SÉANCE 10 : LES MALTHUSIANS ATOMISTES

Summary

Ce document traite des malthusiens atomiques, explorant le nucléaire et la transition énergétique. Il analyse la vision d'un avenir énergétique dominé par le nucléaire comme alternative aux sources fossiles.

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Chapitre 10 : Les malthusiens atomiques 1970 : patron de l'Atomic Energy Commission (AEC) imagine le monde en 1995 : surgénérateurs, fusion nucléaire, colonie lunaire atomique, satellites nucléaires formant un réseau de communication Cette utopie est le reflet de deux imaginaires : celui de Malth...

Chapitre 10 : Les malthusiens atomiques 1970 : patron de l'Atomic Energy Commission (AEC) imagine le monde en 1995 : surgénérateurs, fusion nucléaire, colonie lunaire atomique, satellites nucléaires formant un réseau de communication Cette utopie est le reflet de deux imaginaires : celui de Malthus et celui de « l'age atomique », qui s'alimentent et ont donné naissance à l'expertise de la transition énergétique. L'atome ouvre un horizon énergétique et suscite des réflexions sur le très long terme. Promoteurs américains défendent une option technologique de très long terme et fabriquent donc une futurologie sur la fin des fossiles et sur le changement climatique. Le futur comme présent agrandi Jusqu'aux années 70 on ne parle pas de transition, on anticipe des changements de proportion dans le mix énergétique mais pas de changement majeur. L'utilisation permanente des E fossiles explique les alertes relatives à leur épuisement. Dans l'opinion publique, le nucléaire ne change pas cette vision des choses malgré « l'age nucléaire » dont on parle à l'époque (ex : france après Hiroshima = articles sarcastiques). 1950 : Commission Cowles publie un ouvrage sur l'impact économique de l'atome, l'opportunité de l'atome est évaluée secteur par secteur et comparée aux alternatives existantes. Résultat : augmente seulement de 2% le PNB américain à long terme. Walter Isard utilise les matrices de Leontief pour déclarer le nucléaire «non révolutionnaire». Les industriels y sont réticents aussi car «en termes économiques nous n'avons pas besoin du nucléaire» (pdt de l'AEC de 1959). Et si électricité nucléaire, elle se surajouterait seulement et ne remplacerait pas celle fossile. = modification du mix mais pas de remplacement et une croissance globale de chacune. Atoms for peace = organisation internationale créée par Eisenhower visant à promouvoir le nucléaire civil. Les promoteurs du renouvelable savent aussi que cela ne pourra remplacer l'intégralité du fossile et ne fera, ici encore, que s'ajouter au mix. 1961 : 500 scientifiques conviés par l'ONU concluent que le renouvelable = énergie d'appoint pour usages domestiques ou pour le tiers-monde (irrigation ou télécommunications). On voit donc l'importance de la nature cumulative des énergies. 1970 : les spécialistes envisagent le futur énergétique comme un présent agrandi. Pic pétrolier et plateau atomique Selon les savants atomistes, la q° du nucléaire n'est pas économique mais existentielle. Son but est d'assurer la relève quand il n'y aura plus de charbon. Vision à la fois malthusienne sur les fossiles et utopique sur le nucléaire. Importance idéologique de la surgénération nucléaire → mise au point de la 1^ere^ pile atomique. Mais obstacle car les réserves d'uranium apparaissent trop faibles, d'où le surgénérateur, permettant de produire plus d'isotopes fissiles qu'il n'en consomme (= futur énergétique sans fin). 1949 : AEC lance deux projets de réacteur, il fallait donc montrer l'intérêt d'investir dedans. Pour cela, le pdt de l'AEC charge Putnam d'estimer le D énergétique mondiale jusque 2050 et d'évaluer le max que les E fossiles pourraient fournir. Il développe alors 3 arguments en faveur de l'atome : 1° L'augmentation de la conso énergétique mondiales 2° Le renchérissement des fossiles 3° La question du réchauffement climatique Sa méthode : Il prend en compte l'utilisation des E traditionnelles (Inde apparaît alors comme 1^er^ productrice d'E puis USA avec le bois). Il prend aussi en compte les gains d'efficacité et l'évolution de l'intensité énergétique de l'économie mondiale (= pays indus ont une intensité décroissante depuis fin du XIXé). Il en déduit que en 2000 le monde consommera 10 fois plus d'E et 28 fois plus en 2050 (hypothèse trop élevée). = à ce rythme une «transition vers le nucléaire sera couteuse, difficile, mais inévitable». L'énergie devient la «ressource naturelle ultime» sans aucun substitut = préoccupation principale des pays riches. L'idée de «transition énergétique» vient de H. Brown (figure importante du mouvement néomalthusien américain, auteur de *Challenge of Man's Future* , ouvrage dans lequel il explique que la raréfaction des ressources pourrait conduire à une WW3 dont on ne pourrait se relever, il soutient donc une «transition»). 1960 : Brown s'occupe de coopérative scientifique, transition démographique = objectif stratégique pour la guerre froide (idée néomalthusienne) , il va donc envoyer des experts à travers le tiers-monde pour plaider le contrôle des naissances). Ainsi, la transition énergétique modifierait la question démographique. M.K. Hubert = 3^e^ scientifique majeure du néomalthusianisme atomique. Il est le théoricien du pic du pétrole et promeut donc le nucléaire. Considérés à l'échelle de l'histoire humaine, pétrole et charbon ne seront «qu'un événement éphémère» d'après lui alors que l'uranium ouvrirait un futur énergétique sans fin. On retrouve chez lui les mêmes idées que Brown. Personnage clé du lobbying scientifique de l'AEC : il déduit avec un rapport que le pic pétrolier aura lieu vers 1970 (car découverte de pétrole à une courbe en S) = fait pression à JFK pour qu'il finance le programme de surgénérateur pour la transition. 1969 : *Ressources and Man* démontre qu'il faut opérer la transition dès que possible afin de préserver l'uranium sur le long terme = aide le lobbying. Le climat une alerte atomique L'histoire de l'alerte climatique est étroitement liée à celle des malthusiens atomiques. Les promoteurs de l'atome ont pensé à l'énergie à très long terme, construisant une futurologie sur la fin des fossiles mais aussi le réchauffement climatique (RC). Équipements scientifiques financés par la guerre froide ont pu confirmer le problème du réchauffement climatique. Mais à la base ce sont les savants liés à l'atome qui étudient l'alerte climatique. En effet, le rapport de Putnam = un des 1^er^ programme de recherche sur le réchauffement climatique (déduit de la hausse du niveau de la mer → fonte glacier →effet de serre →humanité pompe trop de CO2). Mais pour lui le vrai problème du RC est dans le futur car la population consommera encore plus d'énergie, il faut donc étudier cette consommation. D'autres chercheurs et articles en parlent un peu mais son article reste précoce. Après-guerre les 1^ers^ travaux sont tous réalisés par des atomistes. «L'humanité est en train de réaliser une expérience géophysique sans précédent et qu'on ne pourra refaire dans le futur» = scientifiques doivent l'étudier avec attention. Travaux financés par l'AEC car elle espère pouvoir jeter ses déchets nucléaires dans l'océan. Cette révolution de l'histoire du climat et du carbone est possible de part de nouveaux instruments (spectromètres de masse). Harold Urey = un des fondateurs de l'analyse isotopique du carbone, permise par ces spéctomètres. Etienne Roth réalise les 1^eres^ analyses de carottes glacières grâce aux spectomètres. Le désir de promotion de l'atome joue aussi un rôle clé, en effet les rares alertes sur le RC servent la cause nucléaire. 1967 : A. Weinberg et L. Strauss expliquent à des sénateurs que le «nucléaire aura le dernier mot» car les fossiles finiront par cramer la Terre. Wilson (1^er^ pdt AEC) = acteur clé de l'internationalisation de l'alerte climatique lorsqu'il était professeur au MIT en 1970. Puis en 1971 il organise la 1^ere^ conférence internationale sur le changement climatique. Grâce à son lien avec le directeur de l'United Nation Environmental Program, l'ONU aborde les dangers de l'effet de serre lors de sa conférence de 1972 = globalisation de la question du RC. Cependant cet activisme entraine aussi certains à repousser le RC, qui serait juste un prétexte pour défendre le nucléaire. Ex : en 1974 Weinberg crée l'Institute for Energy Analysis puis se lance d'un une carrière de lanceur d'alerte contre un excès de nucléaire mais lorsqu'il milite contre une relance du charbon (après les choc pétrolier) on ne l'écoute pas car il est perçu comme un pronucléaire. En 1977 il explique que d'autres lobbys devraient sensibiliser l'administration américaine au RC pour ne pas qu'on le perçoit comme une manigance. Aujourd'hui le nucléaire représente encore une faible part du mix énergétique et les programmes de surgénérateurs ont été abandonnés. De plus les pays les plus nucléarisés (France, Japon) n'ont pas vu leur émission de CO2 décroître drastiquement. Les climatologues et l'expérience commune ont confirmés les risques climatiques identifiés par les atomistes. Le problème est que les débats énergétiques sont désormais basés sur une futurologie avec toujours autant de charbon mais avec l'utopie nucléaire en moins.

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