PSYCHOLOGIE DYNAMIQUE - PSY4141 - Module 1 : Fondements philosophiques et épistémologiques de la psychanalyse PDF
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Ce document présente les fondements philosophiques et épistémologiques de la psychanalyse, explorant les idées et les influences des penseurs clés sur ce domaine. Il aborde des concepts importants tels que la conscience, l'inconscient, et la dynamique des relations humaines.
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PSYCHOLOGIE DYNAMIQUE PSY4141 Module 1 : Fondements philosophiques et épistémologiques de la psychanalyse « Le Dr Charcot à la Salpêtrière » (1887), peinture d’André Brouillet 2 Aussi étonnant que cela puisse paraître, Sigmund Freud n’est pas le premier à avoir fait mention de l’inconscient, e...
PSYCHOLOGIE DYNAMIQUE PSY4141 Module 1 : Fondements philosophiques et épistémologiques de la psychanalyse « Le Dr Charcot à la Salpêtrière » (1887), peinture d’André Brouillet 2 Aussi étonnant que cela puisse paraître, Sigmund Freud n’est pas le premier à avoir fait mention de l’inconscient, et il n’est pas non plus l’inventeur du terme « psychanalyse » Quant à la thérapie par la parole, bien que son essor fut favorisé par la popularité de la psychanalyse, elle existe depuis bien plus longtemps que cette dernière 3 Quelques mots sur la préhistoire plus ou moins lointaine de la psychanalyse 4 Antiphon (v. 480 av. J.-C. – v. 410 av. J.-C.) Un des dix grands orateurs attiques Philosophe de l’école des sophistes Partisan de l’hédonisme Condamné à mort pour avoir défendu l’aristocratie au détriment de la démocratie Développa a) une cure par la parole, b) une méthode d’interprétation des rêves, c) une morale de la joie 5 Au fil des siècles, plusieurs philosophes ont théorisé sur les forces Inconscientes… 6 Quelques précurseurs de la psychanalyse Baruch Spinoza (1632-1677) Affirma que l’être humain est incapable de libre-arbitre Situa le désir (conatus) comme essence fondamentale de l’humain Sa conception de la morale choqua les autorités religieuses « Benedictus de Spinoza » (v. 1665), date et auteur inconnus 7 Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646-1716) Rejeta la conception empiriste de l’esprit Développa la « monadologie » Formula la « loi de la continuité » « Gottfried Wilhelm von Leibniz » (1696), peinture de Christoph Bernhard Francke 8 Immanuel Kant (1724-1804) Plaça l’être humain (et la raison) au centre de son système philosophique Kant reconnaissait l’existence d’une réalité objective, mais celle-ci ne peut pas être connue directement ; tout ce qu’on peut connaître est la représentation subjective de cette réalité Noumène : Réalité objective, chose en soi Phénomène : Représentation (à l’esprit) de la chose en soi « Immanuel Kant » (v. 1790), La moralité reposerait sur l’ « impératif catégorique », portrait anonyme un principe rationnel fondée sur l’intention 9 Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) Conception matérialiste et immanente Connaissance insécable : chaque élément doit être étudié en considérant les liens avec les autres éléments Importance du « processus dialectique » : thèse-antithèse- synthèse « Georg Wilhelm Friedrich Hegel » (1831), peinture de Jakob Schlesinger 10 Les influences des contemporains de Sigmund Freud 11 De toutes les influences avouées et inavouées, insistons en particulier sur celles de Herbart, Schopenhauer, Fechner, Mach et Nietzsche, cinq penseurs germanophones imprégnés du Zeitgeist du 19e siècle, lequel se caractérisait par : Le déclin de la religion L’essor fulgurant de la science La psychologie de l’inconscient 12 Johann Friedrich Herbart (1776-1841) Philosophe post-kantien, considéré comme le fondateur de la pédagogie Suggéra l’existence d’un seuil au-dessus duquel toute idée est consciente et en-dessous duquel toute idée est inconsciente Dans son modèle conflictuel de l’esprit, seules deux idées compatibles peuvent coexister dans la conscience Freud lui emprunta la notion d’énergie psychique « Johann Friedrich Herbart » (année inconnue), gravure de Konrad Geyer 13 Arthur Schopenhauer (1788-1860) Reconnut l’opposition entre les pulsions positives (intellectuelles, rationnelles) et les pulsions négatives (animales) Volonté et vouloir-vivre La perception de nos tendances irrationnelles est source de souffrance Fit mention du refoulement des idées indésirables « Arthur Schopenhauer » (1859), photographie de Johann Schäfer 14 Gustav Theodor Fechner (1801-1887) Adepte de Spinoza, il croyait qu’on ne pouvait séparer la conscience de la matière Élabora la loi de Weber-Fechner Énonça le principe de stabilité Compara l’esprit à un iceberg : plus grosse part est inconsciente; la plus petite part – celle émergée – est consciente « Gustav Theodor Fechner » (année inconnue), photographie d’un auteur inconnu 15 Ernst Mach (1838-1916) Aucune place à la spéculation métaphysique dans les études scientifiques ; la tâche du scientifique est de décrire en termes mathématiques les relations entre les sensations Affirma que l’expérience du monde physique ne pouvait se faire directement Un des pionniers du positivisme logique « Ernst Mach » (1902), gravure de H. F. Jütte 16 Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844-1900) Fit valoir l’idiosyncrasie de tout système philosophique Conception athéiste, matérialiste, immanente et déterministe La conscience n’est pas une cause; elle est causée Exposa la conflictualité entre les forces conscientes et inconscientes (opposition entre les aspects apollinien et dionysiaque) À travers la critique qu’il fit de la morale et sa notion de Surhumain (Übermensch), Nietzsche aborda « Friedrich Nietzsche » (v. 1875), photographie indirectement l’emprise du Surmoi sur le Moi de Friedrich Hermann Hartmann 17 Parmi les autres influences Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) : le but de la vie consisterait à intégrer diverses forces opposées et conflictuelles Charles Darwin (1809-1882) : rôle des instincts, humain = animal Hermann von Helmholtz (1821-1894) : concept de la conservation de l’énergie (comprise comme une propriété du monde biologique) Ernst Haeckel (1834-1919) : théorie récapitulationniste selon laquelle l’ontogenèse reprend la phylogenèse Eduard von Hartmann (1842-1906) : auteur de la Philosophie de l’inconscient 18 Mentors qui eurent un impact direct Ernst Brücke (1819-1892) : médecin physiologiste qui soutint Freud dans sa carrière scientifique, l’encouragea dans ses travaux et le fit nommer « Privatdozent » Franz Brentano (1838-1917) : professeur de Freud à l’institut de médecine Jean-Martin Charcot (1825-1893) : médecin qui utilisa l’hypnose pour lever les symptômes de patientes hystériques Josef Breuer (1842-1925) : inventa le terme « psychanalyse » et élabora la méthode cathartique avec la participation de Freud Wilhelm Fliess (1858-1928) : médecin ORL qui, à travers sa correspondance avec Freud, aida ce dernier à élaborer les bases de sa conception 19 La psychanalyse s’inscrit donc dans une longue tradition philosophique aux embranchements multiples Comme bien d’autres disciplines scientifiques du 19e siècle, elle appartient au paradigme évolutionniste Voyons dès lors les principaux postulats de la psychanalyse freudienne 20 Principaux postulats de la psychanalyse 21 Le monisme épistémologique À l’époque de Freud, il y a opposition épistémologique, un dualisme, entre l’explication et la compréhension : L’explication se fait par l’étude de lois naturelles ; les sciences qui suivent une « démarche naturaliste » sont donc nomothétiques en ce sens qu’elles visent à décrire les lois qui permettent de prédire La compréhension est herméneutique, c’est-à-dire fondée sur l’interprétation ; les sciences qui suivent une « démarche culturaliste » sont donc idiosyncrasiques en ce sens qu’elles visent à comprendre l’objet dans sa singularité Or, Freud renonce à situer la psychanalyse en fonction de cette dichotomie et conçoit la psychanalyse comme « science de la nature », bien qu’elle ne soit pas expérimentale Ainsi, pour Freud, l’interprétation est une explication 22 La psychanalyse se veut donc « science (de la nature) interprétative, c’est-à-dire qu’elle cherche à conférer un sens aux contenus psychiques et aux comportements, ceux-là étant compris comme réductibles à des processus physiques et chimiques Étant donné, le rejet du dualisme épistémologique, la révision effectuée au moyen de l’expérience clinique (qui relève donc à la base de la méthode de validation « herméneutique ») prend la valeur d’une vérification expérimentale Rappelons que, d’après plusieurs épistémologues (dont Dilthey), une interprétation constitue nécessairement une « explication non légaliste » : plutôt que de s’appuyer sur des lois physiques, l’interprétation prend assise sur des construits élaborés et sans cesse révisés 23 Le physicalisme Ce postulat découle du précédent : le rejet du dualisme entre « sciences naturelles » (explicatives) et « sciences humaines » (compréhensives) mène au rejet de la dichotomie traditionnelle entre corps et esprit L’esprit (= psychisme) est ni distinct par essence, ni émergent ; il est corporel c’est-à-dire réductible à des phénomènes physiques et chimiques Freud adhère donc au serment physicaliste prêté dans les années 1840 par la triade Helmoltz – Brücke – Du Bois-Reymond En somme, la psychanalyse est une conception matérialiste 24 À l’instar de John Stuart Mill (qu’il traduisit), Freud conçoit le psychisme comme un système chimique; les motions pulsionnelles sont les éléments qui forment des complexes symptomatiques – les syndromes Le travail « psych-analytique » consiste donc bel et bien à « décomposer » le psychisme 25 L’agnosticisme Par « agnosticisme », on fait ici référence à la limite de la connaissance Selon Du Bois-Reymond, physiologiste et recteur de la Faculté de Berlin, la connaissance de la nature est limitée de deux façons : Par le problème du « lien entre la matière et la force » et de l’essence respective de la force et de la matière Par le problème de la conscience quant à son rapport avec les conditions matérielles et le mouvement 26 Par la suite, Du Bois-Reymond reformula le tout en déclinant l’ignorance en sept figures : (a) la nature de la matière (b) l’origine du mouvement (c) l’origine de la vie (d) la finalité apparente de la nature (e) l’apparition de la sensation et de la conscience (f) la question de la raison, de la pensée et du langage (g) l’énigme éthico-mathématique du libre-arbitre 27 Une psychologie conforme à la science de la nature renonce par conséquent aux spéculations métaphysiques quant à l’essence (immatérielle) de l’âme À la métaphysique, Freud substitut un arrière-plan des phénomènes conscients – c’est-à-dire la métapsychologie, laquelle se résume en trois points de vue : Dynamique Économique Topique 28 Le (sur)déterminisme inconscient Les conduites humaines sont déterminées par l’Inconscient Toutes nos expériences actuelles – actions, représentations – ont leur source dans nos expériences antérieures Ces expériences antérieures, en bonne part « oubliées », ont un effet dynamique potentiel sur nos expériences présentes 29 Le désir sexuel comme moteur fondamental La sexualité est constitutive de l’expérience corporelle et la sensorialité est présente avant la naissance L’assouvissement des besoins physiologiques est intriqué à la sexualité Le désir tant à s’accomplir en rétablissant les signes liés aux premières expériences de satisfaction En ce sens, tout rêve est l’actualisation d’un désir 30 La répétition Les conduites humaines sont fondées sur la répétition Dans nos relations avec les autres, il y a transfert de ce qui a été (et de ce qui est encore) significatif La répétition signe la présence d’un conflit sous-jacent dans la quête de satisfaction 31 Il serait possible de détailler la conception freudienne en un plus grand nombre de postulats afin de rendre compte de l’ensemble des théories postulées au fil des ans Mais pour l’essentiel, les postulats qui nous venons de présenter constituent le cadre fondamental de la pensée freudienne 32 Conclusion 33 Par rapport au positionnement philosophiques et épistémologiques de la psychanalyse, insistons sur les points suivants Rejet de l’immatérialité, de la transcendance et de tout ce qui évoque le paradigme chrétien : l’être humain est matière biologique et l’ensemble des phénomènes psychiques sont physiologiques et ont leur source dans l’inconscient La psychanalyse s’inscrit dans le paradigme évolutionniste et se réclame d’appartenir aux sciences dites naturelles, et ce, bien qu’elle soit interprétative 34 En somme, comment définir la psychanalyse? « Psychanalyse est le nom : 1) d’un procédé d’investigation des processus psychiques, qui autrement sont à peine accessibles; 2) d’une méthode de traitement des troubles névrotiques, qui se fonde sur cette investigation; 3) d’une série de conceptions psychologiques acquises par ce moyen et qui fusionnent progressivement en une discipline scientifique nouvelle. » (Dictionnaire international de la psychanalyse, 2002) 35 Que retient-on au terme de cet exposé? 36 RÉFÉRENCES Assoun, P.-L. (1981). Introduction à l’épistémologie freudienne. Payot Cybulska, E. (2015). Freud’s burden of debt to Nietzsche and Schopenhauer. Indo-Pacific Journal of Phenomenology, 15(2), 1-15. DOI: http://dx.doi.org/10.1080/20797222.2015.1101836 De Mijolla, A. (2002). Dictionnaire international de la psychanalyse. Calmann-Lévy / Hachette. Hergenhahn, B. R., & Henley, T. B. (2016). Introduction à l’histoire de la psychologie (2 e édition). Modulo. Laplanche, J. et Pontalis, J.-B. (1967). Vocabulaire de la psychanalyse (8e édition). PUF, 2007. 37 Onfray, M. (2005). L’archipel pré-chrétien. De Leucippe à Épicure 1 : Contre-histoire de la philosophie 1.1. [Livre audio]. Frémeaux & Associés. Roudinesco, É. et Plon, M. (1997). Dictionnaire de la psychanalyse. Fayard. Soler, L. (2009). Introduction à l’épistémologie. Paris : Ellipses. 38