Traitement Thermique de la Biomasse - Revue Bibliographique PDF

Summary

This document is a literature review on the thermal treatment of biomass. It covers topics such as lignocellulosic biomass, syngas production, and biomass pyrolysis. The review discusses the availability, composition, and valorization of various types of biomass, particularly focusing on lignocellulosic materials. It also examines the different thermochemical processes used for energy valorization.

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Revue bibliographique 1.1 Biomasse lignocellulosique......................................................................................... 8 1.1.1 Disponibilité de la ressource................................................................................ 8 1.1.2 Compos...

Revue bibliographique 1.1 Biomasse lignocellulosique......................................................................................... 8 1.1.1 Disponibilité de la ressource................................................................................ 8 1.1.2 Composition de la biomasse lignocellulosique.................................................... 8 1.1.3 Déchets verts...................................................................................................... 11 1.1.4 Caractérisation de la biomasse lignocellulosique............................................... 11 1.1.5 Valorisation de la biomasse lignocellulosique................................................... 12 1.2 Production et applications du syngaz........................................................................ 13 1.2.1 Méthanation catalytique..................................................................................... 14 1.2.2 Méthanation biologique...................................................................................... 15 1.3 État de l’art de la pyrogazéification de la biomasse.................................................. 20 1.3.1 Phénomènes physiques et chimiques de la pyrogazéification............................ 20 1.3.2 Procédés de pyrogazéification............................................................................ 36 Bibliographie........................................................................................................................ 49 Chapitre 1 : Revue bibliographique Chapitre 1 : Revue bibliographique 1.1 Biomasse lignocellulosique 1.1.1 Disponibilité de la ressource La biomasse est l’ensemble des matières organiques d’origines végétales et animales. Elle est généralement considérée comme une source d’énergie durable et renouvelable car elle est constamment formée par les interactions de CO2, de l’air, de l’eau, du sol et le soleil avec les animaux et les plantes. Parmi les biomasses d’origine végétale, la biomasse lignocellulosique est la ressource la plus abondante. On distingue différentes sources de biomasses lignocellulosiques qui peuvent être classées en quatre catégories : (i) le bois (plaquettes forestières, granulés, sciures, copeaux…), (ii) les sous-produits agricoles (la paille de blé, la paille de colza, la paille de tournesol, la canne de maïs…), (iii) les déchets urbains (déchets verts), (iv) les cultures énergétiques (Peuplier, Miscanthus, Eucalyptus, Triticale, Saule…). Le rapport final de l’étude « Le biométhane de gazéification en France » a fait des projections sur la disponibilité de la ressource aux horizons 2020 et 2050. Il ressort que les résidus agricoles disponibles pour de nouveaux usages sont estimés à 36 TWh/an, soit 7,3 millions de tonnes sèches. La disponibilité en cultures énergétiques est estimée à 62 TWh/an. Selon les estimations de l’ADEME en 2020, 18 Mtep de biomasses lignocellulosiques pourraient être utilisées à des fins énergétiques. 1.1.2 Composition de la biomasse lignocellulosique Les principaux éléments chimiques de la biomasse lignocellulosique sont le carbone, l’hydrogène, l’oxygène et de petites quantités d’azote et de soufre. Cette composition élémentaire varie selon les essences. La référence est souvent le bois (50% massique de carbone, 6% d’hydrogène, 44% d’oxygène). Le carbone, l’hydrogène et l’oxygène se combinent pour former les composants macromoléculaires organiques de la biomasse que sont la cellulose, les hémicelluloses et la lignine (Figure 2). Une brève description de ces trois constituants est présentée ci-dessous : 8 Chapitre 1 : Revue bibliographique La cellulose La cellulose est le principal constituant structurel dans les parois cellulaires des plantes. Elle se trouve dans une structure fibreuse organisée. C’est un polymère linéaire de glucose (polysaccharide) de formule générale (C6H10O5)n constitué d’unités de cellobiose. Les feuillus (bois durs) contiennent une grande quantité de cellulose. La décomposition de la cellulose lors de la pyrolyse se produit entre 325 et 400°C. Les hémicelluloses Les hémicelluloses sont aussi des polysaccharides de structure plus complexe que la cellulose. Les polymères sont formés de différents types de monomère et leur composition est variable en fonction des espèces. Les sucres dominants dans les hémicelluloses sont le mannose dans les résineux et le xylose dans les feuillus et les résidus agricoles. Lors de la pyrolyse, les hémicelluloses représentées par le xylane se dégradent entre 250-350°C. Elles présentent une très forte instabilité thermique. La lignine La lignine est une grosse molécule très complexe, résultante de la polymérisation de trois alcools phénoliques (coumarylique, coniférylique et sinapylique). En général, les plantes herbacées ont les plus faibles teneurs en lignine, alors que les bois résineux ont la teneur la plus élevée. La lignine est le composé le plus stable thermiquement et se décompose entre 350- 900°C. Les constituants sont interconnectés par des liaisons covalentes et non covalentes donnant lieu à une structure très complexe. Les proportions de ces polymères varient d’une espèce de plante à une autre, basée sur le type et l’origine, comme on peut l’observer dans le Tableau 1. Les autres constituants présents, minoritaires, sont les extractibles (lipides, cires, résines, tanins) et les matières minérales. Ces dernières, aussi appelées cendres, font partie de la composition de la biomasse lignocellulosique, avec un pourcentage variant de moins de 1% dans le bois à plus de 15% dans certains résidus agricoles. Les cendres sont principalement composées de potassium, de calcium, de sodium, de silicium, de phosphore et de magnésium. On y trouve aussi du chlore. 9 Chapitre 1 : Revue bibliographique Figure 2 : Les composantes macromoléculaires de biomasse lignocellulosique Tableau 1 : Compositions macromoléculaire et élémentaire de biomasses [7,8] Bois de chêne Bois de hêtre Paille de blé Composition macromoléculaire (en % masse sur base sèche) Cellulose 43,2 42,6 32,6 Hémicellulose 21,9 25,7 22,6 Lignine 35,4 21,0 16,8 Composition élémentaire (en % masse) C 49,58 48,37 48,5 H 5,6 6,44 5,5 O 43,97 45,11 39,0 S 0,08 0 0,1 N 0,82 0,08 0,3 Dans ce travail, une attention particulière est accordée aux biomasses lignocellulosiques car elles ont un potentiel de valorisation intéressant dans les applications énergétiques ou pour la production de produits à haute valeur ajoutée. En particulier, les déchets verts sont disponibles et leur valorisation peut impliquer non seulement un gain économique mais aussi un bénéfice environnemental. 10 Chapitre 1 : Revue bibliographique 1.1.3 Déchets verts Les déchets verts font partie de la catégorie des déchets urbains. Ils proviennent des ménages (entretiens des jardins), des collectivités (entretiens des espaces verts ou parcs) et des entreprises (paysagistes). Ils sont constitués de feuilles, de branches et de tontes d’herbe ou de gazon. Selon Viretto et al , il y a aussi une fraction de matière minérale (sol et pierres) et des objets étrangers tels que les sacs plastiques, les verres ou les papiers. Nous ne considérons pas ces fractions de matière minérale ou objets plastiques comme déchets verts. La masse totale produite annuellement en France est estimée entre 60 et 65 millions de tonnes. La composition des déchets verts est variable et dépend de la fraction de feuilles, des branches, des tontes d’herbes ou gazon, du lieu et de la saison. Le Tableau 2 présente la composition de déchets verts échantillonnés dans trois déchetteries (01, 02 et 03) à Brisbane, en Australie, sur une période de trois semaines en février. Tableau 2 : composition des déchets verts échantillonnés sur trois semaines Analyses Paramètres DV-01 DV-02 DV-03 Immédiate Humidité (%bh) 28,7 35,5 46,0 Matières volatiles (%bs) 65,5 71,1 68,1 Carbone fixe (%bs) 20,3 21 20,4 Cendres (%bs) 14,2 7,9 11,5 Ultime C(%bs) 43,9 47,5 46 H(%bs) 5,4 5,2 5,4 O(%bs) 35,31 38,0 35,5 S(%bs) 0,12 0,14 0,14 N(%bs) 0,74 0,81 1,02 PCI PCIbs (MJ/kg) 17,2 18,4 17,7 DV : déchets verts, bh : base humide et bs : base sèche 1.1.4 Caractérisation de la biomasse lignocellulosique Les paramètres donnés dans les Tableau 1 et Tableau 2 sont déterminés suivant quatre analyses que sont : l’analyse macromoléculaire, l’analyse ultime, l’analyse immédiate et l’analyse du pouvoir calorifique inférieur (PCI). À celles-ci se rajoute aussi l’analyse de la composition élémentaire des cendres. Une description de ces analyses est donnée dans le chapitre matériels et méthodes. 11 Chapitre 1 : Revue bibliographique 1.1.5 Valorisation de la biomasse lignocellulosique 1.1.5.1 Les prétraitements La biomasse n’a pas toujours la forme ou les dimensions adaptées au procédé de valorisation envisagé. Pour un objectif spécifique, on peut être amené à modifier ses propriétés initiales pour améliorer les produits de sa valorisation. Ces actions sont bien connues sous l’appellation de prétraitements. Ils consistent en des processus qui modifient les propriétés de la biomasse. Ils sont de trois ordres : physique, chimique et biologique. Ils ne seront pas détaillés dans ce manuscrit. Les prétraitements les plus connus sont le séchage, le broyage, la densification, la torréfaction et l’insertion de précurseurs catalytiques. La dernière vise en général la conversion des goudrons en gaz ou la production de syngaz riche en H2 [14,15]. Les autres ont pour objet d’homogénéiser, de faciliter l’écoulement ou d’améliorer les propriétés physico-chimiques de la biomasse. 1.1.5.2 Les voies et les procédés de valorisation énergétique Il y a deux grandes voies de valorisation énergétique de la biomasse : la voie biochimique et la voie thermochimique. La biomasse lignocellulosique, à cause de la lignine, est plus appropriée à la voie thermochimique. Cette voie repose sur la conversion de la biomasse par l’effet de la chaleur et présente l’intérêt de pouvoir convertir l’intégralité de la matière organique de la ressource. Comme illustré sur la Figure 3, les principaux procédés de la voie thermochimique sont la combustion, la pyrolyse et la gazéification. Ces procédés sont généralement précédés par les étapes de mobilisation ou collecte, de transport et de prétraitement de la biomasse. Les travaux de cette thèse porteront sur la gazéification. Cependant, il est bien connu que ce procédé fait intervenir aussi la pyrolyse. Par conséquent, nous utiliserons le terme « pyrogazéification » dans ce manuscrit. Les détails de ce procédé sont donnés dans la suite. 12 Chapitre 1 : Revue bibliographique Figure 3 : Procédés de conversion thermochimiques de la biomasse 1.2 Production et applications du syngaz Le syngaz, ou gaz de synthèse, est un gaz combustible dont les principaux composants sont l’hydrogène (H2) et le monoxyde de carbone (CO). On y retrouve aussi très peu de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane (CH4). Les ressources fossiles (gaz naturel et charbon) et la biomasse peuvent être utilisées pour produire du syngaz. Cependant, la biomasse est une ressource intéressante du point de vue économique et environnemental pour la production de syngaz. En effet, elle est disponible en abondance dans le monde entier, son coût est relativement faible et elle est considérée comme ayant un bilan carbone neutre [16,17]. Nous nous focaliserons dans la suite sur la production de syngaz par pyrogazéification de la biomasse. Le syngaz peut être utilisé pour la production d’électricité via un moteur thermique. Les composants H2, CO et CO2 peuvent servir de substrat pour la synthèse des produits chimiques tels que l’hydrogène, l’ammoniaque, le méthanol, le diesel, le méthane, etc. comme illustré sur la Figure 4. La conversion de syngaz produit par pyrogazéification en méthane pour remplacer le gaz naturel fait l’objet d’une grande attention ces dernières années. Cette conversion se fait par un procédé de la méthanation catalytique ou biologique [18,19]. Dans ce travail de thèse, le syngaz produit par pyrogazéification de la biomasse est destiné à une application originale qui n’est étudiée que depuis quelques années : la méthanation biologique ou biométhanation. 13 Chapitre 1 : Revue bibliographique Figure 4 : Les applications chimiques du syngaz [20,21] 1.2.1 Méthanation catalytique La Description du procédé Le procédé de méthanation catalytique consiste à faire réagir l’hydrogène avec du monoxyde de carbone ou du dioxyde carbone pour former du méthane et de l’eau [18,22,23]. Celui-ci peut être décrit par les réactions 1.1 et 1.2. La méthanation catalytique s’opère dans les conditions de pressions et températures élevées. Les catalyseurs comme le Nickel, le Cobalt, le Ruthénium associés à des supports Al2O3, SiO2, TiO2 sont requis pour réduire l’énergie d’activation de ces réactions. 3H2 + CO ↔ CH4 + H2 O ∆r H = −206 kJ/mol 1.1 4H2 + CO2 ↔ CH4 + 2H2 O ∆r H = −165 kJ/mol 1.2 Les avantages et inconvénients La méthanation catalytique est rapide grâce à l’utilisation de catalyseurs. Elle permet d’obtenir une concentration en méthane élevée en une seule étape. Le rendement chimique de conversion du bois en méthane via la méthanation catalytique est compris entre 50 et 70% [23,24]. La 14 Chapitre 1 : Revue bibliographique méthanation catalytique est très sensible à la composition du syngaz. Des rapports molaires H2/CO et H2/CO2 de 3 et 4 minimum respectivement sont requis pour une meilleure sélectivité au CH4. Par exemple, les travaux de Hussain et al montrent que l’augmentation du rapport molaire H2/CO au-delà de 3 permet de résister au dépôt de carbone. Pour améliorer le rapport H2/CO, on a très souvent recours à la réaction de gaz à l’eau (WGS). Ceci rajoute une étape et donc un coût au procédé. Le procédé est aussi exigeant quant à la pureté du syngaz. En effet, il est montré dans la littérature que les catalyseurs généralement utilisés dans le procédé sont sensibles à la présence d’impuretés comme les goudrons, les composés chlorés et soufrés, l’ammoniaque (NH3) et les particules. Le syngaz doit donc être débarrassé ses impuretés avant utilisation dans ce procédé. Ceci pourrait aussi impacter le coût de production du syngaz et donc du méthane. La méthanation catalytique requiert des températures élevées (>300°C) donc un apport d’énergie non négligeable. Ces températures élevées entraînent également la formation de carbone qui se dépose sur les catalyseurs et conduisant à leur désactivation. Les projets existants Il existe quatre projets de méthanation catalytique du syngaz issu de la pyrogazéification de la biomasse qui sont présentés dans le Tableau 3. Il s’agit soit de projets en phase pilote ou à l’échelle commerciale. Tableau 3 : Projets de méthanation catalytique du syngaz (adapté de ) Nom du projet Lieu Capacité Procédé de méthanation GAYA France 400 kWSNG Engie GOBIGAS Suède 20 MWSNG Topsøe Recycle Energy Efficient Methanation Process (TREMP) BioSNG Australie 1 MWSNG Institut Paul-Scherrer (PSI, Suisse) DemoSNG Suède 50 kWSNG KIT (honeycomb) 1.2.2 Méthanation biologique Description du procédé La biométhanation ou méthanation biologique du syngaz est la voie envisagée dans les présents travaux. Elle est une action synergique de micro-organismes méthanogènes pour la production 15 Chapitre 1 : Revue bibliographique de méthane. Le procédé est strictement anaérobie et peut être réalisé soit en condition mésophile (30-35°C) ou thermophile (50-55°C). Selon Kimmel et al , la conversion du syngaz (CO, CO2 et H2) peut se faire par deux voies : indirecte ou directe. Dans la voie indirecte, le CO et le CO2 du syngaz sont convertis en acétate suivant les réactions 1.3 et 1.4. L’acétate est ensuite converti en méthane suivant la réaction 1.5. 4CO + 2𝐻2 O → C𝐻3 COOH + 2𝐶𝑂2 ∆G° = −107 kJ/mol 1.3 2CO2 + 4H2 → CH3 COOH + 2H2 O ∆G° = −106 kJ/mol 1.4 CH3 COOH → 𝐶𝐻4 + 𝐶𝑂2 ∆G° = 31 kJ/mol 1.5 Dans la voie directe, le CO est converti en CO2 à travers la réaction (1.6). Puis le CO2 et le H2 réagissent pour donner le méthane suivant réaction 1.7. CO + 𝐻2 O → CO2 + H2 ∆G° = −20 kJ/mol 1.6 𝐶𝑂2 + 4𝐻2 → CH4 + 2H2 O ∆G° = −131 kJ/mol 1.7 Il a été démontré que la voie directe est plus efficace que la voie indirecte pour la conversion du syngaz en méthane. En effet, selon la littérature, l’acétate a tendance à s’accumuler dans le milieu liquide, inhibant l’action des bactéries acétogènes et méthanogènes. Suivant la voie retenue, une large gamme de microorganismes ou consortium mixtes peut être utilisée pour transformer le syngaz en méthane [27–32]. Les microorganismes méthanogènes appartenant à la famille des archées sont largement répandus dans la nature mais restent cependant confinés aux milieux strictement anaérobies. On les trouve dans des stations de traitement des eaux usées des sites industriels ou ménagers, des digesteurs méthanogènes, les dépôts d’ordures, des sédiments aquatiques (mares, rizières, lacs, mers et océans), etc. ou ils sont aussi cultivés. Le Tableau 4 donne les microorganismes utilisés couramment et les réactions spécifiques favorisées. Les composants du syngaz CO, CO2 et H2 peuvent être convertis en méthane en associant deux ou trois types de microorganismes. On parle de co- culture ou tri-culture. 16 Chapitre 1 : Revue bibliographique Tableau 4 : Les microorganismes et les réactions favorisées (adapté de ) Microorganismes Réactions Acetobacterium woodii 4𝐶𝑂 + 2𝐻2 𝑂 → 𝐶𝐻3 𝐶𝑂𝑂𝐻 + 2𝐶𝑂2 Eubacterium limosum 2CO2 + 4H2 → CH3 COOH + 2H2 O Peptostreptococcus productus Rhodopseudomonas gelatinosa Rhodospirillum Rubrum CO + 𝐻2 O → CO2 + H2 Rubrivivax Methanosarcina barkeri Methanothermobacter Thermoautotrophicus Methanosarcina Formicicum 𝐶𝑂2 + 4𝐻2 → CH4 + 2H2 O Methanothermobacter marburgenis Clostridium thermoaceticum Methanothermobacter marburgenis Rodospirillum Rubrum. Les types de bioréacteurs La conversion biologique du syngaz en méthane met en contact un gaz et des micro-organismes dans une culture liquide. Le gaz doit ensuite être absorbé dans l’interface gaz/liquide et diffusé à travers la culture jusqu’à la surface des cellules pour être consommé par les microbes. Les études expérimentales ont montré que l’étape limitante dans la conversion biologique du syngaz est typiquement le transfert de matière du syngaz à la culture liquide. Pour maximiser le contact gaz/liquide, différents types de réacteurs sont utilisés dans la littérature [34–36]. Il s’agit : - du réacteur à cuve agité continu (CSTR) : Il permet d’améliorer le transfert de matière gaz-liquide par agitation mécanique. Toutefois, cette approche n’est pas économiquement viable à grande échelle en raison des coûts d’énergie. - du réacteur à lit ruisselant « Trickle-bed reactor » : contrairement au précédent, l’agitation mécanique n’est pas requise. Il peut être un réacteur soit de type monolithe, soit à lit tassé, dans lequel la phase liquide ruisselle vers le bas. Le gaz peut se déplacer vers le bas ou vers le haut. Pour avoir des chutes de pression relativement faibles, de petits débits de gaz et de liquide sont généralement utilisés. Un inconvénient majeur de 17 Chapitre 1 : Revue bibliographique ce type de réacteur est le coût d’investissement et de nettoyage du monolithe ou du lit de particules. - du réacteur à membrane qui offre une grande surface spécifique pour le transfert gaz/liquide et qui peut être utilisé pour la croissance microbienne. D’autres configurations de réacteurs à membrane ont été testées pour améliorer la conversion du syngaz. - du réacteur à bulles qui est une cuve cylindrique remplie de la culture liquide et le gaz est introduit par le bas. Il requiert de l’énergie pour le mélange gaz/liquide. Il est adapté aux procédés à petite échelle. Le réacteur à microbulles est prometteur mais il est encore à l’étape recherche. Cependant l’utilisation de microbulles signifie que le syngaz doit être extrêmement propre. Les facteurs pouvant influencer la biométhanation du syngaz Ces dernières années, les études ont porté sur le type de microorganismes, les paramètres (température, pression, pH), le transfert de matière gaz/liquide, la pureté du syngaz et leurs effets sur la biométhanation du syngaz [19,29,37]. Il ressort que certains composés (les nitrates ou les sulfates) et les goudrons peuvent inhiber l’activité des bactéries acétogènes et méthanogènes [19,38]. Pour ces derniers, les travaux de recherche menés par une équipe allemande ont montré que les goudrons comme le toluène, le methy-naphtalène et l’acénaphtène réduisent la conversion du syngaz en méthane. Toutefois, compte tenu de la diversité des microorganismes méthanogènes, les auteurs ont conclu qu’il est possible de préparer des cultures de bactéries qui pourront s’adapter aux goudrons et autres impuretés. Par exemple le « Rodospirillum Rubrum » est capable de dégrader le toluène et le xylène. Les microorganismes restent moins sensibles aux impuretés du syngaz que les catalyseurs utilisés pour la méthanation catalytique. Diender et al rapportent qu’en fonction des conditions de fonctionnement du réacteur (pH, temps de séjour…), les contaminants du syngaz peuvent être éliminés via la phase liquide du réacteur. Comme nous allons le voir dans la suite du manuscrit, la composition du syngaz peut varier considérablement en fonction du procédé de pyrogazéification et de la biomasse. Mais, contrairement à la méthanation catalytique, la biométhanation est moins sensible aux rapports molaires H2/CO ou H2/CO2. Par exemple, le rapport molaire H2/CO2 utilisé dans les essais en laboratoire trouvés dans la littérature varie de 0,75 à 7,1. Gang et al ont montré que la concentration de N2 dans le syngaz influence doublement la qualité du biométhane. En effet, la 18 Chapitre 1 : Revue bibliographique concentration élevée de N2 dans le syngaz entraîne une dilution du biométhane mais rend aussi sa purification difficile et coûteuse. Le rendement énergétique de conversion de la biomasse en méthane dépend du procédé de pyrogazéification, de la façon d’apporter la chaleur (allothermique ou autothermique), de l’ajout de vapeur ou d’oxygène. Hoogendoorn et al ont obtenu des rendements théoriques de conversion du bois en méthane de 66% et 53% pour les procédés de vapogazéification et d’oxygazéification respectivement en considérant la méthanation biologique directe. Il ressort que la biométhanation est moins sensible aux impuretés et à la composition du syngaz. De plus le choix du procédé de pyrogazéification détermine la qualité du biométhane et impacte le rendement de conversion de la biomasse en méthane. Contrairement à la méthanation catalytique, la biométhanation du syngaz pourrait être viable pour de petites unités de pyrogazéification en raison de ses coûts d’exploitation moins élevés. En guise de synthèse, le Tableau 5 montre des points de comparaison entre les deux procédés précédemment détaillés. Tableau 5 : Comparaison des deux procédés [21,40] Paramètres Méthanation catalytique Méthanation biologique Température 300-400°C 35-60°C Mode conversion Méthanation chimique Méthanogénèse Catalyseur Catalyseur métallique Microorganismes Tolérance aux impuretés et Faible Élevée composition du syngaz Gaz produit CH4 + CO, H2, CO2 CH4 +CO2 % CH4 92 98-99% Rendement (Biomasse 50-70% 70-90% →CH4) Complexité du procédé Élevée Faible Coût Élevé Faible Échelle Grande Petite-Moyenne Cinétique Rapide Lente 19 Chapitre 1 : Revue bibliographique Projets existants Un aperçu des groupes de recherche et des entreprises qui travaillent sur la méthanation biologique a été présenté par Götz et al. L’entreprise Electrochaea a développé le projet BioCat qui couple la biométhanation au procédé Power to gas à Copenhague (Danemark) [41,43]. Le CO2 provient de la méthanisation. Un électrolyseur alcalin d’une puissance électrique de 1 MW fournit l’hydrogène. La biométhanation du syngaz est encore à l’état d’essais en laboratoire. À notre connaissance, le couplage pyrogazéification de la biomasse/biométhanation n’a pour l’instant pas été envisagé à l’échelle industrielle. 1.3 État de l’art de la pyrogazéification de la biomasse 1.3.1 Phénomènes physiques et chimiques de la pyrogazéification La pyrogazéification est un procédé de conversion thermochimique qui permet de transformer la biomasse en mélange gazeux riche en H2 et CO, appelé gaz de synthèse ou syngaz. C’est un procédé qui peut se résumer en deux étapes : - La première étape regroupe la pyrolyse ou la dévolatilisation de la biomasse. Elle produit des matières volatiles et du char. Les matières volatiles sont composées de gaz dit incondensables, de goudrons et de la vapeur d’eau. La pyrolyse est une étape déterminante qui conditionne (i) le rendement en char et sa réactivité et (ii) les rendements et la réactivité des goudrons vis-à-vis des réactions secondaires de conversion [44,45]. - La seconde étape est la conversion des produits de la pyrolyse. Cette étape implique une série de réactions. Les goudrons issus de la pyrolyse peuvent être convertir en syngaz grâce aux réactions de craquage et de reformage. Le char peut réagir avec la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone et l’hydrogène. Les principales réactions se produisant lors de la pyrogazéification sont résumées dans le Tableau 6. Les réactions de pyrogazéification sont globalement endothermiques, ce qui signifie qu’il faut apporter de la chaleur pour qu’elles se déroulent. La stratégie utilisée pour fournir de la chaleur impacte la conversion de la biomasse ainsi que la composition du syngaz. Cet apport de chaleur peut se faire de façon soit directe (autothermique) soit indirecte (allothermique). Dans le procédé autothermique, une partie de la biomasse ou des produits de la pyrolyse est oxydée afin d’apporter de la chaleur au procédé. C’est le cas des procédés de pyrogazéification conventionnelle, pour lesquels on peut distinguer les quatre étapes suivantes: le séchage et la pyrolyse de la biomasse, l’oxydation partielle des gaz de pyrolyse et/ou du char, et la réduction 20 Chapitre 1 : Revue bibliographique du char. L’apport de cette énergie se fait par l’injection d’une quantité d’air ou d’oxygène dans la zone de combustion. Lorsque l’air est utilisé comme agent oxydant, la concentration de l’azote (N2) pourrait atteindre 50 à 60%, ce qui dilue le syngaz (PCI< 5 MJ/Nm3) [48,49]. Une alternative pour éviter la dilution du syngaz serait d’utiliser de l’oxygène comme agent oxydant, mais la production de l’oxygène est coûteuse. Dans le procédé allothermique, la chaleur nécessaire est fournie par une source extérieure, ceci permet d’éviter la dilution du syngaz et d’obtenir un meilleur taux de conversion de la biomasse. Tableau 6 : Les principales réactions de la pyrogazéification de biomasse Type de réactions Réactions ∆rH (kJ/mol) Pyrolyse Biomasse → Char + goudrons + H2O + gaz 1.8 (dévolatilisation) >0 incondensables Combustion du char 1.9 (Oxydation partielle) C + 0,5 O2 → CO -111 1.10 (Oxydation totale) C + O2 → CO2 -394 Gazéification du char 1.11 (Boudouard) C + CO2 ↔ 2CO +173 1.12 (Gazéification à la vapeur d’eau) C + H2O → CO + H2 +131 1.13 (Gazéification à l’hydrogène) C + 2H2 ↔ CH4 -75 Réactions en phase homogène 1.14 (Oxydation du CO) CO + 0,5 O2 → CO2 -283 1.15 (Oxydation de H2) H2 + 0,5 O2 → H2O -242 1.16 (Oxydation de CH4) CH4 + 2 O2 → CO2 + 2H2O -283 1.6 (Gaz à eau) CO + H2O ↔ CO2 + H2 -41 1.1 (Méthanation) CO + 3H2 ↔ CH4 + H2O -206 Réactions de conversion de goudrons 1.17 (Oxydation partielle) CnHm+ (n/2)O2 → nCO + (m/2) H2 1.18 (Reformage à la vapeur d’eau) CnHm+ 2nH2O → (m/2+n)H2 + nCO2 >0 1.19 (Reformage à sec) CnHm+ nCO2 → (m/2)H2 + 2nCO >0 1.20 (craquage thermique) CnHm→ (m/2)H2 + nC >0 1.21 (craquage thermique) CxHyOz → CO + CH4 + H2 + CmHn + C >0 21 Chapitre 1 : Revue bibliographique 1.3.1.1 La pyrolyse de la biomasse La pyrolyse est un procédé de décomposition thermique de la biomasse en absence d’agent oxydant dans le but de rompre les macromolécules lignocellulosiques en molécules plus petites. Elle débute généralement entre 250 et 400°C et décompose la biomasse en trois produits en fonction des conditions opératoires : les gaz incondensables appelés aussi gaz permanents (H2, CO2, CO, CH4 et CxHy) ; la phase condensables comprenant les goudrons et l’eau (15-30% d’eau ), l’ensemble désigné très souvent par biohuiles ; le char, constitué de carbone et d’une fraction de matières minérales. D’un point de vue cinétique, la pyrolyse de la biomasse est généralement caractérisée par deux phases : la phase primaire et la phase secondaire [53,54]. La phase primaire comprend une série de réactions comme le séchage, la déshydratation, la dégradation thermique et la dévolatilisation de la biomasse. La phase secondaire implique principalement les réactions en phase gaz et gaz-solide telles que : le reformage à la vapeur d’eau et à sec, la réaction du gaz à l’eau (directe ou inverse), des polymérisations et des condensations. La cinétique de la pyrolyse, la distribution des produits (gaz, biohuiles et char) ainsi que leur composition chimique sont fonction des conditions de pyrolyse et de la composition de la biomasse. La température, la vitesse de chauffe, le temps de séjour (du solide et de la vapeur) et la nature de la biomasse sont les paramètres les plus influents [7,56]. Nous décrivons brièvement dans la suite, l’influence de la composition de la biomasse, de la température et de la vitesse de chauffe sur les produits de la pyrolyse. L’influence de la composition de la biomasse La composition de la biomasse et particulièrement ses constituants macromoléculaires (cellulose, hémicellulose, lignine) ont un impact significatif sur les rendements des produits de pyrolyse. À partir des analyses thermogravimétriques, plusieurs auteurs ont identifié les principaux produits de chaque constituant de la biomasse lignocellulosique. Par exemple, Yang et al ont trouvé que les hémicelluloses produisaient plus de CO2, que la cellulose générait plus de CO et que les concentrations de H2 et de CH4 étaient élevées avec la lignine. De plus ils ont trouvé que 40% du char provenait de la lignine. Jouhara et al rapportent qu’en termes de biohuiles, la pyrolyse de cellulose conduit à la formation de saccharides, de furannes et de cétones. Par ailleurs, la pyrolyse des hémicelluloses forme des acides et des cétones. Enfin, la pyrolyse de la lignine forme principalement des phénols. Toutefois, les composés formés vont évoluer en fonctions des conditions opératoires. Couhert et al ont montré que les 22 Chapitre 1 : Revue bibliographique macromolécules interagissent au cours de la pyrolyse. Ces interactions pourraient influencer la distribution des produits de la pyrolyse [60–62]. Les éléments minéraux, en particulier, les alcalins et les alcalino-terreux, peuvent également influencer les conditions de la pyrolyse, la distribution et la composition des produits [63–67]. L’effet de la température La fonction de la température dans le procédé de pyrolyse est de fournir la chaleur nécessaire à la décomposition des liaisons de la biomasse. Elle est donc l’un des paramètres clé le plus étudié [68–70]. Une évolution caractéristique des rendements des produits de pyrolyse en fonction de la température est présentée sur la Figure 5. Lorsque la température augmente, le rendement en char diminue et celui en gaz augmente. Le rendement en biohuiles augmente pour atteindre un pic entre 500 et 600°C, avant de diminuer. Cette évolution du rendement en biohuiles est courant dans la littérature [69,71]. L’augmentation de la température favorise les réactions secondaires de craquage thermique, de déshydrogénation des hydrocarbures légers, de décarboxylation, de dépolymérisation et de reformage des goudrons. En général, les températures supérieures à 700°C augmentent la teneur en carbone dans les goudrons en forme d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), tels que le naphtalène, le phénanthrène et le pyrène, à cause des réactions de décarboxylation et de déshydratation [70,73,74]. La composition des gaz incondensables varie également avec l’augmentation de la température. Uddin et al rapportent une tendance commune à de nombreuses études à savoir que la concentration en H2 augmente avec la hausse de la température ce qui constituerait un indicateur du déroulement des réactions secondaires de craquage des goudrons lourds. La structure et la composition du char changent en fonction de la température. Il est principalement composé de carbone mais il contient également de l’hydrogène, de l’oxygène et des matières inorganiques. Le char présente une structure plus organisée et un taux carbone fixe plus élevé lorsque la température augmente. Demirbas a établi une relation linéaire entre le taux de carbone fixe du carbone dans le char et la température. Ces propriétés permettent d’utiliser le char pour des applications telles que l’amendement des sols , la mise en forme de catalyseurs dans le traitement des eaux usées et la production de gaz de synthèse [77–80] 23 Chapitre 1 : Revue bibliographique Figure 5 : Distribution des produits de la pyrolyse en fonction de la température de réaction L’effet de la vitesse de chauffe La vitesse de chauffe impacte drastiquement les rendements en produits de pyrolyse. C’est un paramètre fondamental qui définit le type de pyrolyse : flash, rapide ou lente. Les vitesses de chauffe rapide favorisent une décomposition très rapide de la biomasse, produisant plus de gaz et moins de char. D’autres auteurs montrent aussi que les vitesses de chauffe rapides augmentent la production de biohuiles en raison de la réduction des limites de transfert de matière et de chaleur, et du peu de temps disponible pour les réactions secondaires. L’effet de la vitesse de chauffe sur les produits de la pyrolyse dépend aussi des autres paramètres comme la température finale ou le temps de séjour des gaz. Ceci a été confirmé par Neves et al qui ont trouvé que lorsque la biomasse est chauffée rapidement et la température est inférieure à 550°C, le rendement en biohuiles avoisine les 75% ; tandis que dans le cas où la température est supérieure à 800°C, il se forme essentiellement des gaz car les réactions secondaires deviennent prépondérantes. L’effet du temps de séjour Dans la littérature, l’effet du temps de séjour de la biomasse sur les produits de la pyrolyse est lié à la température [84,85]. Toutefois, l’interaction entre la température et le temps de séjour n’est pas toujours bien comprise. Boroson et al ont observé que lorsque la température et le temps de séjour augmentent, les réactions secondaires augmentent et la masse molaire des goudrons diminue. Un temps de séjour long favorise le craquage et le reformage des goudrons. Par contre un temps de séjour court entraîne une dépolymérisation incomplète de la lignine et il favorise la production de biohuiles. Fassinou et al ont trouvé que 24 Chapitre 1 : Revue bibliographique lorsque le temps de séjour des vapeurs est long, la concentrations en H2, CH4, et CO2 augmente, et la concentration en CO diminue. Cependant la concentration en C2H4 et en C2H6 reste faiblement influencée. Uddin et al rapportent qu’un temps de séjour long et une température élevée favorisent la production de H2. 1.3.1.2 La conversion des matières volatiles de la pyrolyse Comme nous l’avons déjà vu, les matières volatiles issues de la pyrolyse sont composées de gaz incondensables, de goudrons et de vapeur d’eau. Leur conversion dans la seconde étape est un processus complexe qui met en jeu plusieurs réactions en fonction des conditions opératoires. Les principales réactions susceptibles de se produire sont décrites ci-dessous : Les réactions de craquage thermique Les goudrons lourds ou les hydrocarbures légers produits lors de la pyrolyse peuvent subir des réactions de craquage sous l’effet de la température qui conduisent à la production de molécules plus légères selon les réactions 1.20 et 1.21. Elles nécessitent des températures et des temps séjours élevés pour éliminer les goudrons. Le craquage des goudrons lourds de la pyrolyse commence de 500°C [68,89], alors que les hydrocarbures légers sont craqués généralement à plus haute température par exemple au-delà de 700°C pour le propane et de 1200°C pour le méthane. Les réactions de reformage En présence de vapeur d’eau et de dioxyde de carbone, les goudrons lourds ou les hydrocarbures légers sont reformés en molécules plus petites suivant les réactions 1.18 et 1.19. On notera que le reformage à la vapeur d’eau est aussi désigné par le terme de «vaporeformage». Les réactions de reformage sont généralement favorisées par la présence catalyseurs. Le rapport vapeur d’eau/biomasse désigné en anglais par « S/B » est utilisé pour évaluer l’effet de l’ajout de vapeur d’eau sur les produits. On notera qu’il y a différentes façons de le calculer dans la littérature mais nous retiendrons, dans ces travaux de recherche, l’équation 1.22. mva + m hb 1.22 S/B= mbiomasse _ daf Où m va est le débit massique de vapeur d’eau ajoutée, m hb est débit massique correspondant à l’humidité dans la biomasse et mbiomasse _ daf est le débit massique de la biomasse sur base sèche et sans cendre. 25 Chapitre 1 : Revue bibliographique Les réactions d’oxydation partielle Dans un procédé de pyrogazéification, l’oxygène ou l’air peut être utilisé pour réduire les goudrons [91–93]. Mais pour les raisons énoncées précédemment, les travaux impliquant les réactions d’oxydation partielle des matières volatiles ne seront pas présentés. On notera que l’oxygène ou l’air est plus réactif que la vapeur d’eau. Nous nous focaliserons sur les travaux qui portent sur la conversion catalytique ou non des matières volatiles par craquage/vaporeformage. La classification des goudrons Les goudrons sont constitués d’un mélange complexe de composés organiques. Ils sont classés de différentes manières dans la littérature. Evans et Milne ont classé les goudrons issus de la pyrolyse du bois en quatre groupes : - les goudrons primaires sont des fragments provenant directement des dérivées de la cellulose (levoglucosane, hydroxyacétaldéhyde, furfural, furane), de l’hémicellulose et de la lignine (méthoxy-phénols). Ces goudrons sont formés au cours des réactions primaires de pyrolyse. - les goudrons secondaires sont constitués principalement de composés phénoliques et des oléfines qui sont issus de la conversion des goudrons primaires. - les goudrons tertiaires sont caractérisés par les dérivés alkylés (méthyls aromatiques, méthyl acénaphtylène, méthyl naphtalène). - Les goudrons tertiaires condensés sont les hydrocarbures polyaromatiques (naphtalène, acénaphtylène, anthracène, phénanthrène, pyrène). Ces hydrocarbures polyaromatiques sont des précurseurs de la formation de suies. La Figure 6 montre un exemple de l’évolution de la formation des 4 groupes de goudrons en fonction de la température. Les goudrons primaires et tertiaires ne sont pas présents simultanément : les goudrons tertiaires apparaissent lorsqu’il n’ y a presque plus de goudrons primaires. 26 Chapitre 1 : Revue bibliographique Figure 6 : Les classes de goudrons en fonction de la température (adapté de ) Une autre classification est proposée par l’Energy research Center of The Netherlands (ECN ). Celle-ci est basée sur la solubilité d’une part et la condensation d’autre part des goudrons issus de la gazéification à l’air dans un lit fluidisé entre 700°C et 900°C. Selon les auteurs, ces deux propriétés permettent d’adapter le traitement des goudrons en aval du procédé de gazéification. Les goudrons sont regroupés en cinq classes (Tableau 7). En comparant ces deux classifications, on trouve que la classe 2 s’apparente aux goudrons secondaires, la classe 3 aux goudrons tertiaires alkylés et les classes 1,4,5 aux tertiaires condensés. La conversion catalytique des matières volatiles La conversion catalytique des matières volatiles a été largement étudiée [54,78,97,98]. L’utilisation de catalyseur permet de réduire la température (entre 600 et 800°C) tout en convertissant les goudrons en syngaz. Globalement, les catalyseurs à base de nickel, les catalyseurs métalliques autres que le nickel tels que (Co, Fe, Pt), les catalyseurs alcalins (Na, K, Li), les zéolites, catalyseurs naturels tels que (olivine, dolomite) et le char issu de la pyrolyse de biomasse sont utilisés pour la conversion des goudrons [97,100]. Ils sont utilisés sous forme de lits dans un réacteur à travers lequel on fait passer les matières volatiles de pyrolyse. Un problème majeur de l’utilisation des catalyseurs est leur désactivation. De plus, les catalyseurs sont généralement chers, ils ne se régénèrent pas facilement et nécessitent beaucoup de préparation. Il y a aussi la difficulté de trouver des catalyseurs qui remplissent toutes les conditions requises pour favoriser la conversion des goudrons en syngaz. C’est ce qui explique 27 Chapitre 1 : Revue bibliographique le nombre élevé de travaux sur les catalyseurs dans la littérature. Étant donné que le présent travail ne porte pas sur la conversion catalytique des matières volatiles, ce point ne sera pas discuté. Tableau 7 : Classification des goudrons selon ECN Classe Nom Propriétés Composés représentatifs Oligomères résultant d’une Les goudrons lourds (masse Non détectables dépolymérisation incomplète 1 molaire > 200 g/mol), non par GC/MS des hémicelluloses et de la détectables avec la GC/MS lignine Hétérocycliques Les composés hétérocyliques Pyridine, Phénol, Crésol, 2 et molécules ayant un hetéro-atomes et très Quinoléine, Isoquinoléine oxygénées solubles dans l’eau Molécules Les hydrocarbures légers avec aromatiques un seul cycle. Ils ne posent pas Toluène, Styrène, Xylène, 3 légers(1 seul de problème de solubilité et ethylBenzène cycle) condensation Les composés à deux ou trois Indène, Naphtalène, methy- cycles condensent à fortes Naphtalène, Biphényle, 4 HAP légers concentrations et à des acénaphtène, Fluorène, températures intermédiaires Phénanthrène, Anthracène Les HAP avec plus de trois Pyrène, Fluoranthène, cycles, ils condensent à basse 5 HAP lourds benzo(k)Fluoranthène, température et à de très faibles Chrysène, Pérylène, Coronène concentrations La conversion non catalytique des matières volatiles La conversion non catalytique des matières issues de la pyrolyse est très souvent étudiée selon : la température et le temps de séjour, et le rapport S/B. Ce dernier paramètre est souvent présenté différemment de la définition que nous avons donnée précédemment. Si tel est le cas, nous préciserons la différence. Il a été montré que la conversion non catalytique des matières volatiles permet de convertir les goudrons lourds en composés légers (CO, CO2, H2, CH4) et 28 Chapitre 1 : Revue bibliographique d’augmenter le rendement en gaz [68,97,101]. Les chercheurs ont trouvé que la conversion non catalytique des goudrons nécessite des températures élevées et des temps de séjour raisonnables pour transformer les goudrons lourds en gaz légers. Milne et al. ont réalisé une revue de différentes études sur le sujet et ils ont conclu que l’élimination complète des goudrons ne peut pas se faire en deçà de 1100°C sans catalyseur. Materazzi et al rapportent que la réduction des hydrocarbures aromatiques polycycliques lourds sans catalyseur nécessite des températures supérieures à 1000°C et un temps de séjour supérieur à 10 s. D’autres travaux ont aussi montré que l’ajout de vapeur d’eau permet la conversion des goudrons en augmentant le rendement en gaz et la production de H2. Morf et al. ont étudié la conversion non catalytique des matières volatiles issues de la pyrolyse de bois produite à 380°C. La conversion des matières volatiles a été effectuée dans un réacteur tubulaire à des températures de 500°C à 1000°C avec un temps de séjour de 0,12s. À 990°C, la conversion des goudrons a atteint 88% et le rendement massique en H2 était 7,4 fois plus élevé que dans le gaz de pyrolyse. Ils ont observé la formation de suies mais elles n’ont pas été quantifiées. Les données expérimentales ont été utilisées pour étudier les cinétiques de conversion des goudrons et la formation des hydrocarbures aromatiques polycycliques comme le naphtalène. S. Baumlin a étudié la conversion non catalytique des matières volatiles, qu’il a désigné par vapeurs de pyrolyse, issues de la pyrolyse de différentes biomasses dans un réacteur parfaitement auto-agité. Les vapeurs ont été produites avec un réacteur tubulaire à 540°C. Le craquage/vaporeformage a été effectué entre 550°C et 1030°C, et avec des temps de séjour compris entre 0,1 s et 1 s. Le taux de conversion des goudrons a atteint 80% à 1000°C pour un temps de séjour de 0,3 s pour la cellulose, contre 70% pour le bois. Le rendement massique en gaz augmentait pour atteindre 60% pour le bois et 75% pour la cellulose. Wongchang et al. ont étudié la conversion des matières volatiles issues de la pyrolyse du bois d’hévéa dans un réacteur tubulaire. La pyrolyse a été réalisée dans un four à chute à 600°C et le craquage/ vaporeformage des matières volatiles entre 600 et 1200°C. Ils n’ont pas donné de précision concernant le temps de séjour. Ils ont trouvé un taux de conversion des goudrons de 90% à 1200°C. De plus, les analyses de goudrons ont montré que pour les températures inférieures à 800°C, les composés aromatiques (benzène, toluène, xylène et indène) étaient 29 Chapitre 1 : Revue bibliographique dominants. En revanche pour les températures supérieures à 800°C, les HAP (naphtalène, phénanthrène, anthracène, pyrène) étaient majoritaires. Houben et al ont étudié le craquage thermique des goudrons contenus dans les gaz émis par un gazéifieur à lit fluidisé. Ils ont utilisé un réacteur tubulaire et ont fait varier la température entre 900°C et 1150°C et le temps de séjour entre 1 et 12s. À 1150°C et pour un temps de séjour de 10 s, ils ont obtenu 100% de conversion des goudrons mais il s’est formé une quantité considérable de suies. Ils ont conclu que la formation de suies résulte de la polymérisation des composés aromatiques à un cycle et des HAP. La concentration en H2 dans le gaz augmente très légèrement avec la variation du temps de séjour à 1150°C. Cependant les concentrations en CO2 et CH4 dans le gaz diminuent. Wu et al ont étudié la conversion non catalytique des matières volatiles issues de la pyrolyse lente (20-32 min) des pellets de balle de riz (4kg/h) à 500°C. Le craquage/reformage des matières volatiles a été effectué dans un réacteur tubulaire en faisant varier la température de 700°C à 1100°C. Ils ont trouvé une conversion de goudrons de 92% à 1100°C. Le rendement massique en H2 est passé de 2% à 500°C à 14% à 1100°C. Ils ont également trouvé que le rendement massique en suie augmentait avec la température. Wang et al ont étudié l’effet de l’ajout de vapeur d’eau sur le craquage/vaporeformage des matières volatiles issues de la pyrolyse du bois à 700°C. Ils ont fait varier le rapport S/B entre 0 et 1. Le rapport S/B dans ce travail est le rapport molaire entre la quantité de vapeur d’eau ajoutée et de carbone dans la biomasse. La quantité de vapeur d’eau présente dans les matières volatiles de pyrolyse n’a pas été prise en compte. Le craquage/vaporeformage a été effectué à 950°C dans un réacteur tubulaire. L’effet du rapport S/B sur la conversion des goudrons a été analysé en échantillonnant les gaz à différentes positions dans le réacteur (ce qui représente le temps de séjour). Ils ont constaté la formation de suies. Ils ont observé qu’il n’y avait pas de conversion des goudrons pour les temps de séjour de 1 s et 2 s lorsque le rapport S/B est nul. Leurs résultats montrent que la conversion des goudrons débute à partir de 2 s. De plus, Ils ont trouvé que pour un rapport S/B de 0,5, le rendement en goudrons diminue de 73.75%, la concentration de suie dans le gaz diminue de 67% et la concentration en H2 augmente de 64.79%. En revanche, l’effet du rapport S/B de 1 sur la conversion de goudrons et de suies n’était pas significatif. 30 Chapitre 1 : Revue bibliographique Waheed et al ont étudié la conversion non catalytique des matières volatiles issues de la pyrolyse à 950°C avec une vitesse de chauffe de 20°C/min, de paille de blé, de bagasse de canne à sucre et de balle de riz. Le craquage/reformage a été effectué dans un réacteur tubulaire à 950°C, et avec un rapport S/B de 1,37. Le rapport S/B défini dans leur travail est le rapport entre la masse de vapeur d’eau ajoutée et la masse de biomasse. Ils ont trouvé par exemple avec la paille de blé que le rapport molaire H2/CO est passé de 0,96 en pyrolyse à 2,40 après le craquage/vaporeformage. Y.Chhiti a étudié la conversion non catalytique des biohuiles issues de la pyrolyse rapide du bois dur dans un lit fluidisé. Le craquage/vaporeformage a été effectué entre 1000°C et 1400°C dans un réacteur tubulaire, qui sera utilisé dans cette thèse. Il a trouvé qu’entre 1000°C et 1400°C, les biohuiles sont décomposées principalement en CO, H2, CO2, CH4 et C2H2. Le taux de conversion des biohuiles a atteint 99% à 1400°C, et la concentration volumique de H2 était de 64% dans le gaz. Il a constaté l’apparition de suies à 1000°C; leur quantité a augmenté pour atteindre un pic à 1200°C. Au-delà de 1200°C, il a observé la diminution des quantités de suies. Les composés tels que le phénol, le toluène, le benzène et naphtalène ont été utilisés comme goudrons modèles pour quantifier les produits du craquage/vaporeformage non catalytique [89,103]. C’est le cas par exemple des travaux réalisés par Jess. Il a étudié le craquage/vaporeformage du toluène, du benzène et du naphtalène individuellement dans un mélange de vapeur d’eau (H2O) et d’hydrogène (H2) dans un réacteur tubulaire entre 1100 et 1400°C. Il a observé que la vapeur d’eau n’avait pas ou très peu d’effet sur les vitesses de réaction. L’hydrogène inhibe la conversion du benzène et du naphtalène. Il a trouvé que les produits de la conversion du naphtalène sont le benzène, l’éthylène et les suies. Les résultats expérimentaux ont révélé l’ordre de réactivité suivant : Toluène >> Naphtalène > Benzène Kiel et al. ont résumé quelques études qui ont porté sur l’influence de la température pour un temps de séjour de 2s, sur la conversion de certains goudrons comme le phénol, le toluène, le benzène et le naphtalène (Figure 7). Le benzène et le naphtalène sont très stables et sont seulement convertis entre 1000°C et 1300°C. Les phénols, stables à 700°C, sont décomposés au-dessus de 900°C. 31 Chapitre 1 : Revue bibliographique En résumé, la conversion non catalytique des matières volatiles issues de la pyrolyse requiert des températures élevées et des temps de séjour modérés. La pyrolyse de la biomasse est généralement effectuée à des températures inférieures à 600°C et avec des vitesses de chauffe relativement élevées. Les matières volatiles sont composées de goudrons primaires ou secondaires. Des goudrons secondaires et tertiaires modèles ont été utilisés dans certaines études. Ces dernières ont permis d’appréhender les phénomènes de maturation et le craquage/vaporeformage des goudrons. Le réacteur tubulaire est souvent utilisé pour la conversion non catalytique des matières volatiles. On notera que ce type de réacteur est très simple de conception mais pas suffisamment caractérisé en termes de température et de temps de séjour des gaz. Ceci pourrait expliquer les différences observées en termes de rendement de conversion des goudrons. De façon générale, Il ressort que la conversion non catalytique des matières volatiles favorise la conversion de goudrons lourds et des hydrocarbures légers (c’est- à-dire CH4, C2H2, C2H4,C2H6…) en syngaz riche en H2 et CO, grâce aux réactions de craquage et de vaporeformage. Le rapport S/B est aussi un paramètre à prendre en compte dans la conversion des goudrons. Ce rapport permet de produire un syngaz riche en H2 et CO, et favorise la conversion des goudrons. La conversion non catalytique des matières volatiles forme des suies. Cette formation de suies pourrait résulter des réactions de recombinaison et de croissance des HAP. Certains composés comme le benzène et le naphtalène, qui sont thermiquement très stables, ont été identifiés comme précurseurs de suies. La formation de suies est souvent soulignée par certains auteurs mais dans bon nombre de cas, elles n’ont pas été quantifiées. L’effet de la vapeur d’eau sur la formation de suies a été mis en évidence dans la littérature. Cependant, il n’est pas évident de dire si la vapeur d’eau réagit directement avec les suies formées ou avec ses précurseurs. 32 Chapitre 1 : Revue bibliographique Figure 7 : Évolution du taux de conversion des composés (t=2 s) Les caractéristiques des suies Les suies sont des particules sphériques de très petites tailles de l’ordre de 1 nm de diamètre et très riches en carbone qui peuvent s’agglomérer pour former des chaînes visibles à l’œil nu. Les suies sont produites à haute température lors de la pyrolyse, la gazéification, ou lors de la combustion de la matière carbonée. Wang et al rapportent quelques caractéristiques des suies : - elles sont fines et donc facilement inhalées ; - elles sont toxiques en raison de leur grande capacité de d’absorption des HAP et des métaux lourds - elles possèdent une grande capacité d’absorption des radiations ; elles sont donc capables d’augmenter les transferts de chaleur par radiation dans la chambre de combustion. Plusieurs études ont été réalisées visant à expliquer la formation des suies. La majorité de ces études a été menée lors de la combustion du méthane, de l’éthylène, du propane, du naphtalène et du benzène [113,114]. Il est admis que les particules de suies surviennent à des températures élevées, typiquement supérieur à 1000°C. La formation des HAP 33 Chapitre 1 : Revue bibliographique La formation des HAP est décrite par trois principaux mécanismes [116,117]. Il s’agit : - du mécanisme en C5H5 dans lequel deux espèces cyclopentadiényle peuvent produire du naphtalène, ou alors un radical cyclopentadiényle peut réagir avec un radical indényle pour former du phénanthrène. - du mécanisme d’addition de deux cycles par une combinaison directe de cycles aromatiques. Par exemple la combinaison de deux cycles de benzène conduit au biphényle, qui réagit ensuite pour former les HAP. - Et enfin du mécanisme HACA (abstraction d’hydrogène et addition d’acétylène). Les cycles aromatiques se développent par abstraction d’une mole d’hydrogène, qui active les molécules aromatiques, et un acétylène est ajouté sur les radicaux. Ces étapes sont répétées plusieurs fois pour propager la croissance des HAP. Le benzène et le naphtalène sont très souvent utilisés comme des précurseurs de suies. La formation des suies Elle commence par la formation des HAP décrite précédemment. Lorsque les HAP atteignent 4 cycles ou plus, survient l’apparition de particules de suies due à la condensation de ces 34 Chapitre 1 : Revue bibliographique derniers. Cette étape est le passage de l’état gazeux à l’état solide. Les particules grossissent par ajout de molécules en phase gaz et s’agglomèrent. Finalement elles fusionnent chimiquement sous forme de chaînes et de clusters. La Figure 8 montre le schéma de formation des suies au cours de la pyrolyse de la biomasse à haute température proposé par Wang et al. Figure 8 : Schéma de formation des suies proposé par Wang et al. La réduction des suies La formation des suies est problématique dans un procédé de pyrogazéification. D’abord, elle réduit son rendement énergétique. Ensuite, les émissions de suies ont un impact sur l’environnement : pollution de l’air, des eaux et des sols. Enfin, des effets négatifs sur la santé de l’homme sont connus : les suies sont cancérigènes [118,119]. Il faudrait trouver des voies et moyens, soit pour les empêcher de se former ou soit pour les réduire. Qin et al ont réalisé des travaux de recherche en pyrogazéification sur l’effet de l’oxygène, de la vapeur d’eau, du temps de séjour et de la température sur la réduction de suies dans un réacteur à flux entrainé. Ils ont aussi conclu que ces paramètres contribueraient à la réduction des suies. Ils ont également observé que le rendement en suies est fonction de la nature de la biomasse. En effet, en comparant le rendement en suies de la gazéification du bois à celui de la paille de blé dans les mêmes conditions, ils ont observé que le rendement en suies de la paille de blé était inférieur à celui du bois. L’analyse ICP de deux biomasses a révélé que la paille de blé a une teneur élevée en potassium. Ils ont conclu que le potassium limiterait la formation de suies. Leur conclusion a été confirmée plus tard par les études réalisées par Trubetskaya et al et Umeki et al. 35 Chapitre 1 : Revue bibliographique La morphologie des particules de suies (taille et forme, structure interne, fonction de surface) dépend de la température, du temps de séjour et du type de biomasse. Elle influence considérablement leur réactivité pendant la pyrogazéification. Par exemple, Septien a observé que les suies produites à 1000°C sont moins réactives que celles produites à 1400°C. 1.3.1.3 Conversion du char Le char est principalement composé de carbone. Sa composition élémentaire est fonction de la biomasse initiale et des conditions de la pyrolyse. Sa composition chimique comprend une partie organique (C, H, O, N, S) et une partie minérale (Na, K, Ca, Mg, les métaux lourds…). La conversion ou gazéification du char est une réaction hétérogène entre le carbone du char et la vapeur d’eau ou le dioxyde de carbone ou l’hydrogène à travers les réactions 1.12, 1.11 et 1.13. Ces réactions sont endothermiques. Le char peut aussi être oxydé partiellement ou de façon complète pour apporter de la chaleur au procédé à travers les réactions 1.9 et 1.10 du Tableau 6. Les réactions de gazéification du char avec la vapeur d’eau ou le dioxyde de carbone sont lentes (il faudrait des temps de séjour long pour avoir une conversion complète du char) et constituent donc l’étape cinétiquement limitante du procédé de pyrogazéification [7,124]. La réactivité du char dépend de plusieurs facteurs, tels que sa structure morphologique, sa teneur en oxygène ou la présence d’éléments inorganiques. Aussi, cette stratégie permettrait d’éviter la fusion des cendres. 1.3.2 Procédés de pyrogazéification Les procédés de pyrogazéification peuvent se classer de différentes façons. Nous avons fait le choix de les regrouper en deux familles : - Les procédés mono-étagés : lit fixe, lit fluidisé, flux entraîné et four tournant - Les procédés bi-étagés : les réacteurs de Xylowatt et de TAPRO, les réacteurs séparés physiquement. 1.3.2.1 Les procédés à lit fixe Il s’agit d’un réacteur vertical. La biomasse est introduite dans la partie supérieure du réacteur. Elle descend par l’effet de la gravité au fur et à mesure que la réaction avec l’agent oxydant (principalement l’air) se produit. Les cendres ou le char formé sont récupérés dans la partie inférieure du réacteur. Il existe deux configurations : contre-courant et co-courant (Figure 9). 36 Chapitre 1 : Revue bibliographique Dans le lit fixe contre-courant, l’agent oxydant est introduit par le bas du réacteur et le gaz formé quitte le réacteur par sa partie supérieure. Il est simple et accepte tout type de biomasse. Le syngaz produit est cependant chargé en goudrons et en particules solides. Dans le lit co- courant, le gaz formé est évacué par le bas du réacteur, près de la zone la plus chaude. Le syngaz est beaucoup moins chargé en goudrons et fines particules par rapport au réacteur à contre- courant. Les différentes étapes de la pyrogazéification sont difficiles à localiser avec précision dans les réacteurs à lit fixe. La température de la zone de séchage et de pyrolyse varie entre 150°C et 400°C, celle de la combustion de 900°C à 1150°C et la gazéification du char 700-900°C. Les réacteurs à lit fixe, particulièrement co-courant, sont viables pour la production d’électricité à petite échelle classiquement 100 kW à 3 MW entrants, grâce à leur construction simple et de leur adaptation à diverses biomasses (balles de riz, résidus agricoles, bois…). Les réacteurs à lit fixe sont généralement autothermiques. Figure 9 : Les réacteurs à lit fixe (adapté de [127,128]) 1.3.2.2 Les procédés à lit fluidisé Dans les réacteurs à lit fluidisé, les particules sont en suspension, favorisant les transferts thermiques et de matière entre le gaz et le solide. Les vitesses apparentes de réaction sont plus importantes que dans les réacteurs à lit fixe. L’agent oxydant assure à la fois la fluidisation et les réactions chimiques. La fluidisation n’est possible qu’avec des particules de petite taille (2 à 5mm), nécessitant ainsi un prétraitement de la biomasse. Les étapes de la pyrogazéification 37 Chapitre 1 : Revue bibliographique ont lieu dans une seule et même zone du réacteur. Les réacteurs à lit fluidisé peuvent être classés en deux catégories en fonction de la vitesse de fluidisation (Figure 10). Le lit fluidisé dense est caractérisé par sa vitesse de fluidisation relativement faible (1 à 2m/s). Ceci favorise le brassage des particules sans les entraîner hors du lit. Les gaz produits, chargés en fines particules, sortent par le haut du réacteur, et le char est retiré du lit par des systèmes adaptés. Le lit fluidisé circulant est caractérisé par une vitesse de fluidisation plus élevée (4-6 m/s), ce qui entraîne les particules hors du réacteur. Un cyclone permet de séparer la phase solide, pour la faire ensuite retourner dans la chambre de réaction. La phase solide est donc continuellement en mouvement dans le réacteur. Figure 10 : Les réacteurs à lit fluidisé 1.3.2.3 Le procédé à flux entrainé Le réacteur à flux entrainé est vertical et co-courant (Figure 11). La vitesse de fluidisation (nettement supérieure à 6 m/s) est telle que la vitesse des particules est proche celle des gaz. Le combustible est introduit sous forme pulvérisée. La réaction se fait à très haute température entre 1200 et 1500°C. Le gaz produit est très propre. Cependant, le temps de séjour du solide dans le réacteur est très faible et ne permet pas la conversion totale du solide. L’un des 38 Chapitre 1 : Revue bibliographique inconvénients du réacteur à flux entrainé est l’utilisation d’une poudre de biomasse très fine. L’obtention de cette dernière entraîne des coûts supplémentaires de prétraitement. Figure 11 : Le réacteur à flux entrainé 1.3.2.4 Le réacteur à four tournant Le four tournant est constitué d’un cylindre légèrement incliné de 1 à 3° par rapport à l’horizontal. Le cylindre tourne autour de son axe à une vitesse de rotation qui varie entre 0,5 et 30 tr/min. La charge dans le cylindre se déplace de l’entrée vers la sortie sous l’effet de l’angle d’inclinaison et de la vitesse de rotation. Cette charge subit un mouvement axial et un mouvement transversal en plus des phénomènes de transferts thermiques et de matières. Le four tournant est utilisé couramment dans l’industrie de la métallurgie et dans d’autres applications comme le mélange des poudres, la calcination des calcaires, la réduction du minerai de fer et la transformation de l’aluminium. Son utilisation s’est étendue à l’incinération des déchets urbains solides et à la pyrolyse lente pour la production de char. Dans la littérature, le four tournant a été aussi utilisé pour la gazéification des pneus usés ou de la biomasse [132,133]. Le four tournant a de nombreux avantages : - bon mélange (uniformité de la température) - flexibilité d’ajustement du temps de séjour. En effet, la variation de la vitesse de rotation et celle de l’angle d’inclinaison permettent de modifier le temps séjour [129,134]. 39 Chapitre 1 : Revue bibliographique - acceptabilité de matériaux hétérogènes (un prétraitement important de la matière à traiter n’est pas nécessaire ). Le four tournant sera utilisé dans cette thèse pour la pyrolyse de la biomasse. Les résultats issus de travaux de la pyrolyse de biomasse en four tournant sont résumés dans le Tableau 9. Les procédés mono-étagés ont des avantages et des inconvénients. Le lecteur pourra se référer à la review de Molino et al et de Sansaniwal et al pour plus d’information sur les forces et les faiblesses de chaque procédé. Le Tableau 8 donne le pouvoir calorifique, la concentration en goudrons et en particules du syngaz pour différents réacteurs : lit fixe, lit fluidisé et flux entrainé. Tableau 8 : Caractéristiques des procédés mono-étagés de pyrogazéification à l’air ( [137,138]) Lit fixe Lit fixe co- Lit fluidisé Lit fluidisé Lit flux contre - courant dense circulant entrainé courant PCI du gaz 5-6 4,5-5 3,7-8,4 4,5-13 4-6 (MJ/Nm3) Goudron (g/Nm3) 30-150 0,0015-3 3,7-61,9 4-20 0,01-4 Cendres et Particules dans le Élevé Faible Élevé Élevé Faible gaz produit H2 8-12 7,5 - 15 12 - 26 5-7 CO 15-22 8,5 - 22 15 - 22 11 - 22 CO2 5-8 8 - 27 11 - 25 13 - 18 N2 60-70 44,6 - 54 < 50 < 55 CH4 1- 3 1,5 - 5 2-7 2-3 40 Chapitre 1 : Revue bibliographique Tableau 9 : Des résultats de la pyrolyse de biomasse en four tournant Rendements massiques (%) Composition volumique (%) Ref Type de bois ω (tr/min) α (°) Temp (°C) Char Biohuiles Gaz CO H2 CO2 CH4 C2-C3 3 0,57 650 19 34 47 70,6 8,0 10,9 7,94 2,55 Granulés de 4 0,57 700 18 28 54 69,2 9,9 9,8 8,4 2,74 bois mou 4 0,57 750 18 27,5 54,5 57,4 16, 3 10,5 11,7 3,9 Sciure de bois 3 - 800 18,6 37,6 43,8 - - - - - Tissu en 3 - 800 15,9 30,3 53,8 - - - - - coton Carton 3 800 24,8 44 31,2 - - - - - - 700 27,3 38,6 34,1 - - - - - Noyaux 3 d’olive - 900 26,5 38,1 35,4 - - - - - 2 - 700 27,6 44,5 28 28,5 57,2 7,5 15 - Herbe à l’éléphant 4 - 700 27,91 52,9 19,2 29,2 48,9 7,5 12,5 - 41 Chapitre 1 : Revue bibliographique 1.3.2.5 Les procédés multi-étagés Les procédés multi-étagés sont en forte expansion dans le monde. Deux configurations sont courantes : - un seul réacteur avec les zones de pyrolyse et de gazéification séparées, - plusieurs réacteurs séparés physiquement et connectés en série. Il s’agit souvent de l’association de réacteurs mono-étagés. Ils se distinguent par le mode de chauffage : autothermique, semi-autothermique et allothermique. Les procédés multi-étagés paraissent beaucoup plus complexes, mais permettent d’avoir un rendement élevé en gaz, une élimination des goudrons et un taux élevé de conversion de la biomasse [141,142]. Dans les procédés multi-étagés, la biomasse est pyrolysée dans le premier étage, et les gaz incondensables, les biohuiles et/ou le char de la pyrolyse sont gazéifiés/reformés dans le second étage, à des températures élevées (>600°C). 1.3.2.6 Les procédés de TAPRO et de Xylowatt Les entreprises TAPRO et Xylowatt ont modifié les réacteurs à lit fixe co-courant (Figure 12). Les étapes de la pyrogazéification sont séparées avec deux entrées d’air pour apporter la chaleur aux réactions endothermiques. Ce sont des procédés autothermiques. La température de pyrolyse est comprise entre 450 et 550°C, celle de la zone d’oxydation partielle avoisine 1200°C, ce qui favorise le craquage des goudrons. La température de la zone de gazéification est généralement inférieure à 800°C. La composition et le pouvoir calorifique du gaz ainsi que la concentration en goudrons sont consignés dans le Tableau 10. Le syngaz produit est dilué par l’azote et le pouvoir calorifique inférieur à 6 MJ/Nm3. 42 Chapitre 1 : Revue bibliographique Tapro Xylowatt Figure 12 : Procédés multi-étagés : Tapro et Xylowatt 1.3.2.7 Procédés multi-étagés : réacteurs séparés physiquement Mednikov et al ont dressé un état de l’art détaillé sur les procédés multi-étagés avec les réacteurs physiquement séparés. Nous ne les détaillons pas tous dans le manuscrit. Le plus connu et le plus cité dans la littérature est le procédé « Viking », mis au point par l’Université Technologique du Danemark (DTU). Ce procédé est constitué d’un réacteur de pyrolyse à vis sans fin connecté en série avec un réacteur de gazéification à lit fixe co-courant. Le séchage et la pyrolyse ont lieu dans le premier réacteur entre 500 et 600°C. C’est un procédé semi- autothermique. Le premier réacteur est chauffé indirectement. Les produits de la pyrolyse sont introduits dans le second réacteur. L’air est injecté au-dessus du second réacteur, ce qui entraine une combustion partielle des produits de la pyrolyse pour apporter de la chaleur aux réactions du deuxième réacteur, et pour favoriser le craquage des goudrons. La concentration en goudrons du syngaz est inférieure à 15 mg/Nm3. L’entreprise allemande LiPRO a développé un procédé similaire à celui du DTU (Figure 13) qui est prêt pour la production d’électricité. Le syngaz est moins dilué par l’azote que celui du procédé de l’entreprise Xylowatt et le pouvoir calorifique est d’environ 6 MJ/Nm3 (Tableau 10). 43 Chapitre 1 : Revue bibliographique Procédé « Viking » Procédé « LiPRO » Figure 13 : Procédés multi-étagés : Viking et LiPRO L’entreprise suédoise Cortus a développé un procédé tri-étagé appelé « Wood Roll » (Figure 14). Le séchage (à 105°C), la pyrolyse (entre 350 et 450°C) et la gazéification du char (à 1100°C) sont réalisés dans trois réacteurs en série. Les matières volatiles de la pyrolyse sont brulées pour apporter l’énergie à la pyrolyse (procédé allothermique) et à la gazéification du char. Contrairement au procédé Viking, seul le char est gazéifié à la vapeur d’eau. Le syngaz produit est dépourvu d’azote ; la concentration en goudrons est faible et le ratio H2/CO est supérieur à 2 (Tableau 10). Un autre procédé qui permet de produire un syngaz sans azote est le FICFB (Fast Internal Circulating Fluidised Bed) installé à Güssing en Autriche, en Suède (GOBIGAS) et en France (GAYA). Il est constitué de deux zones : une zone de gazéification (à gauche) et une zone de combustion (à droite). Le char est peu gazéifié dans la zone de gazéification ; il transite vers la zone de combustion. Cette dernière fournit la chaleur à la gazéification de la biomasse via une charge circulante de sable. La vapeur d’eau est utilisée comme agent oxydant. Le syngaz est de bonne qualité et apte pour des applications autres que l’utilisation dans un moteur pour la production d’électricité. 44 Chapitre 1 : Revue bibliographique WoodRoll FICFB Figure 14 : Procédés multi-étagés : Wood Roll et FICFB Le Tableau 10 donne les caractéristiques des procédés multi-étagés. On peut noter que les procédés allothermiques permettent d’avoir un syngaz avec très peu d’azote avec un PCI supérieur à 12 MJ/Nm3. Tableau 10 : Caractéristiques procédés multi-étagés [138,148] Viking Tapro WoodRool Xylowatt LiPRO FICFB PCI du gaz 6 5,6 - 5,9 9 - 11 5,25 5,7 12 (MJ/Nm3) Goudron

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