Socialisation - Première - Sciences Economiques et Sociales - PDF
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Ce chapitre introduit le concept de socialisation dans le cadre des Sciences Economiques et Sociales. Il explique comment les normes et valeurs influencent les comportements des individus en société.
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Sciences économiques et sociales – Première CHAPITRE ① – Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ? POUR COMMENCER – SENSIBILISATION A L’ORAL Passage d’une vidéo – Extrait de l’émission Karambolage (Arte) –...
Sciences économiques et sociales – Première CHAPITRE ① – Comment la socialisation contribue-t-elle à expliquer les différences de comportement des individus ? POUR COMMENCER – SENSIBILISATION A L’ORAL Passage d’une vidéo – Extrait de l’émission Karambolage (Arte) – L’art de la bise Que révèle le malaise des étrangers lorsqu’ils doivent faire la bise à des Français ? Elle montre une différence de culture, de règle implicite de salutation qui provoque un problème de coordination (un malaise car l’étranger ne sait clairement comment orienter sa conduite face au français). Comment cette pratique vous a-t-elle transmise ? Elle nous est transmise dès notre enfance pour saluer ou dire au revoir à des membres de notre famille (grand- parent, oncle ou tante, etc.) Quels sont les facteurs évoqués qui font varier le nombre de bises pratiquées ? Que cela révèle-t-il du processus de socialisation ? Le nombre de bises varie selon la région ou le milieu social. Cela nous montre que si tous les Français sont socialisés à la bise, tous ne la pratiquent pas de la même façon ou l’ont apprise selon des variations, ce qui conduit à ce qu’il existe de multiples façons de faire la bise. A travers cet exemple, on aborde tout l’enjeu sociologique sous-tendant le processus de socialisation. Il s’agit de voir comment nous sommes amenés à devenir capable de vivre en société, c’est-à-dire en intériorisant des manières d’agir et de penser qui participent à nous intégrer et à nous conformer (I). Toutefois, cet apprentissage connaît des variations selon de multiples critères et environnements côtoyés. Aussi, il s’agit de montrer comment la socialisation produit de la singularité (II). 1. COMMENT DEVENONS-NOUS DES ACTEURS SOCIAUX ? 1.1. Que se transmet-il au cours de la socialisation et selon quels mécanismes s’effectue-t-elle ? DOCUMENT 1 : Normes et valeurs (1) Les normes sont des règles de conduite alors que les valeurs sont des idéaux collectifs. Autrement dit, les normes guident les comportements des individus en définissant des façons d’être et d’agir qui sont acceptables ou pas alors que les valeurs sont des principes qui définissent ce qui est considéré comme souhaitable. Ainsi les normes sont concrètes alors que les valeurs sont abstraites. A l’oral : Faire commenter la phrase ci-dessous tirée du document 1. « Des échelles des valeurs se dessinent, avec des valeurs dominantes partagées par tous et d'autres acceptées seulement par une partie de la société. » A faire noter ensuite : Au sein d’une société donnée, certaines valeurs sont largement partagées par l’ensemble de ses membres alors que d’autres peuvent être spécifiques à un groupe en particulier. Par exemple dans la société française aujourd’hui, la valeur d’égalité est très largement partagée par la population alors que les valeurs catholiques sont spécifiques à un groupe particulier (les individus de religion catholique). Mais dans la société française d’Ancien Régime par exemple, les valeurs catholiques étaient très largement partagées par la population. Aussi, les valeurs ne sont les mêmes d’une période historique à l’autre ou d’un pays à l’autre. Enfin, comme les valeurs, certaines normes sont propres à une société alors que d’autres peuvent être propres à un groupe en particulier. 1/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première Demander aux élèves d’effectuer l’exercice n°1 (2) Les normes découlent des valeurs. Par exemple, la norme « ne pas discriminer un individu en fonction de son orientation sexuelle » découle de la valeur « égalité ». Les normes sont donc la traduction concrète des valeurs et sont légitimées, c’est-à-dire justifiées, par des valeurs. Une même valeur peut se traduire sous la forme de plusieurs normes. Par exemple, les normes « ne pas mentir », « ne pas voler », « ne pas tricher » découlent de la valeur « honnêteté » Une même norme peut être la traduction de plusieurs valeurs. Par exemple, la norme « ne pas trahir un ami » découle de la valeur « loyauté » et de la valeur « honnêteté ». Apport de l’enseignant : Les sources des valeurs sont multiples : la tradition, la morale, la religion, la politique, la philosophie. (3) Les normes peuvent être distinguées selon leur degré d’explicitation. Certaines normes sont implicites c’est-à-dire qu’elles sont sous-entendues (autre synonyme : tacites), considérées comme « allant de soi », sans être expressément formulées (normes informelles). Par exemple, dans les façons de se vêtir, aucune norme ne dit formellement qu’un élève ne doit pas porter un costume et une cravate dans un lycée public mais il est d’usage pour un lycéen ne pas se vêtir ainsi. D’autres normes sont explicites c’est-à-dire qu’elles sont expressément formulées dans des injonctions écrites (les lois, les règlements) ou orales, c’est-à-dire dans des prescriptions (= ordres) détaillant ce qu’il faut faire ou ne pas faire (normes formelles). Par exemple, dans le règlement intérieur du lycée, il est formellement écrit qu’un élève doit faire le travail demandé par le professeur. Vocabulaire Valeurs : Principes qui définissent ce qui est considéré comme souhaitable dans une société ou dans un groupe en particulier. Normes : Règles de conduite qui guident les comportements des individus en définissant des façons d’être et d’agir qui sont acceptables ou pas dans une société ou dans un groupe en particulier. DOCUMENT 2 : La socialisation selon Emile DURKHEIM (4) Une partie de l’apprentissage des normes et des valeurs par l’enfant résultat d’une contrainte (« nous le contraignons ») exercée par les instances de socialisation comme la famille ou l’école. En effet, Emile DURKHEIM montre que ces instances de socialisation peuvent mettre en œuvre des actions spécifiques et explicites dans le but d’inculquer des normes (ex : dire bonjour, dire merci, etc.) et des valeurs (ex : politesse) aux enfants. Ainsi, une partie de la socialisation correspond à des situations d’apprentissage explicites des normes et des valeurs intentionnellement mises en œuvre par les instances de socialisation. Autrement dit, une part de la socialisation correspond à des moments d’éducation. (5) Au bout d’un certain temps, ce processus d’inculcation conduit l’enfant à respecter spontanément (« cette contrainte […] donne peu à peu naissance à des habitudes ») les normes et les valeurs sans que les instances de socialisation exercent une contrainte sur lui. Autrement dit, l’enfant finit par intérioriser les normes et les valeurs c’est-à-dire qu’il finit par les faire entrer dans ses manières d’être, d’agir et de penser. Ces manières d’être, d’agir et de penser construites par la socialisation constituent des dispositions. (6) Mais E. DURKHEIM montre que la socialisation ne se limite pas aux situations d’apprentissage explicites et intentionnellement mises en œuvre par les instances de socialisation. En d’autres termes, la socialisation n’est pas seulement manifeste. En effet, une grande part de la socialisation se réalise par imprégnation et 2/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première imitation c’est-à-dire par le simple fait que l’individu est exposé à certaines conduites et attitudes qu’il finit par adopter et intérioriser. La socialisation est donc aussi latente. Autrement dit, la socialisation repose en grande partie sur des mécanismes implicites c’est-à-dire sur des interactions qui n’ont pas pour objectif explicite de faire intérioriser des normes et des valeurs mais qui aboutissent pourtant à produire chez chaque individu des dispositions c’est-à-dire des manières d’être, de penser et d’agir. Par exemple, les enfants sont les témoins de scènes de la vie familiale qui impliquent leurs parents. Or ces derniers passent aisément pour des modèles. Aussi, dans leurs jeux, les enfants reproduisent les comportements de leurs parents en prenant leur rôle. En prenant le rôle de la maman, la petite fille imitera des manières d’être et de faire de sa maman. De même, en prenant le rôle du papa, le petit garçon imitera des manières d’être et de faire de son papa. A l’oral : Socialisation et éducation sont-ils des termes équivalents ? Ainsi, socialisation et éducation ne sont pas des termes équivalents. L’éducation est une des formes que peut prendre le processus de socialisation mais toute socialisation ne prend pas la forme d’une éducation. Attention donc en devoir à ne pas utiliser le terme d’éducation à la place du terme de socialisation. Vocabulaire Socialisation : Processus par lequel, à travers ses interactions avec les autres, l’individu intériorise les normes et les valeurs de sa société ou d’un groupe en particulier. EXERCICE N°1 Norme Valeur Dire bonjour X Ne pas trahir un ami X Loyauté X A poste équivalent, accorder le même salaire à un homme et à une femme X Ponctualité X Ne pas porter de signes religieux ostentatoires à l’école X Humilité X Ne pas tricher à un examen X Faire ses devoirs scolaires X Tolérance X Travail X Ne pas se vanter X Laïcité X Se laver les mains avant de se mettre à table X Honnêteté X Arriver à l’heure sur son lieu de travail X Egalité X Ne pas mentir X Ne pas voler X Liberté X Ne pas discriminer une personne en fonction de son orientation sexuelle X Savoir reconnaître ses erreurs X EXERCICE N°2 Extrait n°2 : / Extrait n°1 : 3/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première 1.2. En quoi la socialisation des enfants et des adolescents est-elle un processus socialement situé ? POUR COMMENCER – SENSIBILISATION A L’ORAL Passage d’une vidéo– Spot publicitaires des magasins U en 2015 Pourquoi les magazines U ont adopté une telle démarche l’année dernière ? Les enfants interrogés dans ce spot répètent savamment ce que sont « les trucs de filles » et « les jeux de garçon ». Ils ont intégré parfaitement « les codes » qu’on leur transmet. Et ils ont aussi intégré la transposition de ces codes au « monde des adultes », comme par exemple lorsque ces petites filles expliquent : « Les garçons ne savent pas s’occuper des bébés » « Le papa, lui, il va au travail et il gagne des sous » À leur âge, ces enfants savent déjà expliquer exactement ce que sont « les jeux de fille » et « les jeux de garçon ». Or lorsqu’ils sont lâchés dans une aire de jeux, ils jouent… avec tout. Selon leurs envies, pas selon « les codes » de leur genre. Comment expliquer cette socialisation si précoce ? Et comment s’opère-t-elle ? A noter pour introduire la sous-partie : La socialisation qui se déroule pendant l’enfance et l’adolescence est qualifiée de socialisation primaire. La famille joue un rôle essentiel lors de la socialisation primaire car elle intervient précocement, durablement et dans un climat affectif qui facilite la transmission des normes et des valeurs. A famille, s’ajoutent rapidement d’autres instances de socialisation pendant l’enfance et l’adolescence : le groupe de pairs, l’école mais aussi les médias. DOCUMENT 3 : Des jouets très stéréotypés (7) Les métiers représentés par les jouets des garçons correspondent à des professions très masculinisées comme celles de la sécurité et de la guerre (armes, déguisements) , de la construction (Lego, Mécano) ou du transport (voitures, camions, trains, avions) alors que les métiers représentés par les jouets des filles correspondent à des professions très féminisées telles que institutrice (tableau), vendeuse (caisse enregistreuse), puéricultrice (poupées), coiffeuse (panoplie de coiffure et meuble de coiffure), esthéticienne (panoplie de maquillage), infirmière (panoplie d’infirmière), … (8) Ainsi, les métiers représentés par les jouets des filles se situent dans le prolongement des activités domestiques. En revanche, en dehors du bricolage (établi, mallette d’outils), les activités domestiques ne sont pas représentées par les jouets des garçons. Ainsi, les activités proposées aux garçons sont davantage tournées vers l’extérieur. (9&10) Les jouets donnent à voir aux filles et aux garçons ce qu’est censé être et faire un individu de sexe féminin et ce qu’est censé être et faire un individu de sexe masculin. Autrement dit, par les jouets, les enfants font l’apprentissage de rôles sociaux différenciés selon le sexe (rôles sexués). Ces rôles sexués sont définis et organisés à partir des stéréotypes de sexe. Un stéréotype est une représentation simplificatrice, partagée par les membres d’une société qui, à partir d’idées préconçues (« les clichés »), attribue aux individus des attitudes spécifiques. Les stéréotypes de sexe font donc référence aux représentations simplificatrices que les membres d’une société ont du féminin et du masculin, ce qui les conduit à attribuer aux femmes et aux hommes des manières d’être, de penser et d’agir différentes. Par exemple, les jouets des filles, en mettant en avant la maternité, les activités ménagères ainsi que les activités d’embellissement, leur apprennent à s’occuper des autres et à être coquettes. 4/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première Apport de l’enseignant : Ainsi, en invitant les filles et les garçons à investir sur un mode ludique des univers et des rôles sociaux distincts, les jouets favorisent l’intériorisation par les filles de dispositions socialement considérées comme féminines et par les garçons de dispositions socialement considérées comme masculines. Rappel de Seconde : Le concept de rôle social désigne l’ensemble des comportements d’un individu que les autres attendent de lui en fonction de son statut c’est-à-dire en fonction de la position qu’il occupe dans un espace social donné. Le sexe, l’âge, la profession, …sont des éléments permettant de définir la position qu’un individu occupe dans un espace social donné. Ce sont donc des éléments de définition du statut de l’individu. Vocabulaire Rôle social : Ensemble des comportements que les autres attendent d’un individu en fonction de son statut. Statut : Position occupée par un individu dans un espace social donné. Dispositions : Manières d’être, d’agir, de penser et de sentir intériorisées par l’individu au cours de la socialisation. Socialisation primaire : Socialisation qui a lieu pendant l’enfance et l’adolescence. Instances de socialisation : Ensemble des agents qui participent au processus de socialisation de l’individu. A l’oral : L’utilisation de jouets stéréotypés par les enfants est-elle seulement le résultat d’une contrainte exercée par les parents ? L’utilisation de jouets stéréotypés par les enfants n’est pas seulement le résultat d’une contrainte exercée par les parents. Si ces derniers peuvent veiller à ce que leurs enfants adoptent des jouets associés à la catégorie de sexe à laquelle ils appartiennent, les enfants eux-mêmes ont le souci, à travers le choix de leurs jouets, d’apparaître en adéquation avec leur sexe d’appartenance. En effet, les catalogues de jouets, les publicités à la télévision ou les activités ludiques des autres enfants, exposent l’enfant à des images qui vont lui permettre d’identifier les activités ludiques qui sont conformes à son sexe d’appartenance ce qui orientera ensuite de façon stéréotypée son choix de jouets. Apport de l’enseignant : Plus largement, la socialisation différenciée selon le sexe repose sur la construction d’environnements matériels (jouets, couleur de la chambre, vêtements, …) et de contenus culturels (livres jeunesse, dessins animés, magazines, …) distincts pour les filles et les garçons. Autrement dit, la socialisation différenciée selon le sexe passe essentiellement par l’imprégnation. Elle revêt donc principalement un caractère latent. Et cette socialisation différenciée selon le sexe ne conduit pas seulement à l’intériorisation de manières d’être et de faire correspondant à la définition du masculin et du féminin dans la société. Elle développe aussi des centres d’intérêts distincts qui se manifestent dans les choix d’activités culturelles ou sportives par exemple. Autrement dit, les différences entre les préférences des filles et les préférences de garçons ne sont pas innées mais construites par le processus de socialisation différentielle. SCHEMA BILAN N°❶– Les modalités du processus de socialisation des mécanismes Inculcation explicites Socialisation peut se faire selon... des mécanismes Imprégnation implicites Imitation 5/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première SCHEMA BILAN N°❷– Le contenu de socialisation normes Règles de conduite Socialisation conduit à valeurs Idéaux collectifs l'intériorisation de... Comportements rôles sociaux attendus par les autres DOCUMENT 4 : Part des filles selon la série de première générale et technologique à la rentrée 2017 (%) (11) D’après le Ministère de l’Education nationale, en France, à la rentrée 2017, sur 100 élèves en Première STMG, en moyenne 51 étaient des filles. (12) La socialisation différenciée selon le sexe produit aussi des aspirations différenciées. Par exemple, les filles et les garçons font souvent des choix d’orientation scolaire sexués. Ainsi, parmi les filières générales, le choix de la série scientifique reste encore un choix majoritairement masculin. En effet, en France, à la rentrée 2017, sur 100 élèves Première S, en moyenne 52 étaient des garçons. Inversement, le choix de la série littéraire mais aussi de la série économique et sociale restent encore des choix majoritairement féminins. En effet, en France, à la rentrée 2017, sur 100 élèves en Première L, en moyenne 80 étaient des filles. Ces choix d’orientation sexués se retrouvent aussi parmi les filières technologiques. Ainsi, à la rentrée 2017, en France, 92% des élèves en Première STI2D étaient des garçons alors que 80% des élèves en Première ST2S étaient des filles. Apport de l’enseignant : Cela aura un impact sur leurs aspirations professionnelles donc sur leurs choix de métiers. Ainsi la majorité de la population active féminine est concentrée dans les métiers de l’éducation, de la santé, du social et de l’administration publique. DOCUMENT 5 : Des usages et des types de jouets différenciés selon le milieu social (13) Familles des catégories moyennes et Familles des catégories populaires surtout supérieures Jouet sert à stimuler matériellement la réussite scolaire de l’enfant puisque Jouet sert à stimuler intellectuellement Comment est utilisé le son achat (ou son retrait) sert à l’enfant c’est-à-dire qu’il est utilisé jouet par les familles ? récompenser (ou punir) l’enfant pour comme un support d’apprentissages. ses résultats scolaires. Quelle est la place des Forte. Ces familles privilégient les Faible. Ces familles privilégient les jouets éducatifs dans les jouets éducatifs c.à.d. ayant pour but jouets récréatifs c.à.d. des jouets ayant jouets offerts aux de développer des connaissances et pour but la détente et l’amusement enfants ? des compétences. Ces familles estiment qu’il existe une Ces familles estiment qu’il existe une Quel lien les familles séparation et une opposition entre les complémentarité et une continuité font-elles entre les loisirs et le travail scolaire. entre les loisirs et le travail scolaire. 6/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première loisirs et le travail Travail scolaire associé au sérieux et à Les loisirs sont envisagés comme un scolaire ? l’effort / Loisirs associés à la détente et moyen de favoriser l’épanouissement au plaisir intellectuel de l’enfant et de prolonger les apprentissages réalisés à l’école. Les enfants vont associer les Les enfants vont associer les A quoi l’enfant va-t-il apprentissages intellectuels à la apprentissages intellectuels associés associer les pénibilité ce qui n’est pas favorable au au plaisir (« apprendre en s’amusant ») apprentissages développement d’une envie ce qui est favorable au développement intellectuels et quels d’apprendre, d’un goût pour la d’une envie d’apprendre, d’un goût sont les effets connaissance. pour la connaissance. potentiels sur sa L’intériorisation de cette façon de L’intériorisation de cette façon de réussite scolaire ? penser les apprentissages intellectuels penser les apprentissages intellectuels est peu propice à la réussite scolaire. est propice à la réussite scolaire. Les jouets, dans leur nature comme dans leur usage sont très différenciés selon la position sociale de la famille et sont donc à l’origine d’effets socialisateurs Conclusion différenciés. Ainsi, contrairement aux enfants des catégories populaires, les enfants des catégories moyennes et surtout supérieures intériorisent grâce à leurs activités ludiques des dispositions scolairement rentables. Apport de l’enseignant : Plus généralement, ce sont l’ensemble des pratiques de loisirs et des pratiques culturelles qui, parce qu’elles sont très variables selon les catégories sociales, produisent une socialisation différenciée selon le milieu social d’appartenance de l’enfant. En effet, les familles des catégories moyennes et supérieures perçoivent les enfants comme des êtres à développer et voient dans les différentes pratiques de loisirs et les différentes pratiques culturelles autant de moyens de le faire. Aussi, les enfants des catégories moyennes et supérieures consacrent une part importante de leur temps libre à des loisirs (sport, musique, dessin, etc.) mais aussi à des activités culturelles (lecture, visites de musées, de monuments historiques, sorties au théâtre, etc.) qui sont l’occasion pour les enfants de s’approprier des éléments de culture directement valorisables à l’école. Les activités les plus profitables du point de vue scolaire sont ainsi davantage pratiquées chez les enfants des catégories moyennes et supérieures que chez les enfants des catégories populaires. Vocabulaire Socialisation différentielle : Processus de socialisation qui conduit à ce que différentes catégories d’individus intériorisent des dispositions différentes. Remarque – Apport du professeur Le sociologue Pierre BOURDIEU a créé le concept d’habitus, dans les années 1980, pour montrer comment les dispositions acquises durant l’enfance sont génératrices de pratiques ultérieures dans la vie de l’individu. Lorsque celui-ci s’exprime, manifeste des goûts ou dégoûts ou détermine un comportement à tenir dans une situation inédite, celui-ci le fait en s’appuyant sur les schèmes de perception de la réalité, des dispositions précédemment intériorisées et conformes à son statut (sexe, origine sociale). A partir du concept d’habitus, Pierre BOURDIEU offre un modèle qui permet de rendre compte des différences de comportements dont on vient de faire état. Ainsi, à chaque milieu social (BOURDIEU distinguait trois grandes classes sociales : classe dominante, petite bourgeoisie, classe populaire. Cf. Programme de terminale pour l’explicitation du sens de ce concept), correspond un style de vie propre (le sens de la distinction, la bonne volonté culturelle et le goût du nécessaire). De même suivant le genre de l’individu, les dispositions acquises et génératrices de pratiques diffèrent. 7/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première SYNTHESE N°❶– La construction de l’identité sociale de l’individu Notre prénom, nos manières de parler, de nous saluer, de nous vêtir, de manger, nos goûts et nos aspirations portent l’empreinte de notre socialisation. Ainsi, au cours de sa socialisation, l’individu intériorise des façons de faire de penser et d’être qui contribuent à forger son identité. Ces manières d’agir, de penser et de se comporter se construisent à partir de principes que va valoriser la société et des règles qui en découlent. Les sociologues appellent ces principes des valeurs et ces règles des normes. Grâce à ce processus, l’individu intègre à sa personnalité certains comportements si bien qu’ils deviennent automatiques (ils lui semblent « naturels » alors qu’ils sont « acquis »). La famille (en particulier les parents) joue un rôle fondamental dans ce processus. En effet, elle intervient en premier, à un moment où l’individu est particulièrement influençable, dans un contexte marqué par l’affectif où les interactions sont répétées. D’autres instances exercent également une influence sur les individus dès l’enfance comme les groupes de pairs, l’institution scolaire ou les médias. La socialisation se déroule selon différentes modalités. Les instances de socialisation peuvent transmettre des façons de penser d’agir par inculcation, qui renvoie à la transmission explicite et contrainte par les agents socialisateurs assortie de sanctions positives (récompense, valorisation) et des sanctions négatives (punition, dévalorisation). Les règles de politesse ou concernant l’utilisation des écrans relèvent ainsi de l’inculcation. La socialisation peut aussi se faire selon des mécanismes implicites. Le contenu de la socialisation est alors transmis par les pratiques directes (activités sportives ou culturelles, émissions ou films regardés en famille, visite de musées, etc.). Par ailleurs, les socialisés vont reproduire, de manière souvent inconsciente, des comportements de leur entourage et notamment de leurs parents. Ils vont s’imprégner de façon lente, continue et par un jeu d’imitation, lors des milliers d’interactions du quotidien, de façons de faire, de penser et d’être (accent, habitude alimentaire, etc.). Les instances de socialisation exercent donc leurs actions sur les individus à la fois intentionnellement et inconsciemment. La socialisation ne génère pas seulement de la conformité entre les individus. Il s’agit, en effet, d’un processus socialement situé. Au cours de leur enfance et adolescence particulièrement, les individus intériorisent progressivement des dispositions qui sont communes à certaines catégories socialement reconnues car partageant le même statut social (les sexes, les classes d’âges, les milieux sociaux, …). On parle de socialisation différentielle pour désigner une socialisation qui conduit les individus à intérioriser des dispositions selon leur statut social. Cette socialisation différentielle conduit à l’apprentissage de rôles sociaux différents selon leur place dans la société. A cet égard, l’une des premières différences entre les comportements individuels tient à une socialisation différentielle selon le sexe. Si les stéréotypes sur les hommes et les femmes tendent à nous faire penser qu’il s’agit d’identités liées à la nature, la biologie, il reste que la différence biologique entre fille et garçon ne détermine pas forcément l’identité sociale. L’identité sociale se construit au cours de l’enfance : la différence entre les hommes et les femmes est surtout construite et instituée par la société. En témoigne l’attribution de jouets différenciés selon le sexe des enfants qui conduit les filles et les garçons à développer des dispositions différentes selon leur sexe, les jouets des filles étant davantage tournés vers la sphère domestique et les jouets des garçons étant davantage tournés vers la sphère professionnelle. Ainsi, par l’intermédiaire des jouets stéréotypés qu’on leur offre et qu’ils choisissent, les enfants intériorisent des rôles sociaux bien définis et distincts en fonction de leur sexe. L’exemple des jouets permet également d’observer l’existence d’une socialisation différentielle selon le milieu social. Il apparaît que les jouets, dans leur nature comme dans leur usage sont très différenciés selon la position sociale de la famille. Ainsi, contrairement aux enfants des catégories populaires, les enfants des catégories moyennes et surtout supérieures intériorisent grâce à leurs activités ludiques des dispositions scolairement rentables. En définitive, le sociologue permet d’expliquer une partie des différences de comportements individuels en mettant à jour les processus multiples d’apprentissage de rôles auxquels est soumis l’individu selon ses positions dans l’espace social. C’est ce que l’on nomme l’identité sociale. 8/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première 2. COMMENT LA SOCIALISATION CONDUIT-ELLE A NOUS RENDRE SINGULIER ? 2.1. Comment la diversité des configurations familiales modifie-t-elle les conditions de socialisation des enfants et des adolescents ? POUR COMMENCER – SENSIBILISATION A L’ORAL Projection de la photographie des jeunes filles jouant au football. Si les enfants sont conduits, notamment par l’intermédiaire de leur famille à intérioriser des dispositions conformes à leur statut ? Comment expliquer la pratique de sport ou de toute autre activité ne correspondant pas pleinement aux attentes sociales. L’explication tiendrait-elle au rôle d’agents socialisateurs extérieurs à la sphère familiale ? Ou peut-on trouver une explication sociologique à l’intérieur même des familles pour rendre compte de ces singularités ? DOCUMENT 6 : Des filles dans des sports « masculins » (14) L’engagement d’une fille dans des sports socialement considérés comme masculins, tels que le football ou la boxe, suggère qu’elles ont intériorisé des dispositions socialement considérées comme masculines. (15) Or, force est de constater que la plupart des filles qui s’engagent dans ce type de sports appartiennent à des familles des classes populaires dans lesquelles les comportements des parents sont fortement stéréotypés. (16) Autrement dit, parce que les stéréotypes de sexe sont particulièrement marqués dans leurs familles, elles n’étaient pas a priori susceptibles d’éprouver une appétence pour des sports qui ne leur étaient pas socialement destinés. Aussi, cela signifie qu’elles ont connu des expériences socialisatrices spécifiques. Ces dernières peuvent être le produit de configurations familiales particulières. Deux types de configurations familiales peuvent favoriser chez les filles l’intériorisation de dispositions masculines et donc l’engagement dans des sports considérés comme masculins : l’appartenance à une fratrie exclusivement féminine. Dans ce cas, l’une des filles va jouer le rôle de « garçon de substitution » c’est-à-dire développer des dispositions masculines pour satisfaire les attentes de son père, déçu de ne pas avoir eu fils. l’appartenance à une fratrie nombreuse constituées de plusieurs frères et dont certains sont proches en âge de la fille. Dans ce cas, la fille par son immersion dans l’univers ludique et sportif de ses frères et par les interactions qu’elle a avec eux, va développer des dispositions masculines. DOCUMENT 7 : Des résistances à la transmission du capital culturel (17) Un parent porteur de dispositions peut ne pas les transmettre à ses enfants parce qu’elles font l’objet d’une dévalorisation au sein de la famille. Par exemple, dans un couple, si la mère est davantage dotée en capital culturel et a davantage de pratiques culturelles que le père mais qu’elle occupe un emploi moins valorisé et moins bien rémunéré, elle fera l’objet d’une moindre reconnaissance au sein de la sphère familiale. Autrement dit, les enfants intérioriseront des manières d’être, d’agir et de penser qui diffèrent en grande partie de celles de leur mère puisque les dispositions dont elle est porteuse sont déconsidérées. Ainsi, la famille n’étant pas un tout homogène, la socialisation a des effets contrastés sur l’intériorisation dispositions par les enfants. 9/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première Vocabulaire Configuration familiale : Type de structure familiale. Capital culturel : Ensemble des ressources culturelles détenues par un individu à savoir les biens culturels possédés, les diplômes obtenus ainsi que les dispositions culturelles acquises comme la maitrise des œuvres culturelles et l’intérêt pour celles-ci. 2.2. La socialisation secondaire : continuité ou rupture ? POUR COMMENCER – SENSIBILISATION A L’ORAL Passage d’une vidéo– Bande-annonce du film documentaire De chaque instant, 2018 Identifiez les façons de faire, de penser et d’être (= dispositions) que les infirmiers vont intégrer au cours de leur formation, puis de l’exercice de leur profession. Une éthique de travail, des gestes médicaux (massage cardiaque, piqures, etc.) Pourquoi peut-on parler d’une socialisation professionnelle ? Les étudiants infirmiers sont confrontés à de nouvelles situations pour lesquelles ils doivent construire et apprendre le comportement à adopter. Cet apprentissage se fait de façon formelle et par inculcation (cours et séance pratique) mais de façon plus informelle (à travers des stages, des échanges et « groupes de parole ») où chaque étudiant va devoir apprendre par imitation et imprégnation à endosser leur nouveau rôle conforme à leur statut. De plus, chacun apprend à composer personnellement ce rôle en fonction de ce qu’il est (ses dispositions passées). A noter : La socialisation ne s’arrête pas à la fin de l’adolescence. Elle se poursuit tout au long de la vie. Cette socialisation secondaire est elle aussi plurielle : elle peut passer par la formation du couple, l’entrée dans une profession ou encore dans un groupe politique. La socialisation secondaire s’articule à la socialisation primaire. Parfois elle se développe dans la continuité de la socialisation primaire. Les manières d’être, de penser et d’agir restent cohérentes avec celles intériorisées pendant l’enfance. Mais le plus souvent la socialisation secondaire génère des transformations dans les dispositions. Vocabulaire Socialisation secondaire : Socialisation qui a lieu tout au long de la vie après l’enfance et l’adolescence. DOCUMENT 8 : La socialisation conjugale (18) Lorsque deux individus s’unissent pour former un couple et décident d’habiter ensemble, ils doivent apprendre la gestion d’un espace commun. Or le partage d’un espace commun suppose par exemple l’apprentissage de règles communes dans la gestion du rapport à la télévision, à la musique et au téléphone afin de tenir compte de la présence de l’autre. En effet, les habitudes et les goûts en matière de télévision et de musique peuvent être divergents ce qui nécessite des arrangements qui rendent possibles la conciliation de deux attentes différentes. De même, l’usage du téléphone constitue une menace potentielle sur la vie de couple, ce qui exige là encore de trouver des compromis. Ainsi, le couple participe à la socialisation secondaire de par son apport de nouvelles normes. (19) Cette socialisation conjugale peut être qualifiée de « socialisation par frottement » (François de SYNGLY) car elle passe par des négociations et des arrangements quotidiens qui rendent possible la vie commune. En effet, dans le couple, les conjoints collaborent activement pour définir les contenus de cette socialisation conjugale mais ils sont peu conscients de ce processus car elle se fait sous la forme d’une « conversation continue » par laquelle ils confrontent leurs manières de penser et de faire héritées de leur socialisation antérieure. 10/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première DOCUMENT 9 : J’en fais plus à la maison. Pourquoi ? (20) Pour justifier l’inégalité du partage des tâches domestiques dans le couple, les femmes évoquent le fait qu’accomplir ces tâches leur semble évident et nécessaire car elles ont été habituées ainsi pendant leur enfance et leur adolescence. Par ailleurs, elles mentionnent le fait qu’elles ont un haut niveau d’exigence dans ce domaine et qu’elles se sentent donc les mieux à même de les faire. Pour les hommes, la réalisation des tâches domestiques est beaucoup moins spontanée et ceux d’autant plus que certaines leur apparaissent peu justifiées. Ils les perçoivent alors comme imposées par leur compagne dont les exigences sont dans ce domaine plus élevées que les leurs. Ces façons différentes d’appréhender les tâches domestiques sont héritées de la socialisation primaire qui a été différenciée. Les femmes réactivent les dispositions intériorisées pendant la socialisation primaire. En effet, au cours de la socialisation primaire, l’environnement matériel des filles est distinct de celui des garçons. Par exemple, l’univers ludique des filles diffuse encore un modèle normatif qui attribue les tâches domestiques aux femmes puisque de nombreux jouets proposés aux filles les invitent à materner en s’occupant de poupées et à effectuer des activités ménagères avec des équipements miniaturisés. Conclusion : Ainsi, force est de constater que la socialisation conjugale modifie peu les dispositions sexuées qui se sont construites pendant la socialisation primaire. Elle a plutôt tendance à les réactiver voire à les renforcer. Dans ce domaine on peut donc dire qu’il existe une continuité entre la socialisation primaire et la socialisation secondaire. DOCUMENT 10 : La socialisation professionnelle en chirurgie (21) La socialisation professionnelle des internes en chirurgie se fait par l’intermédiaire d’échanges interpersonnels avec des chirurgiens expérimentés qui cherchent à leur inculquer des manières d’être, de penser et d’agir qui sont propres à la profession. Mais cette socialisation est aussi un processus d’incorporation de toute une série de gestes techniques qui doivent être maitrisés. C’est donc aussi un apprentissage par la répétition. Ainsi, la socialisation professionnelle des internes en chirurgie se fait essentiellement selon des mécanismes explicites. Par ailleurs, les interactions entre les socialisés (internes en chirurgie) et les agents de socialisation (chirurgiens expérimentés) sont marquées par une certaine brutalité. En effet, les internes sont très souvent confrontés à des remarques blessantes, humiliantes et sont très souvent réprimandés. (22) Les internes en chirurgie intériorisent des dispositions qui sont spécifiques comme : les gestes techniques indispensables à la réussite d’une intervention au bloc la rigueur professionnelle le respect de la hiérarchie donc l’acceptation de la subordination le dévouement donc la disponibilité permanente la maitrise de soi donc la faculté à « encaisser » DOCUMENT 11 : Socialisation primaire et socialisation secondaire des chirurgiens (23) Les dispositions intériorisées par les chirurgiens sont très largement des dispositions considérées comme masculines. En effet, il est attendu des chirurgiens qu’ils soient endurants physiquement, qu’ils aient l’esprit de compétition, le goût pour le défi, l’affrontement verbal ainsi que pour les plaisanteries à caractère sexuel. (24) Aussi, pour les hommes aspirant à devenir chirurgiens, la socialisation professionnelle s’appuie sur des dispositions antérieurement constituées et vient les renforcer. La socialisation secondaire est donc une socialisation de renforcement de la socialisation primaire. De même, les femmes souhaitant entrer en 11/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première chirurgie, ont d’autant plus de chances d’y parvenir qu’elles ont intériorisé certaines manières d’être, de penser et d’agir considérées comme masculines au cours de leur socialisation primaire. Autrement dit, pour les femmes qui réussissent en chirurgie, la socialisation secondaire est aussi le plus souvent une socialisation de renforcement des dispositions masculines intériorisées pendant la socialisation primaire. En revanche, pour les femmes qui n’auraient pas antérieurement intériorisé ces dispositions masculines, la réussite en chirurgie nécessite une certaine transformation de leur part. La socialisation secondaire est alors pour elles une socialisation de transformation puisqu’elles doivent intérioriser certaines dispositions dites « masculines ». Mais pour celles pour qui la transformation exigée est trop importante au regard des dispositions construites par leur socialisation primaire, la chirurgie sera abandonnée au profit de la médecine générale par exemple. Cette forte structuration de la profession chirurgicale autour de dispositions masculines sert encore souvent à justifier l’inadéquation des femmes à ce milieu et donc leur moindre réussite. Conclusion : La socialisation professionnelle peut parfois s’inscrire dans une forme de continuité avec la socialisation primaire puisqu’elle peut s’appuyer sur la réactivation de dispositions acquises pendant l’enfance et l’adolescence. Elle peut aussi parfois entrainer certaines transformations dans les manières d’être, de penser et d’agir des individus puisque les comportements que l’on attend d’eux dans ce nouveau contexte n’ont pas nécessairement été intériorisés au cours de la socialisation primaire. DOCUMENT 12 : La socialisation politique des militantes les plus actives de l’association « Osez le féminisme ! » (25&26) L’étude des trajectoires des militantes les plus actives de l’association OLF montre des similarités dans leurs socialisations. En effet, elles ont été socialisées : à l’engagement militant par leur famille. En effet, leur socialisation politique primaire a été intense car leurs parents étaient très politisés (ils parlaient beaucoup de politique, maitrisaient les enjeux politiques, participaient à des manifestations,…). Elles ont donc très tôt développé certaines dispositions politiques comme un intérêt pour la politique et des connaissances sur la politique. par l’école. En effet, dans le cadre de leur long parcours scolaire (elles sont presque toutes diplômées de l’enseignement supérieur), elles ont acquis des savoirs et savoir-faire propices à l’engagement militant. Par exemple, c’est à travers des lectures personnelles effectuées dans le cadre de leurs études supérieures qu’elles se sont dotées d’une grille de lecture féministe du monde, c’est-à-dire qu’elles ont construit une partie de leurs dispositions féministes. par l’engagement militant en adhérant à des organisations politiques de jeunesse ou à des syndicats étudiants. En effet, elles y ont acquis des dispositions politiques nouvelles et particulières (organiser une manifestation, débattre, distribuer des tracts,…) qu’elles ont pu par la suite réactiver dans un nouveau contexte : leur engagement militant à OLF. Ce dernier est venu à son tour renforcer leurs dispositions féministes. A l’oral : Quels liens peut-on établir entre la socialisation primaire et la socialisation secondaire des militantes d’OLF ? Ainsi, l’engagement militant des femmes dans l’association OLF est le produit de l’influence de plusieurs instances de socialisation et repose sur l’articulation de dispositions intériorisées lors de la socialisation primaire, entretenues, complétées et renforcées lors de la socialisation secondaire. Conclusion : La socialisation politique des individus est plurielle puisqu’elle implique plusieurs instances de socialisation tout au long de l’existence. Si pendant l’enfance et l’adolescence la famille et l’école sont les 12/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première principales instances de socialisation politique donc de transmission de dispositions politiques, à l’âge adulte, l’engagement dans des organisations politiques, syndicales ou associatives a lui aussi d’importants effets socialisateurs. En effet, lors de la socialisation secondaire, les organisations militantes construisent chez leurs membres des dispositions politiques nouvelles et particulières. Mais le choix de s’engager dans une organisation militante est lui-même souvent le produit de dispositions au militantisme antérieurement acquises au sein de la famille et de l’école. SCHEMA BILAN N°❸– Socialisation primaire et socialisation secondaire La socialisation à l’âge adulte est une socialisation plurielle …. Socialisation conjugale Socialisation professionnelle Socialisation politique … qui renforce ou transforme les dispositions acquises au cours de l’enfance et de l’adolescence. 2.3. Comment se construisent les trajectoires individuelles improbables ? POUR COMMENCER – SENSIBILISATION A L’ORAL Projection de la photo de N’golo Kanté, de sa biographie et de la citation de Stéphane Beaud. Pourquoi peut-on qualifier le destin de N’golo Kanté d’« improbable » ? Quelle explication apporte le sociologue Stéphane Beaud pour justifier de ce destin improbable ? A noter : Il existe des trajectoires sociologiquement probables car les individus issus du même milieu social et/ou de même sexe ont des probabilités importantes d’avoir rencontré des socialisations relativement similaires, et donc d’avoir intériorisé des dispositions proches. Mais l’individu rencontre tout au long de sa vie une pluralité d’instances de socialisation. Ainsi, chaque individu est le produit d’expériences socialisatrices qui lui sont propres ce qui rend possible des trajectoires improbables (trajectoires qui s’écartent des trajectoires statistiquement les plus fréquentes). On nomme ces individus des transclasses ou des transfuges de classes. Ces trajectoires même si elles restent exceptionnelles, intéressent le sociologue. Les ruptures et les bifurcations qui les caractérisent permettent d’affiner la compréhension du processus de socialisation. Vocabulaire Trajectoire improbable : Trajectoire qui s’écarte fortement des trajectoires statistiquement les plus fréquentes. DOCUMENTS 13&14 (27) D’après l’INSEE, en France métropolitaine, en 2015, sur 100 femmes actives ou anciennes actives âgées de 30 à 59 ans dont le père est employé ou ouvrier non qualifié, en moyenne 19,3 occupent une profession intermédiaire. (28) Au sein de la famille Belhoumi, les deux sœurs aînées sont devenues cadres alors que leur père était ouvrier non qualifié. Or statistiquement ce n’est pas la trajectoire la plus fréquente. En effet, en France 13/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première métropolitaine, en 2015, sur 100 femmes actives ou anciennes actives âgées de 30 à 59 ans dont le père est employé ou ouvrier non qualifié, en moyenne 73,2 sont employées ou ouvrières. En revanche, seulement 3,9% des femmes actives ou anciennes actives âgées de 30 à 59 ans dont le père est employé ou ouvrier non qualifié sont devenues cadres. C’est pourquoi les trajectoires des deux sœurs aînées de la famille Belhoumi peuvent être qualifiées de trajectoires improbables. (29) Les trajectoires d’ascension sociale des deux sœurs aînées de la famille Belhoumi s’expliquent notamment par : la forte présence du père qui incite ses enfants à « travailler avec le stylo » car il considère que l’école est le meilleur moyen d’ascension sociale la forte mobilisation de certaines institutrices pour favoriser la réussite scolaire de leurs élèves, et particulièrement des filles d’immigrés la scolarisation dans des écoles plus mixtes socialement car l’immeuble des Belhoumi était proche d’un quartier pavillonnaire dans lequel résidaient des familles de classes moyennes. Plus généralement, en en matière de conditions de vie et de logement, cette période correspond à un moment où, jusqu’au début des années 1980, les quartiers d’habitat social (HLM) conservent malgré tout une certaine mixité sociale : les ouvriers français et les petites classes moyennes n’ont pas encore quitté (ou « fui ») les lieux ; les groupes de copains ou copines dans lesquels grandissent les enfants d’immigrés restent encore composites (Français, Algériens, Portugais, Espagnols). Apport du professeur (à l’oral uniquement) : Les cités des années 1980 ne sont pas totalement enclavées : des associations sont présentes et actives, les militants communistes font encore le travail dans la ville des sœurs B., des « militants de cité » [cf. Olivier MASCLET, La Gauche et les cités. Enquête sur un rendez-vous manqué, 2006.] apparaissent, les contacts avec des adultes sont fréquents. Si l’univers dans lequel ils grandissent alors est souvent marqué par la pauvreté matérielle et d’autres privations, le monde qui les entoure reste encore structuré par les valeurs communautaires propres aux milieux populaires, comme l’importance de l’effort au travail. Si la séparation entre « nous » (la cité, les jeunes des quartiers) et « eux » (les « bourgeois », les riches) existe bien dans les têtes, elle n’est pas totale ni infranchissable, à cette époque- là : il existe des passerelles, des passeurs d’un monde à l’autre, tout particulièrement pour les élèves jugés « méritants » Remarque : Cette étude sociologique illustre également l’importance des configurations familiales. Ici, la famille nombreuse et l’ascension sociale des aînées va profiter aux plus jeunes. L’enquête révèle ainsi la redistribution des petites ressources accumulées en cours de route par les deux sœurs aînées au profit des cadets : connaissances sur l’école et sur les ficelles qui mènent à l’emploi, capital économique — quand il a fallu les aider ponctuellement —, capital culturel — accès aux livres et aux lieux de la culture —, sans oublier des ressources morales : les sœurs aînées soutiennent constamment leurs frères, plus fragiles, tenaillés par le doute et par leur absence de confiance en eux et en leurs chances. CONCLUSION DE L’AXE 2 – « Dans les plis singuliers du social » DOCUMENT 15 : La fabrication sociale d’un individu – Entretien avec le sociologue Bernard LAHIRE (VIDEO) Apport à l’oral du professeur en amont du passage de la vidéo : Le sociologue Bernard LAHIRE a fondé le concept de socialisation plurielle ou de pluri-socialisation qui a été développé tout au long de cet axe. (30) Le concept d’habitus vise à montrer que les dispositions acquises par les individus au cours de leur socialisation sont génératrices de pratiques dans des situations inédites. L’individu se comporte alors conformément à sa socialisation primaire, inhérente à son milieu social ou son genre. Ce concept sous-tend l’idée suivant laquelle dans une situation sociale nouvelle, les dispositions acquises vont se manifester et se transposer dans le nouveau domaine de pratiques rencontré. BOURDIEU mettait donc l’accent sur les cohérences individuelles et même collectives. 14/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première Or, les analyses que nous venons d’étudier, montrent que les individus ne transposent pas en permanence les mêmes dispositions dans leurs différentes pratiques. Ainsi, en matière sportive, dans leurs rapports conjugaux, professionnels, les individus peuvent manifester de façons d’agir, de penser et ressentir, qui diffèrent voire s’éloignent fortement des dispositions précédemment acquises (jeune fille jouant au football mais répondant pour le reste de ses façons d’agir aux stéréotypes genrés par exemple). (31) Le développement de socialisations plurielles est concomitant au changement de l’organisation de la vie en société. L’individu fréquente désormais de multiples cercles sociaux et ne se limite plus au contact d’une communauté homogène caractérisée par des liens de similitude (cf. Chapitre 6 : Comment se construisent et évoluent les liens sociaux ?). Ainsi le monde social dans lequel l’acteur social évolue est caractérisée par « une concurrence des socialisations ». De plus, la diversité actuelle des espaces sociaux participe à des micro-changements et des déplacements sociaux de faible distance. Pour autant, ces changements génèrent de nouvelles expériences de socialisation et donc des variations individuelles. Apport du professeur : En outre, l’appartenance à une pluralité de cercles sociaux conduit les individus à se définir eux-mêmes comme étant uniques et originaux. Autrement dit leur identité sociale est unique, singulière : « je suis père mais aussi militant communiste, un judoka, membre d’un club d’échec... ». Cette juxtaposition d’influences socialisatrices va conduire les individus à être réflexifs, c’est-à-dire à réfléchir au sens des normes qui leur sont transmises, et autonomes ce qui peut les amener à en rejeter certaines ou en reconnaître la légitimité. Ainsi, la pluri-socialisation des individus est à l’origine de la production d’individus réflexifs et capables de produire des actions autonomes et de « cloisonner » les normes intégrées à certains milieux fréquentés. Exemples – à l’oral uniquement- de Bernard LAHIRE (suite de l’interview) : Cas d’individus de classes moyennes, socialisés à la culture légitime du fait de leurs études, qui consomment, malgré tout et de façon importante, des programmes télévisés débilitants (type télé-réalité). Ceux-ci ont bien conscience du caractère illégitime de leurs pratiques, ils font preuve de réflexivité mais pour autant, les justifient par le souhait de se divertir ou de reposer leur esprit alors qu’ils sont fatigués de leur journée de travail. Cas du transfuge de classe qui reprend la gestuelle, l’accent et la façon de parler de son origine sociale dans le cadre d’une réunion familiale et qui par ailleurs, sait faire preuve d’auto-contrôle dans le cadre de ses interactions quotidiennes au travail ou au sein de son couple. Là où BOURDIEU met l’accent sur la lutte symbolique entre groupes sociaux à travers des signes qu’ils imposaient, qu’ils extériorisaient, LAHIRE montre également que cette lutte s’opère à l’intérieur de l’individu pour parvenir à une homogénéité de ses pratiques, de ses goûts. C’est dans cette lutte interne que se produit la distinction sociale et enferme les classes moyennes dans leur position (car les fractions les plus populaires et les plus aisés se caractérisent par une homogénéité et une cohérence de leurs pratiques sociales. Pour les familles bourgeoises ou aisées, cette cohérence assure la transmission de leurs positions à leurs enfants). (32) Le sociologue explique les pratiques ou trajectoires différentes de deux enfants issus d’une même famille par la socialisation plurielle ou pluri-socialisation. Chacun a pu être confronté et développé des appartenances différentes à des instances de socialisation (amis différents, clubs de sports différents, école différente…). Cela participe au développement de variations interindividuelles. A cela, s’ajoute la complexité intrinsèque à l’individu, en raison de la singularité de son parcours biographique (expériences qui lui sont propres), qui l’amène à déployer les dispositions familiales acquises de manière très différente (dans différents contextes et à différents moments de son parcours). POUR FINIR : Extrait de 2 minutes de la même interview dans laquelle LAHIRE présente sa métaphore du pli 15/16 Chapitre 1 – La socialisation Sciences économiques et sociales – Première SYNTHESE N°❷ – La construction de la singularité individuelle sous l’effet d’influences socialisatrices diverses La socialisation ne se limite pas expliquer les différences individuelles au regard des multiples statuts et rôles que peut occuper un individu. Par ce biais, mais en étudiant également les configurations familiales, ou encore les espaces d’habitation, le sociologue met en exergue l’existence d’influences socialisatrices diverses pour l’individu, ce qui permet alors de comprendre toute sa singularité. A titre d’exemple, les types de configurations (structures) familiales (taille et composition genrée de la fratrie par exemple) peuvent peser sur l’acquisition de dispositions et permettent de comprendre dans certains cas l’absence de reproduction de manières d’être, d’agir, de penser ou de parcours sociaux entre parents et enfants (enfant de parent diplômé ayant de faibles résultats scolaires, jeunes filles jouant au football ou pratiquant la boxe). Ces forces socialisatrices se multiplient avec l’entrée dans la socialisation secondaire. En effet, la socialisation est un processus inachevé c'est-à-dire qu’il s’effectue tout au long de la vie. Même s’il est difficile d’introduire une séparation nette, on peut distinguer la socialisation primaire, qui a lieu pendant l’enfance, et la socialisation secondaire qui intervient à l’âge adulte. Cette multiplicité croissance d’instances de socialisation s’explique par le fait que le passage à l’âge adulte nécessite de nouvelles adaptations (socialisation secondaire) car les individus sont amenés à revêtir de nouveaux statuts sociaux : être époux, parent, avoir un emploi, être membre actif d’un syndicat, être militant dans un parti politique,... A chacun de ces statuts, correspondent des rôles spécifiques c'est-à-dire un ensemble de comportements attendus par les autres. Il ne s’agit pas d’une simple succession des socialisations mais d’une articulation de celles-ci. La socialisation primaire conditionne pour partie la socialisation secondaire : les normes et les valeurs acquises pendant l’enfance laissent alors une empreinte durable sur les comportements à l’âge adulte. Cela se manifeste par exemple dans une forme de reproduction professionnelle - familiarisés à l’environnement professionnel de leurs parents, les enfants sont enclins à envisager de travailler dans le même domaine – ou dans une forme de reproduction de comportements différenciés selon le sexe. On parle alors, dans ce cas, de socialisation de renforcement. Pourtant la continuité entre la socialisation primaire et la socialisation secondaire n’est pas automatique. Par exemple, la socialisation professionnelle peut conduire à l’acquisition de nouvelles dispositions nécessaires à l’exercice du métier. On parle ainsi de socialisation de transformation en ce sens qu’elle ne conduit qu’à une modification partielle de l’identité sociale de l’individu qui alors se recompose pour coordonner et dispositions acquises au cours de la socialisation primaire et dispositions acquises durant la socialisation secondaire. Pour résumer, du fait de l’existence de socialisations de renforcement, on peut donc être socialisé en continu sans être transformé en continu tel le cas d’une jeune fille devant femme au foyer comme l’était sa mère. Du fait de l’existence de socialisations de transformation, on peut être transformé par un processus de socialisation sans l’être de manière définitive, intégrale ou complète. En effet, on peut entrer dans une profession, connaître une relation matrimoniale qui participent à modifier des manières d’agir, de penser le monde sans remettre en cause l’ensemble des dispositions acquises durant l’enfance, comme les croyances religieuses par exemple. La socialisation peut donc être à la fois forte et continue sans que cela signifie que des transformations radicales et totales de l’individu se succèdent tout au long de sa vie. Aussi, il apparaît que la socialisation est un processus, dont le caractère à la fois continu et varié qui éclaire à la fois les phénomènes de reproduction sociale que l’existence de trajectoires improbables. C’est pourquoi on préfère appréhender l’individu comme un être « pluriel » puisque son identité est le produit de processus de socialisations multiples au cours de son existence qui ne forment pas toujours un système cohérent et le sociologue doit alors étudier la manière dont elles se transposent dans le vécu quotidien. 16/16 Chapitre 1 – La socialisation