CM 3 - Anthropologie (1) - Religion, Magie, Science PDF
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This document provides a detailed study of religion, magic, and science, from an anthropological perspective. It explores the concepts of magic and the ways it differs from religion and science, highlighting different theories and examples from various cultures.
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Religion, magie, science (CM 3 - 30/09) « Un jour qu’une bande de Boshiman Kung venait de terminer le rite de la pluie, un petit nuage apparut à l’horizon, grandit et noircit. Puis la pluie tomba. Des anthropologues demandèrent à ces hommes s’ils pensaient que le rite avait engendré la pluie. On l...
Religion, magie, science (CM 3 - 30/09) « Un jour qu’une bande de Boshiman Kung venait de terminer le rite de la pluie, un petit nuage apparut à l’horizon, grandit et noircit. Puis la pluie tomba. Des anthropologues demandèrent à ces hommes s’ils pensaient que le rite avait engendré la pluie. On les couvrit de sarcasmes. Comme nous sommes naïfs quand il s’agit de la croyance des autres ! » (Mary Douglas, De la souillure, 1967) ⇒ magie : attribuer croyance aux autres La Magie : - Vision « primitiviste » de la magie: une causalité immédiate, lien entre les actions des humains et les effets sur le macrocosme, croyance littérale dans les métaphores - Faire la danse de la pluie reviendrait à causer la pluie pour les primitifs - Attribution d’une « mentalité primitive » (Lévy-Bruhl) aux populations « primitives » dans le cadre des rites « magiques » « L'usage s'est instauré de proposer en guise de définition une sorte de localisation différentielle de la magie par rapport à deux autres ensembles : la science et la religion. » (Jorion et Delbos) ⇒ ce n’est pas vraiment une religion ni une science La magie s’oppose à la science, comme conception erronée de la causalité. ⇒ Magie = la « science » des primitifs La magie s'oppose à la religion, comme superstition primitive, sans dimension métaphysique. ⇒ Magie = la « religion » des primitifs PLAN : I - La magie, une science primitive? (Frazer, Lévy-Bruhl) II- Repenser l’efficacité magique par le rite (Mauss, Malinowski) III- Magie et sorcellerie: réseau de relations et pouvoir (Evans Pritchard, Favret-Saada, Geschiere) 1 I- La magie comme science primitive (Frazer, Lévy-Bruhl) A) La magie comme anti religion et pré-science: imaginaires occidentaux - Mage < terme perse, prêtres d’Ahura Mazda (zoroastrisme, culte du feu, initiation ésotérique) - Alchimie: y voir clair dans le mystère de la création divine. Comprendre les transformations de la matière, la transmutation des métaux, le secret de la vie. Cf. De Magia (Giordano Bruno, humaniste condamné par l’église) - Côté diabolique de la connaissance: mythe de Faust - Méprisé par les sciences métaphysiques à cause du côté empirique, expérimental. Puis par les sciences mathématiques et chimiques (XVIIe et XVIIIe siècle) ⇒ connaissance du monde qui a été diabolisé par la religion ⇒ réflexion de la magie est mal placé dans l’histoire B) James Frazer (1854-1941), Le rameau d’or 1890 (+ rééd.) ⇒ anthropologue de fauteuille Le titre “Rameau d’or”: - Coutume du « roi de Némi » (Rex Nemorensis, prêtre de Diane) ⇒ pour devenir roi de Némi il fallait tué avec un rameau d’or - Îlot de barbarie dans l’Italie romaine antique, modèle de mesure et de raison >> comment rationaliser (expliquer rationnellement) ces coutumes ? Il développe une théorie : une vaste compilation comparative, toute une théorie de la magie. Il fait une véritable théorie de la magie : ⇒ évolutionnisme classique en 3 étapes 2 2 types de magie, 2 type d’association : - Magie homéopathique / loi de similitude - Magie contagieuse / loi de contagion Magie homéopathique ⇒ Loi de similitude : « Tout semblable appelle son semblable, un effet est similaire à sa cause ». - Agir sur des reproductions : ⇒ exemple : effigies de bois au cœur percé d’une aiguille des Ojibwas dépôt d’une statuette de mouton pour avoir des troupeaux florissants. - Faire « comme » (mime): ⇒ exemple : femmes de l’Anno (côte d’ivoire), on berce et allaite la statuette de l’enfant désiré. ⇒ exemple : le chamane imite les torsions de douleur (estomac qui se décroche chez les paysans du Perche) pour prendre sur lui le mal du patient. Rites aborigènes: on saute comme des kangourous pour la chasse. - Des tabous : ⇒ exemple : ne pas tricoter quand on est enceinte (Europe paysanne) ⇒ exemple : les femmes Dayak (Nouvelle-Guinée) ne huilent pas leur chevelure qd les hommes sont à la guerre - Prendre une qualité d’un objet : ⇒ exemple : Cherokees en hiver se frottent les pieds de cendre en imitant les cris et gestes du renard, loup, daim, opossum, animaux dont les pattes ne gèlent pas. Magie contagieuse ⇒ Loi de contagion : Raisonnement par synecdoque (partie pour le tout) ou proximité - Tabous et interdits sacrés : ⇒ ne pas toucher ce qui est magique : risque de contagion - Traitement rituel des éléments corporels : ⇒ exemple : rognures d’ongles, cheveux, sang menstruel utilisé pour sorcellerie (Mélanésie), placenta enterré en terre natale (Sibérie) ⇒ Dayaks (Bornéo): on boit de l’eau chaude quand on a blessé un ennemi pour irriter sa plaie. Inversement, le blessé conserve la pointe qui l’a blessé au frais, pour éviter l’infection. ⇒ empreintes : pour la chasse (Allemagne), pour attraper les sorcières (Suffolk): clou dans l’empreinte. 3 Magie et science: les lois du monde « Quand la magie se présente sous sa forme pure et inaltérée, elle suppose que, dans la nature, les phénomènes se suivront infailliblement et invariablement, sans pour cela faire appel à l’intervention d’un agent personnel ou spiritual. Sa conception fondamentale est ainsi semblable en tous points à celle de la science moderne ; le système intégral repose sur une foi, aussi implicite que réelle et solide, dans une nature coordonnée et uniforme. (…) étroite est l’analogie entre la conception magique et la conception scientifique du monde. » (J. Frazer, Le rameau d’or) ⇒ La magie est comme la science: - des lois générales dont on croit qu’on peut faire usage pour agir sur le monde. - comme la science, un art qui possède un aspect théorique et un aspect pratique. ⇒ Mais contrairement à la science, les « primitifs » prennent leurs représentations pour la réalité, et les lois d’association qui président à la magie pour des lois causales qui régissent effectivement le monde. C) Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) : La « mentalité primitive » comme façon de comprendre les raisonnements qui échappent à notre rationalisme « La mentalité primitive, comme la nôtre, s’inquiète des causes de ce qui arrive. Mais elle ne les cherche pas dans la même direction. Elle vit dans un monde où d’innombrables puissances occultes, partout présentes, sont toujours ou agissantes ou prêtes à agir. (…) Ces réalités-là sont, pour lui, les plus réelles. Sa foi s’exprime dans les plus insignifiants comme dans les plus importants de ses actes. Toute sa vie, toute sa conduite en sont imprégnées. » ⇒ Combat 2 préjugés : - Le sauvage ne s’intéresse qu’aux éléments utiles du monde qui l’entoure, il est incapable de pensée abstraite. - Contre une démarche intellectualiste qui présuppose l’universalité de la faculté de raison, mais en la distribuant inégalement aux primitifs et aux civilisés. POUR LUI : Les faits ethnographiques prouvent que le sauvage a plein de croyances, à tel point qu’il ne voit le monde que par le prisme de ses croyances. La pensée primitive n’est pas l’enfance de la nôtre ; si elle est différente c’est qu’elle a sa logique propre, une pensée « prélogique » ou « mystique ». Le « primitif » croit (comme chez Frazer) que la nature n’est régie que par des forces surnaturelles. ⇒ exemple : S’il pleut, c’est que le dieu de la pluie fait pleuvoir. ⇒ Les crocodiles sont naturellement inoffensifs, une attaque de crocodile est en fait l’action d’un esprit ou d’un sorcier. 4 Apport : La mentalité primitive n’est pas contradictoire avec la faculté de raison, mais elle est une actualisation culturelle qui lui laisse peu de place en pensant tout au prisme du surnaturel. Limites : - Universalisation: Les primitifs pensent tous et toujours comme ça. Laisse peu de place au déploiement de la diversité ethnographique. - Essentialise des catégories de travail: « pensée primitive » devient non une faculté humaine autre que la faculté rationnelle logique, mais un état permanent des « primitifs ». - Grand partage: entre Eux et Nous II - Repenser l’efficacité magique par le rite (Mauss, Malinowski) A) Mauss et l’école durkheimienne: la magie comme fait social ⇒ il n’écrit pas seul « Continuum magico-religieux » : ⇒ acte magique et religieux - Magie = à comprendre comme un fait social. Pas une survivance, si on la trouve encore partout, et si vigoureuse, c’est qu’elle sert à qqch aujourd’hui. (vs. évolutionnisme) - La seule différence entre magie et religion est une différence d’actualisation sociologique, très secondaire pour Mauss : on appelle magique « tout rite qui ne fait pas partie d’un culte organisé ». ⇒ Mauss veut travailler sans les préconceptions du christianisme = « continuum magico-religieux ». - La magie est un produit des représentations collectives. > rassembler tous les faits, toutes les représentations qui suscitent chez les gens l’appellation de « magique ». Caractéristiques transversales de la magie ? Certains objets, difformes, ou au contraire très beaux, parfaits, certaines pierres précieuses, arbres noueux, sont considérés comme dotés de pouvoir magique. Certains êtres atypiques: les roux, les vieilles femmes, les gens au nez crochu, les solitaires, les femmes qui ont leurs règles Certains lieux et temps: grotte, hutte de bois, clairière, pleine lune, équinoxe, etc. 5 Nourrit un imaginaire plus contemporain: - Mircea Eliade, l’association druidique du rocher, de l’arbre et de la source. - Harry Potter, fantaisie, etc. - Les courants Wicca, néo-païen, New Ag Le point commun : risque de contagion > rites pour canaliser la puissance magique : Critique de Frazer: ⇒ exemple : le magicien qui absorbe une maladie ne devient pas malade. Pourquoi? Car il y a des rites qui le protègent : ⇒ La magie consiste non en des lois d’imitation par analogies arbitraires, mais en des rites de séparation, d’appel, d’orientation d’une puissance efficace. - Rites négatifs : empêcher la contagion: écarter de soi ou d’un objet sacré une souillure, établir l’espace et le temps sacré au moyen d’interdits et de purification. Créer un « milieu magique différencié » ou détourner une maladie. - Rites positifs : agir de la façon souhaitée, faire venir la pluie, obtenir de la chance à la chasse, etc. - VARIABILITÉ des formes des rites MAIS fonction unique : rendre présente une puissance, l’orienter vers l’action que l’on souhaite. La puissance qu’on cherche à maîtriser lors des pratiques magico-religieuses peut elle aussi prendre différentes formes (force abstraite, personnification d’éléments naturels, divinités mythologiques, dieu suprême) selon les cultures. ⇒ MAIS dans tous les cas, c’est le même processus: canaliser un pouvoir invisible dans l’intérêt des humains Nom pour capter cette puissance à canaliser : théorie du mana « la force par excellence, l’efficacité véritable » Mana notion mélanésienne d’un « pouvoir » contagieux (d’après Codrington, Fidji: « vecteur diffus de pouvoir spirituel ou d’efficacité symbolique supposé habiter certains objets et personnes ») Le mana = différents contextes pour désigner une force, un être, un pouvoir aussi bien que sa manifestation, influence, à maintenir dans des cadres délimités pour éviter qu’il n’agisse de façon incontrôlée ou nuisible (d’où les tabous) : 6 Exemple : - Tabou des chefs, des objets et lieux sacrés > proximité, vision, contact rend malade. - beauté sidérante d’un objet ou d’une personne. - pouvoir qui fait croître les récoltes. - pouvoir de guérir et d’agir du magicien Ce n’est pas seulement une notion locale, mais idée qu’on retrouve dans d’autres cultures et langues : wakan (sioux), kramat (Malais), hasina (malgache), orenda (Iroquois), brahman (hindi) ⇒ généralisable Le Mana : Derrière tout ce qu’on appelle magique à travers les époques et les cultures : représentation collective d’un pouvoir invisible, mais qui a des effets concrets. Une force contagieuse qu’il faut orienter pour la faire agir à sa guise, à l’aide de spécialistes (magiciens), d’objets et de rites. ⇒ L’efficacité principale du mana, c’est de faire croire à sa propre existence. Le rite instaure la frontière sacrée / profane. Tout rite a donc une double fonction : - aux yeux du public, agir sur les récoltes, la maladie, l’ennemi, etc. - aux yeux du sociologue : nourrir la croyance du public dans cette force elle-même en réactualisant la distinction profane/ sacré au cours des rites. On fait comme si cette force existait, et c’est ça qui la fait exister. ⇒ La croyance (en le mana contagieux) est créée par le rite qui établit un pourtour de protection de la contagion La magie: un rêve d’efficacité, un besoin social : Est ce que le magicien: un charlatan qui fait croire en son pouvoir en abusant de la crédulité des gens ? Non, la société institue le magicien, et souvent contre son gré, avec des étapes de reconnaissance collective. ⇒ exemple : Magicien australien (Mauss), chamane sibérien (Hamayon, Stépanoff). La magie, un besoin de tout groupe humain: croire en cette efficacité invisible, d’un ordre distinct de celui des lois de la nature. Rêve de puissance immédiate, directe, sur le monde, que nous savons impossibles, mais qu’il est indispensable de maintenir >> D’où la persistance de la magie/ du magico-religieux : par elle, « la société se paie elle-même de la fausse monnaie de son rêve». 7 B) Bronislaw Malinowski (1884–1942) : Ritualiser l’optimisme Idées de Malinowski : Les « primitifs » ne sont pas bêtes. Ils ont un artisanat, des techniques développées qui supposent des rudiments de science: faire flotter un bateau, faire pousser des taros, tisser des filets de pêche, etc. ⇒ ils savent pêcher, ils savent cultiver.. Les actes magiques n’ont pas pour fonction de remplacer la technique, ils interviennent pour suppléer à l’incertitude des actes techniques, pour rassurer l’humain sur sa réussite. ⇒ rites magiques où la technique n’atteins (la préparation) se suffit pas ⇒ La magie possède de la science le côté pratique et de la religion le domaine du sacré. >>> “The function of magic is to ritualize man’s optimism…” La magie des Jardins d’Omarakana (Trobriand) : ⇒ Rites oraux, en forme de prières, pour faire croître les récoltes de taros et ignames, offrandes. Menées par un spécialiste rituel en présence de tout le groupe. Malinowski : pas la question A QUI ça s’adresse (entités invisibles, cf. Tylor), mais COMMENT, PAR QUI, DANS QUEL CONTEXTE. Non la croyance, mais l’acte. Remarque de Malinowski : 1- un langage (in)intelligible 2 - conditions de l’énonciation 3 - une théorie de la performativité 8 1. l’(in)intelligibilité du langage magique : vatuvi vatuvi vatuvi vatuvi vitumaga, imaga vatuvi vatuvi vatuvi vatuvi vitulola ilola ⇒ Des répétitions sonores à l’écoeurement ⇒ Des mots rares ou archaïques i-maga, i-lola ⇒ Des « comparaisons négatives » du type « ceci n’est pas ton œil, ton œil est pareil à celui de la fourmi noire ». ⇒ Des énoncés très clairs « demain nous pénétrons sur les emplacements des jardins, kay ». ou encore « je te frappe, ô sol ». expressions ordinaires, mais revêtues de signification magique. ⇒ Le langage magique est toujours psalmodié, chanté, il n’est pas dit comme une parole ordinaire >> un langage qui n’est pas le langage ordinaire sans être « asémique ». 2. Conditions d’énonciation sont les conditions de sens : ⇒ Qui ? Tout le monde connaît les formules du magicien, mais personne ne les explique à Malinowski: elles tirent leur valeur de ce « secret » maintenu. ⇒ La manière de dire: « souffle » sur les ignames cueillis, sur les semences à planter, en murmurant les paroles. Pouvoir « substantiel » de la parole (non par le sens, mais par sa nature de souffle efficace). 3. Une théorie de la performativité : Le langage magique comme lieu d’une efficacité en soi : - fonction de faire croire en son pouvoir, - et en même temps d’unir les hommes dans une tâche de coopération jardinière. fonctionnaliste : la parole est magique parce qu’on a foi en son efficacité, foi entretenue par la façon dont elle est performée. Pouvoir performatif (« qui fait un acte ») de la parole: > « le sens, c’est la modification effective qu’apporte l’énoncé dans la situation à laquelle il est uni. » ⇒ exemple : la rumeur peut causer le mal >>> Définit l’acte magique comme « un faux acte technique, mais un vrai acte social » qui unis les hommes (Malinowski, repris par Tambiah) 9 III- Magie et sorcellerie : réseau de relations et pouvoir (Evans-Pritchard, Favret-Saada, Geschiere) A) Edward E. Evans-Pritchard (1902-1973) Witchcraft et Sorcery (Azandé, sud Soudan), 1937 Notions vernaculaires / émiques de « magie » : ⇒ Mangu : sorcellerie corporelle ou personnelle (witchcraft) ⇒ involontaire qui sort du corps : - Récits vampiriques (sorcellerie de l’âme) - Substance corporelle, autrefois extraite par autopsie. - Substance qui s’échauffe. On peut la refroidir en « crachant de l’eau ». ⇒ Ngua: magie instrumentale (magic/ medicine) ⇒ elle est volontaire on doit utiliser des plantes, formules, sorts pour qu’elle fonctionne : - Bonne ou mauvaise selon l’usage ⇒ Kitikiti ngua : magie maléfique (sorcery, bad magic). ⇒ Wene ngua : bonne magie (good magic). - Utilisée pour protéger les fermes, les récoltes, etc. - Comme contre-sort en cas d’attaque sorcellaire VOIR SCHÉMA diapo 43 Sorcery and Witchcraft: casser les dichotomies occidentales : Magie / sorcellerie Corporelle (witchcraft) / instrumentale (sorcery si mauvais usage) Bonne / mauvaise ⇒ décaler les grande divisions et décide de traduire Corporelle (witchcraft) / instrumentale (sorcery si mauvais usage) Procédure d’accusation sorcellaire : - Soupçon de sorcellerie (witchcraft); pas d’autre cause plausible pour expliquer un malheur. Soupçonner un « sorcier » malgré lui. ⇒ il faut vraiment vérifier - On interroge les oracles : divination en donnant une liane toxique à des poulets. Questions par oui / non: « est-ce Untel? ». « si c’est oui, poison, tue le poulet. Si c’est non, poison, épargne le poulet. » - Une fois que l’oracle à trouver le sorcier on doit l’accuser publiquement la personne qu’on soupçonne, avec l’aile du poulet mort. On lui demande de « cracher de l’eau » pour refroidir la substance, en signe de bonne volonté. L’homme accusé, tout surpris, doit s’exclamer « je n’ai pas eu l’intention de faire du mal, mais si c’est bien moi qui ai causé ton malheur, je vais faire en sorte qu’il s’arrête ». 10 - Si cela ne marche pas, on appelle un magicien qui peut faire lancer un contre-sort (ngua), mais en cas d’erreur, le sort revient nuire au destinataire. Catégories émiques et analytiques: Magie corporelle (witchcraft) vs. instrumentale (sorcery) - Sorcellerie: idiome du malheur humain, quotidien. (vs. vision occidentale) ⇒ quelque chose d’ordinaire - Les « sorciers » n’existent pas. L’accusation sorcellaire seule les fait exister ⇒ ce qui existe c’est l’accusation sorcellaire qui fait exister les sorciers - Le but c’est de la procédure est de réguler l'ordre sociale entre voisins de fermes familiales moyennes ⇒ réactive tout un réseau de relations sociales (CM 4 - 07/10) B) Jeanne Favret-Saada (1934-) Les Mots, la Mort, les Sorts. La Sorcellerie dans le bocage (1977) ⇒ les mots amènent le risque d’avoir de la sorcellerie De l’extérieur, on est toujours dans une assignation de croyance : « dire, en effet, qu’on étudie les croyances de sorcellerie, c’est s’interdire par avance d’y reconnaître aucune vérité: si c’est une croyance, ce n’est pas vrai ». Or, c’est efficace, une efficacité qui passe notamment par les mots, prononcés par certaines personnes dans certaines circonstances. Contexte : fermes laitières du bocage mayennais. = « paysans primitifs » > effet social réel Le triangle d’accusation sorcellaire : ⇒ Constat de la répétition d’un malheur, qui touche la famille élargie, la ferme = accidents de voiture par temps clair, réduction de la production laitière, maladies de peau 4 >> entraînent un soupçon de sorcellerie ⇒ Intervention d’un tiers « annonciateur » qui formule le soupçon de sorcellerie « ça ressemble à un sort. » « tu ne serais pas ensorcelé? » >> quelqu’un d'extérieur de la famille qui va enquêter si cela n'est pas de la sorcellerie ⇒Et si vraiment il est ensorcelé alors la victime contacte un-e désorceleur-se « fort assez » pour retourner le sort vers le sorcier supposé. >> Sel à la poêle (« il le sent passer »); divination par les cartes (lecture prédatrice du tarot de Marseille) 11 VOIR triangle >> entre la victime du sort, l'annonciateur et le désorceleur ⇒ existe sans sorcier mais par le pouvoir des mots cela sera considéré comme des soupçons de sorcellerie Être « pris », être « affecté » pour enquêter : ⇒ pas accessible « de l’extérieur » car parler de la sorcellerie fait naître la sorcellerie - Les mots ont un pouvoir de sort et de morts > on ne peut pas en parler à la légère, raconter des choses dessus. - D’abord prise pour une désorceleuse puissante, puis une victime de sorts > séances chez la désorceleuse Mme Flora. ⇒ pour étudier qui n’existe pas autre que ce triangle, il faut faire partie de ce triangle pour l’étudier - réseau de « places » de pouvoir autant qu’une régulation des tensions entre les fermes familiales C) Peter Geschiere, la sorcellerie en contexte urbain moderne ⇒ Un informateur Maka (Bantou, est Cameroun, 1971) : « là où il y a de l’électricité, la sorcellerie disparaîtra » (missions catholiques) En fait : recrudescence des accusations de sorcellerie en contexte urbain, capitaliste, moderne. Cela touche à différents types de malheurs: santé, banqueroute, changements politiques, pb économiques, etc. ⇒ fait donc de la jalousie face à des réussites politiques ou économiques spectaculaires Ca restera le malheurs : ⇒ Périodes de transition du socialisme à l’économie de marché (Touva, Ch. Stépanoff) ⇒ Rumeurs des « voleurs de sexe » (Gabon, J. Bonhomme) > sorcier dans la ville qui vole le sexe des personnes qu’il faut contrer 12 CONCLUSION : Magie comme forme primitive de religion ou de science? > sacré (religion) > primitive de science (alchimie) Magie à analyser comme fait social, pour son efficacité propre: non ce qu’elle fait sur le monde physique, mais ce qu’elle fait aux gens qui la pratiquent > cohésion social = régularisation et tension Plus largement, magie et sorcellerie comme des dispositifs de régulation sociale : > collectives (Mauss) > inter-individuelles (Evans-Pritchard, Favret-Saada) 13