Le journal intime Ch2 PDF
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Le journal intime est un récit personnel d'une jeune fille, qui raconte ses journées et ses pensées. Elle parle de ses rencontres, de ses décisions et de ses réflexions. Dans le récit, on retrouve des dialogues avec des personnages de son entourage.
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Dimanche dernier, j'ai trouvé un journal intime dans mon bureau. Maman me l'avait donné quand j'étais petite, l'année dernière. Sur la couverture, il y a des papillons qui volent autour d'un petit chat qui essaie de les attraper. Ce que j'aime le plus, c'est le cadenas qui ferme le journal, avec un...
Dimanche dernier, j'ai trouvé un journal intime dans mon bureau. Maman me l'avait donné quand j'étais petite, l'année dernière. Sur la couverture, il y a des papillons qui volent autour d'un petit chat qui essaie de les attraper. Ce que j'aime le plus, c'est le cadenas qui ferme le journal, avec une petite clé dorée que je n'ai pas perdue. C'est comme un cahier, mais avec une couverture en carton, ça ressemble à un livre vide qu'il faut remplir. Moi, j'ai décidé que plus tard, je serai écrivain. Alors, j'ai eu envie de commencer tout de suite. Si Scarlett était là, elle dirait : « Enfin, Lulu, on dit écrivaine, pas écrivain. Tu es une fille, oui ou non ? Donc tu seras écrivaine. » Scarlett aime toujours donner son avis. Mais moi, je n'aime pas ce mot. Et c'est moi qui décide. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques Alors que j'étais assise par terre, contre mon lit, avec mon futur premier livre dans les mains, Victor est entré dans ma chambre. - Lulu, je m'ennuie. Viens jouer avec moi ! - Laisse-moi tranquille, Victor, j'ai répondu. Je pense à ce que je veux faire de ma vie. - Moi, j'ai plein de vies sur ma console. Je peux en gaspiller deux ou trois. Heureusement, il est sorti avant que je ne lui lance quelque chose. J'ai ouvert le journal, j'ai sauté la première page pour ne pas qu'il voie, et avec mon stylo turquoise, j'ai écrit : « Je m'appelle Lucrèce. » Puis j'ai remis le capuchon sur le stylo et j'ai commencé à réfléchir sérieusement. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques Quand je pense, c'est toujours à quelque chose de précis. Par exemple, un problème de maths, un modèle de baskets ou le parfum de glace que je vais choisir. Mais penser comme ça, sans sujet particulier, juste à ce que je vais écrire dans mon journal intime, c'est très compliqué. La sonnette a sonné en bas, trois coups rapides. Et puis, la porte d'entrée a claqué. Ça, c'est Scarlett. C'est dimanche et elle s'ennuie. Scarlett me fait penser à un enfant, ou à une adulte qui a oublié qu'elle a déjà été enfant. - Lulu ? Chérie ? Georges ? Victor ? Vous êtes là ? C'est typique de Scarlett ! Elle appelle tout le monde en espérant qu'il y a quelqu'un qui va répondre. C'est un peu comme si elle secouait un pommier pour faire tomber une pomme. - Je suis dans ma chambre, Scarlett, monte ! Je connais bien le bruit de ses talons. Elle était très élégante, comme si elle allait à l'opéra. - Heureusement que tu es là, ma Lulu. Sans toi, je serais restée à la porte ! a dit ma grand-mère en posant son renard sur mon lit. - Scarlett, tu as tes clés. Donc, même si la maison était vide, ça ne changeait rien. Elle s'est assise à mon bureau et a vu la petite clé dorée. - Oh, Lulu ! Ta mère avait un journal intime aussi, quand elle avait ton âge. - Ah bon ? Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques - Bien sûr ! Et tu sais quoi ? Elle écrivait très bien ! - Parce que tu l'as lu ? - Évidemment ! a dit Scarlett. Et sans rien demander, elle a commencé à feuilleter mon journal. Heureusement, il n'y avait rien dedans, mais je le lui ai pris tout de suite. - Arrête ça tout de suite, Scarlett ! j'ai dit, très fâchée. - À mon époque, on n'avait pas de secrets pour ses parents et tout le monde allait bien, a répondu ma grand-mère. - Mais Scarlett, qu'aurait dit maman si elle avait su que tu lisais son journal intime? - Rien ! Quand je le lui ai offert, elle a jeté le cadenas en disant que, si elle écrivait quelque chose, c'était pour que ce soit lu, pas pour le cacher. Je n'ai pas eu le temps de lui dire que les secrets de maman, surtout quand elle avait mon âge, ne la regardaient pas. Elle était déjà dans l'escalier, oubliant son renard que Madonna regardait d'un air méfiant. Ma grand-mère est un peu folle, tout le monde le sait. Je me suis assise à nouveau par terre, et j'ai recommencé à réfléchir. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques C'est compliqué d'écrire, en fait. Soit je raconte ce que j'ai fait aujourd'hui et c'est moins intéressant que les livres que je lis, soit j'invente une histoire complètement imaginaire, et ça, c'est très difficile. J'ai souvent essayé sur un cahier et je n'ai jamais réussi à écrire plus de deux pages. Finalement, en me concentrant, je me suis endormie. Ce sont les trois coups de sonnette de Scarlett et le bruit de ses talons qui m'ont réveillée. - J'ai oublié Igor, elle a dit en entrant dans ma chambre. (Igor, c'est comme ça qu'elle appelle son renard.) Tu dormais, Lulu ? Et si tu me lisais ce que tu as écrit ? Je pourrais te donner des conseils ! - Scarlett ! Ce que j'écris ne te regarde pas. Tu n'as qu'à t'acheter un journal intime, comme ça tu pourras relire tes secrets ! Franchement, ma grand-mère exagère. - Lulu ! Scarlett ! Vous êtes là ? a crié une voix en bas. C'était maman. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques Elle est entrée dans ma chambre et a vu le cahier que je tenais contre mon cœur. - C'est celui que je t'ai offert l'année dernière ? Super ! Je suis si contente que tu aies un journal, ma Lulu. Tu peux tout raconter à ton journal intime, même tes secrets. Moi, j'en ai eu un quand j'étais petite. J'ai écrit dedans pendant au moins une année. - Ah oui ? Et tu écrivais quoi ? j'ai demandé, curieuse. - Des secrets, justement ! Mais j'étais tranquille, chez moi, personne ne l'aurait lu. N'est-ce pas, maman ? Je voyais bien que Scarlett n'était pas à l'aise. Elle avait remis son renard et faisait semblant de s'intéresser à Madonna. - Bon, je vais vous laisser, mes chéries. On m'attend pour un gin-rami. Quand Scarlett parle de gin-rami, Georges dit toujours que le rami est en option. Je ne comprends pas bien ce qu'il veut dire, mais ça fait beaucoup rire maman. Scarlett est partie. On entendait ses talons qui claquaient plus vite que d'habitude dans l'escalier. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques Maman est restée un peu dans ma chambre. J'aime bien ces moments-là. On parle de tout et de rien, on s'observe, on se donne des conseils... enfin, surtout moi. - Tu ne devrais pas mettre ce pantalon, maman. Il te grossit. - Tu crois ? Quand elle est sortie, j'ai pensé à Scarlett. Non seulement elle avait trahi maman, mais en plus, elle m'avait fait complice en me le disant. J'ai ouvert mon journal et j'ai écrit : « J'ai le cafard. Je sais que ma grand-mère lisait le journal intime de ma mère à mon âge et j'aurais préféré ne pas le savoir. » C'est tout. Je n'avais rien d'autre à écrire. J'ai compris que, quand on veut inventer des histoires, ce n'est pas bien d'avoir des choses qui nous dérangent. Il faut pouvoir se concentrer sur ses rêves et sur les mots qu'on veut écrire. J'ai pris soin de fermer le petit cadenas et de ranger mon journal dans ma bibliothèque, entre mon cochon et mon crochet vert et rose que j'adore et le livre que je lis. Puis, pour me changer les idées, j'ai téléphoné à Aline. On est allées faire un tour à vélo. En rentrant, je me suis précipitée dans ma chambre pour vérifier que personne n'avait touché à mon journal. J'ai relu ce que j'avais écrit et je n'ai rien ajouté. J'avais encore un peu le cafard. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques Le dimanche, c'est Georges qui prépare le dîner. Le reste de la semaine aussi, mais c'est juste pour aider maman, pas parce qu'il l'a décidé. Tous les dimanches, Scarlett vient dîner. Le reste de la semaine, elle est là très souvent, mais à l'écouter, elle ne fait que passer. - Ne vous dérangez pas pour moi, mes chéris, je passe vite ! Et Georges répond toujours : - Scarlett, ce n'est plus un coup de vent, c'est le mistral qui s'installe. D'habitude, j'aime bien que ma grand-mère soit là, mais ce soir-là, je lui lançais des regards noirs. Je n'avais toujours pas digéré ce qu'elle m'avait dit. - Tu es contrariée, Lulu ? - Mais pas du tout, Scarlett. Je ne vois pas pourquoi tu dis ça. - Je ne sais pas, une intuition... Maman s'est tournée vers Georges. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques - Lucrèce écrit un journal. Tu ne trouves pas ça super ? - Je veux être écrivain plus tard, j'ai dit fièrement. - Écrivaine, ma chérie, écrivaine, a corrigé Scarlett. Elle a parfois des obsessions qui me font rire. Maman a dit : - Moi aussi, j'avais un journal quand j'étais petite. Quand j'écrivais, même si le monde s'écroulait, rien ne pouvait me distraire. - C'est parce que l'électricité n'existait pas et que donc tu ne pouvais pas recharger ta tablette, a dit Victor en riant. Maman a répondu qu'il ne fallait pas exagérer, elle avait moins de cent quarante ans, tout de même. - Ce qui est bien avec ton journal à toi, Lulu, a-t-elle ajouté, c'est qu'il ferme à clé. Et personne ne peut venir voir ce qui ne regarde que toi. Maman regardait sa mère avec un drôle d'air en disant ça. - Il n'avait pas de clé, ton journal à toi ? j'ai demandé à maman. - Figure-toi que non. Quand Scarlett me l'a offert, elle avait perdu la clé. Heureusement que je lui faisais confiance. Jamais elle n'aurait lu mes secrets. - Ja-mais, a dit Scarlett en détachant les syllabes. - De toute façon, a continué maman, dans mon journal, je n'écrivais rien de très important. Les notes que j'avais, des appréciations sur mes professeurs... Tout tournait autour de l'école. - Mais pas du tout, s'est exclamée Scarlett. Tu parlais déjà du métier d'avocat que tu voulais faire ! - Avocate, Scarlett, avocate, j'ai dit en riant. Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques - Mais comment tu sais ça, maman ? s'est étonnée maman en fronçant les sourcils. Scarlett a alors regardé sa montre et a crié. - Quoi ? Déjà si tard ? Quelle horreur ! Et vous qui travaillez tous demain ! À bientôt, mes poussins ! Et, en prenant son renard, son manteau, elle est partie encore plus vite que Victor quand il ne veut pas débarrasser la table. J'ai profité de son départ pour m'éclipser, moi aussi. Il y a des jours où, si Scarlett est le mistral, maman est le mégot. Je n'avais pas envie de voir la garrigue s'enflammer ! Ce soir-là, maman est venue s'asseoir sur mon lit comme quand j'étais petite. Elle m'a caressé les cheveux et m'a dit : - Tu sais, ma Lulu, j'ai toujours su que Scarlett lisait mon journal. J'en profitais pour lui faire passer des messages : une soirée où j'avais envie d'aller, une robe qui me plaisait... Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques - Finalement, tu te servais d'elle ! Je n'en revenais pas qu'elle ait su pour Scarlett et la ruse qu'elle avait utilisée. - Mais je compte sur toi, ça reste entre nous, a dit maman avec un petit sourire. - Ne t'inquiète pas, maman. - Dors bien, ma Lulu. - Toi aussi, maman. J'ai attendu qu'elle éteigne la lumière du couloir. Puis j'ai pris mon journal, mon stylo turquoise et j'ai commencé une nouvelle page. « Je m'appelle Lucrèce, j'ai écrit, et j'ai vu les baskets de mes rêves dans le magasin en face du collège. Celui à côté de la boulangerie, pas l'autre. Elles sont noires et bleues, avec des lacets gris. Ah ! ma pointure : je fais déjà du trente- sept. » Tafakorepars Centre d’Etudes et de Recherches Linguistiques