Procedure Civile Chapter 2 PDF

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Université Paris-Panthéon-Assas

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civil procedure legal proceedings civil litigation law

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This document discusses civil procedure, focusing on the conditions for legal actions, such as the absence of a prior ruling on the same matter and the need for a prior conciliation. It also touches upon the concept of the authority of a previous judgment and the necessary conditions for its application, particularly regarding cases involving multiple claims or different legal reasoning.

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PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 manquements de même nature. Le champ du préjudice indemnisable est étendu à tous les types de préjudices, quelle qu'en soit leur nature. L'action peut être exercée afin d'obtenir la réparation des préjudices, mais également la cessation du manquement. ✱ Les autres points...

PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 manquements de même nature. Le champ du préjudice indemnisable est étendu à tous les types de préjudices, quelle qu'en soit leur nature. L'action peut être exercée afin d'obtenir la réparation des préjudices, mais également la cessation du manquement. ✱ Les autres points importants sont un élargissement de la qualité pour agir à un certain nombre d'associations ou d'entités : les quinze associations agréées, les associations syndicales représentatives dans certains cas. Ne figurent toujours pas dans la liste les avocats. ✱ Le texte prévoit la spécialisation de certains tribunaux judiciaires pour connaître des actions de groupe. ✱ Il est prévu que l'État puisse prendre en charge totalement ou partiellement les frais d'instruction de l'action de groupe, à condition qu'elle présente un caractère sérieux. Reste pour l'instant la déception qui concerne deux points : ● L'opt-out reste totalement exclu ; ● Les mesures de financement restent insuffisantes : il n'est pas prévu de créer un fonds. TITRE 2 12/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 CHAPITRE 2 – LES CONDITIONS OBJECTIVES DE L'ACTION Les conditions objectives de l'action en justice sont énumérées par l'article 122 du CPC : ● Il ne faut pas qu'il y ait prescription ; ● Il ne faut pas qu'un délai préfixe soit expiré ; ● Il ne faut pas que la chose ait déjà été jugée La jurisprudence a ajouté des conditions : ● Il ne faut pas qu'il y ait une contradiction au détriment d'autrui ; ● Une éventuelle clause de conciliation ou de médiation préalable obligatoire doit avoir été respectée SECTION 1 – L'ABSENCE D'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE I. Signification de l'autorité de la chose jugée Selon l'article 480 du CPC, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure une fin de non-recevoir ou tout autre incident, a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Cela signifie que l'existence d'un jugement qui statue sur une demande interdit aux parties de former à nouveau cette demande devant un juge, et ce dès son prononcé, même si ce jugement est susceptible de faire l'objet d'une voie de recours. Si une partie forme une demande et en est déboutée par un jugement, elle ne peut pas à nouveau saisir un juge de première instance, mais elle peut faire appel, à supposer que le jugement soit susceptible d'appel, c'est-à-dire que l'enjeu du litige soit supérieur à 4000€ et qu'elle soit toujours dans le délai d'appel d'un mois à compter de la notification du jugement. Il faut distinguer trois notions : ● L'autorité de la chose jugée : elle s'attache à tous les jugements qui tranchent un point litigieux ; ● La force de chose jugée : c'est le caractère de la décision qui n'est plus susceptible de faire l'objet d'un recours suspensif d'exécution : ➔ l'appel ; ➔ l'opposition Ces recours sont suspensifs d'exécution : cela signifie que si un jugement condamne une partie qui fait appel, elle n'a pas à l'exécuter tant que la procédure d'appel est en cours. Lorsque le jugement n'est pas susceptible d'appel ou de suspension d'exécution, au moment où le délai de recours d'un mois expire, on dit que le jugement passe en force de chose jugée. À partir de ce moment-là, il acquiert force exécutoire. ● Le caractère irrévocable des jugements : c'est le caractère qui concerne un jugement qui non seulement n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours suspensif d'exécution, mais même d'un recours non-suspensif d'exécution, c'est-à-dire une voie de recours extraordinaire (principalement le pourvoi en cassation). Le jugement ne peut plus faire l'objet d'aucun recours : la décision est irrévocable La décision, au moment de son prononcé, a autorité de la force jugée, et ce n'est que dans TITRE 2 13/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 certains cas seulement qu'elle a force de chose jugée. L'autorité de la chose jugée pose donc une interdiction qui se traduit par l'adage latin non bis in idem, « pas deux fois la même chose », c'est-à-dire le même litige. La stabilité juridique exige que le jugement soit définitif. D'un autre côté, on considère qu'il y a un droit des justiciables à voir son procès examiné à nouveau par un tribunal. Pour maintenir un équilibre entre ces deux exigences contradictoires, des voies de recours existent, mais ne concerne ainsi pas tous les litiges. Pour les litiges qui peuvent faire l'objet d'une voie de recours, celle-ci est limitée dans le temps, et au-delà de ce délai, ou à partir de ce second jugement, c'est définitif. Techniquement, cette interdiction se traduit par une fin de non-recevoir. L'absence de chose déjà jugée est une condition objective d'ouverture de l'action en justice. Il faut opérer une dernier distinction : celle entre l'autorité négative de la chose jugée et l'autorité positive de la chose jugée. La jurisprudence ne fait pas la distinction. Les arrêts font allusion à l'autorité de la chose jugée. Le Code non plus ne fait pas la distinction. Mais il faut absolument faire la différence, car elles ne s'appliquent pas du tout dans les mêmes situations. En principe, il n'y a pas d'autorité positive de la chose jugée en droit français, sauf exception. Dans une situation d'autorité positive de la chose jugée, un litige est soumis à un juge, avec des points communs avec un premier litige, points communs qui ont déjà reçu des qualifications. La demande est recevable, puisque l'objet de la demande n'est pas le même. La question qui se pose est de savoir si le nouveau juge est lié par les qualifications qu'a donné le juge précédent à ces points communs. Si on estime qu'il est lié, on estimera que le jugement a autorité positive de la chose jugée. L'exception principale est l'autorité du pénal sur le civil : les faits d'une infraction constatés par le juge pénal lient le juge civil lorsqu'il est ensuite appelé à statuer sur les dommages-intérêts dus à la victime. Dans une situation d'autorité négative de la chose jugée, c'est le même litige qui est soumis à nouveau à un juge, ce qui rend la seconde demande irrecevable. II. Les conditions de mise en œuvre de l'autorité de la chose jugée Pour que la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée soit opposée avec succès à une demande, il faut que cette demande ait déjà été tranchée dans le dispositif d'un véritable jugement. Trois conditions doivent être réunies : ● Il faut que ce soit bien la même demande ; ● Il faut que la demande qui a déjà été jugée ait fait l'objet d'un véritable jugement ; ● Il faut que la demande ait déjà été jugée dans la partie du jugement appelée le dispositif, et non pas seulement dans les motifs A) Première condition : la chose doit avoir été jugée Il faut qu'il s'agisse de la même demande que la première fois. L'article 1355 du Code civil (ancien article 1351) dispose que : « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ». C'est l'énoncé de la triple identité : TITRE 2 14/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 ● Parties : les parties doivent être les mêmes, étant précisé que si au cours d'un premier procès, une personne agit comme représentant d'une autre, et qu'elle forme ensuite la même demande en son nom propre, les parties ne sont pas les mêmes ; ● Objet : la chose demandée doit être la même, c'est-à-dire les prétentions, l'avantage demandé au juge d'octroyer ; ● Cause : la cause doit être identique. Dans le CPC, on ne trouve pas la notion de cause, c'est une notion très ambiguë. La cause vise la raison qui fonde le droit du demandeur à obtenir l'obtention de dommages-intérêts. Ce fondement peut s'entendre différemment, il a donc fallu attendre l'arrêt Césareo de l'assemblée plénière du 7 juillet 2006 pour avoir des précisions. Gilbert Césareo avait effectué pour son père un travail dont il n'avait pas été payé. Son père décède, et Gilbert Césareo entend être payé par la succession, et assigne son frère en paiement. Le tribunal le déboute de cette demande, car le fondement juridique invoqué ne lui permettait pas d'obtenir ce qu'il voulait. Gilbert Césareo décide donc d'assigner à nouveau son frère en première instance, en changeant de fondement juridique. Après une première instance, la Cour d'appel est saisie, et le frère soulève la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée. La Cour d'appel déclare effectivement cette demande irrecevable parce qu'elle a déjà été jugée. Gilbert Césareo forme donc un pourvoi en cassation en invoquant l'ancien article 1351 et la tripleidentité, en faisant valoir que la cause n'est pas la même, puisque le fondement juridique a changé, et tel était le sens de la jurisprudence au moment de ce pourvoi. Pourtant, le pourvoi est rejeté, avec l'attendu suivant : « Mais attendu qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Qu'ayant constaté que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à obtenir paiement d'une somme d'argent à titre de rémunération d'un travail prétendument effectué sans contrepartie financière, la Cour d'appel en a exactement déduit que Gilbert Césareo ne pouvait être amené à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation » L'assemblée plénière décide ainsi que même si le fondement juridique a changé, on doit considérer, si tout le reste est identique, qu'il s'agit de la même demande, et qu'elle se heurte ainsi à l'autorité de la chose jugée et est donc déclarée irrecevable. Juridiquement, comment cette nouvelle solution est-elle fondée ? L'arrêt énonce : « Gilbert Césareo ne pouvait être admis à contester l'identité de cause des deux demandes ». Autrement dit, selon la Cour de cassation, il y avait bien identité de cause, parce que dans les considérations qui servent à fonder une prétention, il n'y a pas que des considérations juridiques, des faits sont également énoncés. La Cour de cassation décide que la cause désigne exclusivement les faits, et pas le fondement juridique invoqué. « Comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à obtenir paiement d'une somme d'argent à titre de rémunération d'un travail prétendument effectué sans contrepartie financière », ici, l'assemblée plénière caractérise la tripleidentité formée entre les parties : ➔ identité de parties ; ➔ identité d'objet : comme la demande originaire, elle tendait à obtenir le paiement d'une somme d'argent ; ➔ identité de cause : à titre de rémunération d'un travail prétendument effectué sans TITRE 2 15/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 contrepartie financière. Dans les deux cas, Gérard Césareo estimait qu'il avait droit à une somme d'argent parce qu'il avait fait un travail pour son père qui n'avait pas été payé. Les faits sont les mêmes. On interprète donc désormais différemment la mot cause, plus largement qu'avant. Avant 2006, la cause était le fondement de la prétention défini à la fois factuellement et juridiquement. La cause étaient uniquement les faits qualifiés d'une certaine façon par le demandeur auxquels il avait appliqué une certaine règle de droit. Depuis 2006, la cause sont les faits quelle que soit leur qualification faite par le demandeur. C'est plus simple d'avoir autorité de la chose jugée. Contrairement à ce que pensent certains auteurs, l'exigence d'identité de cause n'a pas disparu. Simplement, la cause n'est plus entendue de la même façon : elle est purement factuelle. Si les faits ont changé entre temps, et que la situation a évolué, la demande sera recevable, il n'y aura pas autorité de la chose jugée. Ce revirement est intervenu pour des raisons de politique judiciaire : il y a un gain de temps net. La Cour de cassation, dans son rapport de l'année 2006, a mis en avant qu'il s'agissait de préserver la loyauté des parties. La conséquence pratique de cette modification de la notion de cause et de l'expansion de l'autorité de la chose jugée est énoncée par la Cour de cassation elle-même dans son arrêt : « Mais attendu qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ». L'instance relative à la première demande fait référence au procès qui a été initié par une première demande. Cela signifie que désormais, puisque les parties ne pourront pas recommencer tout un procès depuis la première instance avec un nouveau fondement juridique, il faut présenter tous les fondements juridiques envisageables lors du premier procès, ce que l'on appelle la concentration des moyens. Cette exigence de concentration des moyens a ensuite été bilatéralisée au profit du défendeur dans un arrêt de la troisième chambre civile du 13 février 2008. Le défendeur aussi doit présenter tous les moyens pour faire rejeter la demande. On exige de lui aussi qu'il pense à tous les moyens au soutien du rejet de la prétention. Le revirement de jurisprudence opéré par l'assemblée plénière le 7 juillet 2006 dans l'arrêt Césareo a déclenché une énorme polémique qui n'est toujours pas résolue sur la nouvelle conception de la cause et de l'autorité de la chose jugée. ✱ Première série de critiques : les critiques du point de vue de la séparation des pouvoirs. Il a été reproché à la Cour de cassation de s'ériger en législateur en modifiant la définition légale de l'autorité de la chose jugée, et d'édicter le principe de concentration des moyens alors même qu'il ne se trouvait pas dans le Code. ✱ Deuxième série de critiques : des critiques du point de vue de la politique judiciaire. Cette solution contribuait à bouleverser l'équilibre entre les rôles respectifs du juge et des parties dans les procès civils en faisant peser une énorme charge sur les parties, là où le CPC avait voulu un équilibre et un rôle actif pesant sur le juge. Cette critique est devenue particulièrement prégnante lorsque la Cour de cassation a rendu un arrêt dans le domaine de l'office du juge, arrêt de l'assemblée plénière du 21 décembre 2007, qui a énoncé qu'en principe le juge n'a pas l'obligation de relever d'office le bon fondement juridique, la règle de droit applicable. Donc si les parties n'y ont pas pensé, et qu'il existe une règle de droit qui aurait pu être invoquée par l'une d'entre elles, le juge a le pouvoir de la relever, mais pas une obligation. La TITRE 2 16/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 combinaison des deux arrêts d'assemblée plénière conduit ainsi à une situation très sévère pour les parties, car le fondement juridique pertinent qui n'avait ainsi pas été relevé en premier procès ne pourra plus être utilisé à cause de l'autorité de la chose jugée. La responsabilité repose ainsi sur les avocats, qui engageront leur responsabilité professionnelle plus souvent, ce qui fera augmenter le prix de leur assurance, et donc probablement le prix de leurs honoraires. Il a aussi été fait valoir que les avocats, par peur d'engager leur responsabilité professionnelle, vont écrire des conclusions interminables à la recherche de tous les fondements juridiques possibles et imaginables, qui sera plus longue à lire pour le juge et retardera l'issue du procès. Pour résumer, on critique ce revirement qui, à nouveau, n'est motivé que par la considération de gérer les flux judiciaires et de réduire le prix de la justice au détriment du justiciable, et en portant atteinte à l'équilibre réfléchi par les auteurs du CPC. ✱ Troisième série de critiques : du point de vue des libertés fondamentales. Il a été fait valoir que cette solution portait atteinte au droit d'accès à un juge. En effet, dès lors qu'une fin de non-recevoir est opposée à la seconde demande, cela signifie que le demandeur (ou le défendeur) n'a pas le droit de voir examinée sa demande sur un autre angle juridique qui n'a encore jamais été examiné. Donc il n'a pas l'accès à un juge pour cet angle juridique. Cette solution a en revanche été approuvée par un assez grand nombre d'auteurs, plutôt spécialistes de droit international privé. Dans d'autres pays, cette solution existe depuis très longtemps. Les objections portées aux critiques sont les suivantes : ✱ Le juge n'a fait que prendre l'ancien article 1351 du Code civil et interpréter le mot « cause » qui n'est pas défini. Il a joué son rôle de juge, pas celui du législateur. ✱ Du point de vue de la partie qui n'a pas pensé à tous les fondements juridiques lors du premier procès, la sanction est effectivement très sévère. Mais l'intérêt de l'autre partie doit aussi être pris en compte : cette partie a subi tout un procès, première instance, appel, cassation, il est donc essentiel que la stabilité juridique joue pour elle et la préserve d'un nouveau procès juste parce que l'autre partie a oublié un fondement. ✱ Les écritures vont certes être plus longues à lire, mais l'allongement du procès par la possibilité d'en refaire un nouveau fait perdre encore plus de temps et d'argent à tout le monde. ✱ Cela dit, il est vrai que la solution serait sans doute moins déséquilibrée si elle ne se combinait pas avec l'arrêt du 21 décembre 2007. Mais la solution à changer n'est pas celle de 2006. Il faudrait considérer, qu'au moins dans certaines circonstances, le juge a l'obligation d'appliquer d'office la bonne règle de droit. Dans ce cas, la sanction de l'irrecevabilité n'interviendra plus si fréquemment puisque le juge aura eu l'obligation lui-même de relever d'office la règle de droit manquée. ✱ Enfin, concernant l'atteinte au droit d'accès au juge, la CEDH admet qu'il puisse y avoir une atteinte (ingérence) si cette ingérence poursuit un intérêt légitime et qu'elle y est proportionnée. Peut-être peut-on dire que c'est le cas en l'espèce. Le but légitime, c'est la stabilité juridique. Si on considère que le demandeur a eu tout un procès pour faire valoir ses fondements juridiques, on peut considérer que le fait qu'il ne puisse plus le faire une fois le procès terminé est une atteinte proportionnée au but légitime. Dans les pays de Common Law, il arrive même qu'il faille concentrer les préjudices, c'est-à-dire que l'on ne pouvait pas faire un deuxième procès alors même que l'objet était différent. Un arrêt de la première chambre civile du 28 mai 2008 a posé la question de cette extension au droit français. Lors TITRE 2 17/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 d'une première instance, le demandeur avait demander l'exécution forcée d'une obligation contractuelle qui avait été inexécutée, et il avait été débouté. La deuxième fois, il a donc demandé des dommages-intérêts. La première chambre civile a exigé qu'il forme les deux demandes au cours du premier procès. Une exigence de concentration des demandes paraissait ainsi posée : « Il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause ». Comme il s'agissait en réalité de deux instances successives en matière d'arbitrage interne, on s'était demandé si la solution était justifiée par ce contexte. D'autres arrêts de la première chambre civile ont semé le doute par la suite. Aujourd'hui, toutes les chambres de la Cour de cassation rejettent le principe de concentration des demandes. La première chambre civile a même déclaré recevable une demande qui n'avait pas été formée au premier procès au motif qu'elle n'avait pas le même objet que la demande qui avait initié le premier procès. Il n'y avait donc pas autorité de la chose jugée, la demande était recevable. B) Deuxième condition : la nature du jugement antérieur Selon l'article 480 du CPC, tout jugement a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Cela signifie que la demande ne sera déclarée irrecevable que si une demande identique a déjà été véritablement tranchée par un jugement. Les jugements qui tranchent une contestation sont les jugements définitifs évoqués par l'article 480 : ce sont les jugements qui tranchent « tout ou partie du principal (le fond), ou le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir, ou tout autre incident ». Quand on dit que ce sont des jugements définitifs, cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas faire l'objet d'une voie de recours (= irrévocables). Ils sont définitifs au sens où ils ne seront jamais remis en cause. Ces jugements définitifs tranchent une contestation, soit qui relève du fond, soit purement procédurale. Ils ont tous autorité de la chose jugée relativement à la contestation tranchée. Cela signifie que si un jugement a statué sur une exception de procédure, on ne peut plus soulever cette exception de procédure, même devant un autre juge. Ordinairement, on énonce en revanche les jugements provisoires : ce sont les jugements rendus : ● ● ● ● Par le juge des référés ; Par le juge des requêtes ; Par le juge de la mise en état ; Par le juge du fond dans un jugement avant dire droit sur une mesure provisoire Ces jugements sont dits provisoires car ils posent une solution obligatoire pour les parties mais qui pourra être remise en cause par la suite si le juge du fond est saisi. Ils ne sont pas revêtis par l'autorité de la chose jugée, et pas visés par l'article 480. Mais en réalité ils tranchent aussi une contestation, simplement ils la tranchent au provisoire. Donc, précisément, cette ordonnance de référé n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal, c'est ce qu'énonce l'article 482 du CPC : « Le jugement provisoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée ». Cela veut dire que si le juge des référés ordonne la mesure, et qu'ensuite l'autre partie saisit le juge du fond qui ne fait pas la même appréciation, il va remettre en cause ce qui a été jugé par le premier juge. La demande sera recevable, la contestation pourra avoir lieu à nouveau devant le juge du fond, on ne lui opposera pas l'autorité de la chose jugée et le juge du fond ne sera pas lié. Mais pour autant, ces jugements, puisqu'ils tranchent une contestation au provisoire, ils sont revêtus de l'autorité de la chose jugée au provisoire. On ne peut pas saisir deux juges des référés TITRE 2 18/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 pour la même chose. C) Troisième condition : la localisation de la chose jugée dans le jugement La fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée avec succès que si la chose a été jugée dans une certaine partie du jugement. En effet, il y a principalement deux parties dans le jugement : ● Les motifs : raisons pour lesquelles le juge prend ses décisions dans la partie du dispositif ; ● Le dispositif : il se situe à la fin : « par ces motifs, condamne telle partie, déboute telle partie de sa demande, etc. ». C'est dans cette partie que se trouve la décision du juge L'autorité de la chose jugée s'attache uniquement à la chose qui a été jugée dans le dispositif. C'est une règle déduite de l'article 480 du CPC. Il arrive que le juge se trompe dans la rédaction du jugement, et oublie d'énoncer sa décision à propos d'une demande dans le dispositif, alors qu'il l'a traitée dans la partie des motifs. Dans ce cas, on parle de motif décisoire : c'est un motif, car il se trouve dans la partie des motifs, mais il est décisoire, parce qu'en réalité il porte la décision du juge. Substantiellement, ce n'est pas un motif, mais la décision elle-même que le juge énonce dans la partie relative aux motifs. La jurisprudence, dans ce cas, refuse d'attacher l'autorité de la chose jugée aux motifs, y compris aux motifs décisoires, en application de l'article 480 (arrêt d'assemblée plénière, 13 mars 2009 : « attendu que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif »). On peut donc à nouveau former les demandes qui n'ont pas été tranchées dans le dispositif devant un nouveau juge. Il existe également des motifs décisifs. Ce sont des motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif : c'est le motif qui justifie la décision. L'autorité ne s'attache pas davantage aux motifs décisifs. SECTION 2 – L'ABSENCE D'EXPIRATION D'UN DÉLAI PRÉFIXE OU D'UN DÉLAI DE PRESCRIPTION I. Les notions de délai préfixe et de délai de prescription Quelle est la différence entre un délai préfixe et un délai de prescription ? Le seul point commun entre le délai préfixe et le délai de prescription est l'irrecevabilité de la demande en justice passé un certain délai. À part ce point commun, le régime est différent. Le délai préfixe ne connaît pas d'autres causes d'interruptions, alors que le délai de prescription en reconnaît deux autres : ● La reconnaissance de sa dette par le débiteur (article 2240) ; ● Un acte d'exécution forcée (article 2244) Par ailleurs, le délai préfixe ne connaît pas de causes de suspension de la prescription, alors que le délai de prescription peut être suspendu, notamment en cas d'impossibilité d'agir pour un cas de force majeure (article 2234). Dernière différence : la prescription ne peut pas être relevée d'office par le juge, même lorsqu'elle est d'ordre public, alors que le juge le peut pour un délai préfixe, et parfois le doit s'il est d'ordre public. Comment savoir si un délai posé par le législateur est un délai préfixe ou un délai de prescription ? TITRE 2 19/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 C'est la jurisprudence qui le détermine, en vertu de certains critères, mais qui ne sont pas clairement dégagés. Ces deux types de délais sont tous les deux interrompus, notamment par la demande en justice. II. L'effet interruptif de la demande en justice La loi du 17 juin 2008 a réformé les délais, notamment le délai de prescription de droit commun. Avant 2008, il était de 30 ans, dorénavant, il est de 5 ans (article 2224 du Code civil) à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. S'agissant d'une créance contractuelle, l'article 2233 précise que ce jour est le jour où la créance devient exigible. A) Les conditions de l'interruption par la demande en justice Selon l'article 2241 alinéa 1 du Code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Selon l'article 2242, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Trois remarques : ✱ 1 – À l'article 2241 alinéa 1, le délai de forclusion vise les délais préfixes et les délais de procédure. Cela signifie que tous les délais, pas seulement les délais de prescription, sont interrompus par la demande en justice. ✱ 2 – L'effet interruptif se produit dès la délivrance de l'assignation au défendeur. Lorsque l'assignation à comparaître devant le TJ est délivrée, l'huissier la délivre au son destinataire, puis le demandeur doit aller au greffe avec l'assignation et la placer, c'est-à-dire la donner au greffe, de façon à ce que le greffe puisse inscrire l'affaire sur le rôle général de la juridiction. On dit qu'il procède à son enrôlement. ✱ 3 – Le délai recommence à courir, à compter de 0, à l'extinction de l'instance (article 2242), c'est-à-dire à la fin du procès. Si des voies de recours sont exercées, le délai de prescription reste interrompu. Il faut donc attendre que le litige ait trouvé sa solution. Le délai recommence donc à courir lorsque le jugement devient irrévocable. Mais l'interruption n'est pas toujours maintenue. B) La pérennité de l'effet interruptif Certains événements postérieurs à l'interruption par la demande peuvent avoir une incidence sur cette interruption. Si un jugement condamnant est rendu, le délai de prescription qui s'applique à un titre exécutoire commence à courir pour 10 ans. Mais s'il se passe autre chose, le Code civil énumère les cas dans lesquels l'interruption est considérée comme non-avenue, puis les cas dans lesquels l'effet interruptif est maintenu, et le cas de la caducité de l'assignation. TITRE 2 20/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 1) Cas dans lesquels l'effet interruptif est non-avenu On considérera que l'on fait comme si la demande n'avait pas interrompu le délai, qui a donc continué à courir pendant tout le temps de l'instance depuis le point de départ initial, et qui a donc pu expirer pendant l'instance. Un second procès ne pourra donc pas être intenté. L'article 2243 du Code civil énonce trois événements : ● Lorsque le demandeur se désiste de sa demande ; ● Lorsque l'instance s'éteint du fait de la péremption ; ● Lorsque la demande est définitivement rejetée : « définitivement » ne peut pas dire irrévocablement, cela veut simplement dire que le juge a statué sur cette demande et ne reviendra pas dessus, il est dessaisi. En vertu de l'autorité de la chose jugée, l'auteur ne pourra pas reformuler sa demande, donc le fait que la prescription soit écoulée paraît un peu vain pour lui. En réalité, effectivement ce troisième événement n'a pas d'intérêt si la demande est rejetée au fond. Mais si elle est rejetée parce qu'elle est irrecevable pour une cause quelconque (ex : défaut de qualité pour agir), alors il se peut que la cause d'irrecevabilité disparaisse par la suite, et donc l'autorité de la chose jugée ne s'oppose pas à ce que le plaideur qui a perdu la première fois présente à nouveau sa demande puisqu'il n'avait pas été jugé sur le fond la première fois, il n'y a donc pas autorité de la chose jugée là-dessus. Le problème, c'est que puisque sa demande a été rejetée pour irrecevabilité, on aura considéré que la demande n'aura pas pu interrompre la prescription. Donc si le délai a continué a courir et a expiré au cours du procès, la demande ne pourra pas être formulée de nouveau. On comprend la logique de l'article 2243 pour le désistement de l'instance et la péremption. Ce sont deux cas dans lesquels le demandeur manifeste qu'il mérite que la prescription soit interrompue, puis finalement ne fait plus rien (soit il se désiste, soit il ne fait plus aucun acte de procédure pendant 2 ans). On considère dans ces cas-là que ce « réveil » n'a pas été suivi d'effet, et donc il ne mérite pas de bénéficier de l'interruption. En revanche, dans le troisième cas, c'est plus étonnant. La doctrine critique ce troisième cas, puisque ce n'est pas parce que sa demande a été jugée irrecevable qu'il n'a pas montré qu'il voulait assurer le recouvrement de sa créance, donc il n'y a pas de raison de le priver de l'effet interruptif de la prescription. 2) Cas dans lesquels l'effet interruptif est maintenu Dans le cas où le juge a été déclaré incompétent (territorialement notamment), le Code civil dispose que l'effet interruptif est maintenu. Le demandeur peut conserver le bénéfice de l'effet interruptif. C'était déjà la règle avant la loi du 17 juin 2018 qui a réformé la prescription. Cette loi a ajouté un autre cas de rejet de la demande dans lequel l'effet interruptif est néanmoins maintenu. Aujourd'hui, les deux cas dans lesquels l'effet interruptif est maintenu en dépit du fait que la demande ne prospère pas sont à l'article 2241 alinéa 2 du Code civil : ● Lorsque la demande est rejetée pour incompétence ; ● Lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure : la demande est rejetée parce que l'acte introductif d'instance est annulé. Le vice de procédure désigne aussi bien la nullité pour vice de forme que la nullité pour vice de fond 3) Cas non évoqué par le Code civil : la caducité de l'assignation L'assignation doit être placée. Devant certaines juridictions, si elle n'est pas placée dans un certain délai, elle est caduque, et il faut la recommencer. TITRE 2 21/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 Par exemple, devant le TJ, l'article 754 du Code de procédure civile exige qu'elle soit placée « dans le délai de 2 mois suivant la communication de la date d'audience par la juridiction ». Si ce délai n'est pas respecté, l'assignation est caduque, il faut tout recommencer. Le Code civil ne se prononce pas sur ce cas de la caducité. On continue donc à appliquer la solution dégagée par un arrêt d'assemblée plénière du 3 avril 1987 qui pose que la caducité de la demande rend l'interruption non-avenue. On assimile cette hypothèse à l'hypothèse du désistement ou de la péremption d'instance. Cela a été confirmé par un arrêt de la deuxième chambre civile du 21 mars 2019. SECTION 3 – L'ABSENCE DE CONTRADICTION AU DÉTRIMENT D'AUTRUI L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui est un principe général en droit qui dérive d'une institution de common law, l'estoppel. C'est l'interdiction du comportement suivant : Quelqu'un adopte une attitude, souvent passive (exemple : un créancier n'est pas payé à une dette périodique mais ne s'en plaint pas). Cette attitude crée chez autrui l'attente légitime de sa persistance. Puis, cette personne qui adopte une attitude modifie brusquement son comportement. Cette modification brutale du comportement engendre un préjudice chez autrui. Dans les pays anglo-saxons, ce comportement est réglé au moyen de l'estoppel. La personne qui a changé brutalement d'attitude est « estopped » à percevoir les bénéfices de ce revirement. C'est donc une institution qui a vocation à sanctionner, au nom de la bonne foi, les contradictions dans les comportements d'une personne, considérée comme étant liée par son comportement intérieur. Cela sanctionne la mauvaise foi, la déloyauté d'un changement brutal d'attitude. Classiquement, le principe est à l'article 1103 du Code civil, c'est-à-dire la force obligatoire du contrat : il faut exécuter ses obligations ou la sanction tombe. Pourtant, dès les années 80, des arrêts ont pu sanctionner ce type de revirement brutal de comportement au titre de la mauvaise foi dans l'exécution des contrats par la paralysie de la clause résolutoire du contrat. Il y a 10 ans, la Cour de cassation a proposé de sanctionner cette attitude, lorsque le contexte s'y prête, par une sanction procédurale : l'irrecevabilité. Dans certains circonstances, à certaines conditions, un tel revirement d'attitude pourrait être sanctionné par une irrecevabilité au nom du principe selon lequel on ne peut se contredire au détriment d'autrui. La Cour de cassation l'avait déjà admis en matière d'arbitrage international, en se fondant directement sur l'estoppel. C'est notamment ce qu'elle a fait dans l'arrêt Golshani de la première chambre civile du 6 juillet 2005. On pouvait penser que cette solution était propre à l'arbitrage international, jusqu'à un arrêt d'assemblée plénière du 27 février 2009. En réalité, dans les faits, on était dans un cas dans lequel le principe ne pouvait pas s'appliquer, parce que la nouvelle attitude de la partie à qui on l'opposait n'était pas contradictoire avec sa pratique précédente. Malgré tout, la Cour de cassation affirme le principe a contrario. Elle prend un attendu de principe qui énonce : « attendu que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir ». Le visa est l'article 122 du CPC. Cela signifie que parfois, la circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui emporte fin de non-recevoir. Étant donc ainsi posé, de façon négative, le principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, et de la sanction procédurale qui peut en résulter. La Cour de cassation n'a cependant quasiment jamais reconnu que ce principe avait été violé, sauf en matière d'arbitrage. Dans certains arrêts, la Cour de cassation ne fait pas application du principe et ne le mentionne même pas. Dans d'autres arrêts, elle le vise : « vu le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », et donc considère son existence, mais, presque toujours, elle énonce ensuite que les conditions n'étaient pas réunies en l'espèce pour que le principe TITRE 2 22/23 CHAPITRE 1 PROCÉDURE CIVILE PARTIE 1 ait été méconnu et entraîne une fin de non-recevoir. Ce qui ressort clairement de la jurisprudence, c'est que les parties peuvent changer totalement de stratégie entre la première instance et l'instance d'appel sans qu'on leur reproche une contradiction au détriment d'autrui. D'autres arrêts affirment que l'on peut soulever une fin de non-recevoir pour la première fois en appel. Malgré tout, on n'a pas de conditions pour admettre cette contradiction au détriment d'autrui. Seul un arrêt en 2011 de la chambre commerciale a considéré qu'il y avait une irrecevabilité de ce fait, mais il n'a jamais été réaffirmé dans la même circonstance. Il existe une autre condition objective d'existence du droit d'action mise en œuvre par la jurisprudence : la condition du respect d'une éventuelle clause de conciliation ou de médiation préalable obligatoire. Cette condition est bien appliquée par la jurisprudence. TITRE 2 23/23 CHAPITRE 1

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