CRFPA 2023 Droit Des Obligations PDF
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This document is a past paper for the CRFPA 2023 exam covering the subject of Droit des Obligations. It provides an introduction and general overview of the subject matter. It lists a general overview of course topics including contracts and quasi-contracts, and discusses the importance of the French Civil Code for the exam.
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CRFPA 2023 DROIT DES OBLIGATIONS INTRODUCTION GÉNÉRALE Programme de l’épreuve. Le présent fascicule a été rédigé pour vous permettre de préparer l’épreuve de droit des obligations de l’examen d’entrée au CRFPA. La finalité de ce fascicule est de vous présenter un cours synthétique et pratique en...
CRFPA 2023 DROIT DES OBLIGATIONS INTRODUCTION GÉNÉRALE Programme de l’épreuve. Le présent fascicule a été rédigé pour vous permettre de préparer l’épreuve de droit des obligations de l’examen d’entrée au CRFPA. La finalité de ce fascicule est de vous présenter un cours synthétique et pratique en vue du type d’examen qui vous sera soumis, à savoir une consultation, ce en dépit de l’étendue du programme officiel de l’épreuve du droit des obligations. Le choix a été fait de présenter le droit positif sans qu’une attention accrue ne soit portée sur les débats doctrinaux, lesquels pourront être invoqués à la marge lorsqu’une solution n’est pas déterminée. On ajoutera que des schémas, tableaux, exemples et conseils agrémentent le fascicule. S’agissant du programme, l’arrêté du 17 octobre 2016 présente le programme du droit des obligations de la manière suivante sans autres précisions : I. - Contrats et autres sources des obligations. II. - Responsabilité civile. III. - Régime général de l'obligation. IV. - Preuves. Chacune de ces différentes matières pourrait faire l’objet d’une étude poussée, ce qui aboutirait à augmenter considérablement le volume du présent fascicule. Afin de présenter un fascicule synthétique, des arbitrages ont été effectués par les auteurs pour que le propos soit concentré sur les thématiques essentielles du droit des obligations. Les questions limitrophes, c’est-à-dire celles qui sont à la frontière du programme, seront partiellement traitées, vous pourrez les compléter en cas de besoin avec des ouvrages spécialisés. Ce choix est rendu nécessaire pour conserver le caractère synthétique du présent fascicule qui ne peut prétendre être exhaustif. De l’importance du Code civil. La France est, comme vous le savez, un pays de tradition civiliste dont le système de droit civil est principalement retranscrit au sein d’un Code, le Code civil. Ce rappel peut paraître anodin, pourtant il n’en est rien. Le maniement du Code civil est indispensable pour réussir votre épreuve. Vous trouverez en outre, dans l’édition de votre choix, de la jurisprudence utile pour vos consultations. Il est donc nécessaire de vous entraîner de façon intensive au maniement du Code civil. Le droit des obligations tel qu’il vous sera présenté dans ce fascicule de cours doit être appris en procédant conjointement à une lecture du Code civil pour chaque thème abordé. Ceci est la condition sine qua non de la bonne réussite de votre examen. La lecture du Code civil vous permettra d’affermir vos connaissances en droit des obligations, l’utilisation du Code civil vous permettra de retrouver ce qui a été appris pour construire les syllogismes nécessaires à la résolution des problèmes qui vous seront posés. Pour les raisons qui viennent d’être exposées, il vous est fortement recommandé de commencer immédiatement à réviser avec votre Code civil. Concrètement, dès qu’un texte ou une jurisprudence est abordé dans ce fascicule, il vous faut avoir le réflexe d’ouvrir votre Code pour les localiser. Ne découvrez pas votre Code le jour de l’examen ! Les choix de présentation réalisés par les éditeurs peuvent vous sembler parfois contreintuitifs, ce qui rendra chronophage une recherche de texte ou de jurisprudence le jour de l’examen. Ce temps serait perdu, en vous entraînant, vous gagnerez du temps dans la perspective de l’examen. S’agissant du choix entre les deux principales éditions du Code civil, à savoir Dalloz ou Lexis Nexis, il en ressort de vos préférences. Votre choix est subjectif, il doit être guidé par votre expérience et vos goûts. Plan. On étudiera dans un premier développement le droit des contrats, conjointement à une autre source d’obligation qui lui est proche : les quasi-contrats. Un second développement sera réservé à la responsabilité extracontractuelle. Enfin, l’étude des obligations supposant que l’on s’intéresse à l’obligation en tant que telle sans considération de ses sources, un troisième développement sera consacré au régime général des obligations et à la preuve des obligations. Objectif Barreau – Droit des obligations 1 SOMMAIRE Introduction générale ........................................................................................................................... 1 Sommaire .............................................................................................................................................. 2 Thème préliminaire : introduction générale au droit des obligations et au droit des contrats ..... 3 Thème I – Le droit des contrats et les quasi-contrats ....................................................................... 7 Partie I – Partie préliminaire : Notion et classifications des contrats .......................................... 7 Partie II : L’élaboration du contrat .............................................................................................. 20 Partie III - Les effets du contrat .................................................................................................... 92 Partie IV - L’inexécution du contrat ........................................................................................... 119 Partie V : Les quasi-contrats ....................................................................................................... 143 Thème II – La responsabilité civile extracontractuelle ................................................................. 151 Introduction................................................................................................................................... 151 Partie I - Le droit commun de la responsabilité civile ............................................................... 153 Partie II - Les régimes spéciaux de responsabilité ..................................................................... 217 Partie III - Cumul et non-cumul de responsabilité .................................................................... 236 Thème III – Le régime général de l’obligation et le droit de la preuve ....................................... 242 Introduction................................................................................................................................... 242 Partie I – L’obligation comme un lien......................................................................................... 243 Partie II - L’obligation comme un bien....................................................................................... 289 Thème IV - La preuve des obligations ............................................................................................ 308 Partie I - L’objet de la preuve - Qu’est-ce qui doit être prouvé ?............................................. 309 Partie II - La charge de la preuve- Qui doit prouver ? .............................................................. 311 Partie III - Les modes de preuve - Comment prouver ? ............................................................ 313 Table des matières ............................................................................................................................ 321 Objectif Barreau – Droit des obligations 2 THÈME PRÉLIMINAIRE : INTRODUCTION GÉNÉRALE AU DROIT DES OBLIGATIONS ET AU DROIT DES CONTRATS SECTION I : L’OBLIGATION Afin de bien envisager cette matière, il faut d’abord commencer par aborder la notion d’obligation (I). Il faudra, ensuite, rapidement présenter les sources de l’obligation (II). I. La notion d’obligation Obligation – Définition. Il s’agit d’un lien de droit unissant un créancier et un débiteur en vertu duquel le créancier peut exiger quelque chose, une prestation ou une abstention du débiteur. Grâce à ce lien, une personne peut exiger de l’autre qu’elle fasse quelque chose ou donne quelque chose. Il y a un lien obligationnel entre elles. Ce que nous définissons, c’est ce que l’on nomme l’obligation civile. L’obligation civile est coercitive. Cela signifie que le créancier peut poursuivre l’exécution de son obligation en justice et bénéficier de la contrainte étatique. Elle s’oppose à l’obligation naturelle. L’obligation naturelle, qui n’est pas coercitive, se situe entre le devoir moral, le devoir de conscience et l’obligation civile. On ne peut ni poursuivre son exécution en justice ni sanctionner son inexécution. En revanche, si l’obligation naturelle a été exécutée spontanément, sa restitution n’est plus possible selon l’article 1302 du Code civil. → Exemple : lorsqu’une obligation est prescrite, cela empêche le créancier d’en réclamer l’exécution à son débiteur. Il ne peut pas poursuivre en exécution mais si le débiteur paye spontanément, il ne pourra pas en obtenir la restitution. Identifier une obligation naturelle est intéressant car cette dernière peut se transformer en obligation civile. En ce sens, l’article 1100 al. 2 du Code civil dispose que les obligations « peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui ». Ainsi, l’engagement d’exécuter une obligation naturelle la transforme en obligation civile. De même, exécuter volontairement une obligation naturelle la transforme en obligation civile. II. Les sources de l’obligation L’article 1100 alinéa 1er du Code civil dispose que « les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi. » Les sources sont donc les suivantes : ▪ La loi : on sait que la loi crée des obligations. En effet, le législateur peut intervenir et créer un lien d’obligation entre deux, ou plusieurs, personnes. → Exemple : Les parents ont une obligation d’aliments à l’égard de leurs enfants : c’est la loi qui les y oblige. ▪ Les actes juridiques et plus spécialement le contrat : « Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux » selon l’article 1100-1 al. 1er. Dans l’acte juridique on recherche la conséquence juridique. Les contrats appartiennent à la catégorie des actes juridiques. → Exemple : Le client d’un magasin ayant acheté des produits est débiteur du prix, mais il peut exiger du vendeur la délivrance de la chose de sorte qu’il est également créancier. Inversement, le vendeur est créancier du prix et débiteur quant à la délivrance du bien vendu. En somme, la conclusion d ’un contrat de vente génère des Objectif Barreau – Droit des obligations 3 obligations réciproques. Le contrat génère une obligation. Celle-ci a pour particularité d’être volontaire. En effet, comme on le verra, le contrat est par essence l’expression de la volonté. Sans volonté, il n’y a pas de contrat. ▪ Les quasi-contrats : c’est une source autonome d’obligation. Attention le terme est un faux ami. Le quasi-contrat n’est pas un presque contrat. Les quasi-contrats procèdent de situations purement volontaires de l’homme dans lesquelles il y a un sentiment d’injustice si on ne permet pas à une personne d’être la créancière de l’autre et d’exiger qu’elle la rembourse ou l’indemnise. Les quasicontrats sont donc des situations dans lesquelles on fait « comme s’il y avait eu un contrat » (justement alors qu’il n’y en a pas eu) pour faire produire l’effet principal du contrat : la création d’une obligation. On compte parmi les quasi-contrats : la gestion d’affaires, le paiement de l’indu, l’enrichissement injustifié et le quasi-contrat de loteries publicitaires. Les trois premiers sont légaux et codifiés dans le Code civil, le dernier est jurisprudentiel. ▪ La responsabilité extracontractuelle : La responsabilité extracontractuelle appartient à la catégorie des faits juridiques : Les faits juridiques sont « des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit » (art. 1100-2 C. civ.). Les conséquences juridiques n’ont pas été souhaitées. → Exemple : lorsqu’une personne porte des coups à une autre personne, même volontairement, elle ne recherche pas le fait de devenir débitrice d’une obligation de réparation. Elle peut avoir souhaité faire mal mais pas devoir réparer un préjudice. La création d’obligations peut donc également résulter d’une situation non recherchée par le créancier et le débiteur. Ainsi, lorsque l’on cause un dommage à autrui par sa faute ou par une chose dont on a la garde ou par une personne dont on répond, on doit réparer le préjudice subi par la victime. C’est une obligation civile qui nait du fait du dommage causé. → Exemple : Imaginons qu’une personne soit renversée par une voiture en traversant la rue, les préjudices qu’elle subira généreront des dommages, ce qui permettra de rechercher la responsabilité de leur auteur pour obtenir réparation. La création d’un lien d’obligation entre la victime, créancière d’une créance de réparation, et l’auteur du dommage, débiteur d’une dette de réparation, est ici issue de la loi puisque les parties n’ont pas souhaité être liées avant que l’événement à l’origine du dommage ne survienne. SECTION II : LA RÉFORME DU DROIT DES CONTRATS ET L ’APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS I. La réforme du 10 février 2016 Observations générales sur la réforme du droit des obligations du 10 février 2016. Le droit des contrats, le régime général de l’obligation et le droit de la preuve ont fait l’objet d’une importante réforme par une ordonnance du 10 février 2016. Cette réforme avait notamment pour objectifs, d’une part, de moderniser le droit des contrats et le régime général de la preuve demeurés en grande partie inchangés depuis 1804, et, d’autre part, de le rendre plus accessible et plus lisible. En effet, pour répondre à un besoin de sécurité juridique, il fallait codifier des règles qui étaient devenues essentiellement jurisprudentielles. La réforme ne porte d’ailleurs pas de bouleversement en profondeur des solutions positives, exceptées quelques importantes innovations, telles que la suppression de la cause ou la révision pour imprévision, qui seront analysées au fil des développements 1. 0F 1 H. BARBIERI, « Les grands mouvements de la réforme », RTD civ. 2 016 247 ; « Réforme du droit des contrats : quelles innovations ? », RDC hors-série, avril 2016. Objectif Barreau – Droit des obligations 4 II. L’application dans le temps de la réforme Application de la loi dans le temps. La date d’entrée en vigueur de l’ordonnance a été fixée au 1er octobre 2016. Le droit qu’elle porte ne s’appliquera donc qu’aux contrats conclus à compter de cette date, en vertu du principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle (cf art. 2 du Code civil et 9 de l’ordonnance du 10 février 2016). Notons toutefois que le législateur a prévu que les articles 1123, 1158 et 1183 issus de l’ordonnance du 10 février 2016 sont d’application immédiate. Cela signifie qu’ils s’appliquent à tous les contrats en cours, indépendamment de leur date d’entrée en vigueur. « La réforme de la réforme ». Puisque le gouvernement avait reçu habilitation du Parlement pour réformer le droit des obligations par voie d’ordonnance, il fallait encore que le Parlement ratifie le texte, ce qu’il fît par une loi du 20 avril 2018. Cette loi de ratification est entrée en vigueur le 1er octobre 2018. Elle a principalement ratifié les dispositions de l’ordonnance du 10 février 2016 mais elle a également apporté certains changements en modifiant parfois des articles par des dispositions nouvelles, ce que nous envisagerons au fil des développements du fascicule. Deux remarques s’imposent néanmoins à ce stade. D’abord, les dispositions nouvelles de la loi de ratification seront applicables aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2018. Ensuite, il faut noter que certaines de ces dispositions nouvelles de la loi de ratification sont à valeur interprétative selon le législateur lui-même. Or, pour rappel, lorsque la loi est dite « interprétative », c’est qu’elle vient préciser une loi déjà en vigueur et qu’elle rétroagit donc au jour de l’entrée en vigueur de la loi qu’elle vient interpréter. Ainsi, selon l’article 16 de la loi de ratification de l’ordonnance adoptée par le Parlement, les articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du Code civil ont un caractère interprétatif ce qui implique que les nouvelles rédactions de ces articles sont applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, soit pour les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. Point consultation : Il vous faut prêter attention à la date de conclusion du contrat qui vous est soumis. Il faut distinguer 3 périodes : 1° Tous les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 restent soumis à la loi ancienne en application de l’article 2 du Code civil et de l’article 9 de l’ordonnance du 10 février 2016. Ils sont néanmoins aussi soumis aux articles 1123, 1158 et 1183 du Code civil qui sont d’application immédiate (art. 9 de l’ordonnance). 2° Les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018 sont soumis aux dispositions de l’ordonnance, sauf pour les articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 dont la version applicable est celle adoptée par le Parlement qui les a dotés d’une valeur interprétative. Il faut donc aussi tenir compte des dispositions interprétatives de la loi de ratification du 20 avril 2018. 3° Les contrats conclus à compter du 1er octobre 2018 sont soumis au droit positif, c’est-à-dire au droit issu de la loi de ratification de 2018 qui comprend : les dispositions de l’ordonnance de 2016 ratifiées sans modification + les nouvelles dispositions de la loi de 2018. Objectif Barreau – Droit des obligations 5 Voici un tableau récapitulatif : Date de conclusion du contrat Contrat conclu avant le 1er octobre 2016 Contrat conclu entre le 1re octobre 2016 et le 30 septembre 2018 Contrat conclu à compter du 1re octobre 2018 Droit issu de l’ordonnance du 10 février 2016 + articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304Articles 1123, 1158 et 4, 1305-5, 1327-1, 13281183 du Code civil tel 1, 1347-6 et 1352-4 du qu’issus de l’ordonnance Code civil tels que du 10 février 2016 modifiés par la loi de ratification du 20 avril 2018 (modifications à caractère interprétatif). Articles de l’ordonnance du 10 février 2016 tels que modifiés par la loi de ratification du 20 avril 2018. Dispositions du Code civil Droit antérieur à l’ordonnance du 10 applicable au contrat février 2016 + Objectif Barreau – Droit des obligations 6 THÈME I – LE DROIT DES CONTRATS ET LES QUASICONTRATS P ARTI E I – P ARTIE PR ÉLI MINAI RE : CLASSIFICATI ONS DES CONTRATS NOTION ET On envisagera dans un titre I la notion de contrat avant d’envisager dans un titre II la classification des contrats. TITRE I : NOTION DE CONTRAT Art. 1101 Code civil : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». Plan. Trois éléments ressortent de cette définition. D’abord, l’origine du contrat qui est à trouver dans l’accord des volontés de deux ou plusieurs sujets qui s’y soumettent (Chapitre I). Ensuite, la disposition nouvelle présente le contrat d’après ses effets qui seraient de « créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations » (Chapitre II). Cette définition du contrat constitue un renouvellement par rapport à celle de 1804 dans la mesure où l’article 1101 ancien le définissait comme « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». CHAPITRE I : LE CONTRAT EN TANT QU’ACCORD DE VOLONTÉS ENTRE DEUX OU PLUSIEURS PERSONNES - LA DISTINCTION ENTRE LE CONTRAT ET LES ACTES JURIDIQUES UNILATÉRAUX Art. 1100-1 Code civil : « Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux. Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats. » Le contrat est un acte juridique, mais plus précisément un acte juridique multilatéral puisqu’il est conclu entre deux ou plusieurs personnes. Ce point est central puisque le caractère multilatéral du contrat permet de le distinguer des actes juridiques unilatéraux. Il convient donc de définir d’abord l’acte juridique unilatéral (section I) puis le contrat, en tant qu’acte juridique multilatéral (section II). Objectif Barreau – Droit des obligations 7 SECTION I : L’ACTE JURIDIQUE UNILATÉRAL Notion d’acte juridique unilatéral. L’acte juridique unilatéral procède de la manifestation de volonté d’une seule personne, ce qui ne l’empêche pas d’être à l’origine de la production d’effets de droit. → Exemple : Le testament est un acte juridique unilatéral. Par cet acte, une personne dispose de ses biens pour le temps où elle ne sera plus. → Autre exemple : la reconnaissance d’un enfant. C’est une manifestation de volonté dont le but est d’établir un lien de filiation, ce qui est bien évidemment un effet de droit. SECTION II : LE CONTRAT On commencera par définir le contrat (I) avant de le distinguer d’autres notions (II). I. Définition du contrat Le contrat se distingue très nettement de l’acte juridique unilatéral en ce qu’il est l’acte juridique multilatéral par excellence. En effet, il faut nécessairement deux manifestations de volonté (au moins) pour qu’il y ait un contrat, donc de deux sujets différents. Le contrat produit donc une ou des obligations par l’effet de la rencontre des volontés. Engagement unilatéral de volonté. Pour autant, le contrat est-il le seul à pouvoir générer des obligations ? En d’autres termes, la manifestation de volonté d’un seul peut-elle créer un lien d’obligation ? Le problème soulevé par l’engagement unilatéral de volonté ne se pose pas du côté du créancier, mais du débiteur. La question qui doit être soulevée est celle de savoir si l’on peut se rendre débiteur par sa seule volonté, sans avoir rencontré la volonté d’une autre personne. En dehors du débat théorique qui divise la doctrine, la jurisprudence a pu retenir des solutions qui, si elles ne consacrent pas formellement l’engagement unilatéral de volonté, y ressemblent. Ainsi, avant l’ordonnance, l’offre faite à personne déterminée avec délai ne pouvait être librement rétractée sans que l’offrant engage sa responsabilité extracontractuelle justement parce qu’on considérait que par son engagement unilatéral de volonté l’offrant s’était obligé. On pourrait aussi citer désormais, selon une partie de la doctrine, la promesse d’exécuter une obligation naturelle comme la promesse volontaire d’accomplir un devoir moral qui n’était pas juridiquement obligatoire, ce qui est aujourd’hui consacré à l’article 1100 alinéa 2 2. 1F Le contrat implique donc au moins deux parties puisqu’il est un échange de volontés. II. Distinction avec d’autres notions L’ancienne distinction entre convention et contrat. L’ancien article 1101 du Code civil définissait le contrat comme étant une convention, ce qui impliquait que le contrat en était une sous-catégorie. Les contrats étaient des conventions mais toutes les conventions n’étaient pas des contrats. La convention, elle, se définissait comme un accord de volontés créateur d’effets de droit alors que le contrat était, plus précisément, créateur d’obligation. La distinction est apparue comme n’ayant pas véritablement de conséquences pratiques. De ce fait, la distinction a disparu et l’article 1101 définit désormais le contrat comme l’accord de volontés destiné à modifier, transmettre ou éteindre des obligations. 2 Les exemples sont nombreux : la constitution d’une société unipersonnelle (Art. L.223-1 C. Com), l’offre de reprise d’une entreprise en redressement judiciaire (Art. L.642-2 C. com), etc. Objectif Barreau – Droit des obligations 8 Distinction entre les contrats et les accords non juridiques. L’acte de courtoisie se distingue du contrat en ce que les parties n’ont aucune intention d’être liées 3 ou d’entrer dans une quelconque relation juridique. Ainsi en est-il d’une invitation à dîner dont on ne saurait dire qu’elle constitue un engagement obligatoire. 2F L’acte de complaisance est plus difficile à distinguer du contrat, l’exemple classique est celui de l’auto-stoppeur. L’automobiliste qui se propose de le transporter ne prend envers lui aucun engagement, mais tout est une affaire d’intention, ici très difficile à cerner : l’intention d’être lié juridiquement. Le problème est le même pour les « engagements d’honneur » ou les accords de principe. La difficulté centrale réside dans le fait que les contrats se formant par leur seul échange des consentements, des comportements spontanés sont extrêmement difficiles à cerner. Ainsi, tout est affaire d’interprétation de la situation qui peut faire basculer un engagement non obligatoire dans la catégorie des contrats. Précisions sur la convention d’assistance bénévole. Il existe des situations dans lesquelles on peut être amené à aider une autre personne gratuitement, à agir envers elle de façon altruiste. Par exemple, on peut aider un ami à déménager. Or, lorsque l’aidant / assistant subit un dommage pendant l’assistance qu’il porte à l’aidé / assisté surgit alors la question de la qualification juridique de leur rapport. Faut-il laisser l’assistant sans recours et supporter seul son dommage, notamment corporel ? En soi, aucune intention d’être contractuellement liés n’existait entre l’assistant et l’assisté. Et pourtant, après avoir hésité avec d’autres fondements, la Cour de cassation qualifie dans ce cas l’existence d’une « convention bénévole d’assistance » afin de permettre à l’assistant victime d’un dommage de poursuivre l’assisté en responsabilité contractuelle. → Exemple : Civ. 1re, 10 octobre 1995, n°93-19142 : « M. X... rendait bénévolement des services au comité organisateur à l'occasion de cette fête, a pu estimer que n'était pas sérieusement contestable l'existence d'une convention tacite d'assistance liant le comité à la victime et emportant pour l'assisté l'obligation de réparer les dommages subis par la personne dont il avait accepté les services » L’assisté, étant débiteur d’une obligation de résultat, doit alors réparer les dommages corporels subis par l’assistant. De son côté, l’assistant qui aurait commis une faute, même d’imprudence, pourrait voir son droit à réparation diminué (Civ. 1re, 5 mai 2021, n°19-20579). Il en va pareillement lorsqu’il a lui-même causé un dommage à l’assisté pendant son aide. Dans ce cas, la Cour de cassation considère qu’il devra répondre de sa faute. Civ. 1re, 5 janvier 2022, n°20-20331 : « En présence d'une convention d'assistance bénévole, toute faute de l'assistant, fût-elle d'imprudence, ayant causé un dommage à l'assisté est susceptible d'engager la responsabilité de l'assistant. » 3 On y assimile les actes de tolérances dans lesquels, par exemple, le propriétaire d’un fonds autorise une personne à y faire un acte, sans qu’aucun lien obligatoire ne naisse, la permission du propriétaire étant évidemment toujours révocable. Objectif Barreau – Droit des obligations 9 CHAPITRE II : LE CONTRAT DESTINÉ À CRÉER, MODIFIER, TRANSMETTRE OU ÉTEINDRE DES OBLIGATIONS SECTION I : LE CONTRAT COMME SOURCE DE L ’OBLIGATION Contrat et obligations. Aux termes de l’article 1101, le contrat est destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. Cette formulation doit être nuancée dans la mesure où les effets de droit produits par la norme contractuelle ne se limitent pas à l’effet obligationnel. De fait, toutes les stipulations d’un contrat ne se limitent pas à la création d’un lien de droit patrimonial entre les parties et au titre duquel le débiteur doit une prestation au créancier. → Exemple : la clause par laquelle les parties définissent comment ils entendront la force majeure donne-t-elle un droit à un créancier qui peut en obtenir l’exécution par son débiteur ? La réponse est négative, car une partie ne saurait demander l’exécution forcée d’une telle clause, justement parce qu’elle ne constitue pas une obligation. Aucune clause de définition de la force majeure ne pénètre le patrimoine du créancier, ou ne constitue une dette pour le débiteur. Cette clause a certes un effet normatif, mais pas obligationnel. Obligation de donner, faire ou ne pas faire. Sous l’empire du droit ancien, l’ancien article 1101 disposait que « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose »4. Cette trilogie classique n’est désormais pas reprise mais il semble qu’elle ne disparaisse pas pour autant, car elle ne perd pas de son intérêt pratique. SECTION II : LES PRINCIPES FIGURANT DANS LES DISPOSITIONS LIMINAIRES L’absence de principes fondamentaux du droit des contrats. À l’occasion des différents projets doctrinaux de réforme, la question s’était posée de savoir s’il fallait envisager l’adoption de « principes directeurs du droit des contrats » au rang desquels auraient figuré la bonne foi, la force obligatoire du contrat et la liberté contractuelle. Le propre des principes directeurs est qu’ils constituent des règles de niveau supérieur qui, par leur importance, doivent permettre de relire l’ensemble des règles du droit positif. Cédant face à la crainte d’une partie de la doctrine que les juges ne se saisissent de ces principes directeurs pour faire échec à certaines règles prévues et jugent en opportunité, la Chancellerie décida de ne pas utiliser cette technique. Le législateur a préféré ouvrir le Sous-titre I du Code civil sur le contrat par des « dispositions liminaires » contenant ces principes qu’il convient d’analyser. On envisagera d’abord la liberté contractuelle (I), puis la force obligatoire du contrat (II) et enfin la bonne foi (III). I. La liberté contractuelle Le Conseil constitutionnel avait déjà élevé la liberté contractuelle au rang des principes à valeur constitutionnelle avant la réforme de 2016, et avait dernièrement retenu : « il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objet poursuivi (Cons. const. 13 juin 2013, n°2013-672 DC, Loi sur la sécurisation de l’emploi.) 4 Pour rappel, l’obligation de donner est celle qui consiste à transférer la propriété. Objectif Barreau – Droit des obligations 10 L’article 1102 du Code civil inscrit désormais la liberté contractuelle dans le Code civil. Il précise ses contours qui sont : ▪ La liberté de contracter ▪ Ou de ne pas contracter, ▪ Ou choisir son cocontractant ▪ Ou de choisir le contenu du contrat. Néanmoins, l’affirmation de cette liberté contractuelle est enfermée dans des limites strictes : celles fixées par la loi et, plus généralement, par l’ordre public. II. La force obligatoire du contrat Le contrat est la loi des parties. Les prévisions contractuelles ne doivent pas être déjouées. Qui plus est, le respect des contrats est l’une des règles les plus fondamentales de nos sociétés contemporaines. Ainsi l’article 1103 affirme que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent donc être exécutés, et ce parce qu’ils ont été voulus. Une partie de la doctrine explique cette force obligatoire du contrat en vertu de la théorie de l’autonomie de la volonté. Selon cette conception, la volonté aurait le pouvoir de créer ses propres règles de manière autonome, c’est-à-dire sans l’appui du droit objectif. Cette théorie a pu être remise en cause, puisqu’il apparait que de donner plein effet aux volontés individuelles ne conduit pas nécessairement à des situations justes, notamment par la doctrine du solidarisme contractuel, laquelle prône en tant que principes les notions de loyauté et de bonne foi. Limites de la force obligatoire. La force obligatoire du contrat est enfermée dans d’importantes limites : celles fixées par la loi. De fait, seuls les contrats « légalement formés » tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les atténuations à ce principe rigide qu’est la force obligatoire sont donc légion, dès lors que la loi ou le juge retouchent le contenu des volontés individuelles. La suppression des clauses induisant un déséquilibre significatif et l’accord par le juge de délais de grâce n’en sont que des exemples que nous verrons plus tard dans nos développements. Nous reverrons ce concept lorsque l’on s’attardera sur les effets du contrat. III. La bonne foi contractuelle Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. L’article 1104 codifie ainsi la bonne foi contractuelle qui avait déjà été étendue à toutes les phases contractuelles par la jurisprudence avant la réforme de 2016. Il convient d’observer dès à présent que la mention de la bonne foi contractuelle au sein des dispositions liminaires montre son importance, mais ne change pas fondamentalement les solutions du droit positif. On observe également que de nombreuses solutions qui prenaient appui sur la bonne foi sont depuis la réforme de 2016 codifiées et bénéficient ainsi d’un régime propre et clarifié. Définition. La bonne foi consiste principalement à ne pas trahir la confiance qu’un cocontractant a pu placer dans l’autre partie et exprime ainsi un devoir général de loyauté. On traitera de la bonne foi au stade de la négociation (A) puis de la bonne foi au stade de l’exécution du contrat (B) et enfin on verra que, plus globalement, la bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle (C). Objectif Barreau – Droit des obligations 11 A. La bonne foi au stade de la négociation Les contrats doivent être négociés et formés de bonne foi. Les parties, bien qu’exerçant leur liberté contractuelle, doivent se comporter de bonne foi. Elles doivent notamment : ▪ Se garder de tout comportement trompeur à l’égard de l’autre, ▪ Ne pas faire traîner en longueur des négociations dont elles savent qu’elles n’aboutiront à rien, ▪ Livrer les informations pertinentes que l’autre ignore légitimement. Les sanctions du manquement à la bonne foi. Au stade des négociations, seule la responsabilité extracontractuelle peut être engagée et, quant à la formation du contrat en lui-même, la nullité du contrat peut être envisagée si le manquement à la bonne foi induit un vice du consentement (cf infra). B. La bonne foi au stade de l’exécution Les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Le but premier de l’affirmation de la force obligatoire réside dans l’exécution du contrat voulu par les parties. Finalement, sans la bonne foi contractuelle, les contractants pourraient adopter un comportement qui aboutirait à une inexécution de ce contrat. En ce sens donc, la bonne foi n’est pas un tempérament à la force obligatoire, mais bien son prolongement. Dans l’exécution du contrat, la bonne foi n’implique pas qu’un contractant doive renoncer à son droit ou nier son intérêt. Parfois, la bonne foi pourra aller jusqu’au devoir de coopération entre les parties pour que le contrat soit correctement exécuté. Cependant, la jurisprudence est fluctuante sur cette interprétation de la bonne foi dans l’exécution du contrat. Il faudra alors privilégier une appréciation au cas par cas des manquements à la bonne foi contractuelle. → Exemple : Com. 13 sept. 2016, n°14-26.713 : Dans cette affaire, une fuite avait considérablement augmenté la consommation d’eau d’un complexe immobilier sur plusieurs années. La Cour d’appel avait mis à la charge du fournisseur d’eau une partie du montant de la facture, car ce dernier aurait manqué à la bonne foi en n’avertissant pas son cocontractant de cette augmentation. L ’arrêt est censuré : « aucune disposition légale ni stipulation contractuelle n’imposait au fournisseur d’eau d’informer son abonné de l’existence d’une consommation anormale ». Le fait que l’arrêt soit rendu sous l’empire du droit ancien ne changeant rien à la solution. Les sanctions de l’absence de bonne foi au stade de l’exécution du contrat. Là encore, la sanction du manquement à la bonne foi dans l’exécution du contrat dépend des circonstances. Une responsabilité contractuelle peut être engagée, mais les sanctions sont diverses en fonction de ce à quoi s’applique la mauvaise foi. Par exemple, lorsque c’est la faculté de rompre le contrat qui fait l’objet d’un manquement, la mauvaise foi peut conduire le juge à décider du maintien forcé du contrat. C. L’usage des prérogatives contractuelles de bonne foi Le contrat peut accorder certaines prérogatives aux parties, c’est-à-dire un pouvoir que le contrat accorde à l’une des parties (faculté de rompre, de déterminer unilatéralement le prix). Or, les parties au contrat doivent faire usage de ces prérogatives en étant de bonne foi. À défaut, le juge pourra sanctionner cet usage déloyal. Pour autant, par un arrêt essentiel, la Cour de cassation avait retenu que « si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations Objectif Barreau – Droit des obligations 12 légalement convenus entre les parties » (Com. 10 juill. 2007, Sté Les Maréchaux, n°06-14.768, Bull. civ. IV, n°188). Ainsi, le contrôle du comportement du contractant par la bonne foi trouve une limite dans la substance des droits et obligations des parties, le juge ne pouvant pas modifier la substance du contrat. Point consultation : Imaginons une partie au contrat qui aurait une faculté de résiliation et qui la mettrait en œuvre de mauvaise foi. Le juge peut alors sanctionner cette mauvaise foi. En revanche, peut-il priver d’effet la résiliation ? La solution est incertaine et l’ordonnance n’y apporte aucune réponse. Les dispositions liminaires analysées, il faut envisager les différentes classifications des contrats. TITRE II : CLASSIFICATIONS DES CONTRATS Importance de la classification des contrats. Aux classifications déjà prévues par le Code civil de 1804, l’ordonnance du 10 février 2016 en a ajouté de nouvelles. Néanmoins, toutes les classifications présentées par la doctrine n’ont pas été codifiées. Contrats nommés et innomés. Avant toute chose, la loi distingue les contrats nommés de ceux innommés. L’article 1105 du Code civil dispose en effet que « Les contrats, qu'ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l'objet du présent sous-titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d'eux. Les règles générales s'appliquent sous réserve de ces règles particulières. » Les contrats nommés ont ainsi un régime déterminé avec un corps de règles propres qui s’applique à eux. Certaines de ces règles peuvent être supplétives de volonté et d’autres, au contraire, impératives. → Exemple : le contrat de vente, le contrat de bail ou encore le contrat d’entreprise sont des contrats nommés. Les contrats innommés sont à l’inverse ceux qui ne sont régis par les règles de droit commun et par les stipulations contractuelles. Il s’agira ainsi d’envisager successivement les classifications des contrats, certaines ayant une portée pratique plus importante que d’autres. Objectif Barreau – Droit des obligations 13 CHAPITRE I : CONTRAT SYNALLAGMATIQUE ET CONTRAT UNILATÉRAL Art. 1106 Code civil : « Le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres. Il est unilatéral lorsqu'une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres sans qu'il y ait d'engagement réciproque de celles-ci. » Principe de la distinction. Le contrat est synallagmatique si les parties s’obligent réciproquement. Cela signifie que chacun des cocontractants a une obligation à sa charge. Chacun est à la fois créancier et débiteur de l’autre. → Exemple : la vente est un contrat synallagmatique. Le vendeur doit transférer la propriété et délivrer la chose alors que l’acheteur doit payer le prix. À l’inverse, le contrat unilatéral ne crée d’obligation qu’à la charge d’une partie, ce qui n’atteint pas sa nature contractuelle puisqu’il existe bien deux volontés qui se sont exprimées mais une seule partie est ici obligée. → Exemple : la donation est un contrat unilatéral et, si un seul contractant est obligé, il ne peut y avoir donation si le donataire ne l’accepte pas. C’est d’ailleurs la différence avec le testament qui est un acte juridique unilatéral (il n’y a pas deux volontés qui se sont exprimées mais une seule). Intérêt de la distinction. La distinction entre contrat unilatéral et synallagmatique porte deux principaux intérêts. En matière de preuve d’une part, le contrat synallagmatique doit être établi en autant d’exemplaires qu’il y a de parties (art. 1375 Code civil). Le contrat unilatéral n’est pas soumis à cette exigence et sa preuve peut ainsi n’être établie qu’en un exemplaire. D’autre part, en cas d’inexécution d’un contrat synallagmatique, le créancier peut lui-même soulever une exception d’inexécution pour refuser de s’exécuter, ce qui n’est pas le cas du contrat unilatéral. CHAPITRE II : CONTRAT À TITRE GRATUIT ET CONTRAT À TITRE ONÉREUX Art. 1107 Code civil : « Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l'autre un avantage en contrepartie de celui qu'elle procure. Il est à titre gratuit lorsque l'une des parties procure à l'autre un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie. » Principe de la distinction. Le contrat à titre gratuit est celui dans lequel l’une des parties ne retire aucun avantage en contrepartie de la prestation qu’elle fournit. → Exemple : dans la donation, le donateur ne reçoit pas de contrepartie, il est animé d’une intention libérale. Les « services d’amis » sont également des contrats à titre gratuit, comme le prêt à usage ou encore le mandat gratuit. On l’oppose au contrat à titre onéreux où chaque contractant reçoit un avantage en contrepartie de celui qu’il procure. Objectif Barreau – Droit des obligations 14 → Exemple : dans le contrat de bail le locataire paye un loyer en contrepartie de la jouissance du bien. C’est en analysant l’économie générale de l’opération que la distinction entre contrat à titre gratuit ou à titre onéreux peut être faite. Intérêt de la distinction. Parmi les conséquences de la distinction, on peut notamment citer l’article 1169 qui dispose que le « contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire ». CHAPITRE III : CONTRAT COMMUTATIF ET CONTRAT ALÉATOIRE Art. 1108 Code civil : « Le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à procurer à l'autre un avantage qui est regardé comme l'équivalent de celui qu'elle reçoit. Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un événement incertain. Il est à titre gratuit lorsque l'une des parties procure à l'autre un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie. » Principe de la distinction. Le contrat commutatif est celui où les parties considèrent que les avantages qu’ils se procurent sont équivalents (ce qui ne signifie pas qu’ils sont objectivement équivalents). Le contrat est en revanche aléatoire quand un événement incertain, ou un aléa, affecte la valeur d’un avantage que le contrat confère. En réalité, il faut comprendre de la distinction portée par l’article 1108 que le contrat commutatif est celui où l’on connaît déjà la valeur des prestations. → Exemple : dans le contrat de vente le vendeur reçoit une somme qui est déterminée ou déterminable à la conclusion du contrat (ce qui, en passant, ne signifie pas que cette somme équivaut à la valeur réelle du bien). À l’inverse, l’aléa présent dans le contrat aléatoire rend impossible ce calcul. → Exemple : l’assureur ne sait pas s’il devra verser une indemnité. En cela, l’avantage reçu par l’assuré n’est pas certain alors même que ce dernier verse tous les mois les primes à son cocontractant. Intérêt de la distinction. Puisque le contrat aléatoire est marqué par l’incertitude quant à la valeur de l’avantage que le contrat confère, il est impossible de mesurer l’équilibre financier du contrat. C’est ce qui explique la règle classique selon laquelle l’aléa chasse la lésion et l’erreur. Objectif Barreau – Droit des obligations 15 CHAPITRE IV : CONTRAT CONSENSUEL, CONTRAT SOLENNEL ET CONTRAT RÉEL Art. 1109 Code civil : « Le contrat est consensuel lorsqu'il se forme par le seul échange des consentements, quel qu'en soit le mode d'expression. Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi. Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d'une chose. » Distinction selon le mode de conclusion : Le contrat consensuel est celui qui se forme par le seul échange des consentements. Le contrat est valable en dépit de tout écrit. Ce consensualisme est le principe en droit français des contrats. L’accord des volontés suffit à créer le contrat. → Exemple : la vente d’un meuble, en droit commun de la vente. Par exception, la loi peut au contraire imposer certaines formalités pour que le contrat soit valablement formé. Ainsi, le contrat solennel est celui qui impose le respect d’un certain formalisme à titre de validité. → Exemple : la donation nécessite, pour sa validité, qu’elle soit constatée par un acte notarié. Enfin, le contrat réel (en latin res signifie la chose) est celui qui ne se forme que par la remise de la chose objet du contrat. Cette catégorie de contrat est en grand déclin. Il ne reste que très peu de contrats réels en droit français. On peut citer le contrat de dépôt (art. 1919 du Code civil) ou le contrat de prêt, lorsque ce le prêteur n’est pas un professionnel du crédit (Civ., 1re, 7 mars 2006, n°02-20.374). Intérêt de la distinction. Bien évidemment, la distinction produit des conséquences en matière de validité du contrat. Cela permet également de faire la distinction entre un problème d’inexécution du contrat (absence de délivrance de la chose en matière de vente par exemple) ou de validité du contrat (absence de remise de la chose en matière de prêt conclu entre particuliers entachant la validité du contrat). Objectif Barreau – Droit des obligations 16 CHAPITRE V : CONTRAT DE GRÉ À GRÉ ET CONTRAT D ’ADHÉSION Art. 1110 Code civil : « Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties. Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. » Art. 1110 Code civil issu de la loi de ratification du 20 avril 2018 et applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2018 : « Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Principe de la distinction. Cette distinction figure désormais à l’article 1110 du Code civil. Cet article a été modifié par la loi de ratification du 20 avril 2018. Rédaction de l’article 1110 par la loi de ratification. Selon l’article 1110, le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociables par les parties. La définition adoptée en 2018 diffère de celle issue de l’ordonnance qui visait des stipulations librement « négociées ». Désormais, il importe peu qu’elles n’aient pas été effectivement négociées tant que les parties avaient la liberté de le faire. S’agissant du contrat d’adhésion, il est qualifié lorsqu’un ensemble de clauses ne sont pas négociables et sont déterminées à l’avance par l’une des parties. Cette définition est plus claire que celle de l’ordonnance de 2016 qui visait la notion « de conditions générales » qui devaient être soustraites à la négociation. Le contrat d’adhésion est souvent marqué par la différence de puissance économique qui permet à une partie d’imposer le contenu du contrat à l’autre, laquelle ne peut que consentir ou renoncer. En pratique. Certaines interrogations demeurent malgré les modifications apportées par la loi de ratification. En effet, on peut s’interroger sur la notion d’« ensemble de clauses non négociables ». Ce qui est certain, c’est que le terme « ensemble » renvoie, au minimum, à deux clauses. Ainsi le contrat qui comporterait une seule clause non-négociable ne serait pas qualifié de contrat d’adhésion. Intérêt de la distinction. D’une part, aux termes de l’article 1171 du Code civil (modifié par la loi de ratification du 20 avril 2018), « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». Cet article fera l’objet de développements ultérieurs. De même, l’interprétation des contrats de gré à gré et d’adhésion ne se fait pas de la même manière. L’article 1190 dispose en effet que dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, là où le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé et donc, contre celui qui a rédigé les conditions générales. Objectif Barreau – Droit des obligations 17 Point consultation : Des clauses peuvent avoir été négociables, mais ne pas avoir été négociées. Il vous faudra donc vous appuyer sur des éléments factuels du cas pratique pour montrer que concrètement, dans les faits d’espèce, l’un des contractants ne pouvait tout simplement pas négocier. Un exemple d’éléments permettant de conclure à la non-négociabilité : « Michelle et Lucien ont bien des points à éclaircir avant de se mettre d’accord. Lucien, fidèle à lui-même, expose clairement qu’il ne bougera pas d’un iota sur les modalités proposées concernant la livraison ». Ce qui compte ici, c’est l’expression « qu’il ne bougera pas d’un iota », car elle montre que les modalités de livraison ne pourront pas être négociées. En revanche, si le cas précise « Michelle propose de modifier certaines modalités, mais elles sont toutes refusées par Lucien », alors la non-négociabilité n’est pas démontrée avec certitude. Vous pourrez dans ce cas vous reporter aux autres critères pour exclure la qualification de contrat d’adhésion : si les clauses n’ont pas été déterminées à l’avance, par exemple. Si après l’entame des négociations et plusieurs modifications, Lucien propose certaines modalités et les annonce en même temps comme étant non négociables, alors la détermination à l’avance ferait défaut et le contrat serait donc de gré à gré. Attention cependant à bien relever l’incertitude sur l’autonomie de la condition de la détermination à l’avance par l’une des parties. CHAPITRE VI : CONTRAT-CADRE ET CONTRAT D ’APPLICATION Art. 1111 Code civil : « Le contrat-cadre est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d'application en précisent les modalités d'exécution ». Principe de la distinction. Le contrat-cadre est certes un contrat, mais qui ne fixe que les caractéristiques générales d’une relation contractuelle qui a vocation à s’étendre dans le futur. Or, cette relation suppose la conclusion de contrats d’applications, ce qui nécessite un nouvel accord de volonté à chaque fois. Intérêt de la distinction-Détermination unilatérale du prix. Dans les relations d’affaires, il est courant que les parties décident de conclure un premier contrat qui comprend les modalités de leurs relations futures et qui sera suivi de contrats d’application, réalisant véritablement les opérations visées. L’intérêt de la distinction n’est pas contestable dans la mesure où l’article 1164 cantonne la possibilité qu’une partie détermine unilatéralement le prix aux contrats-cadres. Point consultation : Si la définition du contrat-cadre n’appelle pas de précisions particulières du fait de sa simplicité, elle est néanmoins fondamentale et n’est pas si aisée à déceler en cas pratique. Pour caractériser les contrats d’application, il vous faudra identifier un nouvel accord de volontés. Ce point est fondamental pour l’application de l’exception prévue à l’article 1164 du Code civil et nous y reviendrons. Retenez d’ores et déjà que si le contrat que vous croyez être un contrat-cadre n’a nul besoin de contrats d’application pour que l’opération qu’il porte soit réalisée, c’est que ce n’en est pas un. Objectif Barreau – Droit des obligations 18 CHAPITRE VII : CONTRAT À EXÉCUTION INSTANTANÉE ET À EXÉCUTION SUCCESSIVE Art. 1111-1 Code civil : « Le contrat à exécution instantanée est celui dont les obligations peuvent s'exécuter en une prestation unique. Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d'au moins une partie s'exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps ». Prestations échelonnées ou uniques. Le critère de la distinction entre contrat à exécution instantanée et à exécution successive réside dans les modalités d’exécution des prestations. Lorsqu’elles s’exercent en une fois, le contrat est à exécution instantanée. → Exemple : la vente est un contrat à exécution instantanée puisque la délivrance du bien objet de la vente s’exerce en une fois. Lorsque les obligations d’au moins une partie s’exercent en plusieurs prestations, par définition échelonnées dans le temps, le contrat est à exécution successive. → Exemple : le bail est un contrat à exécution successive. Intérêt de la distinction. Lorsque le contrat est à exécution successive, l’écoulement du temps a nécessairement un impact sur les relations des parties. Ainsi, la révision du contrat pour imprévision n’a, en principe, que peu de sens dans un contrat à exécution instantanée alors qu’elle est une question essentielle du contrat à exécution successive. De même, le Code civil prévoit des règles quant à la résiliation d’un tel contrat ou ses modalités de renouvellement. Objectif Barreau – Droit des obligations 19 P ARTI E II : L’ ÉLABORATI ON DU CONTRAT Plan. Une fois la notion de contrat abordée, il s’agit d’envisager le processus de formation de cet acte juridique multilatéral. L’emploi du terme « processus » renvoie au fait que si le contrat est bien un accord de volontés, il reste à voir comment ces volontés sont exprimées et comment elle « se rencontrent »5. D’abord, on observera que cette rencontre des volontés, peut (et non pas doit) être précédée par une discussion des futurs cocontractants sur les termes de la relation contractuelle future, c’est la négociation du contrat (Titre I). Une fois les éléments essentiels définis, vient alors la phase de conclusion du contrat. C’est à ce moment précis que l’offre de contracter rencontre l’acceptation. Or, pour la formation du contrat, il faut et il suffit qu’une offre de contracter rencontre l’acceptation de celle-ci (Titre II). Enfin, la question de la validité du contrat sera abordée (Titre III)6 ainsi que celle de la nullité comme sanction de l’absence de validité du contrat (Titre IV). TITRE I : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE : LA NÉGOCIATION DU CONTRAT Plan. Les juristes n’ont pas attendu la réforme portée par l’ordonnance du 10 février 2016 pour connaître des difficultés que pouvait soulever la période précontractuelle. Jusqu’à l’ordonnance de réforme, les règles qui la régissaient étaient cependant d’origine jurisprudentielle étant donné que cette période précontractuelle était absente du Code de 1804. Cette phase de négociation préalable à l’émission d’une offre et d’une acceptation peut être informelle, c’est-à-dire soumise à aucun autre cadre particulier autre que celui prévu par la loi (Chapitre I). Cette négociation n’est pour autant pas une condition imposée pour que le contrat soit formé et il peut ainsi y avoir de contrat sans négociation. Toutefois, il arrive que les protagonistes à la négociation d’un contrat décident d’en conclure un premier, appelé « avant-contrat », dans le but de sécuriser le processus de formation du contrat (Chapitre II). Enfin, la période contractuelle met à la charge des parties un devoir d’information voire des obligations d’informations (Chapitre III). 5 Sur la distinction entre volonté et consentement : si la volonté peut toujours évoluer, le consentement consiste en une volonté que le contrat vient figer pour l’avenir, privant d’effet toute modification ultérieure de ce que les contractants « veulent » par la suite. Le consentement est finalement l’appréhension juridique d’une volonté à un instant déterminé. 6 Sauf l’exception du devoir précontractuel d’information, qui peut engendrer l’annulation du contrat, cette question concerne en r?