Étude psychologique des risques et des accidents PDF
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Université Grenoble Alpes
2024
Mohamed Boua
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Cours d'étude psychologique des accidents et des risques, année universitaire 2023-2024, Université Grenoble Alpes. L'étude couvre l'intérêt des accidents du travail du point de vue de la psychologie, incluant des aspects économiques, sociaux et psychologiques des accidents.
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30/09/2024 Étude psychologique des risques et des accidents Mohamed Boua Enseignant en psychologie du travail et ergonomie Université Greno...
30/09/2024 Étude psychologique des risques et des accidents Mohamed Boua Enseignant en psychologie du travail et ergonomie Université Grenoble Alpes Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie, Personnalité, Cognition et Changement Social (LIP/PC2S), Equipe Risques et Accompagnement du Changement (RAC) [email protected] Année universitaire 2023-2024 1 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) o Nécessité sur le plan économique, humain et social o Reflet de conditions de travail et de sécurité dégradées, ou d’une interaction défectueuse entre l’opérateur et sa machine o Il entraîne un mal-être physique, psychologique et/ou social plus ou moins appréciable o Élément important de santé publique à cause de son incidence sur la santé physique et morale des travailleurs: taux de mortalité et taux de morbidité 1 2 30/09/2024 2 2 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) Même si les accidents du travail (AT) font l’objet d’une moindre publicité que les accidents de la route, il convient d’admettre que leur nombre et leurs conséquences pour l’économie, aussi bien que pour les équilibres individuels et collectifs, demeurent appréciables. 3 3 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) En 2022, le nombre d'accidents du travail a diminué de 6,7 % par rapport à 2021. Les accidents de trajet, en revanche, sont restés stables avec une légère augmentation de 0,2 %. Malgré la fin des dispositifs de chômage partiel et la sortie de la crise sanitaire, les niveaux de sinistralité n'ont pas retrouvé ceux de 2019, même si le nombre de salariés a augmenté de 3 % par rapport à 2021. 4 4 3 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) En accidents du travail, des secteurs et des risques identiques aux années précédentes Les accidents du travail (AT) surviennent majoritairement au sein des activités suivantes en 2022 : - Santé, nettoyage et travail temporaire (29% des AT) - Alimentation (17% des AT) - Transport (15% des AT) - BTP (14% des AT) 5 5 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) En 2022, les statistiques sur les accidents mortels du travail révèlent : – 738 accidents mortels reconnus, un niveau similaire à 2019. Causes principales des décès : – Malaises : 57% des cas – Accidents routiers : 13% des cas Secteurs les plus touchés : – BTP : plus de 20% des décès – Transports : plus de 20% des décès 6 6 4 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) La manutention manuelle à l’origine de la moitié des accidents 7 7 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) Des accidents de trajet stables en 2022 Représentent 13% des sinistres reconnus Causes principales : – Perte de contrôle d'un moyen de transport : 60% des cas – Glissade ou trébuchement avec chute : 16% des cas Tendance : Augmentation continue du recours aux mobilités douces, surtout en zones urbaines 8 8 5 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) Diminution des maladies professionnelles reconnues de plus de 3 000 cas par rapport à 2021 Réduction d'environ 1200 personnes par rapport à 2021 Les principales pathologies reconnues comme maladies professionnelles en 2022 9 9 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) Augmentation des maladies psychiques en 2022 – Total de maladies psychiques reconnues : 1 814 cas Augmentation : +16 % par rapport à 2021 Augmentation par type de trouble : – Dépressions : +17 % – Troubles anxieux : +14 % – État de stress post-traumatique : +11 % Les principales pathologies reconnues comme maladies professionnelles en 2022 Risques psychosociaux : – Reconnaissance en accidents du travail : environ 12 000 dossiers par an 10 10 6 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) La reconnaissance du Covid-19 en maladie professionnelle (au 13 mai 2022) En 2022 : – Dossiers complets déposés : 644 – Dossiers reconnus : 548 Dont 321 après passage devant le comité d'experts national 11 11 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) L’impact des AT-MP s’apprécie aussi à travers 3 éléments – Le nombre de décès – Le nombre de cas d’incapacité permanente – Le nombre de journées de travail perdues pour incapacité partielle temporaire Accidents du 2018 2019 2020 2021 2022 Évolution travail 2021/2022 553 733 550 645 738 + 93 Décès 4,3% 32,5% -25,0% 17,3% - - Incapacités 33384 33859 26 909 35 550 34951 - 599 permanentes 0,4% 1,4% -20,5 % 32,1% - - Journées travail 43 647 917 45 936 185 45 733 260 48 518 135 49 787 071 +1268936 perdues 4,5% 5,2% -0,4% 6,1% - - 12 12 7 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) Accidents de 2018 2019 2020 2021 2022 Évolution trajet 2021/2022 280 283 221 240 286 + 46 Décès 7,3 % 1,1% -21,9% 8,6% - - Incapacités 6200 6 426 4 942 6 390 5876 - 514 permanentes - 0,3 % 3,6% -23,1 % 29,3% - - Journées travail 6 772 568 7 121 022 7 010 875 7 265 165 7 745 336 + 480 171 perdues 6,2% 5,1% -1,5% 3,6% - - 13 13 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (1) Maladies 2018 2019 2020 2021 2022 Évolution professionnelles 2021/2022 295 246 214 279 203 - 76 Décès 12,2 % - 16,6 % -13,0% 30,4% - - Incapacités 23 964 24 671 19 933 25 142 23 831 - 1212 permanentes - 0,2 % 3,6% -23,1 % 26,1% - - Journées travail 11 670 079 12 721 469 12 587 107 14 104 594 14 477 722 + 373 128 perdues 5,9% 9,0% -1,1% 12,1% - - 14 14 8 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A noter que l’exposition à l’accident est variable d’une branche d’activité à l’autre et que dans certaines industries hautement complexes (biochimie, transport maritime, transport aérien, nucléaire), les victimes potentielles sont non seulement – les salariés (victimes de 1er rang), mais aussi – les usagers du système (victimes de 2d rang), – les personnes situées dans l’environnement du système (victimes de 3e rang) et, – les générations futures (victimes de 4e rang) (cf. Perrow, 1984). 15 15 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (3) o Coûts directs : soins médicaux et pharmaceutiques, frais d’hospitalisation, appareillages, etc. o Coûts indirects : souffrance physique, perte d’autonomie, baisse estime de soi, dépression, irritabilité, perturbation organisation du travail, de la famille, de l’équipe de travail, divers traumatismes psychologiques et esthétiques, etc. (voir Kouabenan & Alladoum, 1997 ; Kouabenan, 1999) 16 16 9 30/09/2024 I. Intérêt de l’étude des accidents et des risques du point de vue de la psychologie A) L’étude et la prévention de l’accident, une exigence sociale (3) o Conséquences d’autant plus insupportables que l’accident semble inexplicable aux yeux des victimes o Émergence de risques aux conséquences débordant le cadre strict du travail : accidents nucléaires, pollution, déchets toxiques, etc. 17 17 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 1. Les acteurs de la prévention des risques professionnels en dehors de l’entreprise Le ministère du travail (pouvoirs publics) – élaboration et mise en œuvre politique française santé et sécurité au travail – animation Conseil d’Orientation sur Conditions de Travail (COCT) (ex. conseil supérieur prévention des risques professionnels ou CSPRP), tous acteurs de la prévention (en région CRPRP) – suivi et préparation travaux du Conseil par la Direction générale du travail (DGT) – Action DGT relayée sur le terrain par les DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), l’Inspection médicale du travail et l’Inspection du travail. 18 18 10 30/09/2024 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 1. Les acteurs de la prévention des risques professionnels en dehors de l’entreprise Les organismes de la sécurité sociale – branche AT/MP Sécurité sociale – définition mesures et moyens prévention – réparation aux victimes d’AT/MP. – participation à élaboration politique de prévention. – s’appuie au niveau national sur la CNAMTS Niveau régional – 15 CARSAT (caisses d’assurance retraite et de la santé au travail), – 1 CRAMIF (caisse régionale d’assurance maladie de l’Ile de France) et, – 4 CGSS (Caisses générales de sécurité Sociale). CATMP (Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles ) : CA de la CNAMTS. CATMP assistée par des CTN et des (CTR) auprès des CARSAT. 19 19 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 1. Les acteurs de la prévention des risques professionnels en dehors de l’entreprise Les agences/organismes techniques ou scientifiques – INRS (branche AT/MP) (1947) : études et recherche, assistance, formation favoriser mise en œuvre politique nationale prévention risques professionnels – ANACT (27/12/1973) – ARACT (associations régionales pour l’amélioration des CDT) – OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics): 9 août 1947 Les observatoires régionaux de la santé au travail (ORST) (13 septembre 2000) 20 20 11 30/09/2024 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 1. Les acteurs de la prévention des risques professionnels en dehors de l’entreprise Les agences de veille sanitaire – L’Agence Nationale de Santé publique (mai 2016) regroupe l’InVS, l’INPES (l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) et l’EPRUS (Etablissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires). – L’ANSES (L’Agence Nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) (7 janvier 2010). – L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) (déc. 2011). – L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (2006). – L’Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN) (mai 2001). 21 21 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 2. Les acteurs de la prévention dans l’entreprise L’employeur (obligations) – Responsable de la sécurité de ses salariés – Application des dispositions légales sur la sécurité du travail – Évaluation des risques professionnels – Adoption de mesures préventives/correctives – Définition de programmes d’action formation à la sécurité 22 22 12 30/09/2024 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 2. Les acteurs de la prévention dans l’entreprise Les salariés (droits/devoirs) – Formation à la sécurité au travail, générale ou spécifique – Suivi médical – Expression directe et collective sur les conditions de travail – Alerte et retrait en cas de situation dangereuse – Respect consignes et mesures sécurité 23 23 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 2. Les acteurs de la prévention dans l’entreprise Les services de santé au travail – Analyse des situations et postes de travail selon une approche pluridisciplinaire (médicale, technique, organisationnelle). – Conseils aux salariés et à l’employeur. – Suivi médical de l’état de santé et contrôle de l’aptitude des salariés à leur travail. 24 24 13 30/09/2024 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 2. Les acteurs de la prévention dans l’entreprise Les instances représentatives du personnel (CSE/DP) – Suivi de l’application règles liées à protection salariés et la mise en place des mesures de prévention préconisées. – Développement prévention par actions de sensibilisation et d’information. – Analyse des risques professionnels et des CDT. – Formulation de propositions. Pour plus d’infos sur le CSE (création, missions, composition, fonctionnement, moyens), cf. http://www.inrs.fr/demarche/chsct/missions-CHSCT.html 25 25 II. Aperçu des institutions françaises de recherche et de promotion de la sécurité 2. Les acteurs de la prévention dans l’entreprise Avec la réforme du Code du travail par ordonnances (31 août 2017), les CHSCT sont intégrés au comité social et économique (CSE) au plus tard pour le 1er janvier 2020 (fusion des IRP (CE, DP et CHSCT) en CSE (Comités sociaux et économiques). Le CSE doit être mis en place au niveau de l’entreprise à partir de 11 salariés. Des CSE d’établissement et un CSE central vont être constitués dans les entreprises comportant au moins 2 établissements distincts. Les missions en santé-sécurité au travail du CSE s’amplifient à partir de 50 salariés, puis de 300 salariés avec l’instauration de commissions spécifiques. Pour compenser la disparition des CHSCT une commission santé, sécurité et conditions de travail est créée dans : – les entreprises d’au moins 300 salariés ; – les établissements d’au moins 300 salariés et ceux de certains secteurs comme par 26 exemple les installations nucléaires. 26 14 30/09/2024 III. La sécurité, un objet d’étude pluridisciplinaire o Divers points de vue concernés : technique, médical, légal, psychologique, psychosociologique, ergonomique, etc. o Techniciens ou ingénieurs : conception des dispositifs de sécurité pour rendre les systèmes techniques moins dangereux et plus fiables. o Médecins : prévenir, atténuer et traiter la blessure ; o Juristes : faire jouer la menace pénale ou juridique en faveur de la prévention de l’accident. Certaines lois considèrent l’accident comme un acte criminel, c-à-d passible de sanctions. 27 27 III. La sécurité, un objet d’étude pluridisciplinaire o Économistes : évaluer le coût relatif des systèmes de travail sûrs et des systèmes peu sûrs et montrer le gain réalisé par la prévention. o Anthropologues : examiner les valeurs culturelles influençant la sécurité o Historiens : évaluer l’évolution des lois, des actions de sécurité et celle de différentes mesures de protection. Etc. o Psychologues et ergonomes La contribution de la psychologie et de l’ergonomie sont très appréciables. 28 28 15 30/09/2024 III. La sécurité, un objet d’étude pluridisciplinaire (apport de la psychologie et de l’ergonomie) o Rôle psycho d’autant plus important que l’«on imagine mal un accident dans lequel l’activité d’un homme ne soit pas impliquée ….. » (Leplat, 1982, p.623) o La psychologie intervient à différents niveaux : analyse de l’accident, conception des stratégies et dispositifs de prévention (pédagogie de l’intervention) o Examen des caractéristiques individuelles influençant l’exposition au risque : traits de personnalité, perception, réactions typiques et caractéristiques psychosociologiques des personnes impliquées dans les accidents sexe, âge, statut sociométrique, affectivité, attitude envers le risque, statut socio-économique, nationalité, etc. 29 29 III. La sécurité, un objet d’étude pluridisciplinaire (apport de la psychologie et de l’ergonomie) o Analyse des représentations, croyances et de la perception (ou de l’évaluation) du risque o Étude des déterminants de la prise de risque ou du comportement d’autoprotection o Examen des déterminants et mécanismes de l’imputation causale des accidents o Analyse cognitive de la production des erreurs et des incidents; 30 30 16 30/09/2024 III. La sécurité, un objet d’étude pluridisciplinaire (apport de la psychologie et de l’ergonomie) o Analyse de l’activité et du système organisationnel pour : reconstituer la genèse des accidents, identifier les sources de difficultés dans le travail, repérer les défaillances et les risques, décrire les modalités d’interaction, etc. 31 31 IV. Évolution des études psychologiques sur les accidents A) Les études centrées sur les caractéristiques individuelles (1) o Études de psychologie différentielle visant à : isoler caractéristiques individuelles (sensorielles, cognitives, psychomotrices, personnalité, etc.) prédisposant aux accidents, et, Concevoir des tests psychologiques permettant de détecter la présence de ces traits chez les travailleurs ou chez les candidats à un emploi o Prévention : éloigner individus enclins aux accidents des installations ou des situations de travail dangereuses o Méthodologie : Comparer caractéristiques individus fréquemment accidentés (les « polyaccidentés ») à celles de sujets ayant peu d’accidents (les « pauci-accidentés ») 32 32 17 30/09/2024 IV. Évolution des études psychologiques sur les accidents A) Les études centrées sur les caractéristiques individuelles (2) o Exemples de variables étudiées : Variables physiologiques : sexe, âge, anomalies visuelles, fatigue, alcoolisme, gaucherie, etc. Variables psychologiques : intelligence, perception, affectivité, etc. Variables ethnologiques, socio-économiques et culturelles : nationalité, ethnie, statut social, situation familiale, statut sociométrique, etc. o Limites : néglige environnement accident, particularité chaque situation de travail, et modalités interaction de l’individu avec ces situations. Privilégie l’accidenté et n’aborde pas le processus même de l’accident. o Notions de causalité unique et de prédisposition aux accidents critiquées et délaissées 33 33 IV. Évolution des études psychologiques sur les accidents B) Les études tournées vers l’analyse de l’activité et du système organisationnel (1) o Élargissement du champ d’étude : Les caractéristiques individuelles interviennent en interaction avec les conditions internes et externes de l’activité o Accident considéré comme résultant de causes multiples agissant de façon interactive ou séquentielle à l’intérieur d’un système formé par l’individu, la tâche et son environnement o Conception systémique de l’accident : la sécurité doit être abordée par rapport à l’ensemble des conditions internes et externes de l’activité qui incluent des variables humaines, techniques, organisationnelles, économiques, sociologiques, etc. o Accident résulte non plus d’une causalité unique ou linéaire, mais de façon conjuguée de plusieurs facteurs en interaction ; c’est un symptôme de l’inadaptation du système 34 34 18 30/09/2024 IV. Évolution des études psychologiques sur les accidents B) Les études tournées vers l’analyse de l’activité et du système organisationnel (2) o Point focal des études : la tâche et les conditions de son exécution (système organisationnel dans son ensemble) o Identifier les classes de dysfonctionnements dans le système et leurs liaisons avec les accidents, étudier liens entre les variations dans l’environnement de la tâche et les accidents o La méthode d’analyse de l’INRS dite « l’arbre des causes » qui préconise de rechercher de proche en proche, à partir de la blessure ou du dommage, les variations ayant provoqué l’accident en est une illustration. 35 35 IV. Évolution des études psychologiques sur les accidents B) Les études tournées vers l’analyse de l’activité et du système organisationnel (3) o La conception systémique inscrit l’étude des accidents dans l’étude du système organisationnel dans son ensemble o Elle élargit le champ des études de sécurité et inclut l’étude des incidents, des presque-accidents et des comportements dangereux, ainsi que les conditions de leur production. o Elle oriente vers la recherche de facteurs potentiels d’accidents, de facteurs susceptibles d’augmenter la probabilité d’occurrence de certaines classes d’accidents. 36 36 19 30/09/2024 IV. Évolution des études psychologiques sur les accidents C) Les études visant la connaissance du fonctionnement cognitif ou socio-cognitif de l’individu face à la sécurité o Courant intermédiaire issu des théories psychologiques du traitement de l’information : perspective multicausale et systémique o Études sur les processus de prise de décision avec une visée double : diagnostique (décrire le processus de production de l’accident) et, préventive (cerner les conditions, les raisons ou les facteurs qui influencent les choix d’action de l’individu) o Le lien entre la prise de décision et la sécurité est évaluée à travers la perception que le sujet a du risque, son évaluation du risque et son niveau d’acceptation du risque perçu o On y évoque aussi les études sur le lien entre la perception du risque et la prise de risque o Études sur les représentations et l’explication naïve des accidents 37 37 V. Explication de l’accident, sentiment de contrôle et prévention A) L’explication rassure o L’explication, une activité quotidienne implicite ou explicite (surtout pour événements insolites ou négatifs). o L’explication rassure (besoin de contrôle et de sécurisation). o La frustration, l’échec, l’anxiété et la curiosité à l’origine d’un tel besoin d’explication. o L’absence d’explication intrigue (angoisse et déséquilibre psychologique transitoire). o Explications orientées vers recherche localisation (interne ou externe) de la cause et recherche contrôle 38 20 30/09/2024 V. Explication de l’accident, sentiment de contrôle et prévention A) L’explication rassure Permet de ne pas subir les événements et d’ajuster sa conduite, limiter l’incertitude, structurer et organiser son environnement. Déterminant important de l’interaction de l’individu avec son monde : stimuler et maintenir son exercice effectif de contrôle. 39 V. Explication de l’accident, sentiment de contrôle et prévention B) L’explication aurait une vertu thérapeutique (1/2) o Certaines formes d’explications internes permettent aux victimes de recouvrer plus vite un certain sens du contrôle (Bordieri & Kilburg, 1991; Bulman & Wortman, 1977). o Savoir qu’on est en partie responsable de ce qui nous arrive et qu’on pourrait (ou aurait pu) faire quelque chose pour l’éviter, aide à faire positivement face à la situation. o Le fait de parler de l’accident, de le raconter et de lui trouver des causes permet de surmonter l’anxiété et le traumatisme de l’événement (absence d’explication = préoccupés) (Furstenberg, 1988). 40 21 30/09/2024 V. Explication de l’accident, sentiment de contrôle et prévention B) L’explication aurait une vertu thérapeutique (2/2) o Localiser la source de l’accident, notamment l’attribuer à son propre comportement et à des éléments contrôlables, laisse entrevoir possibilités de prévention ou de réparation. o Auto-blâme surtout bénéfique si accident attribué à des aspects du comportement plutôt qu’à des traits de caractère, plus difficilement modifiables (Janoff-Bulman, 1982). o Auto-blâme valeur fonctionnelle si existe possibilité de réparation ; sinon source d’inadaptation (Brewin, 1984). o Identification causes à l’accident = 1 manière pour victimes reprendre situation en main (réduire l’anxiété et le stress, restaurer l’ordre et reprendre le contrôle). 41 V. Explication de l’accident, sentiment de contrôle et prévention C) L’explication oriente les actions de prévention o Action de prévention repose sur conception causalité accidents. o Explication précède et conditionne actions de prévention. o Permet de définir et d’orienter la prévention, définir des corrections ou des aménagements appropriés. o Explications reflètent conception causalité accidents et fournissent éléments précieux pour définition actions prévention intérêt explications naïves (pertinence mesures, logique de l’individu) 42 22 30/09/2024 V. Explication de l’accident, sentiment de contrôle et prévention D) L’explication ne concerne pas que l’expert o Les mesures de prévention se fondent sur les analyses causales des experts et négligent les représentations et les croyances causales de ceux qui doivent les mettre en œuvre. o Experts et profanes n’ont pas la même rationalité quant à l’explication des accidents (divergences possibles sur causes et mesures pertinentes). o Experts et profanes sont sujets à des biais dans leurs explications des accidents (pb. de crédibilité). o La prévention de l’accident est l’affaire de tous, son explication également 43 Schéma récapitulatif intérêt explication Sentiment de contrôle, sécurité Activité quotidienne Affaire de tous : Implicite / Explicite experts / profanes Rationalité différente experts / profanes Experts et profanes Explication de l’accident sujets à des biais Préalable à la prévention 44 23 30/09/2024 VI. De l’utilité des explications naïves de l’accident A) Toutes les explications ont un sens (1/2) o L’explication de l’accident concerne tout acteur de la situation à risques. o Explication naïve : explication spontanée fournie par les individus. o Explications naïves fondées sur représentations et croyances quant à la situation à risques et aux capacités d’y faire face. o Explications expertes ou naïves ont un sens et sont utiles. o Tendance des gens à se comporter en accord avec leurs inférences causales (Kelley). 45 VI. De l’utilité des explications naïves de l’accident A) Toutes les explications ont un sens (2/2) o « Si une personne croit que les lignes de sa main lui prédisent l’avenir, une telle croyance mérite d’être prise en compte dans l’explication de ses attentes et de ses actions » (Heider, 1958, p.5). o Les actions de prévention se fondent davantage sur les inférences causales que sur les causes réelles (Dejoy, 1994) 46 24