décisions sont considérées comme des décisions créatrices, lesquelles ont permis au Conseil constitutionnel de façonner son action : • C.C., 16 janvier 1962, déc. n° 62-18 L, Nature juridique des dispositions de l'article 31 (alinéa 2) de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole : cette décision porte sur la question de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel. Ce dernier précise la portée de l'article 62 alinéa 3 de la Constitution, en considérant que l'autorité de ses décisions s'attache non seulement à leurs dispositifs, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et qui en constituent le fondement même ; • C.C., 6 novembre 1962, déc. n° 62-20 DC, Loi relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962 : par cette décision, le Conseil constitutionnel considère qu'il ne peut pas contrôler les lois adoptées par le peuple à la suite d’un référendum qui sont l'expression directe de la souveraineté nationale. Ainsi, le Conseil fixe de manière créatrice les limites de ses compétences ; • C.C., 16 juillet 1971, déc. n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association : il s’agit de la décision la plus créatrice du Conseil constitutionnel. Par cette décision, il fait entrer les droits et libertés fondamentaux dans le champ constitutionnel. Il faut attendre cette décision pour Objectif Barreau – Les essentiels du droit 5 Tous droits réservés – Reproduction interdite que le Conseil constitutionnel exerce un contrôle sur le fond, sur le contenu de la loi, et non plus seulement sur la répartition des compétences normatives. De plus, elle ouvre le contrôle de la loi à d’autres normes constitutionnelles puisque dans cette décision, le visa se réfère à la Constitution « et notamment son préambule » ; • C.C., 15 janvier 1975, déc. n° 74-54 DC, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse : dans cette décision, le Conseil refuse d'effectuer un contrôle de conventionnalité des lois, en transférant cette compétence au juge ordinaire. Le Conseil constitutionnel ne défend donc plus seulement la répartition des compétences, mais est devenu un défenseur des droits et libertés. Il a progressivement permis l’intégration des droits et libertés fondamentaux dans le bloc de constitutionnalité. Cette intégration a été très contestée et a nourri les critiques récurrentes relatives au « gouvernement des juges ». II. LE « BLOC DE CONSTITUTIONNALITE » Le Conseil constitutionnel exerce le contrôle sur les normes qui lui sont soumises en les confrontant au « bloc de constitutionnalité ». En effet, les normes constitutionnelles ne sont pas uniquement constituées par le corps de la Constitution de 1958. Depuis sa décision du 16 juillet 1971 « Liberté d’association », le Conseil constitutionnel accepte de vérifier la constitutionnalité des normes par rapport au préambule de la Constitution de 1958. Or, ce préambule renvoi à de nombreux autres textes. En réalité, le « bloc de constitutionnalité » est constitué par un ensemble de normes composé notamment de la Constitution de 1958, du préambule de la Constitution de 1946, de la DDHC, de la Charte de l’environnement, des principes à valeur constitutionnelle et des objectifs à valeur constitutionnelle. En ce qui concerne le préambule de la Constitution de 1946, il renvoie aussi aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la république (PFRLR) et aux principes particulièrement nécessaires à notre temps (PPNT). Il appartient au juge de reconnaître les PFRLR à partir de trois critères cumulatifs. Pour être « fondamental », le principe doit énoncer une règle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralité et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la nation, comme les libertés fondamentales, la souveraineté nationale ou l’organisation des pouvoirs publics ; le principe doit trouver une base textuelle dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946 ; le principe doit avoir fait l’objet d’une application continue dans le temps. En ce qui concerne les PPNT, le Préambule proclame comme particulièrement nécessaires à notre temps des principes politiques, économiques et sociaux qui sont limitativement énumérés. Par ailleurs, alors que le Conseil fait déjà l’objet de vives critiques au regard de son intervention dans le domaine de compétences du législateur ordinaire, il lui arrive en outre de produire des normes constitutionnelles à la place du constituant. Il en va ainsi de la création des principes à valeur constitutionnelle, renforçant la possible qualification du Conseil constitutionnel en tant que « gouvernement des juges ». Objectif Barreau – Les essentiels du droit 6 Tous droits réservés – Reproduction interdite Enfin, le Conseil constitutionnel a consacré explicitement les « objectifs de valeur constitutionnelle ». Il s’agit d’orientations qui n’ont donc pas de portée normative. Pour cette raison, le Conseil considère que certains OVC ne constituent pas en eux-mêmes des droits et libertés au sens de l’article 61-1 de la Constitution, permettant de fonder une question prioritaire de constitutionnalité. On peut citer notamment l’OVC de bon usage des derniers publics (décision n° 2014-434 QPC du 5 déc. 2014). III. LA PROCEDURE CONSTITUTIONNELLE Il convient d’envisager les principaux recours contentieux permettant de défendre les droits et libertés fondamentaux (A), avant d’envisager le dispositif des décisions (B) et leurs effets (C). A. LES VOIES CONTENTIEUSES Le Conseil constitutionnel dispose de compétences en matière électorale pour trois types d’élection : • Pour les présidentielles, le Conseil est saisi des recours contre les irrégularités qui ont pu se produire pendant les élections. C'est aussi le Conseil qui proclame les résultats et proclame donc l'élection du nouveau président ; • Pour les élections des députés et des sénateurs, le Conseil constitutionnel est saisi de toutes les irrégularités, fraudes et il va dans certains cas invalider les élections de certains députés ou de certains sénateurs. • En matière de référendum législatif, il dispose de compétences sur le fondement de l’article 11 de la Constitution. Cependant, le Conseil a toujours refusé de contrôler les opérations de référendum lorsqu’il s’agit de réviser la Constitution. Cela étant, en matière de défense des droits et libertés fondamentaux, il convient surtout de d’exposer ici ses compétences issues des articles 54 et 61 de la Constitution (1), puis de l’article 61-1 de la Constitution (2). 1. Le contrôle a priori En application de l’article 61 de la Constitution, les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution. Aux mêmes fins, les lois ordinaires peuvent être déférées au Conseil constitutionnel. Ainsi, alors que les lois ordinaires peuvent être soumises à son contrôle, les lois organiques le sont obligatoirement. Le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Jusqu’à la réforme constitutionnelle du 29 octobre 1974, uniquement le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat étaient compétents pour déférer la loi au Conseil constitutionnel. Depuis 1974, cette prérogative a été étendue à soixante députés ou soixante sénateurs, ouvrant ainsi la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel, à une minorité parlementaire, donc à l’opposition. Il est aussi permis de saisir le Conseil sur le fondement de l’article 54 de la Constitution, afin qu’il statue sur la conformité d’un traité international à la Constitution. Objectif Barreau – Les essentiels du droit 7 Tous droits réservés – Reproduction interdite 2. La question prioritaire de constitutionnalité L’introduction de la QPC dans le droit français a été une avancée majeure dans la défense des droits et libertés fondamentaux. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, complétée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution prévoit qu’un justiciable peut à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, de se prononcer dans un délai maximum de trois mois. Pour qu’il soit saisi, la disposition faisant l’objet de la QPC doit être applicable au litige, à la procédure judiciaire ou constituer le fondement des poursuites ; elle ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; et elle doit être nouvelle ou sérieuse. B. LE DISPOSITIF DES DECISIONS Toutes les décisions du Conseil constitutionnel sont prises dans les mêmes formes, comprenant : • Les visas des textes applicables et des éléments de procédure ; • Les motifs de la décision, lesquels reprennent les moyens invoqués par les requérants et indiquent les principes applicables ; • Le dispositif final divisé en articles énonçant la solution adoptée. Le dispositif peut prendre plusieurs formes. Il peut consister dans une déclaration de conformité (1), dans une totale décision de non-conformité (2), dans une déclaration d’inconstitutionnalité partielle (3) ou dans la production d’une réserve d’interprétation (4). 1. Les déclarations de conformité Lorsque le Conseil constitutionnel estime que le texte est conforme à la Constitution, l'article 21 de l'ordonnance organique de 1958 précise que la publication d'une déclaration du Conseil constitutionnel constatant qu'une disposition n'est pas contraire à la Constitution met fin à la suspension du délai de promulgation. Dans le cadre du contrôle a posteriori, la loi restera en vigueur et sera appliquée au litige. 2. Les décisions de non-conformité totale Il s'agit de l'hypothèse où le Conseil constitutionnel a déclaré la non-conformité totale du texte à la Constitution, soit parce que tout le texte est contraire, soit parce que l'une de ses dispositions est non conforme mais aussi jugée inséparable du reste du texte. Dans ce second cas, le Conseil constitutionnel doit se prononcer expressément sur le caractère inséparable de la disposition par rapport au texte. 3. Les déclarations d'inconstitutionnalité partielle Il est possible que le Conseil constitutionnel déclare que certaines dispositions de la loi ne sont pas conformes, mais il ne les juge pas inséparable du reste du texte. Objectif Barreau – Les essentiels du droit 8 Tous droits réservés – Reproduction interdite Dans ce cas, l’article 23 alinéa 1er de l'ordonnance organique prévoit que le président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander la soumettre à une nouvelle lecture. Cette seconde lecture de la loi ne peut se faire qu'avec l'objectif de corriger l'inconstitutionnalité du texte et ne peut donc pas se faire pour des raisons de simple opportunité. En effet, cette seconde lecture n'est pas une procédure législative nouvelle, mais une intervention dans la procédure législative en cours. Il s'agit d'une phase complémentaire résultant du contrôle de constitutionnalité. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de recommencer toute la procédure législative. Par ailleurs, il arrive que le Conseil constitutionnel soit amené dans le dispositif de ses décisions, à réécrire certains articles de la loi pour tenir compte de ses propres censures. Il en va ainsi lorsqu'un article fait référence à un autre article au sein d'une même loi. Si ce deuxième article est censuré par le Conseil, la rédaction de l'article qui effectuait le renvoi devient inefficace. Il est donc arrivé que le Conseil rédige dans le dispositif la disposition en question pour tenir compte de sa décision. 4. Les réserves d'interprétation Nous sommes ici en présence d'une technique issue de la jurisprudence, puisque aucune disposition constitutionnelle n'ouvre la possibilité au Conseil d’apporter des réserves d’interprétation. La doctrine est partagée sur la question de savoir s'il s'agit d'une voie décisionnelle ou d'une modalité d'interprétation. Cette technique s'est surtout développée à partir des années 1980. Pour l’essentiel, il arrive que le Conseil constitutionnel rende des décisions qui déclarent une loi conforme à la Constitution, mais sous la condition de respecter un certain nombre d'interprétations qu’il précise dans sa décision. Ces réserves sont exprimées et expliquées dans l'exposé des motifs, et elles sont aussi rappelées dans le dispositif. Cette technique apparaît dès la première décision du Conseil constitutionnel qui traite du règlement de l'Assemblée nationale. Le Conseil a censuré certaines dispositions du règlement des assemblées et a émis des réserves d'interprétation. La réserve d’interprétation constitue un procédé de sauvetage qui permet de sauver la loi en évitant sa censure. Cependant, le Conseil constitutionnel peut l'assortir de très nombreuses réserves au point d'enfermer l'application de la loi dans un cadre extrêmement strict. Dans la décision portant sur le pacs civil de solidarité, le Conseil émet un grand nombre de réserves d'interprétation au point que certains considèrent que le Conseil a en partie corrigé la loi tout en la sauvant. La doctrine distingue classiquement trois types de réserves d’interprétation : • Les réserves neutralisantes - ou minorantes : elles éliminent des interprétations possibles du texte qui seraient contraires à la Constitution ; • Les réserves directives : elles comportent une prescription à l’égard du pouvoir législatif ou de toute autorité en charge de l’application de la loi ; • Les réserves constructives : elles ajoutent à la loi afin de la rendre conforme à la Constitution. Objectif Barreau – Les essentiels du droit 9 Tous droits réservés – Reproduction interdite C. L’EFFET DES DECISIONS En vertu de l’article 62, alinéa 2, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Elles ne sont susceptibles d'aucun recours. L'autorité de la chose jugée ne s'attache pas seulement au dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. Les décisions de conformité qui concernent les lois organiques ou ordinaires peuvent conduire à la censure totale ou partielle de la loi, mais non à son annulation puisqu'elles sont prononcées avant la promulgation de celle-ci, acte juridique qui en assure l'application. Les dispositions déclarées inconstitutionnelles d'un règlement d'une assemblée parlementaire ne peuvent être mises en application. Si le Conseil constitutionnel estime qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver cet engagement international ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution. Lorsque, saisi d'une QPC, le Conseil constitutionnel déclare une disposition inconstitutionnelle, cette dernière est abrogée à compter de la publication de la décision ou d'une date ultérieure fixée par celle-ci. Toutefois, le Conseil peut, en application de l'article 62 de la Constitution, déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition inconstitutionnelle a produits peuvent être remis en cause. Objectif Barreau – Les essentiels du droit 10 Tous droits réservés – Reproduction interdite

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