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Summary

Ce document traite de la responsabilité administrative en droit français. Il aborde son évolution historique, de son principe initial d'irresponsabilité à sa généralisation progressive. Il explore les différents aspects de la responsabilité, notamment la distinction entre faute de service et faute personnelle, ainsi que les sources et le contenu de cette responsabilité.

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**Introduction** La responsabilité se définit comme l\'obligation pour l\'auteur d\'un dommage de le réparer, soit en nature, soit par équivalent, notamment par le versement d\'une indemnité. En droit public, cette responsabilité administrative repose sur l\'idée que l\'administration, en tant qu\...

**Introduction** La responsabilité se définit comme l\'obligation pour l\'auteur d\'un dommage de le réparer, soit en nature, soit par équivalent, notamment par le versement d\'une indemnité. En droit public, cette responsabilité administrative repose sur l\'idée que l\'administration, en tant qu\'ensemble d\'activités humaines, peut causer des dommages aux administrés. Ainsi, un équilibre doit être trouvé entre plusieurs intérêts : ceux des administrés, des agents publics et des collectivités publiques. I. **L'évolution historique de la RA** **Aux origines : Principe d\'irresponsabilité de la puissance publique (1800-1873)** *Fondement de l'irresponsabilité :* - Les articles 1382 et suivants du Code civil étaient difficilement applicables à l\'État (faute nécessaire). - L'idéologie dominante transposait l'impunité royale à l'État (\"Le roi ne peut mal faire\"). Supériorité de l'Etat et la spécificité de ses missions fondées sur l'IG jsutifiait l'irresponsabilité. - L'État gendarme intervenait peu, donc causait peu de dommages. *Limites à l'irresponsabilité :* Des textes spécifiques permettaient des indemnisations partielles, ex. : loi du 28 pluviôse an VIII pour travaux publics. **L'abandon partiel de l'irresponsabilité (1873-1914)** *Changements historiques :* - Avènement de la IIIᵉ République (1870), démocratisation et reconnaissance des citoyens comme porteurs de droits opposables à l'État. - Industrialisation et interventionnisme accru de l'État augmentant les dommages causés. *Réforme du Conseil d\'État (24 mai 1872) :* - Passage à une justice déléguée indépendante =\> CE rend souverainement ses décisions et ce n'est plus le chef de l'Etat. - Développement d'une jurisprudence administrative. - Va de paire avec le développement du principe de légalité. *Arrêt Blanco (1873) :* - Consacre le principe de responsabilité de l'État pour dommages causés par des services publics. - Institue la compétence du juge administratif pour les litiges relatifs à l'État en se fondant sur la loi des 16-24 août 1790. Reconnaissance de la notion de SP comme critère de compétence du JA. - Pose la spécificité des règles de droit administratif distinctes du droit privé. **Généralisation progressive de la responsabilité administrative (depuis 1914)** *Caractère quasi-général :* - Tous les services publics et activités administratives peuvent engager la responsabilité de l'administration. - Développement des régimes de responsabilité sans faute. *Fondement idéologique :* - Substitution de la notion de service public à celle de puissance publique (Paul Duez, Léon Duguy). - L\'interventionnisme croissant accompagne l\'individualisation et garantit les libertés par l'État, ce qui suppose le renforcement des obligations sociales juridiquement sanctionnées par l'Etat. - Le droit public devient de + en + coopératif. Avant, servait à punir, maintenant sert aussi à organiser relation sociale. II. **La signification et la délimitation de l'expression RA** **En quoi s'agit-il d'une responsabilité ?** Nature réparatrice : La responsabilité administrative (RA) est une responsabilité civile, réparatrice et indemnitaire, par opposition à une responsabilité pénale (sanction). Obligation de réparer : Inclut les dommages causés directement ou indirectement, même par des tiers sous certaines conditions. Formule générale : La RA est une obligation de réparer un dommage en lien avec une personne ou une entité responsable, sans définition parfaite. **En quoi cette responsabilité est-elle administrative ?** *Responsabilité administrative et pouvoir législatif :* - Responsabilité du fait des lois : Possible si une loi dommageable est contraire à une norme supérieure, sauf exclusion expresse par le texte. - Services parlementaires : Avant JA incompétent car lois ne sont pas des AA (CE 1952) mais bon fonctionnement des assemblées repose sur service admin qui peuvent causé des dommages donc depuis 1958, le juge administratif (JA) est compétent pour les actes administratifs liés à ces services (contrats, gestion, etc.). - Critère fonctionnel : La RA se fonde sur la nature de l'activité (administrative), pas sur l'organe en cause (parlement). *Responsabilité administrative et autorité judiciaire :* - Incompétence de principe : Les actes juridictionnels et le fonctionnement même du service public judiciaire relèvent des juridictions judiciaires (JJ). - Exceptions : - Organisation du service judiciaire (JA compétent, TC, 1952, Préfet de Guyane). - Faute juridictionnelle d'une juridiction administrative (CE, 1978, Darmont). - Séparation entre fonctionnement (JJ) et organisation (JA) clarifiée par le TC en 2021. *Responsabilité administrative et pouvoir exécutif* - Actes de gouvernement : Insusceptibles de recours (décisions présidentielles/PM dans le cadre des relations extérieures ou fonctionnement des pouvoirs publics), sauf : - Vérification de l'existence même de l'acte et de son oppposabilité - Actes détachables (ex : décisions d'extradition). - Responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques (CE, 2016, Bernabé). - Organismes privés : La RA inclut aussi les dommages causés par des organismes privés exerçant une mission de service public avec des prérogatives de puissance publique. III. **Les principaux caractères de la RA** **Sources de la Responsabilité Administrative** - La responsabilité administrative (RA) repose principalement sur la jurisprudence (CE et TC). - Évolution vers une intégration dans les cadres constitutionnel et international. - Le législateur intervient davantage (ex. : bloc de compétence attribuant des contentieux au JJ). - Les sources écrites augmentent, réduisant le pouvoir créateur du juge. **Contenu de la Responsabilité Administrative** *La RA est autonome mais non totalement distincte du droit privé :* - Unité juridique : certaines règles et fondements sont similaires entre droit public et droit privé. - Mixité : La RA est à la fois publique et privée (Charles Eisenmann). *Responsabilité privée appliquée à l\'administration :* - SPIC et dommages dans le domaine privé → compétence du JJ. - Cas spécifiques : voie de fait (atteintes aux libertés individuelles, emprise irrégulière, faute personnelle des agents de l'admin. *Autonomie relative :* - Proximité des règles appliquées par le JA et le JJ. - Différence notable concerne les genres de responsabilité : en droit public, pas de responsabilité pour faute personnelle (responsabilité centrée sur les collectivités publiques). **Extension de la Responsabilité Administrative** La RA s'est étendue avec des cas de responsabilité sans faute : - Fondée sur des notions de risque anormal ou de rupture d'égalité devant les charges publiques Multiplication des fonds d'indemnisation pour pallier les limites des mécanismes traditionnels : - Exemples : FGTI (terrorisme), FIVA (amiante), ONIAM (affaires médicales). - Séparation entre responsabilité et réparation (déconnexion auteur du dommage/débiteur de l'indemnité). Socialisation du risque : recours à des solutions combinant responsabilité assurance et solidarité - Limites : financières (solidarité nationale) et éthiques (responsabilité individuelle vs. collective). *Nuances et défis* - L'extension de la RA est une décision politique et entraîne des défis : - Limites financières de la solidarité nationale. - Risque de déresponsabilisation individuelle. **PARTIE 1. LES FAITS GÉNÉRATEURS DE LA RESPONSABILITÉ** **Responsabilité de l'administration vs. responsabilité personnelle de l'agent** Critère clé : déterminer si le dommage résulte de l\'exercice des fonctions (responsabilité publique) ou d'un agissement personnel (responsabilité de l\'agent). **Principes fondamentaux** - La jurisprudence ne reprend pas les catégories du droit civil (fait personnel, fait d'autrui, fait des choses). - Principe d'autonomie du droit administratif. **Fondements de la responsabilité administrative** - Responsabilité pour faute : constitue le droit commun. - Responsabilité sans faute : s'est développée pour répondre à des situations spécifiques (risques exceptionnels ou rupture d'égalité devant les charges publiques). - Cas atypiques : certaines hypothèses échappent aux catégories classiques (faute/sans faute). **TITRE 1. LA RESPONSABILITÉ POUR FAUTE** **Histoire de la responsabilité administrative (19e siècle)** - Irresponsabilité initiale : - Administration et fonctionnaires quasi-irresponsables. - Article 75 de la Constitution de l'an VIII : nécessité d'une autorisation du Conseil d'État pour poursuivre un fonctionnaire (frein majeur). - Abrogation en 1870, mais les fondements du dualisme juridictionnel sont restés. **L'arrêt Pelletier (TC, 1873) :** - Distinction fondamentale : - Faute personnelle : compétence judiciaire. - Faute de service : compétence administrative. - Importance : pose les bases du partage de compétence juridictionnelle. **Faute de service vs. faute personnelle** - Faute de service : dommage imputable à l\'exercice des fonctions administratives. - Faute personnelle : agissement détachable des fonctions (par exemple, comportement intentionnel ou gravement négligent). **CHAPITRE 1. LA DÉFINITION DES FAUTES** **SECTION 1. LA FAUTE DE SERVICE** **Distinction entre faute de service et faute personnelle** - Critère d\'imputabilité (TC, 1877, Laumônier-Carriol) : - Faute de service = Acte impersonnel lié à la fonction (mandataire de l\'État). - Faute personnelle = Acte révélant les faiblesses ou imprudences d\'un agent (voie de fait, imprudence). I. **Les faits constitutifs des fautes de services** La faute est le manquement à une obligation préexistante selon Planiol. **Faute juridique (CE, 1973, Driancourt)** - Une décision irrégulière constitue une faute de service (ex. violation d\'un texte, retrait irrégulier). - Attention : La faute ne suffit pas ; il faut un préjudice et un lien de causalité direct. - Courant JP restrictif récent pour victimes de cette faute : Si la décision aurait pu être prise régulièrement malgré l'irrégularité, la responsabilité n'est pas engagée. **Faute matérielle : Mauvais fonctionnement du service** - Défaut d'organisation ou d'exécution (carences, retards, erreurs). - Obligation de fonctionnement appréciée in abstracto : Standard du \"bon fonctionnement\" selon les circonstances. - Exemples de fautes marquantes - Retard dans l'interdiction de produits dangereux (Affaire du sang contaminé). - Carence à prendre des mesures de prévention (Affaire de l'amiante). - Mauvaise organisation entraînant perte de documents ou dysfonctionnements majeurs. II. **Les degrés dans les fautes de service** **La distinction faute simple / faute lourde** - Principe général : Responsabilité pour faute simple dans le DRA. - Le juge administratif adapte l'appréciation de la gravité des fautes selon les circonstances ou les difficultés des activités. - La faute lourde, plus grave que la faute simple, a une fonction symbolique, pas de définition donc au cas par cas : - Offre une marge d'erreur à l'administration. - Limite la responsabilité pour des illégalités mineures **Abandon progressif de la faute lourde** - Depuis les années 70, la jurisprudence réduit le champ d'application de la faute lourde. - Critère principal : difficulté de l'activité concernée. - Exemples d'abandon : - Service public hospitalier - Actes médicaux : Faute simple remplace la faute lourde (CE, 1992, Époux V.). - Obligation d'information : Absence d'information = faute engageant la responsabilité (CE, 2000, Consorts Telle). - Régime spécifique : Présomption de faute pour infections nosocomiales et produits défectueux (CE, 1988, Cohen). - Défaillance d'un produit ou appareil de santé entraine R même en l'absence de faute (CE, 2003, Mme Marzouk). - Service pénitentiaire (activité régalienne) - Suicide d'un détenu : Passage à la faute simple (CE, 2007, Delorme). - Atteinte à la dignité humaine : Influence de la CEDH, aménagement de la charge de la preuve au profit de la victime présumé (CE, 2022). - Service public fiscal - Abandon total de la faute lourde (CE, 2011, Krupa). Toute faute simple engage la responsabilité pour préjudice lié aux opérations fiscales. **Le maintien de la faute lourde** - Responsabilité pour le service public de la justice : - La responsabilité de l\'État a évolué pour les fautes dans le service judiciaire et administratif. - Justice judiciaire : - Pdt longtemps, R de l'Etat n'a pu être engagé que sur la fondement de textes spéciaux avec un mécanismes d'indemnisation - Étape 1 : C.cass. 1956, Trésor public c/ docteur Giry : R de la PP ds cas où collaborateur occasionnel du SP subi un dommage - Étape 2 : Reconnaissance progressive de la responsabilité via la loi du 5/07/1972 (art. L141-1 COJ). - Faute lourde assouplie : « déficience caractérisée », ex. affaire Grégory (C.Cass., 2001) =\> pas de rechercher d'une faute notionnelle ou erreur particulièrement grossière. - Contrôles discriminatoires : faute lourde si critères raciaux (C.Cass., 2016). - Justice administrative : - Loi de 1972 pas applicable - Faute lourde admise pour actes juridictionnels, sauf décisions définitives (CE, 1978, Darmont). - Exception pour violations manifestes du droit de l'UE (CE, 2008, Gestas). - Faute simple en cas de dépassement de délai raisonnable (CE, 2002, Magiera). - Service de police administrative : - R de l'Etat en la matière en 1905 avec l'arrêt Tomaso Grecco - Faute lourde exigée pour activités difficiles, ex. circulation à Paris (CE, 1972, Marabout). - Faute simple admise pour secours et sauvetage : transport médical (CE, 1997, Theux), incendies (CE, 1998, Hannapes). - Maintien de la faute lourde pour activités complexes, ex. renseignement (CE, 2018, Chennouf). - Activités de tutelle et de contrôle : - Exigence de la commission d'une faute lourde de l'autorité sup ds sa mission de contrôle (elle ne doit pas se substituer) (CE, 1946, Caisse d'assurance de Meurthe-et-Moselle). - Faute lourde exigée dans missions complexes, ex. contrôle bancaire (CE, 2001, Kechichian). - Faute simple admise pour activités moins complexes, ex. contrôle technique des navires (CE, 1998, Améon). - Tierces victimes : possibilité d'action contre l'organisme contrôlé ou l'autorité de contrôle. III. **La faute présumée** **La présomption de faute : un régime favorable aux victimes** - Principe : En cas de présomption de faute, la victime est dispensée de prouver la faute, mais doit prouver le préjudice et le lien de causalité. **Domaines d\'application principaux** - Dommages de travaux publics : - Préjudice de tt sorte causée par l'exécution même de travaux publics accomplis ds un but d'IG pr le compte d'une personne publique ou par une personne publique pr réaliser une mission de SP (Loi du 28 pluviôse an VIII) - Distinction dommage accidentel/permanent : permanent (résultent de l'existence ou du fonctionnement normal de l'ouvrage) =\> indemnisé sur R sans faute / accidentel =\> varie en fonciton de la qualité de la victime - Usagers : Présomption de faute liée au défaut d'entretien normal de l'ouvrage. L'administration peut renverser cette présomption en prouvant un entretien normal ou en invoquant la force majeure. - Tiers : Indemnisés sur la base de la responsabilité sans faute. - Cas spécifiques : Responsabilité sans faute pour ouvrages exceptionnellement dangereux (CE, 1973, Dalleau). - Participant : fondé sur une faute prouvée imputable au maître de l'ouvrage ou entrepreneur =\> R sans faute - Service public hospitalier : - Dommages inexpliqués (CE, 1960, Sabelli ; CE, 1961, Centre hospitalier de Blois ; CE, 1988, Cohen). - Infections nosocomiales : Présomption de causalité ; réparations pour les cas graves via l\'ONIAM. - Défaut d'information médicale : Obligation pour le médecin de prouver qu'il a informé le patient des risques (sauf urgence) + obligation de consentement **SECTION 2. La faute personnel** Exceptionnelle : La faute personnelle est rare en raison des liens entre un agent public et son administration. I. **Catégories de fautes personnelles** **Faute personnelle commise dans l'exercice des fonctions : faute de service** - Caractère intentionnel : - Motivation privée (ex : enrichissement personnel, malveillance). - Ex : TC, 1925, Navarro -- préfet dénonçant un bénéficiaire illégitime d'une carte d'invalidité qu'il avait lui-même délivrée. - Gravité particulière : - Nature, conditions, objectifs, fonctions exercées. - Exemples : - CE, 2015, Ministre de la Justice : magistrat modifiant un acte de procédure. - TC, 1908, Girodet : instituteur tenant des propos obscènes devant ses élèves. - Cumul intentionnalité et gravité : Ex : CE, 2001, Valette -- dissimulation d'une erreur médicale mettant en danger la vie d'un patient. - Qualification détachable des fonctions : - Le juge évalue les faits selon leur nature, contexte, finalités et niveau de fonction. - Possibilité de cumul de responsabilités (protection de la victime). **Faute personnelle commise en dehors du service** - Principe : Relève de la vie privée, sans lien avec le service. - Exception -- Lien avec le service : - Ex : CE, 1987, Epoux Bachelier -- accident causé par un policier utilisant son arme de service hors service. - Rôle du juge administratif - Appréciation circonstanciée pour déterminer si la faute est : - Personnelle (détachable des fonctions). - Ou non dépourvue de tout lien avec le service (cumul de responsabilités). II. **L'identification des fautes personnelles et ses conséquences** La faute personnelle est définie de manière autonome : elle ne coïncide pas systématiquement avec des notions comme la voie de fait ou l'infraction pénale. Son domaine reste limité pour éviter des poursuites abusives contre les agents publics. **Distinction entre faute personnelle et autres notions :** - Voie de fait : - Une voie de fait n'est pas toujours une faute personnelle (ex. TC, 1935, Action française). - Depuis Bergoend (TC, 2013), la voie de fait est restreinte : elle existe seulement en cas d'atteinte grave (liberté individuelle, extinction de propriété). Une voie de fait peut toutefois être qualifiée de faute personnelle. - Infraction pénale : - Une infraction pénale commise par un agent public n'est pas automatiquement une faute personnelle (ex. TC, 1935, Thepaz). - Justification : favorable aux victime (réparation par l'administration, plus solvable) et équité (administration souvent impliquée). - Revirement : une infraction pénale peut être faute personnelle ou faute de service - Exemples : Bonnet et Mazère (CE, 2004) : des actes illégaux peuvent être liés au service, donc non détachables. - Exécution d'un ordre manifestement illégal : - Constitue une faute personnelle (CE, 1944, Langneur). - Agents publics ont un devoir de désobéissance (article L121-10 du CGFP), mais une simple illégalité ne suffit pas à justifier un refus d'exécution. **Conséquences contentieuses de la faute personnelle :** - La compétence juridictionnelle dépend de la nature de la faute : - Faute personnelle → Juge judiciaire. L'agent assume la réparation sur son patrimoine personnel. - Faute de service → Juge administratif (réparation basée sur la DRA). - En pratique, la responsabilité d'un agent seul est rare. Un régime de cumul permet aux victimes de demander réparation intégrale à l'administration. III. **L'existence de régimes législatifs spéciaux** **La loi du 5 avril 1937** - Principe clé : La responsabilité de l\'État se substitue à celle des enseignants pour les dommages causés ou subis par les élèves sous leur surveillance (art. L911-4 Code de l\'éducation). - Compétence des juridictions judiciaires (JJ) : Par dérogation au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ce contentieux relève du JJ et est traité selon le droit privé (bloc de compétence). - Action récursoire : L\'État peut se retourner contre l\'agent en cas de faute personnelle. - Exceptions : Si le dommage découle d'une mauvaise organisation du service ou d'un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public → compétence du juge administratif (JA). **La loi du 31 décembre 1957** - Adopté par dérogation à la loi des 16-24 août 1790 et donne compétence exclusive aux tribunaux judiciaires pr véhicule admin - Responsabilité de l\'État pour les véhicules administratifs : - Substitution automatique de la responsabilité de l\'État à celle de l'agent (lien avec l'exercice des fonctions). - Compétence exclusive des tribunaux judiciaires, avec application des règles du droit civil. - Définition de véhicule : Tout engin ayant un dispositif propre de déplacement, sauf ceux liés à un élément fixe (ascenseurs, trains). - Qu'est-ce qu'un dommage causé par un véhicule ? - Inclut les vibrations dues à la circulation de camions ou d'engins de travaux. - Exclut les trépidations provoquées par des trains sur une voie ferrée. - Limite majeure : La loi ne s'applique pas aux dommages causés au domaine public. **CHAPITRE 2. LES RÉGIMES DE CUMUL** **Fondement et finalité des régimes de cumul** - Objectif : Protéger les victimes tout en responsabilisant les agents publics. - Double distinction : - Obligation à la dette : Qui paie la victime ? - Contribution à la dette : Qui supporte définitivement la charge financière (agent ou administration) ? **SECTION 1. DES AVANTAGES POUR LA VICTIME : L'OBLIGATION À LA DETTE** - Une victime peut obtenir l'intégralité de la réparation même en cas de faute personnelle de l'agent, si cette faute est indirectement liée au service. - Problème résolu : Éviter que l'insolvabilité de l'agent empêche l'indemnisation. I. **Le cumul de fautes** - CE, 1951, Anguet : La victime peut demander réparation à l'administration quand une faute personnelle et une faute de service se conjuguent pour causer un dommage. - Exemples emblématiques : - CE, 1936, Dame Duxent : Faute personnelle (sévices d'un infirmier) + faute de service (défaut de surveillance). - CE, 1963, Conchelle : Faute personnelle (meurtre) + faute de service (défaut de contrôle des militaires). - CE, 2010, Mme Fauchers : Faute personnelle (prise illégale d'intérêt) ayant contribué à une faute de service (décision préfectorale illégale). II. **Le cumul de responsabilité** **Notion de cumul de responsabilité (CE, 1918, Époux Lemonnier)** - Cumul pour un même fait : Une faute unique peut engager la responsabilité personnelle de l\'agent et celle de l\'administration. - Lien avec le service : Même si la faute se détache du service, le service reste lié à la faute. - Avant 1918, cumul impossible soit faute personnelle de l'agent soit faute de service. **Faute personnelle commise dans l'exercice des fonctions** - CE, 1918, Époux Lemonnier : Une faute unique, bien que personnelle, peut engager le service. - Même en cas de faute personnelle, victime peut directement poursuivre PP à laquelle l'agent est rattaché pr obtenir réparation intégrale du préjudice subit. - Solution reprise en CE, 1937, Demoiselle Quesmel : La faute personnelle, commise dans les moyens et sous la surveillance du service, engage aussi la responsabilité administrative. La faute personnelle commise ds le service suffit pr engager R de l'admin. **Faute personnelle commise hors du service mais avec lien avec le service** - CE, 1949, Demoiselle Mimeur : L'administration peut être responsable si le service a conditionné ou permis la faute dc sans aucune faute de service (instrument, fonction, etc.) mais il faut un lien. - CE, 1973, Sadoudi : Une faute liée à une obligation de service (conservation d'une arme) engage le service. - L'absence de lien exclut la responsabilité de l'administration (CE, 1975, Pauthier). - Critère matériel, fonctionnel, intellectuel mais pas forcément intentionnel ou non (CE, 1988, ministre de La Défense c. époux Raszewski) **Synthèse des régimes de responsabilité administrative** - Faute de service : Administration seule responsable (CE, 1873, Pelletier). - Cumul faute personnelle/faute de service : Administration et agent responsables (CE, 1951, Anguet). - Faute personnelle liée au service : Administration responsable même si faute personnelle (CE, 1918, Lemonnier (ds le service); CE, 1949, Mimeur (en dehors de service)). - Administration peut se retourner contre l\'agent après réparation. **SECTION 2. LES RAPPORTS ENTRE L'ADMINISTRATION ET SES AGENTS : LA CONTRIBUTION FINALE À LA DETTE** I. **Les limites de l'action subrogatoire** **Distinction faute personnelle/faute de service** - L\'arrêt Pelletier différencie ces fautes pour établir la responsabilité et la juridiction compétente. - La jurisprudence (arrêts Anguet, Mimeur, Lemonnier) limite la responsabilité des agents publics en rattachant certaines fautes personnelles à l'administration. **Subrogation personnelle** - Permet à l'administration, après avoir indemnisé la victime, de se substituer à elle pour agir contre l'agent fautif. - Empêche la victime de recevoir une double indemnisation. - L'administration est soumise au même régime de responsabilité que la victime (ex. exceptions et moyens de défense de l'agent). **Limites du mécanisme de subrogation** - Dépendance de l'administration vis-à-vis des choix de la victime (ex. renonciation au recours). - Action plafonnée au montant de l'indemnité versée par l'administration. - L\'administration est jugée par le juge judiciaire, comme un particulier. - Reconnaissance par le Conseil d'État d'une action récursoire entre administration et agents, visant à maintenir un équilibre entre protection des victimes et responsabilité des agents. II. **Les avantges de l'action récursoire** **Définition et principe de l\'action récursoire** - Définition : Recours permettant au débiteur provisoire (ex. l'administration) de demander au véritable responsable (ex. un agent) d'assumer tout ou partie de la dette. - Objectif : Obtenir réparation du préjudice personnel subi par l'administration en raison d'une faute personnelle d'un agent. **Arrêt Laruelle (1951)** - Faits : Accident causé par un agent (faute personnelle liée au service). - Solution : Le CE reconnaît à l'administration le droit d'exercer une action récursoire contre un agent fautif. - Compétence du juge administratif : Il tranche le litige sur la faute personnelle en droit public (ex. TC, Moritz 1964) **Arrêt Delville (1951)** - Faits : Un agent public estime que le dommage résulte en tout ou partie d'une faute de service. - Solution : L'agent peut engager une action contre l'administration. - Critères de partage des responsabilités : Gravité respective des fautes personnelles et de service (ou cumul des responsabilités). - Répartition des responsabilités : Le juge administratif ajuste la charge en fonction des torts respectifs et des nécessités de service. - Codification législative : Article L134-3 du CGFP oblige l'administration à couvrir les agents en l'absence de faute personnelle détachable. - Protection fonctionnelle : Étendue aux élus et collaborateurs du service public (ex. CE, 2017). **Évolutions et limites** - Arrêt Papon (2002) : Confirme Laruelle et Delville. Reconnaissance de la R de l'état pr les fautes du régime de vichy. Partage des responsabilités (moitié pour l\'État des condamnations civiles prononcées contre Maurice Papon) =\> faute perso détachable de ses fonctions mais contribue à faciliter opérations dc faute de service - Pratique limitée de l'action récursoire : L'administration agit rarement contre les agents pour des raisons psychologiques ou sociologiques. **CHAPITRE 3. L'ARTICULATION ENTRE RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE ET LES AUTRES FORMES DE RESPONSABILITÉ** - Les victimes recherchent parfois des coupables plutôt que des réparations. Exemples notables : affaires de sang contaminé et AZF. **SECTION 1. RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE ET RESPONSABILITÉ CIVILE** - Responsabilité administrative (RA) et responsabilité civile (RC) : fonctions similaires mais distinctes. Toutes deux visent à réparer les dommages, mais leur articulation dépend du droit applicable et du juge compétent. I. **Responsabilités alternatives en principe** - Une situation relève soit de la RA, soit de la RC. Ce principe est appuyé par la jurisprudence Blanco (TC, 1873), qui établit la liaison entre compétence juridictionnelle et fondement du droit. - Qualification des fautes comme étape essentielle : Une faute peut être qualifiée de manière concurrente, entraînant parfois des difficultés pour déterminer le juge compétent et le droit applicable. - Exemple clé : responsabilité dans les établissements scolaires - Organisation du service : compétence du juge administratif. - Défaut de surveillance : compétence du juge judiciaire (loi de 1937). II. **Responsabilités cumulées** **Principe du cumul de responsabilités** - Une personne publique et une personne privée peuvent être coresponsables d\'un même préjudice. - Chacune engage sa responsabilité devant son juge respectif (administratif pour la personne publique, judiciaire pour la personne privée). - Exemple pratique (affaire Médiator) : Les victimes ont dû engager deux procédures distinctes pour obtenir une indemnisation intégrale : - Responsabilité administrative (RA) de l\'État pour sa carence (JA). - Responsabilité civile (RC) du fabricant pour sa faute (JJ). - Choix pour la victime entre deux systèmes : En cas de coresponsabilité, la victime peut choisir de poursuivre la personne publique ou son agent dans un cumul de responsabilités - Obligation in solidum : Plusieurs responsables sont tenus chacun pour le tout envers la victime. - Limite admise par le JA : Ce mécanisme n\'est pas étendu aux personnes privées pour éviter de transformer les personnes publiques en \"assureurs universels\" à cause de leur solvabilité. - Exception : L\'obligation in solidum est admise dans le cadre du cumul de responsabilités entre une personne publique et son agent. **SECTION 2. RESPONSABILITÉ ADMINSITRATIVE ET RESPONSABILITÉ PÉNALE** - Fonction punitive et complémentarité des responsabilités - La responsabilité pénale désigne et punit un coupable. - La responsabilité administrative ou civile vise à indemniser la victime. - Compétence des juges en matière pénale et administrative : - Le juge pénal peut statuer sur l'action publique (sanction) et civile (indemnisation). - Cependant, quand un agent public ou une personne publique est impliqué, le juge pénal ne traite que les fautes personnelles, tandis que le juge administratif est compétent pour les fautes de service. I. **L'articulation de la responsabilité adminsitrative et de la responsabilité pénale** - Une infraction pénale commise par un agent n'est pas toujours une faute personnelle (TC, 1935, Thépaz). - Une faute pénale peut être considérée comme une faute de service, notamment si elle est liée à l'exercice des fonctions. - Si une faute personnelle n'est pas totalement déconnectée du service, la victime peut : - Poursuivre l'agent (faute personnelle) devant le juge pénal. - Poursuivre l'administration (faute de service) devant le juge administratif II. **Le phénomène de pénalisation de la vie publique** **Pénalisation croissante de la vie publique** - Depuis les années 1990 : - Irruption du juge pénal dans la vie publique pour combler les lacunes des responsabilités politique et administrative. - Problème de l'anonymat des fautes de service, occultation des responsabilités personnelles. **Trois formes principales de pénalisation :** - Reconnaissance de la R pénale des personnes morales : Responsabilité pénale des personnes publiques pour infractions commises pr leur compte, par leurs organises ou représentants. R introduite en 1994 (art. 121-2 CP). - Limites : l\'État est exclu ; collectivités responsables uniquement pour des activités délégables. - Flou sur la frontière entre activités délégables et non délégables. Exemple : Organisation d'une sortie scolaire reconnue comme activité non délégable. - Augmentation des actions menées contre les décideurs publics : Responsabilité accrue des élus locaux depuis les années 1990 après plusieurs drames =\> Thermes de Barbotan, drame Furiani, tempête Xynthia - Loi Fauchon (10/07/2000) : Limitation pour fautes indirectes, nécessitant une faute caractérisée ou délibérée (art. 121-3 CP). - Développement de la pénalisation des ministres : Jugés par la Cour de justice de la République (CJR) pour des crimes/délits commis dans l'exercice de leurs fonctions (art. 68-1 Constitution). - Exemples marquants de pénalisation : Affaire du sang contaminé : - Responsabilité pénale : Tromperie, non-assistance à personne en danger (directeur général de la santé, centres de transfusion). - Responsabilité administrative : CE, Ass. 1995, consorts Nguyen -- responsabilité sans faute des centres publics. - Responsabilité civile : Centres privés aussi condamnés (Cour de cassation, 1995). - Responsabilité de l'État : Faute simple pour carence dans le contrôle et l'organisation des centres (CE Ass. 1993, DGM). - Établissement Français du Sang (1998) : Structure unique pour les transfusions, responsabilité devant le JA. - Fonds d'indemnisation : Créés pour les victimes (repris par l'ONIAM). **SECTION 3. RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE ET RESPONSABILITÉ POLITIQUE** - Responsabilité politique : Permet de renverser un gouvernement sans confiance de l\'Assemblée nationale. - Responsabilité administrative (RA) : A une fonction indemnitaire, déclarant une personne publique responsable sans conséquences sur ses fonctions. - Évolution sous la Vème République : Déclin de la responsabilité politique, entraînant le recours accru à la responsabilité administrative, notamment dans des crises comme les scandales sanitaires ou les catastrophes. **SECTION 4. RESPONSABILITÉ PÉNALE ET RESPONSABILITÉ DISCIPLINAIRE** - Indépendance des procédures : La responsabilité pénale et disciplinaire sont distinctes. La première vise l'intérêt de la société, la seconde vise l'intérêt du service. - Décisions non contraignantes : La décision de l\'autorité disciplinaire ne lie pas le juge pénal et vice-versa. Cependant, il existe une exception : lorsque le juge pénal se prononce sur l\'existence ou l\'inexistence de faits, l\'autorité disciplinaire doit respecter cette constatation matérielle. - Cumulation des sanctions : Lorsqu\'un même fait constitue à la fois une faute disciplinaire et une infraction pénale, les deux sanctions peuvent être cumulées. - Responsabilité civile : En cas de faute personnelle générant un préjudice, la responsabilité civile de l\'agent public est engagée, et la victime peut saisir la juridiction judiciaire. **TITRE 2. LES RESPONSABILITÉ SANS FAUTE** - Nature de la responsabilité sans faute : Il s\'agit d\'une responsabilité publique où l\'administration est responsable sans avoir à prouver une faute, simplement en raison du préjudice causé. Ce mécanisme favorise la réparation pour les administrés. **CHAPITRE 1. LES FACTEURS DE DÉVELOPPEMENT DE LA R SANS FAUTE** **SECTION 1. LES FACTEURS DE DÉVELOPPEMENGT DE LA R SANS FAUTE** I. **Une nécessité historique : les mutations de la société industrielle** - Facteurs historiques : La responsabilité sans faute a émergé à cause du développement du machinisme et des deux guerres mondiales, où des activités administratives ont engendré des risques pour la population. - Deux grandes hypothèses : - Responsabilité basée sur le risque : Liée à la prise en compte du risque et liée à des activités administratives dangereuses qui causent des dommages indépendamment d'une faute. Arrêt Cames (1895) : préjudice subi dépasse limite acceptable et donc était excessif par rapport au risque pris en compte. A l'origine d'une situation anormale. - Responsabilité basée sur la rupture d'égalité devant les charges publiques : Lorsqu'une action régulière de l'administration cause un préjudice injustifié à un individu dans l'intérêt général. Action licite qui cause un dommage particulier pr des motifs d'IG. - Conditions d'une responsabilité sans faute - Le préjudice doit être spécial et concerner un administré ou un groupe précis. - Le préjudice doit être suffisamment grave - Le préjudice ne doit pas être un aléa normalement assumé par la victime (ex. installation dans une zone dangereuse). - La réparation ne doit pas être exclue par la loi. II. **Une forte demande sociale (indemnisation des victime à l'origine, facteurs ayant conduit au développement de cette R)** - Évolution psychologique : La société moderne valorise la sécurité physique et matérielle, et la réparation des dommages est perçue comme un droit fondamental. L\'idée de \"hasard\" ou de \"destin\" a disparu. - Facteur économique : Les pertes et dommages accidentels sont considérés comme des coûts inhérents à la société, et ces coûts doivent être supportés par les activités à l\'origine des dommages, y compris les activités sociales globales. - Démocratisation de l\'accès à la justice : L\'accès à la justice est facilité, avec une procédure d\'indemnisation de plus en plus dépersonnalisée, où l\'indemnisation se fait entre entités collectives anonymes comme les assureurs. III. **Des obstacles contemporains au développement de la R sans faute** - Limites financières : La crise de l\'État providence et des finances publiques empêche les collectivités territoriales (CT) de couvrir tous les risques et dommages. - Changement d'échelle des risques : La montée en puissance de la prévention et des mesures de sécurité diminue la responsabilité des CT, qui peuvent échapper à toute responsabilité en prouvant avoir pris des précautions. - Considérations psychologiques : Les victimes ne se contentent pas d'une indemnisation, mais cherchent à désigner et sanctionner les responsables. Cela peut entraîner des dérives comme la désignation de bouc-émissaires. - Contrainte technique : Les assureurs sont réticents à couvrir des risques à long terme avec des conséquences mal connues, ce qui complique la gestion de la responsabilité par les institutions. **SECTION 2. LES TENTATIVES DE JUSTIFICATIONS DOCTIRNALES DES RÉGIMES DE R SANS FAUTE** I. **Dans la doctrine majoritaire** - Historique de la responsabilité de l'État surtout à partir de 1895 : La responsabilité administrative a émergé après l\'arrêt Blanco (1873) et a été progressivement acceptée, d\'abord pour les actes de gestion, puis pour les actes d'autorité après Tomaso Grecco (1905). - Fondement de la responsabilité administrative : Les juristes ont rejeté l'application du Code civil (CC) et ont cherché un fondement spécifique, principalement en se référant à des principes comme l\'équité et la justice. - Principaux fondements théoriques : - Hauriou : Il fonde la responsabilité sur l\'égalité devant les charges publiques. - Ferdinand Larnaude : Il propose la théorie du risque professionnel (en lien avec Cames). - Léon Duguy : Il rejette la faute et voit la responsabilité comme une forme d\'assurance sociale, où l\'État prend en charge le préjudice résultant du fonctionnement des services publics, dans une logique de solidarité. - Critiques et limites : - La théorie de Duguy a été populaire à l\'époque solidariste, mais elle s\'avère coûteuse pour les collectivités publiques, ce qui a conduit à un retour à la faute ou à l'ajout de conditions comme le préjudice anormal. II. **Une conception originale : les idées de Charles Eisenmann** **La question du fondement juridique des R sans faute** - Il est crucial de distinguer les fondements (raison d'être juridique de la responsabilité) et les fonctions (objectifs poursuivis par la responsabilité, souvent dans une perspective législative ou jurisprudentielle). **Fondement de la responsabilité sans faute** - Exclusion de la faute : La faute n\'est pas un fondement, mais une condition pour la mise en œuvre de la responsabilité publique. En droit privé, la responsabilité sans faute repose sur le principe de corrélation entre avantage et charge. - Théorie de la responsabilité des personnes publiques : Selon Eisenmann, la responsabilité des collectivités publiques repose sur l'obligation de garantie plutôt que sur la faute, car les personnes publiques sont responsables des dommages causés par leurs agents dans l'intérêt des administrés. - Deux fondements : - Principe de corrélation entre avantage et charge : Celui qui profite d'une activité doit supporter ses conséquences dommageables. - Principe d\'égalité devant les charges publiques : L'administration doit réparer les dommages anormaux causés à des individus, évitant ainsi une rupture d\'égalité devant les charges publiques. **Les fondements retenus dans le droit positif** - Risque : L'administration crée des risques dans l'intérêt public, et ce risque ne doit pas être supporté uniquement par les victimes directes. - Rupture d'égalité : Un dommage anormal, par exemple causé par une décision administrative dans l'intérêt général, doit être réparé pour éviter une rupture d'égalité. - L'équité : Le juge peut décider de réparer un dommage lorsqu'il estime qu\'il serait injuste de laisser une victime sans indemnité, indépendamment de la faute. **Fonctions de la responsabilité sans faute** - Sanction : Elle sert à punir et à prévenir les violations des obligations administratives. - Assurance : Elle constitue une forme d\'assurance pour les victimes des risques administratifs. - Prix à payer pour exercer une activité : L'obligation de réparation représente le prix que doit payer une personne pour exercer une activité licite, même si elle cause des dommages à autrui. En résumé, les responsabilités sans faute en droit public ont deux grands fondements : l'équité et le risque, et remplissent trois fonctions principales : sanction, assurance, et paiement pour exercer une activité. **CHAPITRE 2. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE LIÉE AU RISQUE** - Responsabilité sans faute : Elle repose sur une causalité matérielle entre le dommage et son auteur, sans nécessité d'une faute. Elle vise à déterminer qui doit supporter un dommage plutôt que de punir une faute. - La loi de 1998 a introduit un modèle de solidarité pour l'indemnisation des accidents du travail, reconnaissant que certains dommages sont inévitables dans une société conflictuelle. - L'administration doit réparer un dommage causé par un risque spécial, même s'il est non fautif, à condition que son action en soit directement responsable. - Évolution du risque : Avec l'industrialisation, le risque sériel touche de nombreuses personnes de façon continue, nécessitant des fonds de solidarité pour l'indemnisation. - Principes de précaution : En matière environnementale, le principe de précaution prévoit une responsabilité pour les dommages environnementaux, bien que sa portée en matière de responsabilité reste floue. **SECTION 1. LES TRAVAUX PUBLICS** - Responsabilité sans faute pour les tiers : En cas de dommages causés à des tiers par les travaux publics, la responsabilité sans faute s'applique si un lien de causalité peut être établi entre le dommage et les travaux. - Usagers des ouvrages publics : Les usagers présument une faute de l'administration en cas de dommage, sauf si celle-ci peut prouver qu'elle a pris toutes les mesures pour éviter les dommages (entretien normal de l'ouvrage). - Ouvrage excessivement dangereux : Lorsque l'ouvrage présente un danger exceptionnel, la responsabilité sans faute de l'administration peut être engagée même en l'absence de faute liée à l'entretien (CE, 1973, Dalleau) (CE, 1992, Mme Cala). **SECTION 2. LES CHOSES OU ACTIVITÉS DANGEREUSES** - Responsabilité sans faute liée au risque : La jurisprudence a admis cette responsabilité pour des choses ou activités dangereuses, même en l\'absence de faute. I. **Le voisinage de choses dangereuses** - CE, 1919, Regnault-Desroziers : L\'accumulation et la manutention de munitions dans un fort militaire ont causé une explosion. Le Conseil d\'État a retenu la responsabilité sans faute, fondée sur le risque excessif créé par le voisinage de choses dangereuses. - Risque excédant les limites normales : La décision repose sur l\'idée que la dangerosité des activités dépasse les risques normalement associés au voisinage de telles choses. - Application à d\'autres produits dangereux : Cette jurisprudence a été étendue à des situations impliquant d\'autres substances dangereuses, pas seulement des munitions. II. **Les activités dangereuses (comportent par elle-même des dangers)** **Méthodes éducatives libérales** - Les régimes éducatifs, comme ceux pour la rééducation des délinquants, comportent des risques (ex. évasions, défauts de surveillance). Le CE a instauré une responsabilité sans faute pour ces activités dangereuses, applicable aux tiers (ex. décision de 1956, Thouzellier, étendue en 1969). - La responsabilité concerne principalement les tiers (ex. famille, institutions privées, personnes exposées à un risque). **Activités dangereuses en matière médicale** - La responsabilité sans faute est admise pour les préjudices médicaux causés par un aléa thérapeutique (ex. CE, 1993, Bianchi). - Conditions pour cette responsabilité : acte médical nécessaire, risque exceptionnel, dommage grave et direct. - Extension de la responsabilité sans faute aux patients non malades (CE, 1997, Hôpital Joseph, Imbert, d\'Arles). - Loi du 4 mars 2002 sur la responsabilité médicale : - Le Code de la Santé Publique distingue la responsabilité des professionnels de santé (faute) et la solidarité nationale pour les accidents médicaux sans faute (ex. aléas thérapeutiques). - Indemnisation par l'ONIAM pour les préjudices graves, sans faute de l'établissement. - Les commissions de conciliation (pr réparer dommages dont gravité \< au seuil prévu) et d\'indemnisation facilitent les règlements amiables (en cas de dépassement de ce seuil). - Infections nosocomiales : - Les établissements de santé sont responsables des infections nosocomiales, sauf preuve d\'une cause étrangère. - En cas de préjudice grave, l\'ONIAM intervient pour l\'indemnisation. - Responsabilité sans faute pour produits de santé défectueux : Les produits sanguins défectueux, les défaillances d\'appareils de santé, et les dommages vaccinaux entraînent une responsabilité sans faute (ex. CE, 1995, Consorts NG, CE, 2003, Mme Marzouk). III. **L'utilisation d'armes à feu et d'engins dangereux par l'administration** - Responsabilité sans faute en cas de risque exceptionnel : La responsabilité de la puissance publique peut être engagée sans faute en raison de risques exceptionnels liés à l'utilisation d'armes ou d'engins (CE, 1949, consorts Lecomte). - Jurisprudence sur les armes à feu : Ce régime de responsabilité s'applique même sans faute, notamment pour les armes ou engins risquant de causer des dommages importants (CE, 1951, Époux Jung). - Limites du régime de responsabilité : Ce principe ne s'applique pas à certaines armes, comme les grenades lacrymogènes (CE, 1956, Époux Domenech), qui ne présentent pas des risques exceptionnels. - Responsabilité pour les LBD et Flashballs : Le régime de responsabilité sans faute s'applique aux armes comme le LBD, mais la jurisprudence distingue selon que la victime est un tiers ou une personne visée par l'opération de police (TA Nice, 2014; CAA Nantes, 2018). - Exclusion de responsabilité en cas de faute : Si la victime est visée par l'opération de police, la responsabilité n'est engagée qu'en cas de faute lourde (Jurisprudence sur les LBD). - Conditions d'utilisation des LBD : Bien que leur légalité soit reconnue, leur usage doit être encadré et proportionné au maintien de l'ordre public (Ordonnance, 1er février 2019). IV. **La garde d'un mineur** - Responsabilité de la personne publique : Lorsqu\'un mineur est confié à une personne publique par une décision de justice, cette personne peut voir sa responsabilité engagée même sans faute pour les dommages causés par le mineur (CE, 2005, GIE Axa Courtage). - Double responsabilité pour les mineurs délinquants : En cas de délinquance, la responsabilité peut être partagée entre l\'État (responsable de la mesure éducative) et une autre collectivité (CE, 2006, ministre de la Justice c. MAIF). - Extension de la responsabilité sans faute : La responsabilité de la personne publique est étendue même sans décision de justice, comme dans l\'arrêt CE, 2008, Département des Côtes d\'Armor. - La responsabilité peut être engagée même si, au moment des faits, le mineur n'était pas sous la surveillance effective du service, tant qu\'il y a une prise en charge durable du mineur (CE, 2008, ministre de la Justice c. Loz). - Absence de caractère anormal ou spécial : La réparation des préjudices causés par le mineur n'est pas subordonnée à un caractère anormal ou spécial des faits. **SECTION 3. LES INTERVENTIONS DES COLLABORATEURS OCCASIONNELS** - Principe de responsabilité sans faute : Ce principe, issu de l\'arrêt Cames (1895), s\'applique aux collaborateurs occasionnels du service public (COSPs), ceux qui ne sont pas agents publics mais qui apportent un concours bénévole à une collectivité. - Jurisprudence importante : - CE, ass., 1946, Commune de Saint-Priest-la-Plaines : Reconnaît la responsabilité sans faute pour les dommages subis par des collaborateurs occasionnels. - CE, 2009, Chevillard : Application du principe de responsabilité sans faute pour un pilote d'hélicoptère salarié d'une entreprise privée décédé lors d'une opération de secours. - Conditions d\'application : - L'activité doit être un service public - La personne doit apporter un concours au service public, même indirectement. - La victime doit être sollicitée par les autorités publiques, bien que des interventions spontanées en cas d'urgence soient également couvertes. - Cas particulier de la police judiciaire : - Lorsqu\'un individu participe à une opération de police judiciaire, la responsabilité relève du juge judiciaire. - Le principe de responsabilité de la puissance publique s'applique dans ce cadre. **SECTION 4. LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ATTROUPEMENTS ET RASSEMBLEMENTS** - Responsabilité sans faute liée au risque social : L\'État est responsable des dommages causés par des attroupements ou rassemblements, sans qu\'il soit nécessaire de prouver une faute, mais seulement le préjudice et le lien de causalité. - Loi de 1914 et réforme de 1986 : La loi du 16 avril 1914 organisait la responsabilité des communes, réformée par les lois de décentralisation de 1983-1986. Désormais, l'État est responsable des dommages causés par des attroupements violents, avec possibilité d'action récursoire contre la commune. I. **La notion d'attroupement et de rassemblement** - Notion d\'attroupement et de rassemblement : Ces notions ne sont pas définies par la loi, mais concernent l\'absence de préméditation, le nombre de personnes impliquées et la commission de crimes ou délits par violence ou force ouverte. - Absence de préméditation : Un attroupement ou rassemblement doit être spontané, non organisé. Les actions préméditées, comme les manifestations structurées, ne sont pas couvertes par ce régime. - Nombre de personnes impliquées : Le régime s\'applique seulement si un groupe d'individus agissant ensemble est responsable des dommages. Les actes isolés ne sont pas pris en compte. - Violence ou force ouverte : Il faut un crime ou un délit caractérisé par l'utilisation de la violence ou de la force ouverte (même sans résistance). La violence peut être physique ou morale. Caractères intentionnel. II. **Les conditions de mises en œuvre spécifiques de la R du fait des attroupement et rassemblements** - Nature des dommages réparables : Aucun préjudice n\'est exclu (corporel, matériel, commercial), mais le demandeur doit prouver son existence. - Lien de causalité direct et certain : Le préjudice doit être directement lié aux crimes et délits commis par un attroupement ou rassemblement (AouR), avec une appréciation stricte et au cas par cas par le juge. - Action récursoire de l'État : L'État peut se retourner contre la commune si sa responsabilité est engagée, par exemple pour carence dans la gestion des rassemblements. - Faute de la victime : Elle peut réduire ou exonérer la responsabilité de l'État, selon les circonstances. **CHAPITRE 3. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE POUR RUPTURE D'ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES** **Fondement** **général** - La responsabilité sans faute intervient lorsque l'action publique, bien que régulière et répondant à l'intérêt général (IG), cause un préjudice anormal. - Elle repose sur le principe d'égalité devant les charges publiques (art. 13 DDHC). **Avantages pour le juge administratif** - Le juge peut éviter de porter un jugement de valeur sur l'action des pouvoirs publics. - Limite : paradoxe des lois irrégulières (inconventionnelles ou inconstitutionnelles), qui ne peuvent engager de responsabilité pour faute mais pourraient relever de la responsabilité sans faute. **SECTION 1. LES RESPONSABILITÉ SAN FAUTE DU FAIT D'AA RÉGULIERS** I. **Refus du concours de la force publique pour exécuter une décision judiciaire** **Arrêt CE, 1923, Couiteas (point de départ)** - Si la force publique est refusée pour des raisons de danger pour l'ordre public (OP) et la sécurité, le préjudice résultant pour le bénéficiaire de la décision inexécutée est indemnisé. - Conditions : le préjudice doit être grave et spécial dc anormal. - Loi du 9/07/1991 : refus ouvre droit à réparation - Étendue : - Refus de mettre fin à une occupation irrégulière du domaine public (CE, 1984, Société Delmas-Vieljeux). - Justifications exceptionnelles : considérations impérieuses liées à la sauvegarde de l'OP ou à la dignité humaine (CE, 2010, M. et Mme Ben Amour). **Incompatibilité avec le droit européen** - CJUE, 1997, Commission c. République française : - La passivité des autorités françaises face à des actes de violence (ex. blocages agricoles) viole la liberté de circulation des marchandises. - La France a été condamnée pour manquement, malgré l'indemnisation des victimes. - CEDH, 2010, RP c. France : L'inaction des autorités françaises constitue une atteinte aux droits fondamentaux. **Évolution jurisprudentielle** - Ajustement de la jurisprudence Couiteas pour encadrer plus strictement son usage, en réponse aux critiques européennes et pour préserver l'État de droit. **Synthèse simplifiée** La responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques repose sur le préjudice anormal causé par l'action publique, notamment dans le refus d'intervention de la force publique (arrêt Couiteas). Ce mécanisme permet d'éviter une mise en cause fautive des autorités, mais il est strictement encadré pour respecter les exigences européennes et l'État de droit. II. **La R sans faute du fait de décisions individuelles et d'actes réglementaires réguliers** - Principe de responsabilité sans faute pour actes administratifs réguliers : Transposition de Couitéas : La jurisprudence élargit la responsabilité sans faute à des situations où l\'administration agit dans le cadre de la régularité mais cause des dommages anormaux et spéciaux **Actes réglementaires réguliers** - CE, 1963, Commune de Gavernie : Responsabilité engagée pour les conséquences dommageables de l\'application d\'un règlement régulièrement édicté. Critère : Le dommage doit être anormal et spécial **Défaut d'application de réglementation** - CE, 1971, Ministre de l\'Économie et Commune de Bordeaux c. Sastre : Le défaut d'application de réglementation pour des motifs d\'intérêt général peut engager sa responsabilité si un dommage anormal en résulte. **Décisions individuelles régulières** - CE, 1995, M. Lavaud : La responsabilité de l\'administration peut également être engagée pour des décisions non réglementaires mais individuelles dès lors qu\'elles causent un dommage anormal. **SECTION 2. LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE DU FAIT DES LOIS** I. **Une responsabilité restrictive** **Irresponsabilité initiale de l'État législateur** - CE, 1838, Duchâtellier : La loi, en tant qu\'expression de la souveraineté, s'impose à tous sans compensation, excluant l'idée de responsabilité de l'État pour dommages causés par une loi. **Évolution jurisprudentielle : principe d'égalité devant les charges publiques** - CE, 1938, SA des produits laitiers La fleurette - La responsabilité de l'État peut être engagée pour dommages particuliers causés par l\'application d'une loi, sous certaines conditions. - L'indemnité est due non pas pour le contenu de la loi mais pour ses conséquences dommageables - La reconnaissance que la loi, même adoptée dans l'intérêt général, peut causer des dommages spécifiques nécessitant réparation marque une progression du principe d'égalité devant les charges publiques II. **L'évolution favorable des conditions de mise en œuvre** **Principe général de la responsabilité sans faute du fait des lois** - L\'arrêt La Fleurette (1938) introduit la responsabilité sans faute pour rupture d\'égalité devant les charges publiques. Le juge administratif cherchait dans le silence de la loi si le législateur avait exclu toute indemnisation, ce qui était souvent le cas. - Aujourd\'hui, l\'interprétation a évolué pour être plus favorable aux demandeurs. **Évolution favorable (CE, 2005, Société coopérative agricole Ax'ion)** - En cas de silence de la loi, le CE présume désormais que le législateur n\'a pas exclu implicitement une réparation. Cela constitue une présomption simple de responsabilité de l'État. **Conditions strictes de mise en œuvre** - Préjudice anormal : Doit être grave et spécial. - Pour les préjudices économiques : ils sont considérés comme anormaux seulement s\'ils dépassent les inconvénients normaux de l\'activité (CE, 2012, Bizouerne). - Les dommages résultant de l\'application jurisprudentielle de la loi ne sont pas indemnisables (CE, 2014, SPER). **Limitation par l'intérêt général (CE, 2003, Association pour le développement de l'aquaculture en région centre)** - L'indemnisation est refusée lorsque la loi poursuit un intérêt général (économique, social, environnemental). Critique : quasiment toutes les lois visent l'intérêt général, rendant l'application difficile. **SECTION 3. LA R SANS FAUTE DE L'ÉTAT DU FAIT DE SON ACTIVITÉ INTERNATIONALE** I. **La R sans faute de l'Etat du fait de son activité international** - Arrêt La Fleurette (1938) : Déjà applicable en matière législative, ce principe est étendu aux conventions internationales. Fondement juridique : Principe d\'égalité devant les charges publiques. **Arrêt principal à retenir : CE, 1966, Compagnie générale d'énergie radioélectrique** - Conditions d'engagement de la responsabilité de l'État : - La convention internationale doit être régulièrement incorporée dans l\'ordre juridique interne. - Ni la convention ni la loi d\'autorisation ne doivent exclure toute indemnisation. - Le préjudice doit être suffisamment grave et spécial - Rareté de l'application car condition strictes. Selon Chapuis c'est un produit de luxe **Trois applications jurisprudentielles majeures** - CE, 1976, Consorts Burgat : Concernait l'immunité diplomatique et des diplomates abusant de leur statut. Exemple de dommages aux créanciers français. - CE, 2004, Almeyrac : Accord France-Côte d'Ivoire empêchant l'indemnisation de pilotes illégalement licenciés. - CE, 2011, Mademoiselle Susilawati : Similaire à Burgat : abus d'immunité diplomatique entraînant un préjudice spécifique. II. **La R sans faute de l'Etat du fait de l'application de coutumes internationales** - Principe de la responsabilité sans faute (RSF) pour rupture d\'égalité devant les charges publiques : L\'État peut être responsable sans faute si un administré subit un préjudice anormal (grave et spécial) causé par l\'application d\'une coutume internationale **Évolution jurisprudentielle** - CE, 2011, Mme. Saleh : L\'État est responsable sans faute lorsqu\'une coutume internationale (comme l\'immunité d\'exécution) empêche un administré d\'obtenir l\'exécution d\'une décision judiciaire nationale, entraînant un préjudice. Cette décision consacre une nouvelle hypothèse de RSF, élargissant la jurisprudence issue de l\'arrêt Compagnie générale d'énergie radioélectrique **Autorité des coutumes internationales en droit interne** - Avant 1977, une coutume internationale devait être reconnue par un texte interne pour être invoquée. - CE, 1997, Aquarone : Une coutume internationale peut être invoquée directement devant le juge administratif. Toutefois, son autorité est inférieure à celle des lois, et le juge refuse de contrôler la conventionalité des lois à son égard. Une loi peut donc écarter l\'application d\'une coutume. En résumé : Mme Saleh marque une avancée en permettant l\'indemnisation sur la base d\'une coutume internationale, mais la portée de cette responsabilité reste limitée par l\'autorité inférieure des coutumes par rapport aux lois (Aquarone) et les conditions strictes d\'anormalité et de spécialité des préjudices. III. **La R de l'Etat du fait d'acte de gouvernement à caractère diplomatique** - Principe général des actes de gouvernement : Les actes de gouvernement bénéficient d'une immunité juridictionnelle totale à la fois dans le contentieux de la légalité et le contentieux indemnitaire. Jurisprudence Compagnie générale d'énergie radioélectrique : Étend cette immunité aux actes de gouvernement à caractère diplomatique. **Arrêt CE, 27 juin 2016, Bernabé** - Refus de responsabilité pour faute : Les actes non détachables des relations internationales sont protégés pour éviter une immixtion du juge administratif dans la politique étrangère mais demande rejetté. - Responsabilité sans faute (RSF) envisagée : Sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques, mais conditionnée à une imputabilité directe à l'État français **Avancée jurisprudentielle** - Première reconnaissance théorique d'un lien entre les actes de gouvernement et la RSF fondée sur la rupture d'égalité **TITRE 3. LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DU FAIT DES LOIS IRRÉGULIÈRES** **CHAPITRE 1. LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DU FAIT DES LOIS INCONVENTIONNELLES** **SECTION 1. LES RÉTICENCES DU JUGES ADMINISTRATIF** - Primauté des normes internationales : Depuis l\'arrêt Niccolo (CE, 1989), le Conseil d\'État assure la supériorité des normes internationales sur les lois, y compris celles postérieures. - Limitation à l\'acte administratif : Dans CE, 1992, société Arizona Tobacco Product, le CE a condamné l\'autorité ayant pris un acte administratif contraire à une norme internationale, mais pas le législateur ayant adopté une loi inconventionnelle. - Origine du préjudice : La jurisprudence Arizona permettait de dissimuler l\'origine d\'un préjudice dès qu\'il résultait d\'un acte administratif pris en application d\'une loi inconventionnelle. **CJCE et droit communautaire** - Francovich (1991), Factorfame et Brasserie du pécheur (1996) : La CJCE impose la réparation des préjudices causés par la méconnaissance du droit communautaire, même si le préjudice découle d\'une loi. - Aucun régime particulier n\'est imposé par la CJCE, laissant chaque État membre s\'appuyer sur son cadre interne. - En droit interne, le CE reste réticent à condamner directement le législateur, concentrant sa responsabilité sur l\'autorité administrative. - Tentatives des juges du fond : Les juges internes, notamment la CAA Paris (1992, société Jacques d'Angeville), ont cherché à engager la responsabilité pour faute de l\'État dans ces cas. - Position de la CEDH : La CEDH (1995, Heintrich c France) a développé une jurisprudence alignée sur celle de la CJCE, confirmant l\'obligation de réparation des préjudices, y compris ceux issus de lois contraires aux conventions internationales. **SECTION 2. LA RUPTURE OPÉRÉE PAR L'ARRÊT GARDEDIEU DE 2007** - Arrêt Gardedieu, CE 2007 : Le Conseil d'État reconnaît la possibilité d'engager la responsabilité de l'État pour une loi inconventionnelle. Fondement : égalité devant les charges publiques, mais en dépassant le cadre classique de la jurisprudence La Fleurette. **Extension du champ de responsabilité** - L'État est responsable des préjudices résultant de l'inconventionnalité d'une loi (non-respect des engagements internationaux). - Distinction clé : cela concerne l'inconventionnalité de la loi elle-même, et non l'application d'une loi régulière comme dans La Fleurette. Limites de la jurisprudence La Fleurette : La Fleurette imposait des conditions restrictives pour engager la responsabilité : Absence d'intention du législateur de causer un dommage. Caractère spécial et anormal du préjudice. Ces critères ne conviennent pas pour les lois inconventionnelles. **Refus de la responsabilité pour faute** - Le Conseil d'État rejette la notion de faute du législateur pour éviter d'impliquer la responsabilité personnelle des parlementaires ou de remettre en cause la souveraineté législative. **Synthèse pour la mémorisation :** - Gardedieu marque une rupture en intégrant les engagements internationaux de la France dans la responsabilité de l'État. - Nouvelle logique : l'État répare les préjudices dus à une loi contraire aux conventions internationales, sans retenir de faute. - La jurisprudence La Fleurette reste pertinente pour les lois régulières, mais inadaptée aux lois inconventionnelles. **SECTION 3. UNE RESPONSABILITÉ SUR MESURE DE L'ÉTAT LÉGISLATEUR** - Fondement de la Responsabilité : L\'arrêt Gardedieu (2007) établit un régime de responsabilité spécifique pour l\'État législateur en cas de méconnaissance des normes internationales par une loi. - Ce régime est ni pour faute ni sans faute, mais sui generis (unique). Les trois conditions essentielles sont : - Méconnaissance d\'une norme internationale. - Préjudice subi. - Lien direct de causalité. - L\'arrêt Gardedieu préserve la séparation des pouvoirs en évitant de qualifier la méconnaissance législative de faute. Le juge administratif ne censure pas la loi, mais constate son irrégularité et engage une responsabilité objective. - CE, 1973, Driancourt et CE, 2013, Imbert confirment que toute irrégularité est, en principe, fautive, ce qui contredit l\'approche non-fautive de l\'arrêt Gardedieu. - L\'arrêt TC, 2008, Société Boiron affirme la compétence exclusive du juge administratif pour ce type de contentieux, excluant le juge judiciaire. - CE, 2014, SEPR : La violation par une loi d\'un PGDUE engage la responsabilité de l\'État au même titre qu\'une violation d\'un traité. - CE, 2015, Lilly France : La responsabilité de l\'État législateur n\'est pas engagée si le préjudice découle d\'une erreur d\'application par une juridiction, car le lien de causalité est rompu. **CHAPITRE 2. UNE RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DU FAIT DES LOIS INCONSTITUTIONNELLES** - Incompétence du JA sur l\'inconstitutionnalité : Le CE était incompétent pour contrôler la constitutionnalité des lois jusqu\'à l'introduction de la QPC. Avant cela, il ne pouvait pas reconnaître la responsabilité de l'État du fait d\'une loi inconstitutionnelle (CE, 1936, Arrighi). - Évolution après la QPC : La QPC permet désormais au Conseil d'État de constater l'inconstitutionnalité d'une loi en vigueur et de réparer les préjudices causés par cette inconstitutionnalité (TA Paris, 2017, Société Paris Clichy). - Responsabilité de l'État : Le CE a confirmé que la responsabilité de l'État peut être engagée pour réparer les préjudices résultant de l'application d'une loi inconstitutionnelle, en raison de la hiérarchie des normes (CE, ass., 2019, Société Paris Clichy). - Non-respect de la hiérarchie des normes : Si une norme est contraire à la Constitution, elle est invalide et son application peut entraîner la responsabilité de l'État pour les dommages qu'elle a causés (CE, 1973, Driancourt). - Absence de faute du législateur : Bien que la responsabilité de l'État soit en principe liée à une faute, dans le cas des lois inconstitutionnelles, il n\'y a pas de faute imputée au législateur. Cette responsabilité est fondée sur l'irregularité de la norme, et non sur une faute du législateur. - Limitation des recours : La responsabilité de l'État ne peut être engagée pour une loi inconstitutionnelle que si le Conseil Constitutionnel a validé son inconstitutionnalité via une QPC. - Précision des conséquences : Le Conseil Constitutionnel a le pouvoir de s'opposer à la mise en jeu de la responsabilité de l'État, en laissant subsister les effets de la loi (CC, 28 février 2020, QPC). - Délai de prescription : L'action indemnitaire doit être formée dans les 4 ans suivant la connaissance du préjudice par le requérant, et non pas à partir de la décision du Conseil Constitutionnel **PARTIE 2. LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE** **TITRE 1. LA NATURE DU PRÉJUDICE INDEMNISABLE** - Préjudice et intérêts légitimes : La personne publique n'a d'obligation de réparer que si un préjudice porte atteinte aux intérêts légitimes de la victime. - Pragmatisme du juge administratif : Le juge administratif s\'inspire des règles du droit privé (Code civil, jurisprudence de la Cour de cassation) et cherche un équilibre entre l\'équité due aux victimes et les intérêts publics, notamment financiers. **CHAPITRE 1. LA RÉALITÉ DU PRÉJUDICE** - Caractères du préjudice réparable : Le préjudice doit être certain et réel, bien que la réparation de préjudices futurs ou de pertes de chance soit possible si des chances sérieuses de réalisation existent. Les préjudices éventuels ne sont pas réparables. **SECTION 1. L'EXCLUSION DU PRÉJUDICE ÉVENTUEL** - Certitude du préjudice : Un préjudice doit être certain pour être indemnisé. Un préjudice hypothétique ou incertain, comme une perte de revenus future non prouvée, ne donne pas lieu à réparation (Ex : Consorts Gojat, 1969). - Préjudice conditionnel : Lorsqu\'un préjudice dépend d\'un facteur aléatoire ou extérieur, comme une menace de recours par un tiers, il n\'est pas indemnisable (Ex : recours juridictionnel d\'un tiers). - Projets insuffisamment avancés : En cas de projet non concrétisé (par exemple, un retard dans la construction sans début effectif des travaux), le préjudice n\'est pas certain et donc non indemnisable (Ex : Société Thiroux, 1973). - Conséquences économiques aléatoires : Les conséquences économiques incertaines, comme la perte de bénéfices d\'un projet non réalisé, ne sont pas indemnisées à moins qu\'il soit prouvé que ces bénéfices étaient certains (Ex : Mme Durand, 1949). **SECTION 2. LE CARACTÈRE INDEMNISABLE DE LA PERTE DE CHANCE** I. **Définition de la perte de chance** - Définition de la perte de chance : Il s\'agit de la perte certaine d\'une possibilité d\'événement favorable. Bien que cet événement ne soit pas certain, la perte de l\'opportunité de le réaliser est reconnue comme un préjudice indemnisable. - Application dans le contentieux médical : Le préjudice ne concerne pas directement le dommage corporel, mais la perte de chance d'éviter l'aggravation de l'état de santé, comme reconnu dans l'arrêt CE, 2007, Centre hospitalier de Vienne c/ M. Joncart. II. **Une réparation proportionnelle à la perte de chance** - Caractère autonome de la perte de chance : La perte de chance est un préjudice distinct des préjudices matériels ou corporels. - Indemnisation proportionnelle : La réparation de la perte de chance doit être proportionnelle à la probabilité que l'avantage espéré ait pu se réaliser. - Évaluation en pourcentage : La perte de chance est réparée par une fraction du préjudice, calculée en fonction du pourcentage de probabilité de réalisation de la chance perdue. - Si la victime n'a aucune chance d'éviter un risque, la perte de chance n\'est pas constituée. **SECTION 3. L'EXCLUSION DE PRÉJUDICE POUR DES MOTIFS ÉTHIQUES** - Complexité de l\'appréciation du préjudice : L\'appréciation du préjudice peut être compliquée par des considérations éthiques, comme dans les cas d'échec d'avortement ou de stérilisation, ou de diagnostic prénatal défectueux. - CE, 1982, Mademoiselle R et 1989, Mme. K : Le CE a jugé que la naissance d'un enfant à la suite de l'échec d'un avortement n'était pas un préjudice indemnisable, sauf faute du médecin et malformation imputable à l'opération. - CE, 1997, époux Quarez : Le CE a admis l'indemnisation des préjudices des parents d'un enfant trisomique dû à une faute dans le diagnostic prénatal. Toutefois, l'enfant lui-même ne reçoit pas de réparation pour le handicap. - C.Cass., 2000, Perruche : La Cour de cassation a admis l'indemnisation de l'enfant handicapé, considérant que les fautes médicales ayant empêché le choix d'une IVG ouvraient droit à réparation du préjudice d'être né handicapé. - Loi du 4 mars 2002 : Le législateur a restreint cette indemnisation en ne permettant l'indemnisation qu'aux parents en cas de faute médicale non décelée. Il exclut l'indemnisation pour la naissance de l'enfant handicapé. - Loi du 11 février 2005 : Prévoit une politique d'aide pour les personnes handicapées, avec indemnisation en cas de faute médicale ayant causé ou aggravé le handicap. - Contrôle de constitutionnalité : Le Conseil constitutionnel a validé la loi du 4 mars 2002 dans une QPC, confirmant la constitutionnalité des restrictions apportées. **CHAPITRE 2. UN PRÉJUDICE PERSONNEL** - Droit à indemnité : La victime du dommage a un droit à réparation qui est personnel et peut être transmis par succession ou donation. **SECTION 1. PRÉJUDICE IMMÉDIAT ET PRÉJUDICE PAR RICOCHET** - Préjudice par ricochet : Un préjudice subi par des proches (conjoint, enfants, associés) peut être réparé comme un préjudice personnel. Exemple : une société peut demander réparation pour le dommage causé à l\'une de ses filiales (CE, 2009, Société Sofiran). **SECTION 2. LA TRANSMISSION DES DROITS PATRIMONIAUX AUX AYANTS-DROITS** - Le droit à réparation pour les préjudices matériels est transmissible aux héritiers, même si la victime n'a pas engagé une action avant son décès (CE, 1950, Mouret). - Souffrances physiques et morales : Les préjudices liés à la douleur peuvent être transmis si la victime a engagé une action, sinon ces droits étaient considérés trop intimes pour être transmis. **SECTION 3. L'ATTEINTE AUX INTÉRÊTS COLLECTIFS** - Les associations peuvent demander réparation des atteintes aux intérêts collectifs (environnement, discrimination, etc.). Ce préjudice est distinct des intérêts personnels des membres. - La loi du 18/11/2016 introduit deux types d'actions collectives devant le JA : - Action en reconnaissance des droits : Pour reconnaître les droits individuels d'un groupe. - Action de groupe : Pour faire cesser un manquement et indemniser un groupe de personnes ayant subi un dommage similaire (en matière de discrimination, santé, environnement, etc.). **CHAPITRE 3. LES AUTRES CARACTÈRES DU PRÉJUDICE INDEMNISABLE** **SECTION 1. L'ATTEINTE À UN INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ** - Un préjudice ne peut être indemnisé que s'il touche un droit ou un intérêt protégé par la loi. Par exemple, l\'occupant sans titre du domaine public ne peut être indemnisé pour la destruction des paillotes (CAA Marseille, 2005). **SECTION 2. UN PRÉJUDICE APPRÉCIABLE EN ARGENT** - Un préjudice doit être quantifiable en argent pour être indemnisé. Cela inclut : - Préjudice matériel (dommages aux biens). - Préjudices moraux comme la souffrance physique, le préjudice esthétique, l'atteinte à la réputation, les troubles dans les conditions d'existence, et la perte de chance. - Letisserand (CE, 1961 : Douleur morale d'un père liée à la disparition de son enfant peut être indemnisée. - Madame Bleitrach (CE, 2010) : Prise en compte des troubles dans les conditions d'exercice d'une profession. - Anxiété liée à l'amiante (CE, 3 mars 2017) : L\'indemnisation pour anxiété liée au risque de maladie grave a été reconnue. - Souffrances collectives exceptionnelles : Dans des cas comme l'antisémitisme, la réparation ne doit pas être uniquement financière, mais aussi symbolique (Avis contentieux CE, 2009, Mme Hoffman-Glemane). - La CEDH reconnaît que la restriction au droit d\'accès à un tribunal pour des actes de gouvernement peut être proportionnée et légitime. Elle valide également l'indemnisation des atteintes à la dignité humaine, comme les conditions de détention indignes. - Régime de responsabilité pour actes de gouvernement (CE, 2024) : L'État peut être tenu responsable sans faute pour certains actes de gouvernement, mais cela s'applique uniquement si le préjudice est particulièrement grave et affecte les personnes de manière spéciale (ex. victimes collatérales d'une décision). **CHAPITRE 4. LES CARACTÈRES SPÉCIFIQUES DU PRÉJUDICE EN MATIÈRE DE R SANS FAUTE : PRÉJUDICE ANORMAL** **SECTION 1. LE CARACTÈRES SPÉCIAL DU PRÉJUDICE** - L'administration n'engage sa responsabilité que si le préjudice est \"anormal\", c'est-à-dire suffisamment grave et spécial. Cela signifie que le dommage doit être exceptionnel et ne pas résulter des inconvénients ordinaires. - Un préjudice est spécial s\'il touche un petit nombre de victimes, comme dans l\'exemple d\'une mesure de police affectant une seule société. Ce n'est pas le nombre exact de personnes concernées qui compte, mais la possibilité que beaucoup soient affectées par une mesure donnée. - Exemples de préjudices non spéciaux : L'augmentation du prix de l'essence ou une dévaluation de la monnaie ne constituent pas un préjudice spécial, car ils affectent une large population. **SECTION 2. LA GRAVITÉ DU PRÉJUDICE** - La gravité est appréciée de manière individuelle. Ce qui est grave pour une victime peut ne pas l\'être pour une autre. Le préjudice est grave s'il excède les inconvénients normaux liés à l'action de la puissance publique. **TITRE 2. L'IMPUTABILITÉ DU PRÉJUDICE** **CHAPITRE 1. L'IMPUTABILITÉ AU RESPONSABLE** **SECTION 1. L'IMPUTATION DU PRÉJUDICE À L'AGENT OU À L'ADMINISTRATION** - Un préjudice doit être imputable à une personne publique, à son action ou son inaction. - La faute personnelle d'un agent est imputable à lui, tandis qu'une faute de service ne peut être imputée qu'à la personne publique. - Cumul de responsabilité : Si une faute personnelle a un lien avec le service, la responsabilité peut être partagée entre l'agent et la personne publique (cumul de responsabilités) (TC, 2014, Berthe c. Fillipi). **SECTION 2. LA DÉTERMINATION DE LA PERSONNE PUBLIQUE RESPONSABLE** - En principe, la personne publique qui gère un service public (SP) est responsable du dommage causé par ce service. Par exemple, le service de la justice est toujours imputable à l'État, même si des entités autres que l'État gèrent certaines activités juridictionnelles (CE, 2004, Mme Popin). - Si plusieurs personnes publiques sont impliquées dans un SP, la responsabilité est généralement attribuée à celle principalement responsable, mais il peut y avoir un partage de la responsabilité, voire une obligation in solidum. - Dédoublement fonctionnel : Lorsqu'une autorité exerce plusieurs fonctions, comme le maire qui agit à la fois au nom de la commune et de l'État, la responsabilité sera imputée à la personne publique correspondant à l'acte dommageable. - Police administrative et responsabilité : La commune est responsable des dommages liés à l'exercice de la police administrative municipale, même si les agents ne relèvent pas de la commune. En cas de faute d'un autre service, la responsabilité de la personne publique concernée peut être engagée. - Substitution des pouvoirs publics : En cas de défaillance du maire, le préfet peut agir à sa place, mais la responsabilité du dommage reste celle de la commune, sauf si une faute du préfet est prouvée (CE, 1949, Commune de Saint-Servant). **CHAPITRE 2. L'EXIGENCE DE LIEN DE CAUSALITÉ** **SECTION 1. CONCEPTIONS DE LA CAUSALITÉ** - Lien de causalité : Le préjudice doit être directement causé par une activité publique pour être indemnisé. Il faut prouver qu'il existe une relation de cause à effet entre l'acte de l'administration et le dommage. I. **La théorie de la proximité de la cause** - Exclut les causes trop éloignées du dommage et ne retient que celles qui sont en relation directe et immédiate avec lui. Elle est trop restrictive en droit administratif. II. **La théorie de l'équivalence des conditions** - Considère que chaque condition antécédente est une cause, tant qu'elle est nécessaire à la survenance du dommage (sine qua non). Le juge vérifie si l\'absence d\'une cause aurait empêché le dommage (test de nécessité). Cette théorie peut entraîner une responsabilité excessive et des difficultés pratiques. III. **La théorie de la causalité adéquate** - Retient la cause qui est raisonnablement la véritable cause du dommage, en hiérarchisant les causes et en privilégiant le fait qui, normalement, produit le dommage. Elle s'oppose à l'équivalence des conditions. - Critères pratiques de la causalité adéquate : Le juge évalue la probabilité du dommage et le \"cour normale des choses\" pour déterminer si le lien de causalité est direct. Cette approche est plus restrictive et permet de mieux cerner les causes pertinentes. - Exemples jurisprudentiels : L'administration peut être tenue responsable d'un dommage seulement si son acte est la cause adéquate. Par exemple, l'autorisation de port d'arme n'est pas la cause directe d'un crime commis avec cette arme. - Présomption de causalité : Dans certains cas, la loi peut établir une présomption de causalité, comme pour certains préjudices liés à des vaccinations ou des essais nucléaires, afin d'alléger la preuve à apporter par la victime. **SECTION 2. LES CAUSES D'EXONÉRATION** I. **Une exonération totale en cas de force majeure** - La force majeure permet à l'administration d'être exonérée de responsabilité si un événement extérieur, imprévisible et irrésistible empêche l'accomplissement de son obligation. Cela rompt totalement le lien de causalité. - Extériorité : L'événement doit être extérieur à l'administration (ex. catastrophes naturelles). - Imprévisibilité : L\'événement ne doit pas être prévisible (ex. les crues ou tempêtes, selon les circonstances locales). - Irrésistibilité : L\'événement doit être impossible à surmonter (ex. tempête violente ou action violente de manifestants). - Exemple : La crue de la Garonne et la marée exceptionnelle reconnues comme force majeure, car leur conjonction était exceptionnelle. / Le CE a jugé que certains événements peuvent ne pas être imprévisibles dans certaines régions (ex. vents violents dans le sud de la France). - Implication en droit contractuel : En cas de force majeure, l'administration peut être exonérée de son obligation contractuelle, comme dans l'affaire des tramways de Cherbourg, 1932 (déséquilibre permanent du contrat justifiant sa résiliation). II. **Une exonération totale ou partielle** **Le fait de la victime** - Si la victime participe au dommage (même non fautivement), cela peut exonérer totalement ou partiellement l'administration. Pour qu\'il y ait exonération, le fait de la victime doit être la cause principale du préjudice. - Le contrôle en cassation : Le juge exige une précision des circonstances établissant la faute ou le fait de la victime, comme le montre l\'arrêt CE, 1992, Commune de Bethoncourt. Contrôle en se référant à un comportement normal, conduite raisonnable à l'égard d'une situation particulière. **Le cas fortuit** - Reconnue par l\'arrêt CE, 1912, Ambrosini, le cas fortuit est une cause exonératoire uniquement en cas de responsabilité pour faute, et il implique un événement imprévu et souvent interne au service. - Distinction entre cas fortuit et force majeure : La force majeure est un événement extérieur à l\'administration, tandis que le cas fortuit est interne et imprévisible et pour d'autre c'est une cause inconnue. **Le fait du tiers** - Lorsque la cause du dommage est due à un tiers, la responsabilité de l\'administration peut être partiellement ou totalement exonérée en fonction de l'importance du fait du tiers (CE, 1951, Pierret) - Obligation in solidum : Le juge administratif refuse de reconnaître une obligation in solidum (obligation de réparer intégralement le dommage) sauf dans certains cas de collaboration étroite entre les coauteurs du dommage (CE, 2010, Madame Madranges). - Responsabilité sans faute : En responsabilité sans faute, le fait du tiers ne permet généralement pas d\'exonération de l\'administration, mais un recours peut être exercé contre le tiers responsable : appeler un tiers en garantie =\> personne publique assigné estime qu'un tiers doit lui être substituée ds condamnations qui pourraient être prononcés contre elle. Mais garantie ne joue que quand JA est compétent pr prononcer condamnation contre tiers. - Assouplissements en responsabilité sans faute : Si le fait d'un tiers est la cause unique du dommage, l'administration peut être exonérée. Sinon, le dommage est divisé et l'administration ne répare que la part qu'elle a causée (CE, 1983, société Deruelle). - Objectif du DRA : Le droit de la responsabilité administrative est conçu pour préserver la marge de manœuvre de l'administration tout en assurant une indemnisation juste pour les victimes.

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