Syllabus PGS 1 - Psychologie générale et sociale I - Haute Ecole Lucia de Brouckère

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Haute École Lucia de Brouckère

2024

Sophie Buysse

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psychology introduction to psychology educational psychology general psychology

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This syllabus outlines the topics covered in the first-year Psychology General and Social I course at Haute Ecole Lucia de Brouckère. The course will explore different psychological perspectives, from psychoanalysis to cognitive-behavioral approaches. It's designed for students in the educational fields.

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Haute Ecole Lucia de Brouckère Site de Jodoigne Département des sciences de l’Education Section éducateur spécialisé en accompagnement psycho-éducatif Première année Psychologie générale et sociale I Maître-assistante...

Haute Ecole Lucia de Brouckère Site de Jodoigne Département des sciences de l’Education Section éducateur spécialisé en accompagnement psycho-éducatif Première année Psychologie générale et sociale I Maître-assistante : Sophie Buysse Syllabus basé sur les notes de Patrick Goossens Année académique 2024-2025 Table des matières Chapitre 1 : Introduction à la psychologie Chapitre 2 : La méthode de Loczy Chapitre 3 : La psychanalyse Chapitre 4 : La psychologie cognitivo-comportementale Chapitre 5 : La psychologie humaniste Chapitre 6 : La psychologie systémique Chapitre 7 : La Valorisation des Rôles Sociaux (VRS)  Evaluation Voir fiche UE02 « EDU11PSY1 : Approches psychologiques 1 »  Recommandations pour ce cours Ce cours contient des notions théoriques importantes qui vous seront utiles pour progresser tout au long de votre formation, réaliser vos stages et ensuite exercer votre futur métier. Ceci nécessitera de votre part une implication personnelle de taille tant au cours (échanges interactifs, questionnement à propos de la compréhension des notions) que chez vous (étude régulière, lectures et préparation des situations à domicile). 2 Chapitre 1 : Introduction 1. Réflexions Depuis toujours, l’homme s’intéresse à l’homme et les premiers écrits relatifs aux mécanismes du fonctionnement du psychisme humain remontent aux philosophes de la Grèce Antique. A cette époque, on écrivait sur des tablettes de cire. Actuellement, environ trois mille ans plus tard, nous nous servons fréquemment d’un ordinateur pour rédiger nos textes. Si la technique a beaucoup évolué, il est cependant remarquable qu’elle ait fait un bond prodigieux depuis la fin du XIXème siècle à aujourd’hui : si, dans le domaine du transport, la roue a été inventée il y a environ six mille ans, il a fallu attendre 1855 pour que soit inventée la pédale et, du même coup, le vélo, mais… l’homme débarquait sur la Lune en 1969 ! La psychologie a bénéficié d’une évolution allant dans le même sens : si le mot « psychologie » est utilisé pour la première fois par le philosophe allemand Christian Wolf en 1732, son statut de discipline scientifique n’apparaît qu’au début du XXème siècle et, actuellement, il existe déjà une vingtaine de secteurs différents en psychologie (cf. infra). Il a fallu, pour en arriver là, des génies obstinés comme Darwin, Freud, Pavlov ou Skinner pour imposer contre la tradition en général et contre la religion en particulier (la théorie de l’évolution, présentée par Darwin1 et Wallace au milieu du XIXème siècle, est seulement admise par la religion catholique romaine depuis le printemps 1997) l’idée d’un regard objectif sur l’homme, regard guidé par des méthodes scientifiques telles que celles utilisées en chimie, en physique ou en physiologie. 2. Définitions et commentaires « La psychologie humaine est l’étude scientifique des processus mentaux et du comportement2 ».3 Par comportement, il faut entendre non seulement le comportement objectivement observable de l’individu, son action sur l’entourage (par exemple, par la communication) et son interaction avec celui-ci, mais aussi l’action de l’individu sur son corps propre (processus physiologique conscient ou inconscient). Cette étude scientifique des processus mentaux et du comportement vise à formuler des lois relatives au fonctionnement des individus et expliquer la genèse 4 de ce fonctionnement. Cette étude vise aussi, parfois, à éventuellement modifier le fonctionnement des individus, par exemple, en cas de dysfonctionnement. On peut dire que la psychologie se situe à la frontière entre la biologie et la culture. En effet, ces deux facteurs interviennent pour influencer la psychologie de l’individu. 1 Charles DARWIN (1809 - 1882) n'était pas psychologue (c'était un naturaliste anglais), mais sa théorie de la sélection naturelle a largement influencé les autres scientifiques et en particulier les psychologues. 2 Le comportement se définit comme un ensemble de réactions objectivement observables. 3 WESTEN, D., Psychologie : pensée, cerveau et culture, p. 2. 4 Genèse : ensemble de faits ou d'éléments qui contribuent à la formation de quelque chose. 3 2.1. Influence de la biologie sur la psychologie Tous les processus psychologiques se produisent grâce à l'interaction des cellules du système nerveux. C'est par exemple la structure de notre cerveau qui détermine nos possibilités intellectuelles. Ainsi, un enfant de trois ou quatre ans, contrairement à un enfant de sept ans, n'est généralement pas encore capable d'admettre l'invariabilité du nombre d'une série d'objets en fonction de leur position dans l'espace. Autre exemple : la démence qui, à la suite de la lente dégénérescence du système nerveux (dont les cellules ne se renouvèlent pas, contrairement aux autres cellules de notre corps), peut transformer une personne qui a été gentille et de bonne compagnie pendant toute sa vie en une personne désagréable et agressive envers les autres ou peut l'amener à ne plus reconnaitre le visage de ses proches (prosopagnosie). La psychobiologie étudie les bases physiologiques de certains phénomènes psychologiques tels que la mémoire, l'émotion, la perception, etc. Une des découvertes de ces vingt-cinq dernières années est que, contrairement à ce que l'on a cru longtemps, ce n'est pas une zone bien précise du cerveau qui contrôle une fonction, par exemple la vue, mais bien une série de zones réparties à travers le cerveau et qui ont établi des connexions entre elles. 2.2. Influence de la culture sur la psychologie Nos comportements sont également déterminés par la culture dans laquelle nous vivons : « À mesure que les enfants se développent, ils apprennent à se comporter conformément aux normes culturelles. »5 L'école (avec p. ex., pour la Belgique, ses douze années de scolarité obligatoire) contribue pour une large part à inculquer à tous les membres de la communauté les modes de pensée et de comportement qu'il est considéré comme souhaitable d'adopter. La psychologie interculturelle tente actuellement de distinguer quels sont les processus psychologiques universels (c.-à-d., communs à tous les êtres humains) et quels sont les processus psychologiques spécifiques (c.-à-d., relatifs à certains groupes d'individus). 3. Différentes perspectives d’approche de la psychologie6 La psychologie, depuis qu’elle utilise la méthode scientifique7 est une très jeune science au sein de laquelle coexistent plusieurs perspectives d’approche. Il faut savoir que les « faits » scientifiques, objectifs, sont à distinguer de leur « interprétation », subjective, par les scientifiques. Chaque perspective théorique est définie par un ensemble de paradigmes8 composés d’un 5 WESTEN, D., Op. cit., p. 6. 6 Adapté de WESTEN, D., Psychologie : pensé, cerveau et culture, pp. 14-26. 7 Les chercheurs ont retenu comme date de naissance de la psychologie scientifique l’année 1879 au cours de laquelle le professeur Willhelm Wundt créa le premier laboratoire de psychologie à Leipzig en Allemagne. 8 Paradigme : modèle théorique de pensée qui oriente la recherche et la réflexion scientifique. 4 grand système d’hypothèses. Chaque paradigme inclut : a) une série d’affirmations théoriques qui fournissent un modèle, une représentation abstraite de l’objet d’étude ; b) une série de métaphores entre l’objet étudié et un autre qui est déjà compris (p. ex., en analyse transactionnelle, pour vivre, agir et réagir, nous avons tous en nous un Parent, un Adulte et un Enfant qui collaborent pour trouver à chaque instant la meilleure solution aux problèmes que nous rencontrons) ; c) Un ensemble de méthodes acceptées par la communauté scientifique qui produiront des données valides et utiles si elles sont correctement exécutées. Les cinq principales perspectives d’approche de la psychologie sont : la perspective psychanalytique, la perspective comportementaliste, la perspective cognitiviste (que nous n'étudierons pas), la perspective humaniste, et la perspective systémique (que vous étudierez en 2ème année). Une des principales raisons qui me poussent à consacrer une partie non négligeable de ce cours à l’étude de trois de ces perspectives est que les endroits où vous allez effectuer vos stages sont tous rattachés à une ou à plusieurs de ces perspectives et il est donc utile que vous soyez familiarisés avec chacune d’entre elles. 4. Les sous-disciplines de la psychologie Voici un petit panorama de quelques-unes des principales sous-disciplines de la psychologie9: Sous-disciplines Exemples de questions posées Biopsychologie : étudie les bases physiques des Comment les souvenirs sont-ils stockés phénomènes psychologiques tels que la pensée, dans le cerveau ? Les hormones l’émotion et le stress influencent-elles l’hétérosexualité ou l’homosexualité ? Psychologie développementale : étudie le Les enfants peuvent-ils se souvenir de développement de la pensée, des sentiments et leurs premières années de vie ? Les des comportements au cours de la vie, de la enfants en garderie sont-ils plus ou moins naissance à la mort bien adaptés que les enfants élevés chez eux ? Psychologie sociale : étudie les interactions de la Quand et pourquoi les gens se psychologie individuelle et les phénomènes de comportent-ils de façon agressive ? Les groupe ; étudie l’influence des autres réels ou gens peuvent-ils se comporter de façon imaginaires sur la façon dont les gens se raciste sans le reconnaître ? comportent Psychologie clinique : se centre sur la nature des Qu’est-ce qui cause la dépression ? Quel processus psychologiques qui mènent à une impact l’abus sexuel dans l’enfance a-t-il détresse psychologique et sur leur traitement sur le fonctionnement futur ? Psychologie cognitive : étudie la nature de la Qu’est-ce qui cause l’amnésie ou la perte pensée, de la mémoire et du langage de mémoire ? Comment les gens sont-ils capables de conduire une voiture tout en pensant à autre chose ? Psychologie industrielle/organisationnelle : étudie Est-ce que certaines formes de leadership 9 WESTEN, D., op. cit. p. 12. 5 le comportement des gens dans les organisations sont plus efficaces que d’autres ? Qu’est- et essaie d’aider à résoudre les problèmes ce qui motive les travailleurs à faire leur institutionnels travail de façon efficace ? Psychologie éducative : étudie les processus Pourquoi certains enfants apprennent-ils psychologiques de l’apprentissage et applique la difficilement à lire ? Qu’est-ce qui fait connaissance psychologique aux programmes que certains adolescents abandonnent d’éducation leurs études ? Psychologie expérimentale : étudie les processus Combien de fois un rat, un pigeon ou un tels que l’apprentissage, la sensation et la humain devrait-il être récompensé pour perception chez les hommes et les animaux un apprentissage optimal ? Les lecteurs de braille ont-ils plus de capacités à percevoir avec leurs doigts que ceux qui lisent avec leurs yeux ? Psychologie de la santé : étudie les facteurs Certains types de personnalité sont-ils psychologiques impliqués dans la santé et la plus vulnérables à la maladie ? qu’est-ce maladie qui amène les gens à prendre des risques avec leur santé tels que fumer ou ne pas utiliser de préservatif ? La psychologie contemporaine comprend de nombreuses sous-disciplines et chacune d'entre elles est plus ou moins influencée par une ou plusieurs des perspectives que nous avons déjà évoquées et que nous aborderons dans les chapitres suivants. Ainsi, la psychologie expérimentale, p.ex., est fortement influencée par la perspective comportementaliste et donne une grande place, on s’en serait douté, à l'expérimentation. Par contre, en psychologie clinique, nous retrouvons, parmi les praticiens et les théoriciens, des partisans de chacune des perspectives que nous allons étudier. Enfin, il existe même à l'heure actuelle un mouvement dit « éclectique » qui prône l'intégration de ces différentes approches en fonction du problème abordé. 6 Chapitre 2 : la méthode Loczy Les notes qui suivent sont tirées de M. David & G. Appell (2008), Loczy ou le maternage insolite. Paris : Erès. En 1968, lors d’un voyage dans les pays de l’Est, Myriam David et Geneviève Appell ont eu la possibilité de visiter à Budapest l’Institut national de méthodologie des maisons d’enfants de 0 à 3 ans. Cette institution, appelée plus communément du nom de sa rue, Loczy, fut dirigée par le Dr Emmi Pikler et accueille des enfants dès leur naissance, les gardant jusqu’à l’âge de 3 ans si nécessaire. C’est une pouponnière hongroise qui a été crée en 1947 à Budapest pour les orphelins de guerre. C’est notamment pour combattre le syndrome d’hospitalisme que la méthode Loczy a été utilisée : il s’agit en effet d’une prise en charge très respectueuse des jeunes enfants séparés de leurs parents. Quatre principes directeurs guident l’action de la pouponnière Loczy : 1. Valeur de l’activité autonome Développer le goût de l’activité autonome est considéré comme essentiel pour l’éducation de tous les enfants. C’est à travers elle qu’ils peuvent accumuler les expériences qui favorisent un harmonieux développement moteur et posent les bases d’un bon développement intellectuel grâce à une expérimentation des situations. C’est à travers elle également que se développent des attitudes d’hommes adultes, créatifs et responsables. Elle est, de plus, source de satisfaction. Tous les enfants doivent donc, dès leur plus jeune âge, dans des conditions telles qu’ils puissent découvrir le plaisir que peut leur apporter leur propre activité spontanée. Mais ceci est considéré comme encore plus fondamental pour les enfants élevés en institution car s’ils n’investissent pas très tôt leur énergie dans l’activité et n’y trouvent pas du plaisir, ils risquent, ceci est un fait d’expérience, de sombrer dans l’apathie et le désintérêt. Pour que l’activité soit ainsi investie, il faut qu’encore et toujours elle naisse de l’enfant lui- même dans une sorte d’auto-induction sans cesse renforcée par le résultat obtenu. C’est pourquoi toute la vie des enfants est étudiée pour leur laisser une totale liberté de mouvements dans toutes les situations où ils se trouvent, tout en les protégeant des dangers. Dans cette liberté, l’adulte n’intervient pas de façon directe. En quelque sorte, dans ce domaine moteur, il n’impose ni sa stimulation, ni son enseignement, ni son aide, qui rendraient l’enfant passif et dépendant de lui. Par contre, il stimule constamment cette activité motrice de façon indirecte et ceci de trois façons : - par la progression des situations dans lesquelles il place l’enfant et la diversité du matériel mis à sa portée en fonction de ses goûts et possibilités ; 7 - par le respect du rythme des acquisitions motrices de chaque enfant. Sauf retard important, peu importe l’âge auquel ont lieu ces acquisitions. Ce qui compte c’est que chacun procède de la précédente, ne s’implantant que lorsque cette dernière est bien acquise et forme une base solide qui donne à l’enfant une réelle maîtrise et lui permette d’aller de l’avant en toute sécurité et crainte. C’est pourquoi un enfant n’est jamais mis dans une situation dont il n’a pas encore le contrôle par lui-même. Par exemple, il n’est jamais assis tant qu’il ne s’assied pas seul. - Par un commentaire verbal qui, de temps à autre, reconnaît les succès de l’enfant et l’aide à prendre conscience de ces accomplissements. Donc la stimulation à l’activité existe mais elle passe par des chemins rarement utilisés par les adultes : non interférence active mais richesse d’un environnement approprié et protégé, respect du rythme comme base de maîtrise et de sécurité, intérêt de l’adulte exprimé discrètement mais très réellement, à distance. 2. Valeur d’une relation affective privilégiée et importance de la forme particulière qu’il convient de lui donner dans un cadre institutionnel En l’absence de la mère, l’absolue nécessité d’offrir à l’enfant la possibilité d’une relation affective privilégiée et continue avec un adulte permanent est un autre principe directeur. D’où un énorme effort fourni pour limiter le nombre de personnes qui s’occupent d’un même enfant, pour assurer la continuité de leur présence auprès de lui pendant toute la durée du séjour et pour créer une grande constance dans les attitudes éducatives de chacune d’entre elles. Tout est fait pour que le personnel s’engage dans une relation réelle mais consciemment contrôlée dans laquelle l’adulte ne fait pas peser sur l’enfant sa propre affectivité et ses attentes personnelles ; toutes ses attitudes sont dictées par le respect de la personnalité de l’enfant et procèdent d’une compréhension intelligente de ses besoins. C’est essentiellement au moment des soins, qui sont aussi individualisés que possible, que s’élabore cette relation au travers d’un maternage réfléchi et défini dans son déroulement. L’objectif étant de donner à l’enfant toutes les conditions nécessaires à un bon développement qui le rendra prêt à nouer ultérieurement une relation avec des parents retrouvés. Dans l’intersoin, l’enfant est livré à lui-même, soit qu’il dorme, soit qu’il soit installé dans une de ces situations qui favorisent au maximum son activité spontanée. Cependant, l’enfant n’est jamais seul : la nurse est toujours proche et tous les deux sont constamment dans un rayon d’écoute et de vision mutuelles. La présence de l’adulte est perçue par l’enfant tandis que ses manifestations à lui n’échappent pas à sa nurse qui peut y répondre de façon adéquate. On semble penser que c’est aussi un acte relationnel que de laisser un enfant à ses activités sans intervenir tout en l’alimentant de sources d’intérêts constants et c’est bien ainsi que les enfants paraissent le percevoir. Ainsi le personnel est entraîné à porter à chaque enfant une attention très individualisée tout au long de la journée : attention exprimée de façon directe et proche pendant les soins, indirecte et à distance pendant l’inter-soin. 8 Un effort constant est fourni par tous pour évaluer, connaître et contrôler le degré et la forme d’attention offerts aux enfants. En effet, puisqu’on les veut autonomes, il ne faut pas développer une dépendance plus grande que celle nécessaire exigée par leur niveau de développement. La réponse de l’adulte ne doit pas dépasser la demande de l’enfant, elle doit rester plutôt un peu en deça et le renvoyer toujours à sa propre maîtrise de la situation qui, elle, est organisée à la mesure de ses possibilités. De même tout en créant une relation réelle chaudement investie, on évite de développer une trop grande demande affective. Du fait de la collectivité, l’avidité de contact des enfants est limitée sinon ils sont frustrés, inquiets et agressifs. L’activité joyeuse et réussie dans laquelle l’enfant s’investit lui permet de renoncer en partie à ses exigences de contact, tandis que l’attention données pendant les soins est la garantie d’un niveau d’échange indispensable, mais suffisant pour que l’enfant ne sombre pas dans l’inaffectivité ni dans le syndrome d’insatisfaction affective. « Parce qu’ils sont en institution, il ne faut pas leur promettre plus qu’on peut leur donner, mais ce qui est offert doit être constant et sûr », semble être la règle de la maison. 3. Nécessité de favoriser chez l’enfant la prise de conscience de lui-même et de son environnement La régularité des événements dans le temps et la stabilité des situations dans l’espace comptent certainement parmi les conditions qui favorisent cette prise de conscience. Mais c’est surtout au moment des soins et à travers le maternage que tout est fait pour aider l’enfant à comprendre le plus rapidement possible et par la suite à bien savoir : qui il est, ce qui lui arrive, ce qu’on lui fait et ce qu’il fait, qui s’occupe de lui et quel est son environnement, quelle est sa situation et ce qu’il va devenir. Ceci se situant soit dans le présent immédiat, soit pour les enfants plus grands dans un avenir à court terme. C’est aussi en faisant appel à sa participation qu’on l’aide à se percevoir lui-même, à se connaître et à s’exprimer, donc à s’affirmer en tant que personne. Tout ceci implique qu’il n’est jamais considéré comme un objet et toujours traité en sujet. Dès le plus jeune âge et en partant de lui, on cherche à le rendre partie prenante chaque fois que l’on entre en rapport avec lui. Développer la capacité de l’enfant à participer est considéré comme la base nécessaire à des prises de position ultérieures proprement adultes qui, d’une certaine façon, rejoignent le désir de le voir autonome et responsable. 4. Importance d’un bon état de santé physique qui sous-tend, mais aussi, pour partie, résulte de la bonne application des principes précédents. Une grande attention est apportée à la santé physique des enfants dans le cadre de principes naturistes. Chaque enfant se voit proposer un régime très individualisé, fondé sur des observations quotidiennes, non seulement en ce qui concerne son alimentation mais aussi son cadre de vie et le déroulement de sa journée. Des examens médicaux réguliers et des 9 observations détaillées rendent compte de son développement global. Enfin, une utilisation maximum de la vie au grand air est un des traits dominants de tout le système. Ce qui retient l’attention, c’est le fait que ce souci de la santé des enfants n’a nullement entrainé cette institution, dont la direction est médicale, vers un système de type hospitalier. L’organisation reste celle d’une maison à caractère familial et chacun semble penser que l’équilibre et l’épanouissement des enfants sont un atout pour le maintien d’un bon état sanitaire. Tout en prenant des précautions contre les infections et épidémies, celles-ci n’entrainent jamais des pratiques qui menacent la sécurité affective des enfants. L’enfant malade est soigné au sein de son groupe par ses nurses. On considère que, mis en insécurité par la maladie, il a plus que jamais besoin de leur présence et du soutien de son cadre de vie habituel. Tout comme dans une famille, seul l’enfant dont l’état requiert un équipement spécialisé quitte son groupe pour l’hôpital où d’ailleurs ses nurses l’accompagnent et vont le voir. Ces quatre principes sont d’égale importance et c’est parce qu’ils sont simultanément respectés de façon constante que le système éducatif mis en place a de la valeur. Si l’un d’eux était négligé, l’équilibre de l’expérience offerte à l’enfant serait rompu. Pour respecter ces principes directeurs, l’organisation de l’institution est particulière concernant : a) Les groupes et le cadre de vie Les enfants sont répartis en groupes et unités de vie en fonction de leurs compétences et tous les changements sont exprimés et prévus à l’avance. Les enfants et nurses changent de lieu de séjour au fur et à mesure que les enfants grandissent, afin de bénéficier de lieux de plus en plus spacieux et ouverts sur l’extérieur. Les nurses, dans la mesure du possible, suivent un groupe tout au long de son évolution et restent ainsi avec un enfant aussi longtemps que dure son séjour. De cette façon, elles se sentent responsables du développement de « leurs » enfants, ont le plaisir de les voir grandir et ne les « perdent » pas quand ils atteignent l’âge de changer de rythme de vie. Lorsque cette stabilité ne peut être totalement sauvegardée, du fait du départ d’une nurse ou du remaniement des groupes, les changements inévitables sont opérés avec une extrême prudence et minutie. b) Les soins Tous les soins apportés aux enfants doivent, bien entendu, leur assurer bien-être et confort en même temps que répondre à leurs besoins alimentaires et aux exigences de propreté et d’hygiène. A ceci s’ajoute le souci de toujours préserver ou susciter le plaisir que l’enfant éprouve à l’égard de l’acte proposé et de favoriser toutes les possibilités d’autonomie : être nourri, puis se nourrir, doit demeurer un plaisir, être propre doit le devenir, en même temps qu’au travers de chaque soin on cherche à stimuler le plaisir qu’à l’enfant à manipuler, maîtriser, faire seul, être grand. 10 Enfin, les soins doivent permettre à l’enfant de connaître et différencier les adultes qui s’occupent de lui tout en construisant avec eux une relation affective réelle et significative, ils doivent également contribuer à sa prise de conscience de lui-même. Par quoi se traduit le fait que l’enfant n’est jamais traité en objet ? - La douceur des gestes, qui témoigne d’une reconnaissance permanente du fait que l’enfant est sensible à tout ce qui lui est fait et ne peut être manipulé au gré des commodités de l’adulte. Pas de brusques changements de position, pas d’enfants trimballés, pas de lits secoués, pas de corps ni de têtes frottés avec énergie, pas de changement imprévu dans la routine, tout est doux et attentif. L’enfant est d’abord appelé par son prénom, si nécessaire remis sur le dos face à sa nurse qui cherche à capter son regard ; ensuite son bras est légèrement soulevé pour que la main de la nurse puisse prendre la tête de l’enfant afin que celle-ci soit parfaitement soutenue ; alors seulement il est soulevé. Pour le reposer, même douceur et avant de le laisser, sa nurse le regarde, lui dit quelques mots, au revoir, au besoin lui donner une couverture contre laquelle il se blottit. - A la douceur s’allie le souci constant de faire appel à la participation de l’enfant quel que soit son âge. Comment ? En lui parlant, en lui disant ce qu’elle fait. Quand l’enfant est plus grand, une réelle conversation peut s’engager. On tient compte de ce qui se passe dans l’environnement (ex. un chien qui aboie, etc.). A l’explication verbale s’ajoute la présentation de l’objet qui va être utilisé pour lui : le verre, la cuillère, etc. Sa nurse lui montre l’objet, favorise ses premières tentatives pour le toucher, encourage ses essais de manipulation ainsi que plus tard ses efforts pour l’utiliser lui-même, seul… Une coopération active aux gestes nécessaires pour ses soins est attendue de l’enfant. Pour y parvenir, la nurse commence par utiliser les gestes spontanés du nouveau-né, par exemple, elle saisit le moment où il avance son poing pour lui enfiler sa brassière et lui fait remarquer ce qu’il a fait. Cette manière de faire engendre une sorte d’harmonie entre les mouvements de l’enfant et ceux de l’adulte qui renforce l’impression de douceur que l’on ressent. - Enfin, pour répondre au souci d’aider les enfants à se situer et à prévoir ce qui va leur arriver, ils sont pris, pour les soins, dans un ordre donné constant, établi le plus rapidement possible et dont on cherche, dès le premier âge, à les rendre conscients. c) Les jeux libres L’activité spontanée auto-induite que l’enfant poursuit librement de façon autonome a une valeur essentielle pour son développement ; elle doit être pour lui une source de plaisir sans cesse renouvelée. L’organisation de ces temps d’activité autonome n’est donc pas seulement un moyen pour occuper les enfants lorsqu’ils sont réveillés. Leur aménagement doit servir des objectifs précis et est l’objet de réflexions, de planning et de modifications constants. Pour chacun des groupes et pour chaque enfant, une série d’éléments sont pris en considération : - la répartition dans le temps selon le rythme individuel de sommeil et de veille - l’espace - les objets et les matériaux - les attitudes et interventions de l’adulte 11 d) Les autres activités et relations sociales Lorsque l’enfant grandit, sont progressivement introduites des activités qui le mettent en contact avec d’autres personnes que ses nurses et de déroulent, pour la plupart, hors de son cadre habituel. Les unes sont régulières telles que promenades, excursions, jardin d’enfants, les autres plus occasionnelles telles que « travail » ou « sorties » aux côtés d’un adulte, fêtes à l’occasion des anniversaires… Tout comme les soins et les jeux libres, ces activités se déroulent selon un processus réfléchi et contrôlé qui, toutefois, n’exclut pas la richesse née de l’occasion. Elles servent essentiellement trois buts : - Offrir à l’enfant un éventail de relations sociales - Elargir son champ d’expérience - Rompre la monotonie quotidienne et, pour un temps, le sortir de la vie en groupe Remarque : La structure organisationnelle La structure qui sous-tend le travail clinique peut être examinée à partir des quatre points suivants : - le travail en équipe Il est question d’une équipe pluridisciplinaire (médecins, infirmières, la conseillère pédagogique notamment). - l’observation des enfants Quatre sortes d’observation enregistrées sont demandées aux nurses : observations quotidiennes, synthèse mensuelle, enregistrements sonores, graphique de développement - le travail avec les parents Le travail avec les parents doit, selon les cas, leur permettre de sentir qu’ils restent bien les parents de leur enfant et combler, dans toute la mesure du possible, la distance créée par la séparation ou les aider à prendre la décision d’un abandon. Par ailleurs, il ne doit pas venir perturber le contact émotionnel nurse-enfant et risquer d’entraver la relation qui se tisse entre eux. Le retour de l’enfant dans sa famille ou son départ dans un foyer d’adoption sont minutieusement préparés. - le planning des groupes et la répartition des nurses L’unité de base est le groupe de neuf enfants dont les trois mêmes nurses assurent la totalité des soins de leur arrivée à leur départ. Toutefois la permanence du groupe dans son entier et la continuité de sa prise en charge par ses trois nurses ne peuvent être rigoureusement maintenues en raison des départs des enfants et éventuellement des nurses. Quelques questions : - Pourquoi cette méthode est-elle efficace, dans la mesure où on n’observe plus le syndrome d’hospitalisme en agissant ainsi ? - Quels liens peut-on faire entre cette approche et l’approche humaniste ? - Entre cette approche et l’approche systémique ? 12 - Dans cette approche, on valorise l’activité autonome en partant des mouvements et demandes de l’enfant. Cela ne risque-t-il pas de contribuer au développement d’un enfant-roi ? Pourquoi ? - Quels sont les risques/inconvénients du maternage de Loczy ? - Les pouponnières belges utilisent-elles cette méthode ? Si oui, comment ? - De quoi est constitué le travail de l’éducateur en pouponnière ? - Peut-on construire au travers des soins une relation autre que celle dictée par les sentiments maternels ? Extrait de http://www.psy.be/famille/fr/enfants/loczy-maternage-insolite.htm Chaque relation mère-enfant est différente et s'exprime au travers d'un pattern d'interactions qui façonnent le développement de l'enfant. Dans la relation nurse-enfant, un pattern existe, consistant, fort, prégnant, il est également un "facteur essentiel de structuration de sa personnalité" (de l'enfant). Cependant, à Loczy, ce pattern est le même pour tous les "couples" nurses-enfant. Cela permet à l'enfant de percevoir la continuité entre les trois nurses qui l'ont en charge, et facilite le transfert de la relation sur une nouvelle nurse lors d'un changement. Dans la relation mère-enfant, ce sont les motivations profondes de la mère face à ce qu'est et ce que représente le bébé qui "donnent au pattern son orientation et son caractère spécifique. C'est l'intensité de ces mouvements affectifs profonds qui lui donne sa force, lui imprime son sens et sa qualité". Dans la relation nurse-enfant, les motivations personnelles de la nurse ne devraient pas entrer en jeu pour déterminer le pattern d'interactions. C'est une méthode de travail qui répond à une règle institutionnelle, et qui limite dès lors les "impulsions maternelles" des nurses et les en protège. C'est son application rigoureuse qui permet au pattern de devenir un facteur d'organisation de la personnalité de l'enfant. C'est pour cela que ce pattern ne peut "être intériorisé que progressivement et demeure fragile". Les auteurs le comparent à un organe artificiel, qui nécessite "un appareillage compliqué", un réglage minutieux, qui nécessite surveillance et contrôle. Et tout ce système de "maternage insolite" est mis en action par la tendresse des directeurs de Loczy et leur volonté de donner le meilleur possible aux enfants. Enfin, dans la relation mère-enfant, ce sont les élans affectifs mutuels qui organisent le pattern, alors qu'ici c'est sa mise en pratique qui permet à une relation de naître, lentement. Cette relation a au moins le mérite d'exister, et assure bien, selon les auteurs, la fonction de "holding" dont parle Winnicott. Les auteurs reviennent dans le détail sur ce pattern d'interactions entre la nurse et l'enfant. Tout comme la relation mère-enfant, il est défini par : - la quantité d'interactions : elle est continue pendant les soins mais brève pendant l'intersoin afin que l'attention de l'enfant soit tournée vers le jeu et l'activité autonome. - la forme des interactions, qui est au service du maintien d'un certaine distance dans la relation : indirecte et vigilante pendant l'intersoin, elle se caractérise lors des soins par une "succession rapide de chaînes très courtes". - les modes d'interaction : la parole, le regard, qui favorisent l'autonomie et la prise de conscience de l'enfant, mais aussi les modes kinesthésiques qui assurent le sentiment de sécurité et de confort. La qualité des gestes de la nurse sont importants, tout en limitant les gestes de tendresse ou les contacts corporels érotisants. - la tonalité de l'interaction, "qui véhicule l'intensité et la nature des élans affectifs" : la douceur et les réponses contenues transmettent une "impression d'attention et de vigilance affectueuse" dans laquelle l'enfant se sent apprécié. La nurse ne laisse passer aucune intensité d'émotion, quelle qu'elle soit. "Le Dr Pikler attache autant d'importance au contrôle de l'agressivité qu'à celui des élans chaleureux". Impact de l'interaction sur la personnalité de l'enfant. Les secteurs privilégiés : l'immense valeur accordée à chaque manifestation du développement psychomoteur, toujours reprise dans l'interaction, stimule le plaisir de l'enfant à s'exercer et à se 13 développer. L'appareil psychomoteur fonctionne donc à plein. De plus, la limitation ferme de "l'investissement de la libido sur la nurse favorise son déplacement sur les activités et les jeux". Mais les auteurs notent plusieurs domaines inexploités : ceux des jeux symboliques, de l'imaginaire et des créations artistiques.. L'acquisition des disciplines : les routines souples et réajustées en permanence évite qu'elles soient sources de conflit. Dés lors, les enfants apparaissent naturellement disciplinés.. Tolérances, limites, interdits et frustration : Les demandes d'affection supplémentaires ne sont pas ignorées par les nurses, mais "elles ne répondent pas en fonction de leurs propres émois, désirs ou agacements, mais selon les modes institutionnels autorisés et recommandés." L'enfant vit alors la frustration, et doit nécessairement en faire l'apprentissage. De plus, comme l'acte agressif est interdit, "les pulsions libidinales et agressives (qui résultent de la limitation de la réponse affective) sont en grande partie investies dans l'activité, le plaisir d'être, de se mouvoir, de connaître, tandis qu'une partie beaucoup plus faible et très contrôlée est investie dans la relation à la nurse et aux autres enfants. Ce contrôle et cette canalisation des pulsions étant favorisés par le développement d'un moi fortement équipé sur le plan psychomoteur et l'ébauche d'un surmoi ferme, mais non punitif et n'interdisant pas le plaisir." Bilan de ce système de soins Ces enfants, comparés à ceux qui vivent heureux dans leur famille, "acquièrent quelque chose de sérieux, attentif, réfléchi, avec un je ne sais quoi de retenu, de fragile." Ils présentent en fait des signes de maturité précoce et de fragilité affective.. Atouts donnés aux enfants : un corps sain et vigoureux, la constitution d'un soi, un solide investissement narcissique de base, un accès au langage et donc à la pensée symbolique, une "faculté d'intérioriser les discipline sur un mode positif qui devrait favoriser le développement d'un surmoi fort, mais souple et non punitif". De plus, les différenes étapes du développement sont franchies en temps voulu, au rythme de l'enfant. "Ils se sentent exister, ils ont le sentiment de leur valeur, le désir et la possibilité d'agir, ce qui est beaucoup.". Limites inhérentes au système institutionnel : le départ des enfants, lorsqu'il se fait après 15 mois, ne peut éviter la rupture de l'attachement fondamental, et le deuil à vivre est difficile. En outre, l'aliénation du milieu existe, puisque les enfants ne connaissent en fait que des adultes qui ne font que s'occuper d'eux. Ils ne les connaissent pas dans les autres situations de la vie, notamment dans la situation de couple. L'identification à l'adulte est donc limitée. Les risques du maternage de Loczy. En famille, les enfants grandissent par les conflits. Or, la "dialectique conflictuelle" dans la relation à l'adulte existe peu à Loczy. Les nurses réagissent en fonction des enfants, pas en fonction de leurs motivations profondes à elles. Les enfants ne sont pas préparés aux conflit avec les adultes.. Concernant leur capacité à s'engager dans des relations affectives profondes, les auteurs s'interrogent : "n'est-il pas sans danger d'être privé, tout petit, de la plénitude d'une relation qui réponde aux besoins primitifs de dépendance? Ne sont-ils pas privés d'une part de leur richesse affective?" Les auteurs concluent en disant que quelles que soient les critiques que l'on peut formuler, il ne faut pas oublier que Loczy donne certainement plus aux enfants d'atouts qu'elle ne leur retire de possibilités. 14 Chapitre 3 : l’approche psychanalytique « Par rapport à la psychologie, la psychanalyse représente une tendance fondatrice et contribue de ce fait à son originalité. Son enracinement dans la clinique et dans la psychopathologie et sa capacité à permettre des innovations thérapeutiques, ont fait d’elle l’un des pivots autour desquels sont apparues les "nouvelles thérapies" ».10 1. Sigmund Freud et la psychanalyse Sigismund (dit Sigmund) Freud, neuropsychiatre autrichien (né à Freiberg en 1856 et décédé à Londres en 1939), fit des études médicales à Vienne et compléta sa formation en France auprès des professeurs Charcot et Bernheim (psychiatres). Ses recherches débouchèrent sur une nouvelle psychologie connue sous le nom de psychanalyse. « La psychanalyse est l’ensemble des théories de Freud et de ses disciples concernant la vie psychique11 consciente et inconsciente ». On dit parfois de la psychanalyse que c’est une « Science de l’inconscient ». C'est donc à Sigmund Freud que nous devons l'approche psychanalytique qui base l'interprétation des faits psychologiques sur l'interaction des forces mentales. Il n’est pas facile de lire l’oeuvre de Freud. En effet, Freud a élaboré sa théorie de l’inconscient en partant des constats qu’il faisait lors de sa pratique thérapeutique, avec le souci de venir en aide à ses patients en les traitant. Travaillant en quelque sorte au « coup par coup », il a progressivement créé sa théorie et l’a remaniée à de nombreuses reprises. Il a écrit de nombreux articles et un certain nombre d’ouvrages plus synthétiques (c.-à-d. qui font la synthèse à propos d’un thème) mais il a peu systématisé sa théorie. Il a donné volontairement un caractère inachevé à son oeuvre pour ne pas l’enfermer dans un système fini. « Le travail de Freud, […] a été celui d'une assimilation des ingrédients scientifiques et culturels de son temps au service d'une exploration rigoureusement menée du psychisme humain, sans souci des idées reçues ni des tabous de son environnement. Soutenu par ses convictions déterministes et par sa foi en la science, servi par une imagination puissante qu'il a su mettre au service d'une vision dynamique des processus qu'il observa chez les malades puis chez lui-même, par le truchement de son autoanalyse, il a changé le regard que l'homme portait sur sa personne et ses zones d'ombre. »12 Deux références utiles et pas trop chères pour aborder les ouvrages de Freud : FREUD, S., Abrégé de psychanalyse, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, 84 p. NAZIO, J.-D., Le plaisir de lire Freud, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1999, 152 p. 2. Les hypothèses de base de la psychanalyse 10 Adapté de RICHARD, M., Les courants de la psychologie, p. 117. 11 Psychique : qui concerne l’esprit, la pensée. 12 De Mijolla, A., DE MIJOLLA MELLOR, S. (sous la direction de), Psychanalyse, p. 85. 15 1. Les actions des individus sont déterminées par la façon dont leurs pensées, leurs sentiments et leurs désirs sont reliés dans leur esprit. P. ex., je pense qu’il existe beaucoup de souffrances parmi mes contemporains, je pense qu’il est important de soulager cette souffrance, j'ai le sentiment de posséder les qualités requises pour faire un bon éducateur et je désire contribuer à diminuer ces souffrances  J'entame les études en vue de devenir éducateur. 2. Une bonne partie de nos motivations (ce qui nous pousse à agir) sont inconscientes : nous ne connaissons pas toujours les vraies raisons qui nous poussent à agir. P. ex., sans le savoir, un étudiant entame les études d’éducateur pour réparer une enfance difficile ou pour faire comme l’un de ses parents et ainsi se sentir reconnu. 3. Les processus mentaux peuvent inconsciemment entrer en conflit les uns avec les autres et conduire ainsi à des compromis parmi les motifs en compétition. P. ex., sans le savoir je culpabilise de faire des études d'un niveau plus élevé que celui que mes parents ont atteint et, sans le savoir, je m'arrange pour rater mes études alors que je sais que j'ai les capacités de réussir et que je pense, sur le plan conscient, que je veux les réussir. Il existe un synonyme de la psychanalyse qui est la psychodynamique. Ce terme de psychodynamique est là pour mettre l’accent sur la dynamique inconsciente qui oriente les comportements de l’individu. Cette approche de l’homme par Freud a fait l’effet d’une véritable bombe sur ses contemporains. Pour les philosophes, c’est la raison13 qui guide les hommes. C’est cette raison qui distingue l’homme de l’animal et lui donne sa supériorité. À la fin du XIX siècle et au début du XXème, on croyait fermement que l’homme est pleinement conscient de toutes ses motivations et qu’il sait à chaque instant pourquoi il agit comme il agit. On était également persuadé à cette époque là que le progrès scientifique et technique allait littéralement libérer l’homme. Freud, en créant la psychanalyse, cette science de l’inconscient, s’est heurté de plein fouet à la philosophie en affirmant qu’une partie considérable de nos motivations est d’origine, non pas consciente, mais bien inconsciente. Il se heurtait également de plein fouet à la religion. « La religion est pour Freud une illusion. Cela ne veut pas d'abord dire qu'elle est fausse : mais elle obéit à une logique de désir et non à une logique de vérité. […] La raison principale qui pousse Freud à refuser la religion est en effet que le dogme instaure chez les croyants l'interdit du doute et, plus largement, fait reposer l'expérience religieuse sur un interdit de penser tout ce qui pourrait remettre en cause la conviction partagée par le groupe. Ainsi la foi devient-elle un empêchement à la pensée libre, personnelle et critique, et maintient les individus dans les illusions infantiles qui satisferont leurs besoins névrotiques. »14 3. Les notions de conscient et d’inconscient (première topique15) 13 Raison = pensée, jugement. 14 BOURDIN, Dominique, Psychanalyse et religion : la pensée de Freud, dans Sciences Humaines, n°165, novembre 2005, p. 50. 15 Topique : théorie ou point de vue qui suppose une différenciation de l'appareil psychique en un certain nombre de systèmes doués de caractères ou de fonctions différentes et disposés dans un certain ordre. 16 « La division du psychique en un psychique conscient et un psychique inconscient constitue la prémisse16 fondamentale de la psychanalyse. »17 Le conscient est l'ensemble des idées, notions, images, souvenirs et représentations que la personne est capable d'évoquer (ou de se représenter par évocation volontaire) et qu'elle peut ainsi contrôler (faire apparaitre ou disparaitre selon ses besoins et ses désirs). « Être conscient » est avant tout une expression purement descriptive et se rapporte à la perception la plus immédiate et la plus certaine. Mais l’expérience nous montre qu’un élément psychique, une représentation par exemple, n’est jamais conscient d’une façon permanente. Ce qui caractérise plutôt les éléments psychiques, c’est la disparition rapide de leur état conscient. Une représentation, consciente à un moment donné, ne l’est plus au moment suivant, mais peut le redevenir dans certaines conditions, faciles à réaliser. Dans l’intervalle, nous ignorons ce qu’elle est ; nous pouvons dire qu’elle est latente, entendons par là qu’elle est capable à tout instant de devenir consciente. »18 « Sont conscientes en principe toutes les perceptions qui viennent de l’extérieur ; et sont également conscients ce que nous appelons sensations et sentiments qui viennent du dedans »19. Le préconscient (parfois appelé subconscient) est une partie très superficielle (externe) de l'inconscient. Il contient toutes les images, toutes les idées, tous les souvenirs, toutes les représentations verbales qui peuvent être évoqués, mais seulement à la suite d'un certain effort mental. Il arrive que ce type de souvenir surgisse brusquement à la mémoire, soit quelques instants plus tard, voire le lendemain ou plusieurs jours plus tard. L'inconscient c’est ce qui échappe entièrement au conscient. L’inconscient contient nos pulsions, nos énergies fondamentales. L'inconscient contient des forces qui n'ont jamais été conscientes et d'autres qui ont été antérieurement conscientes et repoussées, à la suite de certaines circonstances, dans le monde de l'inconscient (par le biais du mécanisme de refoulement). Certains comportements nous démontrent l'existence de l'inconscient : – Les rêves sont les manifestations les plus connues de l’existence de notre inconscient. Pour Freud, ils ont pour fonction de préserver le sommeil en représentant un désir inconscient comme s’il était accompli. – Dans l'acte symptomatique, nous accomplissons machinalement, automatiquement, un geste, une action (ex. : se gratter le nez, les locutions parasites, jouer avec un bouton, etc.). Laissons Freud lui-même nous expliquer de quoi il s’agit : « Les actes symptomatiques sont accomplis sans penser à rien à leur propos, d’une façon purement accidentelle… comme si on voulait seulement occuper ses mains. Ils expriment quelque chose que l’auteur de l’acte lui- même ne soupçonne pas et qu’il a généralement l’intention de garder pour lui, au lieu d’en faire part aux autres. (...) À toutes ces occupations, qui apparaissent comme des jeux, le traitement psychique découvre un sens et une signification auxquels est refusé un autre mode d’expression. Généralement, la personne intéressée ne se doute pas de ce qu’elle fait, (...) ; elle reste sourde et aveugle aux effets produits par ces gestes. Elle n’entend, par exemple, pas le bruit produit en faisant remuer les pièces de monnaie qu’elle a dans sa poche et elle prend un air étonné et 16 Prémisse : fait d’où découle une conséquence. 17 LEBOVICI, S. (Sous la direction de), le ça, le moi, le surmoi la personnalité et ses instances, s. l., Tchou, 1978, p. 91. 18 Idem, p.92 19 Idem, p.97 17 incrédule lorsqu’on attire son attention sur ce détail. (...) L’interprétation de ces petits actes accidentels, ainsi que les preuves à l’appui de cette interprétation se dégagent chaque fois, avec une certitude suffisante, au cours de la séance [de psychothérapie], des circonstances dans lesquelles l’acte s’est produit, de la conversation qu’on vient d’avoir avec la personne, ainsi que des idées qui lui viennent à l’esprit, lorsqu’on attire son attention sur le caractère, en apparence seulement accidentel, de l’acte. »20 – Dans l'acte manqué (parfois appelé acte perturbé) le résultat explicitement visé n'est pas atteint mais se trouve remplacé par un autre. L'acte manqué est une manifestation masquée de l'inconscient. Il peut se traduire par des erreurs de lecture, des lapsus, des fausses reconnaissances, des calembours qui sont souvent lourds d'un sens psychologique qui échappe à leur auteur. (C'est par exemple le cas de ce président de séance qui, pressé d'en finir avec sa réunion, proclame : « La séance est levée... Oh ! Pardon... La séance est ouverte »). Dans l’acte manqué apparait un conflit entre deux motivations d’origine différente : une motivation consciente et une motivation inconsciente. – Dans l'acte refoulé, on « oublie », sans le faire exprès, de faire quelque chose que l’on aurait normalement dû faire et qui était chargé d’un potentiel émotionnel suffisant. Ex. : je dois annuler un rendez-vous auquel je tenais particulièrement et, comme par hasard, j'oublie de l'annuler. Selon FREUD, l'inconscient joue un rôle de premier plan dans l'existence de l'homme. C'est dans ses contenus qu'il faut chercher les motivations profondes des comportements humains, bien plus que dans le conscient. Pour Freud, l'inconscient est le siège de forces dynamiques qui dirigent directement ou indirectement les comportements. Ces forces inconscientes essayent d'ailleurs de s'exprimer et de se manifester sur le plan conscient. Ceci est particulièrement lourd de conséquences : il faut admettre que la vie psychique d'un individu comporte à la fois des mécanismes conscients et contrôlés et des mécanismes incontrôlés qui échappent à la conscience et à la volonté. Tout cela implique que l'homme est beaucoup moins maitre de lui-même qu'on ne l'a postulé pendant longtemps. C'est aussi ce qui explique, en partie, la résistance farouche que cette théorie a longtemps rencontrée et rencontre encore. 4. Principe de plaisir et principe de réalité Selon le principe de constance, l'organisme humain tente de maintenir constante la somme des excitations qu'il a en son sein. Pour tenter d'atteindre cette constance, l'appareil psychique21 est régi par deux principes : le principe de plaisir et le principe de réalité. L'appareil psychique fonctionne au départ selon le principe de plaisir. Dans ce cas, l'ensemble de l'activité psychique a pour objet de procurer le plaisir sans entrave ni limite et d'éviter le déplaisir et les tensions déplaisantes. Les pulsions cherchent alors à se satisfaire par les voies 20 FREUD, S. Psychopathologie de la vie quotidienne, p. 221-223. 21 L’appareil psychique est la première hypothèse de la psychanalyse. De cette hypothèse, Freud va faire un modèle théorique qui va permettre de comprendre le fonctionnement psychique et d'interpréter les rapport entre les différentes instances de la personnalité. L'appareil psychique est un instrument composé d'instances ou de systèmes qui vont accomplir un certain travail dans un ordre donné. La théorisation de l'appareil psychique s'est faite en deux temps, d'abord vers 1900 lorsque Freud affirme l'existence du psychique inconscient qu'il oppose au psychique conscient. Il en montre l'importance pour la compréhension de tous les phénomènes pathologiques (la première topique). La deuxième topique est élaborée par Freud vers 1923, et elle va corriger la simplicité trop grande de la première théorie en prenant en compte les différentes forces dynamiques que Freud avait repérées entretemps. Référence : http://isabellesamyn.e-monsite.com/rubrique,l-appareil-psychique,1012427.html 18 les plus courtes, les plus directes. Cependant, bien souvent, des obstacles imposent des conditions à la satisfaction de nos pulsions. Le principe de réalité intervient alors comme régulateur pour satisfaire nos pulsions non pas par la voie la plus directe (mais aussi non admise) mais bien en empruntant un détour et/ou en ajournant le résultat. Ces deux principes, principe de réalité et principe de plaisir, entrent parfois (pour ne pas dire souvent) en conflit. Pour décrire le mécanisme des différents phénomènes conflictuels, la psychanalyse a recours à trois systèmes de motivation que FREUD a appelés : les trois instances de la personnalité. 5. Les trois instances de la personnalité (seconde topique) Selon le modèle psychanalytique, on peut analyser chacun de nos comportements comme étant le résultat d'un conflit entre les différentes structures mentales imaginées par Freud : le Ça, le Moi et le Surmoi. 5.1. Le ça Le Ça est la partie fondamentale de toute la personnalité. Il est la source de toutes les énergies instinctuelles et il donne donc ainsi à la personnalité son dynamisme de base. Le Ça tente de satisfaire les besoins innés de l’individu. 1. La libido Le Ça est le réservoir de la libido (mot latin signifiant « désir »). Dans son acception courante, la libido est la recherche instinctive du plaisir, et surtout du plaisir sexuel. Pour Freud, la libido désigne l'énergie sexuelle qui part du corps et investit les objets. Freud considère que la libido est la manifestation, dans la vie psychique, de l'énergie 19 de la pulsion22 sexuelle. La libido peut être sublimée, c'est-à-dire dérivée vers un but non sexuel où elle investit des objets socialement valorisés tels que l'art, la littérature, la médecine, le service aux personnes, etc. (cf. les mécanismes de défense). À la suite de cette théorie de la sublimation, Freud estima aussi que si la libido pouvait changer d'objet et de but, comme c'est le cas pour la sublimation, elle pouvait aussi se diversifier quant à sa source d'excitation. Freud mit ainsi en évidence quatre grandes zones qui sont successivement explorées par l'enfant dans l'ordre chronologique suivant : la zone buccale, la zone anale, la zone urétrogénitale et la zone mammaire. À la suite de plusieurs remaniements, Freud mit ainsi finalement au point sa théorie des cinq stades psychosexuels qui sont : le stade oral, le stade anal, le stade phallique, le stade de latence et le stade génital (cf. plus loin et votre cours de psychologie du développement). 2. Caractéristiques principales du ça Le Ça est la plus ancienne des instances psychiques ; son contenu comprend tout ce que l’être apporte en naissant, tout ce qui a été constitutionnellement déterminé, mais sous des formes qui nous sont inconnues. Le Ça représente le pôle pulsionnel de l'appareil psychique et il joue un rôle important au début de la vie de l'enfant. Le Ça est gouverné par le principe de plaisir qui exige la satisfaction complète et immédiate des besoins, des pulsions et des désirs. Lorsque l'appareil psychique fonctionne selon le principe de plaisir, l'ensemble de l'activité psychique a pour objet de procurer le plaisir et d'éviter le déplaisir. « Les processus qui se déroulent dans le Ça n’obéissent pas aux lois logiques de la pensée ; pour eux, le principe de la contradiction est nul. Des émotions contradictoires y subsistent sans se contrarier, sans se soustraire les unes des autres ; tout au plus peuvent-elles, sous la pression économique qui domine, concourir à détourner l’énergie vers la formation de compromis. Dans le Ça, rien qui puisse être comparé à la négation ; on constate non sans surprise que le postulat suivant lequel l’espace et le temps sont des formes obligatoires de nos actes psychiques, se trouve là en défaut. Dans le Ça, rien qui corresponde au concept de temps, pas d’indice de l’écoulement du temps et pas de modification du processus psychique au cours du temps. Les désirs qui n’ont jamais surgi hors du refoulement, sont virtuellement impérissables et se retrouvent, tels qu’ils étaient, au bout de longues années. Seul le travail analytique, en les rendant conscients, peut parvenir à les situer dans le passé et à les priver de leur charge énergétique ; c’est justement de ce résultat que dépend, en partie, l’effet thérapeutique du traitement analytique. Il va de soi que le Ça ignore les jugements de valeur, le bien et le mal, la morale. »23 5.2. Le Moi « Sous l’influence du monde extérieur réel qui nous environne, une fraction du Ça subit une évolution particulière. Se différenciant à l’origine comme une couche corticale pourvue d’organes récepteurs d’excitations et de dispositifs pare-excitations, une organisation spéciale 22 Pulsion : charge énergétique qui est à la source de l'activité motrice 34 de l'organisme et du fonctionnement psychique inconscient de l'homme. (réf. : Roudinesco, E. et Plon, M., Dictionnaire de la psychanalyse, p. 855) 23 LEBOVICI, S. (Sous la direction de), le ça, le moi, le surmoi la personnalité et ses instances, p. 115. 20 s’établit qui, dès lors, va servir d’intermédiaire entre le Ça et l’extérieur. C’est à ce secteur de notre psychisme que nous donnons le nom de Moi. »24 « Le Moi est la partie du Ça modifiée par la proximité et l’influence du monde extérieur, organisée pour percevoir les excitations et pour s’en défendre. Le rapport avec le monde extérieur est devenu pour le Moi d’une importance capitale. Le Moi a pour mission d’être le représentant de ce monde aux yeux du Ça et pour le plus grand bien de ce dernier. En effet, sans le Moi, le Ça, aspirant aveuglément aux satisfactions instinctuelles, viendrait imprudemment se briser contre cette force extérieure plus puissante que lui. Le Moi, du fait de sa fonction, doit observer le monde extérieur, s’en faire une image exacte et la déposer parmi ses quelques souvenirs et perceptions. Il lui faut encore, grâce à l’épreuve du contact avec la réalité, tenir à distance tout ce qui est susceptible, dans cette image du monde extérieur, de venir grossir les sources intérieures d’excitation. Par ordre du Ça, le Moi a la haute main sur l’accès à la l’extériorisation des excitations, mais il a intercalé entre le besoin et l’action le délai nécessaire à l’élaboration de la pensée, délai durant lequel il met à profit les souvenirs résiduels que lui a laissés l’expérience. Ainsi détrône-t-il le principe de plaisir qui, dans le Ça, domine de façon absolue tout le processus. Il l’a remplacé par le principe de réalité plus propre à assurer sécurité et réussite. »25 Le Moi est donc le résultat de la différenciation du Ça au contact de la réalité. Il est cependant en grande partie inconscient. Caractéristiques principales du Moi « Par suite des relations préétablies entre la perception sensorielle et l’action musculaire, le Moi dispose du contrôle des mouvements volontaires. Il assure l’autoaffirmation et, pour ce qui concerne l’extérieur, remplit sa tâche en apprenant à connaitre les excitations, en accumulant (dans la mémoire) les expériences qu’elles lui fournissent, en évitant les excitations trop fortes (par la fuite) en s’accommodant des excitations modérées (par l’adaptation), enfin, en arrivant à modifier, de façon appropriée et à son avantage, le monde extérieur (activité). Au-dedans, il mène une action contre le Ça en acquérant la maitrise des exigences pulsionnelles et en décidant si celles-ci peuvent être satisfaites ou s’il convient de différer leur satisfaction jusqu’à un moment plus favorable ou encore s’il faut les étouffer tout à fait. Dans son activité le Moi est guidé par la prise en considération des tensions provoquées par les excitations du dedans ou du dehors. […]Un accroissement de tension provoque généralement du déplaisir, sa diminution engendre le plaisir. À toute augmentation attendue, prévue, de déplaisir correspond un signal d’angoisse et ce qui déclenche ce signal, du dehors ou du dedans, s’appelle danger. »26 La fonction du Moi est de rechercher le meilleur compromis, le meilleur arrangement possible entre le principe de plaisir (pulsions inconscientes du monde intérieur) et le principe de réalité (exigences du monde extérieur). Le Moi est donc une structure qui se dégage petit à petit au contact du milieu. Il est amené, peu à peu, à juger parmi les pulsions celles qui peuvent être ou non satisfaites, compte tenu des circonstances. « Est considéré comme correct tout comportement du Moi qui satisfait à la fois les exigences du Ça, du Surmoi et de la réalité, ce qui se produit quand le moi réussit à 24 FREUD, S., Abrégé de psychanalyse, p. 4. 25 LEBOVICI, S. (Sous la direction de), le ça, le moi, le surmoi la personnalité et ses instances, s. l., Tchou, 1978, p. 116. 26 FREUD, S., Abrégé de psychanalyse, p. 4-5. 21 concilier ces diverses exigences. »27 Freud explique encore que : « Le Moi a à servir trois maitres sévères et s’efforce de mettre de l’harmonie dans leurs exigences. Celles-ci sont toujours contradictoires et il parait souvent impossible de les concilier ; rien d’étonnant dès lors à ce que souvent le Moi échoue dans sa mission. Les trois despotes sont le monde extérieur, le Surmoi et le Ça. Le Moi se sent menacé de trois périls différents auxquels il réagit, en cas de détresse, par la production d’angoisse. Si le Moi vient à désobéir au Surmoi, il est puni de pénibles sentiments d’infériorité et de culpabilité. Le Moi ainsi pressé par la Ça, opprimé par le Surmoi, repoussé par la réalité, lutte pour accomplir sa tâche économique, rétablir l’harmonie entre les diverses forces et influences qui agissent et sur lui. Le Moi, quand il est forcé de reconnaître sa propre faiblesse, est saisi d’effroi : peur réelle devant le monde extérieur, craintes de la conscience devant le Surmoi, anxiété névrotique devant la puissance qu’ont les passions dans le Ça. »28 Le Moi est régi par le principe de réalité qui intervient comme régulateur pour satisfaire la pulsion ou le désir, non pas par la voie la plus courte, mais non admise, mais bien en empruntant un détour et/ou en ajournant le résultat : « Le Moi joue le rôle de sentinelle ou de médiateur entre le Ça et le monde extérieur et a pour fonction de canaliser ou de diriger l'énergie du Ça, conformément aux exigences de la réalité. »29 On dira que l'équilibre du Moi est réalisé quand il parvient à tenir compte de la réalité extérieure et à se défendre également des pulsions du Moi et des contre-pulsions du Surmoi en trouvant aisément un compromis. Il tentera de résoudre les conflits entre le Ça et le Surmoi au moyen des mécanismes de défense. Parfois, le Moi est trop faible et il n'arrive pas à s'imposer. Il se laisse alors submerger par l'une ou l'autre des deux autres instances de la personnalité. Dans ce cas, l'individu tombe dans la maladie mentale. Si le Moi est submergé par le Surmoi, l'individu est victime d'une névrose qui se caractérise par le fait que la personne attache trop d'importance aux exigences du monde extérieur au détriment de ses propres tendances. Dans ce cas particulier, « le Surmoi, devenu exagérément rigoureux, admoneste, humilie, maltraite le pauvre Moi, lui fait entrevoir les plus dures punitions, lui reproche des actes accomplis naguère d’un coeur léger. Il semble que le Surmoi ait entre temps accumulé les charges, qu’il ait attendu d’être assez fort pour les utiliser et pour prononcer la condamnation. L Surmoi veut contraindre le Moi sans défense à se plier aux règles les plus sévères. Il se fait, en somme, le défenseur de la moralité et voyons du premier coup d’oeil que notre sentiment moral de culpabilité est le résultat d’une tension qui existe entre le Moi et le Surmoi. »30 Si le Moi est submergé par le Ça, l'individu tombe dans la psychose qui se caractérise par le fait que l'individu, à l'inverse du cas précédent, est incapable de tenir compte du monde de la réalité. La psychose se traduit par la production d'une réalité délirante31 et hallucinatoire32. 5.3. Le Surmoi 27 Idem, p. 5. 28 LEBOVICI, S. (Sous la direction de), le ça, le moi, le 40 surmoi la personnalité et ses instances, s. l., Tchou, 1978, p. 116-117. 29 BLUM G., Les théories psychanalytiques de la personnalité, Paris, P.U.F., 1955, p. 88. 30 LEBOVICI, S. (Sous la direction de), le ça, le moi, le surmoi la personnalité et ses instances, p. 110. 31 Délire : distorsion importante 43 de la relation de l'individu avec le monde extérieur. 32 Hallucination : perception sensorielle en l’absence de stimulation externe de l’organe sensoriel intéressé. 22 « Comme par une sorte de précipité33 de la longue période d’enfance qu’il traverse et pendant laquelle il dépend de ses parents, l’individu en cours d’évolution voit se former dans son Moi une instance particulière par laquelle se prolonge l’influence parentale. Cette instance, c’est le Surmoi. Dans la mesure où le Surmoi se détache du moi ou s’oppose à lui, il constitue une troisième puissance dont le Moi est obligé de tenir compte. […] Toujours et partout, les particularités des relations entre Moi et Surmoi deviennent compréhensibles si on les ramène aux relations de l’enfant avec ses parents. Ce n’est évidemment pas la seule personnalité des parents qui agit sur l’enfant, mais transmises par eux, l’influence des traditions familiales, raciales et nationales, ainsi que les exigences du milieu social immédiat qu’ils représentent. Le Surmoi d’un sujet, au cours de son évolution, se modèle aussi sur les successeurs et sur les substituts des parents, par exemple sur certains éducateurs, certains personnages qui représentent au sein de la société des idéaux respectés. »34 Toute idée inconsciente ne se traduit pas nécessairement en acte. En effet, l'intégrité physique et psychique de l'individu peut être mise en péril par le fait de vouloir satisfaire une pulsion selon le principe de plaisir et sans tenir compte de la réalité extérieure. L'éducation que nous recevons de nos parents en particulier et de notre entourage en général, nous amène par le biais de la socialisation à acquérir progressivement toute une série de défenses et d'interdictions. Notre Surmoi joue par conséquent un rôle de conscience morale. Le Surmoi est donc la couche d'interdictions, de défenses et de principes introjetés (en français courant on dirait : incorporés) qui se constitue progressivement au cours de la croissance de l'individu. Il s'édifie lentement à partir des règles, des défenses, des tabous et même des idéaux imposés par le monde extérieur. Le surmoi est donc régi par le principe de réalité. « Chose remarquable, le Surmoi fait preuve souvent d’une sévérité qui dépasse celle des parents véritables. C’est ainsi qu’il ne se borne pas à juger le Moi sur ses actes, mais aussi et tout autant sur ses pensées et sur ses intentions non mises à exécution et dont il semble avoir connaissance. […] Tant que le Moi vit en bonne intelligence avec le Surmoi, la différenciation entre leurs manifestations respectives reste malaisée, mais toute tension, toute mésentente, sont nettement perçues. Les tourments que cause le remords correspondent exactement à l’angoisse de l’enfant devant la menace d’une éventuelle perte d’amour, menace remplacée par l’instance morale. Par ailleurs, quand le Moi a pu résister à la tentation de commettre une action réprouvée par le Surmoi, son amour-propre s’en trouve flatté et sa fierté s’accroit, comme s’il avait réalisé quelque gain précieux. C’est ainsi que le Surmoi, devenu fraction du monde intérieur, continue cependant à assumer pour le moi le rôle d’un monde extérieur. »35 Le Surmoi est en partie responsable du mécanisme de refoulement qui arrête, dès sa naissance, une idée inacceptable sur le plan social et l'empêche ainsi de passer du niveau inconscient au niveau conscient. Le refoulement est, par conséquent, contrairement à la croyance populaire, un mécanisme tout à fait inconscient. Le Surmoi agissant (sur le Ça) comme moyen de défense contre nos pulsions inacceptables, il est donc responsable de nos contrepulsions. Il est, par conséquent, également à l'origine de nos sentiments de sécurité et d'insécurité psychologique, comme d'ailleurs aussi de nos 33 Précipité : dépôt obtenu quand se produit la précipitation. Précipitation : phénomène physique ou chimique à la suite duquel un corps solide insoluble (le précipité) prend naissance dans une phase liquide. 34 FREUD, S., op. cit., p. 5-6. 35 FREUD, S., op. cit., p. 83. 23 sentiments de culpabilité et d'infériorité. On a coutume de voir le Surmoi comme contenant deux processus : – un processus inconscient automatique qui permet à une idée de s'exprimer en acte ou, au contraire, la refoule ; – un processus conscient qui correspond à notre conscience morale. Cette instance-là juge, raisonne, oriente consciemment l'individu en fonction de normes et d'idéaux reçus. Le bon équilibre psychique d'un individu dépendra notamment de la qualité de son Surmoi : un Surmoi trop faible mettra l'individu en danger physique et social permanent ; un Surmoi trop rigide bloquera le sujet et pourra aller jusqu'à empêcher la satisfaction de ses besoins les plus essentiels. 6. La résolution des conflits par les mécanismes de défense Les mécanismes de défense sont des « techniques » utilisées (de manière absolument inconsciente) par le Moi pour éviter les conflits entre les pulsions en provenance du Ça et les contrepulsions en provenance du Surmoi. Les mécanismes de défense vont tenter de stopper, de canaliser ou de détourner les pulsions du Ça, inacceptables par le Surmoi, et d'apaiser les tensions et l'anxiété qui, sinon, découleraient du conflit entre le Ça et le Surmoi. Ces mécanismes ne sont pas innés, mais ils ont une forme relativement stable chez les individus. Certains mécanismes de défense sont considérés comme des processus normaux, d'autres sont plus pathologiques. Exemples : Mécanismes de défense psychotiques : le clivage (en cas d’idéalisation croissante de l’objet d’amour, le clivage a pour but de le tenir éloigné de l’objet persécuteur et de le rendre inaccessible au mal), le déni (se fonde sur l’idée d’un anéantissement des persécuteurs), l’idéalisation de l’objet. Dans la vie de l’adulte, ces mécanismes déterminent un manque de discrimination entre le bon et le mauvais et des fixations à des objets mauvais, qu’il faut idéaliser. C’est par exemple le cas du fonctionnement de patients qui ont une personnalité schizoïde. Dans l’identification projective, des parties du soi et des objets internes sont détachées et projetées dans l’objet externe, lequel devient alors une possession des parties projetées, qui le contrôlent et auquel elles s’identifient (ex. un stagiaire ES qui représente un père qui n’a jamais été présent pour l’enfant...). L’identification projective est utilisée dans des buts multiples : elle peut être dirigée vers l’objet idéal afin d’éviter la séparation, ou vers le mauvais objet pour acquérir un contrôle sur cette source de danger. Nous avons déjà parlé de la sublimation. Bien que cela consiste en un processus psychologique, elle n’est pas un mécanisme de défense à proprement parler car elle est, selon Freud, un des quatre destins de la pulsion (refoulement, retournement sur la personne propre, renversement en son contraire). Par ailleurs, on retrouve parmi les mécanismes de défense névrotiques, l’identification, le contre-investissement, la dénégation, l’annulation rétroactive et la condensation. 24 7. Le développement de la personnalité selon Freud Freud développera la théorie selon laquelle durant l'enfance nous passons par une série de stades psychosexuels de développement dont l'impact sur notre vie est profond et durable. Il distingue cinq stades de développement de la libido. Le stade oral, 0 à +/- 18 mois, se caractérise par la focalisation de l'attention sur le besoin de nourriture. A travers la succion, nécessaire au nourrisson pour s'alimenter, le nourrisson découvre le plaisir oral et ainsi, s'alimenter n'est plus le seul but. Le sein de la mère (ou le biberon) devient objet pulsionnel, la principale source de plaisir. Durant le stade anal, 1 à 3 ans, l'enfant apprend la propreté. Il découvre le plaisir que lui procure le fait d'expulser ou de retenir les matières fécales. L'anus devient une zone érogène sous l'influence de l'exigence de propreté exprimée par les parents. C'est aussi, à cet âge, la période d'opposition. L'enfant peut satisfaire sa mère ou au contraire s'opposer à elle en se retenant. Au stade phallique, 3 à 6 ans, l'enfant découvre son corps par le toucher et la masturbation. Il prend conscience de la différenciation des sexes. Durant cette période, l'enfant traverse une période marquée par un conflit lié au tabou de l'inceste avec le complexe d’œdipe. Freud soutenait que l'enfant vit le fantasme de posséder sa mère mais pour cela il doit détruire son père. Ce fantasme s'accompagne de forts sentiments de jalousie, voire de colère à l'encontre du père dont il voudrait prendre la place. Pour posséder sa mère il va donc s'identifier au père en subissant son autorité et en s'identifiant à lui. Le père qui était rival devient l'objet à imiter, ce qui le détachera de sa mère. En outre, les garçons à ce stade de développement ont la grande frayeur que le père, pour les punir de ce désir charnel, les castre; c'est ce que Freud a appelé l'angoisse de castration. La période de latence, 6 à 12 ans, est la période de socialisation de l'enfant. Il effectue un travail de refoulement de ses intérêts sexuels pour les sublimer dans les divers apprentissages: scolaire, sportif,... Et à l'adolescence, stade génital, c'est le moment où l'identité, notamment sexuelle, se forme. Freud émit l'hypothèse selon laquelle l'absence de gratification appropriée à un stade psychosexuel donné résulte en une personnalité qui reflétera tout au long de sa vie le stade en question. 8. Psychanalyse et psychothérapie a. Les psychothérapies « Une psychothérapie est une méthode de traitement des souffrances psychiques par des moyens essentiellement psychologiques. Selon la démarche utilisée, la psychothérapie cherche soit à faire disparaitre une inhibition ou un symptôme gênant pour le patient [thérapies brèves], soit à remanier l’ensemble de son équilibre psychique [thérapies 25 longues]».36 Toute psychothérapie implique trois aspects essentiels : – le thérapisant (ou patient ou client), porteur de la souffrance ; – le thérapeute à la fois dépositaire de connaissances et d’un savoir-faire spécialisé ; – un moyen privilégié de communication (souvent verbale, parfois non verbale). b. La psychanalyse en tant que méthode thérapeutique « La psychanalyse est une méthode particulière de psychothérapie fondée sur l’exploration de l’inconscient à l’aide de la libre association du côté du patient et de l’interprétation du côté du psychanalyste ».37 La libre association ou règle fondamentale est la règle constitutive de la situation psychanalytique selon laquelle le patient doit s’efforcer de dire tout ce qui lui vient à l’esprit et principalement ce qu’il serait tenté d’omettre pour quelque raison que ce soit.38 L’interprétation est une intervention psychanalytique visant à faire comprendre à un analysant la signification inconsciente de ses actes, de son discours, de ses rêves, de ses désirs, etc. La grande particularité de la psychanalyse par rapport aux autres psychothérapies est que l'ambition de la cure psychanalytique n'est pas de guérir l'analysant, puisque celui-ci n'est pas malade. Elle n'a pas pour vocation, comme la médecine par exemple, ou les thérapies comportementales, de restaurer l'état dans lequel se trouvait la personne avant sa cure. Elle n'a pas pour vocation de « normaliser » les individus, de les adapter aux normes de la société. Elle a, au contraire, pour ambition de placer le désir du sujet au centre du dispositif. La psychanalyse a une conception particulière du symptôme. En effet, pour la psychanalyse, le symptôme est un moyen inconscient utilisé par un individu pour révéler un désir lui-même inconscient. Pour les tenants de la psychanalyse, les symptômes sont des processus de défense inconscients contre des désirs et des sentiments inacceptables et refoulés. Par conséquent, le psychanalyste ne considère pas qu'il est de son devoir premier de faire disparaitre le symptôme de l'analysant. Il s'agira surtout d'essayer de comprendre le message inconscient véhiculé par le symptôme (interprétation). La véritable ambition de la cure psychanalytique et la réorganisation de l'appareil psychique. Cette réorganisation de l'appareil psychique ne fera pas disparaitre les problèmes, mais elle contribuera modestement à mieux y faire face. Les changements provoqués par la cure psychanalytique permettent à l'analysant d'adopter une manière de sentir et d'agir plus libre et plus créatrice, plus accordée à ce qu'il est dans son être et plus en mesure d'utiliser ses potentialités. c. Sigmund Freud (1856-1936) et la psychanalyse C.1. Les mécanismes de la névrose Au contact des nombreux patients dont il s’occupa, Freud mit en place sa conception de la 36 ANZIEU, D.,dans DORON, R., 48 PAROT, F, Dictionnaire de psychologie, p. 562. 37 Adapté de : Elisabeth ROUDINESCO, E. et PLON, M. Dictionnaire de la psychanalyse, p. 821. 38 Idem, p. 886. 26 maladie mentale. Il considéra que, en l’absence de toute lésion organique, une maladie mentale est le symptôme d’un choc affectif oublié, d’un traumatisme réel ou imaginaire. Il postula alors que si le patient parvenait à se remémorer ces chocs affectifs oubliés, il comprendrait son comportement et son symptôme et qu'il lui serait dès lors possible de supprimer le symptôme. Ce postulat est encore actuellement en vigueur dans bon nombre de psychothérapies. Selon Freud, le symptôme névrotique (angoisse, paralysie, idées obsessionnelles, etc.) se met en place lorsque quelqu’un s’interdit un désir lié à des souvenirs traumatisants de la petite enfance (p. ex., un inceste réel ou imaginaire). Le symptôme est le souvenir de cette interdiction et de la non-satisfaction pulsionnelle qui en résulte. C’est dans l’élaboration du complexe d’Oedipe que Freud donne la clé de toute névrose : l’enfant doit renoncer à l’objet de son désir inconscient, notamment à la composante érotique de la possession incestueuse du parent du sexe opposé. Ce désir est refoulé et devient donc inconscient : quand l’enfant sera devenu adulte, le désir refoulé pourra être réactivé par un évènement et se traduire sous forme de symptôme névrotique qui est la conséquence du premier refoulement. L’angoisse envahit le champ de la conscience, elle est produite par la non-satisfaction du désir sexuel inconscient. C’est pourquoi toute névrose est la réminiscence d’un conflit oedipien mal sublimé, mais totalement oublié par le patient. Notons au passage que lorsque l’OEdipe est correctement résolu (au moyen des mécanismes de défense), il y a satisfaction partielle du désir refoulé et l'élaboration de la névrose et des symptômes qui l’expriment n’est plus nécessaire. C.2. La sexualité enfantine Avec sa théorie sur les stades psychosexuels (cf. votre cours de psychologie du développement), Freud s’est intéressé à la sexualité des enfants. Dans cette théorie, chaque stade est le reflet de l'évolution de la recherche du plaisir de l'enfant en fonction de son développement. Selon cette théorie, le développement psychologique a lieu du fait que l'énergie sexuelle se manifeste dans différentes parties du corps au fur et à mesure que l'enfant grandit. Ce développement psychosexuel représente les étapes normales par lesquelles passe tout individu et indique l’importance de la sexualité dans la maturation affective et la construction de la personnalité. C.3. Autres psychanalystes Nous pouvons citer quelques autres noms célèbres de psychanalystes tels que Anna Freud, Françoise Dolto, Mélanie Klein, Jacques Lacan, Sandor Ferenczi, Ernest Jones, Karl Abraham, Carl Jung, etc. 27 Chapitre 4 : Approche comportementaliste (ou behavioriste) 1. Introduction Nous avons vu que les idées développées par Freud et ses disciples quant aux motivations inconscientes des humains ont déplu à beaucoup de gens. Le courant comportementaliste s'inscrit dans cette mouvance. Il conteste également les idées de Descartes qui soutenait que la pensée peut produire des connaissances qui ne sont pas dérivées de l'expérience. En effet, pour les comportementalistes, seuls les évènements de l'environnement peuvent influencer l'esprit humain et ils vont tenter de montrer comment les évènements environnementaux contrôlent littéralement le comportement des humains et des animaux. C'est ainsi que se sont créées les théories sur l'apprentissage par conditionnement. Dans les années 1960 à 1980, un certain nombre de chercheurs, partisans du comportementalisme, ont souligné le fait qu'il existait d'autres façons d'expliquer les apprentissages : on apprend aussi par l'observation du comportement des autres et par l'imitation de certains comportements. Ils ouvraient ainsi la voie à la théorie de l'apprentissage social. Ce sont ces différentes théories que nous allons passer en revue dans les pages qui suivent. 2. Hypothèses de base et métaphores « Les événements environnementaux, ou stimulus, contrôlent le comportement des humains et des animaux. »39 « Pour comprendre le comportement des humains, comme celui des autres animaux, il n'est pas nécessaire de faire référence aux états internes tels que la pensée et les sentiments. »40 Selon la perspective comportementale, les comportements sont le résultat d'un apprentissage, apprentissage qui est fonction de la relation entre l'individu et les évènements de l'environnement. Les théories sur le conditionnement appartiennent à cette perspective (conditionnement de Pavlov, de Skinner). Les comportementalistes prétendent que le comportement des humains, comme celui des autres animaux, peut être parfaitement compris sans faire référence aux états internes de l'individu comme les pensées et les sentiments. Selon Burrhus Frédéric Skinner, un des chefs de file du comportementalisme américain, « Il n'y a pas de place pour l'esprit ou le soi dans 39 WESTEN, D., 52 Psychologie : pensée, cerveau et culture, p. 19. 40 Ibidem. 28 une analyse scientifique du comportement »41. Il est donc clair pour les comportementalistes qu'il faut renoncer, pour comprendre les humains, à l'étude de l'esprit et la conscience. Il ne faut donc pas non plus se fier à l'introspection. Mais alors, comment étudier le comportement ? « Il ne sert à rien de demander à quelqu'un ce décrire ce qu'il ressent quand il se pique avec une aiguille ; un behavioriste voudrait plutôt observer ce qui se passe lorsqu'on pique une personne au doigt avec une aiguille : se met-elle à pleurer ? Retire-t-elle sa main ? Se met-elle à jurer ? Que fait-elle d'autre ? »42 Les comportementalistes se contentent donc d'étudier les comportements observables et les évènements qui se produisent dans l'environnement pour construire une science sur la façon dont les hommes et les animaux se comportent : le comportementalisme. Comme d'après eux il est impossible d'étudier les pensées conscientes de façon scientifique, ils considèrent l'esprit comme une « boite noire » dont les mécanismes ne peuvent jamais être observés. Dans cette optique, ils décrivent d'abord le stimulus qui entre dans la boite noire, ils ne se préoccupent pas de ce qu'il se passe dans cette boite noire et, enfin, ils étudient la réponse qui sort de la boite noire. Ils se contentent donc d'étudier la relation entre ce qui entre et ce qui sort. Une autre métaphore du comportementalisme consiste à dire que les humains et les autres animaux sont comme des machines : il suffit de donner le bon stimulus à un individu pour qu'il adopte le comportement attendu, comme s'est le cas avec une machine (j'introduis 80 cents dans le distributeur à boisson, je pousse sur le bon bouton et je reçois la boisson que je souhaite). 3. Le conditionnement a. Définition et commentaires Le conditionnement est un processus d’apprentissage fondé sur l’association d’un stimulus43 et d’un comportement qui apparait en réaction à celui-ci. Au sens large nous dirons que « La théorie du conditionnement est l’ensemble des lois, mécanismes ou processus relatifs à la formation et au fonctionnement des liaisons conditionnelles. »44 Il existe deux grands types de conditionnements : le conditionnement répondant, encore appelé conditionnement classique ou pavlovien et le conditionnement instrumental, encore appelé conditionnement opérant ou conditionnement skinnerien. 41 SKINNER, Burrhus Frédéric, Can psychology be a science of mind ? In Americain Psychologist, 45, 1990, p.1210. 42 TAVRIS, C., WADE, C., Introduction à la psychologie, p. 22. 43 Stimulus: tout changement de l’environnement 56 qui provoque une activité nerveuse déterminée d’un organisme, celle-ci provoquant souvent une réponse ou réaction (réflexe ou volontaire) de la part de cet organisme. 44 LE NY, J.-Fr., Le conditionnement et l’apprentissage, p. 184. 29 b. Le conditionnement répondant (ou conditionnement classique ou pavlovien) 1. Ivan Petrovich Pavlov (1849-1936) Médecin russe et physiologiste, Pavlov est connu dans le domaine médical pour ses travaux sur les régulations nerveuses de la physiologie du coeur et du système digestif. C’est lors de ses travaux sur la physiologie du système digestif qu’il découvre fortuitement (grâce à ses talents de chercheur et d’observateur) le phénomène de réflexe conditionné : en effet, il est frappé de constater que la simple présence des garçons de laboratoire peu avant le repas des chiens qu’il utilisait pour étudier la digestion provoque leur salivation alors que cette salivation n’est normalement déclenchée chez les chiens que par la vue, le contact direct ou l’olfaction de la viande. Par la suite, Pavlov s’intéressa davantage à la psychologie qu’à la physiologie au point qu’il est considéré comme l’un des fondateurs de la psychologie soviétique moderne. Il transposa ce qu’il avait appris sur les animaux à l’homme et il permit ainsi de mieux comprendre des phénomènes comme les phobies ou les aversions alimentaires. Ses travaux eurent également une influence directe sur les travaux de l’école américaine du behaviorisme. 2. La technique du conditionnement répondant Avant tout conditionnement existent : 1 La réaction inconditionnelle (R.I.) C’est la réponse d’un organisme, suscitée de façon constante par un stimulus approprié provenant du milieu. Exemple : la salivation. 2 Le stimulus inconditionnel (S.I.) C’est un évènement du milieu qui suscite de façon constante la R.I. Exemple : la poudre de viande pour la salivation. 3 Le stimulus neutre (S.N.) C’est un autre évènement du milieu qui a pour caractéristique principale de ne pas susciter la réaction inconditionnelle étudiée. Exemple : une sonnerie. Dans la situation classique, on présente d’abord le S.N. à conditionner, puis le S.I., et l’on observe la R.I. Après un certain nombre de répétitions de cette séquence S.I. – S.N. (renforcements45), si l’on présente à nouveau le S.N., mais sans le faire suivre du S.I., on constate l’apparition d’une réaction : la salivation. Le S.N. est devenu actif, il est devenu : 4 Le stimulus conditionnel (S.C.) C’est exactement le même stimulus que précédemment, mais il est maintenant capable de susciter une réponse, alors qu’il ne le pouvait pas auparavant. 5 Cette réponse est la réponse conditionnelle (R.C.) sortie de la R.I. par la même o évolution qui a transformé le S.N. en S.C. Le conditionnement classique consiste donc à apprendre à un être vivant à produire une R.C. chaque fois qu'on lui présente le S.C. correspondant (p. ex., saliver en entendant la sonnerie). 45 Chaque présentation du S.I. suivie du S.N. s'appelle renforcement. 30 3. Les mécanismes du conditionnement répondant  L’extinction Une fois que la réponse conditionnelle est installée, si on présente un certain nombre de fois le S.C. sans son renforcement (c.-à-d. sans le S.I.), on observe l’extinction (disparition) progressive de la R.C. Par la suite, la réapparition du S.I. entrainera le recouvrement quasi immédiat et partiel ou total de la R.C. Cette extinction de la R.C. sera d’autant plus lente que celle-ci aura été renforcée de nombreuses fois. En effet, on considère que la force de la liaison conditionnelle entre le S.C. et la R.C. est fonction du nombre de renforcements qui ont eu lieu. Il est démontré que si l’on procède à un renforcement intermittent (c’est-à-dire que l’on ne renforce pas toutes les actions correctes, mais seulement une partie d’entre elles) le conditionnement est plus lent à se mettre en place, mais que (bien que le nombre d’essais donnant lieu à récompense soit comparable dans les deux types de renforcements), par contre, il résiste mieux à l’extinction. Ceci est d’autant plus important à retenir que, souvent, dans l’existence, seulement une fraction de nos activités concrètes est renforcée. Un comportement préalablement éteint peut réapparaitre à la suite d'un seul renforcement : c’est le phénomène de récupération spontanée. Il faudra dès lors procéder à sa nouvelle extinction. Celle-ci sera cependant plus rapide que la précédente.  La généralisation conditionnelle46 Une fois établie une réaction conditionnelle à un stimulus bien défini appelé stimulus original, la présentation de stimulus autres que ce dernier peut aussi provoquer la même réaction conditionnelle ; ce phénomène a reçu le nom de généralisation conditionnelle. Les stimulus susceptibles de provoquer cette même R.C. ont certaines relations avec le stimulus original et sont appelés des stimulus connexes (p. ex., pour un son, une fréquence (hertz), pour une lumière, une longueur d’onde). L’efficacité de ces stimulus est d’autant plus grande qu’ils sont semblables au stimulus original. REMARQUE : nous verrons dans le cours de psychopathologie que c’est ce mécanisme qui est responsable de l’extension d’une phobie non soignée à toute une série d’autres phobies proches de la première. 4. Applications La publicité fait un usage immodéré du conditionnement répondant, par exemple en associant un sentiment de bien-être à l'utilisation de certains produits commerciaux. Les thérapies comportementales utilisent fréquemment le conditionnement classique pour éteindre certains comportements indésirables et pour les remplacer par d'autres, plus désirables, par contre-co

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