Introduction aux Fabliaux du Moyen Âge PDF
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Stéphanie Le Briz
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Summary
This document is an introduction to medieval literature, specifically fabliaux. It provides a summary of current research and offers a bibliography on the topic by various authors. The document appears to be part of a course for an agrégation degree in Medieval Literature.
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Capes de lettres Littérature médiévale FABLIAUX DU MOYEN ÂGE Introduction : État des recherches Cours Stéphanie Le Briz Professeure des Universités à l'Université Côte d'Azur...
Capes de lettres Littérature médiévale FABLIAUX DU MOYEN ÂGE Introduction : État des recherches Cours Stéphanie Le Briz Professeure des Universités à l'Université Côte d'Azur En charge du cours d'Agrégation de Littérature médiévale depuis 1998-1999 Membre du jury du concours externe de Lettres Classiques pour les sessions 2022-2025 Directrice adjointe du CEPAM UMR 7264 en 2024-2025 Les cours du Cned sont strictement réservés à l’usage privé de leurs destinataires et ne sont pas destinés à une utilisation collective. Les personnes qui s’en serviraient pour d’autres usages, qui en feraient une reproduction intégrale ou partielle, une traduction sans le consentement du Cned, s’exposeraient à des poursuites judiciaires et aux sanctions pénales prévues par le Code de la propriété intellectuelle. Les reproductions par reprographie de livres et de périodiques protégés contenues dans cet ouvrage sont effectuées par le Cned avec l’autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Cned, BP 60200, 86980 Futuroscope Chasseneuil Cedex, France Le Cned remercie les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce document. Qu’elles trouvent ici l’expression de toute sa reconnaissance. © Cned 20231-101L-TE-WB-01-24 Ce document peut présenter des défauts d'accessibilité. SOMMAIRE INTRODUCTION ÉTAT DES RECHERCHES Préambule................................................................................ page 3 Typographie............................................................................... page 3 COURS 1 Édition traduite au programme, premières questions : délimitation du corpus et état des recherches............................................................... page 4 1. Éléments de bibliographie cités ou exploités dans le cours 1 « Délimitation du corpus et état des recherches »..................................................................... page 4 2. Préambule. L’édition traduite au programme du concours....................................... page 5 A. Le corpus en question...................................................................... page 5 B. Délimitations du corpus et État des recherches (les plus durablement citées ou discutées).................. page 6 Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 2 / 16 INTRODUCTION ÉTAT DES RECHERCHES Préambule Vous trouverez dans la capsule audiovisuelle associée à ce cours introductif des conseils pour tirer le meilleur profit de mes cours et documents. D’une manière générale, faites en sorte de vous approprier apports et réflexions en ayant toujours à portée de regard les œuvres au programme et en prenant vos propres notes, qui peuvent consister en des réactions de lecture sous forme de compléments, objections, rapprochements avec vos propres idées, avec des lectures critiques, avec tel texte du corpus ou tel autre. Au risque de répéter un élément de ma capsule de présentation, je me permets de rappeler ici qu’un travail régulier, même relativement bref, vaut beaucoup mieux que toute autre modalité pour préparer un concours exigeant une réflexion personnelle sur des questions (de dissertation, leçon ou étude littéraire) qui doivent être envisagées dans leur spécificité, et non vous conduire à des développements préconçus. C’est précisément pour vous accompagner dans votre lecture des fabliaux au programme que j’ai proposé d’assortir ces cours écrits de quelques capsules audiovisuelles additionnelles et de deux classes virtuelles qui auront lieu après que vous aurez pu prendre connaissance des grands cours 1 et 2 (1. Délimitation du corpus et état des recherches ; 2. Parcours analytique des fabliaux au programme) puis des cours 3, 4 et 5 (trois leçons, avec dans le premier cas des rappels méthodologiques également utiles à la préparation d’une dissertation, et dans les trois cas des apports débordant la leçon proprement dite). Typographie Pour me conformer aux consignes du Cned mais aussi pour vous laisser tracer votre propre parcours au sein de ces pages, j’userai le moins possible de gras ou soulignements. Pour les références bibliographiques je me conformerai aux normes de présentation en usage chez les « littéraires ». Pour les citations, j’userai des guillemets chevrons/français « citations » ; si une citation contient une réplique ou un syntagme placé entre guillemets, j’userai pour encadrer ces éléments des guillemets hauts/anglais "guillemets internes" ; toutes les fois où un mot/une locution sera évoqué(e) en tant que lemme, je le/la placerai en italique ; quant aux gloses de termes anciens ou traductions de textes latins ou vernaculaires anciens, je les donnerai entre guillemets anglais, excepté si je cite alors une traduction publiée en tant que telle et la donne donc entre guillemets français (trad. Jean Dufournet ou propositions incluses dans les notes et éclaircissements du Nouveau recueil complet des fabliaux). Quand j’userai d’abréviations, je me limiterai aux très usuelles (p.ex. = par exemple, s.v. = sub verbo pour indiquer une entrée de dictionnaire ou d’encyclopédie, ms. = manuscrit, mss = manuscrits, BnF = Bibliothèque nationale de France, fr. = français(e) ou fonds français de la BnF, éd. = édition (commerciale ou scientifique), trad. = traduction, rev. = revu(e), occ = occurrence(s), etc.), ou bien je les gloserai lors de leur première occurrence. Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 3 / 16 COURS 1Édition traduite au programme, premières questions : délimitation du corpus et état des recherches 1. Éléments de bibliographie cités ou exploités dans le cours 1 « Délimitation du corpus et état des recherches » Dans le cours, ces références seront abrégées à l’aide du patronyme de l’auteur/du directeur scientifique suivi de l’année de première édition, excepté pour notre anthologie (qui sera abrégée éd.JD ou JD), pour les volumes du Nouveau recueil complet de fabliaux en 10 tomes (qui seront abrégés NRCF1-10) et pour le Dictionnaire des Lettres françaises t. 1 Le Moyen Âge (qui sera abrégé DLF1) Bibliographie ◊ Ba d e l (Pierre-Yves), Le Sauvage et le sot. Le fabliau de Trubert et la tradition orale, Paris, Champion, 1979. ◊ Bé d ie r (Joseph), Les fabliaux. Études de littérature populaire et d’histoire littéraire du Moyen Âge, Paris, Champion, 1964 (6e éd ; 1re éd. 1893). ◊ Bo o g a a rd (Nico Va n d e n ), « La définition du fabliau dans les grands recueils », dans Épopée animale, fable, fabliau. Actes du IVe Colloque de la Société internationale renardienne (Évreux, 7-11 septembre 1981), Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 657-668. ◊ Bo u d e s (Yoan) et Ga rnie r (Nicolas), Fabliaux du Moyen Âge, Neuilly, Atlande (Clefs concours), 2023 [publ. retardée au 21 nov.]. ◊ Bo u te t (Dominique), Les fabliaux, Paris, Presses Universitaires de France (Études littéraires), 1985. ◊ Co bb y (Anne), « "Chains de pute coroie, fel et deputaires". Les injures dans les fabliaux », dans Co lle t (Olivier), Ma ille t (Fanny) et Tra ch s le r (Richard) dir., L’Étude des fabliaux après le « Nouveau recueil complet des fabliaux », Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 119-139. ◊ Co lle t (Olivier), Ma ille t (Fanny) et Tra ch s le r (Richard) dir., L’Étude des fabliaux après le « Nouveau recueil complet des fabliaux », Paris, Classiques Garnier, 2014. ◊ Co rb e lla ri (Alain), « D’un recueil "complet" à l’autre. Les répertoires de fabliaux, de Montaiglon-Raynaud au NRCF », dans Co lle t (Olivier), Ma ille t (Fanny) et Tra ch s le r (Richard) dir., L’Étude des fabliaux après le « Nouveau recueil complet des fabliaux », Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 15-37. ◊ Co rb e lla ri (Alain), Des fabliaux et des hommes. Narration brève et matérialisme au Moyen Âge, Genève, Droz (Publications romanes et françaises, 264), 2015. ◊ Dé tie nne (Marcel) et Ve rna nt (Jean-Pierre), Les ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974. ◊ Fabliaux du Moyen Âge, éd. trad. Jean Du fo u rne t, Paris, GF Flammarion, 2014 [mise à jour de l’éd. trad. 1998]. ◊ Fabliaux érotiques. Textes de jongleurs du XIIe et XIIIe siècles, éd. trad. Luciano Ro s s i , Paris, Librairie générale française (Le Livre de poche. Lettres gothiques), 1992. ◊ Fritz (Jean-Marie), conférence donnée à l’Université Paris Sorbonne le 24 juin 2023 lors de la demi-journée organisée par la présidente de la Société des Langues et Littératures Médiévales d’Oc et d’Oïl, Élisabeth Pinto-Mathieu, avec la collaboration de Clotilde Dauphant [mise en ligne pour accès libre sur YouTube assurée par Louis-Patrick Bergot]. ◊ Ha s e no h r (Geneviève) et Zink (Michel) dir., Dictionnaire des Lettres françaises, t. 1 Le Moyen Âge, Paris, Fayard (La Pochothèque), 1992. ◊ Ja rre ty (Michel) dir., Lexique des termes littéraires, Paris, Librairie générale française (Le livre de poche), 2001. [à posséder personnellement : un petit manuel conçu par une équipe d’éminents spécialistes ; on n’y trouve pas tous les termes les plus techniques, mais ceux qui y figurent sont mis en perspective, expliqués de manière claire et fiable, et généralement assortis d’exemples littéraires et de renvois aux entrées liées] ◊ Jo d o g ne (Omer), Le fabliau, Turnhout, Brepols (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 13), 1975, p. 7-29. ◊ Mé na rd (Philippe), Les fabliaux, contes à rire du Moyen Âge, Paris, Presses Universitaires de France, 1983. Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 4 / 16 ◊ Nouveau recueil complet des fabliaux, éd. Willem No o m en et Nico Va n d e n Bo o g a a rd , Assen/Maastricht, Van Gorcum, 10 vol., 1983-1998. ◊ Ny k ro g (Per), Les fabliaux. Étude d’histoire littéraire et de stylistique médiévale, Copenhague, E. Munksgaard, 1957. ◊ Pa y e n (Jean-Charles), « Fabliaux et Cocagne : abondance et fête charnelle dans les contes plaisants du XIIe et du XIIIe siècles », dans Épopée animale, fable, fabliau. Actes du IVe Colloque de la Société internationale renardienne (Évreux, 7-11 septembre 1981), Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 435-446. ◊ Ro s s i (Luciano), « L’œuvre de Jean Bodel et le renouveau des littératures romanes », Romania, t. 112, 1991, p. 312-360. ◊ R y ch ne r (Jean), Contribution à l’étude des fabliaux. Variantes, remaniements, dégradations, Genève, Droz, 2 vol., 1960 (t. I Observations, t. II Textes). ◊ Su a rd (François), « Les trois cadavres encombrants », dans Épopée animale, fable, fabliau. Actes du IVe Colloque de la Société internationale renardienne (Évreux, 7-11 septembre 1981), Paris, Presses Universitaires de France, 1984, p. 611-623. 2. Préambule. L’édition traduite au programme du concours D’après mes comparaisons, si vous possédez l’édition de 1998, c’est principalement la bibliographie qui diffère (elle a été mise à jour jusqu’en 2014, puisque le collectif dirigé par Olivier Collet, Fanny Maillet et Richard Trachsler, L’Étude des fabliaux après le « Nouveau recueil complet des fabliaux », 2014, y figure) ; l’annotation n’a pas été refaite pour intégrer ces nouvelles références. En tout état de cause, mieux vaut vous habituer à l’édition au programme, spécialement pour y posséder vos repères en vue d’une leçon, étude littéraire (ou explication linéaire avec traduction en français moderne pour qui voudrait se présenter au concours de Lettres Classiques). En ce qui concerne vos listes de citations en vue d’une dissertation, commencez-la dès maintenant, et je pourrai vous aider à la réajuster lors d’une classe virtuelle. A. Le corpus en question Dans sa conférence du 24 juin 2023 pour la SLLMOO, Jean-Marie Fritz a fait observer que la proportion de récits impliquant des clercs était plus élevée dans notre anthologie que dans d’autres, que ces autres collections soient elles aussi partielles (voir par exemple, au format poche, Aubailly trad. seule 1987, Rossi éd. trad. 1992, etc.) ou qu’elles visent l’exhaustivité comme le Nouveau recueil complet des fabliaux (Noomen et Van den Boogaard, 10 vol., 1983-1998 ; après le Recueil général et complet des fabliaux des XIIIe et XIVe siècles de Montaiglon et Raynaud, 6 vol., 1872-1890). Il se peut que Jean Dufournet ait été influencé dans ses choix par la manière dont il pense le « genre ». Voici en effet une phrase tirée de son introduction : « Ils [ces récits] ont été composés et diffusés par des professionnels (clercs, petits chevaliers, goliards, ménestrels et jongleurs) qui étaient très mobiles, passant d’un milieu à l’autre et la plupart du temps dépourvus du précieux argent dont le pouvoir grandissait. » (p. 10 JD, et en amont chap. XIV et dernier de Bédier 1893, « Les auteurs des fabliaux » p. 386-426). Rappels : goliards : clercs vagants n’ayant pas réussi à obtenir d’emploi après leurs études universitaires et n’étant pas entrés dans la hiérarchie universitaire ; leur poésie célèbre les plaisirs temporels et se fait volontiers satirique, fustigeant les vices de la hiérarchie ecclésiastique [D. Boutet dans Jarrety 2001, s.v. « goliards » : noter dès maintenant que la dimension satirique des fabliaux a en revanche été mise en question par D. Boutet dans sa synthèse de 1985, comme dans d’autres travaux consacrés aux fabliaux] ; ménestrels et jongleurs : à l’époque et dans l’espace géographique qui nous intéressent (fin 12e-13e, Nord de la France actuelle), ménestrel = professionnel de la musique et de la récitation attaché à un personnage important et entretenu par lui ; jongleur = professionnel itinérant du divertissement, allant du spectacle de foire à la récitation voire la composition d’œuvres littéraires [composition relevant plutôt des trouvères, eux-mêmes héritiers des troubadours ; on verra infra que Jean Rychner a plusieurs fois invité à atténuer ces distinctions entre diffuseurs et créateurs]. Mais, à dire vrai, même s’il n’y avait pas ce prisme attirant Jean Dufournet vers les clercs et nous faisant dire qu’il n’a peut-être pas une vue englobante du genre, il pourrait paraître difficile de trouver un point commun à ce que nous avons pris l’habitude d’appeler « fabliaux » (après un débat sur le mot même, opposant par exemple Gaston Paris et son ancien disciple Joseph Bédier, le premier préférant le mot fableau). Cette question des personnages Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 5 / 16 impliqués – et par suite, dans de nombreuses études, des créateurs supposés et des publics censément visés – a été posée dès les débuts de la médiévistique, et elle a reçu des réponses à peu près aussi nombreuses que les théories relatives aux délimitations et caractéristiques du corpus. B. Délimitations du corpus et État des recherches (les plus durablement citées ou discutées) 1. Pour Joseph Bédier qui travaillait à partir du Recueil général et complet des fabliaux… donné par Anatole de Montaiglon et Gaston Raynaud (1872-1890), on peut regarder comme des fabliaux 142 récits parmi les 158 édités par Montaiglon-Raynaud, et leur en ajouter 7 1. Les 16 textes soustraits par Bédier l’ont été en raison de leur forme ou de leur contenu (2 dits dialogués, 1 chanson, 1 prière bilingue, 2 contes dévots, 1 débat et 9 dits satiriques : Jodogne p. 11, et de fait Bédier p. 436-441). Dans la bibliographie secondaire, vous trouverez souvent un chiffre proche de celui-ci : 149 ; voir notamment éd.JD p. 9, « il en resterait [des fabliaux] cent cinquante sur un millier ». Il vaut la peine d’expliquer l’hypothèse que fait Jean Dufournet de pertes massives, une hypothèse qui se trouvait déjà chez Joseph Bédier en 1893. 1) Il arrive que l’on invoque le statut de récits d’origine « populaire » jugés moins dignes que d’autres d’être copiés sur parchemin ; on cite alors volontiers la mention, par Henri d’Andeli, de la possible copie sur tablette de cire (effaçable donc) d’un fabliau (genre auquel il oppose son texte du moment, plus digne d’être durablement conservé) (Bédier 1893 p. 38). 2) On suppose parfois de nombreuses pertes de fabliaux en observant la dispersion de ceux qui nous sont parvenus dans des manuscrits mêlant bien d’autres genres littéraires. Le ms. siglé A, le Paris, BnF fr. 837, en conserve tout de même 58 à soi seul, et cinq autres manuscrits en conservent chacun entre 14 et 31 (ms. B, Berne, Bibliothèque de la Bourgeoisie, 354 : 20 ; ms. C, Berlin, Deutsche Staatsbibliothek, Hamilton 257 : 31 ; ms. D, Paris, BnF, fr. 19152 : 26 ; ms. E, Paris, BnF, fr. 1593 : 23 ; ms. F, Paris, BnF, fr. 12603 : 14). Mais de fait les 38 autres témoins sont beaucoup plus chiches et donnent chacun entre 1 et 6 fabliaux seulement. Collet, Maillet, Trachsler 2014 p. 9 notent en outre qu’il n’existe pas de « manuscrits de fabliaux », tant les collections les plus vastes elles-mêmes sont mêlées au plan générique. 3) Si l’on admet que les fabliaux ont été copiés à date tardive (par rapport à ce que l’on peut reconstituer de leur date de composition, spécialement dans le cas de Jean Bodel [voir notre cours 2. Parcours analytique des fabliaux au programme]), il est bien possible que, à l’instar de multiples jeux dramatiques dont on sait grâce aux archives qu’ils ont été performés mais dont le texte ne nous est pas parvenu, bien des fabliaux aient disparu. Noter au passage qu’il vaut mieux éviter (ou manier avec précaution) le qualificatif populaire au risque de devoir se lancer dans une discussion érudite dont l’Agrégation n’est pas exactement le lieu. Je vous donne tout de même des repères ci-après, au cas où cela vous permettrait de revenir sur la question de façon nuancée et personnelle, c’est-à-dire sur la base d’analyses textuelles fines ; ces mises au point sont en outre indispensables à la contextualisation d’une citation proposée en dissertation. Que retenir d’autre si vous devez situer une étude qui ferait référence à cette thèse pionnière ? Joseph Bédier y contredit son maître Gaston Paris : il montre que l’idée d’un substrat indien des fabliaux français ne résiste pas à un examen précis des textes ; que même dans les très rares cas où il existe une proximité effective entre deux narrations, rien ne permet d’établir ce qui serait premier, du conte indien ou du fabliau en ancien français. 1. Corbellari dans Collet, Maillet, Trachsler 2014. Vous trouverez des chiffres un peu différents dans Bédier 1893 ou Jodogne 1975 (avec quelques flottements au gré des pages), mais, vous l’aurez compris, l’essentiel n’est pas là. Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 6 / 16 Voir « documents complémentaires au cours 1 » : Table des matières analytique Bédier 1893 p. 493-497 Après cette première partie dont les méthodes et la rhétorique ne sont pas sans annoncer d’autres thèses du disciple prenant ses distances avec le maître (voir ses prises de position sur les origines de la chanson de geste, dans Les Légendes épiques. Recherches sur la formation des chansons de geste, t. 1. Le cycle de Guillaume d’Orange, p. i -x (avant-propos), ou encore ses prises de position sur les pratiques philologiques pour l’édition des œuvres littéraires médiévales : Voir capsule additionnelle 1 au cours 1 : Bédier livre une étude dite « littéraire » des fabliaux, qui consiste en réalité souvent dans des jugements de valeur très datés (voir encart infra). Cette seconde partie, liant les fabliaux au goût « bourgeois », a été vigoureusement contestée dans plusieurs études à connaître, et spécialement dans celle de Per Nykrog qui repose cependant sur le même corrélat (discutable) entre d’une part tonalité des récits et d’autre part intentions auctoriales et caractérisation socioculturelle du public/lectorat censément visé. Dans un chapitre intitulé « Place des fabliaux dans la littérature du XIIIe siècle » (p. 358-370), Bédier défend l’idée que « la moitié des œuvres du XIIIe siècle sont animées du même souffle que les fabliaux » ; la misogynie, par exemple, n’est pas propre aux fabliaux, loin s’en faut, et c’est même selon Bédier parce qu’elles injuriaient les femmes que certaines « histoires populaires » (sic) ont été transcrites. Suivent nombre d’exemples empruntés à divers genres [359-362], et la conclusion intermédiaire de multiples genres traversés par « la même vision ironique, railleuse, optimiste pourtant, de ce monde ». On trouve le même raisonnement à propos des prêtres et des moines raillés (plutôt que les institutions, de sorte que Bédier écarte légitimement une intention satirique) , ou sur les ressorts comiques communs aux fabliaux et aux récits renardiens. Bédier déduit de ces comparaisons entre fabliaux et littérature contemporaine des fabliaux, ce que devait être la bibliothèque typique de l’amateur médiéval de fabliaux (selon leur degré d’obscénité ils voisineraient avec des textes divers, dont le plus élevé serait la chantefable Aucassin et Nicolette Voir « documents complémentaires au cours 1 » : Résumé du DLF1 p. 111b-113b [363-364]. Suit l’examen de récits sentimentaux que Bédier considère comme fabliaux si un copiste les a désignés ainsi [363-364], ce qui sera ensuite discuté. Mais bien vite apparaît surtout l’idée d’un 13e siècle époque de forts contrastes dans les goûts des lecteurs, mais d’une axiologie à deux pôles, d’un côté « le réalisme des fabliaux » et des récits apparentés, de l’autre « l’esprit idéaliste de la Table Ronde », correspondant respectivement à « deux conceptions contraires de la vie », qui pourtant « coexistent [… et même] se pénètrent » [364-370, citations p. 368, 369, et 370], de sorte que Bédier résoudra ce mystère en affirmant, au chapitre suivant, que le public visé par les fabliaux est « la classe bourgeoise », même si des cercles sociaux beaucoup plus larges en sont touchés, « l’esprit des fabliaux contamin[a]nt les genres les plus nobles » [371 sqq]. Toute cette partie de l’étude de Bédier est très datée, marquée par son rejet de l’obscénité ou même seulement des plaisirs charnels, et aussi par des jugements de valeur sur la littérature qui n’ont plus cours (en substance : minutie lassante de la poésie des troubadours, fraîcheur poétique des lais bretons ou des mythes tristaniens, synthèse du meilleur de ces genres dans les romans arthuriens… : où l’on note l’idée, évolutionniste, d’une progression des formes au fil du temps), pour ne rien dire d’emplois jamais motivés de termes tels que réaliste. Capsule additionnelle 1 : Joseph Bédier, Les Légendes épiques. Recherches sur la formation des chansons de geste, t. 1. Le cycle de Guillaume d’Orange, p. i-x (avant-propos) L’édition des œuvres littéraires médiévales 2. Per Nykrog, pour qui les fabliaux parodient la littérature courtoise et la littérature héroïque et ne peuvent en conséquence être goûtés que par le même public, informé des codes tournés en dérision, a de ce fait même retiré 7 récits de la liste de Bédier (voir par exemple p. 94 Nykrog, La housse partie, récit prenant « ouvertement parti contre l’aristocratie »). Il a en revanche ajouté au corpus une vingtaine de récits (mais aucun de ceux que Bédier avait exclus précédemment de la liste de Montaiglon-Raynaud). Sur les 20 ajouts Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 7 / 16 proposés par Nykrog, certains correspondent à des récits effectivement découverts et édités dans l’intervalle (entre 1893 Bédier et 1957 Nykrog), mais ces ajouts intègrent des récits n’ayant jamais circulé de façon autonome et qui semblent, pour cette raison, difficilement assimilables à des fabliaux, constituant quant à eux des récits non inscrits dans un récit enchâssant ni pris dans une logique sérielle (Jodogne p. 11-12 2 ; sur les parentés et différences entre fabliaux et Roman de Renart, voir Nicolas Garnier, thèse à paraître, et sans doute volume Atlande dont la publication retardée est maintenant annoncé pour le 21 nov. 2023). Ainsi donc, pour Nykrog (p. 309-324, « Inventaire alphabétique des fabliaux »), le corpus compte 160 items 3, un chiffre qui circule également quand on évoque les fabliaux. Il importe de connaître cette étude du style des fabliaux (voir encart infra), pour deux raisons au moins : 1) elle invite très pertinemment à s’intéresser à la riche intertextualité des fabliaux, même si l’on verra qu’il vaut souvent mieux parler de burlesque [traitement sur un mode trivial de sujets tragiques ou épiques] ou d’héroï-comique [traitement sur un mode sublime de sujets triviaux] plutôt que de parodie [supposant qu’un modèle littéraire précis soit détourné durablement et visiblement] ; 2) elle est précédée d’un éclairant état des recherches sur les fabliaux à la fin des années 1950 : avant Alain Corbellari qui fait volontiers l’épistémologie de la médiévistique, Nykrog a eu l’idée de réfléchir à ce qui motive culturellement un type d’approche ou un autre (dans le cas des fabliaux [et d’autres genres], influence successive du Romantisme, du positivisme, et même de la découverte de la Chanson de Roland qui a pour longtemps occulté d’autres textes pourtant lus et mentionnés dès le 16e siècle, puis édités et étudiés aux 18e-19e). Autrement dit, Per Nykrog est sensible au caractère construit de toute démarche historique. Il importe de mémoriser le nom du savant danois, car sa thèse, bien qu’on ait pu la critiquer à bon droit (elle présente le même défaut que celle de Bédier, à savoir confondre contenu du récit, intentions littéraires et public effectif), est souvent entérinée sans même être citée. Dans son long état des recherches, Nykrog reproche à Bédier d’avoir considéré les fabliaux comme un genre « bourgeois » et de l’avoir ainsi enterré. Puis après l’analyse de passages où les fabliaux empruntent à l’imaginaire et au langage courtois avant un décrochage spectaculaire, il affirme « un certain nombre de fabliaux ne trouvent leur raison d’être que dans une parodie de ce genre [courtois]. Si on les lit sans avoir cette idée présente à l’esprit, ils sont tout à fait insipides », p. 77 sqq, où Nykrog donne les exemples de jeunes filles de fabliaux ayant trop lu les fictions courtoises, et moquées comme « des précieuses ridicules du XIIIe siècle », d’une amante rusée décrivant à son époux ses ébats adultères en recourant aux images, dès lors graveleuses, de la rhétorique courtoise. Suit aux p. 79 sqq une analyse de Connebert, La gageure, La vieille truande, etc., contestée par D. Boutet dans son étude de 1985 ; j’ajoute que lire les strophes hétérométriques de Baillet comme une « double parodie » est artificiel. Aux p. 85 sqq, il est question de fabliaux démarquant « la littérature héroïque, tant épique que courtoise » et s’adressant donc [corrélation discutable] « à un public aristocratique ». Puis les p. 91 sqq traitent d’allusions que font les fabliaux à « la vie seigneuriale en général » ; les p. 94-95 mentionnent des fabliaux incluant un jugement typique de la casuistique courtoise : Nykrog range là [sans l’analyser mais assurément en raison de sa dernière adresse aux auditeurs/lecteurs] Le bouchier d’Abbeville. Aux p. 95-98, Nykrog discute des cas-limites ; puis aux p. 98-100 il envisage la parodie, beaucoup plus rare, de genres didactiques et moraux, et affirme qu’elle a ceci de particulier qu’elle pourrait quant à elle être retranchée des fabliaux sans qu’ils y perdent beaucoup, preuve supplémentaire, selon Nykrog, que « c’est […] vers les genres aristocratiques que s’oriente le plus volontiers la pensée du public auquel les fabliaux sont destinés » (p. 100). Aux p. 100-104, on trouve une analyse de la tendance à clore le fabliau par une moralité pouvant prendre la forme d’un proverbe, et les conclusions de ce chapitre central (chap. III). 3. Fort de ces débats, Jean Rychner livre en 1960 une Contribution à l’étude des fabliaux en 2 volumes bien représentative de sa formation de chartiste (qui explique aussi deux de ses contributions majeures, son Essai sur l’art épique des jongleurs puis ses propositions sur l’édition des textes littéraires médiévaux : voir capsule additionnelle 2 au cours 1). À l’issue d’observations portant sur des questions d’ecdotique, sur ce qu’il appelle « muance » (voir encart infra) et que Paul Zumthor nommera « mouvance textuelle », Rychner conclut à l’existence en synchronie de versions plus ou moins élevées des fabliaux, plutôt qu’à une explication de la diversité tonale et stylistique des fabliaux par la chronologie (autrement dit par l’idée évolutionniste selon laquelle un genre déclinerait au fil du temps ; à cet égard, le sous-titre de l’étude en ses 2 volumes est un peu trompeur, spécialement en son dernier terme, qui n’est pas pris comme le terme ultime au plan chronologique : Variantes Remaniements Dégradations, t. 1 Observations, p. 144-146). 2. On trouve une fois mention d’un retrait de 7 récits [avec titres] et une fois mention d’un retrait de 8. 3. D’après Corbellari dans Collet, Maillet, Trachsler 2014 ; chiffre un peu différent dans Jodogne 1975 dont on a vu dans les notes précédentes les flottements en matière de dénombrements. Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 8 / 16 Rappel : Conception évolutionniste de l’histoire des formes littéraires très prégnante avant l’adoption par des intellectuels comme Jean Rychner, Jean-Pierre Vernant, etc., de certaines méthodes structuralistes ne négligeant nullement l’histoire et les particularismes, mais évitant l’approche biographique et surtout téléologique de la critique académique qui dominait jusqu’alors. De prime abord les observations de Rychner confirment la thèse de Nykrog ; c’est d’ailleurs ce qu’il affirme p. 145-146 : « Nous croyons donc avec M. Nykrog que le fabliau a été, dans l’intention et sous la plume de certains auteurs au moins, peut-être même des premiers auteurs du genre, un burlesque courtois, digne du travail de l’écrivain et destiné au même public que la littérature courtoise, tantôt aristocratique, tantôt bourgeois ». Cependant Rychner souligne bientôt son apport au débat sur la destination et donc le milieu d’émergence des fabliaux (p. 146) : « En combattant la thèse de la destination exclusivement bourgeoise, M. Nykrog a, comme Bédier qui la soutenait, exagéré la cohérence et l’unité stylistique du genre, et notamment l’unité de sa destination sociale. […] la diffusion des fabliaux n’est pas restée limitée aux cercles dits courtois. On discerne dans l’épaisseur du genre toute une stratigraphie stylistique, due surtout à l’exploitation des fabliaux par des professionnels de talent inégal devant des publics socialement divers. Cette vue [… celle que défend Rychner en dépassant Nykrog trop systématique] tient compte de ces "conditions de la littérature" à la connaissance desquelles [il] aimerai[t] avoir contribué. » [= dernière phrase du t. 1 ; voir dans la capsule additionnelle 2 l’attachement de Rychner à l’analyse des circonstances de diffusion et de constante recréation des œuvres, dès 1955]. NB : comme l’a noté Philippe Ménard en 1983 (p. 99-100), ces principes n’ont pas empêché Rychner de distinguer parmi les versions différentes d’un fabliau donné telle version qui aurait selon lui visé un public populaire, ou telle autre qui aurait visé un public bourgeois, etc. : autrement dit, par des voies différentes, il lui est arrivé de revenir à une appréhension socio-poétique des textes, dont on invite aujourd’hui à se déprendre. Un point sur la « muance » telle que l’appréhende Rychner dans cette étude : disparités textuelles selon les copies, généralement tardives, et souvent moins fidèles à la version originale que les performances orales des jongleurs, qui la transforment de manière non intentionnelle. Attention, Rychner précise ensuite que les mêmes hommes ont pu tantôt composer des fabliaux (à partir d’une matière populaire qu’ils ont mise en forme mais qui a ensuite pu être confiée à la mémoire des diffuseurs avant de regagner l’écrit [pour une vue nuancée des rapports entre « matière populaire » ou contes, folklore d’une part, et fabliaux d’autre part, voir l’excellente étude de Trubert, hors-programme, par Pierre-Yves Badel, 1979]) et tantôt en remanier ; les diffuseurs que sont en principe les copistes ont eux-mêmes pu prendre part à des remaniements sensibles [Rychner 1960 t. 1 p. 133]. Et ce n’est pas parce qu’ils figurent aujourd’hui dans un même recueil que les fabliaux d’un manuscrit donné sont tous des originaux, des variantes ou des dégradations, ni qu’ils présentent la moindre parenté d’auteur, de région, ou même de thème. En fin de compte, Rychner s’est attaché à retracer la genèse et les vicissitudes des fabliaux dont nous sont parvenus plusieurs états, en n’oubliant jamais de les penser au regard de l’histoire matérielle des livres médiévaux [p. 136 sqq]. Rychner appelle d’ailleurs de ses vœux, p. 140-141, l’entreprise, advenue depuis peu de temps seulement (voir p.ex. Collet, Maillet, Trachsler 2014), d’études portant sur des recueils et non motivées par le désir d’éditer un texte considéré isolément. Pour revenir au lien entre thèse sur le « genre » des fabliaux et délimitation quantitative du corpus, sachez que dans le t. 2 de son étude (II. Textes), Rychner édite 17 fabliaux, ce qui ne signifie nullement qu’il limite le genre à ce petit corpus : ceux qu’il a édités sont ceux dont il a discuté les diverses « versions » dans le t. 1. Capsule additionnelle 2 : Jean Rychner, La Chanson de geste. Essai sur l’art épique des jongleurs, Genève, Droz, 1955 L’édition des textes littéraires médiévaux, années 1980 4. Si l’on se reporte ensuite aux synthèses d’Omer Jodogne (1975 revu 1983) puis de Dominique Boutet (1985), on trouve, au-delà de ces questions de chiffres, d’intéressantes interrogations, dont je vous donne la substance. Un fait relevé par Omer Jodogne (1975) mérite d’être retenu par vous qui préparez l’Agrégation : « Des œuvres sont appelées fabliaux, certes, mais portent aussi d’autres noms. Des œuvres similaires se prétendent conte, dit, ditié, exemple, fable, lai, proverbe, risée, roman, truffe. » (Jodogne p. 13). Jodogne nomme « fabliaux certifiés » ceux qui se désignent comme tels ; Reinhard Kiesow (Die Fabliaux. Zur Genese und Typologie einer Gattung der altfranzösischen Kurzerzählungen, Berlin, 1976 ; cité par Corbellari dans Collet, Maillet, Trachsler 2014 p. 17), qui n’en retient au total que 126, appellent ceux-ci « fabliaux proprement dits ». Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 9 / 16 II.4.bis [premières analyses textuelles] : Dans notre anthologie, ce flou terminologique (qui ne surprend plus les médiévistes, dans la mesure où ils/elles ont compris que la catégorisation ne préoccupait pas tant les médiévaux et reposait de toutes façons sur d’autres critères que ceux auxquels nous recourons pour distinguer des genres littéraires) s’observent aussi. NB : je vais ici raisonner chaque fois sur la leçon du manuscrit de base de l’éd.JD, sachant qu’il arrive que les variantes (si plus d’une copie a été conservée) portent justement sur les autodésignations (pour plus de détails, voir notre cours 2, Parcours analytique des fabliaux au programme ; sur la varia élection, Voir supra la capsule additionnelle 2 au cours 1). On sera certes sensibles à la relative stabilité des désignations chez Jean Bodel (« I. Du vilain de Bailluel » [6 copies dont 2 dans le même ms.] : « fabliaus » v. 1 et 114, « II. De Gombert et des deus clers » [4 copies dont 1 anoure = amputée de ses derniers vers] : « fablel » v. 192 mais voir infra « fable » 2 occ., « III. De Brunain la vache au prestre » [1 copie] : « fabliaus » v. 64 mais voir infra), mais en se souvenant que ce polygraphe se présente comme l’inventeur du genre et que tous ses fabliaux nous sont parvenus, ce qui est sans doute rare. Trois autres pièces de notre anthologie se désignent comme « fablel » et uniquement ainsi : « XIV. Boivin de Provins » [2 copies] revendiqué par un certain « Boivins » (v. 380 « fablel », mentions de « Boivins » v. 1 et 379) ; « XV. Estormi » [1 copie] signé par « Hues Piaucele » qui évoque même les contraintes inhérentes au genre (« fablel » v. 2, 255, 259, 606, 627 et 630, signature v. 630) ; et « XVIII. « De la damme qui fist trois tours entour le moustier » [4 copies] signé par Rutebeuf (v. 169 pénultième, où se lit aussi la signature-surnom), qui ne se montre toutefois pas systématique à cet égard (voir infra). Pour le reste, certaines pièces ne sont pas étiquetées du tout : voir Jean Bodel, « IV. De Haimet et de Barat » [4 copies] ; « VI. Du bouchier d’Abevile » [5 copies] signé par Eustache d’Amiens ; « VII. Du prestre et du leu » [1 copie], anonyme et très bref ; « VIII. Estula » [3 copies], anonyme ; « XIII. Du segretain moine » [5 copies dont 1 fragmentaire pour cette version III comptant + de 800 vers / 1 ms. pour chacune des versions I et II plus brèves], anonyme. S’il n’y avait dans cette liste un spécimen de Bodel et un autre d’Eustache d’Amiens, on pourrait considérer que l’absence de toute désignation va de pair avec l’anonymat, puisque les fabliaux désignés comme tels sont en revanche tous signés. Les choses sont en réalité plus complexes. En effet, ne serait-ce que dans notre anthologie, il arrive que plusieurs désignations d’une même pièce coexistent dans une copie donnée (pour ne rien dire ici de la varia lectio). Cette observation faite par Jodogne en 1975 vaut pour Jean Bodel même, lui que nous avons vu relativement attaché au terme « fabliaus/fablel » (« II. De Gombert et des deus clers » [vu supra 4 copies dont 1 anoure] : certes « fablel » v. 192 mais aussi « fable (por essample) » v. 1 et 186) ; elle vaut surtout pour l’anonyme « IX. Dit des perdriz » [1 copie] (où les occurrences « fabliaus/fablel » des v. 1, 150, 155 et 156 n’ont empêché ni « dit/dis » à l’incipit puis au v. 155, ni « fable » au v. 2, ni « par essample » au v. 150), et aussi pour « XVII. Des trois avugles de Compigne » [4 copies dont 1 fragmentaire] revendiqué par un certain « Courtebarbe » (où « fablel » des v. 2 et 10 est finalement concurrencé par « mon conte » rimant avec « honte » au v. 333 et dernier, ainsi que par la mention parallèle de « dis » et « contes » au v. 5 ; NB : le nom d’auteur est, comme dans le cas de Rutebeuf, surnom : celui de Rutebeuf est ouvertement méta-poétique, rude et bœuf renvoyant au style mediocris ; pour Courtebarbe il pourrait s’agir aussi de pointer la fraîche sagesse de l’auteur, dont la barbe n’égale pas encore celle des vieux sages : cela conviendrait bien au ton des fabliaux). Certaines pièces, enfin, sont bien désignées mais jamais comme fabliaux : le récit « V. Baillet [ou Prêtre au lardier] » [1 copie], d’une forme strophique il est vrai inusuelle dans les corpus narratifs, est nommé « chançon » (v. 167) ; voir aussi « X. La male honte » de Huon de Cambrai [3 copies ; 3 autres copies pour la version dite « de Guillaume », proche de l’original selon Rychner] qui s’annonce comme « conte[ur] » ayant « de ceste oevre rime f[ait] » [où « ceste » semble bien cataphorique : voir v. 1-5 p. 150] ; et aussi « XI. Du prestre crucefié » [3 copies], qui est nommé « example » (v. 1 et 93) ; et encore « XII. Del prestre taint » [1 copie] dont Gautier Le Leu vante « l’aventure » et « la rime » sans que cela désigne plus que ses matière et manière respectivement (v. 3, 7 et 8) ; voir aussi l’anonyme « XVI. Des tresces » [1 copie de cette version ; 2 copies de l’autre version], appelé « [le] / mon conte » (v. 236 et 434), et aussi la pièce « XIX. C’est li testament de l’asne » [1 copie] que Rutebeuf finit par nommer « la rime » (v. 169, et signature P3 au v. 165). En conséquence, bien que l’on ait fini par admettre que ni copistes ni auteurs médiévaux n’étaient inaptes à la classification générique (même si la logique nous en échappe parfois), on a parfois exclu du corpus des textes désignés comme « fabliaux » dès la période médiévale, et surtout on en a inclus qui ne présentaient pas (ou pas dans tous les témoins conservés) cette autodésignation. NB : on se concentrera pour cette question et bien d’autres sur le récit conservé, bien plus que sur les « titres », variant de copie en copie et souvent revus à l’époque moderne. Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 10 / 16 5. Il est dès lors particulièrement utile de se référer aux pages que Dominique Boutet (1985) consacre à ce qu’il nomme « Les genres contigus » (p. 14-18), à savoir « lai », « conte moral », « exemplum », « dit », « débat » et « fable ». De cette confrontation avec des genres eux-mêmes désignés de façon fluctuante, il ressort quelques caractéristiques assez constamment observables dans les fabliaux. Je mets en gras ces caractéristiques et je souligne les genres contigus dont se distinguent la plupart des fabliaux selon Boutet : « Comme le lai, le fabliau est un récit bref, où prédomine le projet narratif ; mais il exclut toute émotion et préfère l’effet à la délicatesse. Comme le conte moral, il se veut exemplaire mais, à l’inverse, il ne soumet pas la narration au sens. Il peut se rapprocher de la nouvelle courtoise du point de vue thématique, mais le ton et l’atmosphère demeurent triviaux, ne serait-ce qu’à la fin. Le fabliau se distingue de l’exemplum par sa destination et sa longueur ; il partage avec le dit l’énonciation de vérités morales ou sociales : mais dans le fabliau celle-ci se cache derrière l’anecdote, et ne se développe pas en considérations générales. Le fabliau n’a donc pas la même lourdeur didactique. Seules quelques œuvres ont des points communs avec le débat : le genre dans son ensemble ne cherche pas à poser un problème de casuistique. Enfin le fabliau est plus étoffé que la fable, et n’utilise qu’exceptionnellement des animaux comme protagonistes. Trois caractères se dégagent donc : un style bas, une prédominance narrative, une thématique triviale. » (Boutet, p. 18, conclusion du § « Les genres contigus » p. 14-18, dans le chapitre « Contexte et problèmes de définition » p. 11-28). Il ne faudrait toutefois pas simplifier la pensée de Dominique Boutet, qui ajoute aussitôt après ces éléments de synthèse de la p. 18 : « Une définition plus précise suppose quelques analyses supplémentaires » (Boutet, p. 18, = dernière phrase du §). D’une manière générale, on vous en voudrait beaucoup de ne pas rester sensibles aux particularités de chaque citation (proposée comme sujet de dissertation), de chaque intitulé de leçon ou extrait d’étude littéraire. En l’occurrence, pour être vraiment fructueuse, l’analyse des désignations des fabliaux au programme doit tenir compte des contexte et co-texte, et même, quand c’est possible, de la varia lectio. On aboutit alors aux observations suivantes, celles du « Parcours analytique des fabliaux au programme » qui constituera mon 2e grand cours [je profiterai de ce parcours pour vous livrer du matériau concernant les auteurs, la langue, quelques éclairages historiques et culturels, etc. : cela va nous prendre du temps, et c’est bien normal et même souhaitable ; en amont, vous devriez essayer de résumer l’argument narratif de chacun des fabliaux, car c’est un exercice plus difficile qu’il n’y paraît, exigeant d’avoir perçu la structure narrative, les intertextes et autres références culturelles utiles à l’avènement d’une connivence avec les auditeurs/lecteurs]. Avant de dérouler ce parcours analytique des fabliaux de l’éd. JD, je vous indique ce que quelques publications des années 1980 puis 2015 peuvent nous apporter. 6. Dans son étude de 1983 très académique (et hostile au structuralisme), Philippe Ménard limite le corpus des fabliaux à 130 textes, c’est-à-dire à peu près aux contours du Nouveau recueil complet des fabliaux que sont alors en train d’éditer Willem Noomen et Nico Van den Boogaard (1983-1998 ; Noomen seul après le décès de Van den Boogaard) et qui en donne 127. Ménard s’en explique dans une note : (Voir « documents complémentaires au cours 1 » : Ménard 1983 n. 2 p. 14. La discrétion de cette justification vient de ce que Ménard a compris la difficulté de la taxinomie et préfère se concentrer sur les réponses que peut offrir une approche littéraire des textes présentés comme des fabliaux par leurs auteurs ou reçus comme tels par le plus grand nombre des critiques modernes (voir le chiffre le plus bas = 126, chez Kiesow cité dans Corbellari 2014). Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 11 / 16 Cette approche progresse en effet de la sorte : I. Thèmes et technique, 1. Les thèmes dominants - 2. Technique et structure : multiplicité des structures, irréductibles à un schéma de type proppien - 3. L’art de conter : beaucoup de pages auxquelles on ne peut que souscrire, même si a) elles se répètent un peu, b) on peut et doit aller plus loin dans le cadre du concours (voir notre cours 2. Parcours analytique des fabliaux au programme). II. Littérature et société, 1. Le fabliau miroir du temps - 2. Auteurs et publics : si les analyses de ce chapitre distinguent comme il convient histoire et histoire de l’imaginaire, il n’empêche que la démarche ressemble beaucoup à celle de Marie-Thérèse Lorcin 1979, que déplore Corbellari 2015, comme insuffisamment respectueuse des particularités des textes littéraires ; je n’y puiserai que ce qui me sera utile dans notre cours 2. Parcours analytique, et qui se trouve parfois mieux éclairé dans des travaux d’histoire socioculturelle. III. La morale des fabliaux, 1. L’intention didactique - 2. L’immoralisme des fabliaux (conclut P. 141-142 à leur amoralisme, plutôt : voir infra) : des conclusions pertinentes pour nuancer anticléricalisme et misogynie prêtés aux auteurs de fabliaux, dès lors que l’on fait la part de la recherche d’efficacité comique et aussi de la relativité des fabliaux comparés à de véritables satires (le terme n’est pas employé P. 136-137 p.ex., mais l’idée est celle-là ; voir d’ailleurs son explicitation P. 141), satires dont plusieurs motifs sont totalement absents des fabliaux (bavardage, médisance, envie, cupidité, indiscrétion censément typiques des femmes) ; jolie formule p. 137, « Pour les conteurs de fabliaux, en revanche [vs Pères de l’Eglise puis médiévaux], on a l’impression que la jouissance est la réalité la plus normale et la plus naturelle du monde », puis p. 141 une formule que Corbellari a ensuite reprise à son compte dans divers articles réunis dans son volume de 2015, « l’affirmation matérialiste répond bien à l’esprit de la plupart des contes à rire. Dans les fabliaux l’homme vit sans autre Dieu que son plaisir. », sans que cela signifie une quelconque contestation des dogmes, rites ou règles chrétiens ; pas d’idéal élevé, et donc pas de satire non plus ; en revanche, comme dans les genres graves, vie rêvée et non reflet de la réalité ; bien des pages utiles, mais ce chapitre aurait pu gagner en concision. NB : pour faire le point sur quelques théoriciens de la littérature ou historiens/ anthropologues dont les thèses sont parfois convoquées abusivement (pas nécessairement dans cette étude), Voir infra capsule additionnelle 3 au cours 1. IV. Grivoiserie et grossièreté, 1. Le sentiment des bienséances : s’observe dans les textes des 12e-13e, la position de Jean de Meung en la matière étant isolée (sur ce point, voir la capsule additionnelle 4 au cours 1), et tous les fabliaux n’usant pas de termes grossiers pour évoquer organes ou rapports sexuels - 2. Les expressions grivoises : ne sont certes pas rares mais recourent volontiers aux métaphores (prouvant « l’art du double sens »), qui ne sont filées que dans quelques récits [si je dois synthétiser les exemples, il semble bien que les métaphores soient filées dans les cas où les jeunes filles refusent justement d’employer les mots de la copulation] - 3. Les mots grossiers - 4. Les situations inconvenantes : on pourrait résumer ces deux sous-parties en disant avec Luciano Rossi, éditeur de fabliaux érotiques, qu’il n’y a nulle perversité dans les unions sexuelles relatées, que sauf exception (dont Boivin de Provins), le récit n’est pas pornographique au sens défini par D. Cooke (Voir « documents complémentaires au cours 1 » : Ménard p. 162). V. Rires et sourires, 1. Le langage pittoresque : quelques remarques montrant la difficulté d’une caractérisation nette du langage des fabliaux, certes volontiers imagé et incluant quelques mots exclus non de tous les autres écrits mais effectivement des récits courtois - 2. Le comique de situation occupe plus longuement Ménard (qui défend la force et parfois la finesse de ce comique souvent dévalorisé au regard du comique de caractère, pas très accessible aux genres brefs, qui ne l’ignorent cependant pas) : quelques motifs secondaires (en ce qu’ils ne suffisent pas à faire rire et peuvent avoir une autre portée, selon le contexte) sont étudiés, tels que nudité, saleté, laideur, balourdises et quiproquos p. 175-183 (rien d’essentiel pour notre corpus, si ce n’est quiproquos dans Estula ou Male honte, ou encore propos entendus littéralement au dénouement de Brunain) ; puis sont étudiés, plus systématiques (voire essentiels, p. 183) et moins mécaniques [ce qui est normal si l’on suit la définition que construisent Détienne et Vernant au fil de leur recueil sur la mètis grecque], « les jeux de la ruse » p. 183-196 : ruse souvent improvisée, produisant donc un vif effet de surprise (exples de Gombert et les deux clercs, Estourmi p. 184 ; ruse préparée mais pas complètement dévoilée dans Boivin de Provins où le héros mystificateur se déguise en paysan et compte un argent imaginaire, p. 185) et suscite la connivence avec les rusés se tirant ainsi d’un mauvais pas (retour du mari en cas d’adultère), le sommet de la ruse consistant à persuader un opposant qui détient des preuves d’abord accablantes (p. 187 avec focus sur les Tresses) ; s’il y a autant de ruses que de situations, certaines sont simples et d’autres moins : le mensonge, notamment, peut être complet ou relever de l’ambiguïté ou encore du mélange entre parcelle de vérité et océan de fables p. 189 (sont cités Perdrix, puis Barat et Haimet où s’ajoutent des prouesses physiques, puis Boucher d’Abbeville, Boivin de Provins…) ; les ruses les plus savoureuses piègent … Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 12 / 16... un ou une rusé(e), avec exple de Barat et Haimet (toutefois résumé sans ordre ni exhaustivité p. 192), ou bien sont répétées voire diversifiées comme dans les Trois aveugles de Compiègne et le Boucher d’Abbeville (p. 193) ; quant aux personnages victimes de la ruse, ils peuvent l’ignorer et nous réjouir de notre surplomb, ou bien avoir quelque soupçon mais être rassurés à bon compte comme dans Tresses et Femme qui fit trois fois le tour…,ou bien s’en aviser, s’irriter de dépit et ainsi régaler le public qui les estime ridicules et antipathiques (p. 194-195) ; Ménard renvoie pour finir à l’étude de la mètis grecque menée par Vernant et Détienne, et conclut à une préférence pour le trompeur contre la morale qui suggère que « le rire a un rapport étroit avec les désirs, les peurs et les rêves des hommes » (p. 195 ; Corbellari approfondira ces pistes dans des articles revus et réunis en 2015, voir infra) ; et « mésaventures » p. 196-205 : le rire sanctionne alors des personnages opposants au(x) héros, pour qui les mêmes déboires susciteraient de la compassion ; ou bien le rire touche des personnages secondaires dont nous nous réjouissons de ne pas vivre les affres : l’humiliation peut être morale et clore le récit ; s’il n’y a pas d’exclusive en la matière, vilains et ecclésiastiques en sont les principales victimes, ce qui suggère selon Ménard que les auteurs n’en sont pas ; l’humiliation peut aussi être physique, ce que les meilleurs auteurs ne dédaignent pas plus que Molière ensuite : là aussi le rire né des coups sanctionne les méchants et le fait sans atermoiement ; cas particulier des infirmes ou des fous rudoyés bien qu’ils soient dépourvus de méchanceté : on ne réprimait pas alors les sentiments troubles mêlant inquiétude et hostilité à l’égard de ceux qui semblaient châtiés de fautes graves en leur corps ou en leur esprit (p. 201) ; plus généralement, « les textes plaisants se doivent d’éliminer l’angoisse de la mort et de faire disparaître les souffrances intérieures. » (p. 204, et focus sur Sacristain et sur Estourmi p.ex.). - 3. Le sourire complexe, étudié aux p. 205-224, est absent des textes les plus brefs, sans qu’il y ait une absolue corrélation entre longueur et profondeur : on commence par « le problème de la parodie », c’est-à-dire par un retour sur la thèse de Per Nykrog et ses épigones (p. 206-212), spécialement sur l’emploi (il est vrai) abusif de parodie et même de burlesque ou héroï-comique pour rendre compte des jeux des fabliaux avec des usages ou vocables courtois (bonnes mises au point p. 208 et 211, mais excès dans le rejet p. 209 : d’ailleurs on retrouve bien sous la plume de Ménard le terme burlesque p. 222) ; puis on en vient aux indéniables « effets de dissonance » voulus par les conteurs, et on trouve là une idée intéressante selon laquelle il serait bien difficile de distinguer entre les styles humilis, mediocris et gravis au gré des genres en langue vulgaire (avec, parmi les exples de fabliaux dépourvus de tout mot grossier, les Tresses), mais que les fabliaux peuvent se distinguer par leur goût pour de plaisants effets de dissonance, qui sont d’autant plus plaisants qu’ils recourent à de simples allusions ou euphémismes, ou à des images grivoises, toutes figures flattant le lecteur qui les comprend ; le contraste peut être moins subtil et impliquer des mots grossiers (p. 212-217) ; et on termine par « sourire et psychologie profonde » (p. 217-224) : dans notre corpus, Tresses (p. 218-219 : voir Corbellari 2015), Estourmi pour le rire macabre montrant « l’angoisse exorcisée par le rire », avec cette jolie formule « Derrière le rire, sous le rire existe tout un terreau de souffrances obscurément enfouies, provisoirement abolies. On pourrait dire la même chose de maladies et d’accidents comiques dans les fabliaux. » (p. 220). Et il se pourrait que le rire gras lui-même corresponde à une angoisse de l’union sexuelle (p. 221). Capsule additionnelle 3 pour quelques mises au point sur Gyorg Lukács distinguant littérature idéalisante / roman, qui expose un ou des héros en crise avec son ou leur milieu ; sur Mikhail Bakhtine et surtout Roger Caillois (L’homme et le sacré, pages sur la fête au sens anthropologique du terme) ; et sur la contestation par Jean-Charles Payen de l’idée selon laquelle les fabliaux promouvraient l’utopie du pays de Cocagne. Capsule additionnelle 4 sur les réflexions linguistiques de Jean de Meung dans sa continuation du Roman de la Rose dont les 4028 premiers sont attribués par lui à Guillaume de Lorris, inconnu par ailleurs. 7. Alain Corbellari, qui en 2015 dédie son recueil d’articles revus et augmentés « à [s]on maître, Philippe Ménard », lui reprend l’idée d’un esprit matérialiste (et non réaliste) des fabliaux. Dans sa contribution au volume collectif de 2014 dirigé par Olivier Collet, Fanny Maillet et Richard Trachsler, Corbellari montre la corrélation entre lecture-idée des fabliaux d’une part et propositions d’inclusion/ exclusion des récits dans le corpus édité d’autre part. Avant une synthèse de ce que l’on trouve dans le volume de 2015 à connaître (synthèse où mes commentaires apparaîtront entre crochets droits [] ou après un NB), en voici une formule-clef : estimant que la recherche du comique va de soi, ou plutôt qu’elle constitue une insuffisante appréhension des fabliaux dans la mesure où le rire naît de la rencontre, accidentelle, jamais assurée, entre texte et public (p. 20), Corbellari regarde plus volontiers les fabliaux comme des « machines de guerre […] contre l’idéalisme majoritaire de la littérature de leur temps » (p. 19). Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 13 / 16 I. Prémisses (p. 9-21) : suggère que Sade intitulant fabliaux certains de ses récits avait perçu dans les contes à rire médiévaux « au-delà de leur visée trop évidemment humoristique, [le fait qu’ils] participaient d’une compulsion narrative moins innocente qu’il n’y paraissait » ; retrace rapidement les voies empruntées par la critique après la période de l’Ancien Régime, et invite à se départir des approches d’historiens réduisant les fabliaux à des documents, leur niant toute littérarité et oubliant qu’en ce genre de textes – à savoir des œuvres –, l’on n’a pas affaire à autre chose qu’à des « effets de réel » (comme les a justement nommés Roland Barthes) : est alors pointée du doigt, dans ses présupposés et ses analyses, l’étude de Marie-Thérèse Lorcin, Façons de sentir et façons de penser : les fabliaux français, préfacée par Georges Duby. Corbellari précise qu’il n’est pas forcément inutile de distinguer, comme l’ont fait Bédier et Nykrog puis tant d’autres, littérature « courtoise » et littérature « bourgeoise », mais à condition de « renon[cer] à y voir une distinction purement sociologique ». Cette distinction peut en effet aider à saisir l’« optique résolument matérialiste [des fabliaux], en opposition à l’idéalisme d’une bonne partie de la littérature "courtoise" de leur temps ». Pour bien comprendre cette thèse, il faut se souvenir des changements culturels fondamentaux qui se sont produits entre Moyen Âge et 21e siècle et qui conduisent souvent à des méprises sur des termes tels que réalisme, réel : « le réalisme est par excellence la doctrine de Platon, laquelle est incontestablement le plus parfait des idéalismes. L’apparente contradiction vient de ce que Platon distingue, comme on le sait, un monde réel, qui est celui des idées, alors que le monde dans lequel nous vivons n’est que le monde dit sensible, monde dégradé par rapport à la réalité des idées. Être réaliste, au sens platonicien – qui a été celui de tout le Moyen Âge – c’est donc très exactement nier toute dignité de réalité à notre univers matériel quotidien ! » Dès lors, on voit bien qu’il est inepte de parler du réalisme des fabliaux [et qu’il faut bien plutôt réfléchir à leur matérialisme, voir infra] : leur décor terre-à-terre n’a aucune raison d’avoir semblé plus réaliste [au sens platonicien] que le décor des romans courtois. La forte présence d’objets dans les fabliaux témoigne bien plutôt de leur caractère fétichiste. Suit une défense de l’emploi des termes matérialiste et matérialisme pour désigner la pensée d’hommes et femmes ne disposant pas de ce vocable. Ce que Corbellari va faire ici, c’est « réfléchir sur ce qui fait des fabliaux ce qu’ils sont, à savoir des machines de guerre, en actes autant sinon plus qu’en paroles, contre l’idéalisme majoritaire de la littérature de leur temps. » Suit une annonce du plan du recueil, et enfin une précision importante, à savoir la volonté qu’a l’auteur de « resituer les fabliaux dans une logique de la narration exemplaire et de la subversion des modèles scripturaux » : on sera donc bien sensibles, dans tout le recueil, à la littérarité de ces récits. II. Archétypes (p. 23-36) : si les liens de cette étude portant sur deux récits de Léon Bloy (1846-1917) fondés sur le motif du cœur mangé avec notre corpus peuvent d’abord sembler ténus, on en retiendra ceci : histoire drôle et rumeur narrativisée tirent leur efficacité de leur brièveté et de l’étonnement qu’elles suscitent, et surtout les deux « jouent sur des stéréotypes et des attentes dont la reconnaissance suscite notre adhésion : la rumeur nous confirme dans nos préjugés, tandis que l’histoire drôle nous rassure sur notre moralité relative. » [35-36] Corbellari affirme ensuite la compulsion narrative immémoriale de l’homo sapiens, qui est d’emblée homo narrans, et à qui s’offre un « matériel roulant d’archétypes et de stéréotypes à la fois immuable et constamment remodelé en fonction de l’évolution de la société », sachant que [35-36] « les catégories qui investissent sa pulsion vers le récit ne sont pas en nombre infini : selon qu’il privilégie une intentionnalité divertissante ou exemplaire – si tant est qu’elles soient toujours clairement distinguables l’une de l’autre [voir infra rire et morale] ». NB : l’idée d’un « matériel roulant » survivant durablement pourvu de se caler sur les évolutions des sociétés n’est pas sans rappeler un des critères définitoires du mythe, à savoir sa plasticité. III. Légendes urbaines (p. 37-51) : ce chapitre prend la suite du précédent et traite de ce qui y était désigné comme « rumeurs narrativisées ». Les fabliaux ont plusieurs traits en commun avec ces légendes urbaines : notamment la volonté de nous persuader que ce qu’ils racontent vient d’arriver, quand bien même cela appartiendrait à un fonds narratif millénaire. Avec d’autres fabliaux où un personnage chargé de se débarrasser de plusieurs cadavres est abusé par le/la commanditaire et finit par faire une victime supplémentaire en croyant qu’il s’agit à nouveau d’un revenant [voir les analyses de ces « cadavres encombrants » par François Suard 1984], Estourmi « brocarde[] rien moins que le dogme de la résurrection des corps, à ceci près, cependant, que la fin des temps n’est pas encore à l’ordre du jour ! », et à la différence d’un théologien qui se serait employé à autoriser la merveille, l’auteur de fabliau « base tout son effet comique sur la crédulité de l’exécuteur » ; mêmes ressorts dans les différentes version du Sacristain [dont notre Segretain moine]. En n’omettant pas que les contes à rire sont souvent assortis d’une morale (certes plaisante du simple fait qu’elle est souvent « ouvertement parodique[] »), on peut avoir moins de peine à éclairer les fabliaux, dont « l’ethos […] entretient avec la morale les mêmes rapports à la fois troubles et impérieux que Freud a décelés sous le mot d’esprit. Le père de la psychanalyse remarque ainsi, entre autres, que "l’économie réalisée en matière de pitié est l’une des sources les plus fréquentes du plaisir humoristique" ». Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 14 / 16 IV. Transmissions (p. 53-63) : Revient sur la critique bédiériste d’une origine indienne des fabliaux, en retenant pour rendre compte de parentés narratives qui ne sauraient s’expliquer par des contacts effectifs, la proposition de Roger Caillois : « postuler, dans une optique combinatoire inspirée de Caillois, que certains comportements et certaines fonctions conventionnelles ont de grandes chances de s’actualiser dans des schémas relationnels en nombre fini et comparables d’un état de société à un autre. » Peut alors faire la part de l’ambivalence du rire projeté par les fabliaux, qui mettent parfois mal à l’aise du fait de leur cruauté : « sous leur apparence souvent innocente, les contes légués par le Moyen Âge s’avèrent les réceptacles des fantasmes les moins avouables d’une humanité en révolte [où l’on voit que Corbellari va plus loin que Ménard, et envisage une contestation plus fondamentale que la levée temporaire des tabous typique de la fête telle que la définit le même Roger Caillois…] contre une idéologie idéaliste dont ils s’ingénient à saper les fondements. » V. Merveilles (p. 65-73) : Si ce n’est peut-être pas son premier but, ce chapitre confirme une idée de Ménard, à savoir qu’il n’existe pas de structure narrative unique qui permettrait de rendre compte de tous les fabliaux. À partir de l’étude de plusieurs récits (dont ceux à « gags » tels que Prêtre crucifié et Prêtre teint, et à nouveau Estourmi, Segretain moine) dont finalement L’Enfant de neige [un marchand longtemps absent rentre au logis et y trouve un nouvel dont il ne peut être le père : son épouse affirme qu’elle l’a conçu en avalant un flocon de neige (clin d’œil à la conception miraculeuse de Jésus par Marie) ; le mari feint d’admettre cette explication, mais quand son fils a atteint l’âge de 15 ans (l’âge d’homme, ou du moins d’initiation possible au métier des armes), il part avec lui et le vend comme esclave : de retour auprès de sa femme qui l’interroge, il annonce que l’enfant de neige a fondu au soleil], Corbellari conclut [72-73] : « le refus du surnaturel […] caractérise et unifie tout le genre », ce qui n’empêche pas que L’Enfant de neige ouvre « la porte sur l’envers de cette dénégation en suggérant que l’existence n’est peut-être viable que si, au-delà des apparences (apparences auxquelles, par parti pris, s’en tiennent toujours absolument nos textes), un Dieu régulateur donne du sens à ce monde si cruellement privé de merveilleux. » VI. Rêves (p. 75-89) : Corbellari dit ne pas chercher à confirmer les théories freudiennes que l’on discute légitimement. Observe cependant que les rares rêves rapportés dans des fabliaux suggèrent que « leurs auteurs ont une vision parfaitement claire du rêve comme relié non au futur [ce qu’ils sont censés être dans les formes littéraires idéalistes comme l’épopée et la plupart des romans courtois ; relire au besoin les vers 1 à 20 du Roman de la Rose des années 1230], mais bien au passé (proche) des personnages rêvants ». Il est significatif que ceux-ci soient majoritairement féminins (voir notamment la veuve du fabliau La veuve qui se fit foutre sur la tombe de son mari : affirme avoir fait des rêves sexuels). Sur la base de Tresses, Corbellari rejoint Jean-Charles Huchet et Jane Burns : quand l’épouse prétend à son mari qu’il a rêvé l’avoir frappée et mutilée [on le sait, elle a été remplacée par une voisine], non seulement elle l’invite à n’y plus penser, mais encore et surtout à prendre conscience que « l’étonnement de la retrouver intacte à son réveil dissimule bien mal la frustration de son désir de l’avoir punie en lui coupant les tresses ». L’enjeu est également littéraire : dans ces récits apparemment misogynes, « la voix (et le corps !) des femmes insinuait subtilement le contrepoint d’une compréhension supérieure [par les figures féminines] des enjeux de la narration. » VII. Calembours (P. 91-103) : autre grande catégorie freudienne révélatrice de l’inconscient, le mot d’esprit n’est guère plus fréquent que le rêve dans les fabliaux, mais tout aussi révélateur. [94-96] En l’occurrence il permet de nuancer l’impression que le cratylisme d’un Isidore de Séville était unanimement entériné par les médiévaux (Voir supra la capsule additionnelle 4 au cours 1). Reposant sur des calembours, des fabliaux comme Les deux Anglais et l’Anel, La male honte [attention, pas dans notre version, comme on le voit spécialement p. 100 et n. 30] et Estula « constituent d’authentiques remises en question, respectivement, du statut de la langue maternelle, de la légitimité du pouvoir, voire de la place de l’homme dans la Création. » Si la lecture de La male honte ne fonctionne que pour la version de « Guillaume », celle d’Estula permet de dépasser les évidences : [101-102] « Animal parlant, menaces de mort, exorcisme raté : le fait est que nous nageons ici en pleine incertitude métaphysique. Il a suffi d’un mot à double sens pour que les catégories par lesquelles on pense le monde soient ébranlées et que les semblances se retrouvent complètement muées, allant jusqu’à rendre inefficace le recours à la divinité. » NB : p. 101, à propos du surplis laissé par le prêtre, Corbellari esquisse un rapprochement avec l’apparition du sang sur une surface blanche, emblématique de la toute-puissance de l’amour et du désir si l’on se réfère au Tristan de Beroul [Tristan tache du sang d’une blessure rouverte la farine répandue entre son lit et celui de la reine, preuve qu’il l’a rejointe] ou au Conte du graal de Chrétien de Troyes [où Perceval se perd dans une contemplation de gouttes de sang sur la neige lui rappelant la carnation idéale de Blanchefleur qui lui a offert de l’épouser et de régner avec après qu’il l’a délivrée d’un violeur] ; pour lui, l’auteur d’Estula, bien qu’il n’évoque pas ces sentiments, « ne pouvait résister à la tentation de faire miroiter ici ce topos du symbolisme idéaliste » ; c’est une possibilité, mais qui suppose d’ajouter du sang sur un surplis qui semble bien rester immaculé durant tout le fabliau : je vous ferai donc, dans notre « Parcours analytique des fabliaux au programme », une autre proposition de lecture. Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 15 / 16 VIII. Monologues (p. 105-120) : Corbellari indique que le fabliau a dû être mis en voix et que les traces textuelles de telles performances existent. Revient sur la question des liens entre fabliaux et farces (aux ressemblances thématiques évidentes, mais séparés par un hiatus temporel considéré comme insurmontable), et plus spécialement sur les procédés tangibles gardant la marque de l’oralité originelle des fabliaux, dont le monologue. Boivin de Provins, en se bouclant sur la rime initiale Boivins//Pro(u)vins, parachève la fusion entre personnage et auteur (vue par Michel Zink) qu’assure essentiellement le monologue du personnage, à quoi s’ajoute la « spatialisation proprement dramatique de l’action », si bien que l’on peut pour ce récit parler de « mise en scène ». [109-110] Selon Corbellari, dès les premiers vers « toutes les virtualités de l’aventure » sont déjà présentes, et l’adverbe « Or » du v. 81 marque, plus que le début du monologue de Boivin, « le passage d’une pure introduction factuelle à la mise en branle véritable de la péripétie » ; à partir de ce moment, « Boivin se livre bel et bien à une représentation », dont le public interne (Mabile et les souteneurs) ne perçoit (et en tout cas commente) que les paroles. [110 sqq] Analyses closes par une comparaison avec le fabliau de la veuve inventant un rêve révélateur de ses désirs sexuels : l’on ne saura sans doute jamais si des femmes ont écrit des fabliaux, mais Boivin relève d’un imaginaire masculin impliquant « toute la mécanique des échanges sociaux » (et non son seul corps, comme chez la veuve du fabliau La veuve qui se fit foutre sur la tombe de son mari vu supra VI. Rêves). IX. Naïvetés (p. 121-135) : Après l’hypothèse d’un fabliau qui, au rebours d’une écriture médiévale gouvernée par « l’immense tissu conjonctif de la mémoire » (Mary Carruters), a probablement été tenté de développer une forme de « droit à l’oubli », analyse dans cette perspective le très long fabliau Trubert, y compris au regard de Perceval, autre fils d’une veuve. Trubert, lui, serait un fol tel que le décrit le psaume 52 (disant en son cœur que Dieu n’existe pas), infligeant indirectement cette négation, cet oubli de Dieu, oubli qui le rend tout-puissant, surhumain [au sens que Nietzsche donne à ce mot]. X. Escroqueries (p. 137-153) : Même Trubert n’est pas avare, et les fabliaux font des avares (et non jouisseurs) des repoussoirs, de sorte que c’est plus tard, en Allemagne, qu’apparaît un rusé de ce type. XI. Marges (p. 155-171) : invite à renoncer à une définition du genre prétendant éviter toute confusion avec les autres alors même, entre autres, que rire et édification ne s’excluent pas, que la distinction entre narratif et descriptif peut être fragile comme dans les « dits professionnels ». Traite d’un Dit des métiers qui ne va pas jusqu’à s’afficher comme un fabliau mais qui est tout aussi démystifiant : chaque métier y trouve un animal censément emblématique, et à la fin pour le peintre- jongleur c’est l’escargot avec sa bave qui est convoqué, preuve de mise en abyme par l’auteur de son activité passablement immorale et justement en train de renvoyer dos-à-dos toutes les pratiques sociales participant à la bonne marche d’une société, par une pirouette ultime introduisant le doute sur toutes les autres propositions du dit. XII. Conclusions (p. 173-179) : Corbellari voit dans Le prestre qui abevete [= "guette" ; un prêtre affirme à un mari trompé qu’il est innocent et lui annonce qu’en se postant à tel endroit il lui semblera voir le prêtre copuler avec son épouse alors qu’ils seront simplement attablés ensemble ; les amants profitent évidemment de la situation] un spécimen typique du fabliau et de sa logique matérialiste (vs idéalisme, spécialement chrétien), puisque « [l]a phrase clé du matérialisme est "je ne crois que ce que je vois" ». Nous verrons dans notre cours 2. Parcours analytique que c’est bien aussi la logique qui prévaut pour concevoir Le vilain de Bailleul, Boivin de Provins, etc. Sur cette base, Corbellari contredit une perception strictement évolutionniste des épistémés et invite à reconnaître que si « l’outillage mental » évolue globalement au fil de l’histoire, les variations en la matière sont aussi largement synchroniques et dépendent des groupes, des individus et même des états psychiques d’un individu donné : en bref, il contredit l’idée qu’il existerait une mentalité pour une époque donnée. Et cela vaut aussi bien pour « le » matérialisme des fabliaux que pour « l’idéologie médiévale » : tout est bien plus mouvant, beaucoup moins univoque et unitaire. En cela, ce recueil est fort utile, lui qui refuse les certitudes tranquilles empêchant la pensée de naître. Cned / Cours / Fabliaux du moyen âge / Capes de lettres 16 / 16