Summary

Ce document aborde les risques chimiques majeurs pour la santé, à travers des exemples historiques et des classifications des armes chimiques. Il détaille les définitions, les conditions d'exposition et les impacts sur la santé. Le document s'adresse à un public spécialisé, impliqué dans la prévention et la gestion de crises sanitaires.

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14/11/2024 Risque chimique majeur Introduction Accidents industriels 1984: Bhopal (isocyanate de méthyl) 6500 décès par OAP; 150 000 intoxiqués Attentats terroristes: utilisation d’une arme chimique sabota...

14/11/2024 Risque chimique majeur Introduction Accidents industriels 1984: Bhopal (isocyanate de méthyl) 6500 décès par OAP; 150 000 intoxiqués Attentats terroristes: utilisation d’une arme chimique sabotage d’un site de stockage, de production ou de transfert de matières chimiques Ex. - Attentats au gaz sarin métro Tokyo en 1995 Guerres: Ex. Armes de guerre à l’encontre des populations civiles lors de conflits en Iran – Irak -Syrie  Problèmes spécifiques pour les professionnels de santé car - Produits ou agents inhabituels - Conditions d’exposition unique mais massive - Abondance brutale des victimes avec risque de propagation d’une contamination et/ou risque d’intoxication retardée. On peut ainsi distinguer des personnes se rendant spontanément chez leur médecin ou dans leur pharmacie; des personnes rentrant à leur domicile…  D’origine accidentelle ou terroriste, la menace chimique impose la préparation du système de soins et des personnels de santé 1 14/11/2024 Définition Définition de l’accident chimique (selon OMS, 1994): « situation dangereuse résultant de la libération d’une ou plusieurs substances nuisibles pour la santé humaine et/ou l’environnement comprenant les incendies, les explosions, les fuites et la libération accidentelle de produits dangereux susceptibles de provoquer la mort ou l’affection d’un grand nombre de personnes » Définition des armes chimiques (et biologiques) selon les Nations Unies : « toute substance qui, à cause de ses effets sur les organismes vivants, peut entraîner la mort, une perte temporaire ou une lésion permanente aux humains ou aux animaux » Ces produits peuvent être classés en fonction: - des voies d’exposition (inhalation, cutanée, oculaire, digestive) - de la forme d’exposition (liquide, gaz, vapeur, aérosol) - du type de substances incriminées et de leur caractéristiques physico-chimiques - des sources du dégagement toxique: naturelle (feux de forêt, volcans..), industrielle ou à but de destruction humaine (guerre, attentats) - des aires concernée (limitées ou étendue) - des mécanismes d’action 2 14/11/2024 Classification des armes chimiques Agents incapacitants Agents chimiques létaux Agents Toxiques Agents Agents suffocants hématologiques vésicants neurotoxiques Moutarde azotée Agents SNC Agents irritants Phosgène Lewisite Diphosgène Phosgène oxime chlore Cyanure d’hydrogène Tabun Diphenylchloroarsine Sarin LSD Chlorure de cyanogène Adamsite Soman VX Gaz lacrymogènes Omniprésence des armes chimiques durant la 1ère guerre mondiale 3 14/11/2024 Agents vésicants Ypérite (sulfure de 2,2’ dichloroéthyl ou gaz moutarde) utilisé pour la 1ère fois en 1917 près d’Ypres (Belgique) par les Allemands Nombreuses utilisations militaires ultérieures Guerre civile Yémen 1962-1970 Guerre Iran-Irak 1980-1988 Conflit Syrien (Daech, 2015-2016) ….. Agents faiblement létaux mais très incapacitants Ypérite 1ère GM: Mortalité entre 1 et 5% >3 mois d’hospitalisation Tumeurs cutanées chez 34% des survivants 7 Agents vésicants symptômes (ypérite) latence d’apparition des symptômes (délai habituel 4 à 6 heures) manifestation cliniques irritatives yeux : conjonctivite (larmoiement, photophobie, blépharospasme) jusqu’à des atteintes sévères (opacification de la cornée avec œdème) peau : érythème, prurit, sensation de brûlure, phlyctènes (apparition progressives en 12 à 24 h de vésicules donnant des plaies suintantes et nécrotiques, d’escarres avec risque de surinfection) poumons : brûlures de la sphère ORL, épistaxis, difficultés respiratoires (dyspnée, toux, OAP) évolution vers bronchite bronchique et emphysème avec risque de surinfection pulmonaire décès tardifs (3 à 6 jours après l’exposition) mais limités 8 4 14/11/2024 Agents vésicants Ypérite (suite) liquide huileux, jaunâtre, à odeur caractéristique (gaz moutarde), peu volatil, peu hydrosoluble, très persistant dans l’environnement (plusieurs semaines) caractère lipophile marqué (pénétration très rapide à travers la peau intacte) traverse aisément de nombreux matériaux (cuir, latex, vêtements…) agent vésicant causant des brûlures cutanées avec apparition de phlyctènes et des lésions des muqueuses (oculaire, pulmonaire…) propriétés alkylantes : mécanisme d’action par combinaison avec les protéines et l’ADN Toxicité Immédiate: peau, yeux, poumons Toxicité retardée: moelle osseuse Toxicité tardive: mutagène, cancérogénèse 9 Exposure to a First World War blistering agent HQ Le, SJ Knudsen Emerg Med J 2006;23:296–299. doi: 10.1136/emj.2005.032540 First world war ordinance with blistering agent. J1 post-exposition – Erythème; vésicule; dépigmentation 5 14/11/2024 J2 post-exposition – Vésication; cloques +++ J7 - Dénudation de la peau et cicatrisation tardive progressive doi: 10.1136/emj.2005.032540 Agents vésicants Ypérite (suite) Au niveau systémique Au niveau gastro-intestinal Neurologique - Œdème et nécrose de la muqueuse - Œsophagite et gastrite - Effets cholinergiques (myosis, - Anorexie, nausées, vomissements nausées, vomissements) - Diarrhées sanglantes - SNC : malaise, fatigue, anxiété, névrose, troubles de la personnalité Au niveau hématopoïétique - Inhibition de la prolifération des cellules souches - Augmentation initiale des leucocytes (stress) puis chute après 2 à 3 jours - Chute plus tardive des érythrocytes et des plaquettes - Dépression médullaire et des tissus lymphoïdes 12 6 14/11/2024 Agents vésicants Lewisite (L) (2-chlorovinyldichlorarsine) Hydrogène arsénié AsH3 dérivés arsénicaux plus volatils mais moins persistants que l’ypérite toxicité due à la libération d’arsenic inorganique action semblable à l’ypérite mais immédiate et très intense Mécanisme d’action toxique : As est un toxique thioloprive qui se fixe sur les groupements thiols de nombreuses systèmes enzymatiques (CoA, glutathion…)  troubles de la respiration cellulaire et de différents métabolismes (glucides, lipides…) de protéines de structure tissulaires  accumulation tissulaire des hématies  effet hémolytique (principalement AsH3) 13 Agents vésicants Dérivés arsénicaux (suite) phase de latence de 30 à 60 mn précédant des signes digestifs sévères (choléra arsenicale) : sensation de brûlure dans la bouche (irritants) saveur acre, soif intense constriction du pharynx et de l’œsophage, difficulté de parole douleurs gastriques violentes (spasmes intestinaux) nausées, vomissements, diarrhées parfois sanguinolentes état de déshydratation intense, déséquilibre hydro-électrolytique sensation de malaise, anxiété 7 14/11/2024 Agents suffocants De nombreux composés:  phosgène,  diphosgène,  chloropicrine, Phosgène diphosgène  chlore,  perfluorisobutylène,  ammoniac,  Phosphine (hydrure de phosphore)  …. 3 phases Syndrome de pénétration : toux irritante et prurit pharyngé Intervalle asymptomatique Œdème pulmonaire (cl)/œdème systémique (phosphine) Suffocants Mécanisme d’action: dépend de leur hydrosolubilité Voies aériennes supérieures: une partie s’hydrolyse => HCl + CO2 si peu hydrosoluble: passage au niveau alvéolaire => réaction d’acylation avec des groupements nucléophiles (-NH2, -OH, -SH) Conséquences de l’acylation: dénaturation des protéines et des lipoprotéines membranaires Risque d’OAP 8 14/11/2024 Suffocants Protection et traitement mise à l’air libre et décontamination immédiate à grande eau traitement symptomatique de la détresse respiratoire ventilation assistée et oxygénothérapie au masque (avec une pression positive) inhalation de bronchodilatateurs mise au repos aspiration des sécrétions bronchiques administration de corticoïdes controversée diurétiques déconseillés (OAP lésionnel non hypervolémique) N acétylcystéine proposée avec le phosgène surveillance biologique et clinique (prévention du risque de surinfection bronchique) 17 Agents asphyxiants (anoxiants) dérivés cyanurés : acide cyanhydrique (AC), chlorure de cyanogène (CK) Isocyanate de méthyle utilisation pendant la 1ère guerre mondiale, dans les chambres à gaz pendant le 2ème guerre mondiale et dans différents conflits (Irak, Iran…) odeur caractéristique d’amande amère toxiques respiratoires cellulaires : puissants poisons intracellulaires, fixation du CN- sur le fer Fe3+ (mais aussi cobalt et cuivre) de la cytochrome oxydase et blocage de la chaine respiratoire cellulaire; Hypoxie tissulaire, acidose et mort 18 9 14/11/2024 Agents asphyxiants (anoxiants) Présentation clinique d’une intoxication cyanhydrique Neurologique Respiratoire Cardiovasculaire Métabolique Vertiges Hyperpnée HTA Glycémie Agitation Lactate Anxiété Apnée centrale Acidose métabolique + œdème pulmonaire Arrêt cardiaque Rhabdomyolyse IR Confusion Coma Convulsion 19 Agents asphyxiants (anoxiants) Traitement traitement antidotique par hydroxocobalamine (Cyanokit®) voie IV 70 mg/kg (5g environ chez un adulte) Antidote d’action rapide des cyanures minéraux ou organiques; formation de cyanocobalamine atoxique éliminée par voie urinaire (1/2 vie d’élimination de 3 à 19h) Indications: intoxications aigües par l’acide cyanhydrique et ses dérivés ou les produits induisant la formation de cyanure, à la suite d’exposition aux fumées d’incendie, d’ingestion, d’inhalation, de projection ou d’administration de nitroprussiate de sodium A utiliser le plus précocement possible, en urgence (sur le lieu même de l’accident); L’hydroxycobalamine ne se substitue pas à l’oxygénothérapie ni aux mesures symptomatiques) 20 10 14/11/2024 Agents neurotoxiques agents les plus utilisés en temps de guerre mais aussi dans le terrorisme 21 Agents neurotoxiques substances structurellement proches des insecticides organophosphorés phosphates, thiophosphates ou dithiophosphates ± halogénés pénétration pulmonaire (vapeur) ou par voie cutanée agents G (esters alcoylés de l’acide méthyl fluorophosphinique) tabun (GA), sarin (GB), soman (Gd), GF (cyclosarin) liquides incolores, inodores, ± visqueux, très volatils (vapeurs), peu persistants (fugaces) agents V (esters alcoylés de l’acide S dialcoylaminoéthyl thiophosphinique) VX ou agent V (mis au point par la GB et les USA après la 2de guerre mondiale) liquides peu volatils, très persistants, forte absorption cutanée, très actifs (VX 150 fois plus actif que sarin) Agents A = agents Novitchok 22 11 14/11/2024 Agents neurotoxiques Symptômes (effets p∑+ caractéristiques, d’apparition très rapide, quelques mn à plusieurs heures) effets muscariniques myosis augmentation des sécrétions (lacrymales, salivaires, sudoripares, bronchiques) bronchospasme (bronchoconstriction, toux, oppression thoracique, détresse respiratoire) troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées) bradycardie, troubles du rythme ou de la conduction hyper ou hypotension, pâleur, cyanose effets nicotiniques crampes musculaires, secousses, fasciculations entrainant une fatigue musculaire avec évolution possible rapide vers une paralysie des muscles (respiratoires) syndrome central troubles de la conscience et du comportement (confusion mentale) agitation, convulsions dépression central respiratoire et cardiaque (risque mortel) 23 Agents neurotoxiques Protection et traitement protection stricte des sauveteurs (appareil respiratoire, tenue de protection isolante) décontamination soigneuse : déshabillage complet, lavage prolongé à l’eau savonneuse sauvegarde de la fonction respiratoire : remise à l’air libre, dégagement les voies aériennes, aspiration des sécrétions et assistance ventilatoire (oxygénothérapie) traitement antidotique administration précoce IV (IM, SC) d’atropine 2 mg à renouveler toutes les 5 à 10 mn jusqu’à signes d’atropinisation (mydriase, sécheresse des muqueuses, tachycardie) administration de sulfate de pralidoxime (Contrathion®) IV ou IM 30 mg/kg initialement puis perfusion continue 8 mg/kg/h pour régénérer les cholinestérases administration de benzodiazépines (diazépam) contre les fibrillations musculaires et convulsions traitement d’urgence (seringues auto-injectables avec atropine 2 mg, pralidoxime 350 mg et diazépam 7,5 mg) 24 12 14/11/2024 Agents incapacitants Agents psychotropes LSD (acide lysergique diéthylamide) agent Bz (benzylate de quinuclinidyl) psychotrope anticholinergique utilisé en aérosol troubles psychiques intenses (troubles visuels, vertiges, confusion, tachycardie, sécheresse de la bouche) associés à une activité accrue et un comportement imprévisible (type maniaque) pouvant persister plusieurs jours 25 Agents incapacitants ricine toxine végétale présente dans la graine de ricin librement cultivé dans le monde (fabrication d’huile de ricin utilisée comme lubrifiant) très toxique (dose létale qq mg) contamination possible par différentes voies (mais détruite par les Ez digestives) ingestion : troubles digestifs intenses (diarrhées, hémorragies gastro-intestinales), troubles neurologiques et cardio-vasculaires inhalation (aérosol) : irritation de l’appareil respiratoire, nécrose pulmonaire, bronchite, pneumonie, OAP, SDRA voie parentérale (IM) : nécrose musculaire locale sévère suivie d’une atteinte systémique (convulsions, coma, collapsus cardio-vasculaire) (parapluie bulgare) 26 13 14/11/2024 Nouveaux opioides de synthèse Assault de l’armée russe contre une prise d’otages par des terroristes tchétchènes – Théatre Doubrovka de Moscou oct 2002 - Un mystérieux « gaz » pour neutraliser les rebelles tchétchènes - Décès (10 %) dus à un arrêt cardiaque anoxique - Les cas non mortels ont présenté un toxidrome opioïde - L'analyse des vêtements et de l'urine des victimes a révélé l'utilisation de carfentanil et de rémifentanil. Armes chimiques: destruction de masse….. Ou pour élimination individuelle? Dioxine 210Plutonium Victor Yuchchenko Alexander Litvinenko 05/09/2004 23/11/2006 VX Novitchok Kim Jong-nam, Serguei Skripal 13/02/2017 04/03/2018 14 14/11/2024 Schematic of clinical milestones following exposure to polonium-210 on day 1 AC Nathwani et al. the Lancet 2016; doi: 10.1016/S0140-6736(16)00144-6 “it was estimated that the patient had ingested several 1000 million becquerels (a few GBq), probably as a soluble salt (eg, chloride), which delivered very high and fatal radiation doses over a period of a few days.” AC Nathwani et al. the Lancet 2016; doi: 10.1016/S0140-6736(16)00144-6 15 14/11/2024 Avant 3 mois 2,3,7,8-tetrachlorodibenzo-p-dioxin (TCDD) : ½ vie 5 à 10 ans à cause de sa lipophilie et peu ou pas de métabolisation. Ici: 108 000 pg/g poids de lipids => plus de 50 000-fois la concentration de la pop générale Métabolites retrouvés majoritairement dans les fecès 3,5 ans Sorg et al. the Lancet 2009; doi: 10.1016/S0140-6736(09)60912-0 “We followed for 5 years a man who had been exposed to the most toxic dioxin, 2,3,7,8-tetrachlorodibenzo- p-dioxin (TCDD), at a single oral dose of 5 million-fold more than the accepted daily exposure in the general population” Sorg et al. the Lancet 2009; doi: 10.1016/S0140-6736(09)60912-0 16 14/11/2024 Evolution of the dioxin disease. Chronology of organ involvement a.p. The peak of skin involvement is delayed as compared with the other organs, Saurat et al. Tox Sci 2012; doi:10.1093/toxsci/kfr223 and skin lesions show a longer and chronic course. Saurat et al. Tox Sci 2012; doi:10.1093/toxsci/kfr223 17 14/11/2024 Skin lesion: 40% of total body surface area at M11 a.p TCDD serum : 890 pg/g ww at M3 a.p. TCDD in skin lesion: 5000 pg/g ww at M11 a.p. Saurat et al. Tox Sci 2012; doi:10.1093/toxsci/kfr223 Conclusion - Risque multiforme, peut concerner de nombreux produits - Cause d’une désorganisation massive - Victimes difficiles à maîtriser, beaucoup s’enfuient avant l’arrivée des secours et se présenteront spontanément à l’hôpital de proximité ⇒ Risque de transfert de contamination ? - Différentes catégories de blessés ⇒ triage chimique des victimes pour définir le type de décontamination, - Si le ratio médecins /nombre de victimes est favorable, gestes de survie réalisés avant la décontamination - Importance de la médicalisation au niveau du lieu de l’évènement. - Besoins en oxygène et masques à usage unique +++ 18

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