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Université Paris-Panthéon-Assas
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PARTIE 1 – L'ACTION ﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏ L'un des titres du Code de procédure civile (CPC) est intitulé L'action : articles 30 à 32-1. ✱ Qu'est-ce que l'action ? L'article 30 en donne une définition. Tout individu possède un droit d'action. Cela ne signifie pas que le dr...
PARTIE 1 – L'ACTION ﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏ L'un des titres du Code de procédure civile (CPC) est intitulé L'action : articles 30 à 32-1. ✱ Qu'est-ce que l'action ? L'article 30 en donne une définition. Tout individu possède un droit d'action. Cela ne signifie pas que le droit à réparation est toujours dû, c'est au juge d'en juger, on l'appelle le droit substantiel. Le droit d'action, c'est le droit d'agir en justice, cela signifie qu'un individu a droit de saisir le juge pour tenter d'obtenir la réparation d'un préjudice qu'il estime avoir subi. Avoir une action, c'est donc avoir le droit de saisir un juge, de former une prétention, et d'obtenir un jugement sur le fond de cette prétention, mais pas le gain de cause – c'est seulement le cas si l'individu a le droit substantiel qu'il invoque. ﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏ TITRE 1 – LA NOTION D'ACTION ﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏ Il est difficile de dégager exactement ce que recouvre la notion d'action. On n'est toujours pas parvenu à une définition qui satisfasse tout le monde. L'article 30 en donne une, inspirée de la pensée d'Henri Motulsky : « L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention. » On peut dire ce que l'action n'est pas, et ce qu'elle est d'après Henri Motulsky. ﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏﹏ CHAPITRE 1 – CE QUE L'ACTION N'EST PAS L'action doit être nettement distinguée des notions de droit substantiel et de demande en justice. SECTION 1 – LA DISTINCTION DE L'ACTION ET DU DROIT SUBSTANTIEL « L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. » L'action est le droit d'être entendu par le juge sur le fond d'une prétention. La prétention, en droit civil, est l'objet de la demande, l'avantage que l'on souhaite obtenir. Le fond de la prétention, ce sont les éléments qui relèvent du droit substantiel qui permettent de savoir si cette prétention est justifiée ou non. Il s'agit donc de ce qui fonde la prétention. Être entendu, cela signifie que le juge va entendre l'individu pour décider si oui ou non il est bien fondé en sa prétention. À l'issue de son examen du fond de la prétention, le juge va décider si elle est bien fondée ou mal fondée. S'il estime qu'il y a effectivement une faute qui a causé un préjudice, il estimera que le droit substantiel invoqué existe. L'action, c'est donc un droit à ce que le juge examine la prétention et la déclare fondée ou non, et déclare l'individu titulaire ou non du droit substantiel qu'il invoque. L'action et le droit substantiel ne sont donc pas la même chose. Pour les auteurs de l'article 30, l'action et le droit substantiel sont deux droits autonomes l'un de l'autre. La doctrine classique du 19e et du 20e siècle comptait 4 conditions d'existence de l'action : L'intérêt ; La qualité ; La capacité pour agir ; Le droit, c'est-à-dire le droit substantiel Aujourd'hui, seuls l'intérêt et la qualité perdurent comme conditions d'existence de l'action. Mais à l'époque, il fallait avoir le droit substantiel pour pouvoir saisir le juge. L'action n'était donc pas un droit en elle-même, mais un aspect du droit substantiel, l'aspect qui permettait de défendre le droit substantiel en justice. C'est ce que voulait dire Demolombe lorsqu'il déclarait « L'action, c'est le droit lui-même [substantiel], mis en mouvement ; c'est le droit à l'état d'action au lieu d'être à l'état de repos, le droit à l'état de guerre au lieu d'être à l'état de paix ». On peut avoir un droit substantiel. Parfois, on n'en fait rien, il est à l'état de paix, parfois il est contrarié, on le défend, il devient à l'état de guerre. En réalité, cette conception procédait d'une confusion qui a été dénoncée par la doctrine au début du XXe siècle, en particulier par Henri Vizioz, notamment dans un article de 1927. ✱ Pourquoi était-ce une confusion ? Dans les ouvrages, on avance plusieurs arguments : on avance qu'il y a des droits subjectifs substantiels qui ne peuvent pas être défendus par une action, et qu'inversement il y a des actions qui n'ont pas pour objet de défendre un droit substantiel. Un argument logique central suffit à lui-même cependant. L'action, c'est le droit d'obtenir du juge qu'il statue au fond sur la prétention. Donc si on a l'action, on a droit à ce que le juge examine la demande, c'est-à-dire à ce qu'il dise si le droit substantiel invoqué existe ou non. Donc si on estime que l'existence de l'action est subordonnée à l'existence de ce droit substantiel, on aboutit à un cercle vicieux. On demande dans cette conception au juge si un droit substantiel existe, alors même que c'est ce droit substantiel qui autorise l'accès au juge. On voit d'ailleurs bien que l'on peut avoir le droit d'action sans avoir le droit substantiel, puisque le juge peut débouter d'une demande. Quelques éléments terminologiques : ✱ Si le demandeur est titulaire d'un droit d'action, donc si l'action existe, on dit que la demande est recevable. ✱ Si le défendeur veut contester l'existence de l'action, et donc la recevabilité de la demande, il devra soulever un moyen de défense appelé fin de non-recevoir. ✱ Si l'action n'existe pas, la demande est irrecevable, et est rejetée comme telle. ✱ Si le demandeur est titulaire du droit substantiel qu'il invoque, que ce droit substantiel existe, on dit que la demande est bien fondée. ✱ Le défendeur qui veut contester l'existence du droit substantiel devra soulever un moyen de défense appelé défense au fond. ✱ Si le droit substantiel n'existe pas, la demande est mal fondée. Le juge rejettera la demande, on dit aussi qu'il déboute le demandeur de sa demande. La différence entre recevabilité et bien-fondé de la demande, et entre fin de non-recevoir et défense au fond, est la traduction technique de la distinction théorique entre le droit d'action et le droit substantiel. Le juge, lorsqu'il estime que la demande doit d'être rejetée, doit faire attention à déterminer exactement pourquoi la demande doit être rejetée. Il doit identifier ce qui fait défaut : le droit d'action ou le droit substantiel. Régulièrement, les juridictions du fond se trompent. Elles constatent que le demandeur ne démontre pas l'existence de son droit substantiel, et en déduisent qu'il n'a pas d'intérêt pour agir, et qu'il n'a donc pas de droit d'action, et déclarent la demande irrecevable. Ce raisonnement est faux. L'intérêt pour agir n'a aucun rapport avec la chance de succès : il s'agit de savoir si, en cas de gain de cause, l'individu obtiendrait un avantage personnel. Donc, quand le demandeur ne démontre pas l'existence d'un droit substantiel, les juridictions devraient déterminer que sur le fond, il ne démontre pas l'existence du droit substantiel qu'il invoque, et pas qu'il n'a pas d'intérêt à agir. ✱ Quel est l'enjeu de la détermination exacte du motif de rejet de la demande ? Cet enjeu est pratique. Selon que c'est le défaut du droit d'action, ou le défaut du droit substantiel qui est invoqué par le défendeur, ce n'est pas le même moyen de défense qu'il faudra soulever : tantôt une fin de non-recevoir, tantôt une défense au fond. Chacun de ces moyens de défense est soumis à un régime propre, certes assez proches, mais différents. Il faut donc distinguer recevabilité et bien-fondé de la demande. SECTION 2 – LA DISTINCTION DE L'ACTION ET DE LA DEMANDE EN JUSTICE « L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention ». Si l'action est un droit pour l'auteur d'une prétention, c'est que c'est un droit qui lui appartient, dont il est titulaire. L'auteur d'une prétention est celui qui forme la prétention, c'est-à-dire le demandeur. C'est celui qui accomplit l'acte juridique qui consiste à présenter la prétention au juge, acte juridique qui s'appelle la demande en justice. La demande en justice, c'est donc l'acte au moyen duquel est exercée l'action. Il y a donc deux choses différentes : L'action, ou droit d'action, qui est un droit virtuel qui existe chez son titulaire avant même qu'il l'exerce ; La demande, qui n'est pas un droit mais un acte juridique, dont l'objet est d'exercer ce droit d'action. La demande permet donc de concrétiser ce droit d'action virtuel. C'est grâce à cet acte que le juge sera effectivement obligé d'examiner la prétention au fond Contrairement à la distinction de l'action et du droit substantiel qui est admise par tous les auteurs aujourd'hui, la distinction de l'action et de la demande en justice est contestée par certains auteurs. Il n'y a toutefois pas d'enjeu pratique à ce débat. La demande est un acte juridique, et plus précisément un acte de procédure. En tant que telle, la demande est soumise aux règles du CPC qui prescrivent des conditions de validité. Il y a deux types de conditions de validité d'un acte de procédure : Conditions de fond : le demandeur doit avoir capacité pour agir, ou que le représentant du demandeur doit avoir un pouvoir de représentation du demandeur ; Conditions de forme, qui impliquent que, selon la juridiction saisie, l'acte de procédure devra prendre une certaine forme qui devra comporter des mentions obligatoires Si l'une de ces conditions de validité fait défaut, la demande est susceptible d'être annulée, auquel cas elle sera rejetée parce qu'elle aura été annulée. Pour en arriver là, le défendeur devra contester la validité de la demande en soulevant un autre moyen de défense appelé exception de nullité d'un acte de procédure, soit pour vice de forme, soit pour vice de fond. L'exception de nullité d'un acte de procédure appartient à la catégorie des exceptions de procédure. Il y a donc trois moyens de défense : Les fins de non-recevoir ; La défense au fond ; Les exceptions de procédure : catégorie qui comprend plusieurs types de moyens de contester au sens très large la régularité de la procédure. On inclut non seulement la régularité des actes de procédure, mais également la compétence du juge. L'exception d'incompétence est une autre exception de procédure. Pour récapituler, si le demandeur est bien titulaire d'un droit d'action, la demande est recevable. Si le demandeur peut démontrer l'existence du droit substantiel qu'il invoque, sa demande est bien fondée. Si le demandeur a respecté les conditions de régularité de la procédure au sens très large, le juge saisi sera compétent, la demande sera valable, etc.. Cette trilogie trouve son pendant dans les trois types de moyens de défense à la disposition du défendeur : la fin de non-recevoir, la défense au fond, les exceptions de procédure. Mais attention, il ne faudrait pas penser que le demandeur doit démontrer qu'il a bien saisi le juge compétent en respectant les conditions de validité des actes de procédure, qu'il a intérêt et qualité pour agir donc qu'il est titulaire d'un droit d'action, et qu'il est titulaire du droit substantiel qu'il invoque. En réalité, il doit seulement démontrer être titulaire du droit substantiel qu'il invoque. Le reste est présumé et n'occasionnera un débat que si le défendeur conteste l'une de ces conditions, ou si le juge relève d'office un problème de cet ordre dans les cas où il a le pouvoir de les relever d'office. La plupart du temps, le débat se situera exclusivement sur le fond du droit, c'est-à-dire un problème de droit substantiel. CHAPITRE 2 – CE QUE L'ACTION EST C'est le droit d'obtenir un jugement sur le fond afin que le juge dise si la prétention est bien ou mal fondée. On va tenter de préciser la nature du droit d'action, ses titulaires, et ses caractères. SECTION 1 – LA NATURE DE L'ACTION Pour Henri Motulsky, le droit à l'action était un droit subjectif de nature personnelle, c'est-à-dire qu'un lien juridique s'établissait entre le juge et les parties. Ce lien était un lien d'obligation. Dès qu'une partie était titulaire du droit d'action, elle avait un droit à obliger le juge à statuer au fond. En quelque sorte, selon lui, la partie est créancière, et le juge débiteur. Cette analyse n'est pas partagée par beaucoup d'auteurs aujourd'hui, parce que même si tous sont d'accord pour estimer que le juge a l'obligation de statuer au fond, tous ne sont pas d'accord pour considérer qu'il est le débiteur de la partie. On peut estimer que l'arbitre est débiteur vis-à-vis des parties parce qu'elles lui ont confié dans un contrat la mission de statuer au fond sur les prétentions, mais le juge, s'il est obligé de statuer au fond, c'est parce que c'est sa fonction, et non une dette qu'il a envers le demandeur. Les auteurs proposent donc d'autres qualifications. Un grand nombre considère qu'il s'agit d'un droit subjectif, mais pas un droit personnel. D'autres estiment qu'il ne s'agit pas d'un droit subjectif, mais une prérogative générale, ou encore un lien virtuel entre deux personnes, une possibilité, ou encore un concept sui generis. Plus radicalement, certains considèrent que l'action n'existe pas et est une notion inutile. SECTION 2 – LES TITULAIRES DE L'ACTION « Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de la prétention. » L'article 30 postule une symétrie parfaite entre les positions du demandeur et du défendeur. Le demandeur doit être titulaire d'une action pour que le juge examine le bien-fondé de sa demande, et le défendeur doit être titulaire d'une action pour que le juge statue au fond sur ses moyens de défense. Si on estime que le défendeur doit aussi avoir un droit d'action, lui aussi va devoir réunir les conditions de recevabilité du droit d'action (intérêt pour agir, qualité). Mais ce n'est pas le cas, rien n'est exigé du défendeur, du simple fait de sa position de défense : les droits de la défense l'imposent. Il est vrai cependant qu'un autre article du CPC semble exiger que le défendeur ait aussi intérêt et qualité pour agir en qualité de défendeur : l'article 31. « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ». Il faut donc avoir un intérêt au rejet d'une prétention ou pour la combattre. C'est le défendeur qui est visé par l'exigence de l'intérêt et de la qualité de l'article 31. Exemple : Un assuré a subi un sinistre et souhaite obtenir l'indemnisation auquel il a droit au titre du contrat d'assurance. Au lieu d'agir contre l'assureur, il se trompe et agit contre le courtier qui lui répond qu'il n'a pas assigné la bonne personne, et qu'il n'a pas qualité pour être défendeur. Pour autant, il pourra se défendre, mais en réalité c'est la demande qui sera déclarée irrecevable. L'article 32 du CPC dispose ainsi que « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ». Si on assigne un défendeur qui n'a pas qualité pour être défendeur, la demande est irrecevable. La qualité du défendeur est donc une autre condition de recevabilité de la demande. Pour le code, le défendeur doit aussi avoir un droit d'action (article 30, alinéa 2), et s'il ne l'a pas, c'est le demandeur qui est sanctionné. En réalité, c'est une raison qui relève du droit substantiel. Néanmoins, les articles 31 et 32 traitent cette situation comme un défaut de qualité du défendeur, et donc comme une fin de non-recevoir qui va conduire à l'irrecevabilité de la demande. Tout le CPC est construit autour de cette idée de Motulsky de bilatéralisation du droit d'action. Motulsky considérait aussi qu'il y avait des actes d'exercice de l'action du demandeur, les demandes en justice, mais aussi des actes d'exercice de l'action du défendeur, que sont les moyens de défense. On va donc considérer que le défendeur exerce également un droit d'action lorsqu'il présente ses moyens de défense. SECTION 3 – LES CARACTÈRES DE L'ACTION L'action est facultative et libre. I. L'action est facultative Le titulaire d'un droit d'action peut librement décider de l'exercer ou de ne pas l'exercer. Ce caractère facultatif a une valeur constitutionnelle depuis une décision du CC du 25 juillet 1989. II. L'action est libre Le plaideur qui exerce une action ne peut pas voir sa responsabilité engagée du fait de cette action, et ce même s'il perd son procès. Bref, il n'y a pas de faute à agir en justice, à tenter d'obtenir gain de cause. Il y a une exception à cette immunité posée par l'article 32-1 qui sanctionne l'abus du droit d'agir. C'est une application de la théorie de l'abus du droit. « Celui qui agit de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3000€, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés. » Puisque le CPC est construit sur l'idée que le défendeur exerce aussi un droit d'action lorsqu'il se défend, il existe également un abus du droit d'action du défendeur lorsqu'il se défend de manière dilatoire ou abusive, ce que l'on appelle la résistance abusive. En application de l'article 32-1, le demandeur peut demander à ce que le défendeur soit condamné à lui verser des dommages et intérêts pour résistance abusive.