Psychologie Clinique CM PDF

Summary

These notes cover introductory topics about clinical psychology, including definitions, history, different types of psychologists (psychologists, psychiatrists, psychoanalysts, psychotherapists), psychopathology, and psychotherapies. It explores the roles and differences between psychology, psychiatry and psychoanalysis. The notes highlight the importance of the therapeutic alliance in the success of a psychological treatment and present some key approaches in psychopathology (nosographic and psychodynamic approaches).

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Psychologie clinique CM 9 septembre 2024 ………………… Chapitre 1: Présentation,introduction,histoire 1- introduction & definition 1.0. Introduction La Psychologie clinique n’a pas de définition unique, et chaque philosophe ou praticien peut l'interpréter différemment. Le travail du psychologue clinici...

Psychologie clinique CM 9 septembre 2024 ………………… Chapitre 1: Présentation,introduction,histoire 1- introduction & definition 1.0. Introduction La Psychologie clinique n’a pas de définition unique, et chaque philosophe ou praticien peut l'interpréter différemment. Le travail du psychologue clinicien varie également selon l'individu et le lieu de pratique. Malgré cette diversité, on peut identifier des spécificités propres à la psychologie clinique et au travail des psychologues cliniciens. 1.1. La psychologie Étymologiquement, le terme « psychologie » vient du latin psychologia, lui-même dérivé du grec psukhe (le souffle, l'âme, ou l'esprit) et logia (la science ou l'étude). La psychologie se définit comme l'étude scientifique des phénomènes psychiques, des sentiments, des idées, des comportements, et des façons de penser, de ressentir, et d'agir. Elle constitue à la fois un ensemble de théories et une pratique quotidienne pour le psychologue. La psychologie fait partie des sciences humaines et a pour vocation de diagnostiquer, conseiller, soigner et éduquer. Ses racines sont philosophiques, mais elle s'est émancipée de la philosophie et de la médecine pour devenir une discipline autonome après la Seconde Guerre mondiale. Cette émancipation était nécessaire car la philosophie reste un discours théorique, tandis que la médecine a une approche différente de la maladie, du corps, et de la souffrance. La psychologie a conservé de la philosophie une éthique et un questionnement, et de la médecine, une fonction thérapeutique. 1.2. La clinique Le terme « clinique » est issu du grec “Klinikê” (au lit du malade) et désigne une approche spécifique plutôt qu’un lieu. La démarche clinique repose sur une rencontre entre au moins deux individus, permettant une étude individualisée et « in vivo ». Cette approche reconnaît la singularité de l’individu. La subjectivité joue un rôle important : celle du patient qui raconte son histoire, celle du praticien qui reçoit les informations, et celle de l’interaction entre les deux. Le psychologue clinicien dispose de divers outils, tels que l’entretien clinique, l’observation, les tests, et les échelles. On parle de « clinique aux mains nues » lorsque seuls l’observation et l’entretien sont utilisés, et de « clinique armée » lorsqu’on utilise également des tests ou des échelles. 1.3. La psychologie clinique La psychologie clinique s'est développée à la fin du XIXe siècle et vise à étudier de manière exhaustive les processus psychiques des individus ou des groupes, qu’ils soient normaux ou pathologiques, à tous les âges de la vie. Elle peut se concentrer sur des situations spécifiques (hospitalisation, adoption), des périodes de vie (vieillesse, adolescence), ou des pathologies particulières (schizophrénie, anorexie mentale). 1.4. La psychologie : quelques définitions Daniel Lagache : La psychologie clinique est une science de la conduite humaine, fondée sur l'observation et l’analyse approfondie de cas individuels, normaux et pathologiques, pouvant inclure l'étude de groupes. Didier Anzieu : La psychologie clinique est une science individuelle et sociale, normale et pathologique, qui concerne tous les âges, du nouveau-né au mourant. Le psychologue clinicien a trois grandes fonctions : diagnostiquer, former, et apporter son expertise auprès d’autres spécialistes. Ces définitions mettent en avant l’objet de la psychologie clinique (les conduites humaines), sa méthode (l’observation et l’analyse), et son but (conseiller, guérir, soigner, et éduquer). La psychologie clinique est à la fois une activité pratique et un champ théorique qui s’intéresse à la souffrance psychique, quelle qu’en soit l'origine (maladie mentale, dysfonctionnement, traumatisme, événements de vie, malaise intérieur). Psychologie clinique CM 9 septembre 2024 ………………… Chapitre 1 : Présentation,introduction,histoire 2- Les différents “psy” 2.0. Psychologue ? Psychiatre ? Psychanalyste ? Psychothérapeute ? L’objectif est de comprendre qui sont les « psy » (psychologue, psychiatre, psychanalyste, psychothérapeute), ce qu’ils font, et en quoi ils se distinguent. 2.1. Le psychologue Un psychologue suit des études dans une faculté de psychologie. En France, il faut obtenir une licence de psychologie, suivie d’un Master en psychologie (5 ans d’études après le baccalauréat) pour exercer. Le titre de psychologue est protégé par la loi depuis 1985, ce qui signifie que personne ne peut se déclarer psychologue sans ces diplômes. Contrairement aux psychiatres, les psychologues ne sont pas médecins et ne peuvent donc pas prescrire de médicaments. Cependant, ils disposent d’autres outils thérapeutiques, et leurs pratiques varient en fonction de leurs orientations théoriques (par exemple, la thérapie comportementale et cognitive, ou la psychanalyse). 2.2. Le psychiatre Le psychiatre, lui, est un médecin spécialisé dans les maladies mentales. Après six années d’études de médecine, il poursuit un internat en psychiatrie de quatre ans. En tant que médecin, il peut prescrire des médicaments, ce qui le distingue du psychologue et du psychanalyste. Le titre de psychiatre est également protégé par la loi en France. Si ce domaine vous intéresse, vous pouvez consulter des ouvrages classiques comme le Manuel de Psychiatrie. 2.3. Le psychanalyste Le titre de psychanalyste n’est pas protégé par la loi et ne nécessite pas de diplôme universitaire spécifique. La psychanalyse est fondée sur les travaux de Freud et repose sur l’hypothèse de l’existence de l’inconscient. Freud définit la psychanalyse comme une méthode d’investigation des processus mentaux, une technique thérapeutique pour traiter les désordres névrotiques, et une théorie générale du psychisme. Pour devenir psychanalyste, il faut avoir suivi une psychanalyse personnelle. Des sociétés comme la Société Psychanalytique de Paris accréditent les futurs psychanalystes après une formation qui dure environ huit ans. 2.4. Le psychothérapeute Le titre de psychothérapeute est protégé depuis un décret de 2012. Seuls les médecins, psychiatres, psychologues ou psychanalystes peuvent demander ce titre, qui est délivré par l’Agence Régionale de Santé (ARS). En fonction de leur formation initiale, ces professionnels peuvent être tenus de suivre des formations ou des stages supplémentaires. Tous les psychothérapeutes doivent être inscrits sur un registre officiel (Adeli). 2.5. Le psychopraticien Le titre de psychopraticien, contrairement aux précédents, n’est pas protégé par la loi. Il s’agit d’un terme qui a émergé après 2010, et qui est souvent utilisé par des personnes ayant suivi des formations privées courtes. Bien que certaines écoles, comme l’École des Psychologues Praticiens (à Paris et Lyon), puissent délivrer des diplômes de psychologues, le terme de psychopraticien ne garantit pas une formation de qualité. Certaines personnes mal intentionnées peuvent utiliser ce titre sans formation sérieuse. En résumé, bien que les psychologues, psychiatres, psychanalystes et psychothérapeutes aient des formations et des pratiques différentes, ils peuvent tous pratiquer la psychothérapie. Toutefois, seul le psychiatre peut prescrire des médicaments. Psychologie clinique CM 9 septembre 2024 ………………… Chapitre 1 : Présentation,introduction,histoire 3- Psychopathologie et psychothérapies 3.0.Objectif Comprendre ce qu’est la psychopathologie et ce que sont les psychothérapies. 3.1. Psychopathologie La psychopathologie peut être définie comme l'ensemble des connaissances qui tentent de décrire, d'étudier, de comprendre et d'expliquer comment une pathologie (ou maladie) peut apparaître, en tenant compte de la dynamique psychologique du sujet. Cela implique que le fonctionnement psychique d’un individu peut se déséquilibrer et aboutir à une maladie mentale. La psychopathologie concerne donc les troubles de l'ordre mental. Il est important de se rappeler que la psychologie s'intéresse autant au pathologique qu'au normal. La psychopathologie représente l'étude et la compréhension de ce qui relève de la maladie. Selon René Roussillon, la psychopathologie est une approche visant une compréhension raisonnée de la souffrance psychique, allant au-delà de la recherche de signes et de symptômes, comme cela pourrait être le cas en médecine psychiatrique. Cette approche est plus vaste, incluant l'analyse générale de la psyché, même avant l'apparition de la maladie mentale ou de la souffrance psychique. Approches de la psychopathologie Il existe différentes manières d'appréhender la psychopathologie. Voici deux approches principales : 1. Approche nosographique : ○ Une nosographie est un recueil qui liste les maladies. Dans notre contexte, on s'intéresse aux nosographies psychiatriques, comme le DSM-5 ou la CIM-10. Cette approche se concentre sur un certain nombre de signes et de symptômes permettant de définir la présence de telle ou telle maladie mentale chez une personne. 2. Approche psychodynamique : ○ Dans cette approche, on ne se réfère pas tant à la nosographie qu'aux processus et à la dynamique psychique du sujet. On s'intéresse à ce qui, dans les processus psychiques du sujet, entraîne une souffrance. Le psychologue peut s'intéresser à la psychopathologie et peut être amené à pratiquer la psychothérapie. 3.2. Psychothérapie La psychothérapie est un mode de prise en charge psychologique d'un trouble ou d'une souffrance psychique, que ce soit chez un individu ou un groupe. Elle vise à instaurer un changement psychique dans le cadre d'une relation avec un professionnel qui crée les conditions nécessaires à ce changement. Il existe actuellement un grand nombre de psychothérapies, avec plus de 400 types recensés. Chacune de ces psychothérapies représente un modèle et une manière de concevoir le fonctionnement et le dysfonctionnement psychique. Elles n'ont pas toutes la même approche de la psychopathologie ou de la souffrance psychique, et, par conséquent, les outils utilisés pour aider les personnes souffrantes peuvent varier. Face à cette multiplicité, de nombreuses études ont été menées pour évaluer l'efficacité de ces psychothérapies. Un des résultats importants de ces études est qu'il existe des points communs entre ces différentes formes de psychothérapie, et ces points communs influencent souvent le succès d'une psychothérapie. Un concept clé à retenir est l'alliance thérapeutique. L'alliance thérapeutique Le terme "alliance thérapeutique" a été introduit par Sigmund Freud en 1913. Freud définit l'alliance thérapeutique comme un intérêt sérieux et une compréhension bienveillante de la part du thérapeute, permettant de développer un engagement réciproque entre le thérapeute et le patient. Cette alliance est cruciale pour la collaboration positive entre le patient et le thérapeute, tous deux luttant contre la souffrance psychique. Carl Rogers a également souligné l'importance de l'alliance thérapeutique, en incluant des notions telles que la confiance réciproque, l'acceptation sans jugement, et la confidentialité, qui est liée au secret professionnel. L'engagement est essentiel pour atteindre un but commun entre le patient et le thérapeute. En résumé, l'alliance thérapeutique désigne une collaboration indispensable entre le patient et le soignant. Elle est nécessaire mais non suffisante pour la mise en place d'une psychothérapie. Chaque psychothérapie repose sur un modèle théorique spécifique, qui explique l'objet d'étude qu'elle considère. Courants psychothérapeutiques Voici quatre grands courants théoriques en psychothérapie qui seront approfondis au second semestre : 1. Thérapies d'inspiration psychanalytique 2. Thérapies cognitives, comportementales et émotionnelles 3. Thérapies humanistes 4. Thérapies systémiques Enfin, la psychothérapie intégrative se réfère à la réunion des systèmes affectifs, cognitifs, comportementaux et physiologiques d’un individu, tout en tenant compte des aspects sociaux et interpersonnels. Ce modèle prend en compte l’histoire de chaque sujet, car il ne s'agit pas d'un individu isolé, mais d'une personne avec un parcours de développement. Psychologie clinique CM 16 septembre 2024 ………………… Chapitre 1 : Présentation,introduction,histoire 4-De l’origine de la psychologie clinique 4.1. Développement de la psychologie clinique. La psychologie clinique a été façonnée par l'influence conjointe de la philosophie et de la médecine. Son développement a débuté au XVIIIe et XIXe siècle, avec l'émergence de nouvelles définitions des structures de soins. À cette époque, une réflexion importante émerge : que faire des patients souffrants qui viennent consulter ? Cette redéfinition des structures de soins sera abordée plus en détail dans des cours magistraux de Licence 2. Parallèlement, cette évolution s'accompagne d'un changement de statut pour les malades, en particulier ceux souffrant de troubles mentaux. La manière dont la société intègre les personnes atteintes de maladies mentales a considérablement évolué au fil des siècles, en fonction des normes sociétales. Un débat grandissant autour de l'individualité se fait jour. Qu'est-ce qui rend chaque individu unique, et comment son environnement social l'influence-t-il ? À mesure que la psychologie clinique évolue, l'individu se retrouve de plus en plus au centre d'une expertise scientifique. Cela entraîne un changement radical dans l'approche de l'étude du patient et du psychisme, notamment grâce aux études de cas. Nous observerons également une augmentation significative de l'observation clinique, dont la qualité s'améliore au fil du temps. Tous ces éléments contribuent à établir une base solide de connaissances sur le fonctionnement et la dynamique du psychisme, ainsi qu'à l'émergence de la psychologie clinique. 4.2. Un peu d’histoire, de Mesmer à Charcot L'émergence de la psychologie clinique nous amène à explorer les pratiques antérieures destinées à l'étude et au soin psychique. Commençons par un retour en arrière à ce que l'on appelle la préhistoire de la psychologie. 4.2.1. Mesmer et le magnétisme animal La première figure à aborder est Franz Anton Mesmer, un médecin allemand célèbre pour sa théorie du magnétisme animal. Selon lui, un fluide psychique subtil, qu'il appelle le "fluide universel", circule dans l'univers et joue un rôle d'intermédiaire entre les êtres humains et leur environnement. Mesmer postule que la maladie résulte d'une mauvaise répartition de ce fluide dans le corps humain. Pour lui, la guérison passe par la restauration de cet équilibre, en utilisant des techniques magnétiques. En pratique, Mesmer pensait pouvoir canaliser ce fluide, provoquant des crises chez les patients comme moyen de guérison. Ces crises transitoires accentuaient les symptômes avant qu'ils ne s'estompent. L'un de ses cas les plus célèbres est celui de Maria Teresa Paradis, une jeune musicienne qui avait perdu la vue à quatre ans. Sous les soins de Mesmer, sa vue s'est partiellement rétablie. Cependant, des tensions sont survenues lorsque son père, inquiet de perdre la pension d'invalidité de sa fille, a demandé à Mesmer d'arrêter les traitements, entraînant une détérioration de la vue de Maria. Pour élargir son champ d'action, Mesmer s'installe à Paris et introduit la méthode du "baquet", une grande baignoire permettant de traiter jusqu'à vingt personnes simultanément. Ces séances collectives à Paris entraînaient des phénomènes de crises magnétiques contagieuses, où des femmes de la haute société parisienne perdaient le contrôle et faisaient des scènes d’hystérie. En 1784, Louis XVI charge deux commissions (l'Académie des Sciences et la Société Royale de Médecine) d'étudier le magnétisme animal. Ces commissions, à l'insu de Mesmer, concluent que « l'imagination, sans magnétisme, produit des convulsions. Le magnétisme, sans imagination, ne produit rien. » Elles reconnaissent l'influence physique de l'homme sur l'homme, ce qui soulève des questions sur le pouvoir et l'induction dans la relation thérapeutique. 4.2.2. Puységur et la transe somnambulique. La théorie du magnétisme animal de Mesmer a attiré de nombreux adeptes, dont Armand Marie Jacques de Chastenet, plus connu sous le nom de marquis de Puységur. Ce dernier, influencé par les enseignements de Mesmer, a commencé à traiter des patients en utilisant les principes du magnétisme animal. Puységur a notamment soigné un jeune paysan, Victor Race. En tentant de le magnétiser, au lieu de provoquer les convulsions attendues selon les enseignements de Mesmer, Victor est entré dans un état de conscience différent, semblable à un état de mort apparente. Cependant, cet état de conscience s'est accompagné de capacités surprenantes, telles que l'autodiagnostic et une perception extrasensorielle. Dans cet état, Victor était capable de décrire sa maladie, de proposer un traitement et même de prédire la date de sa guérison. Puységur qualifia cet état de "transe somnambulique", caractérisé par une forme de clairvoyance sur sa propre maladie, celle des autres, et sur les remèdes appropriés. Il appela ce phénomène "lucidité magnétique", permettant au patient de devenir son propre thérapeute, grâce à cette capacité de guérison intérieure. Puységur constata que de nombreux patients affluaient vers lui, ce qui le poussa à développer des techniques de traitement collectif, notamment autour d’un arbre magnétisé au centre de la place de la ville, où plusieurs patients pouvaient bénéficier simultanément des bienfaits du magnétisme. 4.2.3. Du romantisme allemand à l'abbé Faria. Le mesmérisme s'est largement développé en Europe, notamment en Allemagne, où il a influencé des intellectuels tels que Schopenhauer et Kant. En France, des figures comme Philippe François Deleuze, un naturaliste français, ont repris les techniques de Mesmer en leur apportant un cadre thérapeutique plus structuré. Deleuze a instauré une régularité dans les séances, avec une durée et une fréquence définies, posant ainsi les prémices du cadre thérapeutique moderne. Ces développements ont mis en lumière l'importance de la relation entre le thérapeute et le patient. Cette interaction produisait des effets, permettant au patient de prendre conscience de son propre processus de guérison. Ce cadre thérapeutique, qui permet au patient de devenir actif dans sa guérison, est à l'origine de ce qu'on appelle aujourd'hui l'alliance thérapeutique. Parmi les adeptes du mesmérisme, on retrouve également l'abbé Faria, qui a quitté les ordres religieux pour se consacrer aux pratiques magnétiques. Contrairement à Mesmer, qui utilisait des objets externes (comme des aimants ou un arbre magnétisé), Faria plongeait ses patients dans un état de transe par simple injonction verbale, une technique que l'on retrouve aujourd'hui dans l'hypnose de spectacle. Pour Faria, la transe n'était pas un état de dépendance vis-à-vis du magnétiseur, mais plutôt un état de "sommeil lucide", durant lequel le patient avait l’intuition des solutions nécessaires à sa guérison. Ainsi, la guérison venait de l'intérieur, sans l'intervention d'objets extérieurs, renforçant l'idée que les outils de soin étaient en réalité le patient et le thérapeute eux-mêmes. 4.2.4. Hypnotisme Un peu plus tard, un chirurgien écossais, James Braid, poursuivit les travaux de l'abbé Faria. Il utilisa un objet brillant, tel qu'un pendule, pour induire l'état de transe chez ses patients. Cette technique est devenue emblématique du folklore associé à l'hypnose. Les théories hypnotiques ont continué de se développer et ont été institutionnalisées par Jean-Martin Charcot, un neurologue français réputé. Charcot s'intéressa à l'hypnose à partir de 1878 et fonda l'école de la Salpêtrière, où il donnait des conférences hebdomadaires, connues sous le nom de "leçons du mardi". Il y présentait des patients souffrant d'hystérie et étudiait l'hypnose en tant que phénomène somatique propre aux patients hystériques. Charcot devint célèbre pour ses travaux sur l'hystérie, et il décrivit les différentes phases de ce qu'il appelait "la grande névrose hystérique". Pendant ce temps, une autre école, l'école de Nancy, dirigée par Hippolyte Bernheim et Auguste Liébeault, s'opposa aux travaux de Charcot. Bernheim voyait l'hypnose comme un simple sommeil produit par la suggestion, qui pouvait avoir des applications thérapeutiques. Pour l'école de Nancy, l'hypnose n'était pas un état pathologique spécifique aux hystériques, mais une simple forme de suggestion. En revanche, Charcot considérait l'hypnose comme un état pathologique héréditaire propre aux hystériques, résultant d'une dégénérescence. Cette querelle entre les deux écoles a influencé les recherches sur l'hypnose jusqu'au XXe siècle, avec des débats sur la nature exacte de cet état. Freud, qui visita Charcot à la Salpêtrière en 1885, s'inspira de ses travaux pour développer ses propres théories psychanalytiques. Psychologie clinique CM 16 septembre 2024 ………………… Chapitre 1 : Présentation,introduction,histoire. 5. La psychologie clinique et ses auteurs Après avoir évoqué l'histoire de la psychologie clinique, l'accent est mis sur des auteurs clés ayant marqué son développement, notamment en France. 5.1. Sigmund Freud Sigmund Freud est considéré comme le fondateur de la psychanalyse. D'abord médecin, il s'oriente vers la recherche en psychiatrie. Il découvre les travaux de Jean-Martin Charcot à Paris, notamment sur l'hystérie, caractérisée par des symptômes sans lésions organiques apparentes (paralysie, troubles de la vue, etc.). Freud collabore avec Joseph Breuer sur le cas d'Anna O., qui mène à la méthode cathartique (ou "talking cure"). Cette approche par la parole permet de libérer des traumatismes refoulés. L’hypothèse de l’inconscient prend une place centrale dans la psychanalyse, et Freud développera une méthode thérapeutique fondée sur l’association libre. Freud introduit pour la première fois le terme de "psychologie clinique" dans une correspondance en 1899. 5.2. Pierre Janet Pierre Janet, philosophe, psychologue et médecin français, est un pionnier de la psychologie clinique en France. Il insiste sur l’étude de l’individu dans sa singularité et sa totalité, en s’opposant aux recherches en laboratoire qu’il trouve trop détachées de la réalité humaine. Janet valorise l’écoute et l’observation fine des individus, et critique l’excès de rationalité dans les méthodes scientifiques de l’époque. 5.3. Juliette Favez-Boutonnier Juliette Favez-Boutonnier, psychologue française, met en avant la distinction entre la psychologie clinique, la psychologie médicale, et la psychanalyse. Elle insiste sur l'importance de l’intersubjectivité dans la relation entre le thérapeute et le patient, où le lien humain est primordial. Favez-Boutonnier contribue à la reconnaissance de la psychologie clinique dans l'enseignement universitaire en France, avec la création d’un certificat de psychologie clinique en 1966 à la Sorbonne. Ces auteurs ont chacun marqué l'évolution de la psychologie clinique, en introduisant des concepts et des méthodes qui continuent d'influencer la pratique aujourd'hui. 5.4. Daniel Lagache Daniel Lagache est un philosophe, psychiatre et psychanalyste français qui a grandement contribué à la définition et à la conception moderne de la psychologie clinique en France. En 1949, lors d'une conférence devant le groupe de l'Évolution psychiatrique, il a proposé une vision qui reste encore très influente aujourd'hui. Définition de la méthode clinique : Selon Lagache, la méthode clinique consiste à observer et analyser la conduite humaine de manière à capturer fidèlement les façons d'être et de réagir d'un individu. L'objectif est d'établir le sens, la structure, et les origines des comportements tout en décelant les conflits sous-jacents. Approche : Il perçoit la psychologie clinique comme une science appliquée, concrète, qui vise à étudier des cas singuliers pour en tirer des généralisations. Pour Lagache, l'individu en souffrance est au cœur de cette démarche. Cette approche reste proche de la manière dont nous concevons aujourd'hui la psychologie clinique, à savoir une discipline centrée sur l'étude du cas particulier pour générer des connaissances plus générales. 5.5. Jean-Louis Pedinielli Jean-Louis Pedinielli, psychologue et professeur émérite à l'Université d'Aix-Marseille, a également joué un rôle important dans la définition moderne de la psychologie clinique en France. Sa conception de la psychologie clinique est similaire à celle de Lagache : Définition : Il considère la psychologie clinique comme une sous-discipline qui se consacre à l'étude, à l'évaluation, au diagnostic, et au traitement de la souffrance psychique, peu importe son origine (maladie mentale, traumatisme, dysfonctionnement). Méthodes : Il met l'accent sur l'alliance entre méthodes qualitatives (études de cas, observations cliniques) et quantitatives (tests), soulignant qu'elles sont complémentaires pour une compréhension approfondie de l'individu. En résumé, pour Pedinielli, la psychologie clinique est à la fois un ensemble de pratiques et de méthodes ayant pour objet la connaissance de l'homme en situation. 5.6. Lightner Witmer Lightner Witmer est un psychologue américain, souvent considéré comme le fondateur de la psychologie clinique aux États-Unis. En 1896, il ouvre une clinique psychologique en Pennsylvanie, proposant pour la première fois une méthode clinique de "guidance" pour aider les enfants souffrant de handicaps mentaux. Influence : Witmer a introduit l'idée de la psychologie clinique comme une discipline scientifique et pratique, bien que cette approche ait mis du temps à être reconnue. En 1919, la section clinique de l'American Psychological Association (APA) est fondée, marquant un tournant dans la reconnaissance des psychologues cliniciens. Statut scientifique : En 1947, la psychologie clinique est officiellement reconnue comme une discipline scientifique aux États-Unis, avec des programmes de formation spécifiques. La trajectoire de la psychologie clinique aux États-Unis, avec son accent sur la science et les méthodologies quantitatives, diffère de celle de la France, plus influencée par la psychanalyse. 5.7. La psychologie clinique aujourd'hui. En France, l'histoire de la psychologie clinique reste profondément liée à la psychanalyse, bien que cette influence s'atténue progressivement. Aujourd'hui, la psychologie clinique tend à rapprocher les démarches cliniques et expérimentales. Les méthodes quantitatives et qualitatives sont de plus en plus intégrées, permettant une meilleure compréhension des sujets étudiés. Approche actuelle : La psychologie clinique en France adopte aujourd'hui une approche plurielle, tenant compte à la fois de l'individu en tant qu'objet d'étude singulier et de l'importance des méthodes scientifiques pour élargir les connaissances. Cependant, cette évolution peut varier selon les universités et les courants de pensée. Par exemple, les enseignements à Nantes peuvent différer de ceux de Paris ou Lyon, montrant la diversité des pratiques et des philosophies dans la discipline. 5.8. Synthèse : L’objet de la psychologie clinique L'objet d'étude de la psychologie clinique peut être défini par trois points clés : 1. Singularité de l'individu : La psychologie clinique s'intéresse à l'étude de l'individu unique, en tant qu'entité singulière. 2. Totalité de la situation : Elle prend en compte la totalité de la situation de l'individu, c'est-à-dire son contexte de vie, ses expériences vécues, ses relations familiales, etc. 3. Évolution de la personnalité : Enfin, elle s'intéresse à l'évolution de la personnalité dans son contexte global, en prenant en compte les facteurs de changement et les dynamiques personnelles. L'objectif final de la psychologie clinique est donc de comprendre l'individu dans sa globalité et dans son contexte, en se basant sur une combinaison d'analyses qualitatives et quantitatives. Psychologie clinique CM 30 septembre 2024 ………………… Chapitre 2 : Le métier de psychologue clinicien 1. La formation du psychologue clinicien & la pratique du psychologue clinicien au quotidien. 1.0.Le métier de psychologue clinicien Lors de ce cours magistral, nous allons nous pencher de façon plus concrète sur le métier de psychologue clinicien. La semaine dernière, nous avons abordé l’histoire de cette discipline ainsi que les grands auteurs qui ont contribué à son essor et à son développement, particulièrement en France. Cette semaine, nous allons nous concentrer plus spécifiquement sur la formation des psychologues en France et à l’étranger, ainsi que sur les pratiques de ces professionnels. Souvenez-vous, en introduction, nous avions mentionné que le travail du psychologue est très varié, dépendant des populations avec lesquelles il travaille et des lieux dans lesquels il exerce. 1.1. Obtenir le titre de psychologue clinicien en France. Commençons par la formation du psychologue. Je vous rappelle rapidement ce que vous avez déjà vu avec Madame Rome il y a 15 jours, notamment le fait que l’usage du titre professionnel de psychologue est protégé par l’État, en vertu de l’article 44, publié au Journal Officiel en 1985, et complété plus tard par l’article 57 en 2002. Vous vous souvenez peut-être que le titre de psychologue a été réglementé dès 1947 aux États-Unis, mais seulement en 1985 en France. Comme nous l’avons vu, il faut obtenir une licence en psychologie et un Master en psychologie pour devenir psychologue, soit cinq années d’études après le baccalauréat. Le psychologue peut aussi poursuivre sa formation au-delà du Master, notamment à travers des diplômes universitaires (DU) ou par le biais de la formation continue. Il est également tenu de respecter un code de déontologie, rédigé par des psychologues et co-signé par la majorité des associations de psychologues praticiens en France. Ce code a été réédité cette année, et vous pouvez le retrouver sur Madoc ou l’adresse indiquée dans les diapositives. Contrairement aux médecins, il n’existe pas à ce jour d’Ordre des psychologues en France. 1.2. La psychologie clinique dans le monde. Dans d’autres pays comme les États-Unis, le Canada ou l’Angleterre, la formation des psychologues est assez différente de celle que nous connaissons en France. Pour obtenir le titre de psychologue et pouvoir exercer, les étudiants de ces pays doivent suivre, en plus de la licence et du master, un doctorat en psychologie. Cependant, ce doctorat est orienté principalement sur la clinique, contrairement au doctorat français, qui est principalement orienté vers la recherche. Ce doctorat clinique ressemble à un internat, avec une supervision par un docteur en psychologie. Les internes effectuent des diagnostics, des évaluations, des psychothérapies, des recherches, et des présentations scientifiques, un peu à l’image de l’internat en médecine. En outre, ce doctorat est souvent rémunéré, notamment au Canada où les internes perçoivent environ 25 000 dollars canadiens par an, soit environ 18 000 euros. En France, il n’y a pas encore d’équivalent, mais certains praticiens et enseignants demandent à ce que la formation française évolue vers un modèle similaire. Psychologie clinique CM 30 septembre 2024 ………………… Chapitre 2 : Le métier de psychologue clinicien 2. La pratique du psychologue clinicien au quotidien 2.1. Où travaille le psychologue clinicien? Penchons-nous maintenant sur la pratique de terrain des psychologues cliniciens. Ceux-ci travaillent avec des populations variées, comme les enfants, les adolescents, les adultes, ou encore les personnes âgées. Pour vous donner une idée de la répartition de l’activité des psychologue. Psychologie clinique CM 30 septembre 2024 ………………… Chapitre 2 : Le métier de psychologue clinicien 3. Les compétences du psychologue clinicien 3. Les compétences du psychologue clinicien. Comme nous l’avons vu précédemment, le psychologue clinicien peut exercer son métier dans différentes structures, et ses pratiques varient en fonction de son lieu d’exercice. Cependant, chaque psychologue possède un ensemble de compétences transversales communes à tous, acquises principalement par la formation universitaire en psychologie. Ce parcours permet de développer des compétences, que nous allons détailler, réparties en trois grands domaines : le savoir théorique, le savoir-faire et le savoir-être. 3.1. Savoir théorique Le savoir théorique inclut l’ensemble des connaissances intellectuelles acquises lors de la formation universitaire, ainsi que par des lectures personnelles. Ce savoir implique notamment la connaissance de l’histoire de la psychologie et de la psychologie clinique. Par exemple, l’évolution des relations entre le thérapeute et le patient apporte de la profondeur à la compréhension actuelle du travail du psychologue clinicien et de la psychothérapie. Cette perspective historique aide à donner du sens et de la profondeur au champ clinique en le replaçant dans son contexte évolutif. Cependant, un risque peut survenir si l’on cherche constamment de nouvelles thérapies comme solutions ultimes aux problèmes humains, alors que les grandes problématiques comme l’amour, la mort, la souffrance ou la vie demeurent constantes à travers les époques. Bien que les pratiques aient évolué, il reste nécessaire de comprendre que certaines questions humaines sont intemporelles. En psychologie, connaître les différentes épistémologies est essentiel, car elles constituent les bases théoriques qui soutiennent les diverses approches cliniques. Edgar Morin, dans La Pensée complexe, explique que la réalité psychique est d’une grande complexité et ne peut se réduire à un ensemble de variables isolées. Ainsi, la psychologie nécessite des modèles théoriques permettant de saisir cette complexité. Ces modèles, qu’ils soient psychanalytiques, cognitifs ou systémiques, visent à expliquer le fonctionnement psychologique, les troubles et les moyens d’intervention. Chaque modèle repose sur une épistémologie propre, offrant une vision distincte de la souffrance et de sa prise en charge. Il est également essentiel pour le clinicien de se tenir à jour des nouvelles connaissances dans le domaine, ce qui peut se faire en consultant des bases de données comme Google Scholar et ScienceDirect. Au-delà de la connaissance des différents modèles théoriques, le savoir théorique implique aussi une capacité d’analyse et de critique des concepts étudiés. Ce regard critique, qui s’affine au fil du temps, est fondamental pour évaluer les avancées et les limites de chaque modèle. Le savoir théorique du psychologue clinicien se développe continuellement, que l’on soit étudiant ou professionnel expérimenté. 3.2. Savoir-être Le psychologue clinicien doit aussi développer un ensemble de savoir-être essentiels à sa pratique. Le savoir-être correspond à la capacité à adopter des attitudes et comportements adaptés aux situations rencontrées dans le cadre clinique. Parmi les compétences interrelationnelles, on peut citer le tact, défini comme la capacité d’agir avec délicatesse et adaptabilité dans les interactions avec les patients. Cette notion, développée par le psychanalyste hongrois Ferenczi, ne s’apprend pas dans les livres ; elle se développe avec l’expérience. Ferenczi explique que le tact est la capacité de “sentir avec” l’autre, en comprenant quand et comment partager des observations avec le patient, ou encore quand le silence est bénéfique ou, au contraire, nuisible. Pour développer ce tact, le clinicien doit également développer ses compétences d’écoute, pour permettre au patient de se sentir compris et encouragé dans l’expression de sa parole. Un autre aspect fondamental est l’empathie, définie comme la capacité à se représenter les émotions d’autrui sans les ressentir pleinement. L’empathie, au même titre que le tact, fait partie de l’intelligence émotionnelle, un concept théorisé par Salovey et Mayer (1990). Ils identifient trois composantes de l’intelligence émotionnelle : la perception et l’expression des émotions, la régulation des émotions, et l’utilisation des émotions dans la résolution de problèmes. Cette compétence est cruciale pour le clinicien, car elle permet de créer un cadre propice à l’alliance thérapeutique. Le savoir-être englobe aussi les compétences méta-réflexives, c’est-à-dire la capacité à réfléchir sur sa propre réflexion. En clinique, cela implique d’analyser ce que le patient transfère sur le clinicien et d’observer comment cette influence peut affecter sa propre réalité psychique. Cette introspection se fait souvent a posteriori, lorsque le clinicien prend le temps de réfléchir à ce qui s’est joué dans la rencontre avec le patient. Enfin, pour être un “juste miroir” qui aide le patient à se représenter lui-même sans déformations, les cliniciens effectuent souvent un travail personnel, afin de mieux comprendre leurs propres émotions et éviter toute projection qui pourrait perturber la relation thérapeutique. 3.3. Savoir-faire Le savoir-faire représente la capacité à utiliser des compétences techniques et conceptuelles pour mener à bien l’activité clinique. Les savoir-faire spécifiques du psychologue clinicien incluent les techniques d’évaluation, comme les tests psychologiques, les échelles de mesure, et les bilans, utilisés dans les diagnostics. Ils incluent aussi les compétences d’observation et les techniques d’entretien, permettant de conduire une rencontre clinique, poser les bonnes questions, et savoir quoi dire ou ne pas dire. Le savoir-faire inclut également les techniques psychothérapeutiques, développées au fil de la pratique et adaptées aux sensibilités de chaque clinicien. Cela inclut enfin les compétences d’écriture et d’expression orale, essentielles pour rédiger des comptes rendus et transmettre des informations de manière claire. Les compétences en expression et rédaction sont des savoir-faire précieux dès les premières années d’études. Les savoir-faire se développeront tout au long du cursus universitaire et de la pratique clinique. Nous approfondirons les techniques d’entretien et de psychothérapie dans les prochains cours, et tout au long de votre formation. Psychologie clinique CM 30 septembre 2024 ………………… Chapitre 2 : Le métier de psychologue clinicien 5. Les méthodes du psychologue clinicien 5.0. L’exemple du bilan psychologique Parmi toutes les activités possibles du psychologue clinicien, je voulais citer tout à l’heure le bilan psychologique. Pour réaliser un bilan psy, cela nécessite la mise en œuvre de savoirs théoriques, de savoir-être et de savoir-faire, et souvent la combinaison d’une approche quantitative et qualitative. Bilan psychologique Qu’est-ce qu’un bilan psychologique ? Le bilan psychologique peut être défini comme une photographie du fonctionnement de l’individu à un moment donné. Par exemple, lorsqu’un psychologue évalue un patient avant une psychothérapie, il peut réaliser un bilan psychologique pour mieux comprendre le fonctionnement psychique du sujet. Ce bilan utilise des outils validés et pertinents, tels que des tests, des questionnaires, des échelles, et des épreuves projectives. Un bilan rassemble l’ensemble des données recueillies au moyen de ces instruments. C’est une pratique clinique spécifique, distincte de l’entretien et de la psychothérapie, bien que souvent liée. Par exemple, le bilan intervient souvent en début de rencontre avec un patient, mais n’est jamais fait d’emblée. Le psychologue doit d’abord réaliser des entretiens pour faire connaissance avec le patient, évaluer sa demande, et établir une relation de qualité, tout en expliquant l’intérêt du bilan. Les objectifs d’un bilan sont très variables, en fonction des situations cliniques rencontrées. Le bilan peut par exemple être utilisé pour évaluer le fonctionnement cognitif d’un patient dans le cadre d’une orientation scolaire, pour aider au diagnostic de troubles psychiques, ou pour mieux comprendre le fonctionnement global du patient afin de cibler le travail thérapeutique. Processus du bilan psychologique 1.La demande : Avant toute chose, le psychologue évalue la pertinence du bilan en fonction de la demande du patient. Recueillir le consentement libre et éclairé du patient est indispensable. 2.La passation : Le psychologue effectue ensuite la passation des tests, réservée uniquement à lui, avec des consignes standardisées pour garantir des résultats fiables. 3.L’analyse : Après la passation, le psychologue cote et analyse les réponses, confronte les résultats des différentes épreuves, établit des liens, et interprète pour formuler des hypothèses sur le fonctionnement de la personne. 4.Restitution : Le psychologue doit restituer les résultats au patient de manière constructive et utile. Cette restitution est une obligation éthique et déontologique. Les tests cognitifs Classiquement, pour évaluer le fonctionnement cognitif, le psychologue utilise des tests spécifiques comme ceux mesurant l’intelligence. Bien que la définition de l’intelligence puisse varier, pour Wechsler, l’intelligence est « la capacité d’un individu à initier des actions dirigées vers un but, à penser de manière réaliste, et à interagir efficacement avec son environnement ». Le test de quotient intellectuel (QI) est l’un des plus connus et mesure l’efficience cognitive d’une personne par rapport à un groupe de référence. En général, la moyenne du QI est fixée à 100 avec un écart-type de 15, ce qui permet de classer les performances cognitives des individus. Pour les enfants, le test couramment utilisé est la WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) et pour les adultes, la WAIS (Wechsler Adult Intelligence Scale). Les tests de personnalité Les tests de personnalité cherchent à évaluer les caractéristiques relativement stables d’une personne, telles que définies par Reuchlin (1992) comme « la manière d’être d’une personne et sa façon de réagir aux situations ». L’approche des Big Five (ou modèle des cinq grands traits) identifie cinq dimensions principales : névrosisme, extraversion, ouverture, amabilité, et conscience. Ces dimensions permettent de comprendre la manière de penser, ressentir et agir d’un individu. Les épreuves projectives Les épreuves projectives, comme le test de Rorschach (taches d’encre) et le TAT (Thematic Apperception Test) d’Henry Murray, sont également utilisées. Ces tests se basent sur la projection des processus psychiques du sujet dans ses réponses. Par exemple, le test de Rorschach consiste à présenter des planches de taches d’encre et demande au patient d’interpréter librement ce qu’il voit. Les réponses sont ensuite analysées pour révéler des traits de personnalité. Le TAT, quant à lui, utilise des planches représentant des scènes ambiguës pour susciter des histoires inventées par le patient, permettant de comprendre ses processus inconscients. Pour les enfants, il existe le CAT (Children’s Apperception Test), avec des dessins d’animaux pour faciliter leur projection. Le psychologue clinicien utilise ces compétences, mais il doit être conscient des limites des modèles théoriques et de la réalité psychique qu’il tente de reconstruire chez ses patients. Cette démarche est résumée par la métaphore de l’échafaudage de Freud, qui rappelle qu’il faut distinguer entre la compréhension théorique et la réalité subjective du patient. Psychologie clinique Cm mercredi 9 octobre ……………………… Rencontre en amphi sur la pratique concrète du psychologue clinicien. Thématique n°1 : Retour et correction sur les frises - Qu'a-t-on gardé de cela dans la pratique de la Psychologie Clinique Contemporaine ? Thématique n°2 : Savoir-être et bilan psychologique - Mise en pratique autour d'une vignette clinique Thématique n°3 : Quantitatif & qualitatif - Quelle place dans la pratique clinique ? Psychologie clinique Cm 7 octobre 2024 ……………………… Chapitre 3 : L’observation clinique 1.L'observation est une construction 1. principes épistémologiques de l’observation L’épistémologie est définie comme la théorie des sciences ou, plus largement, la théorie de la connaissance. Elle correspond à la description et à l’examen critique des procédés théoriques et pratiques sur lesquels se fonde la science. Pour introduire ce sujet, nous allons examiner quelques expériences illustratives avant d’entrer dans le vif du sujet. Dans une première vidéo, on cherche à sensibiliser au fait que l’observation est un phénomène complexe. Pour se représenter cette complexité, l’expérience du « change blindness » est utilisée : lorsque notre attention est focalisée sur un certain type d’information, nous manquons d’autres informations pourtant évidentes une fois qu’elles sont soulignées. Par exemple, dans la vidéo, nous devions compter le nombre de passes effectuées par l’équipe blanche, ce qui nous a fait ignorer des éléments visibles mais non ciblés par notre attention. La deuxième vidéo, intitulée « The Colour-Changing Card Trick », met en évidence un point encore plus frappant : même si nous savons qu’un changement a lieu, et même si nous identifions certains changements, nous restons limités par une nécessaire sélection des informations. Focalisés sur certains détails, nous passons à côté d’autres éléments. Plusieurs pistes peuvent expliquer ce phénomène. Nous en explorerons quelques-unes, sans prétendre à l’exhaustivité, pour comprendre pourquoi nous ne percevons pas toutes les informations, même lorsqu’elles paraissent flagrantes a posteriori. Neuro-anatomie et perception D’un point de vue neuro-anatomique, la localisation et la reconnaissance des objets ne sont pas traitées par les mêmes circuits neuronaux. Cela est illustré par les voies « Where » (où se trouve l’objet) et « What » (qu’est-ce que l’objet). Concrètement, lorsqu’on observe une table, les circuits neuronaux responsables de sa localisation (où elle se situe) sont distincts de ceux qui permettent de l’identifier comme une table. De même, la couleur et la forme d’un objet mobilisent des circuits neuronaux différents. La perception est initialement fragmentée, et la forme consciente que nous attribuons à un objet résulte d’une reconstruction par le cerveau. Nous faisons face à des millions d’informations par seconde, et il est évident que, pour fonctionner et survivre, nous ne pouvons ni percevoir ni intégrer toutes ces informations. À l’image du mille-pattes qui n’est pas conscient de ses nombreuses pattes, nous ne sommes pas conscients de l’ensemble de ce que nous percevons. Sélection et construction de l’information Nous effectuons une sélection des informations, guidée par la fluidité et le déplacement de notre attention. L’observation pourrait donc être définie comme la capacité à déplacer son attention avec fluidité pour capter les différents registres de communication. Cette capacité permet de discriminer les variations dans le réel. Cependant, nous ne nous contentons pas de sélectionner : nous transformons également les informations. Notre perception n’est donc pas une simple réception, mais une construction. Dans une perspective constructiviste, la perception est une reconstruction active. Francisco Varela, dans son ouvrage L’inscription corporelle de l’esprit, cite Merleau-Ponty, qui affirme que « l’organisme forme son environnement en même temps qu’il est façonné par lui ». Ainsi, notre perception de la réalité est une illusion. Albert Einstein disait également : « La réalité est une illusion, quoique très tenace. » Illusion et cohérence perceptive Nous vivons dans une illusion stable et cohérente, suffisamment en phase avec ce que d’autres appellent la réalité pour que nous ayons l’impression de percevoir une réalité objective. En ce sens, le cerveau produit une représentation psychique de son environnement, suffisamment fiable pour permettre notre adaptation et notre survie. Donald Winnicott, psychanalyste anglais, a également travaillé sur cette question de la construction de la réalité, notamment à travers ses travaux sur la découverte du monde par l’enfant. Il rejoignait l’idée d’Einstein selon laquelle « nous vivons dans une illusion ». Toutefois, ses travaux sur l’aire transitionnelle, bien que fascinants, ne relèvent pas du sujet traité ici. 2. L’observation est une construction Illusions perceptives : un exemple de construction Canard-lapin : Cette image ambiguë montre qu’une même donnée visuelle peut être interprétée de manière différente en fonction de la focalisation de l’observateur. Cela illustre comment la perception est influencée par nos attentes ou nos expériences antérieures. Illusion du mouvement : Une tâche noire centrale peut donner l’impression que les formes autour bougent, alors qu’elles sont statiques. Cette illusion reflète une construction mentale, où le cerveau « complète » une information en l’interprétant. Lignes horizontales déformées : Malgré une apparence ondulée, ces lignes sont parallèles. Cela démontre que notre cerveau est trompé par les contextes visuels environnants. Vidéo du métro : La direction du mouvement perçue peut changer selon la concentration de l’observateur, soulignant que c’est notre cerveau qui génère cette illusion. Ces exemples montrent que la perception sensorielle n’est pas une simple réception passive d’informations objectives, mais une reconstruction subjective influencée par le cerveau. Épistémologie constructiviste L’idée centrale est que la distinction entre perception et construction est illusoire, tout comme celle entre objectivité et subjectivité. La perception est toujours partielle et sélective, influencée par : Nos expériences antérieures. Nos besoins ou intérêts du moment. Notre histoire personnelle et culturelle. Ainsi, dans une lecture constructiviste, ce que nous appelons “réalité” est en réalité une interprétation subjective construite par notre esprit. Métaphore des aveugles et de l’éléphant L’histoire des aveugles essayant de comprendre ce qu’est un éléphant illustre l’idée que notre perception de la réalité est toujours fragmentaire. Chaque aveugle décrit l’éléphant en fonction de la partie qu’il touche, croyant à tort avoir compris l’ensemble. De manière similaire, nos observations quotidiennes sont limitées par nos perspectives personnelles. Cela appelle à l’humilité cognitive : nous devons reconnaître que ce que nous percevons n’est jamais une représentation complète ou totalement fiable de la réalité. Applications en observation clinique En psychologie clinique, cette vision constructiviste rappelle que les observations faites lors des entretiens sont toujours influencées par le point de vue du psychologue et du patient.La subjectivité joue un rôle central dans la compréhension des émotions, pensées, et comportements. Une approche constructiviste aide à rester conscient des limites et des biais dans l’évaluation des patients, tout en tenant compte de leur histoire individuelle. En résumé, cette réflexion met en lumière l’importance de reconnaître que nos perceptions, qu’elles soient sensorielles ou introspectives, sont des constructions personnelles et subjectives. Cela a des implications majeures, notamment dans le cadre de la psychologie clinique, où cette compréhension permet d’adopter une posture plus nuancée et empathique. Psychologie clinique Cm 7 octobre 2024 ……………………… Chapitre 3 : L’observation clinique 2.L'observation clinique externe 3.1. L’observation clinique Quels enseignements peut-on tirer de tout cela dans le cadre clinique ? Nous allons discuter plus précisément de l’observation clinique. Elle est au fondement de la méthode clinique et représente probablement l’outil le plus essentiel pour le psychologue clinicien. La rigueur dans l’observation permet d’obtenir un matériel clinique riche, indispensable pour mener à bien nos activités. Cependant, observer est une activité complexe, d’autant plus dans le travail du psychologue clinicien. En effet, l’objet d’étude du clinicien, la réalité psychique, n’est pas directement observable, contrairement à ce que peuvent vivre d’autres professionnels, comme les chimistes ou les biologistes. Nous n’avons pas d’accès direct à cette réalité psychique. Ce que nous observons est en fait une reconstruction basée sur des indices. Par conséquent, une observation est toujours une reconstruction, une mutilation du réel. Même un enregistrement, par exemple, constitue une sélection. Il est impossible de tout filmer sous tous les angles ou de rendre compte de l’entièreté de la situation vécue dans un entretien clinique. De plus, le langage utilisé par le patient, comme celui du psychologue, est réducteur, mutilant ainsi une partie du réel. Cette difficulté exige une position de modestie, de prudence et d’humilité, car certaines choses, parfois même essentielles, nous échapperont dans la rencontre clinique. Face à cette complexité, des dérives peuvent survenir. Une des dérives serait de se cacher derrière la théorie, au point de ne plus être capable de véritablement rencontrer ou observer le patient. Bien que la théorie soit indispensable pour représenter la souffrance psychique, la maladie mentale ou le fonctionnement psychique, il faut aussi savoir rencontrer le patient dans toute sa singularité, au-delà de cette théorie. Une autre dérive consiste à projeter chez le patient des éléments qui relèvent de notre propre réalité psychique. Puisque la réalité psychique n’est pas objectivable, il est possible de voir en l’autre des choses qui nous appartiennent. Sans s’en rendre compte, notre reconstruction peut davantage refléter notre propre psychisme que celui du patient, nous empêchant alors de rencontrer cet individu dans sa singularité. Observer nécessite donc une capacité à écouter, à voir, et à rencontrer l’autre en se laissant surprendre, sans attentes préalables, comme le disait Bion : « sans mémoire ni désir ». Une observation se fait également dans un cadre donné, qui rend intelligibles les éléments observés. Ce cadre influence ce que le patient montre et dit. En psychologie clinique, on considère que ce que montre le patient dit quelque chose de son fonctionnement psychique. Il existe une métaphore derrière ce que le patient exprime : un écart entre le manifeste et le latent. Ce que nous observons nous donne accès à des « psycho-logiques », c’est-à-dire les logiques du fonctionnement psychique. Pour cela, deux éléments sont essentiels : 1.Le souci du détail, qui permet d’accéder à ces logiques. 2.La fluidité de l’attention, qui permet de se concentrer sur ce qui est significatif. Le souci du détail consiste à observer minutieusement les variations dans le réel : la manière de marcher, de se tenir, de parler, ou de ne plus parler. Cette attention fine nécessite un apprentissage. Un exemple hors psychologie clinique permet d’illustrer cela : en œnologie, un amateur de vin perçoit des détails que d’autres ne voient pas, grâce à son apprentissage. De la même manière, le psychologue doit apprendre à observer avec précision le matériel clinique. La fluidité de l’attention permet de déplacer rapidement son attention sur les éléments importants. En observation clinique, l’attention oscille entre : L’observation externe : ce qui est extérieur, souvent le patient. L’observation interne : ce qui se passe en nous pendant l’entretien. La clinique immédiate : ce qui se déroule dans l’entretien. La théorie : qui nous aide à comprendre ce que nous observons. 3.1. L’observation externe Pour débuter, nous nous concentrerons sur l’observation externe. Face à la complexité de l’acte d’observer en clinique, deux grandes questions se posent :Comment observe-t-on ? /Qu’observe-t-on ?/Comment observe-t-on ? On observe avec minutie, attention et fluidité, ce qui implique une présence psychique pendant l’entretien. Il faut être ouvert à la rencontre et en capacité de se laisser surprendre. Nous approfondirons ces aspects dans le cours complémentaire de psychologie clinique, notamment en lien avec l’entretien clinique.Bien qu’il ne s’agisse pas d’un recensement scrupuleux à la manière d’un botaniste, certaines techniques permettent d’adopter le bon état d’esprit pour observer. Ces techniques nous aident à repérer des marqueurs de la réalité psychique. Qu’observe-t-on ? 1.Le langage verbal : On analyse l’intonation, le rythme, le vocabulaire, les associations d’idées et la fluidité du discours. 2.Le langage non verbal : Cela inclut la posture, le regard, le rythme de la respiration et d’autres signaux corporels inconscients. Ces éléments, souvent insoupçonnés, forment un “langage du corps”. Selon certains thérapeutes, comme Fritz Perls, fondateur de la Gestalt, le non-verbal est plus fiable que le langage verbal. 3.Les interactions : Elles combinent langage verbal et non verbal et sont influencées par le contexte. Un signe verbal peut, par exemple, prendre tout son sens grâce à un élément non verbal ou à une situation donnée. Cela explique les malentendus possibles dans les communications écrites, où le contexte et le non-verbal manquent souvent. Chaque sujet peut être considéré comme un contexte spécifique, une subjectivité particulière. Pour conclure, nous avons regardé une vidéo montrant des interactions entre des enfants et une expérimentatrice. Ce type d’exercice permet d’observer à la fois le verbal, le non-verbal et les interactions. Vous avez sans doute remarqué des jeux de regards, peut-être perçu des intentions (comme chercher une approbation). Ce passage illustre l’importance de différencier observation et interprétation. Psychologie clinique Cm 14 octobre 2024 ……………………… Chapitre 3 : L’observation clinique 3.L'observation interne 3.2. L’observation interne Ainsi, au-delà de l’observation des faits externes, une grande partie du travail du psychologue clinicien sera de se lancer dans le grand défi de l’observation interne. Le clinicien doit donc également développer une compétence d’observation, terme qui correspond essentiellement à des capacités d’auto-observation, voire d’auto-représentation de sa propre expérience. L’observation interne consiste tout d’abord à avoir conscience de ses représentations, de ses images mentales. Pour illustrer ce concept, deux expériences sont proposées. Première expérience : la girafe rose à pois verts Je vous demande de penser à une girafe rose à pois verts. Comment cette girafe s’est-elle formée dans votre esprit ? Était-elle d’abord une girafe avec les couleurs habituelles avant de devenir rose, puis à pois verts ? Est-ce une image statique ou animée, une photo ou une illustration ? Cette girafe est-elle réaliste ou dessinée, et se situe-t-elle dans un décor (savane, fond blanc, etc.) ? Est-elle seule ou accompagnée d’autres animaux ? Deuxième expérience : un souvenir agréable Je vous invite à penser à un souvenir agréable de votre vie. Observez comment ce souvenir émerge : êtes-vous un participant ou un simple observateur ? Est-ce une image ou une vidéo ? Y a-t-il des sons ou des couleurs ? Ce souvenir évoque-t-il des émotions ? Ces émotions, parfois discrètes, nécessitent un apprentissage pour être identifiées et comprises avec finesse, notamment en contexte clinique. Ces expériences d’observation interne permettent d’appréhender nos représentations mentales. Elles mettent en évidence un travail de construction active de la mémoire et des émotions associées, essentielles pour le clinicien lors de ses rencontres avec les patients. Les travaux de Stephen Kosslyn sur les représentations mentales. Stephen Kosslyn, professeur de psychologie cognitive à Harvard, a mené des recherches importantes sur les représentations mentales, notamment à travers des expériences sur des cartes mémorisées. Lorsqu’on demande à un individu de mémoriser une carte avec des éléments comme une hutte, un arbre, et un marécage, puis de visualiser mentalement le trajet entre ces éléments, le temps de réaction augmente proportionnellement à la distance réelle entre ces objets. Ces résultats montrent que la pensée mentale est analogique, c’est-à-dire qu’elle conserve les caractéristiques de ce qu’elle représente. D’autres expériences, comme le pliage mental ou la rotation mentale, confirment que les opérations mentales analogiques suivent les mêmes contraintes que leurs équivalents physiques. Ainsi, nos pensées peuvent être considérées comme des manipulations d’objets mentaux, qu’ils soient cognitifs ou émotionnels. L’observation interne comme outil pour le psychologue clinicien Pour accéder à notre vie psychique, il est nécessaire de conscientiser ces opérations mentales souvent automatiques. L’observation interne, ou métacognition, est un outil essentiel pour le psychologue clinicien, car elle permet : 1.De prendre conscience de ses propres représentations mentales et de sa subjectivité. 2.D’identifier les ressentis et émotions d’autrui par le biais de l’empathie. Exemple clinique Une patiente racontait une histoire de vie complexe. En observant ses propres ressentis, le clinicien a perçu un sentiment d’incompréhension, qu’il a communiqué à la patiente. Celle-ci a alors pris conscience qu’elle-même se sentait perdue dans sa propre vie. Ce ressenti, vécu par le clinicien, reflétait inconsciemment l’état psychique de la patiente. Les neurones miroirs et l’empathie Les neurones miroirs, découverts par l’équipe de Rizzolatti en 1996, s’activent à la fois lors de l’exécution d’une action et lorsqu’on observe quelqu’un d’autre l’exécuter. Chez l’humain, ils jouent un rôle crucial dans l’empathie en permettant de simuler automatiquement les comportements et émotions d’autrui. Ressentis corporels et langage non-verbal Le clinicien doit également prêter attention à ses ressentis corporels : mains moites, respiration courte, tensions musculaires, etc. Ces indices corporels fournissent des informations précieuses sur ses émotions et sur ce qu’il communique involontairement au patient. Conclusion L’observation interne est un outil central pour le psychologue clinicien. Elle l’aide à explorer ses propres représentations et ressentis, à comprendre les processus émotionnels des patients, et à améliorer la qualité de ses interventions cliniques. En enseignant cette compétence à ses patients, le clinicien les accompagne dans un processus de développement personnel et thérapeutique. Psychologie clinique Cm 14 octobre 2024 ……………………… Chapitre 3 : L’observation clinique. 4.Lien entre l’observateur et l'observé 4.1.La complexité du lien entre l’observateur et l’observé. En psychologie clinique, il est impossible d’établir une séparation nette entre l’observateur (le psychologue) et l’observé (le patient). Contrairement aux sciences du vivant, où l’on peut étudier un organisme sans interaction directe, la psychologie clinique repose sur une dynamique réciproque. L’observateur influence inévitablement l’observé, qui, à son tour, influence l’observateur. Devereux décrit cette interaction complexe dans son ouvrage De l’angoisse à la méthode (1967) par l’idée que “l’observateur observe l’observé en train de l’observer”. Ainsi, dans un entretien clinique, la manière dont le psychologue observe son patient modifie la posture et les réactions de ce dernier. Inversement, le comportement du patient reflète sa perception du psychologue. Cette dynamique rend toute observation “objective” impossible : la subjectivité du psychologue affecte inévitablement ses observations, et celles-ci influencent ce qui est observé. Le concept de “décrire-construire” met en lumière cette interaction. La façon dont un clinicien décrit ce qu’il observe contribue à façonner la réalité qu’il perçoit. Daniel Widlocher a approfondi cette idée avec le concept de co-pensée, qui désigne la co-construction inconsciente entre le patient et le clinicien. Cette notion prolonge celle d’intersubjectivité, en soulignant que le psychologue et son patient explorent mutuellement leurs psychismes lors de l’entretien clinique. Face à cette complexité, le psychologue doit reconnaître l’impossibilité de l’objectivité totale. L’approche consiste non pas à éliminer l’influence réciproque entre l’observateur et l’observé, mais à en tenir compte pour affiner sa compréhension de la situation clinique. 4.2. Transfert(s) et contre-transfert(s). Le concept de transfert a été développé par Freud à partir de ses observations cliniques, notamment auprès de patientes hystériques. Il désigne le déplacement inconscient des émotions ou des relations associées à des figures parentales ou infantiles sur une autre personne, ici le psychanalyste. Freud a d’abord perçu le transfert comme un obstacle, avant de réaliser qu’il pouvait être utilisé comme un levier thérapeutique essentiel. Dans la pratique, le transfert se manifeste dans les interactions entre le patient et le psychologue : par exemple, un patient peut se montrer méfiant, séducteur ou même immature. Ces comportements, verbaux ou non verbaux, révèlent des éléments de son psychisme qu’il projette sur le clinicien. En réponse, Freud a élaboré la notion de contre-transfert, qui correspond aux réactions inconscientes du psychologue envers son patient. Ces réactions, influencées par l’histoire personnelle du clinicien, peuvent interférer avec le processus thérapeutique si elles ne sont pas reconnues et élaborées. Ces phénomènes sont souvent identifiés après coup, entre les séances, grâce au travail de supervision. Il existe également des ressentis conscients du psychologue, appelés contre-attitudes, qui se traduisent par des impressions ou des émotions ressenties en présence du patient (malaise, fascination, irritation, etc.). Ces contre-attitudes peuvent aussi refléter la vie psychique du patient et doivent être analysées avec précaution pour éviter toute projection du psychologue sur le patient. La supervision : un outil essentiel. Pour gérer les complexités liées au transfert et au contre-transfert, ainsi que pour développer un regard critique sur ses pratiques, le psychologue clinicien recourt à la supervision. Ce processus consiste à échanger avec un professionnel expérimenté, formé à cette pratique, afin d’analyser les situations rencontrées en consultation.La supervision permet au clinicien de prendre du recul sur ses prises en charge, de mieux comprendre les dynamiques psychiques à l’œuvre et d’affiner ses méthodes d’observation. En s’appuyant sur cet accompagnement, le psychologue peut éviter les projections personnelles et améliorer sa compréhension de la vie psychique de ses patients. La supervision est ainsi un pilier fondamental de la pratique clinique. Psychologie clinique Cm 14 octobre 2024 ……………………… Chapitre 3 : L’observation clinique. 5.observation du bébé 5.L’observation chez le bébé. Introduction à l’observation clinique du bébé. L’observation du bébé constitue un cas particulier de l’observation clinique, qui requiert une sensibilité accrue et une méthodologie rigoureuse. Cette pratique s’appuie sur des connaissances théoriques en développement cognitif, affectif et moteur, ainsi que sur une capacité d’attention et d’analyse sans jugement. Deux auteurs, Emmi Pickler et Esther Bick, ont développé des méthodologies spécifiques pour affiner l’observation des bébés dans un cadre clinique et pédagogique. Emmi Pikler et l’observation fine du bébé 1. Biographie et contexte Pédiatre hongroise, elle élabore dans les années 1930 une méthode d’observation fine, principalement appliquée à la pouponnière Loczy de Budapest pour les orphelins de guerre. 2. Principes fondamentaux Rencontrer l’enfant réel : Observer pour comprendre l’enfant tel qu’il est, sans projeter d’interprétations ou de jugements. Jeu libre : La préservation du jeu libre est essentielle pour respecter l’autonomie et la spontanéité de l’enfant. Observation sans interprétation : Une observation rigoureuse consiste à noter des faits, comme un “film”, sans émettre d’hypothèses ou d’émotions personnelles. 3. Méthodologie Pickler insiste sur une observation active et empathique, invitant à “penser à la place de l’enfant” pour comprendre son ressenti, tout en restant conscient des biais de projection. Elle encourage les soignants à s’identifier à l’enfant pour affiner leur compréhension. Esther Bick et la méthode de la tabula rasa 1. Biographie et contexte Psychanalyste d’origine polonaise, elle développe sa méthode dans les années 1950 à la clinique Tavistock de Londres. 2. Objectifs de sa méthode Principalement conçue comme un outil de formation pour les psychanalystes et les professionnels de la petite enfance, cette méthode cherche à affiner l’observation et la différenciation entre faits et interprétations. 3. Méthodologie en trois temps Observation pure (tabula rasa) : Adopter une posture de neutralité et d’ouverture, en “oubliant” ses savoirs préalables pour se concentrer uniquement sur l’instant observé. Non-interférence : Minimiser les effets de l’observation sur l’enfant en évitant toute interaction ou prise de notes directe. Compte rendu et supervision : Après l’observation, rédiger un compte rendu détaillé, incluant faits et ressentis, puis discuter en groupe sous supervision pour analyser la dynamique de l’observation. 4. Applications cliniques Initialement utilisée pour la formation, cette méthode s’est élargie à des domaines comme la médecine néonatale, l’observation mère-bébé et la protection maternelle et infantile. Synthèse : Pickler et Bick, des approches complémentaires Pickler met l’accent sur la rencontre avec l’enfant réel, favorisant une approche empathique et centrée sur le jeu libre. Bick, quant à elle, privilégie une méthodologie structurée pour former des observateurs capables de différencier observation et interprétation, tout en intégrant leurs ressentis dans une analyse supervisée. Réflexion et mise en pratique En cours, la vidéo d’un bébé de 11 mois avec sa boîte sert d’exercice pratique pour expérimenter ces méthodologies. Les étudiants sont invités à noter leurs observations, différencier les faits des interprétations, et analyser leur propre posture d’observateur. La révision de cette vidéo, après avoir acquis des connaissances sur Pickler et Bick, permet d’affiner leur perception et leur compréhension de l’observation clinique. Partie complémentaire: Psychologie clinique 4 novembre 2024 ……………………… Chapitre 1 : L’entretien clinique, éléments d’introduction 1. La question de ’entretien clinique 1.0.L’entretien clinique: une rencontre L’entretien clinique est une rencontre unique entre le psychologue et le patient, où la communication verbale et non verbale s’entrelace. Chaque entretien est singulier : il dépend de multiples facteurs comme le psychologue (formation, expérience), le patient (vécu, état émotionnel) et le contexte de la rencontre (cadre institutionnel ou privé). Bien qu’il puisse paraître simple à première vue, il s’agit d’un processus complexe nécessitant une formation théorique et pratique/une capacité d’adaptation et une remise en question constante. L’objectif principal est de recueillir des informations sur le patient de manière holistique (couvrant toutes les dimensions de son expérience) pour comprendre, diagnostiquer, ou apporter une aide. Exemple pratique : un psychologue peut recueillir des informations sur les difficultés actuelles d’un patient, mais également sur son passé, ses envies ou ses craintes pour l’avenir. 1.1.Les différents types d’entretien. De manière schématique, on peut distinguer trois types d’entretiens cliniques: directif, non directif et semi-directif. Ces trois formes s’inscrivent sur un continuum, où les entretiens directifs et non directifs constituent les deux pôles extrêmes. L’entretien directif L’entretien directif est basé sur un système de questions-réponses mené par le psychologue. Ce type d’entretien vise à recueillir des informations précises et à limiter les digressions. Les questions posées peuvent être ouvertes (ex. : “Comment allez-vous ?”) ou fermées (ex. : “Ça va ?”). Les questions fermées, qui appellent des réponses simples comme oui ou non, sont plus fréquentes dans ce type d’entretien. Utilisation : Début de prise en charge, pour recueillir des données précises. Évaluations ou expertises spécifiques, comme dans le cadre de soupçons de troubles cognitifs (ex. : maladie d’Alzheimer). Situations où le patient a peu de capacités d’élaboration (difficultés à réfléchir ou à faire un travail introspectif). L’entretien non directif A priori, l’entretien non directif ne requiert aucune intervention active de la part du psychologue. Le patient est libre d’aborder les sujets qu’il souhaite. Dans ce cadre, le psychologue intervient de manière minimale, en se limitant à quelques relances ou acquiescements subtils. L’entretien semi-directif L’entretien semi-directif se situe entre les deux pôles. Le psychologue pose des questions ouvertes, sur des thématiques larges, tout en laissant une grande liberté au patient. Ce type d’entretien permet au psychologue d’orienter le propos tout en restant flexible. Il peut rediriger la conversation si le patient s’éloigne trop du sujet ou poser des questions pour approfondir certaines thématiques. Conclusion Les entretiens cliniques peuvent varier en fonction du moment de la thérapie, du patient, ou du thérapeute. En pratique, ils représentent un subtil dosage d’interventions plus ou moins directives. Il est donc courant de voir des alternances entre ces styles au cours d’un même entretien clinique. Partie complémentaire: Psychologie clinique 4 novembre 2024 ……………………… Chapitre 1 : L’entretien clinique, éléments d’introduction 1. Types d’intervention 1.2. Les différents types d’intervention Importance de l’écoute et de la présence L’écoute et la présence ne sont pas des interventions verbales, mais elles forment le socle de la relation thérapeutique.Le psychologue doit veiller à ce que ses interventions servent l’écoute et l’échange, et s’abstenir si elles risquent de nuire à ces objectifs. Types d’interventions verbales a) L’entame Manière de débuter l’entretien, influencée par le contexte (lieu, type de consultation, etc.). Éviter les formules standardisées (« Je vous écoute ») et favoriser des amorces adaptées, comme : « Qu’est-ce qui vous amène ici ? » ou une référence à un entretien précédent pour assurer une continuité. b) La reprise Reprendre les derniers mots du patient ou exprimer un étonnement (« Ah bon ? ») pour relancer le discours ou clarifier un propos confus. c) La recherche informative Nécessaire pour recueillir des informations précises dans un cadre diagnostique ou d’évaluation. Rester subtil pour éviter de transformer l’entretien en interrogatoire. Exemple : « Vous êtes donc deux dans la fratrie ? ». d) La relance Stimule l’expression du patient lorsque celui-ci est en panne ou trop volubile. Le psychologue utilise son intuition et son tact pour recentrer le discours. e) La ponctuation Courtes interventions verbales ou non verbales (« Oui », « mm mm ») qui signalent une écoute active et invitent le patient à poursuivre. f) La reformulation Réduire, de manière concise et explicite, ce que le patient a exprimé pour vérifier la compréhension mutuelle et favoriser l’élaboration de ses pensées. g) L’interprétation (ou hypothèse interprétative) Propose une nouvelle vision au patient, souvent pour explorer les liens entre des éléments actuels et passés. Doit être utilisée avec prudence, au moment opportun, pour éviter de provoquer des résistances. Gestion des silences Silence du psychologue : permet au patient d’occuper l’espace de parole. Silence du patient : peut refléter une réflexion, une douleur, ou une difficulté à s’exprimer. Le psychologue peut intervenir avec des hypothèses interprétatives pour aider le patient à verbaliser ce qu’il ressent. Respect des mécanismes de défense Les mécanismes de défense sont des processus (souvent inconscients) qui permettent au patient de maintenir son équilibre psychique face à l’adversité. Le psychologue doit respecter la temporalité et les résistances du patient, sans imposer des interprétations prématurées. Le symptôme comme communication Le symptôme est une forme de communication qui révèle une part de la vie psychique du patient. L’objectif thérapeutique est de comprendre ce que le symptôme cherche à signifier, en respectant le rythme et les capacités du patient. 1.3. Une relation asymétrique. L’entretien clinique, en tant que relation professionnelle, se distingue par son asymétrie. Ce type de relation ne repose pas sur un échange personnel ou équitable, mais sur une rencontre où le psychologue est spécifiquement formé pour accompagner et guider le patient dans un cadre structuré. Une relation professionnelle et formalisée Le psychologue ne reçoit pas des personnes qu’il connaît dans un cadre personnel. Il intervient en tant que professionnel, disposant de savoirs théoriques, pratiques et relationnels, qui orientent son approche. La relation s’inscrit autour d’objectifs définis avec le patient, en fonction des besoins et des problématiques exprimées lors des séances. Les savoirs et le supposé “pouvoir” L’asymétrie se manifeste notamment par la disparité des savoirs. Le psychologue dispose de connaissances spécifiques en psychologie clinique, que le patient ne possède généralement pas. Cela peut engendrer un fantasme de pouvoir attribué au psychologue, renforcé par l’attente fréquente des patients de trouver chez ce dernier une solution immédiate et définitive à leurs problèmes. Cependant, le psychologue doit rester vigilant face à ce rôle de “sujet supposé savoir”, un concept développé par Lacan. Il ne doit ni se laisser enfermer dans cette position omnipotente ni tomber dans une posture d’ignorance. Le véritable travail consiste à accompagner le patient dans une démarche de co-construction, où ce dernier devient acteur de son processus thérapeutique. L’importance de l’équilibre Le psychologue doit donc trouver un juste milieu entre l’affirmation de ses compétences, qui instaure une confiance nécessaire à l’alliance thérapeutique, et l’humilité face à l’unicité de la réalité du patient. Ce dernier reste l’expert de sa propre expérience, et c’est ensemble, au fil des séances, que se construit le chemin vers une compréhension et un apaisement possibles. 1.4. La question de la demande. L’identification de la demande Un point central de l’entretien clinique réside dans la compréhension de la demande initiale. Cette demande peut être explicite ou implicite, verbalisée ou non, et provenir du patient lui-même ou d’un tiers (famille, médecin, institution, justice, etc.). Par exemple, un adolescent envoyé par ses parents ne formulera pas la même demande qu’un adulte consultant pour une dépression. Les spécificités des demandes imposées Lorsque la demande émane d’une contrainte extérieure, comme une injonction de soins judiciaire, le travail du psychologue devient plus complexe. Il doit ouvrir un espace de parole libre malgré le caractère imposé du cadre. Dans certains cas, le patient peut exploiter la situation, cherchant uniquement à obtenir une attestation de suivi. Décalages entre la demande et les observations cliniques Il est fréquent qu’un décalage existe entre la demande formulée par le patient et les problématiques sous-jacentes perçues par le psychologue. Par exemple, un homme consultant parce que sa femme menace de le quitter à cause de son alcoolisme peut minimiser sa consommation et focaliser sa demande sur la préservation de son couple. Dans ce type de situation, il s’agit pour le psychologue d’accompagner le patient dans une prise de conscience progressive, sans imposer frontalement un point de vue. La clarification de la demande Le rôle du psychologue consiste également à clarifier cette demande, à la verbaliser avec le patient et à évaluer si elle correspond à ses compétences. Cela permet d’ajuster le travail thérapeutique et, le cas échéant, de réorienter le patient vers un autre professionnel si nécessaire (orthophoniste, assistant social, etc.). Une écoute essentielle en situation d’urgence Dans des contextes de crise, comme une tentative de suicide, l’entretien clinique revêt un caractère d’urgence. La priorité n’est pas de proposer des solutions rapides, mais d’écouter et d’accueillir la souffrance du patient. Ce type de situation illustre bien l’importance de l’écoute et de la compréhension, au-delà de toute réponse immédiate. Partie complémentaire: Psychologie clinique 11 novembre 2024 ……………………… Chapitre 2 : Le cadre de l’entretien clinique et la posture du psychologue. 2. Le cadre de l'entretien clinique Le cadre de l’entretien clinique joue un rôle fondamental, car il définit les conditions nécessaires à une rencontre structurée et sécurisante entre le psychologue et le patient. Il s’agit de créer un espace propice à l’expression et à la réflexion, permettant au patient de se sentir à la fois content et soutenu. D’un point de vue général, le cadre peut être défini comme une délimitation, qu’elle soit matérielle ou symbolique. Il détermine les frontières entre ce qui appartient à l’entretien et ce qui n’en fait pas partie, offrant ainsi un repère essentiel. Ce cadre n’est pas seulement spatial ou temporel : il est également porteur de sens et constitue un ancrage permettant de structurer la situation. Dans le cadre clinique, il se décline en plusieurs niveaux : le cadre externe, qui concerne les éléments concrets comme le lieu, le temps et les règles, et d’autres aspects plus implicites. 2.1. Le cadre externe. Le cadre externe regroupe les aspects matériels et temporels de l’entretien clinique : Le lieu de l’entretien La configuration du bureau ou de l’espace où se déroule l’échange influence directement l’atmosphère et les possibilités d’interaction. La disposition des fauteuils, le confort des sièges, ou encore la présence de mouchoirs peuvent encourager ou limiter certains processus psychiques. Par exemple, un fauteuil confortable incite davantage à la détente et à la confiance qu’une chaise rigide. La délimitation spatiale et symbolique L’existence d’une porte marque la frontière entre l’intérieur de l’entretien et l’extérieur, comme la salle d’attente ou le couloir. Cela rappelle que l’entretien est une parenthèse dans le quotidien, un espace distinct où le patient peut se dévoiler en toute sécurité. Le temps de l’entretien L’entretien clinique a une durée prédéfinie, généralement de 45 minutes dans le cadre libéral. Cette constance temporelle constitue un repère pour le patient, lui permettant de savoir qu’un moment potentiellement douloureux prendra fin. Le psychologue, garant de la durée, peut ainsi structurer l’échange et préparer la fin de l’entretien en veillant à laisser le patient dans un état émotionnel équilibré. Enfin, le cadre externe englobe également des aspects contractuels, comme les modalités de paiement, les tarifs ou encore la fréquence des séances. 2.2. Le cadre interne. Le cadre interne est propre à chaque psychologue et correspond à la manière dont il se représente subjectivement la situation clinique et sa posture professionnelle. Il repose sur l’intégration des savoirs théoriques, des savoir-faire et des savoir-être acquis lors de la formation académique, de l’expérience de terrain et souvent d’un travail personnel avec un psychologue. Le cadre interne complète le cadre externe et devient essentiel lorsque ce dernier est affaibli. Par exemple, dans des contextes où les ressources matérielles sont limitées (changement de bureau dans certaines structures, travail avec des personnes sans domicile fixe), le cadre interne peut compenser ces insuffisances pour offrir une sécurité et une contenance psychologique au patient. Cette posture clinique se traduit par la disponibilité, l’écoute active, et l’adaptation du psychologue à des conditions parfois précaires, comme des entretiens dans la rue ou via téléconsultation. Le cadre interne est également renforcé par des principes éthiques et déontologiques, qui guident la pratique au-delà des contextes matériels. 2.3. Le cadre déontologique. Le cadre déontologique est défini par le Code de déontologie des psychologues, élaboré en 1996 et régulièrement amendé, qui encadre les droits et devoirs liés à la pratique. Il repose sur six principes fondamentaux: Respect des droits de la personne Le psychologue respecte la dignité, la liberté et la vie privée des individus. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé, préserve le secret professionnel, et ne force jamais une personne à révéler des informations personnelles. Compétence Le psychologue s’appuie sur ses connaissances théoriques et méthodologiques validées par une formation académique (Licence et Master 2), qu’il met à jour régulièrement. Il reconnaît les limites de ses compétences et réoriente si nécessaire. Responsabilité et autonomie Le psychologue est responsable de ses choix méthodologiques et de leurs applications, tout en distinguant clairement ses différentes fonctions et rôles professionnels. Rigueur Les interventions doivent être fondées sur des justifications théoriques solides et expliquées de manière transparente. Le psychologue est conscient des limites de son travail. Intégrité et probité Le psychologue s’abstient d’exploiter la relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, politiques ou idéologiques. La relation reste strictement professionnelle. Respect du but assigné Les interventions et dispositifs répondent exclusivement aux objectifs définis avec le patient, en évitant toute instrumentalisation par des tiers. Par exemple, un bilan psychologique doit répondre uniquement aux besoins du patient et non à d’autres intérêts externes. Souplesse et attaques du cadre Le cadre clinique, bien que structurant, doit parfois s’adapter à des situations exceptionnelles ou des contraintes extérieures. Par exemple, la crise sanitaire liée au COVID-19 a entraîné des attaques au cadre : Port du masque : Ce geste barrière a modifié la dynamique de l’entretien en réduisant la perception des expressions faciales. Téléconsultations : Le confinement a rendu impossible les consultations en présentiel, poussant les psychologues à utiliser des outils numériques pour maintenir le suivi des patients. Ces exemples montrent la nécessité pour le psychologue de réinterroger constamment son cadre, afin de retrouver des limites et une contenance même dans des contextes altérés.

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